21/09/2013
C'est que l'ordre est une bonne chose et nous en avons beaucoup manqué
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« On parle beaucoup d'ordre, en ce moment. C'est que l'ordre est une bonne chose et nous en avons beaucoup manqué. A vrai dire, les hommes de notre génération ne l'ont jamais connu et ils en ont une sorte de nostalgie qui leur ferait faire beaucoup d'imprudences s'ils n'avaient pas en même temps la certitude que l'ordre doit se confon-dre avec la vérité. Cela les rend un peu méfiants, et délicats, sur les échantillons d'ordre qu'on leur propose.
Car l'ordre est aussi une notion obscure. Il en est de plusieurs sortes. Il y a celui qui continue de régner à Varsovie, il y a celui qui cache le désordre et celui, cher à Goethe, qui s'oppose à la justice. Il y a encore cet ordre supérieur des cœurs et des consciences qui s'appelle l'amour et cet ordre sanglant, où l'homme se nie lui-même, et qui prend ses pouvoirs dans la haine. Nous voudrions bien dans tout cela distinguer le bon ordre.
De toute évidence, celui dont on parle aujourd'hui est l'ordre so-cial. Mais l'ordre social, est-ce seulement la tranquillité des rues ? Cela n'est pas sûr. Car enfin, nous avons tous eu l'impression, pendant ces déchirantes journées d'août, que l'ordre commençait justement avec les premiers coups de feu de l'insurrection. Sous leur visage désordonné, les révolutions portent avec elles un principe d'ordre. Ce principe régnera si la révolution est totale. Mais lorsqu'elles avortent, ou s'arrêtent en chemin, c'est un grand désordre monotone qui s'ins-taure pour beaucoup d'années.
L'ordre, est-ce du moins l'unité du gouvernement ? Il est certain qu'on ne saurait s'en passer. Mais le Reich allemand avait réalisé cette unité dont nous ne pouvons pas dire pourtant qu'elle ait donné à l'Al-lemagne son ordre véritable.
Peut-être la simple considération de la conduite individuelle nous aiderait-elle. Quand dit-on qu'un homme a mis sa vie en ordre ? Il faut pour cela qu'il se soit mis d'accord avec elle et qu'il ait conformé sa conduite à ce qu'il croit vrai. L'insurgé qui, dans le désordre de la pas-sion, meurt pour une idée qu'il a faite sienne, est en réalité un homme d'ordre parce qu'il a ordonné toute sa conduite à un principe qui lui parait évident. Mais on ne pourra jamais nous faire considérer comme un homme d'ordre ce privilégié qui fait ses trois repas par jour pendant toute une vie, qui a sa fortune en valeurs sûres, mais qui rentre chez lui quand il y a du bruit dans la rue. Il est seulement un homme de peur et d'épargne. Et si l'ordre français devait être celui de la prudence et de la sécheresse de cœur, nous serions tentés d'y voir le pire désordre, puisque, par indifférence, il autoriserait toutes les injustices.
De tout cela, nous pouvons tirer qu'il n'y a pas d'ordre sans équilibre et sans accord. Pour l'ordre social, ce sera un équilibre entre le gouvernement et ses gouvernés. Et cet accord doit se faire au nom d'un principe supérieur. Ce principe, pour nous, est la justice. Il n'y a pas d'ordre sans justice et l'ordre idéal des peuples réside dans leur bonheur.
Le résultat, c'est qu’on ne peut invoquer la nécessité de l'ordre pour imposer des volontés. Car on prend ainsi le problème à l'envers. Il ne faut pas seulement exiger l'ordre pour bien gouverner, il faut bien gouverner pour réaliser le seul ordre qui ait du sens. Ce n'est pas l'or-dre qui renforce la justice, c’est la justice qui donne sa certitude à l'ordre.
Personne autant que nous ne peut désirer cet ordre supérieur où, dans une nation en paix avec elle-même et avec son destin, chacun aura sa part de travail et de loisirs, où l'ouvrier pourra œuvrer sans amertume et sans envie, où l'artiste pourra créer sans être tourmenté par le malheur de l'homme, où chaque être enfin pourra réfléchir, dans le silence du cœur, à sa propre condition.
Nous n'avons aucun goût pervers pour ce monde de violence et de bruit, où le meilleur de nous-mêmes s'épuise dans une lutte désespérée. Mais puisque la partie est engagée, nous croyons qu'il faut la mener à son terme. Nous croyons ainsi qu'il est un ordre dont nous ne voulons pas parce qu'il consacrerait notre démission et la fin de l'espoir humain. C'est pourquoi, si profondément décidés que nous soyons à aider à la fondation d'un ordre enfin juste, il faut savoir aussi que nous sommes déterminés à rejeter pour toujours la célèbre phrase d'un faux grand homme et à déclarer que nous préférerons éternellement le désordre à l'injustice. »
Albert Camus, (Combat, 12 octobre 1944), repris dans "Morale et Politique III", in "Actuelles I - Ecrits Politiques (Chroniques 1944/1948)"
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Il n'y aura plus de temps...
