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24/02/2009

Gorgeous and Cynical...

=--=Publié dans la Catégorie "PARENTHÈSE"=--=

 

 

Avenante... la soldatesque féminine israélienne... et avec un sens de l'humour évident.

20:18 Publié dans Parenthèse | Lien permanent | Commentaires (22) | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

23/02/2009

U2 / Get On Your Boots

=--=Publié dans la Catégorie "Music..."=--=

 

J'attends d'entendre l'album... mais ce morceau est pas mal du tout.

20:55 Publié dans Music... | Lien permanent | Commentaires (3) | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

21/02/2009

Insaisissable Bernanos

=--=Publié dans la Catégorie "Lectures"=--=

 

Paul Valéry : "L’homme moderne est l’esclave de la Modernité : il n’est point de progrès qui ne tourne pas à sa plus complète servitude."

 

Bernanos. Le voici, l'obsédé de Dieu, l'angoissé de vérité. Dans "Journal d'un curé de campagne" il trouve Dieu en toute chose, en tout lieu, même dans le cancer qui ronge le curé, même dans l'absurde qui le dévore, même dans la course pour aller conquérir les cœurs fermés de rudes campagnards aveugles à leur bonne fortune qui préfèrent s'adonner à la banalité du Mal. En tant que concerné, avec sa fibre militante, il ne trouve la vérité nulle part. Là où d'autres se seraient satisfaits de la posture idéologique convenable par rapport à un maître, Maurras, ou par rapport à un engagement, la Monarchie, lui quitte les Camelots du Roy pour conspuer les franquistes et après avoir pris le parti de la résistance avec De Gaulle comme héraut il devint après la libération, tout naturellement, antigaulliste. De Gaulle fut, dans son adolescence naissante, son compagnon d'études, à Paris, chez les Jésuites, au collège de Vaugirard. Il refusa par trois fois la légion d'honneur et composa en une dizaine d'années ce qui me semble être de plus en plus une œuvre majeure du vingtième siècle qui fait encore sens de nos jours. Il eut même le toupet d'épouser Jeanne Talbert d'Arc, descendante en droite ligne d'un frère de Jeanne d'Arc. Le déterminé qu'il est s'inscrit dans cette volonté d'aller jusqu'au bout de ses questions dans ce cadre de sa Foi qui lui indique la bonne démarche. Il est plein d'Espérance et d'affectueuse Charité. "Felix qui potuit rerum cognoscere causas !" Heureux celui qui a pu pénétrer le fond des choses. Conviction ou illusion ?


Il y a une indocilité chez Bernanos, qui le place aussitôt chez les francs-tireurs, les inclassables. Sa vérité est une convulsion qui ferait passer celle des surréalistes pour un jeu du langage, une fantaisie de l'esprit. Bernanos est dans le concret des carnes. Il se veut chrétien jusqu'à la fin. Et s'il ne parvient pas à toucher les âmes avec La Parole de Dieu, au moins cherche-t-il à s'y perdre. Dans "la douce pitié de Dieu". Il y a un fort sentiment d'honneur chez Bernanos, à une époque qui annonce celle d'aujourd'hui, précisément une époque où l'honneur n'a plus lieu d'être, se présentant comme un simple orgueil stupide, une fierté mal placée chez les plus têtus, ou comme une vieille valeur poussiéreuse chez le plus grand nombre. L'écrivain disait de lui : "J'ai été élevé dans le respect, l'amour, mais aussi la plus libre compréhension possible, non seulement du passé de mon pays, mais de ma religion. Comprendre pour aimer, aimer pour comprendre, c'est bien là, probablement, notre plus profonde tradition spirituelle nationale, c'est ce qui explique notre horreur de toute espèce de pharisaïsme. Dans ma famille catholique et royaliste j'ai toujours entendu parler très librement et souvent très sévèrement des royalistes et des catholiques. Je crois toujours qu'on ne saurait réellement "servir" - au sens traditionnel de ce mot magnifique - qu'en gardant vis-à-vis de ce qu'on sert une indépendance de jugement absolue. C'est la règle des fidélités sans conformisme, c'est-à-dire des fidélités vivantes." Nous pouvons remercier ses parents d'avoir planté en lui cette confiance sereine en la Liberté lorsqu'elle est structurée par les mêmes valeurs qui ont contribué à faire émerger toute une civilisation. Car il y a un sens du passé, chez Bernanos, et non pas un sens "passéiste". La nuance, voyez-vous, est de taille. D'où des contradictions et des extravagances. Sa seule mesure, son unique modération est celle de Dieu. Tout ce qui s'inscrit en contre-sens de l'attente de la Présence n'est pas à considérer. Et pourtant, il lui faut vivre dans un temps qui préfère enivrer les esprits pour affaiblir les corps. Il lui faut traverser les morts de 14-18, puis le défaitisme de 39-45, les vociférations des traîtres de Vichy.

"J'ai fait la guerre de 1914, engagé volontaire, comme simple caporal, c'est-à-dire dans une familiarité et une fraternité quotidiennes avec mes camarades ouvriers et paysans. Ils ont achevé de me dégoûter pour toujours de l'esprit bourgeois. Ce n'est pas la misère ou l'ignorance du peuple qui m'attire, c'est sa noblesse. L'élite ouvrière française est la seule aristocratie qui nous reste, la seule que la bourgeoisie du XIX e et du XX e siècle n'ait pas encore réussi à avilir."

Voilà qui est définitivement terminé et Bernanos le pressens déjà il y a 60 ans lorsqu'il écrit "La France contre les robots".

La rébellion, chez Bernanos, est une vertu cardinale, une vertu chrétienne. Un chrétien soumis aveuglément aux fortes personnalités n'est qu'un idolâtre qui s'ignore. Ce qui a lassé bien des proches autour de lui quand il a rompu avec Maurras ou avec De Gaulle en gardant la tête haute. Si on peut trouver de fortes résonances entre Bernanos et Bloy, Clavel (me dit-on, que je n'ai pas lu) et Boutang (me dit-on de même, que je n'ai pas lu non plus), je me demande quelle est la postérité de cet écrivain ? Mes mises en parallèle entre Bernanos et Houellebecq (ici et ) ne sont pas une audace immodérée, il se trouve juste que je lis les deux livres en même temps, l'un de jour, l'autre le soir, et que je trouve saisissant que le premier prophétise et que le deuxième fasse vivre ses personnages dans l'angoisse et le vide prophétisés par le premier. En vérité, ce qui semble le grandir, c'est qu'il n'a pas d'authentiques postérité, quelques pâles imitateurs ou décortiqueurs de textes qui leurs font dire ce qui arrange. La récupération est une force évidente pour le colosse aux pieds d'argile qui nous mène au doigt et à l'oeil.

Bernanos marche contre le vent. Il tient tête à la bêtise et analyse les choses, les faits, les actes à leur racine. Polémiste, il extirpe du passé tout ce qui doit être montré au grand jour de notre temps pour nous en faire comprendre la signification. Romancier, il scrute les âmes et décharne les corps pour les rendre visibles selon des angles insoupçonnables. Dans les deux cas il est en dehors des sentiers, là où on ne l'attend pas, avec une humanité prégnante qui ne demande qu'à accoucher d'un avenir plus conforme à sa constitution. Choses oubliées sous le soleil de Satan. Les chemins ravinés sont difficiles d'emprunt, c'est une guerre que d'y avoir accès et d'en revenir pour dire ce qu'il y a à dire. Et c'en est une autre encore que de se faire entendre dans la tourmente qui est la nôtre depuis le début du XX e siècle. Gaëtan Picon a écrit un des premiers livres consacrés à l'écrivain en 1948, "Bernanos, L'impatiente Joie". Beau sous-titre. Il écrit : "A travers les redites et les négligences du texte, cependant, une voix perce, passe, magnifique, nous frappe en plein cœur. Le pathétique, l'éloquence naturelle de cette voix, nul ne les conteste. Mais quelques-uns s'étonnent de l'audience qu'elle rencontrait. Mais quelques-uns s'étonnent de l'audience qu'elle rencontrait. Car l'autorité de Bernanos excédait de beaucoup celle de la foi religieuse et politique dont il était le héraut. Que Bernanos fût écouté par ceux-là mêmes qui ne partageaient ni sa croyance en une rédemption surnaturelle ni sa nostalgie d'un passé traditionnel - qui l'ait été, parfois, par ceux-là plus que par les autres -, que sa parole, sans effort, se soit élevée à une sorte d'autorité élémentaire et universelle : voilà le mystère, voilà le scandale". Mystère et scandale, probablement pour Sartre et Beauvoir qui voyaient dans "Journal d'un curé de campagne" une oeuvre de première importance, une description au scalpel (comme l'aurait peut-être signalé Nietzsche) de notre funeste condition dont nous nous battons pour en maintenir une signification digne de ce nom. Gaëtan Picon écrivait, dans un autre livre, consacré à Nietzsche ("Nietzsche, la vérité de la vie intense") : "Définir la philosophie de Nietzsche par la liaison étroite qu'elle établit entre la connaissance et l'existence, par la corrélation qu'elle maintient d'un bout à l'autre entre la qualité de la pensée et la qualité de la vie, c'est sans doute l'atteindre dans sa tendance constitutive, rejoindre sa direction la plus personnelle. On peut définir la pensée de Nietzsche tout entière par la conception du jugement de valeur qu'elle inclut. Son originalité consiste à ne jamais dissocier le jugement de valeur du jugement de vérité. La valeur recouvre toujours un fait réel : une illusion ne peut jamais être la source d'une valeur. Et, puisque ne valent que les faits, seule la pensée exacte, respectueuse des faits, peut fonder une forme valable de l'existence. Chez Nietzsche, la vérité, que la théorie de la connaissance garantit, devient, dans la théorie de la culture et, plus largement, de l'existence, le principe des jugements de valeur." Le hasard m'a fait tomber sur ce passage et il suffit de remplacer le nom de Nietzsche par celui de Bernanos pour réaliser à quel point les deux hommes sont frères par-delà leurs différences. Mais le hasard existe-t-il ? Car Bernanos a bien compris qu'il y a des lanternes et qu'il y a des vessies, comme le philosophe allemand l'avait compris en son temps. Gaëtan Picon affirme à propos de Bernanos : "Dans chaque livre le voyageur qui toujours s'égare sur les routes nocturnes parmi les haies, les chênes tordus, les flaques ou l'on glisse (...) : et arrive ce moment où l'on tombe, où l'on croit mourir, pour se réveiller à la lueur d'une lanterne inconnue." Et Bernanos l'indique clairement dans "La France contre les robots", les clignotements faussement lumineux de la politique le dégoûtent, car une nouvelle tyrannie se prépare en laquelle se fonderont toutes les tyrannies pour, avec le masque de la douceur et de la mansuétude, venir nous câliner comme une putain. Jean-Luc Nancy dans "Le Sens du monde" (Galilée, 1993, p. 11) écrit : "Il y a, chez les femmes et chez les hommes de ce temps, une manière plutôt souveraine de perdre pied sans angoisse, et de marcher sur les eaux de la noyade du sens. Une manière de savoir, précisément, que la souveraineté n’est rien, qu’elle est ce rien dans lequel le sens, toujours, s’excède. Ce qui résiste à tout, et peut-être toujours, à toute époque, ce n’est pas un médiocre instinct d’espèce ou de survie, c’est ce sens-là." Car comment s'interdire, à la lecture de "La France contre les robots" de songer au "dernier homme" chez Nietzsche encore, qui cligne des yeux devant "la vache bariolée" sans plus se poser de question mâchant sobrement ce qu'on lui ordonne de mâcher et n'en parlons plus. A croire que l'homme a honte d'être un homme, que ce fait est un problème en soi, le premier qui soit. Gilles Deleuze et Félix Guattari écrivent dans "Qu’est-ce que la philosophie ?" : "La honte d’être un homme nous ne l’éprouvons pas seulement dans les situations extrêmes décrites par Primo Levi, mais dans des conditions insignifiantes, devant la bassesse et la vulgarité d’existence qui hante les démocraties, devant la propagation de ces modes d’existence et de pensée-pour-le-marché, devant les valeurs, les idéaux et les opinions de notre époque. L’ignominie des possibilités de vie qui nous sont offertes apparaît du dedans. Nous ne nous sentons pas hors de notre époque, au contraire nous ne cessons de passer avec elle des compromis honteux. Ce sentiment de honte est un des plus puissants motifs de la philosophie. Nous ne sommes pas responsables des victimes, mais devant les victimes. Et il n’y a pas d’autre moyen que de faire l’animal (grogner, fouir, ricaner, se convulser) pour échapper à l’ignoble : la pensée même est parfois plus proche d’un animal qui meurt que d’un homme vivant, même démocrate." Conformiste, docile et moutonnier, oisif de la pensée, voici pour Nietzsche comme pour Bernanos le terme d'un long processus de dégénérescence d'une humanité shootée aux narcotiques que sont les valeurs démocrassouillardes et chrétiennes et qui n'ont plus rien de démocratique et de chrétiennes si on y regarde de plus près. Comme l'écrit Gilbert Keith Chesterton, dans ce qui fut un Best Seller, "Orthodoxie" : "Le monde moderne est envahi de vieilles vertus chrétiennes devenues folles." Et cet homme régnant, ou plutôt qui ne règne sur rien, est l'homme le plus méprisable, celui qui s'est renié et, par là, qui a tout renié d'un revers de la main, malgré les charniers, malgré les guerres, malgré les massacres qui ne s'arrêtent jamais. Il n'aspire plus qu'à une paix de vache, dans son jolie prés carré, avec la protection de clôtures électriques et l'assurance de regarder passer les trains. Une vache et un puceron. Un bâtard de la nature qui se satisfait juste de n'être qu'un sur-singe en nettement moins amusant. Cheetah, au moins, sait nous amuser. Le "dernier homme" n'apporte que le dégoût, avec ses espoirs politiques, son troupeau unique, son esprit grégaire, soumis, domestiqué. Pauvre Bernanos. Pauvre Nietzsche. Leur appel, leur hurlement dans le désert, dessus le gouffre dont tout le monde se moque. Mais aucun des deux n'est dupe, la naïveté n'est pas leur for intérieur. Dans "Ainsi parlait Zarathoustra", Zarathoustra, justement, après avoir tenté d'enseigner le Surhomme au peuple et constatant son échec fait éclore sous les yeux de la plèbe la figure humaine la plus abjecte et la plus avilissante afin de déclencher en elle le désir d'un autre type d'être :

"Il est temps que l’homme se fixe à lui-même son but. Il est temps que l’homme plante le germe de sa plus haute espérance.
Maintenant son sol est encore assez riche. Mais ce sol un jour sera pauvre et stérile et aucun grand arbre ne pourra plus y croître.
Malheur ! Les temps sont proches où l’homme ne jettera plus par-dessus les hommes la flèche de son désir, où les cordes de son arc ne sauront plus vibrer !
Je vous le dis : il faut porter encore en soi un chaos, pour pouvoir mettre au monde une étoile dansante. Je vous le dis : vous portez en vous un chaos.
Malheur ! Les temps sont proches où l’homme ne mettra plus d’étoile au monde. Malheur ! Les temps sont proches du plus méprisable des hommes, qui ne sait plus se mépriser lui-même.
Voici ! Je vous montre le dernier homme."

