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07/08/2014

Heureux l'homme de la bonne conscience !

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« Heureux l'homme de la bonne conscience ! Il consacre ses jours ouvrables aux besognes d'un égoïsme bien entendu, ses dimanches et ses jours fériés aux oeuvres pies et aux mendiants ; elle règne, cette heureuse bonne conscience, sur un temps harmonieusement aménagé où deux horaires successifs sont réservés, l'un aux exercices du corps, l'autre à la charité. »

Vladimir Jankélévitch, Le paradoxe de la morale

 

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Un homme qui se tenait solidement sur ses pieds

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« Ce fut une soirée remarquable, un tournant. Inger s'était écartée longtemps du droit chemin, et il avait suffi de la soulever un instant pour l'y faire rentrer. Ils ne parlèrent pas de ce qui s'était passé. Isak s'était senti honteux d'avoir agi de la sorte à cause d'un thaler, qu'il finirait par donner parce qu'il serait lui-même content de l'envoyer à Eleseus. Et puis, cet argent, n'était-il pas à Inger aussi bien qu'à lui ? Au tour d'Isak de se sentir humble !



 Inger avait encore changé. Elle renonçait à ses manières raffinées et redevenait sérieuse : une femme de paysan, sérieuse et réfléchie, comme elle était auparavant. Penser que la rude poigne d'un homme pouvait accomplir de telles métamorphoses ! Il devait en être ainsi ! Une femme robuste et saine, mais gâtée par un long séjour dans une atmosphère artificielle, s'était heurtée à un homme qui se tenait solidement sur ses pieds. Il ne s'était pas laissé écarter un instant de sa place naturelle sur la terre, de son lopin. »

Knut Hamsun, L'éveil de la glèbe

 

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Heidegger le renard

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« Heidegger déclare avec fierté : "Les gens disent que Heidegger est un renard." Telle est la véritable histoire de Heidegger le renard : Il était une fois un renard si dépourvu de ruse que non seulement il ne cessait de se faire prendre au piège mais qu'il ne savait même pas faire la différence entre ce qui était un piège et ce qui ne l'était pas. Ce renard souffrait aussi d'une autre faiblesse. Sa fourrure était en mauvais état, si bien qu'il se trouvait complètement démuni de protection naturelle contre les épreuves d'une existence de renard. Après avoir passé toute sa jeunesse à tomber dans les pièges des autres, maintenant qu'il ne lui restait plus, pour ainsi dire, une seule touffe intacte de fourrure sur le dos, le renard décida de se retirer du monde des renards et de se fabriquer un terrier. Dans sa cruelle ignorance de la différence entre ce qui était un piège et ce qui n'en était pas un, en dépit de son expérience considérable des pièges, il lui germa dans l'esprit une idée totalement nouvelle et inconnue des renards. Il allait se fabriquer un piège en guise de terrier. Il s'installa à l'intérieur, comme dans un terrier normal - non par ruse, mais parce qu'il avait toujours cru que les pièges des autres étaient leurs terriers -, puis il décida de devenir sournois et d'adapter aux autres le piège qu'il avait conçu pour lui et qui ne convenait qu'à lui. Voilà qui à nouveau démontrait sa grande ignorance des pièges : personne ne voulait pénétrer dans son piège, car il y était lui-même installé. Il s'en agaça. Après tout, personne n'ignore qu'en dépit de leur habileté tous les renards, de temps en temps, se laissent prendre au piège. Pourquoi un piège de renard - surtout conçu par un renard ayant plus d'expérience des pièges qu'un autre - ne rivaliserait-il pas avec les pièges des êtres humains et des chasseurs ? De toute évidence parce que ce piège ne montrait pas assez clairement le piège qu'il était ! Il vint donc à l'idée de notre renard de décorer son piège et d'accrocher des écriteaux sans équivoque qui annonçaient clairement : "Venez tous ; ceci est un piège, le plus beau piège du monde." A partir de ce moment, il était certain qu'aucun renard ne s'aventurerait dans ce piège par erreur. Néanmoins beaucoup vinrent. Car ce piège était le terrier de notre renard, et si vous désiriez lui rendre visite quand il était chez lui, il fallait pénétrer dans son piège. Tout le monde, à l'exception de notre renard, pouvait, bien sûr, en ressortir. Il était littéralement taillé à sa mesure. Mais le renard qui habitait le piège disait fièrement : "Ils sont si nombreux à me rendre visite dans mon piège que je suis devenu le roi de tous les renards." Et il y avait du vrai dans son propos, aussi, car personne ne connaît mieux la nature des pièges que celui qui y demeure toute sa vie durant. »

Hannah Arendt, Journal de pensée

 

