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19/05/2013

FRANK ZAPPA : « Road Ladies » (1970)

=--=Publié dans la Catégorie "La Chanson du Jour, par The Reverend..."=--=

 

30 ans aprés, je me souviens, je me rappelle, cette fille dans ma chambre de bonne, écoutant avec moi, mais pourquoi donc ?, un disque de Frank Zappa.
"Que veulent les femmes?" , dixit ce vieux con de Freud sur son lit de mort.
Si c'est pas malheureux, Sigmund, passer sa vie à réfléchir sur la libido, et pas être foutu de trouver la réponse... Moi, j'en étais pas là à 20 piges et quelques, quand naïvement je pensais que cette fille était vraiment là pour écouter de la musique.
C'est quand j'ai du lui repasser la descente bluesy de Francesco à une minute et des poussières, soulevant le bras de l'électrophone pour ramener la pointe de lecture sur le sillon correspondant, et qu'alors elle a poussé un mugissement semblable à celui qu'exhalent les actrices dénudées dans certains films X au moment de leur supposée jouissance, que j'ai commencé à avoir de sérieux doutes.
Que veulent les femmes, Sigmund ?
Certainement pas un solo de Frank Zappa, non, non...

podcast

 

Philippe "The Reverend" Nicole (Bassiste-chanteur des défunts King Size et ex-bassiste chez Peter Night Soul Deliverance et chez Margerin)...

 

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Et pendant quatre ans ces deux cent cinquante bourreaux ne se lassèrent pas de nous tourmenter. C’était leur consolation, leur plaisir...

=--=Publié dans la Catégorie "Lectures"=--=

 