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« Dans ces instants rapides comme l’éclair, le sentiment de la vie et la conscience se décuplaient pour ainsi dire en lui. Son esprit et son cœur s’illuminaient d’une clarté intense ; toutes ses émotions, tous ses doutes, toutes ses inquiétudes se calmaient à la fois pour se convertir en une souveraine sérénité, faite de joie lumineuse, d’harmonie et d’espérance, à la faveur de laquelle sa raison se haussait jusqu’à la compréhension des causes finales...
Ces instants, pour les définir d’un mot, se caractérisaient par une fulguration de la conscience, et par une suprême exaltation de l’émotion subjective.
À cette seconde – avait-il déclaré un jour à Rogojine quand ils se voyaient à Moscou – j’ai entrevu le sens de cette singulière expression : il n’y aura plus de temps. »
Fiodor Dostoïevski, L'Idiot
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La relation au monde sera privatisée
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« La relation au monde sera privatisée, l’homme numérique gagnera sur les programmes : il verra ce qu’il veut, il fera ce qu’il veut de ce qu’il voit. Et puis, au train où va l’intelligence, la critique des médias ravira au sens commun le statut de chose au monde la mieux partagée : aucun événement n’échappant au soupçon, aucune nouvelle imprévue ne viendra plus déranger personne. Trop médiologue pour se laisser avoir, trop clairvoyant pour en croire ses yeux, le cybernaute incrédule ne reconnaîtra que les faits qui conviennent à sa croyance. La pensée sera à l’abri du donné, et alors même que tous les parcours seront possibles et toutes les options autorisées dans l’univers fluide de l’image et du texte électroniques, toutes les idées découleront de prémisses irréfutables. Chacun aura sa lubie ou son hobby, les individus se regrouperont par marottes, et, superbe paradoxe médiologique, c’est à l’époque de la communication planétaire que l’entrecroisement de logiques rigoureusement étanches remplacera le dialogue entre les hommes. »
Alain Finkielkraut, Une Voix vient de l’autre rive
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20/09/2013
Les propagandistes de la nouvelle foi
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« La chasse est ouverte. Pour les scouts de la bonne pensée, pour le petit peuple des commentateurs, biographes, universitaires, journalistes d’investigation et fabricants de thèses, c’est devenu une occupation à temps complet. Ces gens désapprouvent la chasse réelle, mais ils raffolent du gibier symbolique. Tout homme illustre, entre leurs mains, peut devenir une bête aux abois. Le nouveau monde vertueux des louveteaux de la Vigilance a en horreur les écarts de conduite des individus d’exception. Ils les dénoncent en chaire. Ils les stigmatisent. Ce sont les propagandistes de la nouvelle foi. Mouchardage et cafardage sont leurs deux mamelles. »
Philippe Muray, Exorcismes spirituels I
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Et pendant cinq à dix minutes, chaque dimanche, je croyais en Dieu...
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« Je me revois surtout, bien des dimanches, assister à la messe, et cela pendant longtemps, dix ans, vingt ans peut-être, dans tous les domiciles parisiens où le hasard m’a conduit. Au milieu des assistances BCBG, voire carrément nobles du VIIe arrondissement ; au milieu des assistances presque exclusivement africaines du XXe ; avec tous ces gens, j’ai échangé un signe de paix au moment, prévu à cet effet, de la célébration. Et j’ai prié, enfin prié ? à quoi ou à qui pouvais-je penser je ne sais pas, mais j’ai essayé de me comporter de manière appropriée "au moment d’offrir le sacrifice de toute l’Eglise". Comme j’ai aimé, profondément aimé, ce magnifique rituel, perfectionné pendant des siècles, de la messe ! "Seigneur, je ne suis pas digne de te recevoir, mais dis seulement une parole, et je serai guéri." Oh oui, ces paroles entraient en moi, je les recevais directement, en plein cœur. Et pendant cinq à dix minutes, chaque dimanche, je croyais en Dieu ; et puis je ressortais de l’église, et tout s’évanouissait, très vite, en quelques minutes de marche dans les rues parisiennes. »
Michel Houellebecq à Bernard-Henri Lévy in Ennemis publics
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Tout ce qui nous est parvenu des fêtes de Phébus et de Pan se retrouve dans les fêtes de l’Église chrétienne
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« Il y a une seule chose dans le monde moderne qui se soit trouvée face à face avec le paganisme, il y a une seule chose dans le monde moderne qui ait, en ce sens, du paganisme une connaissance directe, c’est le christianisme. Ce fait est le point faible de tout ce néo-paganisme hédoniste dont j’ai parlé. Tout ce qui nous reste authentiquement des anciens hymnes ou des anciennes danses de l’Europe, tout ce qui nous est parvenu honnêtement des fêtes de Phébus et de Pan se retrouve dans les fêtes de l’Église chrétienne. Quiconque veut tenir l’extrémité de la chaîne qui remonte réellement aux mystères païens doit saisir une guirlande de fleurs à Pâques ou un chapelet de saucisses à Noël. Pour le reste, tout dans le monde moderne est d’origine chrétienne, tout, même ce qui nous paraît le plus antichrétien. La Révolution française est d’origine chrétienne. Le journal est d’origine chrétienne. Les anarchistes sont d’origine chrétienne. La science physique est d’origine chrétienne. Les attaques contre le christianisme sont d’origine chrétienne. Il y a une seule chose, une seule existant de nos jours, dont on puisse dire en toute vérité qu’elle est d’origine païenne, et c’est le christianisme. »