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06/08/2014

Aussi la vie de la plupart des hommes est-elle courte et calamiteuse

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« Sortie des ténèbres de l'inconscience pour s'éveiller à la vie, la volonté se trouve, comme individu, dans un monde sans fin et sans bornes, au milieu d'une foule innombrable d'individus, tous occupés à faire effort, à souffrir, à errer ; et comme emportée au travers d'un rêve anxieux, elle se hâte de rentrer dans son inconscience primitive. Jusque-là cependant ses désirs sont infinis, ses prétentions inépuisables, et l'assouvissement de tout appétit engendre un appétit nouveau. Aucune satisfaction terrestre ne pourrait suffire à apaiser ses convoitises, à mettre un terme définitif à ses exigences, à combler l'abîme sans fond de son coeur. Considérez maintenant en regard ce que l'homme, en règle générale, obtient en satisfactions de ce genre : ce n'est presque jamais rien de plus que la misérable conservation de cette existence même, conquise au prix d'efforts journaliers, de fatigues incessantes et de soucis perpétuels dans la lutte contre le besoin, et avec cela toujours la mort au fond du tableau. Tout dans la vie nous enseigne que le bonheur terrestre est destiné à être empêché ou reconnu pour illusoire. Et ces dispositions prennent leur racine dans l'essence intime des choses. Aussi la vie de la plupart des hommes est-elle courte et calamiteuse. Les gens comparativement heureux ne le sont presque toujours qu'en apparence, ou ce sont, comme ceux qui vivent longtemps, de rares exceptions, dont la possibilité devait subsister comme appât. La vie se présente comme une duperie qui se poursuit, dans le détail aussi bien que dans l'ensemble. A-t-elle promis, elle ne tient pas sa promesse, à moins de vouloir montrer combien peu désirable était la chose désirée par nous : nous voilà donc trompés tantôt par l'espérance même, tantôt par l'objet de notre espoir. A-t-elle donné, c'était alors pour nous demander à son tour. Le mirage attrayant du lointain nous montre des paradis qui s'évanouissent, semblables à des illusions d'optique, une fois que nous nous y sommes laissés prendre. Le bonheur réside donc toujours dans l'avenir, ou encore dans le passé, et le présent paraît être un petit nuage sombre que le vent pousse au-dessus de la plaine ensoleillée : devant lui et derrière lui tout est clair ; seul il ne cesse lui-même de projeter une ombre. Aussi est-il toujours insuffisant, tandis que l'avenir est incertain, et le passé irrévocable. Avec ses contrariétés petites, médiocres et grandes de chaque heure, de chaque jour, de chaque semaine et de chaque année, avec ses espérances déçues et ses accidents qui déjouent tous les calculs, la vie porte l'empreinte si nette d'un caractère propre à nous inspirer le dégoût, que l'on a peine à concevoir comment on a pu le méconnaître, et se laisser persuader que la vie existe pour être goûtée par nous avec reconnaissance et que l'homme est ici-bas pour vivre heureux.
Cette illusion et cette désillusion persistantes, comme aussi la nature générale de la vie, ne semblent-elles pas bien plutôt créées et calculées en vue d'éveiller la conviction que rien n'est digne de nos aspirations, de nos menées, de nos efforts ; que tous les biens sont chose vaine, que le monde est de toutes parts insolvable, que la vie enfin est une affaire qui ne couvre pas ses frais – et tout cela pour que notre volonté s'en détourne ? »

Arthur Schopenhauer, Le monde comme volonté et comme représentation

 

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De brillants écrivains

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« Aucune faction politique n’avait encore été, comme la nôtre, soutenue par autant de brillants écrivains collaborant à nos journaux, nous faisant savoir leur approbation : Drieu La Rochelle, engagé sans réserve dans notre bataille, Paul Morand qui allait être ambassadeur de la France occupée à Bucarest, Marcel Aymé qui nous donnait pour "Je Suis Partout" ses meilleurs contes, Jean Giono emprisonné pour antibellicisme en 1939 et dont un de ses romans était publié dans "La Gerbe", Jacques Benoist-Méchin, le profond historien de l’armée allemande et le créateur à Vichy de la Légion Tricolore, Henry de Montherlant qui nous avait devancé avec son "Solstice de Juin", Marcel Jouhandeau qui nous avait révélé son antisémitisme inattendu, Jacques Chardonne (...), Pierre Mac Orlan qui rédigeait le feuilleton littéraire des "Nouveaux Temps", Jean Anouilh, Edmond Jaloux, le plus ouvert, le plus sensible des critiques. Céline, je l’ai dit, ne partageait pas notre optimisme, mais il n’avait pas pour cela changé de camp, restait notre prophète, notre drapeau. N’étaient pas négligeables non plus le proustien Ramon Fernandez, inscrit au P.P.F (...), René Barjavel, mon ami de chez Denoël, qui avait choisi "Je Suis Partout" pour y faire ses débuts avec deux excellents romans fantastiques, "Ravages" et "Le Voyageur imprudent". A tous ces noms s’ajoutaient une bonne quinzaine d’académiciens. Et si j’étais fort peu guitryste, Sacha (...) ne dissimulait guère ses opinions.