« […] Le commandant était un homme très honnête. Mais le major de place de Krivtsov était un gredin comme il y en a peu, barbare, maniaque, querelleur, ivrogne, en un mot tout ce qu’on peut imaginer de plus vil.
Le jour même de notre arrivée, il nous traita de sots Dourov et moi, à cause des motifs de notre condamnation, et jura qu’à la première infraction il nous ferait infliger un châtiment corporel. Il était major de place depuis deux ans et commettait au su et vu de tous des injustices criantes. Il passa en justice deux ans plus tard. Dieu m’a préservé de cette brute ! Il arrivait toujours ivre (je ne l’ai jamais vu autrement), cherchait querelle aux condamnés et les frappait sous prétexte qu’il était "saoul à tout casser". D’autres fois, pendant sa visite de nuit, parce qu’un homme dormait sur le côté droit, parce qu’un autre parlait en rêvant, enfin pour tous les prétextes qui lui passaient par la tête, nouvelle distribution de coups : et c’était avec un tel homme qu’il fallait vivre sans attirer sa colère ! et cet homme adressait tous les mois des rapports sur nous à Saint-Pétersbourg.
J’avais fait connaissance avec les forçats à Tobolsk.
À Omsk, je devais rester avec eux quatre années entières !
C’est un peuple grossier, irrité et exaspéré que celui-là ! Sa haine pour les nobles dépasse toute mesure. Aussi, en notre qualité de nobles, nous accueillit-on avec une joie féroce. Ces malheureux nous auraient dévorés si on le leur avait permis. Du reste juge toi-même quelle défense nous pouvions avoir contre des gens avec lesquels il nous fallait vivre, boire, manger et dormir des années durant et qui, à la moindre de nos plaintes, répondaient par des torrents d’injures.
—"Vous autres les nobles, becs de fer, vous nous écrasiez… Des messieurs, vous autres, et vous torturiez le peuple, et maintenant vous voilà pris, vous voilà pareils au dernier des derniers, pareils à nous-mêmes."
Voilà leur thème !… Et pendant quatre ans ces deux cent cinquante bourreaux ne se lassèrent pas de nous tourmenter. C’était leur consolation, leur plaisir ; cela les occupait. Si nous leur avons échappé, c’est par l’indifférence, par la supériorité morale qu’ils ne pouvaient comprendre mais qu’ils subissaient et parce que nous ne cédions jamais devant eux. Ils avaient toujours conscience qu’ils nous étaient inférieurs. Ils ignoraient les motifs de notre peine ; nous nous taisions à ce sujet, préférant subir leur haine. Mais nous étions très malheureux. Le régime militaire des travaux forcés est plus dur que le civil.
J’ai passé ces quatre ans derrière un mur, ne sortant que pour être mené aux travaux. Le travail était dur. Il m’est arrivé de travailler, épuisé déjà, pendant le mauvais temps, sous la pluie, dans la boue, ou bien pendant le froid intolérable de l’hiver. Une fois je suis resté quatre heures à exécuter un travail supplémentaire : le mercure était pris ; il y avait plus de 40 degrés de froid. J’ai eu un pied gelé.
Nous vivions en tas, tous ensemble dans la même caserne.
Imagine-toi un vieux bâtiment délabré, une construction en bois, hors d’usage et depuis longtemps condamnée à être abattue. L’été on y étouffait, l’hiver on y gelait.
Le plancher était pourri, recouvert d’un verschok de saleté. Les petites croisées étaient vertes de crasse, au point que, même dans la journée, c’est à peine si on pouvait lire. Pendant l’hiver elles étaient couvertes d’un verschok de glace. Le plafond suintait. Les murs étaient crevassés. Nous étions serrés comme des harengs dans un tonneau. On avait beau mettre six bûches dans le poêle, aucune chaleur (la glace fondait à peine dans la chambre), mais une fumée insupportable : et voilà pour tout l’hiver.
Les forçats lavaient eux-mêmes leur linge dans les chambres, de sorte qu’il y avait des mares d’eau partout ; on ne savait où marcher. De la tombée de la nuit jusqu’au jour il était défendu de sortir, sous quelque prétexte que ce fût, et on mettait à l’entrée des chambres un baquet pour un usage que tu devines ; toute la nuit la puanteur nous asphyxiait. "Mais, disaient les forçats, puisqu’on est des êtres vivants, comment ne pas faire des cochonneries."
Pour lit deux planches de bois nu ; on ne nous permettait qu’un oreiller. Pour couvertures des manteaux courts qui nous laissaient les pieds découverts ; toute la nuit nous grelottions. Les punaises, les poux, les cafards, on aurait pu les mesurer au boisseau. Notre costume d’hiver consistait en deux manteaux fourrés, des plus usés, et qui ne tenaient pas chaud du tout ; aux pieds des bottes à courtes tiges, et allez ! marchez comme ça en Sibérie !
J’ai passé plus d’un jour à l’hôpital. J’ai eu des crises d’épilepsie, rares, il est vrai. J’ai encore des douleurs rhumatismales aux pieds. À part cela, ma santé est bonne. À tous ces désagréments ajoute la presque complète privation de livres. Quand je pouvais par hasard m’en procurer un, il fallait le lire furtivement, au milieu de l’incessante haine de mes camarades, de la tyrannie de nos gardiens, et au bruit des disputes, des injures, des cris, dans un perpétuel tapage, jamais seul ! Et cela quatre ans, — quatre ans ! Parole, dire que nous étions mal ce n’est pas assez dire ! Ajoute cette appréhension continuelle de commettre quelque infraction, qui met l’esprit dans une gêne stérilisante, et tu auras le bilan de ma vie.
Ce qu’il est advenu de mon âme et de mes croyances, de mon esprit et de mon cœur durant ces quatre ans, je ne te le dirai pas, ce serait trop long. La constante méditation où je fuyais l’amère réalité n’aura pas été inutile. J’ai maintenant des désirs, des espérances qu’auparavant je ne prévoyais même pas. Mais ce ne sont encore que des hypothèses ; donc passons. Seulement toi, ne m’oublie pas, aide-moi. Il me faut des livres, de l’argent : fais-m’en parvenir, au nom du Christ !
Omsk est une vilaine petite ville ; presque pas d’arbres ; une chaleur excessive, du vent et de la poussière en été ; en hiver un vent glacial. Je n’ai pas vu la campagne. La ville est sale ; soldatesque et par conséquent débauchée au plus haut point. (Je parle du peuple.) Si je n’avais pas rencontré des âmes sympathiques, je crois que j’aurais été perdu. Konstantin Ivonitch Ivanor a été un frère pour moi. Il m’a rendu tous les bons offices possibles. Je lui dois de l’argent. S’il vient à Pétersbourg remercie-le. Je lui dois vingt-cinq roubles. Mais comment payer cette cordialité, cette constante disposition à réaliser chacun de mes désirs, ces attentions, ces soins ?… Et il n’était pas le seul ! — Frère, il y a beaucoup d’âmes nobles dans le monde.
Je t’ai déjà dit que ton silence m’a bien tourmenté. Mais je te remercie pour l’envoi d’argent. Dans ta plus prochaine lettre (même dans la lettre officielle, car je ne suis pas encore sûr de pouvoir te donner une autre adresse), donne-moi des détails sur toi, sur Emilia Theodorovna, les enfants, les parents, les amis, nos connaissances de Moscou, qui vit, qui est mort. Parle-moi de ton commerce : avec quel capital fais-tu maintenant tes affaires ? réussis-tu ? As-tu déjà quelque chose ? Enfin pourras-tu m’aider pécuniairement et de combien pourras-tu m’aider par an ? Ne m’envoie l’argent dans la lettre officielle que si je ne trouve pas d’autre adresse ; en tout cas, signe toujours Mikhaïl Pétrovitch (tu comprends ?) Mais j’ai encore un peu d’argent ; en revanche, je n’ai pas de livres. Si tu peux, envoie-moi les revues de cette année, par exemple les Annales de la Patrie.
Mais voici le plus important : Il me faut (à tout prix) les historiens antiques (traduction française) et les nouveaux ; quelques économistes et les Pères de l’Église. Choisis les éditions les moins coûteuses et les plus compactes. Envoie immédiatement. Le premier livre dont j’aie besoin, c’est le lexicon allemand.