Et ne sachant plus se mépriser lui-même il se méprise effectivement plus que jamais. La foule rit de Zarathoustra et lui quémande :

"Fais de nous ces derniers hommes ! Et garde pour toi ton surhumain !"

Habité par cette "impatiente joie", Bernanos, malgré la tristesse qui le tenaille constamment, ne désarme pas, il veut garder confiance au moment où tout condamne sa confiance. Le monde techno-scientifique et économico-industriel dans lequel nous nous soumettons ne vise qu'une seule et unique chose : accroître l’autoproduction de l’humain, faire tomber le cash, vivre vite et mourir le plus tard possible, si possible avant la fin du monde. Demain les clones. L’homme ne se découvrant plus que dépendant que de lui-même (Dieu étant mort) est saisi d'angoisses, il bascule dans le nihilisme, espère trouver des idoles de replacement. Mais Dieu est seulement dans l’absence privative. Il mute. Le crépuscule des idoles est une promesse d'aurores nouvelles, sanglantes et factices. Le faux divin bien présent est en réalité une lourde et effroyable absence, sombre, menaçante et l'homme n'étant plus que l'ombre de lui-même quel refuge peut on choisir ? "L'homme est l' "abri" dont l'Être aurait lui-même besoin pour échapper à la détresse" écrit Heidegger. Mais le "dernier homme" n'est plus l'Homme en tant que tel, il en est un terrifiant amoindrissement. Et c'est de ce lieu de désolation où l'homme s'anéantit que surgira la rédemption, le lien avec ce qui importe vraiment, aussi il faut parler et dire l'essentiel acte de foi.

Tout comme Rembrandt introduit dans ses tableaux de cette Ténèbre et de cette Clarté qui ne sont pas de ce monde, l'Ombre et la Lumière de l'incompréhensible et impénétrable ontologie qui nous inquiète. "Le don magnifique de Bernanos, c'est de rendre le surnaturel naturel" écrit François Mauriac. Et Paul Claudel, dans la même veine mais plus précis : "Ce qui est beau, c'est ce sentiment fort du surnaturel, dans le sens non pas d'extranaturel mais du naturel à un degré éminent." Même dans un essai pamphlétaire comme "La France contre les robots" on sent bien en retrait, dans les interstices du labyrinthe, entre les lignes, la présence d'un souffle qui n'est pas de ce monde et que Bernanos parvient à rendre famillier, palpable. Car nous avons tous, à un moment ou à un autre, été ému par un instant unique, lorsque les conditions étaient réunies pour nous indiquer que cette place où nous nous trouvions n'était pas la nôtre. "J'écris pour me justifier" a dit Bernanos "aux yeux de l'enfant que je fus." Et aussi : "Rien ne m'a jamais poussé à écrire, sinon le besoin de retrouver le langage ancien." Et si le découragement peut saisir le lecteur lambda face à l'oeuvre qui semble sentir les vieilles nostalgies cléricales, il lui faudrait aller chercher plus loin, dépasser ses petites crispations qui exigent une lecture facile, n'est pas Dan Brown, Marc Lévy ou Lauren Weisberger qui veut. Dans "Journal d'un curé de campagne", le romancier a tenté de mettre à jour les croisements, les situations, les points d'achoppements si je puis dire, ces instants d'absolution, de rédemption où la vérité fondamentale, la vérité originelle rejoint l'heure ultime, l'instant de la fin. Dans "La France contre les robots", l'essayiste fait la même chose, en parcourant le suc de l'Histoire de France pour dire notre désastre actuel, au moment où tout semble fini, achevé et qui ne l'est point. L'Histoire, comme le lecteur, emprunte de tortueux chemins, aux abords des gouffres, pour cheminer vers une lumière possible, un Jardin d'oliviers, pour une transfiguration souhaitée. L'essayiste-pamphlétaire veut indiquer les symptômes, leurs maladives nervures qui se déploient de part en part de ce qui fut jadis la Création de Dieu et n'est plus que le souffreteux royaume du Diable. Le romancier s'efforce de sauver des âmes. Les larmes me sont venues à la lecture du "Journal d'un curé de campagne". Purge lacrymale. Il exige de ses lecteurs une capacité à mettre en cause le Salut de leur âme. Voilà. Le reste importe peu. Du reste, il ne souhaite pas être de la compagnie des gens de lettres. "Personne ne se voit moins que moi à travers la littérature. Personne n'a d'une équivoque hideuse une horreur plus vive..." Il est d'une autre interrogation, d'une respiration parallèle, et son interrogation est d'une telle force qu'elle parvient, selon le mot de Malraux dans sa préface au Journal, à révéler à l'agnostique cette part de divin qui habite en l'Homme, qu'il le veuille ou non. C'est un Sacerdoce, pour utiliser le langage qui convient, qui consiste à mettre à jour la Lumière et l'Ombre combinées, unies de l'enfance et de la mort, c'est la parole cédée aux Démons et au Christ qui s'affrontent et s'équilibrent, s'observent comme en un miroir les uns voyant l'autre et l'autre voyant ceux-là, comme l'avait, aussi, compris Bloy, dont ma découverte ne fait que commencer.

Dieu et Satan sont des révélateurs d'Ombres, ces lieux de perdition d'où surgit également la rédemption espérée, du sein de l'ambïguité et de l'indicible tâtonnement.

 

 

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20/02/2009

Houellebecq... Bernanos... Bernanos... Houellebecq...

=--=Publié dans la Catégorie "Lectures"=--=

Etonnant comme Houellebecq parvient à décrire la psychologie qui règne au sein des entreprises post-modernes, leur misère sexuelle, morale, intellectuelle, sentimentale, inutile de dire spirituelle.

« Les degrés de liberté selon J.-Y. Fréhaut

Ensuite, je retourne au siège de ma société. On m’y fait bon accueil ; j’ai, semble-t-il, réussi à rétablir ma position dans l’entreprise.
Mon chef de service me prend à part ; il me révèle l’importance de ce contrat. Il sait que je suis un garçon solide. Il a quelques mots, d’un réalisme amer, sur le vol de ma voiture. C’est une espèce de conversation entre hommes, près du distributeur automatique de boissons chaudes. Je discerne en lui un grand professionnel de la gestion des ressources humaines ; intérieurement, j’en roucoule. Il me paraît de plus en plus beau.

Plus tard dans l’après-midi, j’assisterai au pot de départ de Jean-Yves Fréhaut. C’est un élément de valeur qui s’éloigne de l’entreprise, souligne le chef de service ; un technicien de haut mérite. Sans doute connaîtra-t-il, dans sa future carrière, des succès au moins équivalents à ceux qui ont marqué la précédente ; c’est tout le mal qu’il lui souhaite. Et qu’il repasse, quand il voudra, boire le verre de l’amitié ! Un premier emploi, conclut-il d’un ton égrillard, c’est une chose qu’on a du mal à oublier ; un peu comme un premier amour. Je me demande à cet instant si lui-même n’a pas un peu trop bu.
Brefs applaudissements. Quelques mouvements se dessinent autour de J.-Y. Fréhaut ; il tourne lentement sur lui-même, l’air satisfait. Je connais un peu ce garçon ; nous sommes arrivés en même temps dans l’entreprise, il y a trois ans ; nous partagions le même bureau. Une fois, nous avions parlé civilisation. Il disait — et en un sens il le croyait vraiment que l’augmentation du flux d’informations à l’intérieur de la société était en soi une bonne chose. Que la liberté n’était rien d’autre que la possibilité d’établir des interconnexions variées entre individus, projets, organismes, services. Le maximum de liberté coïncidait selon lui avec le maximum de choix possibles. En une métaphore empruntée à la mécanique des solides, il appelait ces choix des degrés de liberté.
Nous étions je me souviens assis près de l’unité centrale. La climatisation émettait un léger bourdonnement. Il comparait en quelque sorte la société à un cerveau, et les individus à autant de cellules cérébrales, pour lesquelles il est en effet souhaitable d’établir un maximum d’interconnexions. Mais l’analogie s’arrêtait là. Car c’était un libéral, et il n’était guère partisan de ce qui est si nécessaire dans le cerveau : un projet d’unification.
Sa propre vie, je devais l’apprendre par la suite, était extrêmement fonctionnelle. Il habitait un studio dans le 15e arrondissement. Le chauffage était compris dans les charges. Il ne faisait guère qu’y dormir, car il travaillait en fait beaucoup — et souvent, en dehors des heures de travail, il lisait Micro-Systèmes. Les fameux degrés de liberté se résumaient, en ce qui le concerne, à choisir son dîner par Minitel (il était abonné à ce service, nouveau à l’époque, qui assurait une livraison de plats chauds à une heure extrêmement précise, et dans un délai relativement bref).
Le soir j’aimais à le voir composer son menu, utilisant le Minitel posé sur le coin gauche de son bureau. Je le taquinais sur les messageries roses ; mais en réalité je suis persuadé qu’il était vierge.
En un sens, il était heureux. Il se sentait, à juste titre, acteur de la révolution télématique. Il ressentait réellement chaque montée en puissance du pouvoir informatique, chaque pas en avant vers la mondialisation du réseau, comme une victoire personnelle. Il votait socialiste. Et, curieusement, il adorait Gauguin. »

J’en vois passer des comme ça à la pelle, cravatés et souriants, décisionnaires, impeccables et implacables, la tronche saturée de statistiques, de prévisions, d’analyses, de projets. Des robots à la file qui ne savent guère ce qu’est le silence, le repli, le recentrage, la respiration méditative, la jouissance de la lecture, je veux dire d’une lecture autre que celle du dernier best-seller en cours chié par la machine qu’ils servent sans ciller. Passons, passons, vite, en disant « bonjour », la pointeuse veille.

 

« C’est là un fait unique dans l’Histoire. Les civilisations qui ont précédé celle des Machines ont certainement été elles aussi, à bien des égards, la conséquence d’un certain nombre de transformations morales, sociales ou politiques ; mais d’abord ces transformations s’opéraient très lentement, et comme à l’intérieur d’un certain cadre immuable. L’homme pouvait bénéficier ainsi des expériences ultérieures, même s’il en avait pratiquement oublié les leçons. A chaque nouvelle crise, il retrouvait les réflexes de défense ou d’adaptation qui avaient, en des cas presque semblables, servi à ses aïeux. Lorsque la civilisation nouvelle était à point, l’homme destiné à y vivre était à point lui aussi, on pourrait presque dire qu’il s’était formé avant elle. Au lieu que la Civilisation des Machines a pris l’homme au dépourvu. Elle s’est servie d’un matériel humain qui n’était pas fait pour elle. La tragédie de l’Europe au XIXe siècle et d’abord, sans doute, la tragédie de la France, c’est précisément l’inadaptation de l’homme et du rythme de la vie qui ne se mesure plus au battement de son propre cœur, mais à la rotation vertigineuse des turbines, et qui d’ailleurs s’accélère sans cesse. L’homme du XIXe siècle ne s’est pas adapté à la civilisation des Machines et l’homme du XXe pas davantage. Que m’importe le ricanement des imbéciles ? J’irai plus loin, je dirai que cette adaptation me paraît de moins en moins possible. Car les machines ne s’arrêtent pas de tourner, elles tournent de plus en plus vite e l’homme moderne, même au prix de grimaces e de contorsions effroyables, ne réussit plus à garder l’équilibre. Pour moi, j’estime que l’expérience est faite. — « Quoi ? en un temps si court ? Deux siècles ? » — Oh ! pardon. Lorsqu’au début de quelque traitement un malade présente de fortes réactions qui vont diminuant peu à peu de gravité, il est permis de garder l’espoir d’une accoutumance plus ou moins tardive. Mais si les symptômes, loin de s’atténuer, se font de plus en plus inquiétants, au point de menacer la vie du patient, est-ce que vous trouverez convenable de poursuivre l’expérience, imbéciles ! Vous me répondrez qu’il ne faut pas perdre patience, que tout le mal vient de ce que les machines se sont perfectionnées trop vie pour que l’homme ait eu le temps de devenir meilleur et qu’il s’agit maintenant de combler ce retard. Une machine fait indifféremment le bien ou le mal. A une machine plus parfaite — c’est-à-dire de plus d’efficience — devrait correspondre une humanité plus raisonnable, plus humaine. La civilisation des Machines a-t-elle amélioré l’homme ? Ont-elles rendu l’homme plus humain ? Je pourrais me dispenser de répondre, mais il me semble cependant plus convenable de préciser ma pensée. Les machines n’ont, jusqu’ici du moins, probablement rien changé à la méchanceté foncière des hommes, mais elles ont exercé cette méchanceté, elles leur en ont révélé la puissance et que l’exercice de cette puissance n’avait, pour ainsi dire, pas de bornes. Car les limites qu’on a pu lui donner au cours des siècles sont principalement imaginaires, elles sont moins dans la conscience que dans l’imagination de l’homme. C’est le dégoût qui nous préserve souvent d’aller au delà d’une certaine cruauté — la lassitude, le dégoût, la honte, le fléchissement du système nerveux — et il nous arrive plus souvent que nous le pensons de donner à ce dégoût le nom de la pitié. L’entrainement permet de surmonter ce dégoût. Méfions-nous d’une pitié que Dieu n’a pas bénie, et qui n’est qu’un mouvement des entrailles. Les nerfs de l’homme ont leurs contradictions leurs faiblesses, mais la logique du mal est stricte comme l’Enfer ; le diable est le plus grand des Logiciens — ou peut-être, qui sait ? — la Logique même. Lorsque nous lisions, en 1920, par exemple, l’histoire de la guerre de 1870, nous nous étonnions de l’indignation soulevée alors dans le monde entier par l’inoffensif bombardement de Paris ou de Strasbourg, l’enlèvement des pendules et le fusillement de quelques francs-tireurs. Mais, en 1945, nous pourrions aussi bien sourire des articles enflammés parus trente ans plus tôt sur le bombardement de Reims ou la mort d’Edith Cavell. En 1950… à quoi bon ? Vous resterez bouche bée, imbéciles, devant des destructions encore inconcevables à l’instant où j’écris ces lignes, et vous direz exactement ce que vous dites aujourd’hui, vous lirez dans les journaux les mêmes slogans mis définitivement au point pour les gens de votre sorte, car la dernière catastrophe a comme cristallisé l’imbécile ; l’imbécile n’évoluera plus désormais, voilà ce que je pense ; nous sommes désormais en possession d’une certaine espèce d’imbécile capable de résister à toutes les catastrophes jusqu’à ce que cette malheureuse planète soit volatilisée, elle aussi, par quelque feu mystérieux dont le futur inventeur est probablement un enfant au maillot. »

