04/08/2014
Nos actes quotidiens ne sont en réalité que des oripeaux qui recouvrent le vêtement tissé d'or, la signification profonde
=--=Publié dans la Catégorie "Lectures"=--=
« Je ne suis ni heureux ni malheureux : je vis en suspens, comme une plume dans l'amalgame nébuleux de mes souvenirs. J'ai parlé de la vanité de l'art mais, pour être sincère, j'aurais dû dire aussi les consolations qu'il procure. L'apaisement que me donne ce travail de la tête et du cœur réside en cela que c'est ici seulement, dans le silence du peintre ou de l'écrivain, que la réalité peut être recréée, retrouver son ordre et sa signification véritables et lisibles. Nos actes quotidiens ne sont en réalité que des oripeaux qui recouvrent le vêtement tissé d'or, la signification profonde. C'est dans l'exercice de l'art que l'artiste trouve un heureux compromis avec tout ce qui l'a blessé ou vaincu dans la vie quotidienne, par l'imagination, non pour échapper à son destin comme fait l'homme ordinaire, mais pour l'accomplir le plus totalement et le plus adéquatement possible. Autrement pourquoi nous blesserions-nous les uns les autres ? Non, l'apaisement que je cherche, et que je trouverai peut-être, ni les yeux brillants de tendresse de Mélissa, ni la noire et ardente prunelle de Justine ne me le donneront jamais. Nous avons tous pris des chemins différents maintenant; mais ici, dans le premier grand désastre de mon âge mûr, je sens que leur souvenir enrichit et approfondit au-delà de toute mesure les confins de mon art et de ma vie. Par la pensée je les atteins de nouveau, je les prolonge et je les enrichis, comme si je ne pouvais le faire comme elles le méritent que là, là seulement, sur cette table de bois, devant la mer, à l'ombre d’un olivier. Ainsi la saveur de ces pages devra-t-elle quelque chose à leurs modèles vivants, un peu de leur souffle, de leur peau, de leur inflexion de leur voix, et cela se mêlera à la trame ondoyante de la mémoire des hommes. Je veux le faire revivre de telle façon que la douleur se transmue en art… Peut-être est-ce là une tentative vouée à l’échec, je ne sais. Mais je dois essayer... »
Lawrence Durrell, Le Quatuor d'Alexandrie
16:00 Publié dans Lectures | Lien permanent | Commentaires (0) | | del.icio.us | | Digg | Facebook
Le pouvoir de se donner une loi à soi même
=--=Publié dans la Catégorie "Lectures"=--=
« Tous les traits positifs de la voie du surhomme se rattachent à ce second aspect : le pouvoir de se donner une loi à soi même, le "pouvoir de dire non, de ne pas agir, quand on est poussé par une force prodigieuse, par une énorme tension vers le oui" ; l'ascèse naturelle et libre qui s'applique à éprouver ses propres forces en jugeant "la puissance d'une volonté au degré de résistance, de douleur, de tourment qu'elle peut supporter pour les tourner à son avantage" (si bien que de ce point de vue tout ce que l'existence offre de mauvais, de douloureux, de problématique, tout ce qui nourri les formes populaires des religions sotériologiques, est accepté et même désiré) ; avoir pour principe de ne pas obéir aux passions, mais de les tenir en laisse ("la grandeur de caractère ne consiste pas à ne pas avoir de passions - il faut les avoir au plus haut degré, mais les tenir en laisse, et sans que cette domination soit une source de joie particulière, avec simplicité") ; l'idée que "l'homme supérieur se distingue de l'inférieur par son intrépidité, son défi au malheur" ("c'est un signe de régression quand les valeurs eudémonistes commencent à être considérées comme les plus hautes") ; et répondre, stupéfait, à ceux qui montrent "le chemin de la félicité" pour inciter l'homme à se conduire de telle ou telle manière : "Mais que nous importe à nous le bonheur ?" ; reconnaître qu'un des moyens par lesquels se conserve une espèce humaine supérieure consiste "à s'arroger le droit à des actes exceptionnels vécus comme des tentatives de victoire sur soi-même et des actes de liberté... à s'assurer, par une espèce d'ascèse, une prépondérance et une certitude quant à sa propre force de volonté" sans fuir aucune sorte de privation ; affirmer la liberté qui consiste à "maintenir la distance qui nous