J’ignore encore ce qui m’attend à Sémipalatinsk. (L’avenir immédiat m’intéresse peu.) Mais l’autre avenir m’est moins indifférent. Frère, fais des démarches pour moi ; demande si, dans un an ou deux, je ne pourrai pas être envoyé au Caucase : c’est au moins la Russie ! Voilà mon plus ardent désir. Frère, excuse-moi, au nom du Christ ! Ne m’oublie pas ! Voilà que je dispose de tout, même de ton avoir. C’est que je n’ai pas perdu ma confiance en toi : tu es mon frère et tu m’as aimé ? Il me faut de l’argent. Il me faut vivre, frère ! Ces années ne seront pas sans fruit ! Il me faut de l’argent et des livres. Ce que tu dépenseras pour moi ne sera pas perdu. Va, tu ne dévaliseras pas tes enfants en me venant en aide. Prie que je vive seulement et je leur rendrai le tout avec usure. On me permettra bien d’imprimer d’ici cinq ou six ans ; peut-être plus tôt ; il peut survenir bien des changements ! et je n’écrirai plus de babioles. Tu entendras parler de moi.

Bientôt nous nous reverrons, frère. J’y crois comme à deux fois deux font quatre. Je me sens sûr de moi. Je vois devant moi mon avenir et tout ce que je ferai. Je suis content de ma vie. Je ne redoute que les gens et l’arbitraire ! Je puis tomber sur un chef qui me prenne en haine. (Cela n’est, hélas ! pas impossible !) Il me cherchera chicane, m’épuisera d’exercices militaires que je ne pourrai supporter, car je suis très affaibli. "Ce sont des gens simples", me dira-t-on pour m’encourager. Mais un homme simple est bien plus à craindre qu’un homme compliqué.
D’ailleurs les hommes sont partout les mêmes. Aux travaux forcés, parmi des brigands, j’ai fini par découvrir des hommes, des hommes véritables, des caractères profonds, puissants, beaux. De l’or sous de l’ordure ? Il y en avait qui, par certains aspects de leur nature, forçaient l’estime ; d’autres étaient beaux tout entiers, absolument. J’ai appris à lire à un jeune Tcherky musulman envoyé au bagne pour brigandage ; je lui ai même enseigné le russe. De quelle reconnaissance il m’entourait ! Un autre forçat pleurait en me quittant ; je lui ai donné de l’argent — très peu — : il m’en a une gratitude sans bornes. Et pourtant mon caractère s’était aigri ; j’étais avec eux capricieux, inconstant ; mais ils avaient égard à l’état de mon esprit et supportaient tout de moi, sans murmurer. Et que de types merveilleux j’ai pu observer au bagne ! J’ai vécu de leur vie et je puis me vanter de les bien connaître.