La France contre les robots – Georges Bernanos

 

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Extension du domaine de la lutte dans la France des Robots

=--=Publié dans la Catégorie "Lectures"=--=


 

Je lis La France contre les robots de Bernanos d’une part et Extension du domaine de la lutte de Houellebecq d’autre part. La résonance entre les deux livres existe. Elle est palpable. Ce que Bernanos pressent au lendemain de la seconde guerre mondiale se réalise de façon précise dans la jolie société que décrit Houellebecq désabusé et qui est la nôtre.

Et qui dit que Houellebecq n’a pas de style ou que c’est un mauvais écrivain soit ne sait pas lire, soit est crispé sur de vieilles certitudes esthétiques qui le laissent dans la pure macération réactionnaire. Amusant que certains réactionnaires ne soient pas touchés par la plume froide et clinique de cet écrivain qui n’épargne pas notre temps.

« Vous aussi, vous vous êtes intéressé au monde. C’était il y a longtemps ; je vous demande de vous en souvenir. Le domaine de la règle ne vous suffisait plus ; vous ne pouviez vivre plus longtemps dans le domaine de la règle ; aussi, vous avez dû entrer dans le domaine de la lutte. Je vous demande de vous reporter à ce moment précis. C’était il y a longtemps, n’est-ce pas ? Souvenez-vous : l’eau était froide.
Maintenant, vous êtes loin du bord : oh oui ! comme vous êtes loin du bord ! Vous avez longtemps cru à l’existence d’une autre rive ; tel n’est plus le cas. Vous continuez à nager pourtant, et chaque mouvement que vous faites vous rapproche de la noyade. Vous suffoquez, vos poumons vous brûlent. L’eau vous paraît de plus en plus froide, et surtout de plus en plus amère. Vous n’êtes plus tout jeune. Vous allez mourir, maintenant. Ce n’est rien. Je suis là. Je ne vous laisserai pas tomber. Continuez votre lecture.
Souvenez-vous, encore une fois, de votre entrée dans le domaine de la lutte.

[…]
Ce choix autobiographique n’en est pas réellement un : de toute façon, je n’ai pas d’autre issue. Si je n’écris pas ce que j’ai vu je souffrirai autant — et peut-être un peu plus. Un peu seulement, j’y insiste. L’écriture ne soulage guère. Elle retrace, elle délimite. Elle introduit un soupçon de cohérence, l’idée d’un réalisme. On patauge toujours dans un brouillard sanglant, mail il y a quelques repères. Le chaos n’est plus qu’à quelques mètres. Faible succès, en vérité. Quel contraste avec le pouvoir absolu, miraculeux, de la lecture ! Une vie entière à lire aurait comblé mes vœux ; je le savais déjà à sept ans. La texture du monde est douloureuse, inadéquate ; elle ne me paraît pas modifiable. Vraiment, je crois qu’une vie entière à lire m’aurait mieux convenu.
Une telle vie ne m’a pas été donnée.

 

[…]
Mon propos n’est pas de vous enchanter par de subtiles notations psychologiques. Je n’ambitionne pas de vous arracher des applaudissements par ma finesse et mon humour. Il est des auteurs qui font servir leur talent à la description délicate de différents états d’âme, traits de caractères, etc. On ne me comptera pas parmi ceux-là. Toute cette accumulation de détails réalistes, censés camper des personnages nettement différenciés, m’est toujours apparue, je m’excuse de le dire, comme pure foutaise. Daniel qui est l’ami d’Hervé, mais qui éprouve certaines réticences à l’égard de Gérard. Le fantasme de Paul qui s’incarne en Virginie, le voyage à Venise de ma cousine… on y passerait des heures. Autant observer les homards qui se marchent dessus dans un bocal (il suffit, pour cela, d’aller dans un restaurant de poissons). Du reste, je fréquente peu les êtres humains.
Pour atteindre le but, autrement philosophique, que je me suppose, il me faudra au contraire élaguer. Simplifier. Détruire un par un une foule de détails. J’y serai d’ailleurs aidé par le simple jeu du mouvement historique. Sous nos yeux, le monde s’uniformise ; les moyens de télécommunication progressent ; l’intérieur des appartements s’enrichit de nouveaux équipements. Les relations humaines deviennent progressivement impossibles, ce qui réduit d’autant la quantité d’anecdotes dont se compose une vie. Et peu à peu le visage de la mort apparaît, dans toute sa splendeur. Le troisième millénaire s’annonce bien. »

 

 

Et ces deux pages pleines d'humour...

« Bernard, oh Bernard

Le lundi suivant, en retournant à mon travail, j’appris que ma société venait de vendre un progiciel au ministère de l’Agriculture, et que j’avais été choisi pour assurer la formation. Ceci me fut annoncé par Henry La Brette (il tient beaucoup au y, ainsi qu’à la séparation en deux mots). Âgé comme moi de trente ans, Henry La Brette est mon supérieur hiérarchique direct ; nos relations en général sont empreintes d’une sourde hostilité. Ainsi il m’a d’emblée indiqué, comme s’il se faisait une joie personnelle de me contrarier, que ce contrat nécessiterait plusieurs déplacements : à Rouen, à La Roche-sur-Yon, je ne sais où encore. Ces déplacements ont toujours représenté pour moi un cauchemar ; Henry La Brette le sait. J’aurais pu rétorquer : « Eh bien, je démissionne » ; mais je ne l’ai pas fait.
Bien avant que le mot ne soit à la mode, ma société a développé une authentique culture d’entreprise (création d’un logo, distribution de sweat-shirts aux salariés, séminaires de motivation en Turquie). C’est une entreprise performante, jouissant d’une réputation enviable dans sa partie ; à tous points de vue, une bonne boîte. Je ne peux pas démissionner sur un coup de tête, on le comprend.
Il est dix heures du matin. Je suis assis dans un bureau blanc et calme, en face d’un type légèrement plus jeune que moi, qui vient de rejoindre l’entreprise. Je crois qu’il s’appelle Bernard. Sa médiocrité est éprouvante. Il n’arrête pas de parler de fric et de placements : les SICAV, les obligations françaises, les plans d’épargne-logement… tout y passe. Il compte sur un taux d’augmentation légèrement supérieur à l’inflation. Il me fatigue un peu ; je n’arrive pas vraiment à lui répondre. Sa moustache bouge.
Quand il sort du bureau, le silence retombe. Nous travaillons dans un quartier complètement dévasté, évoquant vaguement la surface lunaire. C’est quelque part dans le treizième arrondissement. Quand on arrive en bus, on se croirait vraiment au sortir d’une troisième guerre mondiale. Pas du tout, c’est juste un plan d’urbanisme.
Nos fenêtres donnent sur un terrain vague, pratiquement à perte de vue, boueux, hérissé de palissades. Quelques carcasses d’immeubles. Des grues immobiles. L’ambiance est calme et froide.

 

Bernard revient. Pour égayer l’atmosphère, je lui raconte que ça sent mauvais dans mon immeuble. En général les gens aiment bien ces histoires de puanteur, je l’ai remarqué ; et c’est vrai ce matin en descendant l’escalier j’ai vraiment perçu une odeur pestilentielle. Que fait donc la femme de ménage, d’habitude si active ?
Il dit : « ça doit être un rat crevé, quelque part. » la perspective, on ne sait pourquoi, semble l’amuser. Sa moustache bouge légèrement.
Pauvre Bernard, dans un sens. Qu’est-ce qu’il peut bien faire de sa vie ? Acheter des disques laser à la FNAC ? Un type comme lui devrait avoir des enfants ; s’il avait des enfants, on pourrait espérer qu’il finisse par sortir quelque chose de ce grouillement de petits Bernards. Mais non, il n’est même pas marié. Fruit sec.
Au fond il n’est pas tellement à plaindre, ce bon Bernard, ce cher Bernard. Je pense même qu’il est heureux dans la mesure qui lui est impartie, bien sûr ; dans sa mesure de Bernard. »

Extension du domaine de la lutte – Michel Houellebecq

Incisif, cruel et rieur.

 

Bernanos, désabusé également, au sortir de la seconde guerre mondiale, qui fut une guerre éclair, une guerre mécanique sans précédent, totale, voulant précipiter l’humanité vers une manœuvre éternelle dans une soumission absolue et fanatique et trouvant son macabre exutoire dans l’insondable abîme de la Shoah et la première explosion atomique, l’ancien Camelot du Roy assiste à la mise en jachère de l’esprit, à la disparition progressive de l’être au profit de l’avoir, à la soumission mécanique, programmée de l’homme au golem machinique.

« La liberté ne sera pas sauvée par les institutions, elle ne sera pas sauvée par la guerre. Quiconque observe les évènements, a très bien compris que la guerre continue de déplacer les questions sans les résoudre. Son explosion a détruit l’équilibre des dictatures, mais on peut craindre qu’elles ne se regroupent entre elles, sous d’autres noms, pour un nouveau système d’équilibre plus stable que l’ancien, car s’il réussissait à se constituer, les faibles n’auraient plus rien à espérer de la rivalité des forts. Une Paix injuste régnerait sur un monde si totalement épuisé qu’elle y aurait les apparences de l’ordre. »

« Ils s’efforcent, ils se hâtent de nous faire rentrer dans le jeu — c’est-à-dire dans le jeu politique traditionnel dont ils connaissent toutes les ressources, et où ils se croient sûrs de l’emporter tôt ou tard, calculant les atouts qui leur restent et ceux que nous avons perdus. Il est très possible que cette manœuvre retarde un assez long temps les événements que j’annonce. Il est très possible que nous rentrions dans une nouvelle période d’apaisement, de recueillement, de travail, en faveur de laquelle sera remis à contribution le ridicule vocabulaire, à la fois cynique et sentimental, de Vichy. Il y a beaucoup de manières, en effet, d’accepter le risque de la grandeur, il n’y en a malheureusement qu’une de le refuser. Mais qu’importe ! Les événements que j’annonce peuvent être retardés sans dommage. Nous devons même prévoir avec beaucoup de calme un nouveau déplacement de cette masse informe, de ce poids mort, que fut la Révolution prétendue nationale de Vichy. Les forces révolutionnaires n’en continueront pas moins à s’accumuler, comme les gaz dans le cylindre, sous une pression considérable. Leur détente, au moment de la déflagration, sera énorme. »

« Les régimes jadis opposés par l’idéologie sont maintenant étroitement unis par la technique. »

« Un monde gagné pour la technique est perdu pour la liberté. »

« Qu’il s’intitule capitaliste ou socialiste, ce monde s’est fondé sur une certaine conception de l’homme, commune aux économistes anglais du XVIIIe siècle, comme à Marx ou à Lénine. On a dit parfois de l’homme qu’il était un animal religieux. Le système l’a défini une fois pour toutes un animal économique, non seulement l’esclave mais l’objet, la matière presque inerte, irresponsable, du déterminisme économique, et sans espoir de s’en affranchir, puisqu’il ne connaît d’autre mobile certain que l’intérêt, le profit. Rivé à lui-même par l’égoïsme, l’individu n’apparaît plus que comme une quantité négligeable, soumise à la loi des grands nombres ; on ne saurait prétendre l’employer que par masses, grâce à la connaissance des lois qui le refissent. Ainsi, le progrès n’est plus dans l’homme, il est dans la technique, dans le perfectionnement des méthodes capables de permettre une utilisation chaque jour plus efficace du matériel humain. »

 