Léon-Paul Fargue ne dédaignait pas de s’asseoir à notre table chez Lipp pour boire son quart Vichy chambré dans un sceau d’eau bouillante. (...) Nous avons bêtement écarté Jean Cocteau, qui n’aurait pas eu à se forcer pour célébrer la jeune virilité des Waffen S.S :  si les gouines étaient gaullistes – on les retrouverait sous le calot et l’uniforme des A.F.A.T- la pédale était fort collaboratrice. (...)

Jean-Paul Sartre, dont le nom commençait à circuler,  ne s’estimait pas déshonoré de publier à la N.R.F collaboratrice son premier ouvrage important, "L’Etre et le Néant", où les initiés découvraient un disciple des existentialistes allemands qui professaient dans les universités du  Troisième Reich. (...) Marcel Arland, Simenon, Henri Mondor, Jean Giraudoux, Maurice Genevoix, Colette, qui avait demandé que je lui fusse présenté (...) pour me dire que "Les Décombres" l’amusaient beaucoup (...), Edouard Bourdet bien qu’il eût été nommé par le Front Populaire administrateur de la Comédie-Française, cinquante autres moins empanachés ne répugnaient pas à se faire imprimer ou jouer. »

Lucien Rebatet, Les Mémoires d’un fasciste

 

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Le mystère du sacré

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« La liturgie n'est pas un show, un spectacle qui ait besoin de metteurs en scène géniaux, ni d'acteurs de talent. La liturgie ne vit pas de surprises sympathiques, de trouvailles captivantes mais de répétitions solennelles. Elle ne doit pas exprimer l'actualité et ce qu'elle a d'éphémère, mais le mystère du sacré. »

Roger Nimier, Entretien sur la Foi

 

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Je n'ai jamais encore, à 72 ans, découvert aucun sens à tout cela

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« Je suis maintenant un vieil homme, et, comme beaucoup d'habitants de notre vieille Europe, la première partie de ma vie a été assez mouvementée : j'ai été témoin d'une révolution, j'ai fait la guerre dans des conditions particulièrement meurtrières (j'appartenais à l'un de ces régiments que les états-majors sacrifient froidement à l'avance et dont, en huit jours, il n'est pratiquement rien resté), j'ai été fait prisonnier, j'ai connu la faim, le travail physique jusqu'à l'épuisement, je me suis évadé, j'ai été gravement malade, plusieurs fois au bord de la mort, violente ou naturelle, j'ai côtoyé les gens les plus divers, aussi bien des prêtres que des incendiaires d'églises, de paisibles bourgeois que des anarchistes, des philosophes que des illettrés, j'ai partagé mon pain avec des truands, enfin j'ai voyagé un peu partout dans le monde... et cependant, je n'ai jamais encore, à 72 ans, découvert aucun sens à tout cela, si ce n'est, comme l'a dit, je crois, Barthes, après Shakespeare, que "si le monde signifie quelque chose, c'est qu'il ne signifie rien - sauf qu'il est". »

Claude Simon, Discours de Stockholm (Discours de réception du prix Nobel de littérature, 1985)

 

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Il faut fuir, autant qu’il est possible, comme un écueil très acéré et dangereux, l’affectation

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« Mais j’ai déjà souvent réfléchi sur l’origine de cette grâce, et, si on laisse de côté ceux qui la tiennent de la faveur du ciel, je trouve qu’il y a une règle très universelle, qui me semble valoir plus que tout autre sur ce point pour toutes les choses humaines que l’on fait ou que l’on dit, c’est qu’il faut fuir, autant qu’il est possible, comme un écueil très acéré et dangereux, l’affectation, et pour employer peut-être un mot nouveau, faire preuve en toute chose d’une certaine sprezzatura, qui cache l’art et qui montre que ce que l’on a fait et dit est venu sans peine et presque sans y penser. »

Baldassare Castiglione, comte de Novellata, Le Livre du courtisan

 

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05/08/2014

La Ronde...

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« Je suppose qu’un triste jour, par je ne sais quelle aberration, ils s’étaient laissé tenter au passage du bazar ambulant. Dès lors, ils avaient perdu le contact qui leur avait fait traverser les siècles. Le peuple guanaqui n’existe plus. Il n’y a plus que des individus. Entendons-nous bien : ils ne sont pas morts. Sans doute même plus nombreux qu’avant, transplantés dans une ville ou une autre, mêlés à la grande foule moderne, anonyme, ignorante du passé et de l’avenir. Petits mecs, en quelque sorte, qui ont rejoint la ronde. »

Jean Raspail, La hache des steppes

 

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Une justice et une société meurent toujours de ce qui se tait

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« On était peut-être en train de glisser dans une société de cauchemar. Peut-être. En tout cas, Fénimore savait que ça ne déclencherait pas ce haut-le-cœur de catastrophe qui monte à lire un roman d'anticipation. Le mal ne surgit pas comme un lapin hors du chapeau. On ne sombre pas dans l'erreur, on y glisse sans s'en rendre compte.Trompeurs sont les avertissements et trompeuses les colères. Une justice et une société meurent toujours de ce qui se tait. Un totalitarisme réussi, c'est comme un crime parfait. On ne sait même pas qu'il a eu lieu. »