Gilbert Keith Chesterton, Hérétiques
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Un monde sans contours, un monde sans relief
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« (La famille)c’est un roman parce que c’est un coup de dés. C’est un roman parce qu’il mérite toutes les critiques de ses détracteurs. C’est un roman parce qu’il est arbitraire. C’est un roman parce qu’il existe bel et bien. Tant que vous avez des hommes choisis rationnellement, vous avez une atmosphère spéciale ou sectaire. C’est quand vous avez des hommes choisis irrationnellement que vous avec des hommes (...) Etre né sur terre, c’est être né dans un milieu peu agréable. Etre né sur terre, c’est être né dans un milieu peu agréable, et dés lors être né dans un roman. De toutes ces grandes limitations et de tous ces cadres qui façonnent et créent la poésie et la variété de la vie, la famille est la plus définie et la plus importante. C’est pourquoi elle est incomprise des modernes qui s’imaginent que le roman toucherait à sa perfection dans un état absolu de ce qu’ils appellent liberté. Ils croient que si un homme faisait un geste, ce serait un geste inouï et romanesque que le soleil tombe du ciel. Mais ce qui est inouï et romanesque au sujet du soleil c’est qu’il ne tombe pas du ciel. Ils cherchent sous toutes les formes un monde où il n’y aurait pas de limitation, c’est-à-dire un monde sans contours, un monde sans relief. Il n’y a rien de plus abjecte que cette infinité. »
Gilbert Keith Chesterton, Hérétiques
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19/09/2013
Notre voisin...
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« Nous nous faisons des amis ; nous nous faisons des ennemis ; mais c’est Dieu qui nous fait un voisin. Ainsi celui-ci nous arrive-t-il revêtu de toutes les terreurs impassibles de la nature ; il est aussi étrange que les étoiles, aussi indolent et indifférent que la pluie. Il est l’Homme, la plus terrible des bêtes. C’est pourquoi les anciennes religions, et l’ancien langage de l’Ecriture faisaient preuve d’une sagesse si clairvoyante quand ils parlaient, non pas de notre devoir envers l’humanité, mais de notre devoir envers notre prochain. Le devoir envers l’humanité peut souvent prendre la forme d’un choix personnel ou même agréable. Ce devoir peut être un passe-temps, et même une distraction (…) Nous pouvons lutter pour la paix internationale parce que nous sommes des fanatiques de la lutte. Le martyre le plus monstrueux, l’expérience la plus repoussante peuvent résulter d’un choix ou d’une espèce de goût (…) Nous pouvons aimer les nègres parce qu’ils sont noirs ou les socialistes allemands parce qu’ils sont pédants. Mais nous devons aimer notre voisin parce qu’il est là. »
Gilbert Keith Chesterton, Hérétiques
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L’individu typiquement moderne
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« Si nous étions demain matin bloqués par la neige dans la rue où nous habitons, nous accèderions soudain à un monde beaucoup plus vaste et beaucoup plus extravagant que celui que nous avons jamais connu. Tout l’effort de l’individu typiquement moderne consiste à s’échapper de la rue dans laquelle il vit. D’abord, il invente l’hygiène moderne et se rend à Margate. Ensuite, il invente la culture moderne et se rend à Florence. Puis il invente l’impérialisme moderne et part à Tombouctou. Il va jusqu’aux confins fantastiques de la terre. Il prétend chasser le tigre. Pour un peu, il se déplacerait à dos de chameau. Mais dans l’ensemble, il ne fait que fuir la rue où il est né, et il est toujours prêt à justifier cette fuite à sa manière. Il dit qu’il fuit sa rue parce qu’elle est triste : il ment. En réalité, il la fuit parce qu’elle est beaucoup trop passionnante. Elle est passionnante parce qu’elle est astreignante, et elle est astreignante parce qu’elle vit. Il peut visiter Venise parce que pour lui les Vénitiens ne sont que des Vénitiens, alors que les habitants de sa propre rue sont des hommes. »
Gilbert Keith Chesterton, Hérétiques
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Mettre un homme à l’aise, c’est le rendre le contraire de sociable
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« Quand Londres était plus petit et que ses quartiers étaient plus indépendants et attachés à une paroisse, le club était ce qu’il est encore dans les villages, le contraire de ce qu’il est devenu dans les grande villes. On appréciait alors le club comme un endroit où l’homme pouvait faire preuve de socialité. A mesure que notre civilisation s’étend et devient complexe, le club cesse d’être un endroit où un homme peut avoir une discussion bruyante, pour se transformer de plus en plus en un endroit où un homme peut, comme on le dit s’une manière assez extraordinaire, "manger un morceau en toute tranquillité". Son but est de mettre un homme à l’aise, et mettre un homme à l’aise, c’est le rendre le contraire de sociable. La sociabilité, comme le reste des bonnes choses, est pleine de désagréments, de dangers, et de sacrifices. Le club est propice à la plus décadente des combinaisons : l’anachorète voluptueux, l’homme chez qui se mêlent le sybaritisme de Lucullus et la solitude démente de Saint Siméon Stylite. »
Gilbert Keith Chesterton, Hérétiques
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18/09/2013
Leur étroitesse d’esprit est l’étroitesse d’une cohérence et d’une satisfaction spirituelle, comme il en existe en enfer