« Cette conception, je le répète, est à la base de tout le système, et elle a énormément facilité l’établissement du régime en justifiant les hideux profits de ses premiers bénéficiaires. Il y a cent cinquante ans, tous ces marchands de coton de Manchester — Mecque du capitalisme universel — qui faisaient travailler dans leur usines, seize heures par jour, des enfants de douze ans que les contremaîtres devaient, la nuit venue, tenir éveillés à coups de baguettes, couchaient tout de même avec la Bible sous leur oreiller. Lorsqu’il leur arrivait de penser à ces milliers de misérables que la spéculation sur les salaires condamnait à une mort lente et sûre, ils se disaient qu’on ne peut rien contre les lois du déterminisme économique voulues par la Sainte Providence, et ils glorifiaient le Bon Dieu qui les faisait riches… Les marchands de coton de Manchester sont morts depuis longtemps, mais le monde moderne ne peut les renier, car ils l’ont engendré matériellement et spirituellement, ils l’ont engendré au Réalisme — dans le sens où saint Paul écrit à son disciple Timothée qu’il l’a engendré dans la grâce. »

La France contre les robots – Georges Bernanos

 

Et si vous pensez que Bernanos, catholique, se tourne vers la tradition pur jus qui marine dans son eau croupie, vous vous trompez. Voilà ce que Bernanos le chrétien pense des catholiques bien traditionalistes dont il a croisé la criminelle bêtise lors de la guerre d’Espagne et qui continuent à faire de dangereux émules encore de nos jours :

« L’expérience de la vie m’a depuis convaincu que le fanatisme n’est chez eux que la marque de leur impuissance à rien croire, à rien croire d’un cœur simple et sincère, d’un cœur vil. Au lieu de demander à Dieu la foi qui leur manque, ils préfèrent se venger sur les incrédules des angoisses dont l’humble acceptation leur vaudrait le salut, et lorsqu’ils rêvent de voir rallumer les bûchers, c’est avec l’espoir d’y venir réchauffer leur tiédeur — cette tiédeur que le Seigneur vomit. »

Et il annonce le totalitarisme nouveau au sein duquel évoluent aujourd’hui les personnages de Houellebecq :

« Capitalistes, fascistes, marxistes, tous ces gens-là se ressemblent. Les uns nient la liberté, les autres font encore semblant d’y croire, mais, qu’ils y croient ou n’y croient pas, cela n’a malheureusement plus beaucoup d’importance, puisqu’ils ne savent plus s’en servir. Hélas ! le monde risque de perdre la liberté, de la perdre irréparablement, faute d’avoir perdu l’habitude de s’en servir… Je voudrais avoir un moment le contrôle de tous les postes de radio de la planète pour dire aux hommes : « Attention ! Prenez garde ! La Liberté est là, sur le bord de la route, mais vous passez devant elle sans tourner la tête ; personne ne reconnaît l’instrument sacré, les grandes orgues tour à tour furieuses ou tendres. On vous fait croire qu’elle sont hors d’usage. Ne le croyez pas ! Si vous frôliez seulement du bout des doigts le clavier magique, la voix sublime remplirait de nouveau la terre… Ah ! n’attendez pas trop longtemps, ne laissez pas trop longtemps la machine merveilleuse exposée au vent, à la pluie, à la risée des passants ! Mais, surtout, ne la confiez pas aux mécaniciens, aux techniciens, aux accordeurs, qui vous assurent qu’elle a besoin d’une mise au point, qu’ils vont la démonter. Ils la démonteront jusqu’à la dernière pièce et ils ne la remonteront jamais ! »

« Ils trouvent la liberté belle, ils l’aiment, mais ils sont toujours prêts à lui préférer la servitude qu’ils méprisent, exactement comme ils trompent leur femme avec des gourgandines. Le vice de la servitude va aussi profond dans l’homme que celui de la luxure, et peut-être que les deux ne font qu’un. Peut-être sont-ils une expression différente et conjointe de ce principe de désespoir qui porte l’homme à se dégrader, à s’avilir, comme pour se venger de lui-même, se venger de son âme immortelle. »

« Ceux qui voient dans la civilisation des Machines une étape normale de l’Humanité en marche vers son inéluctable destin devraient tout de même réfléchir au caractère suspect d’une civilisation qui semble bien n’avoir été sérieusement prévue ni désirée, qui s’est développée avec une rapidité si effrayante qu’elle fait moins penser à la croissance d’un être vivant qu’à l’évolution d’un cancer. »

 

« Pour nous guérir de nos vices, ou du moins pour nous aider à les combattre, la crainte de Dieu est moins puissante que celle du jugement de notre prochain, et, dans la société qui va naître, la cupidité ne fera rougir personne. »

Voilà, et toute la cohorte des hommes faussement libérés d’eux-mêmes participera à l’érection de cette jolie "République pacifique composée de commerçants".

« La seule Machine qui n’intéresse pas la Machine, c’est la Machine à dégoûter l’homme des Machines, c’est-à-dire d’une vie tout entière orientée par la notion de rendement, d’efficience et finalement de profit. »

« La paix venue vous recommencerez à vous féliciter du progrès mécanique. "Paris-Marseille en un quart d’heure, c’est formidable !" Car vos fils et vos filles peuvent crever : le grand problème à résoudre sera toujours de transporter vos viandes à la vitesse de l’éclair. Que fuyez-vous donc ainsi, imbéciles ? Hélas ! c’est vous que vous fuyez, vous-mêmes — chacun de vous se fuit soi-même, comme s’il espérait courir assez vite pour sortir enfin de sa gaine de peau… On ne comprend absolument rien à la civilisation moderne si l’on n’admet pas d’abord qu’elle est une conspiration universelle contre toute espère de vie intérieure. Hélas ! la liberté n’est pourtant qu’en vous, imbéciles ! »

« Mais la Machinerie est-elle une étape ou le symptôme d’une crise, d’une rupture d’équilibre, d’une défaillance des hautes facultés désintéressées de l’homme, au bénéfice de ses appétits ? Voilà une question que personne n’aime encore à se poser. »

 

« Or, je ne suis nullement "passéiste", je déteste toutes les espèces de bigoteries superstitieuses qui trahissent l’Esprit pour la Lettre. Il est vrai que j’aime profondément le passé, mais parce qu’il me permet de mieux comprendre le présent — de mieux le comprendre, c’est-à-dire de mieux l’aimer, de l’aimer plus utilement, de l’aimer en dépit de ses contradictions et de ses bêtises qui, vues à travers l’Histoire, ont presque toujours une signification émouvante, qui désarment la colère ou le mépris, nous animent d’une compassion fraternelle. Bref, j’aime le passé précisément pour ne pas être un "passéiste". je défie qu’on trouve dans mes livres aucune de ces écœurantes mièvreries sentimentales dont sont prodigues les dévots du "Bon Vieux Temps". Cette expression du Bon Vieux Temps est d’ailleurs une expression anglaise, elle répond parfaitement à une certaine niaiserie de ces insulaires qui s’attendrissent sur n’importe quelle relique, comme une poule couve indifféremment un œuf de poule, de dinde, de cane ou de casoar, à seule fin d’apaiser une certaine démangeaison qu’elle ressent dans le fondement. »

 

Profonde Joie, vraiment.

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19/02/2009

Comme une capitulation lente...

=--=Publié dans la Catégorie "Music..."=--=

 

Une seule chanson, « Goodnight tonight », par les Wings et on se sent vieux d’une longueur conséquente. La basse de Paul Mc Cartney me fait recevoir une trentaine d’années, d’un seul bloc, sur le coin de la gueule. D’un seul coup, la tronche en vrac. A croire qu’une part de moi-même, intime, cachée, que je ne considère même pas, n’a jamais quitté la fière adolescence, encore innocente et affamée de vivre, de conquérir, de donner l’assaut, de faire sonner l’attaque, assoiffée d’action, de marche enfiévrée et de mouvement, de frictions et de hasards lumineux. Vais-je vers mes 44 ans avec l’allégresse requise ?

Pour m’abandonner je me mets l’album de Tori Amos, « To Venus and Back » et je cherche en moi-même ce souffle perdu que la vie nous retire lentement mais surement. C’est comme un alcool sournois qui fait son travail dans nos bas-fonds, en secret, « une capitulation lente » aurait dit Jim Morrison.

 

 

 

 

 

Si la sélection "Tori Amos" ne fonctionne pas, vous pouvez tenter de l'entendre par ici...

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18/02/2009

Corps Divin...

=--=Publié dans la Catégorie "Humeurs Littéraires..."=--=

 

Mystère de l’incarnation. Vérité de l’homme pour Dieu. Vérité de Dieu pour l’homme. Fait unique. Couronnement du mystère d’Israël.

Ma luxation à la mâchoire, vieille de 29 années me fait souffrir. Je ne dis pas :  « ma mâchoire a mal ». Je dis : « j’ai mal à la mâchoire ». Il nous faudrait nous en souvenir et nous pencher sur ce gouffre, car c’en est un.

 

1 Corinthiens 7

"7.1

Pour ce qui concerne les choses dont vous m'avez écrit, je pense qu'il est bon pour l'homme de ne point toucher de femme.

7.2

Toutefois, pour éviter l'impudicité, que chacun ait sa femme, et que chaque femme ait son mari.

7.3

Que le mari rende à sa femme ce qu'il lui doit, et que la femme agisse de même envers son mari.

7.4

La femme n'a pas autorité sur son propre corps, mais c'est le mari; et pareillement, le mari n'a pas autorité sur son propre corps, mais c'est la femme.

7.5

Ne vous privez point l'un de l'autre, si ce n'est d'un commun accord pour un temps, afin de vaquer à la prière; puis retournez ensemble, de peur que Satan ne vous tente par votre incontinence.

7.6

Je dis cela par condescendance, je n'en fais pas un ordre.

7.7

Je voudrais que tous les hommes fussent comme moi; mais chacun tient de Dieu un don particulier, l'un d'une manière, l'autre d'une autre.

7.8

A ceux qui ne sont pas mariés et aux veuves, je dis qu'il leur est bon de rester comme moi.

7.9

Mais s'ils manquent de continence, qu'ils se marient; car il vaut mieux se marier que de brûler.

7.10

A ceux qui sont mariés, j'ordonne, non pas moi, mais le Seigneur, que la femme ne se sépare point de son mari

7.11

(si elle est séparée, qu'elle demeure sans se marier ou qu'elle se réconcilie avec son mari), et que le mari ne répudie point sa femme.

7.12

Aux autres, ce n'est pas le Seigneur, c'est moi qui dis: Si un frère a une femme non-croyante, et qu'elle consente à habiter avec lui, qu'il ne la répudie point ;

7.13

et si une femme a un mari non-croyant, et qu'il consente à habiter avec elle, qu'elle ne répudie point son mari.

7.14

Car le mari non-croyant est sanctifié par la femme, et la femme non-croyante est sanctifiée par le frère; autrement, vos enfants seraient impurs, tandis que maintenant ils sont saints.

7.15

Si le non-croyant se sépare, qu'il se sépare; le frère ou la sœur ne sont pas liés dans ces cas-là. Dieu nous a appelés à vivre en paix.

7.16

Car que sais-tu, femme, si tu sauveras ton mari? Ou que sais-tu, mari, si tu sauveras ta femme ?

7.17

Seulement, que chacun marche selon la part que le Seigneur lui a faite, selon l'appel qu'il a reçu de Dieu. C'est ainsi que je l'ordonne dans toutes les Églises.

7.18

Quelqu'un a-t-il été appelé étant circoncis, qu'il demeure circoncis; quelqu'un a-t-il été appelé étant incirconcis, qu'il ne se fasse pas circoncire.

7.19

La circoncision n'est rien, et l'incirconcision n'est rien, mais l'observation des commandements de Dieu est tout.

7.20

Que chacun demeure dans l'état où il était lorsqu'il a été appelé.

7.21

As-tu été appelé étant esclave, ne t'en inquiète pas; mais si tu peux devenir libre, profites-en plutôt.

7.22

Car l'esclave qui a été appelé dans le Seigneur est un affranchi du Seigneur; de même, l'homme libre qui a été appelé est un esclave de Christ.

7.23

Vous avez été rachetés à un grand prix; ne devenez pas esclaves des hommes.

7.24

Que chacun, frères, demeure devant Dieu dans l'état où il était lorsqu'il a été appelé.

7.25

Pour ce qui est des vierges, je n'ai point d'ordre du Seigneur; mais je donne un avis, comme ayant reçu du Seigneur miséricorde pour être fidèle.

7.26

Voici donc ce que j'estime bon, à cause des temps difficiles qui s'approchent: il est bon à un homme d'être ainsi.

7.27

Es-tu lié à une femme, ne cherche pas à rompre ce lien; n'es-tu pas lié à une femme, ne cherche pas une femme.

7.28

Si tu t'es marié, tu n'as point péché; et si la vierge s'est mariée, elle n'a point péché; mais ces personnes auront des tribulations dans la chair, et je voudrais vous les épargner.

7.29

Voici ce que je dis, frères, c'est que le temps est court; que désormais ceux qui ont des femmes soient comme n'en ayant pas,

7.30

ceux qui pleurent comme ne pleurant pas, ceux qui se réjouissent comme ne se réjouissant pas, ceux qui achètent comme ne possédant pas,

7.31

et ceux qui usent du monde comme n'en usant pas, car la figure de ce monde passe.

7.32

Or, je voudrais que vous fussiez sans inquiétude. Celui qui n'est pas marié s'inquiète des choses du Seigneur, des moyens de plaire au Seigneur ;

7.33

et celui qui est marié s'inquiète des choses du monde, des moyens de plaire à sa femme.

7.34

Il y a de même une différence entre la femme et la vierge: celle qui n'est pas mariée s'inquiète des choses du Seigneur, afin d'être sainte de corps et d'esprit; et celle qui est mariée s'inquiète des choses du monde, des moyens de plaire à son mari.

7.35

Je dis cela dans votre intérêt; ce n'est pas pour vous prendre au piège, c'est pour vous porter à ce qui est bienséant et propre à vous attacher au Seigneur sans distraction.

7.36

Si quelqu'un regarde comme déshonorant pour sa fille de dépasser l'âge nubile, et comme nécessaire de la marier, qu'il fasse ce qu'il veut, il ne pèche point ; qu'on se marie.