Julien Capron, Match aller

 

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Paris dans sa majorité attendait pour choisir son opinion de voir de quel côté pencherait la balance de la guerre

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« Je ne fais pas ce récit par vantardise, comme les vieux ténors  déchus qui radotent : "Ah ! si vous m’aviez entendu en 1935, au Capitole, dans Werther !" J’ai suffisamment, dans la suite, subi d’insuccès et d’avanies à Paris pour juger à leur prix les toquades de cette ville. Mais je veux rappeler qu’un collaborateur extrémiste était loin de vivre en 1942 dans une solitude amère et déshonorée, que s’il provoquait des curiosités comme un phénomène zoologique, ses plus tonitruantes extravagances lui attiraient des émules, innombrables ma foi ! Ma photographie, plutôt rogue, en grand format, au milieu des feuilles de mon manuscrit, orna jour et nuit durant plusieurs semaines la vitrine de "Rive gauche", au coeur de ce Quartier Latin que l’on disait si cocardier, sans que le plus petit caillou fût lancé contre elle, qu’elle excitât la moindre inscription vengeresse. Paris dans sa majorité attendait pour choisir son opinion de voir de quel côté pencherait la balance de la guerre. Si nous nous trouvions à l’épilogue sur le bon plateau, sans aucun doute une belle foule de partisans nous rejoindrait avec empressement. Déjà, la rhétorique péremptoire d’un fasciste d’avant-garde tel que moi ébranlait bien des indécis : "Après tout, ces garçons disent beaucoup de vérités. Les politiciens de la défunte IIIème ont été des criminels imbéciles. Les Allemands ne sont pas tellement intraitables. Et qu’est ce qui nous tomberait sur le dos si les Russes gagnaient ?" »

Lucien Rebatet, Les Mémoires d’un fasciste - II

 

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Qui "déshonorera" la souffrance ?

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« Qui proclamera une bonne fois que souffrir ne sert à rien, que cela est perdu, totalement perdu ? Qui "déshonorera" la souffrance ? Il y a bien quelques êtres qui connaissent le secret de ne pas souffrir, secret qui raisonnablement devrait être l’apanage des dieux. Ce secret, ils voudraient le dire, mais ils savent qu’un homme qui s’avoue heureux est tenu pour un benêt, ou pour un poseur, ou pour un égoïste qui insulte au malheur du genre humain ; ils craignent que même le don qu’ils feraient de ce secret ne suffît pas pour qu’on leur pardonnât de le détenir. Alors ils se retirent dans des solitudes délicieuses, qu’ils ne partagent qu’avec le plaisir, et ces préceptes que leur cœur brûle de dispenser à leurs semblables, ils les écrivent sur le vent qui passe et sur les feuilles qui meurent dans les bois. »

Henry de Montherlant, Service inutile

 

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Quand nous allions par les champs mortuaires et les villages brûlés

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En 1919, Henri Béraud, journaliste reporter, assiste à la Conférence de Paix de Paris...

« Pendant que ces voix paisibles de doyens assermentés bourdonnaient à mes oreilles, je pensais aux heures de la guerre et, un instant, j’ai quitté le palais aux dorures arrogantes pour me retrouver dans ce noir abri du Soissonnais où, durant les nuits d’insomnie et de bombardement, j’évoquais ce congrès que j’avais présentement sous mes yeux. On nous avait tant dit que nous nous battions pour un monde nouveau... Quand nous allions par les champs mortuaires et les villages brûlés, nous ne pensions pas, nous, que le compte de nos travaux serait établi par d’autres que nous. Il nous arrivait de croire que l’ère des vieillards était accomplie et que notre génération avait acquis le droit de parler au nom des aînés…
Je rouvris les yeux. Les lustres resplendissaient. Les soixante plénipotentiaires, assis bien sagement devant leurs soixante buvards, avaient l’air de somnoler.
Et je pensais encore à d’autres choses : aux conseils d’administration qui siègent au-dessus des mines, aux assemblées plénières d’armateurs, qui font, barèmes en main, le solde et le bilan des bateaux en détresse... »

Henri Béraud, Le flâneur salarié

 

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04/08/2014

Nos actes quotidiens ne sont en réalité que des oripeaux qui recouvrent le vêtement tissé d'or, la signification profonde