Que d’histoires d’aventuriers et de brigands j’ai recueillies ! Je pourrais en faire des volumes. Quel peuple extraordinaire ! Je n’ai pas perdu mon temps : si je n’ai pas étudié la Russie, je sais par cœur le peuple russe, bien peu le connaissent comme moi… Je crois que je me vante ? C’est pardonnable, n’est-ce pas ?

Rappelle-toi bien que cette lettre est un secret. Pour Dieu, cache-la ou plutôt brûle-la. — Ne compromettons personne. N’oublie pas de m’envoyer des livres, mon cher ami, surtout les historiens, les économistes, les Annales de la Patrie, les Pères de l’Église et l’Histoire de l’Église. Envoie à différentes reprises, mais envoie. Je dispose de ta bourse comme de la mienne : c’est que je ne connais pas l’état de tes affaires. Écris-moi donc à ce sujet quelque chose de précis, que je puisse m’en faire une idée. Mais, sache, frère, que les livres sont ma vie, ma nourriture, mon avenir ! Ne me délaisse pas, au nom de Dieu ! Demande l’autorisation de m’envoyer les livres officiellement, mais agis avec prudence.
Envoie-moi le Coran, Kant (Critique de la raison pure), Hegel, — surtout son Histoire de la Philosophie. — Mon avenir dépend de tous ces livres. Mais surtout remue-toi pour m’obtenir d’être transféré au Caucase. Demande à des gens bien informés où je pourrais publier mes livres et quelles démarches il faudrait faire. D’ailleurs, je ne compte rien publier avant deux ou trois ans. Mais d’ici là, aide-moi à vivre, je t’en conjure ! Si je n’ai pas un peu d’argent, je serai tué par le service ! Je compte sur toi !
Maintenant, je vais écrire des romans et des drames. Mais j’ai encore à lire beaucoup, beaucoup : ne m’oublie donc pas ! »

Fiodor Mikhaïlovitch Dostoïevski, Lettre à son frère Mikhaïl, le 22 février 1854

Lettre Complète, ici...

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18/05/2013

"Le Kosovo" par Pierre Péan et Sébastien Fontenelle

=--=Publié dans la Catégorie "Serbie... Ô ma Serbie..."=--=

 

« Le nouveau livre de Pierre Péan, paru cette semaine chez Fayard, est un pavé noir de cinq cents pages. Sur la couverture nous dévisage un homme masqué par une cagoule frappée de l’emblème de l’UÇK. Au-dessus, un sous-titre rouge : "Une guerre 'juste' pour un État mafieux". Et surplombant le tout, en grosses lettres blanches: Kosovo.

Le nouveau Péan est plus qu’un pavé : un monument de lucidité. Un temple du courage intellectuel et physique. Une brique d’amertume. Il s’ouvre et s’achève par le récit d’un épisode parmi les plus horribles de la guerre civile yougoslave: l’extraction, à vif, du cœur d’un jeune homme serbe par un jeune médecin albanais, tremblant de terreur, qui finira par se rendre et se confesser des années plus tard, hanté par son crime et traqué comme témoin gênant par ses ex-patrons, trafiquants de chair humaine. Lesquels patrons, Péan l’affirme à la suite de Dick Marty, sont des personnages de premier plan de l’État mort-né du Kosovo, issu de l’union passionnée de l’OTAN et d’une mafia sans merci.

Le voici dans toute sa hideuse vérité, belles âmes humanitaires, le fruit de vos songes creux. Si le chemin de l’enfer est pavé de bonnes intentions, nous interroge Péan, à quoi mène cette autoroute d’illusions, de manigances politiques et d’aveuglement délibéré ? Son livre est une encyclopédie de la manipulation. En l'ouvrant, c’est une malle de souvenirs cauchemardesques que je déverrouille dans ma tête. Guerres fratricides attisées de l’étranger; montages photo à charge, grossiers et bâclés comme le sont les mensonges les plus efficaces; rumeurs de "camps de la mort" et de "viols de masse" jetées après usage, mais qu’il était interdit de questionner sur le moment; dizaines de courriers inutiles à des rédactions de presse qui s’étaient promues agents RP des "gentils", bosniaques ou albanais; 78 jours de bombes sur la Serbie à cause de son refus de ramper; les ministres occidentaux se jetant dans les bras des caïds balkaniques… D’écœurement devant tant de bêtise, j’avais opté pour le camp des "méchants" Serbes. Passer pour un vilain aux yeux des imbéciles est une volupté de fin gourmet, aurait dit Courteline. Mais c’est faux. Cela flatte votre orgueil un instant, puis cela vous fait désespérer: soit de votre propre santé mentale, soit de celle des humains qui vous entourent.