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« Dans toutes les sociétés humaines étendues et hautement civilisées se créent des groupes fondés sur ce qu’on appelle la sympathie, qui excluent plus brusquement le monde réel que les grilles d’un monastère. Il n’y a rien de véritablement étroit dans le clan ; ce qui est vraiment étroit c’est la clique. Les hommes d’un même clan vivent ensemble parce qu’ils portent le même kilt ou descendent de la même vache sacrée ; mais dans leurs âmes, en vertu du hasard divin des choses, il y aura toujours plus de couleurs que dans n’importe quel tissu écossais. Alors que les hommes d’une même clique vivent ensemble parce qu’ils ont le même genre d’âme, et leur étroitesse d’esprit est l’étroitesse d’une cohérence et d’une satisfaction spirituelle, comme il en existe en enfer. Une grande société existe afin de former des cliques. Une grande société est une société où l’on favorise l’étroitesse. C’est un mécanisme dont le but est de prémunir l’individu solitaire et sensible contre l’expérience des transactions amères et fortifiantes de l’humanité. C’est, au sens le plus littéral, une société pour la prévention de la connaissance chrétienne de l’humanité. »
Gilbert Keith Chesterton, Hérétiques
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Nous n'en faisions aucun cas
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« Objet de mépris, abandonné des hommes, homme de douleur, familier de la souffrance, comme quelqu'un devant qui on se voile la face, méprisé, nous n'en faisions aucun cas. Or ce sont nos souffrances qu'il portait et nos douleurs dont il était chargé. Et nous, nous le considérions comme puni, frappé par Dieu et humilié. Mais lui, il a été transpercé à cause de nos crimes, écrasé à cause de nos fautes. Le châtiment qui nous rend la paix est sur lui, et dans ses blessures nous trouvons la guérison. »
Sainte Bible, Isaïe 53,3-5
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"Dieu est mort", sa résurrection dépend de notre fidélité
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« Si Dieu semble avoir abandonné l'homme, si les apparences nous crient que "Dieu est mort", sa résurrection dépend de notre fidélité. A travers l'épaisseur du monde conquis par l'homme sur Dieu, j'entends l'appel silencieux, plus déchirant que tous les cris, du Père exilé de sa création : mon Fils, mon Fils pourquoi m'as-tu abandonné ? »
Gustave Thibon, Aux Ailes de la lettre, pensées inédites 1932-1982
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Les femmes sont étrangement simples, transparentes, pénétrables
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« Les femmes sont complexes... Mais non ! Elles sont étrangement simples, transparentes, pénétrables. Nos bras, en se refermant sur elles, les contiennent toutes, un baiser leur va jusqu'à l'âme. C'est nous qui compliquons les choses avec elles, et nous appelons cela leur complexité. La soi-disant complexité des femmes réside uniquement dans l'impuissance des hommes à saisir leur simplicité. »
Gustave Thibon, Ce que Dieu a uni
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17/09/2013
Le génie français est un génie facile, aisé, c’est un génie aristocratique
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« J’ai écrit, raconté très souvent les raisons qui m’ont poussé à tourner La Grande Illusion. Je voudrais ne pas me répéter, ces raisons évidemment étaient nombreuses. Il y en a une dont je n’ai peut-être jamais parlé, c’était mon désir de présenter des officiers français tels que je les avais connus lorsque j’étais dans l’armée avant et pendant 1914. Le style militaire a changé, beaucoup plus qu’on ne le croit. La façon dont un soldat, un officier se présente de nos jours n’a absolument aucun rapport avec la façon dont ce même soldat ou ce même officier se serait présenté il y a une trentaine d’années. D’ailleurs pas du tout dans le sens que l’on croit. Les gens se figurent que la tenue était plus rigoureuse, plus raide autrefois, mais c’était absolument le contraire. Il y a une espèce d’aisance qui, me semble-t-il, a disparu. Le mot, la phrase du règlement militaire sur laquelle les instructeurs militaires insistaient le plus, ce sont les mots "sans affection ni raideur". On le voit par exemple dans la façon dont on présente les armes. Qu’est-ce que ça signifie : "Présentez, armes !" ? Eh bien, ça veut dire qu’on présente son fusil ou sa carabine à un officier ou à un supérieur pour qu’il puisse voir s’il y a de la poussière dedans. Et s’il y a de la poussière, il vous flanque huit jours de prison. Voilà exactement ce que ça signifie, "Présentez, armes !" Et c’est devenu une espèce de symbole raidi et à mon avis ça n’a pas de sens. Ça correspond probablement à des idées extrêmement profondes, mais à mon avis celles-ci ne correspondent pas au génie français. Le génie français est un génie facile, aisé, c’est un génie aristocratique. Or cette nouvelle façon raide de se tenir, à mon avis, est plus plébéienne qu’aristocratique. »
Jean Renoir, Entretiens et propos
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Un total mépris de réalités manifestes et établies
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« L’affaire Mohamed Merah aidant, voici les “quartiers chauds” revenus au centre des débats de l’élection présidentielle. Sont-ils des pépinières à djihadistes ? Des couveuses pour bandits ? Alimentés par cent poncifs et idées reçues, les commentaires coulent à flots, issus de la culture de l’excuse, et véhiculés par nombre de journalistes et politiciens. Or, confronté aux faits et chiffres, ce catéchisme lacrymal a pour caractéristique majeure d’être entièrement et matériellement faux.
