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27/09/2013

L’artiste est, à son insu même, hanté par la nostalgie d’un autre siècle

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« En effet, lorsque l’époque où un homme de talent est obligé de vivre, est plate et bête, l’artiste est, à son insu même, hanté par la nostalgie d’un autre siècle.
Ne pouvant s’harmoniser qu’à de rares intervalles avec le milieu où il évolue ; ne découvrant plus dans l’examen de ce milieu et des créatures qui le subissent, des jouissances d’observation et d’analyse suffisantes à le distraire, il sent sourdre et éclore en lui de particuliers phénomènes. De confus désirs de migration se lèvent qui se débrouillent dans la réflexion et dans l’étude. Les instincts, les sensations, les penchants légués par l’hérédité se réveillent, se déterminent, s’imposent avec une impérieuse assurance. Il se rappelle des souvenirs d’êtres et de choses qu’il n’a pas personnellement connus, et il vient un moment où il s‘évade violemment du pénitencier de son siècle et rôde, en toute liberté, dans une autre époque avec laquelle, par une dernière illusion, il lui semble qu’il eût été mieux en accord. »

Joris-Karl Huysmans, A rebours

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Leurs incompréhensibles et interminables projets

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« Il semblait au début qu'ils avaient échoué là par hasard, selon les caprices du vent, et qu'ils venaient vivre ici de façon provisoire, pour partager plus ou moins avec nous la façon dont on avait toujours vécu dans ces contrées, comme si les autorités civiles devaient prolonger pendant un certain temps l'occupation inaugurée par l'armée. Cependant, de mois en mois, le nombre de ces étrangers augmentait. Ce qui suprenait le plus les gens de la ville et les remplissait à la fois d'étonnement et de méfiance, ce n'était pas tant leur nombre que leurs incompréhensibles et interminables projets, l'activité débordante et la persévérance dont ils faisaient preuve pour mener à bien les tâches qu'ils entreprenaient. Ces étrangers ne s'arrêtaient jamais de travailler et ne permettaient à personne de prendre le moindre répit ; ils semblaient résolus à enfermer dans leur réseau, -invisible, mais de plus en plus perceptible- de lois, d'ordonnances et de règlement la vie tout entière, hommes, bêtes et objets, et à tout déplacer et transformer autour d'eux, aussi bien l'aspect extérieur de la ville que les moeurs et les habitudes des hommes, du berceau à la tombe. Ils faisaient tout cela avec calme et sans beaucoup parler, sans user de violence ou de provocation, si bien que l'on n'avait pas à quoi résister. Lorsqu'ils se heurtaient à l'incompréhension ou à des résistences, ils s'arrêtaient immédiatement, se consultaient quelque part sans qu'on le vît, changeaient seulement d'objectif ou de façon de faire, mais parvenaient quand même à leurs fins. Ils mesuraient une terre en friche, marquaient les arbres dans la forêt, inspectaient les lieux d'aisances et les canaux, examinaient les dents des chevaux et des vaches, vérifiaient les poids et les mesures, s'informaient des maladies dont souffrait le peuple, du nombre et des noms des arbres fruitiers, des races de moutons ou de la volaille. (On aurait dit qu'ils s'amusaient, tant ce qu'ils faisaient paraissait incompréhensible, irréel et peu sérieux aux yeux des gens.) »

Ivo Andrić, Le Pont sur la Drina

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Ceci n'est plus une femme...

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La haine des hommes

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« Quand la haine des hommes ne comporte aucun risque, leur bêtise est vite convaincue, les motifs viennent tout seuls. »

Louis-Ferdinand Céline, Voyage au bout de la nuit

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26/09/2013

Ceci n'est plus une femme...

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Ne cesse pas de sculpter ta propre statue...

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« Reviens en toi-même et regarde : si tu ne vois pas encore la beauté en toi, fais comme le sculpteur d’une statue... Comme lui, enlève le superflu, redresse ce qui est oblique, nettoie ce qui est sombre..., et ne cesse pas de sculpter ta propre statue...