Le pavé de Péan, fortement documenté, est moins une consolation qu’un soulagement : non, ce n’était pas mon esprit qui déraillait. L’affaire qui a marqué mes années d’apprentissage et formé ma vision du monde était bel et bien un "Tchernobyl de l’information" qui a irradié les consciences en Occident, étouffé le sens commun et fait de l’esprit des masses un disque dur vierge, sans mémoire ni structure logique, prêt à avaler n’importe quel bobard diffusé d’ "en haut". Si, désormais, les nouvelles du monde à l’intention du grand public ressemblent à des contes à dormir debout, c’est dans l’ex-Yougo que ce théâtre de Guignol fut testé et mis au point. »

 

Slobodan Despot

 

SOURCE

 

"Le Kosovo" par Pierre Péan et Sébastien Fontenelle

 

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La société noble n'a jamais admis la censure des passions pour condition de la valeur humaine

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« La société noble n'a jamais admis la censure des passions pour condition de la valeur humaine. C'est à peine si elle a pu concevoir ce que nous appelons la loi morale, cet impératif abstrait qui s'impose à nous du dehors. Le joug que la règle morale impose d'ordinaire aux désirs est la même que la société impose aux individus. Or c'est le caractère essentiel de la féodalité que le joug social se fasse faiblement sentir aux nobles. Le bien ne peut résider pour eux dans la privation, dans la contrainte pénible du devoir sur les appétits du moi. Toute vertu doit prendre appui au contraire sur leur personne. Leur seul devoir est d'être dignes d'eux-mêmes, de porter assez haut leurs visées, et de donner aux petits des exemples suffisamment édifiants de leur grandeur. Ils se doivent de dédaigner les ambitions réduites, de mépriser tout ce que le vulgaire peut atteindre comme eux. Ainsi l'orgueil double, juge, accrédite tous leurs appétits. Ce mécanisme moral, simple et puissant, où sans cesse s'exalte le moi, est si loin d'impliquer une condamnation véritable de la nature, il la flatte tellement au contraire, qu'on le voit constamment dénoncé, dès le moyen âge, par les moralistes chrétiens. L'Eglise, puissance disciplinaire universelle, remplit sa fonction en censurant les mouvements de l'orgueil noble ; la société laïque n'en continue pas moins à vivre et à penser selon sa propre impulsion.

Dans ce qui subsistait alors de la société féodale, les valeurs suprêmes étaient l'ambition, l'audace, le succès. Le poids de l'épée, la hardiesse des appétits et du verbe faisaient le mérite ; le mal résidait dans la faiblesse ou la timidité, dans le fait de désirer peu, d'oser petitement, de subir une blessure sans la rendre : on s'excluait par là du rang des maîtres pour rentrer dans le commun troupeau.
L'amour emphatique des grandeurs et le penchant à se célébrer soi-même marquent à peu près indistinctement tous les caractères de Corneille : à tous la "gloire" imprime le même air de famille.

Un mouvement constant porte l'homme noble du désir à l'orgueil, de l'orgueil qui contemple à l'orgueil qui se donne en spectacle, autrement dit la gloire. La gloire n'est que l'auréole du succès, l'éclaboussement qui accompagne la force, le cortège de respects que fait lever tout triomphe. Le succès se sent, se proclame surhumain ; il se chante et le chant impressionne la foule autant que le succès lui-même. L'assurance, l'affirmation de soi, le ton de la grandeur ne sont pas de simples ornements du pouvoir : ce sont, aux yeux du public, les marques d'un caractère fait pour l'exercer.