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« Je ne suis ni heureux ni malheureux : je vis en suspens, comme une plume dans l'amalgame nébuleux de mes souvenirs. J'ai parlé de la vanité de l'art mais, pour être sincère, j'aurais dû dire aussi les consolations qu'il procure. L'apaisement que me donne ce travail de la tête et du cœur réside en cela que c'est ici seulement, dans le silence du peintre ou de l'écrivain, que la réalité peut être recréée, retrouver son ordre et sa signification véritables et lisibles. Nos actes quotidiens ne sont en réalité que des oripeaux qui recouvrent le vêtement tissé d'or, la signification profonde. C'est dans l'exercice de l'art que l'artiste trouve un heureux compromis avec tout ce qui l'a blessé ou vaincu dans la vie quotidienne, par l'imagination, non pour échapper à son destin comme fait l'homme ordinaire, mais pour l'accomplir le plus totalement et le plus adéquatement possible. Autrement pourquoi nous blesserions-nous les uns les autres ? Non, l'apaisement que je cherche, et que je trouverai peut-être, ni les yeux brillants de tendresse de Mélissa, ni la noire et ardente prunelle de Justine ne me le donneront jamais. Nous avons tous pris des chemins différents maintenant; mais ici, dans le premier grand désastre de mon âge mûr, je sens que leur souvenir enrichit et approfondit au-delà de toute mesure les confins de mon art et de ma vie. Par la pensée je les atteins de nouveau, je les prolonge et je les enrichis, comme si je ne pouvais le faire comme elles le méritent que là, là seulement, sur cette table de bois, devant la mer, à l'ombre d’un olivier. Ainsi la saveur de ces pages devra-t-elle quelque chose à leurs modèles vivants, un peu de leur souffle, de leur peau, de leur inflexion de leur voix, et cela se mêlera à la trame ondoyante de la mémoire des hommes. Je veux le faire revivre de telle façon que la douleur se transmue en art… Peut-être est-ce là une tentative vouée à l’échec, je ne sais. Mais je dois essayer... »

Lawrence Durrell, Le Quatuor d'Alexandrie

 

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Le pouvoir de se donner une loi à soi même

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« Tous les traits positifs de la voie du surhomme se rattachent à ce second aspect : le pouvoir de se donner une loi à soi même, le "pouvoir de dire non, de ne pas agir, quand on est poussé par une force prodigieuse, par une énorme tension vers le oui" ; l'ascèse naturelle et libre qui s'applique à éprouver ses propres forces en jugeant "la puissance d'une volonté au degré de résistance, de douleur, de tourment qu'elle peut supporter pour les tourner à son avantage" (si bien que de ce point de vue tout ce que l'existence offre de mauvais, de douloureux, de problématique, tout ce qui nourri les formes populaires des religions sotériologiques, est accepté et même désiré) ; avoir pour principe de ne pas obéir aux passions, mais de les tenir en laisse ("la grandeur de caractère ne consiste pas à ne pas avoir de passions - il faut les avoir au plus haut degré, mais les tenir en laisse, et sans que cette domination soit une source de joie particulière, avec simplicité") ; l'idée que "l'homme supérieur se distingue de l'inférieur par son intrépidité, son défi au malheur" ("c'est un signe de régression quand les valeurs eudémonistes commencent à être considérées comme les plus hautes") ; et répondre, stupéfait, à ceux qui montrent "le chemin de la félicité" pour inciter l'homme à se conduire de telle ou telle manière : "Mais que nous importe à nous le bonheur ?" ; reconnaître qu'un des moyens par lesquels se conserve une espèce humaine supérieure consiste "à s'arroger le droit à des actes exceptionnels vécus comme des tentatives de victoire sur soi-même et des actes de liberté... à s'assurer, par une espèce d'ascèse, une prépondérance et une certitude quant à sa propre force de volonté" sans fuir aucune sorte de privation ; affirmer la liberté qui consiste à "maintenir la distance qui nous sépare, être impassible devant les peines, les duretés de l'existence, les privations, la vie même", le type le plus élevé d'homme libre étant représenté par "celui qui surmonte constamment les plus fortes résistances... le grand péril faisant de lui un être digne de vénération" ; dénoncer la néfaste confusion entre discipline et aveulissement (le but de la discipline ne peut être qu'une force plus grande - "celui qui ne domine pas est faible, dissipé, inconstant") et tenir pour certain que "la dissolution n'est un argument que contre celui qui n'y a pas droit et que toutes les passions ont été discréditées par la faute de ceux qui n'étaient pas assez fort pour les tourner à leur avantage" ; montrer la voie de ceux qui, libres de tout lien, n'obéissent qu'à leur seule loi, adhèrent inflexiblement à celle-ci et sont au-dessus de toute faiblesse humaine ; enfin tout ce qui fait que le surhomme n'est pas la "blonde bête de proie", ni l'héritier d'une équivoque virtus de despotes de la Renaissance, mais est aussi capable de générosité, de promptitude à accorder une aide virile, de "vertu donatrice", de grandeur d'âme, de surpassement de sa propre individualité - tout cela représente un ensemble d'éléments positifs que l'homme de la Tradition aussi peut faire siens mais qui ne s'expliquent et ne sont tels qu'à la condition d'être rapportés, non à la vie, mais au "plus-que-vie", à la transcendance ; ce sont des valeurs qui ne peuvent attirer que les hommes portant en eux quelque chose d'autre et de plus que la simple "vie". »

Julius Evola, Chevaucher le tigre

 

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Les Hindoux et les Extrêmes-Orientaux n'ont visiblement pas la notion du "péché" au sens sémitique du terme...