Es-tu tout entier une lumière véritable, non pas une lumière de dimension ou de forme mesurables..., mais une lumière absolument sans mesure, parce qu’elle est supérieure à toute mesure et à toute quantité ? Te vois-tu dans cet état ? Tu es alors devenu une vision ; aie confiance en toi ; même en restant ici, tu as monté ; et tu n’as pas plus besoin de guide ; fixe ton regard et vois. »

Plotin, Ennéades, I, VI

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Ces squelettes désarticulés...

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« Si nos ancêtres pouvaient voir les cadavres gesticulants qui ornent les pages de nos revues de mode, ils les interpréteraient vraisemblablement comme un memento mori, un rappel de la mort équivalent, peut-être, aux danses macabres sur les murs de certaines églises médiévales. Si nous leur expliquions que ces squelettes désarticulés symbolisent à nos yeux le plaisir, le bonheur, le luxe, le succès, ils se lanceraient probablement dans une fuite panique, nous imaginant possédés par un diable particulièrement malfaisant. »

René Girard, Anorexie et désir mimétique

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La civilisation que j'ai reçue en héritage agonise

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« Mon village est l'allégorie de mes dépossessions : la civilisation que j'ai reçue en héritage agonise. Toutes les civilisations vont disparaître, c'est une question de décennies pour les zones les plus périphériques. Nul ne l'ignore. Personne n'ose se l'avouer. Il faut tordre le cou à un gros mensonge: la compatibilité de la modernité avec nos fondements spirituels, intellectuels, moraux esthétiques. Donc, politiques. Aucune civilisation n'est compatible avec la modernité. Les restes de la nôtre agonisent dans la muséification, la touristisation, la commémoration. La lecture du quotidien local suffit à s'en convaincre. Dans la moindre bourgade, tout au long de l'été, on exhume du passé, on le décrète "culturel" et on l'exhibe. »

Denis Tillinac, Le Venin de la mélancolie

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Matérialisme de brasserie

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« Je te l’avoue très volontiers, j’ai dû vivre, moi aussi, des expériences analogues jusqu’à un certain point aux tiennes ; la façon dont s’exprime la vie en société certains soirs de beuverie m’a été plus d’une fois hautement déplaisante ; certains individus, en raison de leur matérialisme de brasserie, me sont devenus presque intolérables et je n’ai pas entendu porter, sans éprouver la plus vive irritation, des jugements massifs d’une prétention inouïe, sur des personnes et sur des opinions. Nonobstant j’ai bien supporté l’appartenance à l’Association, car j’y ai beaucoup appris et, d’une façon générale, j’ai dû aussi y reconnaître une certaine vie de l’esprit. Quoi qu’il en soit, une relation plus intime avec un ou deux amis m’est tout à fait indispensable ; quand on possède ceux-là, on tolère les autres comme une sorte d’assaisonnement, certains comme poivre et sel, d’autres comme sucre, d’autres comme rien du tout. »

Friedrich Nietzsche, Lettre à Carl von Gersdorff, 25.05.1865

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25/09/2013

Sainteté...

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« Être humain consiste essentiellement à ne pas rechercher la perfection et être parfois prêt à commettre des péchés de loyauté, à ne pas pousser l'ascétisme jusqu'au point où il rendrait les relations amicales impossibles et à accepter finalement d'être vaincu et brisé par la vie, ce qui est le prix inévitable de l'amour que l'on porte à d'autres individus. Sans doute l'alcool, le tabac et le reste sont-ils des choses dont un saint doit se garder, mais la sainteté est elle-même quelque chose dont les êtres humains doivent se garder. »

George Orwell, "Reflections on Gandhi", in "Partisan Review, janvier 1949"

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Tea Party : Sister Awake

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when the winter was over
she returned there to find him
and her memories filled her with light

she remembered the beauty
she remembered desires
and her memories filled her with light

i am the sun in the flame
cold from the flame turns away
and in these winds came a change
she awakes...

sister walk through these fields of delight
but I want you to know
desperation's the tenderest trap
so gently you go
what will it take
sister awake

when this beautiful cult of desire
has left you for dead
isolation will cradle the lies
of things left unsaid
what will it take
sister awake

and you'll look to the heavens above
and taste it's deceit
these temptations have blinded desires
to sleep at their feet
what will it take
sister awake

and you'll hear them call out your name
invoking the fates
chances are you've travelled too far
in stirring their hate
what will it take
sister awake