7.37

Mais celui qui a pris une ferme résolution, sans contrainte et avec l'exercice de sa propre volonté, et qui a décidé en son cœur de garder sa fille vierge, celui-là fait bien.

7.38

Ainsi, celui qui marie sa fille fait bien, et celui qui ne la marie pas fait mieux.

7.39

Une femme est liée aussi longtemps que son mari est vivant; mais si le mari meurt, elle est libre de se marier à qui elle veut; seulement, que ce soit dans le Seigneur.

7.40

Elle est plus heureuse, néanmoins, si elle demeure comme elle est, suivant mon avis. Et moi aussi, je crois avoir l'Esprit de Dieu."

 

Beaucoup de musulmans affirment que le corps est nié par les chrétiens. Après cette lecture où Paul distingue nettement les commandements d’en haut de ses conseils à lui, le corps est encadré par des règles strictes, mais néanmoins souples qui ne condamnent pas la jouissance et les plaisirs, ceux-ci cependant ne doivent pas devenir objets du seul désir, but et cible qui nous déraient manquer la vraie cible ! Manquer la cible, étymologie de « pécher ». « Car le corps est pour Dieu, mais Dieu est pour le corps ».

 

Et Jésus, né Juif, fut bel et bien une incarnation. 

 

Proverbes, chapitre 5, versets 15 à 20

"Bois l'eau de ta citerne, les ruisseaux qui sortent de ton puits.

Que tes sources se répandent au dehors, que tes ruisseaux coulent sur les places publiques !

Qu'ils soient pour toi seul, et non pour des étrangers avec toi !

Que ta source soit bénie, et mets ta joie dans la femme de ta jeunesse.

Biche charmante, gracieuse gazelle, que ses charmes t'enivrent en tout temps, sois toujours épris de son amour !

Pourquoi, mon fils, t'éprendrais-tu d'une étrangère, et embrasserais-tu le sein d'une inconnue ?"

 

 

 

Ici le ciel est bas, les nuages sont sombres. Il me faut ma vallée d’illusions à moi pour me tirer de l’autre illusion, ennuyeuse, qu’on veut me faire avaler. Ô ma folie qui est mienne, ultime recours. La haine, purulente, est partout. La macération est visible, surtout derrière les sourires. Mais dans les yeux de mon épouse je vois les portes dérobées, les plaines verdoyantes, un ciel bleu cristal après des pluies tièdes fécondantes, un vent chaud, ô matrice qui révèle. La Royauté, Malkouth, sefira du 10e degré de l’arbre des sefiroth est féminine. C’est la femme qui nous couronne.

 

On se construit dans l’amour mais on se maintient dans une respectueuse distance. Trop d’amour tue l’amour. Une bonne distance l’alimente. C’est par un mariage réussi qu’on s’accomplit. L’union de la paix. Shalom. Mariage du feu et de l’eau. Oh, il y a eu des guerres, des champs de batailles, bestialités diverses. Anatomie de l’enfer. Gangue d’acier rouillé et acier liquide chauffé à blanc coulant comme un magma à perte de vue. Nos corps ont traversé des lieux avides de nos chairs, avides de nos âmes. Nous sommes vivants.

 

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16/02/2009

Me déboiteras-tu ma hanche ?

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Dieu, toi-même, si tu es bon médecin, lave-moi de mon simulacre, nettoie mes plaies, redresse ma colonne vertébrale, fais-moi sain, à défaut d’être saint, pour que je puisse m’abimer dans une douce prière et célébrer le simple fait d’être au monde, ce que je suis dans la joie. Ni puissance, ni richesse, ni gloire. Rien de tout cela ne me taraude. S’il y a une puissance c’est la tienne, s’il y a une richesse c’est ta parole, s’il y a une gloire c’est celle de ta puissance et de ta parole. Moi que suis-je ? un souffle lointain imperceptible dans la masse dont la voix veut se frayer un passage vers ton oreille gracieuse. Je m’y prends mal. Je piétine dans ma boue. Je les admire les croyants confirmés, munis du certificat des béatitudes, qui affirmés dans leurs mots s’affirment dans leur chair (qu’ils nient d’ailleurs, très souvent) et tancent avec un dédain mortuaire le singe que je suis. Je ne crois pas en toi. Je crois en toi. Je me mesure à mon dilemme. Je me bats. Me déboiteras-tu ma hanche ?

Christ prend pitié de nous !
Christ prend pitié de nous !
Christ prend pitié de nous !

 

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LE LIEU DE LA RELATION

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Sur le chemin on sème nos futures récoltes. Voie claire ou voie sinueuse, inconsciente plénitude. Beaucoup préfèrent se joindre à la parade, bariolée, festive, agitée, sûr d’elle-même. Route large remplie de vide. Faux bonheur. A contre-sens, étroit est le chemin qui évite les iniquités, fait aspirer au calme, fait désirer le point central, LE LIEU DE LA RELATION.

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Le Lieu

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Le rêve de tout écrivain : se trouver dans cet espace et ce temps singulier qui transcende tous les espaces et tous les temps en étant, pleinement, de son espace et de son temps pour dire, juste dire, le poids, la charge et donner la joie du délestage.

 

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15/02/2009

Heureux Sisyphe

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Avoir de fortes convictions, c’est cette allégorie intérieure, complètement abstraite qui donne l’illusion d’avoir une forte identité. Ça permet au moins de roter, péter et chier en prenant des airs de moralisateur céleste. C’est beau. Mon fils en dérive scolaire. Ma fille renfermée qui ne m’a pas adressé la parole depuis des semaines. Renfermée dans sa peur en même temps que dans fierté. Déjà une femme. Qu’elle apprenne à gérer l’une et l’autre, à jouer sur un fil en tirant sur l’autre et elle pourra déployer une force qu’elle ne soupçonne même pas. Bien entendu, on est loin d’être aidé par la machine dévoreuse qui nous machouille dès notre naissance. Mais elle ne nous aura pas vivants. Nous allons remédier à tout ça. En pleurant. En riant aussi. C’est une sanglante mascarade.

Mensonge héroïque de ceux qui ne baissent jamais les bras et se relèvent envers et contre tout tentent le redressement. Heureux Sisyphe.

 

 

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14/02/2009

Pureté inexistante

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L’idéalisme perdure. On aspire à une pureté inexistante. On refuse la part d’ombre qui exige sa mise en scène. Le moindre paradoxe inquiète. On vit de façon ouverte mais avec le cœur fermé. Il faut faire bonne route avec Epicure ou Qohelet et prendre au sérieux ce qui nous est donné sur cette terre. Le plaisir est une sinistre farce lorsqu’il est consumériste, sans conscience claire, pulsionnel, abrutissant. Etre sollicité par 1000 désirs en vient à tuer le désir. L’ivresse en est vulgaire et débordante de bêtise. La profusion des choses cache la rareté des idées et l’usure des croyances.

 

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13/02/2009

Poussières

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Qu’est-ce que le sens littéral d’un texte, religieux, poétique, qui plus est, a été écrit dans une langue étrangère, l’hébreu ancien ou l’araméen ou le grec ancien ?
Et qu’est-ce, en profondeur, dans les soubassements, lorsqu’on est face à la lettre, le sens spirituel d’une texte. Une lecture uniquement littérale n’en fera qu’un objet archéologique, historique, sociologique, juridique, vieux marbre se fissurant. Or, si on n’affronte pas, déjà, le sens littéral de la lettre on ne peut aucunement accéder à la spiritualité contenue dans le texte. Et Dieu n’est pas un objet. Précisément parce que l’écriture n’est pas, chez les juifs et les chrétiens, la parole même de Dieu dans le sens où elle serait, d’une certaine manière, incarnée dans les chapitres, sortie de sa bouche, mais l’écriture est inspirée même si elle contient, ici et là, des paroles que Dieu a prononcées telles quelles. Il y a donc un écart, une respiration, une approche, une séduction qui de la lecture va donner une interprétation qui doit, partant du sens littéral le transcender, le couronner, l’accomplir sans le détruire, la contextualiser sans la couper de sa racine.
En Islam, à part chez les soufis, cette pratique d’interprétation ne s’élève pas elle demeure essentiellement juridique et légifère sur la vertu, les manières d’accommoder la vie sociale aux différentes circonstances que les aléas de la vie mettent sur notre chemin, du comportement à adopter avec sa femme, ses femmes, ses esclaves et… sa vie cultuelle. Car le Coran c’est la parole même d’Allah, intouchable, terminale, définitive. On comprend, alors, pourquoi le monde musulman, dans sa vaste majorité, est arrêté dans sa posture médiévale, ses certitudes, ses superstitions, son niveau social abject, son fanatisme.

 

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L'amour sous ecstasy ne dure que trois ans... et encore, c'est un record...

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J’ai lu aussi, ces derniers jours, deux livres, plus légers, mais pas dépourvus d’intérêt, de Frédéric Beigbeder. Nouvelles sous ecstasy et L’amour dure trois ans. Houellebecq est le fin psychologue, caustique et désabusé, mais grave, de notre époque en mutation. Beigbeder est le clown dégoûté, le nonchalant branché mais qui a lu. Il y a beaucoup de petites facilités dans son écriture, ça et là. Il se débat avec la page blanche, c’est sensible, et trouve le moyen d’y jeter des fulgurances sur l’expansion du vide, la festivité fuyante, l’incertitude métaphysique de l’homme post-moderne. Si il arrêtait de faire le clown désinvolte à la télévision et s’enfermait dans une tour pour se retrouver face à lui-même il serait capable de pondre un grand livre. 

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12/02/2009

Benoît XVI et les "intégristes"...

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Le pape Benoît XVI travaille à la réunification des chrétiens sous le même toit. Ne jugez pas trop rapidement. Mesurez plutôt la portée du geste. Et ce, quelle que soit votre opinion de la bouillabaisse. 


Pris sur le site de KTO.

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11/02/2009

Le Salut par les Juifs/La France contre les Robots

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Terminé Le Salut par les Juifs de Bloy. Quelle claque ! Je vais y revenir car ce qui s’y trouve imprimé ne va pas cesser de m’obséder en une foudroyante rumination méditative. Le chapitre final n’est autre que le 37 ème chapitre d'Ezechieltout au moins les 14 premiers versets, tiré de l’ancien testament, que Bloy a mis en latin. Mais, bien entendu, n’étant pas le moins du monde latiniste je suis allé chercher le passage dans la première Bible qui s’est présentée à moi. Et là ? Apocalypse. Oui, dévoilement. C’est à l’amour de Dieu que le texte invite, à l’unité retrouvée entre l’ancienne et la nouvelle alliance, même si le texte a été écrit bien avant les évangiles, la théologie prophétique de Léon Bloy, celle qu’il a développée et expliquée tout au long du livre dans une langue de feu se trouve ici étayée par le texte saint lui-même d’où provient l’ancienne promesse que Jésus, pour Bloy, est venu confirmer en couronnant l’ancienne Loi. 

 

Pour ne pas lâcher la prise, après Le Salut par les Juifs, j’enchaîne avec La France contre les robots de Bernanos. Résultat de 7 années de réflexion durant son exil au Brésil où il a activement mis son cerveau et la prolongation de celui-ci, sa plume, au service de la France libre sous la conduite du général De Gaulle, Bernanos nous livre ici son dernier testament politique. C’est tout l’honneur et toute la gloire de cet ancien camelot du Roy, membre de l’Action Française et catholique convaincu d’avoir su faire jouer sa raison au détriment des crispations idéologiques pour ne pas proclamer comme son ancien maître Maurras a l’arrivée de Pétain au pouvoir : « Quelle divine, surprise ! » A la différence de beaucoup de ses compagnons politiques, Bernanos n’a aimé ni Hitler, ni Mussolini, ni Franco. Il n’a pas succombé aux sirènes totalitaires de son temps. Ce qui prouve qu’il n’a pas partagé avec ses camarades politiques le même esprit. Personnage d’une intelligence vive tout comme Bloy, Bernanos se retranche de sa propre famille spirituelle tout seul en en portant les postulats jusqu’au bout, en s'en détachant avec une liberté de ton singulière. La lecture de son Journal d’un curé de campagne m’avait arraché des larmes. Le don de soi dans la fièvre de l’avancée coûte que coûte. Déjà dans ce livre, Bernanos indiquait une volonté fanatique de pousser le feu de l’évangile dans ses ultimes retranchements. Ici, dans les premières pages, c’est un homme qui semble être revenu de tout qui parle d’une voix solennelle et éloquente pour prévenir contre la mutation qui s’annonce et qui tendra à transformer l’homme en piège, en machine. C’est d’actualité, n’est-ce pas ?

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10/02/2009

Léon Bloy, "Le Salut par les Juifs" - III

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J’avance dans ma lecture de Bloy. Je reviens en arrière pour relire à nouveau, des pages entières. Non que je ne comprenne pas ce qu’il avance, mais je veux, à chaque fois, resituer les mots dans le flux écarlate de sa redoutable rhétorique. Cet homme a compris le lien indéfectible que le peuple d’Israël a tissé avec Dieu sur l’injonction de celui-ci. Cette élection inclusive dont je parlais hier, nous saisi dans sa trame et nous devenons solidaires dans le bien comme dans le mal et toutes les attitudes que nous adoptons avec le peuple juif, bonnes ou mauvaises, sont inscrites génétiquement, générationnellement, de siècle en siècle, dans la trame vertigineuse de l’Histoire. La controverse sanglante qui anime l’humanité entière dans ses jeux de pouvoir, de valeurs, de cultes, de politique, se trouve déjà indiquée dans le texte saint que les premiers prophètes monothéistes nous ont légué. Car ce peuple a reçu la bénédiction et la malédiction, toutes deux génériques, pour le projet humain. L’homme total de la bénédiction, à cause de la chute, à cause de l’exil est devenu l’homme esclave et totalitaire, ce qui est la même chose, le dernier homme de la malédiction acquise par ses actes et le fruit juteux et exquis du péché toujours recommencé.