Rappel de la ritournelle des Diafoirus-sociologues : dans des “quartiers pauvres” et “territoires de relégation”, croupirait toute une “jeunesse abandonnée et méprisée”… “moins dangereuse qu’en danger”, des damnés de la terre condamnés à “une vie de galère” et ne recherchant finalement qu’“un peu d’attention et de reconnaissance”.
Observons d’abord que cette doctrine misérabiliste n’a absolument rien de marxiste, Karl Marx lui-même qualifiant férocement ce Lumpenproletariat (“prolétariat en haillons”) de “racailles”. On est là à mi-chemin entre le pire mélodrame hugolien et l’abbé Pierre du crépuscule – le tout dans un total mépris de réalités manifestes et établies. Qu’on en juge.
– Misère (entraînant et expliquant la révolte et la violence) ? faux ! D’après l’Insee, la Seine-Saint-Denis est le quinzième département le plus riche de France – compte non tenu, par définition, de l’économie souterraine qui l’irrigue. En y ajoutant les milliards de la drogue, le “9-3” est sans doute en réalité parmi les cinq départements les plus riches de France.
– Quels sont à l’inverse les plus pauvres ? L’Ariège (91e), le Cantal (92e) et la Creuse (96e). Ajoutons un taux de pauvreté de 19 % dans un tiers des départements ruraux de France métropolitaine – c’est-à-dire plus élevé que dans le “9-3”. Plus largement, souligne lumineusement le géographe Christophe Guilluy, « 85 % des ménages pauvres ne vivent pas dans les quartiers sensibles et… la majorité des chômeurs de longue durée se répartit sur l’ensemble du territoire ». Or, où brûlent les voitures ? Où tire-t-on à la kalachnikov sur les policiers ? Dans la Creuse ou en Seine-Saint-Denis ?
– Les pauvres “assignés à résidence”, dans de lointains territoires de relégation ? Archifaux, là encore ! À l’échelle du Bassin parisien dans son entier, la Seine-Saint-Denis est dans une position confortablement centrale, non dans une lointaine bordure – et dans les “zones urbaines sensibles” (Zus) de ce département, comme dans celles des autres de la région parisienne, la mobilité de la population est la plus élevée de France (taux de mobilité de 61 %, selon l’Observatoire national des Zus).
– Les quartiers sensibles représentent la jeunesse, la France rurale n’étant plus peuplée que de paysans âgés ? Faux ! Ces quartiers et cités ne rassemblent que 9 % de la jeunesse (l’Insee, toujours), la France périphérique au contraire (grande banlieue et villes-satellites des métropoles) abritant un jeune sur trois de 18-24 ans – et ce, avec un taux de criminalité fort bas.
Ajoutons que l’espace rural (18 % de la population métropolitaine, 11 millions d’habitants) compte désormais 32 % d’ouvriers, 27 % d’employés – et seulement 7 % d’agriculteurs… sans que nulle déprédation ou exaction ne s’y commette, ou presque.
Industrielle ou rurale, cette France périurbaine est celle des précaires, agriculteurs percevant les minima sociaux, ouvriers pauvres, travailleurs à temps partiel. Cette “France des plans sociaux” abrite les nouvelles classes populaires évincées des grandes métropoles (centre-ville et première couronne) – désormais fiefs de la bourgeoisie-bohème (“bobo”) et des immigrés récents. Or quoique victime de la recomposition sociale du territoire, cette France périphérique est calme. Malgré une pauvreté invisible, la délinquance y est rare et la criminalité, plutôt exceptionnelle.
Avec une insondable morgue, les journalistes “tendance bobo” dénigrent cependant cette France périphérique et sa “logique de repli”. Alors que, pour ces populations victimes de la mondialisation et de la prédation financière, il s’agit, tout au contraire, d’une demande de protection.