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Un art, une culture, un savoir-faire, une connaissance, une sagesse, une esthétique des choses de l’amour

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« Le Kâma-sûtra agit en exacte antithèse à La Cité de Dieu. Vâtsyâyana, pour ce que l’on en sait, autrement dit pour les informations livrées dans le corps de son ouvrage, est un brahmane qui enseigne l’excellence de l’hindouisme et appelle à respecter les règles de sa religion. Le livre se présente comme une synthèse d’ouvrages anciens consacrés au même sujet, à savoir "l’art du sexe". Dès l’ouverture du livre, le philosophe donne le nom des auteurs, le titre de leurs ouvrages, les grandes lignes des contenus et annonce qu’il résumera l’ensemble.

En prolégomènes, Vâtsyâyana pose clairement la dimension philosophique de son projet : si les animaux se contentent de la sexualité brute, de la copulation mécanique indexée sur l’unique exigence de la nature, les hommes, eux, pour autant qu’ils aient envie de mériter leur humanité, doivent faire un art, une culture, un savoir-faire, une connaissance, une sagesse, une esthétique des choses de l’amour, grâce à des techniques susceptibles d’être enseignées, transmises par un individu qui sait à un autre qui ignore. Et, chose essentielle : l’ignorant qualifie tout aussi bien l’homme que la femme. La culture sexuelle s’offre donc indistinctement aux deux sexes, ce qui, de fait, définit chez le penseur indien une égalité essentielle et existentielle dès le départ entre les deux sexes. On est loin des fables chrétiennes sur Adam abusé par une Ève vicieuse et pécheresse - et encore plus loin de la haine chrétienne des corps. »

Michel Onfray, Le souci des plaisirs

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Au désert...

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« Adolescents, nous vivons en partie par procuration, à travers les auteurs que nous aimons et auxquels nous nous identifions. Adultes, nous avons parfois l’impression que les livres qui jadis ne quittaient pas notre table de chevet ne nous sont plus nécessaires ; que nous devons les oublier et voler de nos propres ailes ; imiter ce moine qui, après avoir passé vingt ans à s’adonner nuit et jour à la lecture, se leva un matin, distribua tous les livres qu’il possédait, et s’enfuit au désert. »

Gabriel Matzneff, Maîtres et complices

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Une façon de se masturber en faisant croire à son prochain que c'est lui qu'on caresse

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« Je n'ai donc plus tellement soif de mes semblables et me demande même - avec prudence - si l'humanisme n'est pas un réflexe de défense corporatiste, une sorte de syndicalisme biologique destiné à protéger l'espèce à laquelle on appartient, à défendre ses prérogatives. Nul doute qu'on pratiquerait le léopardisme si on était léopard et l'éléphantisme si on était éléphant. L'amour porté à l'Homme par lui-même (et ses avatars finalistes, anthropocentristes, monothéistes...) ne serait que l'adoration de soi-même dans le miroir de l'autre. Une façon de se masturber en faisant croire à son prochain que c'est lui qu'on caresse. Les humanistes aiment, lorsqu'ils contemplent les yeux de leur prochain, y découvrir que c'est eux qu'on regarde.

Ma réticence tient également au vocabulaire. J'ai le sentiment désagréable que le discours humaniste confond la grandeur de quelques personnages avec la valeur proclamée de l'Homme. Sous le prétexte que, dans la nuit de l'histoire, brillent de rares hommes d'exception (les figures de proue de René Grousset), des torchères plantées sur les récifs pour nous guider dans la traversée des âges, le discours conclut que rien sur la terre ne se situe au-dessus de l'Homme. C'est la même confusion qui entraîne à décrire comme aurifère une rivière de boue dans laquelle roulent quelques pépites, comme si charrier à dose infime une poignée de paillettes suffisait à sauver un flot de limon sale. »

Sylvain Tesson, Petit traité de l’immensité du monde

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24/09/2013

Les pères tendent à devenir des "mères comme les autres"