Au théâtre comme dans la société le grand ressort est l'admiration, mais cette admiration n'est pas inconditionnelle. Finalement, le public, ici et là, est juge de la valeur des héros parce qu'il est le premier intéressé à ce que les grands soient dignes de leur rang, à ce qu'ils sachent entraîner, protéger, éblouir. Le théâtre héroïque, et la société dont il est l'expression, supposent une certaine royauté de l'opinion : l'idée même de gloire en est inséparable. Les concours de valeurs entre les grands devant le tribunal du public sont l'institution morale la plus conforme à l'esprit de cette société, la plus utile à son fonctionnement et à sa conservation : c'est là que chacun se forme à ce qu'il doit être, selon son rang.
Ainsi ne nous étonnons pas de la place que tiennent rivalités et défis dans le système dramatique de Corneille. »

Paul Bénichou, Morales du Grand siècle

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Cent sous de plus, cent sous de moins

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Les ventres de nos femmes

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L'Etat

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« Il y a une école de penseurs qui enseigne que la coopération sociale entre les hommes peut être réalisée sans contrainte ni coercition. L'anarchisme croit à la possibilité d'établir un ordre social dans lequel tous les hommes reconnaîtraient les avantages découlant de la coopération et où tous seraient prêts à faire volontairement tout ce qu'exige le maintien de la société et à s'abstenir volontairement de ce qui est nuisible à la société. Mais les anarchistes oublient deux faits : Il y a des individus dont les capacités mentales sont si limitées qu'ils ne peuvent comprendre tous les avantages que la société leur apporte. Et il y a des individus dont la chair est si faible qu'ils ne peuvent résister à la tentation d'obtenir un avantage personnel par une action nuisible à la société. Une Société anarchiste serait à la merci de chaque individu. Nous pouvons admettre que tout adulte sain jouit de la faculté de réaliser l'utilité d'une coopération sociale et d'agir en conséquence. Cependant il est hors de doute qu'il y a des mineurs, des vieillards et des fous. Nous pouvons admettre que quiconque agit contre la société devrait être considéré comme malade mentalement et devant être soigné. Mais tant que tous ne sont pas guéris et tant qu'il y a des mineurs et des vieillards, des dispositions doivent être prises pour qu'ils ne détruisent pas la société.

Le libéralisme diffère radicalement de l'anarchie. Il n'a rien de commun avec les illusions absurdes des anarchistes. Nous devons donc souligner ce point parce que les étatistes essaient quelquefois de découvrir une similitude. Le libéralisme n'est pas assez fou pour vouloir la suppression de l'État. Les libéraux reconnaissent pleinement qu'aucune coopération sociale ni aucune civilisation ne peuvent exister sans un certain degré de contrainte et de coercition. C'est la tâche du gouvernement de protéger le système social contre les attaques de ceux dont les plans d'action sont nuisibles à sa conservation et à son fonctionnement.

La leçon essentielle du libéralisme est que la coopération sociale et la division du travail ne peuvent être réalisées que dans un système de propriété privée des moyens de production, c'est-à-dire dans une société de marché ou capitalisme. Tous les autres principes du libéralisme — démocratie, liberté individuelle, liberté de parole et de la presse, tolérance religieuse, paix entre les nations — sont des conséquences de ce postulat fondamental. Ils ne peuvent être appliqués que dans une société fondée sur la propriété privée.

Partant de ce point de vue, le libéralisme assigne à l'État la tâche de protéger la vie, la santé, la liberté ou la propriété de ses sujets contre toute agression violente ou perfide. »

Ludwig von Mises, Le gouvernement omnipotent : état totalitaire et guerre totale - 1944

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Les étoiles qui les guidaient étaient Schiller et Goethe, Herder et Kant, Mozart et Beethoven

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« Il y a cent ans, les Allemands étaient tout différents de ce qu'ils sont aujourd'hui. A cette époque il n'était pas de leur ambition de surpasser les Huns et de dépasser Attila. Les étoiles qui les guidaient étaient Schiller et Goethe, Herder et Kant, Mozart et Beethoven. Leur leitmotiv était liberté, non conquête et oppression. Les étapes du processus qui a transformé la nation jadis dépeinte par les observateurs étrangers comme celles des poètes et des penseurs en celle des bandes sauvages des troupes d'assaut hitlériennes doivent être connues par quiconque veut se faire une opinion sur les affaires et problèmes politiques du monde actuel. Comprendre les ressorts et les tendances de l'agressivité nazie est de la plus haute importance pour la conduite politique et militaire de la guerre et pour façonner un ordre durable dans l'après-guerre. Beaucoup de fautes auraient pu être évitées et beaucoup de sacrifices épargnés grâce à une connaissance meilleure et plus approfondie de l'essence et des forces du nationalisme allemand.