Or il est crucial de poser justement ce diagnostic, sans se laisser emporter par des lubies idéologiques ou par un sentimentalisme niais. Car, de même qu’on ne raisonne pas juste sur des figures fausses, on ne peut édifier de politique efficace sur des concepts erronés. Pourtant, c’est ce que l’on fait depuis trente ans sous le nom – déjà absurde – de “politique de la ville”. Comme de l’eau dans un trou, cette “politique” déverse des milliards d’euros dans des programmes immobiliers opaques et dans d’incontrôlables subventions : 550 millions d’euros en 2012 pour la politique de la ville ; 390 millions pour la “cohésion sociale et l’égalité des chances”, nom fort noble pour ce qui ressemble souvent à du racket ou du chantage à l’émeute. À la lumière des réalités que je viens d’énoncer, c’est cette politique-là, d’abord, qu’il faut revoir de fond en comble. Administré à partir d’un faux diagnostic, un médicament n’a aucune chance, jamais, de faire le moindre effet ! »
Xavier Raufer, Valeurs actuelles, 29 mars 2012
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L'attitude humanitaire est donc nécessairement le fait d'un hypocrite
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« Parce que Kipling s'identifie à la classe des officiels, il possède une chose qui fait presque toujours défaut aux esprits "éclairés" - et c'est le sens de la responsabilité. Les bourgeois de gauche le détestent presque autant pour cela que pour sa cruauté et sa vulgarité. Tous les partis de gauche dans les pays industrialisés reposent fondamentalement sur une hypocrisie, car ils affichent de combattre quelque chose dont, en profondeur, ils ne souhaitent pas la destruction. Ils ont des objectifs internationalistes, et en même temps ils sont bien décidés à maintenir un niveau de vie qui est incompatible avec ces objectifs. Nous vivons tous de l'exploitation des coolies asiatiques, et ceux d'entre nous qui sont "éclairés" soutiennent que ces coolies devraient être libérés ; mais notre niveau de vie et donc aussi notre capacité de développer des opinions "éclairées" exigent que le pillage continue. L'attitude humanitaire est donc nécessairement le fait d'un hypocrite, et c'est parce qu'il comprenait cette vérité que Kipling possédait ce pouvoir unique de créer des expressions qui frappent.
Il serait difficile de river le clou au pacifisme niais des Anglais en moins de mots que dans la phrase : "Vous vous moquez des uniformes qui veillent sur votre sommeil !" Kipling, il est vrai, ne comprenait pas les aspects économiques des relations entre l'élite intellectuelle et les vieilles culottes de peau ; il ne voyait pas que si le planisphère est peint en rose, c'est essentiellement afin de pouvoir exploiter le coolie. Au lieu de considérer le coolie, il ne voyait que le fonctionnaire du gouvernement indien, mais même sur ce plan là, il saisissait exactement le mécanisme des relations : qui protège qui. Il percevait clairement que, si certains peuvent être hautement civilisés, c'est seulement parce que d'autres, qui sont inévitablement moins civilisés, sont là pour les défendre et les nourrir. »
Georges Orwell, "Rudyard Kipling - Essai", in Œuvres complètes
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Le gouvernement légal
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Lors de la victoire aux élections Législatives du Cartel des Gauches, en 1924, le Maréchal Hubert Lyautey fut tenté par le coup d'état. Ce témoignage montre que sa visite à ses pairs afin de recevoir leur soutien moral pour l'action qu'il envisageait ne trouva pas l'approbation du... Maréchal Pétain qui, glacial, ne se réclamait que du pays légal.
Intéressant quant à la psychologie de celui qui allait collaborer pleinement avec l'occupant allemand seize ans plus tard en recevant les pleins pouvoirs par 569 parlementaires républicains, 80 ayant voté contre !
Car Pétain s'est toujours appuyé sur la légalité alors que la résistance s'est, d'entrée, retrouvée hors-la-loi et vue qualifiée de "terroriste".
« Dès l’avènement au pouvoir, en 1924, du Cartel des gauches, le maréchal Lyautey fut convaincu que le sort de son pays allait se jouer dans un avenir prochain et que l’heure était venue de changer la politique de la France. Cette conviction était non seulement partagée par son entourage, mais se traduisait dans de nombreuses lettres arrivant de France, notamment des milieux militaires, faisant appel au patriotisme du "gouverneur" et à son prestige pour tenter de redresser la situation par des moyens qui restaient à déterminer.
Emu par tous ces appels, le maréchal Lyautey mit à profit sa cure habituelle à Vichy pour venir prendre contact avec ses pairs. Bien décidé à agir, mais cependant ne voulant rien entreprendre sans avoir au préalable l’approbation et l’appui des grands chefs de l’armée. Dès son arrivée en France, sa première visite fut pour le maréchal Foch qu’il mit au courant de ses intentions. Non seulement celui-ci l’approuva, mais lui offrit son concours le plus complet. Lyautey répondit : "Je ne vous demande que votre approbation et le soutien de vos amis, car je puis échouer et il importe que votre prestige reste intact. Vous n’êtes pas seulement maréchal de France interallié. Vous êtes pour le pays une force en réserve dont je n’ai pas le droit d’user."