« Maint homme A peur de remonter jusqu’à la source. » écrit Hölderlin dans Souvenir, tiré de ses Hymnes.

En remontant à la source de l’être, par la foi, ou la lecture du symbole ou du mythe, lecteur démerde-toi, on atteint à la certitude redoutable qu’en dépit de tout ce qui a été tenté pour supprimer ce peuple juif, errant comme Caïn sous la face de Dieu, ou comme le fils prodigue des évangiles, ou comme le peuple entier sorti d’Egypte par le glaive tranchant de l’Esprit de Dieu dans le désert de son apprentissage, depuis l’expulsion de Judée et la destruction du temple vers 70 de notre ère, jusqu’à la raclure nommée Drumont trempant sa plume haineuse dans la merde de ses préjugés, ce peuple ne peut être et ne sera pas détruit. Drumont inspira les SS et ceux-ci inaugurèrent pour la première fois avec la saisissante horreur que l’on connut l’annihilation, la destruction, technique, méticuleusement programmée puis organisée et exécutée de tout un peuple qui portait en lui tout ce que nous étions devenus, dans le mal et dans le bien.

 

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09/02/2009

C'est écrit...

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Lire consiste parfois à voir le livre qui est entre nos mains s’animer et prendre vie. Le monde qu’il porte devient une claire mise en scène de ce que nous sommes et que nous ne voyons pas.

Presque terminé Bloy. Difficile d’accès par le ton employé, par le registre utilisé, par le lieu d’où Bloy parle qui semble être d’un autre monde tellement la vivacité du verbe serait, de nos jours, sujet à polémique immédiate si un livre de cette teneur venait à sortir aujourd’hui. On peut, sans le moindre effort, faire passer Léon Bloy pour le pire antisémite qui soit, en sortant des paragraphes entiers, sans la moindre coupure, du contexte historique, social et pamphlétaire qu’indique le livre.

Mais Bloy, lumineux théologien amateur plein de surprises, ose inviter avec une certaine violence, les antisémites eux-mêmes à revenir aux textes pour saisir la portée vertigineuse, saisissante, abyssale du plan de Dieu qui choisit en le peuple juif le porteur non pas exclusif mais inclusif d’une bénédiction et… d’une malédiction. Du même peuple surgira le meurtrier du Christ mais, surtout, le sauveur lui-même et cette contradiction humaine trop humaine est inscrite dans le cours de l’histoire dès le meurtre d’Abel par Caïn. L’élection du peuple juif est inclusive car elle sert d’exemple à l’humanité entière, dans le bien, mais aussi dans le mal. Le livre étant consacré aux juifs, Bloy ne s’étend pas sur les catholiques, mais les passages, nombreux, où il aborde ses contemporains dans la foi sont d’une violence inouïe, d’un cynisme acide et d’un mépris total. Je me demande si de nos jours il n’aurait pas envie de sortir le lance-flamme, si ce n’est au sens propre du moins au figuré, par le feu du logos. Il aurait la force de cent réactionnaires à lui tout seul.

 

 

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08/02/2009

Deux...

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Le mythe hermaphrodite est une fontaine platonicienne. De même que le mythe techniciste qui tend à nous faire croire que tout nous y ramène. Sélection génétique scientiste, clonage masturbatoire, l’éternité qui abolirait le temps en surgissant des éprouvettes et des écrans d’ordinateurs.

C’est le nombre impair de la savoureuse confrontation qui porte l’équilibre et autorise l’ouverture à la connaissance. Marie-Pierre me le prouve tous les jours, même quand elle fait des petites crises de paranoïa à cause du temps qui passe et de l’intérêt que peut me porter une jeune femme de moins de 30 ans. Elle a passé une partie de la soirée à taper mon journal, avec toute la patience dévouée d’une épouse aimante. Et elle le fait toute seule, sans que je n’aie quoi que ce soit à lui demander. Se dresse en ce point le jardin unique de toutes les évocations. Que ferai-je sans elle ?

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Fatigue

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Mes dimanches se ressemblent tous. Ce sont ceux de la fatigue et de la léthargie. Le corps ne veut rien faire. L’esprit s’y soumet. Et on attend la suite. 

 

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07/02/2009

Neighborhood Bully

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Mon ancien complice, Eric James Guillemain, ex-chanteur de Venice, me fait parvenir from New York, cette chanson que je n'ai pas entendu depuis plus de 20 ans, depuis mes 18 ou mes 19 ans. Je la connaissais. Mais là, avec ce clip fabriqué maison, clip non officiel, le texte prend une dimension toute nouvelle par les temps qui courent... Savourez, les mécréants et les autres... Bob Dylan c'est la classe et la constance incarnées. Tenez-le vous pour dit. Définitivement. 

 

 

Neighborhood Bully

Well, the neighborhood bully, he's just one man,
His enemies say he's on their land.
They got him outnumbered about a million to one,
He got no place to escape to, no place to run.
He's the neighborhood bully.

The neighborhood bully just lives to survive,
He's criticized and condemned for being alive.
He's not supposed to fight back, he's supposed to have thick skin,
He's supposed to lay down and die when his door is kicked in.
He's the neighborhood bully.

The neighborhood bully been driven out of every land,
He's wandered the earth an exiled man.
Seen his family scattered, his people hounded and torn,
He's always on trial for just being born.
He's the neighborhood bully.

Well, he knocked out a lynch mob, he was criticized,
Old women condemned him, said he should apologize.
Then he destroyed a bomb factory, nobody was glad.
The bombs were meant for him.
He was supposed to feel bad.
He's the neighborhood bully.

Well, the chances are against it and the odds are slim
That he'll live by the rules that the world makes for him,
'Cause there's a noose at his neck and a gun at his back
And a license to kill him is given out to every maniac.
He's the neighborhood bully.

He got no allies to really speak of.
What he gets he must pay for, he don't get it out of love.
He buys obsolete weapons and he won't be denied
But no one sends flesh and blood to fight by his side.
He's the neighborhood bully.

Well, he's surrounded by pacifists who all want peace,
They pray for it nightly that the bloodshed must cease.
Now, they wouldn't hurt a fly.
To hurt one they would weep.
They lay and they wait for this bully to fall asleep.
He's the neighborhood bully.

Every empire that's enslaved him is gone,
Egypt and Rome, even the great Babylon.
He's made a garden of paradise in the desert sand,
In bed with nobody, under no one's command.
He's the neighborhood bully.

Now his holiest books have been trampled upon,
No contract he signed was worth what it was written on.
He took the crumbs of the world and he turned it into wealth,
Took sickness and disease and he turned it into health.
He's the neighborhood bully.

What's anybody indebted to him for ?
Nothin', they say.
He just likes to cause war.
Pride and prejudice and superstition indeed,
They wait for this bully like a dog waits to feed.
He's the neighborhood bully.

What has he done to wear so many scars ?
Does he change the course of rivers ?
Does he pollute the moon and stars ?
Neighborhood bully, standing on the hill,
Running out the clock, time standing still,
Neighborhood bully.

 

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Flamme

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De l’âtre intérieur la flamme se fraie un chemin et trouve toujours la fissure, la faiblesse pour surgir. La douleur une fois atténuée, viennent les mots pour la dire. Puis le grand silence de la purification. Et l’écriture, elle, laisse les phrases éparses annotées dans la liturgie des fièvres comme autant d’insectes qui dessinent un semblant d’âme. Un vrai écrivain doit avoir la force de regarder le phénomène de sa pleine présence au monde avec tout l’art du scrutement chirurgical. Observation scientifique, claire, précise et effroyable de la palpitation sombre qui nous fait vivre et nous dévore. Enfer et purgatoire, ici et maintenant, nous captent dans leurs rayonnements respectifs ! et le paradis ? me direz-vous. Il est là aussi, tout au bout des territoires intérieurs où quelques rares nomades aboutissent et trouvent les portails d’ivoire massifs de la cité oubliée qui cache le secret du labyrinthe et ouvre les fleuves de l’infini qui sortent de la source et y reviennent indéfiniment.

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06/02/2009

Le seul excès c’est d’être

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Ecoutons Jimi Hendrix en relâchant nos muscles et en souriant, seuls, à l’air ambiant. Et tout de suite après Purple Haze prenons la porte dérobée avec Frank Sinatra, I got you Under my skin. Classe ivre et nonchalante. Voilà. C’est ce qui me reste quand chacun a représenté sur la scène de la vie ses petites crispations et ses certitudes socio-politiques qui permettent de vivre. La musique me restera, face à l’adversité du monde, et le Blues surtout, même si je le joue mal, comme mes seules échappatoires sensuelles, vivantes, qui me mettent en situation face à la multitude somnambule. Bande de sots, de moutons, de nains, de satisfaits, nous allons tous mourir. Saisissez l’amorce et vivez. Soyez amoureux. Vivez avec la mort, elle vous le rendra si bien. Vous avez beau la cacher elle ne disparaîtra pas par nos ridicules simulacres. Lisez. Caressez. Jouissez. Le seul excès c’est d’être.


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05/02/2009

Léon Bloy, "Le Salut par les Juifs" - II

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Poursuite de ma lecture de Léon Bloy, Le Salut par les Juifs. Bloy a le sentiment que la crasse juive ou son autre versant, l’argent grossier, autant de vils préjugés qu’il épouse sans complexe, témoignent à la fois de la malédiction que ce peuple porte à cause de sa non reconnaissance du foudroyant feu incarné et messianique. Il prend le parti d’indiquer par une rhétorique enflammée qu’il n’est pas surprenant de voir jaillir du lieu même de la perdition la semence royale de notre salut à tous.

« Me trouvant à Hambourg, l’an passé, j’eus, à l’instar des voyageurs les plus ordinaires, la curiosité de voir le Marché des Juifs.
La surprenante abjection de cet emporium de détritus emphytéotiques est difficilement exprimable. Il me sembla que tout ce qui peut dégoûter de vivre était l’objet lucratif de ces mercantis impurs dont les hurlements obséquieux m’accrochaient, me cramponnaient, se collaient à moi physiquement, m’infligeant comme le malaise fantastique d’une espèce de flagellation gélatineuse. Et toutes ces faces de lucre et de servitude avaient la même estampille redoutable qui veut dire si clairement le Mépris, le Rassasiement divin, l’irrévocable Séparation d’avec les autres mortels, et qui les fait si profondément identiques en n’importe quel district du globe.
Car c’est une loi singulière que ce peuple d’anathèmes n’ait pu assumer la réprobation collective dont il s’honore qu’au prix fabuleux du protagonisme éventuel de l’individu. La Race rejetée n’a jamais pu produire aucune sorte de César.
C’est pour cela que je me défie de la tradition ingénieuse, mais peu connue, j’imagine, qui donne des Hébreux pour ancêtres au peuple romain et remplace les compagnon d’Enée par une colonie de Benjamites, — expliquant la Louve des deux Jumeaux fondateurs par l’inscrutable prédiction d’Israël mourant : « Benjamin Lupus rapax, mane comedet praedam et vespere dividet spolia. Benjamin, loup rapace, au matin mangera la proie et au vêpre divisera les dépouilles (Genèse, chap.49, v. 27.) »
Les immondes fripiers de Hambourg étaient bien, vraiment, de cette homogène famille de ménechmes avaricieux en condition chez tous les malpropres démons de l’identité judaïques, telle qu’on la voit grouiller le long du Danube, en Pologne, en Russie, en Allemagne, en Hollande, en France même, déjà, et dans toute l’Afrique septentrionale où les Arabes, quelquefois, enfont un odieux mastic bon à frotter les moutons galeux.
Mais où ma nausée, je l’avoue, dépassa toute conjecture et tout espoir, ce fut à l’apparition des Trois Vieillards !...
Je les nomme les Trois Vieillards, parce que je ne sais aucune autre manière de les désigner. Ils sont peut-être cinquante en cette ville privilégiée qui ne semble pas en être plus fière. Mais je n’en avais que trois devant les yeux et c’était assez pour que les dragons les plus insolites m’apparussent.
Tout ce qui portait une empreinte quelconque de modernité s’évanouit aussitôt pour moi et les youtres subalternes qui me coudoyaient en fourmillant comme des moucherons d’abattoirs s’interrompirent d’exister. Ils n’en avaient plus le droit, n’étant absolument rien auprès de ceux-ci.
Leur ignominie, que j’avais estimée complète, irréprochable et savoureuse autant que peut l’être un élixir de malédiction, n’avait plus la moindre sapidité et ressemblait à de la noblesse en comparaison de cet indévoilable cauchemar d’opprobre.
L’aspect de ces trois fantômes dégageait une si non-pareille qualité d’horreur que le blasphème seul pourrait être admis à l’interpréter symboliquement.
Qu’on se représente, s’il est possible, les Trois Patriarches sacrés : Abraham, Isaac et Jacob, dont les noms, obnubilés d’un impénétrable mystère, forment le Delta, le Triangle équilatéral où sommeille, dans les rideaux de la foudre, l’inaccessible Tétragramme !
Qu’on se les figure, — j’ose à peine l’écrire, — ces trois personnages beaucoup plus qu’humains, du flanc desquels tout le Peuple de Dieu et le Verbe de Dieu lui-même sont sortis ; qu’on veuille bien les supposer, une minute, vivants encore, ayant, par un très unique miracle, survécu à la plus centenaire progéniture des immolateurs de leur grand Enfant crucifié ; ayant pris sur eux, — Dieu sait en vue de quels irrévélables rémérés ! — la destitution parfaite, l’ordure sans nom, la turpitude infinie, l’intarissable trésor des exécrations du monde, les huées de toute la terre, la vilipendaison dans tous les abîmes, — et l’étonnement éternel des Séraphins ou des Trônes à les voir se traîner ainsi dans la boue des siècles !...
Ah ! certes, oui, dans l’esprit de cette vision qui paraîtra sans doute insensée, les trois êtres affreux réalisaient bien l’archétype et le phénomène primordial de la Race indélébile qui accomplit, depuis bientôt deux mille ans, le prodige sans égal de survivre, elle aussi, à ses exterminateurs et d’en appeler éternellement à tous les enfers de sa substantielle révocation. Mais, bon Dieu ! quels épouvantables ancêtres !
Ils étaient vraiment trop classiques pour ne pas se manifester aussi détestables que sublimes. Depuis Shakespeare jusqu’à Balzac, on a terriblement ressassé le vieil Hébreu sordide et crochu, dénichant l’or dans les immondices, dans les tumeurs de l’humanité, l’adorant enfin tel qu’un soleil de douleurs et un Paraclet d’amour, co-égal et co-éternel à son Jéhovah solitaire.
Ils réalisaient triplement ce monstre en leurs identiques personnes, ajoutant à l’horreur banale de cet ancien mythe littéraire les affres démesurées de leur véridique présence…
Abraham, Isaac, Jacob, descendus jusqu’à ces Limbes néfastes !... Car mon imagination, démâtée par l’épouvante, leur décernait instinctivement les Appellations divines.
Et, ma foi ! je renonce à les dépeindre, abandonnant ce treizième labeur d’Alcide aux documentaires de la charogne et aux cosmographes des fermentations vermineuses.
Je me souviendrai longtemps, néanmoins, de ces trois incomparables crapules que je vois encore dans leurs souquenilles putréfiées, penchées fronts contre fronts, sur l’orifice d’un sac fétide qui eût épouvanté les étoiles, où s’amoncelaient, pour l’exportation du typhus, les innommables objets de quelque négoce archisémitique.
Je leur dois cet hommage d’un souvenir presque affectueux, pour avoir évoqué dans mon esprit les images les plus grandioses qui puissent entrer dans l’habitacle sans magnificence d’un esprit mortel.
Je dirai cela tout à l’heure aussi clairement qu’il me sera donné de le dire.
En attendant, j’affirme, avec toutes les énergies de mon âme, qu’une synthèse de la question juive est l’absurdité même, en dehors de l’acceptation préalable du « Préjugé » d’un retranchement essentiel, d’une séquestration de Jacob dans la plus abjecte décrépitude, — sans aucun espoir d’accommodement ou de retour, aussi longtemps que son « Messie » tout brûlant de gloire ne sera pas tombé sur la terre. »