Le but du présent livre est de décrire les grands traits des changements et événements qui ont entraîné la situation actuelle de l'Allemagne et de l'Europe. Il cherche à corriger beaucoup d'erreurs populaires nées de légendes défigurant gravement les faits historiques et de doctrines dénaturant l'évolution et les politiques économiques. Il traite aussi bien d'histoire que de questions fondamentales de sociologie et d'économie. Il essaie de ne négliger aucun point de vue dont l'éclaircissement est nécessaire pour une complète description du problème nazi mondial. »

Ludwig von Mises, Le gouvernement omnipotent : état totalitaire et guerre totale - 1944

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16/05/2013

Tu installes des émasculés à la tête de ton empire

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« Mais toi qui fais le dégoûté devant la puissance de la terre, devant la grossièreté de l'humus et de sa pourriture et de ses vers, tu demandes d'abord à l'homme de n'être pas et de ne point montrer d'odeur.
Tu blâmes en eux l'expression de leur force. Et tu installes des émasculés à la tête de ton empire. Et ils pourchassent le vice qui n'est que puissance sans emploi. C'est la puissance et la vie qu'ils pourchassent. Et à leur tour ils deviennent gardiens de musée et veillent un empire mort. »

Antoine de Saint-Exupéry, Citadelle

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Chute

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« L'art suprême consistait en ceci: se laisser aller, consentir à sa propre chute. »

Hermann Hesse, Klein et Wagner

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La rencontre de deux aérolithes

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« Là-bas, l'amour est la rencontre de deux aérolithes au milieu de l'espace et non pas cette obstination de pierres se frottant pour s'arracher un baiser qui crépite. »

Octavio Paz, Papillon d'obsidienne

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15/05/2013

Dans la nuit

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« Dans la nuit
Dans la nuit
Je me suis uni à la nuit
A la nuit sans limites
A la nuit

Mienne, belle, mienne

Nuit
Nuit de naissance
Qui m'emplit de mon cri
De mes épis.
Toi qui m'envahis
Qui fais houle houle
Qui fais houle tout autour
Et fume, es fort dense
Et mugis
Es la nuit.
Nuit qui gît, nuit implacable.
Et sa fanfare, et sa plage
Sa plage en haut, sa plage partout,
Sa plage boit, son poids est roi, et tout ploie
sous lui
Sous lui, sous plus ténu qu'un fil
Sous la nuit
La Nuit. »

Henri Michaux, Dans la nuit in Plume

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Peu de sourires...

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« Dans cet univers, il y a peu de sourires.
Celui qui s'y meut fait une infinité de
rencontres qui le blessent ;
Cependant on n'y meurt pas.
Si l'on meurt, tout recommence. »

Henri Michaux, La nuit des embarras in Lointain Intérieur

 

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14/05/2013

Ces garçons des faubourgs et du Quartier Latin, défendant leurs fleurs de lys à deux contre quinze rouges

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« Il faut avoir connu de près ces garçons des faubourgs et du Quartier Latin, défendant leurs fleurs de lys à deux contre quinze rouges, risquant joyeusement la prison, l’hôpital, le cimetière, leur enthousiasme à la veille du 6 février, ces gamins qui, dans la nuit de la Concorde, sous les sifflements des balles, à trente pas des mousquetons, lançaient posément des cailloux sur les casques des gardes mobiles. »

Lucien Rebatet, Les Décombres

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Vies de merde (Trashcan Lives)

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« le vent souffle fort ce soir
un vent glacial
et je pense aux
copains à la rue.
j’espère que quelques-uns ont une bouteille
de rouge.

c’est quand on est à la rue
qu’on remarque que
tout
est propriété de quelqu’un
et qu’il y a des serrures sur
tout.
c’est comme ça qu’une démocratie
fonctionne :
on prend ce qu’on peut,
on essaie de le garder
et d’ajouter d’autres biens
si possible.