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« "La société a adopté, sans la moindre limite et sans le moindre contre pouvoir, l’intégralité des valeurs féminines", estimait récemment le pédiatre Aldo Naouri. De cette féminisation témoignent déjà le primat de l’économie sur la politique, le primat de la consommation sur la production, le primat de la discussion sur la décision, le déclin de l’autorité au profit du "dialogue", mais aussi l’obsession de la protection de l’enfant (et la survalorisation de la parole de l’enfant), la mise sur la place publique de l’intimité et les confessions intimes de la "télé réalité", la vogue de l’ "humanitaire" et de la charité médiatique, l’accent mis constamment sur les problèmes de sexualité, de procréation et de santé, l’obsession du paraître, du vouloir plaire et du soin de soi, (mais aussi l’assimilation de la séduction masculine à la manipulation et au "harcèlement"), la féminisation de certaines professions (école, magistratures, psychologues, travailleurs sociaux), l’importance des métiers de la communication et des services, la diffusion des formes rondes dans l’industrie, la sacralisation du mariage d’amour (un oxymore), la vogue de l’idéologie victimaire, la multiplication des "cellules de soutien psychologique", le développement du marché de l’émotionnel et de l’apitoiement, la nouvelle conception de la justice qui fait d’elle un moyen, non plus de juger en toute équité, mais de faire droit à la douleur des victimes (pour leur permettre de "faire leur deuil" et de "se reconstruire"), la vogue de l’écologie et des médecines douces, la généralisation des valeurs du marché, la déification du couple, et des problèmes de couple, le goût de la "transparence" et de la "mixité", sans oublier le téléphone portable comme substitut du cordon ombilical , la disparition progressive du mode impératif dans le langage courant, et enfin la globalisation elle-même, qui tend à instaurer un monde de flux et de reflux, sans frontières ni repères stables, un monde liquide et amniotique (la logique de la Mer est aussi celle de la Mère).

  (…) Or, le père symbolise la Loi, référent objectif qui s’élève au-dessus des subjectivités familiales. Alors que la mère exprime avant tout le monde des affects et des besoins, le père a pour rôle de couper le lien fusionnel entre l’enfant et sa mère. Instance tierce qui fait sortir l’enfant de la toute puissance infantile et narcissique, il permet la rencontre de celui-ci avec son contexte social-historique, et lui permet de s’inscrire dans un monde et une durée. Il assure la "transmission de l’origine, du nom, de l’identité, de l’héritage culturel et de la tâche à poursuivre"  (Philippe Forget). Faisant le pont entre la sphère familiale privée et la sphère publique, limitant le désir par la Loi, il s’avère par là indispensable à la construction de soi. Mais de nos jours, les pères tendent à devenir des "mères comme les autres". "Ils veulent eux aussi être porteurs de l’Amour et non plus seulement de la Loi" (Eric Zemmour). Or, l’enfant sans père a le plus grand mal à accéder au monde symbolique. En quête d’un bien être immédiat qui n’a pas à affronter la Loi, l’addiction à la marchandise devient tout naturellement son mode d’être. »

Alain de Benoist, "La société sans pères ou le règne de Narcisse", in "Eléments 2006"

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Le Bon Dieu

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« Sans doute, quand un peuple va à sa perte, quand il sent sa foi en l’avenir, son espoir de liberté, s’évanouir sans retour ; quand la soumission apparaît à sa conscience comme le premier impératif, et les vertus de l’homme soumis comme des conditions de survie, alors, il faut aussi que son Dieu change. Il devient couard, pusillanime, modeste, il conseille maintenant la paix de l’âme, la fin-de-la-haine, l’indulgence, l’amour même envers amis et ennemis. Il moralise constamment, il va se nicher au creux de toute vertu personnelle, il devient le Dieu-pour-tous, il se fait simple particulier, cosmopolite... Autrefois, il représentait un peuple, la force d’un peuple, tout ce qu’il y avait d’agressif et d’avide de puissance dans l’âme d’un peuple : maintenant, il n’est plus que le Bon Dieu... En vérité, il n’y a pour les Dieux pas d’autre choix : soit ils sont la volonté de puissance - et dans ce cas, ils seront des Dieux nationaux, - soit ils sont l’impuissance de la volonté - et alors ils deviennent nécessairement bons... »