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« Le complexe du "péché" est une concrétion pathologique née sous le signe du Dieu-personne, du "Dieu de la morale". La conscience d'une erreur commise remplaçant le sentiment du péché a été, au contraire, un des traits caractéristiques des traditions à caractère métaphysique, et c'est un thème que l'homme supérieur peut faire sien à l'époque actuelle, au-delà de la dissolution des résidus religieux, en suivant la ligne précédemment indiquée. Les observations suivantes de F. Schuon apportent, sur ce point, un éclaircissement complémentaire :

"Les Hindoux et les Extrêmes-Orientaux n'ont visiblement pas la notion du 'péché' au sens sémitique du terme : ils distinguent les actions, non sous le rapport d'une valeur intrinsèque, mais sous celui de l'opportunité en vue des réactions cosmiques ou spirituelles, et aussi sous celui de l'utilité sociale ; ils ne distinguent pas entre le 'moral' et 'l'immoral', mais entre l'avantageux et le nuisible, l'agréable et le désagréable, le normal et l'anormal, quitte à sacrifier le premier - mais en dehors de toutes classification éthique - à l'intérêt spirituel. Ils peuvent pousser le renoncement, l'abnégation, la mortification, jusqu'aux limites de ce qui est humainement possible, mais sans être 'moralistes' pour autant." »

Julius Evola, Chevaucher le tigre

 

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Se laisser glisser sur la dissolution des morales, des idéaux et des croyances

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« La "vérité" ne transparaît qu'aux moments où les esprits, oublieux du délire constructif, se laissent glisser sur la dissolution des morales, des idéaux et des croyances. Connaître, c'est voir ; ce n'est ni espérer, ni entreprendre. »

Emil Michel Cioran, Précis de décomposition

 

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Notre vie manque de soufre, c'est-à-dire d'une constante magie

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« Si notre vie manque de soufre, c'est-à-dire d'une constante magie, c'est qu'il nous plait de regarder nos actes et de nous perdre en considération sur les formes rêvées de nos actes, au lieu d'être poussé par eux (...). Et s'il est encore quelque chose d'infernal et de véritablement maudit dans ce temps, c'est de s'attarder artistiquement sur des formes, au lieu d'être comme des suppliciés que l'on brûle et qui font des signes sur leurs bûchers. »

Antonin Artaud, Le théâtre et son double, Préface

 

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03/08/2014

La race, le sang, la pureté héréditaire du sang sont une simple "matière"

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« Devant l'insuffisance de ces éléments d'explication [sur la décadence des civilisations], on défend parfois l'idée de race. L'unité et la pureté du sang seraient au fondement de la vie et de la force d'une civilisation ; le mélange du sang serait la cause initiale de sa décadence. Mais il s'agit, la encore, d'une illusion : une illusion qui rabaisse en outre l'idée de civilisation sur le plan naturaliste et biologique, puisque tel est le plan où l'on envisage aujourd'hui, plus ou moins, la race. La race, le sang, la pureté héréditaire du sang sont une simple "matière". Une civilisation au sens vrai, c'est-à-dire une civilisation traditionnelle, ne naît que lorsqu'agit sur cette matière une force d'ordre supérieur, surnaturelle et non plus naturelle : une force à laquelle correspondent précisément une fonction "pontificale", la composante du rite, le principe de la spiritualité comme base de la différenciation hiérarchique. A l'origine de toute civilisation véritable, il y a un phénomène "divin" (chaque grande civilisation a connu le mythe de fondateurs divins) : c'est pourquoi aucun facteur humain ou naturaliste ne pourra jamais rendre vraiment compte d'elle. C'est à un fait du même ordre, mais en sens opposé, de dégénérescence, qu'on doit l'altération et le déclin des civilisations. Lorsqu'une race a perdu le contact avec ce qui seul possède et peut donner la stabilité, avec le monde de l’ "être" ; lorsque, en elle, ce qui en est l'élément le plus subtil mais, en même temps, le plus essentiel, à savoir la race intérieure, la race de l'esprit, a connu une déchéance (la race du corps et celle de l'âme n'étant que des manifestations et des moyens d'expression de la race de l'esprit) -, les organismes collectifs qu'elle a formés, quelles que soient leur grandeur et leur puissance, descendent fatalement dans le monde de la contingence : ils sont alors à la merci de l'irrationnel, du changeant, de l’ "historique", de ce qui reçoit ses conditions du bas et de l'extérieur.