Le maréchal Foch s’inclina et promit son plus absolu concours dans le domaine où on le cantonnait.
La seconde visite fut pour le maréchal Franchet d’Esperey qui, adoptant immédiatement les idées de son interlocuteur, entendait jouer un rôle actif, dût-il être secondaire. Le maréchal Lyautey eut toutes les peines du monde à contraindre le maréchal Franchet d’Esperey à n’apporter qu’un appui moral, toujours pour ne pas compromettre les grands chefs de l’armée en cas d’échec.
La troisième visite fut pour le maréchal Fayolle qui, non seulement approuva les initiatives envisagées, mais assura son interlocuteur d’une sympathie qu’il ne pourrait mieux traduire qu’en intervenant auprès de ses amis dans le sens demandé.
La quatrième et dernière visite fut pour le maréchal Pétain. A l’exposé du "gouverneur", le vainqueur de Verdun opposa le mutisme le plus complet. Devant cette attitude, le maréchal Lyautey reprit toute son argumentation avec une énergie croissante mais le visage de son interlocuteur restait marmoréen. Vous me désapprouvez, trancha tout à coup le visiteur qui commençait à s’agacer de cette attitude. Parfaitement, répliqua le maréchal Pétain, rompant le silence pour la première fois. Dans une atmosphère de plus en plus tendue, le dialogue, enfin engagé, se poursuit : "Si demain je tentais de renverser le gouvernement avec l’approbation de l’armée et que Herriot fasse appel à vous, que faites-vous ?
- J’apporte mon concours à Herriot qui représente le gouvernement légal." »
Raymond Tournoux, Pétain et la France
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* Ce témoignage est extrait de la revue Histoire de notre temps (n°1. Plon). Il émane de M. Pierre Serment, membre de l’Académie des sciences, belles-lettres et arts de Rouen.
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16/09/2013
Le Principe...
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« Ces ouvriers ne servaient pas. Ils travaillaient. Ils avaient un honneur, absolu, comme c’est le propre d’un honneur. Il fallait qu’un bâton de chaise fût bien fait. C’était entendu. C’était un primat. Il ne fallait pas qu’il fût bien fait pour le salaire ou moyennant salaire. Il ne fallait pas qu’il fût bien fait pour le patron ni pour les connaisseurs ni pour les clients du patron. Il fallait qu’il fût bien fait lui-même, en lui-même, pour lui-même, dans son être-même. Une tradition, venue, montée du profond de la race, une histoire, un absolu, un honneur voulait que ce bâton de chaise fût bien fait. Toute partie, dans la chaise, qui ne se voyait pas, était exactement aussi parfaitement faite que ce qu’on voyait. C’est le principe même des cathédrales. »
Charles Péguy, L'Argent
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L’assouvissement des convoitises les plus malsaines et les plus déréglées
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« C’est notamment aux sommets de la société bourgeoise que l’assouvissement des convoitises les plus malsaines et les plus déréglées se déchaînait et entrait à chaque instant en conflit avec les lois bourgeoises elle-mêmes, car c’est là où la jouissance devient crapuleuse, là où l’or, la boue et le sang s’entremêlent, que tout naturellement la richesse provenant du jeu cherche sa satisfaction. L’aristocratie financière, dans son mode de gain comme dans ses jouissances, n’est pas autre chose que la résurrection du lumpen prolétariat dans les sommets de la société bourgeoise. »
Karl Marx, Les luttes des classes en France
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Le fascisme isolé est sûrement un poison. Mais une certaine dose de fascisme circule dans toute société qui se porte bien...
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« Tenez, encore un qui, tout sincèrement démocrate qu’il est, a été remué par certains accents du fascisme, ceux qui correspondent d’ailleurs à une vérité humaine : fatigue du bavardage, de la discorde professionnelle, besoin de créer, de construire, désir d’être un chef, petit ou grand, mais qui a une tâche devant lui, et derrière lui une équipe solide. Vous savez, Jerphanion, le vieux syndicaliste que je suis, tout en condamnant le fascisme comme un énorme péril international, n’a jamais pu s’empêcher de reconnaître que certaines réactions fascistes sont normales et salubres. Le fascisme isolé est sûrement un poison. Mais une certaine dose de fascisme circule dans toute société qui se porte bien... Oui, mais essayez de dire cela à la tribune, ou même dans un journal de gauche ! On croira que vous êtes passé à l’ennemi, ce qui est exactement le contraire de la vérité. Ce n’est pas passer à l’ennemi que de lui chiper ce qu’il peut avoir de bien pour en faire profiter la bonne cause... Mais je m’égare. »
Jules Romains, Les Hommes de bonne volonté
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Immigration de peuplement...