Friedrich Nietzsche, L'Antéchrist

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Si l'on veut progresser vers la vérité, il faut renoncer à la certitude

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« Si l'on veut progresser vers la vérité, il faut renoncer à la certitude. Il faut poser en thèse que toute vérité scientifique peut être remise en cause, par des faits, par des raisonnements, par des paradigmes nouveaux qui ouvriront à l'esprit humain des perspectives qu'il ne pouvait même pas imaginer à l'étape précédente, dans un processus aux infinis rebondissements, processus que l'on peut considérer comme l'équivalent épistémologique de l'épectase théologique de saint Grégoire de Nysse.
Cette idée est née, croyons-nous, sur un terreau chrétien. Elle parcourt les grands débats européens sur la tolérance qui ont eu lieu au Moyen-Âge (Abélard, Nicolas de Cuse...), au temps de l'humanisme (Pic de la Mirandole, Montaigne, Bodin...) et aux XVIIe-XVIIIe siècles (Grotius, Milton, Locke, Bayle...). Chaque fois, dans ces débats, on note que l'intolérance vient de la prétention à l'infaillibilité, et l'on souligne le caractère incomplet de toute connaissance humaine. On s'appuie sur l'opposition paulinienne entre l'esprit et la lettre. Dire que la lettre "tue" revient à affirmer la thèse de l'inadéquation de toute forme à la vérité substantielle, laquelle, donc, ne peut être qu'approchée. On cite la Bible qui dit que Dieu seul "sonde les coeurs et les reins", ce qui revient à dire qu'il y a toujours d'autres vérités au-delà de celles sur lesquelles l'homme peut mettre la main, et même lorsqu'il s'agit de sa propre existence. C'est en vertu de l'idée que la vérité, pour le chrétien, est insaisissable, que l'on combat les positions chrétiennes par trop dogmatiques. Avant qu'il puisse voir Dieu au Ciel, l'homme est dans l'obscurité. Si donc il prétend avoir une vision si complète du dogme chrétien qu'il soit certain qu'autrui est dans l'erreur et, à ce titre, puisse lui faire violence, il se gonfle d'un orgueil coupable.
Certes, pendant que les sages discutent ainsi de l'incertitude des choses, des milliers de chrétiens s'entretuent dans les guerres de Religion. Mais lesquels sont les plus chrétiens ? Les foules persécutrices de la Saint-Barthélémy qui ressemblent à toutes les foules persécutrices de tous les temps- toutes religions confondues- ou les Erasme, les Mélanchton, les Montaigne, et les Pascal ?
Le texte de Pascal sur les Deux infinis met en évidence que cette situation ontologiquement et épistémologiquement instable de l'homme fait sa fécondité intellectuelle. Le "roseau" qu'est l'homme est "pensant". Et c'est dans ce contexte que Pascal se risque, d'un même élan, aux hypothèses les plus novatrices en matière scientifique et au "pari" de la foi. »

Philippe Nemo, La belle mort de l'athéisme moderne

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On s'aperçoit que personne ne sait rien

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« Quand on lit un roman, on a l'impression de tout connaître d'avance, tout paraît si compréhensible, mais dès que l'on tombe amoureux soi-même, on s'aperçoit que personne ne sait rien et que chacun doit décider pour soi, tout seul... »