Le sang, la pureté ethnique, sont des facteurs dont l'importance est également reconnue dans les civilisations traditionnelles. Mais cette importance n'est pas telle qu'elle permettrait d'appliquer aux hommes les critères en vertu desquels le "sang pur" décide de manière péremptoire pour les qualités d'un chien ou d'un cheval - ce qu'ont fait, à peu de choses près, certaines idéologies racistes modernes. Le facteur "sang" ou "race" a son importance, parce qu'il ne relève pas du "psychologique" - du cerveau ou des opinions de l'individu -, mais réside dans les forces de vie les plus profondes, celles sur lesquelles les traditions agissent en tant qu'énergies formatrices typiques. Le sang enregistre les effets de cette action et offre par conséquent, à travers l'hérédité, une matière déjà affinée et préformée, telle que, tout au long des générations, des réalisations semblables à celles des origines soient préparées et puissent s'y développer de manière naturelle, quasi spontanée. C'est sur cette base et sur elle seulement - que le monde traditionnel, nous le verrons, institua souvent le caractère héréditaire des castes et voulut la loi endogamique. Mais si l'on prend précisément la tradition où le régime des castes fut le plus rigoureux, à savoir dans la société indo-aryenne, le seul fait de la naissance, bien que nécessaire, n'apparaissait pas suffisant : il fallait que la qualité virtuellement conférée par la naissance fût actualisée par l'initiation, et nous avons déjà rappelé que le Mânavadharmaçâstra en arrive à affirmer que, tant qu'il n'est pas passé par l'initiation ou "seconde naissance", l'ârya lui-même n'est pas supérieur au çûdra ; trois différenciations spéciales du feu divin servaient d'âme aux trois pishtra iraniens hiérarchiquement les plus élevés, l'appartenance définitive à ces pishtra étant pareillement sanctionnée par l'initiation ; etc. Ainsi, dans ces cas également il ne faut pas perdre de vue la dualité des facteurs, il ne faut jamais confondre l'élément formateur avec l'élément formé, la condition avec le conditionné. Les castes supérieures et les aristocraties traditionnelles, et, plus généralement, les civilisations et les races supérieures (celles qui, par rapport aux autres races, se tiennent dans la même position que les castes consacrées face aux castes plébéiennes, aux "fils de la Terre"), ne s'expliquent pas par le sang, mais à travers le sang, grâce à quelque chose qui va au-delà du sang et qui présente un caractère métabiologique.

Et lorsque ce "quelque chose", est vraiment puissant, lorsqu'il constitue le noyau le plus profond et le plus solide d'une société traditionnelle, alors une civilisation peut se maintenir et se réaffirmer même face à des mélanges et altérations typiques, pourvu que ceux-ci n'aient pas un caractère ouvertement destructeur. Il peut même y avoir réaction sur des éléments hétérogènes, ceux-ci étant formés, réduits peu à peu au type propre ou re-greffés à titre, pour ainsi dire, de nouvelle unité explosive. Des exemples de ce genre ne manquent pas dans les temps historiques : Chine, Grèce, Rome, Islam. Le déclin d'une civilisation ne commence que lorsque sa racine génératrice d'en haut n'est plus vivante, que lorsque sa "race de l'esprit" est prostrée ou brisée - parallèlement à sa sécularisation et à son humanisation. Quand elle est réduite à cela les seules forces sur lesquelles peut encore compter une civilisation, sont celles d'un sang qui porte en soi ataviquement, par race et instinct, l'écho et l'empreinte de l'élément supérieur désormais disparu. Ce n'est que dans cette optique que la thèse "raciste" de la défense de la pureté du sang peut avoir une raison d'être - sinon pour empêcher, du moins pour retarder l'issue fatale du procès de dégénérescence. Mais prévenir vraiment cette issue est impossible sans un réveil intérieur. »

Julius Evola, Révolte contre le monde moderne

 

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Il n'existe aucun rapport entre le sens de la vie et le bien être économique

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« Concluons en répétant qu'il n'existe aucun rapport – sinon peut-être, un rapport inverse – entre le sens de la vie et le bien être économique. Exemple insigne, et qui n'est pas d'aujourd'hui, mais appartient au monde traditionnel : celui qui, sur le plan métaphysique, dénonça le vide de l'existence et les tromperies du "dieu de la vie", et indiqua la voie du réveil spirituel, le Bouddha Çâkyamuni, n'était ni un opprimé, ni un affamé, ni un représentant de couches sociales semblables à cette plèbe de l'empire romain à laquelle s'adressa en premier lieu la prédication chrétienne révolutionnaire ; Ce fut, au contraire, un prince de race, dans toute la splendeur de sa puissance et toute la plénitude de sa jeunesse. La vraie signification du mythe économico-social, quelles qu'en soient les variétés, est donc celle d'un moyen d'anesthésie intérieure ou de prophylaxie visant non seulement à éluder le problème d'une existence privée de tout sens, mais même à consolider de toutes les façons cette fondamentale absence de sens de la vie de l'homme moderne. Nous pouvons donc parler, soit d'un opium bien plus réel que celui qui, selon les marxistes aurait été administré à une humanité non encore illuminée ni évoluée, mystifiée par les croyances religieuses, soit, d'un point de vue plus élevé, de l'organisation méthodique d'un nihilisme actif. Les perspectives qu'offrent une certaine partie du monde actuel pourraient bien être celle qu'entrevoit Zarathoustra pour "le dernier homme". »

Julius Evola, Chevaucher le tigre

 

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"Je veux avoir à Paris cent familles, toutes s’étant élevées avec le trône et demeurant seules considérables..."