Le Salut par les Juifs, Léon Bloy

Et la redoutable conclusion par laquelle Bloy lie le sort du peuple de la Première Alliance à l’apparition visible, reconnue et acceptée du Messie que les Juifs ont manqué. Ils ne sont pas les seuls.

« En attendant, j’affirme, avec toutes les énergies de mon âme, qu’une synthèse de la question juive est l’absurdité même, en dehors de l’acceptation préalable du « Préjugé » d’un retranchement essentiel, d’une séquestration de Jacob dans la plus abjecte décrépitude, — sans aucun espoir d’accommodement ou de retour, aussi longtemps que son « Messie » tout brûlant de gloire ne sera pas tombé sur la terre. »

Heureusement, pour équilibrer, l’écriture dérangeante du vieux Bloy, je découvre au même moment grâce à Internet, le livre de Charles Péguy, Notre jeunesse datant de 1909/1910. Moins de 20 ans d’écart, 1892, avec la première publication du Salut par les Juifs par Bloy.

« Les Juifs sont plus malheureux que les autres. Loin que le monde moderne les favorise particulièrement, leur soit particulièrement avantageux, leur ait fait un siècle de repos, une résidence de quiétude et de privilège, contraire le monde moderne a ajouté sa dispersion propre moderne, sa dispersion intérieure, à leur dispersion séculaire, à leur dispersion ethnique, à leur antique dispersion. Le monde moderne a ajouté son trouble à leur trouble ; dans le monde moderne cumulent ; le monde moderne a ajouté sa misère à leur misère, sa détresse à leur antique détresse ; il a ajouté sa mortelle inquiétude, son inquiétude incurable à la mortelle, à l’inquiétude incurable de la race, à l’inquiétude propre, à l’antique, à l’éternelle inquiétude.
Il a ajouté l’inquiétude universelle à l’inquiétude propre.

Ainsi ils cumulent. Ils sont à l’intersection. Ils se recoupent sur eux-mêmes. Ils recoupent l’inquiétude juive, qui est leur, par l’inquiétude moderne, qui est nôtre et leur. Ils subissent, ils reçoivent ensemble, à cette intersection, l’inquiétude verticale et l’inquiétude horizontale ; l’inquiétude descendante verticale et l’inquiétude étale horizontale ; l’inquiétude verticale de la race, l’inquiétude horizontale de l’âge, du temps.

Dans cette âpre, dans cette mortelle concurrence du monde moderne, dans cette compromission, dans cette compétition perpétuelle ils sont plus chargés que nous. Ils cumulent. Ils sont doublement chargés. Ils cumulent deux charges. La charge juive et la charge moderne. La charge de l’inquiétude juive et la charge de l’inquiétude moderne. Le mutuel appui qu’ils se prêtent, (et que l’on a beaucoup exagéré, car il y a aussi, naturellement, des inquiétudes intérieures, des haines, des rivalités, des compétitions, des ressentiments intérieurs ; et pour prendre tout de suite un exemple éclatant, l’exemple culminant la personne et la si grande philosophie de M. Bergson, qui demeurera dans l’histoire, qui sera comptée parmi les cinq ou six grandes philosophies, de tout le monde, ne sont point détestées, haïes, combattues par personne, dans le parti intellectuel, autant que par certains, par quelques professeurs juifs notamment de philosophie), le mutuel appui qu’ils se prêtent est amplement compensé, plus que compensé par cette effrayante, par cette croissante poussée de l’antisémitisme qu’ils reçoivent tous ensemble. Qu’ils ont constamment à repousser, à réfuter, à rétorquer tous ensemble. Combien n’ai-je point connu de carrières de Juifs, de pauvres gens, fonctionnaires, professeurs, qui ont brisées, qui sont encore brisées, pour toujours, par le double mécanisme suivant : pendant toute la poussée de l’antisémitisme victorieux et gouvernemental on a brisé leur carrière parce qu’ils étaient juifs ; (et les chrétiens parce qu’ils étaient dreyfusistes). Et aussi après pendant toute la poussée du dreyfusisme victorieux mais gouvernemental on a brisé leurs carrière parce qu’on était combiste et qu’avec nous ils étaient demeurés dreyfusistes purs. C’est ainsi, par ce doux mécanisme, qu’ils partagent avec nous, fraternellement, une misère double, une double infortune inexpiable.
Dans cette course du monde moderne ils sont comme nous, plus que nous ils sont lourdement, doublement chargés.

Les antisémites parlent des Juifs. Je préviens que je vais dire une énormité : Les antisémites ne connaissent point les Juifs. Ils en parlent, mais ils ne les connaissent point. Ils en souffrent, évidemment beaucoup, mais ils ne les connaissent point. Les antisémites riches connaissent peut-être les Juifs riches. Les antisémites capitalistes connaissent peut-être les capitalistes. Les antisémites d’affaires connaissent peut-être les Juifs d’affaires. Pour la même raison, je ne connais guère que des Juifs pauvres et des Juifs misérables. Il y en a. Il y en a tant que l’on n’en sait pas le nombre. J’en vois partout.
Il ne sera pas dit qu’un chrétien n’aura pas porté témoignage pour eux. Il ne sera pas dit que je n’aurai pas témoigné pour eux. Comme il ne sera pas dit qu’un chrétien ne témoignera pas pour Bernard-Lazare.

Depuis vingt ans je les ai éprouvés, nous nous sommes éprouvés mutuellement. Je les ai trouvés toujours solides au poste, autant que personne, affectueux, solides, d’une tendresse propre, autant que personne, d’un attachement, d’un dévouement, d’une piété inébranlable, d’une fidélité, à toute épreuve, d’une amitié réellement mystique, d’un attachement, d’une fidélité inébranlable à la mystique de l’amitié.

L’argent est tout, domine tout dans le monde moderne à un tel point, si entièrement, si totalement que la séparation sociale horizontale des riches et des pauvres est devenue infiniment plus grave, plus coupante, plus absolue si je puis dire que la séparation, verticale de race des juifs et des chrétiens. La dureté du monde moderne sur les pauvres, contre les pauvres, est devenue si totale, si effrayante, si impie ensemble sur les uns et sur les autres, contre les uns et contre les autres.

Dans le monde moderne les connaissances ne se font, ne se propagent que horizontalement, parmi les riches entre eux, ou parmi les pauvres entre eux. Par couches horizontales.

Pauvre je porterai témoignage pour les Juifs pauvres. Dans la commune pauvreté, dans la misère, commune pendant vingt ans je les ai trouvés d’une sûreté, d’une fidélité, d’un dévouement, d’une solidité, d’un attachement, d’une mystique, d’une piété dans l’amitié inébranlable. Ils y ont d’autant plus de mérite, ils y ont d’autant plus de vertu qu’en même temps, en plus de nous, ils ont sans cesse à lutter contre les accusations, contre les inculpations, contre les calomnies de l’antisémitisme, qui sont précisément toutes les accusations du contraire.

Que voyons-nous ? Car enfin il ne faut parler que de ce que nous voyons, il ne faut dire que ce que nous voyons ; que voyons-nous ? Dans cette galère du monde moderne je les vois qui rament à leur banc autant et plus que d’autres, autant et plus que nous. Autant et plus que nous subissant le sort commun. Dans cet enfer temporel du monde moderne je les vois comme nous, autant et plus que nous, trimant comme nous, éprouvés comme nous. Epuisés comme nous. Surmenés comme nous. Dans les maladies, dans les fatigues, dans la neurasthénie, dans tous les surmenages, dans cet enfer temporel j’en connais des centaines, j’en vois des milliers qui aussi difficilement plus difficilement, plus misérablement que nous gagnent péniblement leur misérable vie.
Dans cet enfer commun.

Des riches il y aurait beaucoup à dire. Je les connais beaucoup moins. Ce que je puis dire, c’est que depuis vingt ans j’ai passé par beaucoup de mains. Le seul de mes créanciers qui se soit conduit avec moi non pas seulement comme un usurier, mais ce qui est un peu plus, comme un créancier, comme un usurier de Balzac, le seul de mes créanciers qui m’ait traité avec une dureté balzacienne, avec la dureté, la cruauté d’un usurier de Balzac n’était point un Juif. C’était un Français, j’ai honte à le dire, on a honte à le dire, c’était hélas un « chrétien », trente fois millionnaire. Que n’aurait-on pas dit s’il avait été Juif.

Jusqu’à quel point leurs riches les aident-ils ? Je soupçonne qu’ils les aident un peu plus que les nôtres ne nous aident. Mais enfin il ne faudrait peut-être pas le leur reprocher. C’est ce que je disais à un jeune antisémite, joyeux mais qui m’écoute ; sous une forme que je me permets de trouver saisissante. Je lui disais : Mais enfin, pensez-y, ’c’est pas facile d’être Juif'. Vous leur faites toujours des reproches contradictoires. Quand leurs riches ne les soutiennent pas, quand leurs riches sont durs vous dites : C’est pas étonnant, ils sont Juifs. Quand leurs riches les soutiennent, vous dites : C’est pas étonnant, ils sont Juifs. Ils se soutiennent entre eux. – Mais, mon ami, les riches chrétiens n’ont qu’à en faire autant. Nous n’empêchons pas les chrétiens riches de nous soutenir entre nous.

C’est pas facile d’être Juif. Avec vous. Et même sans vous. Quand ils demeurent insensibles aux appels de leurs frères, aux cris des persécutés, aux plaintes, aux lamentations de leurs frères meurtris dans tout le monde vous dites : C’est des mauvais Juifs. Et s’ils ouvrent seulement l’oreille aux lamentations qui montent du Danube et du Dniepr vous dites : Ils nous trahissent. C’est des mauvais Français.

Ainsi vous les poursuivez, vous les accablez sans cesse de reproches contradictoires. Vous dites : Leur finance est juive, elle n’est pas française. – Et la finance française, mon ami, est-ce qu’elle est française.
Est-ce qu’il y a une finance qui est française.

Vous les accablez sans cesse de reproches contradictoires. Au fond, ce que vous voudriez, c’est qu’ils n’existent pas. Mais cela, c’est une autre question. »

J’en viens cependant à me demander à la lecture, chez Bloy, de passages violents comme celui-là :

« La sympathie pour les Juifs est un signe de turpitude, c’est bien entendu. Il est impossible de mériter l’estime d’un chien quand on n’a pas le dégoût instinctif de la Synagogue. Cela s’énonce tranquillement comme un axiome de géométrie rectiligne, sans ironie et sans amertume. »

Du titre du livre, Le Salut par les Juifs à des jugements qui semblent définitifs, comme celui-ci :

« L’interprétation des Textes sacrés fut autrefois considérée comme le plus glorieux effort de l’esprit humain, puisqu’au témoignage de l’infaillible Salomon, la gloire de Dieu est de cacher sa parole (Proverbes, chap. 25, v. 2). »

« Israël est donc investi, par privilège, de la représentation et d’on ne sait quelle très occulte protection de ce Paraclet errant dont il fut l’habitacle et le recéleur. »

et celui-ci, ironique jusqu’au rire, comprenne qui peut :

« J’ai la douleur de ne pouvoir proposer à mes ambitieux contemporains un révélateur authentique. La conciergerie des Mystères n’est pas mon emploi et je n’ai pas reçu la consignation des choses futures. Les prophètes actuels sont, d’ailleurs, si complètement dénués de miracles qu’il paraît impossible de les discerner.
Mais s’il est vrai qu’on en demande, par une conséquence naturelle de ce point de foi qu’il doit en venir un jour, je voudrais savoir pourquoi on ne les demande jamais à l’unique peuple, d’où sont sortis tous les Secrétaires des Commandements de Dieu. »

J’aime beaucoup cet « unique peuple d’où sont sortis tous les Secrétaires des Commandements de Dieu ».