Anton Tchekhov, Oncle Vania

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23/09/2013

Les hommes se sont papaïsés

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« Fatiguée après une mauvaise nuit, Chantal sortit de l'hôtel. En route vers le bord de mer, elle croisa des touristes de week-end. Leurs groupes reproduisaient tous le même schéma : l'homme poussait une poussette avec un bébé, la femme marchait à côté de lui ; le visage de l'homme était bonasse, attentif, souriant, un peu embarrassé et toujours prêt à s'incliner vers l'enfant, à le moucher, à calmer ses cris; le visage de la femme était blasé, distant, suffisant, parfois même (inexplicablement) méchant. Ce schéma, Chantal le vit se reproduire en diverses variantes : l'homme à côté d'une femme poussait la poussette et portait en même temps, dans un sac spécial, un bébé sur le dos; l'homme à côté d'une femme poussait la poussette, portait un bébé sur les épaules et un autre dans un sac sur le ventre ; l'homme à côté d'une femme, sans poussette, tenait un enfant par la main et en portait trois autres sur le dos, sur le ventre, et sur les épaules. Enfin, sans homme, une femme poussait la poussette ; elle le faisait avec une vigueur inconnue des hommes, si bien que Chantal qui marchait sur le même trottoir dut au dernier moment faire un saut de côté.
Chantal se dit : les hommes se sont papaïsés. Ils ne sont pas pères mais juste papas, ce qui signifie : pères sans autorité de père. Elle s'imagine flirter avec un papa qui pousse la poussette avec un bébé et en porte encore deux autres, sur le dos et sur le ventre ; profitant d'un moment où l'épouse se serait arrêtée devant une vitrine, elle chuchoterait un rendez-vous au mari. Que ferait-il ? L'homme transformé en arbre d'enfants pourrait-il encore se retourner sur une inconnue ? Les bébés suspendus sur son dos et sur son ventre ne se mettraient-ils pas à hurler contre le mouvement dérangeant de leur porteur ? Cette idée lui paraît drôle et la met de bonne humeur. Elle se dit : je vis dans un monde où les hommes ne se retourneront plus jamais sur moi. »

Milan Kundera, L'Identité

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La fiction du travail...

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« J'ai lu un jour un livre écrit par un dissident soviétique. Il affirmait qu'en URSS, ce n'est pas le travail qui justifiait la construction de bureaux, mais les bureaux proliférants qui alimentaient la fiction du travail. Vous me direz : On ne peut pas comparer les situations. Et pourtant, il me semble que nous n'en sommes pas loin. Je vois d'ici tout ce qu'on pourrait m'opposer si je parlais de "fiction de travail" dans le monde qui nous entoure - si je disais que la "réalité", l' "urgence", l' "efficacité", les "défis de la complexité", ce sont des histoires que l'on fait tenir debout à grand renfort d'angoisse. Je ne suis pas sociologue, je ne suis pas philosophe, et j'aurais peut-être du mal à défendre ma position. Mais je vous assure : pour moi, le noeud du problème est bien là. Chacun raconte aux autres une histoire de travail qui n'a même pas le panache d'un beau mensonge, et tout ça rassemblé fait une rumeur qu'on vient respirer à grandes bouffées. »

Pierre Mari, Résolution

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Le Travail

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« Nous pensions alors, nous pensons toujours, mais il y a quinze ans tout le monde pensait comme nous, pensait avec nous, ou affectait de penser avec nous, il n’y avait sur ce point, sur ce principe même pas l’ombre d’une hésitation, pas l’ombre d’un débat. Il est de toute évidence que ce sont les bourgeois et les capitalistes qui ont commencé. Je veux dire que les bourgeois et les capitalistes ont cessé de faire leur office, social, avant les ouvriers le leur, et longtemps avant. Il ne fait aucun doute que le sabotage d’en haut est de beaucoup antérieur au sabotage d’en bas, que le sabotage bourgeois et capitaliste est antérieur, et de beaucoup, au sabotage ouvrier ; que les bourgeois et les capitalistes ont cessé d’aimer le travail bourgeois et capitaliste longtemps avant que les ouvriers eussent cessé d’aimer le travail ouvrier. C’est exactement dans cet ordre, en commençant par les bourgeois et les capitalistes, que s’est produite cette désaffection générale du travail qui est la tare la plus profonde, la tare centrale du monde moderne. Telle étant la situation générale du monde moderne, il ne s’agissait point, comme nos politiciens syndicalistes l’ont inventé, d’inventer, d’ajouter un désordre ouvrier au désordre bourgeois, un sabotage ouvrier au sabotage bourgeois et capitaliste. Il s’agissait au contraire, notre socialisme était essentiellement et en outre officiellement une théorie, générale, une doctrine, une méthode générale, une philosophie de l’organisation et de la réorganisation du travail, de la restauration du travail. »