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« Bonaparte savait parler famille non comme d’une entité mais comme d’une réalité quand cela lui était utile. Il suffit de l’écouter lui-même. La fameuse lettre du 5 juin 1806 au roi de Naples, Joseph, son frère, ne va pas chercher le père, la mère, l’enfant, il part tout à trac de la réelle entité domestique de la famille, mot et chose, et en tire tout ce qu’il faut pour un ordre politique et social favorable à son intérêt et à celui de sa dynastie. Ecoutez, ou plutôt lisez comme il écrivait :

"Je veux avoir à Paris cent familles, toutes s’étant élevées avec le trône et demeurant seules considérables, puisque ce ne sont que des fidéicommis et que, ce qui ne sera pas à elles va se disséminer par l’effet du Code Civil. Etablissez le Code civil à Naples, il consolidera votre puissance, puisque, par lui tout ce qui n’est pas fidéicommis tombe, et qu’il ne reste de grandes maisons que celles que vous érigez en fiefs…".

Il n’est pas douteux que les dispositions du Code civil ont été lourdement aggravées par la suite. Le Code civil avait liquidé l’héritage : la démocratie populaire succédant à la démocratie consulaire s’arrangea pour dissoudre entre les héritiers les biens juridiques et moraux qu’on avait maintenus : c’est dans la logique du système individualiste et révolutionnaire. Mais c’est une autre question qui laisse intacte la première : "Je veux avoir à Paris cent familles... Etablissez le Code civil à Naples... par lui tout ce qui n’est pas fidéicommis tombe". Cent majorats d’une part, le reste tombant en poussière, d’autre part ! Ce n’est pas seulement un programme pour la ruine d’un pays, c’était la prophétie de son exécution.

Le "réalisme" impérial s’était brillamment exercé dans l’intérêt de son Etat révolutionnaire, mais à rebours de l’intérêt national. »

Charles Maurras, L'Action Française, 4 novembre 1943

 

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Là où les parents ne sont pas

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« Ne pas avoir de parents est la condition première de la liberté [...] Mais comprenez bien, il ne s’agit pas de perdre ses parents. La mère de Gérard De Nerval est morte quand il était nouveau-né et pourtant il a vécu pendant toute sa vie sous le regard hypnotique de ses yeux admirables.

La liberté ne commence pas là où les parents sont rejetés ou enterrés, mais là où ils ne sont pas :

Là où l’homme vient au monde sans savoir de qui.

Là où l’homme vient au monde à partir d’un oeuf jeté dans une forêt.

Là où l’homme est craché sur la terre par le ciel et pose le pied sur le monde sans le moindre sentiment de gratitude. »

Milan Kundera, La vie est ailleurs

 

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02/08/2014

Cette main et ce regard

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« Je suis de ceux qui pensent qu’on ne pourra pas accroître la distance entre la main qui écrit et les yeux qui lisent : elle est toujours infinie. Cette main et ce regard ne sont jamais d’un même corps. »

Pascal Quignard, Albucius

 

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Ils donnent un nom à la peine ou à la vengeance

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« Les hommes sont des abeilles. Ils régurgitent leur vie sous forme de récit pour ne pas demeurer hébétés dans le silence comme sont les fous ou les malheureux. A chaque retour de la nuit, ils restituent, amassent, partagent et dévorent les sucs qu’ils ont récoltés et le récit de leur quête. Ce sont les veillées et ce sont les rêves. Je ne suis pas sûr que les récits des hommes soient plus volontaires que leurs rêves. J’ai le souhait qu’ils soient aussi impérieux si ce sont des romans. Les romans sont aux jours ce que les rêves sont aux nuits. Quelles bêtes prédatrices pourraient-elles supporter que leur vie épouse autre chose que l’image d’une espèce d’affût et de course, de désir et de proie ? Nous nommons cela le sens de la vie. Nous aimons les mots qui sont impressionnants. (…) Les livres que composent les hommes depuis Troie, depuis Albe, ne sont pas plus civilisés que le miel ne l’est au regard de ces insectes jaunes et noirs qui volent et prélèvent leur butin dans le sexe des fleurs. Les auteurs de romans ou de contes nous permettent de nous réciter une leçon que notre attention rend impossible et qui nous fait passer en hâte d’un peu de flottaison dans l’obscurité du sexe d’une femme à la désintégration de la lumière où vécut notre désir dans la mort où il s’éteint. Ils élaborent la douleur. Ils donnent un nom à la peine ou à la vengeance. Ils préservent une proie à nos vies. »

Pascal Quignard, Albucius

 

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Porter une attention vague à tout

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« Chaque fois qu’on parle, qu’on écrit, chaque fois qu’on agit, chaque fois qu’on décide, on lance des parties de dés anxieuses dont on ne prévoit pas la durée, dont on ne mesure pas l’importance, dont on ne voit pas se dessiner la perspective et dont on n’imagine pas le cours. C’est pourquoi il faut porter une attention vague à tout, agiter avec peu de fièvre ce qui nous entoure. »

Pascal Quignard, Albucius

 

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