Oui, tous les Secrétaires des Commandements de Dieu, tous les prophètes, tous les rois bibliques, Jésus en personne, tous ses apôtres.

Mais, disais-je au tout début, j’en viens à me demander si le ton adopté par Bloy n’est pas du registre du persiflage cinglant et ironique.

Je suis conscient que Bloy écrit en catholique et qu’il souhaite de tout son cœur la conversion des juifs. Mais en dépit de sa verve, de sa violence dans les termes, je ne puis croire qu’il ne connaisse pas, au moment où il écrit ce livre, la parabole du Bon Samaritain.

« Mais le docteur de la Loi, voulant se justifier, dit à Jésus : "Et qui est mon prochain ?" Jésus reprit : "Un homme descendait de Jérusalem à Jéricho, et il tomba au milieu de brigands qui, après l'avoir dépouillé et roué de coups, s'en allèrent, le laissant à demi mort. Un prêtre vint à descendre par ce chemin-là ; il le vit et passa outre. Pareillement un lévite, survenant en ce lieu, le vit et passa outre. Mais un Samaritain, qui était en voyage, arriva près de lui, le vit et fut pris de pitié. Il s'approcha, banda ses plaies, y versant de l'huile et du vin, puis le chargea sur sa propre monture, le mena à l'hôtellerie et prit soin de lui. Le lendemain, il tira deux deniers et les donna à l'hôtelier, en disant : "Prends soin de lui, et ce que tu auras dépensé en plus, je te le rembourserai, moi, à mon retour." Lequel de ces trois, à ton avis, s'est montré le prochain de l'homme tombé aux mains des brigands ?" Il dit : "Celui-là qui a exercé la miséricorde envers lui." Et Jésus lui dit : "Va, et toi aussi, fais de même". »
Luc : X : 29,37

Voilà, ici, le nœud du problème. Le Samaritain, considéré par les Juifs de l’époque de Jésus, comme impur, s’étant détaché du Judaïsme, le Samaritain crasseux et immoral, se comporte comme Jésus souhaite que nous nous comportions vis-à-vis de la malheureuse victime, en l’aimant. Et ceux qui connaissent Bloy savent combien il méprisait les catholiques de son temps. Aujourd’hui, probablement, les vomirait-il. Mais de ce peuple errant, en lequel le malheur a élu domicile, surgit le salut, le souvenir lointain et profond, le socle historique :

« Humble et grand Moyen Âge, époque la plus chère à tous ceux que les clameurs de la Désobéissance importunent et qui vivent retirés au fond de leurs propres âmes !
Les trois derniers siècles ont beaucoup fait pour le raturer ou le décrier, en altérant par tous les opiums les glorieuses facultés lyriques du vieil Occident. Il existe même un courant nouveau d’historiens critiques et documentaires, de qui cette besogne odieuse est le permanent souci. Mais je crois bien que les Mille ans de pleurs, de folies sanglantes et d’extases continueront de couler à travers les doigts des pédants, aussi longtemps que le cœur humain n’aura pas cessé d’exister ; et c’est une remarque étrange que les Juifs sont, en somme, les témoins les plus fidèles et les conservateurs les plus authentiques de ce candide Moyen Âge qui les détestait pour l’amour de Dieu et qui voulut tant de fois les exterminer. »

Et ceci :

« Car le Salut n’est pas une plaisanterie de sacristains polonais, et quand on dit qu’il a coûté le sang d’un Dieu incarné dans de la chair juive, cela veut dire qu’il a tout coûté depuis les temps et depuis les éternités. »

Sans oublier la théologie bloyenne si singulière :

« L’histoire de l’Enfant prodigue est une parabole si lumineuse de son éternelle Anxiété béatifique dans le fond des cieux, qu’elle en est devenue banale et que nul n’y comprend plus rien.
Allez donc dire aux catholiques modernes que le Père dont il est parlé dans le récit de saint Luc, lequel partage la SUBSTANCE entre ses deux fils, est Jéhovah lui-même, s’il est permis de le nommer par son Nom terrible ; que le fils aîné demeuré sage, et qui « est toujours avec lui », symbolise, à n’en pas douter, son Verbe Jésus, patient et fidèle ; enfin que le fils plus jeune, celui qui a voyagé dans une « région lointaine où il dévora sa substance avec des prostituées », jusqu’au point d’être réduit à garder les porcs et à « désirer d’emplir son ventre des siliques mangées par ces animaux », signifie, très assurément, l’Amour Créateur dont le souffle est vagabond et dont la fonction divine paraît être, en vérité, depuis six mille ans, de nourrir les cochons chrétiens après avoir pâturé les pourceaux de la Synagogue.
Ajoutez, si cela vous amuse, que le Veau gras « qu’on tue, qu’on mange et dont on se régale », pour fêter la résipiscence du libertin, est encore ce même Christ Jésus dont l’immolation chez les « mercenaires » est inséparable toujours de l’idée d’affranchissement et de pardon.
Essayez un peu de faire pénétrer ces similitudes grandioses, familières tout au plus à quelques lépreux, dans la pulpe onctueuse et cataplasmatique de nos dévots accoutumés dès l’enfance à ne voir dans l’Evangile qu’un édifiant traité de morale, — et vous entendrez de jolies clameurs ! »

Mais ma lecture n’est pas encore terminée.

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04/02/2009

Léon Bloy, "Le Salut par les Juifs"

=--=Publié dans la Catégorie "Lectures"=--=

Excusez-moi, mais il est une suite de jours qui donnent la conscience d’un rouleau compresseur que l’on est, par la grâce de Dieu, ou par la grâce de l’instant, à se sentir saisi d’une conscience si haute, d’une compréhension globale claire, dense, holoscopique qui en arrive à écraser toutes les postures idéologiques, toutes les crispations émotionnelles, tous les discours de gauche, de droite, réactionnaires ou conservateurs qui envahissent en une singulière guerre de tranchées le réseau virtuel de la toile du net. Amusement de pacotilles. Vient l’instant où l’on ouvre un livre. Retour au geste simple. Le Salut par les juifs, par exemple, de Léon Bloy. On se confronte alors, on se mesure au déséquilibre ! On cherche le chemin de la compréhension dans le déluge de mots, l’explosion de souffre, emplie de préjugés, mais des préjugés orientés par une volonté de savoir de connaître, de comprendre. D’être la dialectique enclenchée, le sens rhétorique promulgué par la plume acide, indique comme une issue hors le préjugé lui-même. Il y a de la justification, aussi, le désir de faire sens, de faire lien, entre l’ancienne opinion et la nouvelle clairvoyance. Construire une structure qui tienne debout de part en part. anéantir les contradictions. La description du juif sale, misérable tant spirituellement que physiquement, socialement, politiquement, devant de longues lignes qui indiquent l’aveuglement des idées toutes faites, les références aux œuvres précédentes, que Léon refuse de remettre en cause, n’indiquent que l’état d’un palier de la connaissance, de la réalisation d’une lecture. Saint-Paul, depuis, lui a ouvert les yeux.

« Salus ex judaeis est. Le Salut vient des juifs (Salux EX Judaeis, quia Salus A Judaeis. Réponse à un tout petit docteur qui contestait ma traduction).
J’ai perdu quelques heures précieuses de ma vie à lire, comme tant d’autres infortunés, les élucubrations antijuives de M. Drumont, et je ne me souviens pas qu’il ait cité cette parole simple et formidable de Notre Seigneur Jésus-Christ, rapportée par saint Jean au chapitre quatrième de son Evangile.
Si ce journaliste copieux daigna jamais s’enquérir des Textes sacrés et s’il est en mesure de démontrer, pour ma confusion, que ce précepte considérable est mentionné dans tel ou tel des volumineux pamphlets dont il assomme régulièrement les peuples chrétiens, — il faut dire alors que cet hommage au Livre saint est si merveilleusement aphone, pénombral, rapide et discret qu’il est presque impossible de l’apercevoir et tout à fait impossible d’en être frappé.
C’est quelque chose pourtant, ce témoignage du Fils de Dieu !
Je sais bien que saint Augustin en a terriblement affaibli la portée dans sa pauvre exégèse des « deux murailles », qu’il est loisible de consulter au quinzième traité du commentaire fameux de ce vénérable Docteur.
Mais on était alors au Ve siècle ; la Réprobation d’Israël avait commencé depuis l’exorbitante catastrophe de Jérusalem ; l’espèce humaine, à moitié conquise déjà par les successeurs de Pierre, avait irrémédiablement froncé son cœur et s’était endurcie pour toute la durée des temps contre la descendance exécrée des bourreaux du Christ.
L’effrayante brûlure des premières Persécutions se cicatrisait enfin et les grandes semailles du sang des Martyrs étaient accomplies.
La pédagogie du Surnaturel tombait aux théologiens, aux explicateurs, aux philosophes désabusés, et la gênante assertion de Celui qui fut appelé le Fils du Tonnerre pouvait être écartée respectueusement, sans aucun danger de scandale ou de simple étonnement pour une Eglise toute rouge qui vagissait encore dans son berceau.
Cette parole demeure cependant. Elle subsiste, malgré tout, en sa force mystérieuse, et ressemble à quelque gemme très sombre, d’un troublant éclat, rendue plus inestimable par l’inattention téméraire des économes ou des contrôleurs de la Foi.

Le Salut vient des Juifs ! Texte confondant qui nous met furieusement loin de M. Drumont ! A Dieu ne plaise que je lui déclare la guerre, à ce triomphant ! La lutte, vraiment, serait par trop inégale.
Le pamphlétaire de la France Juive peut se vanter d’avoir trouvé le bon coin et le bon endroit. Considérant ave une profonde sagesse et le sang-froid d’un chef subtil que le caillou philosophal de l’entregent consiste à donner précisément aux ventres humains la glandée dont ils raffolent, il inventa contre les Juifs la volcanique et pertinace revendication des pièces de cent sous. C’était l’infaillible secret de tout dompter, de tout enfoncer et de jucher son individu sur les crêtes les plus altissimes.
Dire au passant, fût-ce le plus minable récipiendaire au pourrissoir des désespérés : — Ces perfides Hébreux, qui t’éclaboussent, t’ont volé tout ton argent ; reprends-le donc, ô Egyptien ! crève-leur la peau, si tu as du cœur, et poursuis-les dans la mer Rouge.
Ah ! dire cela perpétuellement, dire cela partout, le beugler sans trêve dans des livres ou dans des journaux, se battre même quelquefois pour que cela retentisse plus noblement au delà des monts et des fleuves ! mais surtout, oh ! surtout, ne jamais parler d’autre chose, — voilà la recette et l’arcane le medium et le retentum de la balistique du grand succès. Qui donc, ô mon Dieu ! résisterait à cela ?
Ajoutons que ce grand homme revendiquait au nom du Catholicisme. Or, tout le monde connaît le désintéressement sublime des catholiques actuels leur mépris incassable pour les spéculations ou les manigances financières et le détachement céleste qu’ils arborent. J’ai fait des livres, moi-même, en vue d’exprimer l’admiration presque douloureuse dont me saturent ces écoliers de la charité divine et je sens bien qu’il m’eût été impossible de m’en empêcher.
Il est donc aisé de concevoir l’impétuosité de leur zèle, quand les tripotantes mains de l’Antisémite vinrent chatouiller en eux le pressentiment de la Justice. On peut même dire qu’en cette occasion, les écailles tombèrent d’un grand nombre d’yeux et le généreux Drumont apparut l’apôtre des tièdes qui ne savaient pas que la religion fût si profitable. »

Le Salut par les Juifs, Léon Bloy

On est face à l’écriture d’un homme qui voit poindre dès 1892 la haine générale qui vient encercler et nourrir l’infortune sanglante de l’éternel bouc émissaire qui tombe toujours à pic. Mais Dieu veille :

« L’Histoire des Juifs barre l’histoire du genre humain comme une digue barre un fleuve, pour en élever le niveau. Ils sont immobiles à jamais et tout ce qu’on peut faire c’est de les franchir en bondissant avec plus ou moins de fracas, sans aucun espoir de les démolir.
On l’a suffisamment essayé, n’est-ce pas ? et l’expérience d’une soixantaine de générations est irrécusable. Des maîtres à qui rien ne résistait entreprirent de les effacer. Des multitudes inconsolables de l’Affront du Dieu vivant se ruèrent à leur tuerie. La Vigne symbolique du Testament de Rédemption fut infatigablement sarclée de ces parasites vénéneux ; et ce peuple disséminé dans vingt peuples, sous la tutelle sans merci de plusieurs millions de princes chrétiens, accomplit, tout le long des temps, son destin de fer qui consistait simplement à ne pas mourir, à préserver toujours et partout, dans les rafales ou dans les cyclones, la poignée de boue merveilleuse dont il est parlé dans le saint Livre et qu’il croit être le Feu divin (Machabées, Livres II, ch. 1.)
Cette nuque de désobéissants et de perfides, que Moïse trouvait si dure, a fatigué la fureur des hommes comme une enclume d’un métal puissant qui userait tous les marteaux. L’épée de la Chevalerie s’y est ébréchée et le sabre finement trempé du chef musulman s’y est rompu aussi bien que le bâton de la populace.
Il est donc bien démontré que rien n’est à faire, et, considérant ce que Dieu supporte, il convient, assurément, à des âmes religieuses de se demander une bonne fois, sans présomption ni rage imbécile et face à face avec les Ténèbres, si quelque mystère infiniment adorable ne se cache pas, après tout, sous les espèces de l’ignominie sans rivale du Peuple Orphelin condamné dans toutes les assises de l’Espérance, mais qui, peut-être, au jour marqué, ne sera pas trouvé sans pourvoi. »

Le Salut par les Juifs, Léon Bloy

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