c’est comme ça qu’une dictature
aussi fonctionne
seulement elle a soit asservi soit
détruit ses
rebuts.

nous on se contente d’oublier
les nôtres.
dans les deux cas
le vent
est fort
et glacial. »

Charles Bukowski, You Get So Alone At Times That It Just Makes Sense

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The Palestinian people does not exist

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Tu es contagieux à toi-même

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« Tu es contagieux à toi-même, souviens-t'en.
Ne laisse pas toi te gagner. »

« Retour à l’effacement
à l’indétermination
Plus d’objectif
plus de désignation
sans agir
sans choisir
revenir aux secondes... »

Henri Michaux, Poteaux d'angle

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13/05/2013

De la spoliation légale

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Cette ville où l'on a le plexus foutu...

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« Vous attendez de moi, qui ne sait rien, des nouvelles de Paris. Ils glissent tous à droite, non plus exactement et c’est pire, vers l’autorité. Même les Marx Brothers en leur dernier film sont devenus, me dit-on, tristes comme la pluie. Il semble que vous ayez eu rudement du flair en quittant cette ville où l’on a le plexus solaire foutu. »

Henri Michaux, Lettre à Claude Cahun - 1938

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Couronnes comme guirlandes ne sont qu'un poids imposé

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« Couronnes comme guirlandes
Ne sont qu'un poids imposé
Au front dans sa pureté.

Guirlande de roses,
Couronne de lauriers,
Dénaturent le front.

Puisse le vent plutôt
Jouer dans nos cheveux,
Rafraîchir notre front !

Puisse la tête nue
Glisser son front, sereine,
Là où vient le sommeil.

Chloé ! Je ne connais
Meilleure joie que ton
Doux front sans ornement. »

Fernando Pessoa, Odes inachevées et variantes

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12/05/2013

Esclaves...

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Les femmes viennent du plus lointain de la vie des hommes

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« Les femmes viennent du plus lointain de la vie des hommes, elles sortent de l’enfance des hommes, on dit qu’elles gouvernent cette enfance mais ce n’est pas vrai, il suffit de regarder dans les jardins publics, les mères avec leurs enfants : elles ne gouvernent pas. Elles veillent. Elles veillent sur l’incendie naissant d’enfance, elles aident le feu de vie à prendre. Plus tard, beaucoup plus tard, elles regardent ceux qu’elles ont fait rois et qui ne savent plus leur parler. Les hommes, ce sont les devinettes qui les rassurent – devinettes du pouvoir, de la force. Devant les femmes ils disent : je ne devine rien, c’est un mystère. Ce qu’ils appellent mystère, c’est la simplicité des femmes et c’est leur solitude, cette force de solitude en elles, en chacune d’elles, cette manière qu’elles ont de tenir leurs enfants, leurs maris, leurs amants, le bleu du ciel et l’ordinaire des jours à bout de bras. Les femmes sont seules au début, au milieu et à la fin de leur vie. Elles reçoivent de cette solitude le sacre d’intelligence. »

Christian Bobin, Donne-moi quelque chose qui ne meurt pas

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Une Race affligeante...

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« Depuis leur expulsion du Paradis, les créatures faites à l'image de Dieu sont une Race affligeante, pour leur Créateur comme pour elles-mêmes, car dans leur oeil, et peut-être seulement là, s'est conservé quelque chose de l'infaillibilité du regard divin. »

Hermann Broch, Théorie de la folie des masses

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11/05/2013

Tu sens le changement ?

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Les jeunes... les jeunes... les jeunes...

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« Je me demande ce qui a bien pu se passer à un moment donné, quelle espèce de maléfice a pu frapper notre génération pour que, soudainement, on ait commencé à regarder les jeunes comme les messagers de je ne sais quelle vérité absolue. Les jeunes... les jeunes... les jeunes... On eût dit qu'ils venaient d'arriver dans leurs vaisseaux spatiaux.Ce qui s'est passé entre 50 et 70 est fascinant et terrible, quand les générations qui savaient ont cédé le pouvoir à ceux qui venaient juste de quitter leurs jeux d'enfants. Seul un délire collectif peut nous faire considérer comme des maîtres dépositaires de toutes les vérités des garçons de quize ans. »

Federico Fellini, Fellini par Fellini

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