Charles Péguy, Notre Jeunesse

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Leurs faciles, leurs superficielles polémiques

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« Et parce que nous avons mis non pas comme ces ouvriers des semaines et des mois mais quinze années de misère au service de la République, pour nous récompenser les politiques, les politiciens républicains nous interdiraient volontiers d’être chrétiens. Ainsi la République serait le régime de la liberté de conscience pour tout le monde, excepté précisément pour nous, précisément pour nous récompenser de ce que nous l’avons quinze ans défendue, de ce que nous la défendons, de ce que nous la défendrons encore. Pour nous récompenser d’avoir mis quinze ans de misère au service de la République, d’avoir défendu, d’avoir sauvé un régime qui est le régime de la liberté de conscience, on accorderait la liberté de conscience à tout le monde, excepté seulement à nous. Nous nous passerons de la permission de ces messieurs. Nous ne vivons pas, nous ne nous mouvons pas sur le même plan qu’eux. Leurs débats ne sont pas les nôtres. Les douloureux débats que nous avons, que nous soutenons parfois n’ont rien de commun avec leurs faciles, avec leurs superficielles polémiques. »

Charles Péguy, Notre Jeunesse

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22/09/2013

Comme Satan, "Allah aime ceux qui vont jusqu’à tuer pour sa cause."

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« En théologie chrétienne, ce n'est pas Dieu qui est cause du mal (Sagesse 11.24 ; Marc 3.24 ; Romains 5.12), mais Lucifer (Sagesse 2.24 ; voir Ephésiens-5), qui, de bon que Dieu l'avait créé, s'est lui-même rendu mauvais, "car il est menteur et le père du mensonge" (Jean 8.44). Comme Satan, "Allah aime ceux qui vont jusqu’à tuer pour sa cause." ( Coran 61.4) et exige : "Quand vous rencontrerez les infidèles, tuez-les jusqu'à en faire un grand carnage" (Coran 47.4) ; "Combattez-les. Dieu, par vos mains, les châtiera et les couvrira d'ignominie." (Coran 9.14). Allah assume la responsabilité des tueries faites en son nom (Coran 8.17). En islam, la violence est constitutive de la révélation d'Allah, la violence est divine ! Elle s'incarne en quelque sorte dans les "croyants" afin de manifester la colère d'Allah, sa puissance et sa volonté. Il n'y a donc pas à s'étonner que le Coran fasse mention d'Alexandre le Grand (appelé Dhul-Qarnayn, 18:83,86,94) : ses célèbres victoires militaires témoignent qu'il était un homme d'Allah ! Puisque c'est Allah qui crée le mal, un bon musulman pourrait-il faire autrement que faire lui-aussi le mal ? Que tous ceux qui, pour plaire à Allah, s'imaginent devoir faire le mal, se posent cette question : que feraient-ils de différent s'ils voulaient plaire à Satan ?" »

Guy Pagès, Interroger l'Islam

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Nomadisme

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« Les internautes naviguent dans les corridors virtuels du cyberworld, des hordes en rollers transhument dans les couloirs de bus. Des millions de têtes sont traversées par les particules ondulatoires des SMS. Des tribus de vacanciers pareils aux gnous d’Afrique migrent sur les autoroutes vers le soleil, le nouveau dieu !
C’est en vogue : on court, on vaque, on se mondialise. On se troue de piercing pour avoir l’air tribal. Un touriste s’envoie dans l’espace pour vingt millions de dollars. "Bougez-vous !" hurle la pub. "A fond la forme !". On se connecte, on est joignable en permanence. On s’appelle pour faire un jogging. L’Etat étend le réseau de routes : la pieuvre de goudron gagne. Le ciel devient petit : il y a des collision d’avions. Pendant que les TGV fusent, les paysans disparaissent. "Tout fout le camp", disent les vieux qui ne comprennent rien. En fait, rien ne fout le camp, ce sont les gens qui ne tiennent plus en place. Mais ce nomadisme-là n’est qu’une danse de Saint-Guy. »

Sylvain Tesson, Petit traité de l’immensité du monde

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21/09/2013

Be yourself

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