=--=Publié dans la Catégorie "Lectures"=--=
« Il faut s’arrêter un instant sur l’expression des adversaires de l’immigration, qui caractérisent celle-ci comme une immigration “de peuplement”. On s’accorde généralement à faire de 1974 un point de bascule quant à la nature de l’immigration, par l’effet du regroupement familial. On passa alors de l’immigration provisoire d’individus, dont les motifs étaient économiques ou de refuge (asile politique), à une immigration d’implantation. Si l’expression “immigration de peuplement” est plus juste encore que ceux qui l’emploient ne le croient, c’est parce qu’elle n’est pas seulement un phénomène quantitatif, mais un phénomène qualitatif : il s’agit effectivement de “faire peuple” à l’intérieur d’un peuple déjà existant. Ce phénomène, qui est loin d’être majoritaire, est en partie nouveau, ne se limite pas à la France, et crée de véritables diasporas à l’intérieur des pays d’accueils. C’est dans la mesure où les immigrés veulent conserver leur similitude avec le peuple du pays d’origine qu’ils refusent l’assimilation au peuple d’accueil, et cela parce qu’il est impossible d’être similaire à deux modèles contradictoires. Il est curieux que l’on déplore comme “populiste” l’attachement du peuple d’accueil à sa similitude, et que l’on encense l’attachement des immigrés à la similitude de leur peuple d’origine. »
Vincent Coussedière, Eloge du populisme
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15/09/2013
Dieu existe...
=--=Publié dans la Catégorie "Music..."=--=
Johann Sebastian Bach : Suite pour violoncelle N° 1 en Sol majeur BWV 1007 par Jean-Guihen Queyras
17:58 Publié dans Music... | Lien permanent | Commentaires (0) | |
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L’oubli : un pouvoir actif
=--=Publié dans la Catégorie "Friedrich Nietzsche"=--=
« L’oubli n’est pas seulement une vis inertiae, comme le croient les esprits superficiels ; c’est bien plutôt un pouvoir actif, une faculté d’enrayement dans le vrai sens du mot, faculté à quoi il faut attribuer le fait que tout ce qui nous arrive dans la vie, tout ce que nous absorbons se présente tout aussi peu à notre conscience pendant l’état de "digestion" (on pourrait l’appeler une absorption psychique) que le processus multiple qui se passe dans notre corps pendant que nous "assimilons" notre nourriture. Fermer de temps en temps les portes et les fenêtres de la conscience ; demeurer insensibles au bruit et à la lutte que le monde souterrain des organes à notre service livre pour s’entraider ou s’entre-détruire ; faire silence, un peu, faire table rase dans notre conscience pour qu’il y ait de nouveau de la place pour les choses nouvelles, et en particulier pour les fonctions et les fonctionnaires plus nobles, pour gouverner, pour prévoir, pour pressentir (car notre organisme est une véritable oligarchie) voilà, je le répète, le rôle de la faculté active d’oubli, une sorte de gardienne, de surveillante chargée de maintenir l’ordre psychique, la tranquillité, l’étiquette. On en conclura immédiatement que nul bonheur, nulle sérénité, nulle espérance, nulle fierté, nulle jouissance de l’instant présent ne pourrait exister sans faculté d’oubli. »
Friedrich Nietzsche, Généalogie de la morale
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14/09/2013
L'Oubli...
=--=Publié dans la Catégorie "Friedrich Nietzsche"=--=
« Dans le plus petit comme dans le plus grand bonheur, il y a quelque chose qui fait que le bonheur est un bonheur : la possibilité d’oublier, ou pour le dire en termes plus savants, la faculté de sentir les choses, aussi longtemps que dure le bonheur, en dehors de toute perspective historique. L’homme qui est incapable de s’asseoir au seuil de l’instant en oubliant tous les événements du passé, celui qui ne peut pas, sans vertige et sans peur, se dresser un instant tout debout, comme une victoire, ne saura jamais ce qu’est un bonheur et, ce qui est pire, il ne fera jamais rien pour donner du bonheur aux autres. Imaginez l’exemple extrême : un homme qui serait incapable de ne rien oublier et qui serait condamné à ne voir partout qu’un devenir; celui-là ne croirait pas à sa propre existence, il ne croirait plus en soi, il verrait tout se dissoudre en une infinité de points mouvants et finirait par se perdre dans ce torrent du devenir. Finalement, en vrai disciple d’Héraclite, il n’oserait même plus bouger un doigt. Tout action exige l’oubli, comme la vie des êtres organiques exige non seulement la lumière mais aussi l’obscurité. Un homme qui ne voudrait sentir les choses qu’historiquement serait pareil à celui qu’on forcerait à s’abstenir de sommeil ou à l’animal qui ne devrait vivre que de ruminer et de ruminer sans fin. Donc, il est possible de vivre presque sans souvenir et de vivre heureux, comme le démontre l’animal, mais il est encore impossible de vivre sans oubli. Ou plus simplement encore, il y a un degré d’insomnie, de rumination, de sens, historique qui nuit au vivant et qui finit par le détruire, qu’il s’agisse d’un homme, d’une peuple ou d’une civilisation »
Friedrich Nietzsche, Considérations inactuelles
14:48 Publié dans Friedrich Nietzsche | Lien permanent | Commentaires (0) | |
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