sépare, être impassible devant les peines, les duretés de l'existence, les privations, la vie même", le type le plus élevé d'homme libre étant représenté par "celui qui surmonte constamment les plus fortes résistances... le grand péril faisant de lui un être digne de vénération" ; dénoncer la néfaste confusion entre discipline et aveulissement (le but de la discipline ne peut être qu'une force plus grande - "celui qui ne domine pas est faible, dissipé, inconstant") et tenir pour certain que "la dissolution n'est un argument que contre celui qui n'y a pas droit et que toutes les passions ont été discréditées par la faute de ceux qui n'étaient pas assez fort pour les tourner à leur avantage" ; montrer la voie de ceux qui, libres de tout lien, n'obéissent qu'à leur seule loi, adhèrent inflexiblement à celle-ci et sont au-dessus de toute faiblesse humaine ; enfin tout ce qui fait que le surhomme n'est pas la "blonde bête de proie", ni l'héritier d'une équivoque virtus de despotes de la Renaissance, mais est aussi capable de générosité, de promptitude à accorder une aide virile, de "vertu donatrice", de grandeur d'âme, de surpassement de sa propre individualité - tout cela représente un ensemble d'éléments positifs que l'homme de la Tradition aussi peut faire siens mais qui ne s'expliquent et ne sont tels qu'à la condition d'être rapportés, non à la vie, mais au "plus-que-vie", à la transcendance ; ce sont des valeurs qui ne peuvent attirer que les hommes portant en eux quelque chose d'autre et de plus que la simple "vie". »
Julius Evola, Chevaucher le tigre
14:00 Publié dans Lectures | Lien permanent | Commentaires (0) | | del.icio.us | | Digg | Facebook
Les Hindoux et les Extrêmes-Orientaux n'ont visiblement pas la notion du "péché" au sens sémitique du terme...
=--=Publié dans la Catégorie "Lectures"=--=
« Le complexe du "péché" est une concrétion pathologique née sous le signe du Dieu-personne, du "Dieu de la morale". La conscience d'une erreur commise remplaçant le sentiment du péché a été, au contraire, un des traits caractéristiques des traditions à caractère métaphysique, et c'est un thème que l'homme supérieur peut faire sien à l'époque actuelle, au-delà de la dissolution des résidus religieux, en suivant la ligne précédemment indiquée. Les observations suivantes de F. Schuon apportent, sur ce point, un éclaircissement complémentaire :
"Les Hindoux et les Extrêmes-Orientaux n'ont visiblement pas la notion du 'péché' au sens sémitique du terme : ils distinguent les actions, non sous le rapport d'une valeur intrinsèque, mais sous celui de l'opportunité en vue des réactions cosmiques ou spirituelles, et aussi sous celui de l'utilité sociale ; ils ne distinguent pas entre le 'moral' et 'l'immoral', mais entre l'avantageux et le nuisible, l'agréable et le désagréable, le normal et l'anormal, quitte à sacrifier le premier - mais en dehors de toutes classification éthique - à l'intérêt spirituel. Ils peuvent pousser le renoncement, l'abnégation, la mortification, jusqu'aux limites de ce qui est humainement possible, mais sans être 'moralistes' pour autant." »
Julius Evola, Chevaucher le tigre
12:00 Publié dans Lectures | Lien permanent | Commentaires (0) | | del.icio.us | | Digg | Facebook
Se laisser glisser sur la dissolution des morales, des idéaux et des croyances
=--=Publié dans la Catégorie "Lectures"=--=
« La "vérité" ne transparaît qu'aux moments où les esprits, oublieux du délire constructif, se laissent glisser sur la dissolution des morales, des idéaux et des croyances. Connaître, c'est voir ; ce n'est ni espérer, ni entreprendre. »
Emil Michel Cioran, Précis de décomposition
10:00 Publié dans Lectures | Lien permanent | Commentaires (0) | | del.icio.us | | Digg | Facebook
Notre vie manque de soufre, c'est-à-dire d'une constante magie
=--=Publié dans la Catégorie "Lectures"=--=
« Si notre vie manque de soufre, c'est-à-dire d'une constante magie, c'est qu'il nous plait de regarder nos actes et de nous perdre en considération sur les formes rêvées de nos actes, au lieu d'être poussé par eux (...). Et s'il est encore quelque chose d'infernal et de véritablement maudit dans ce temps, c'est de s'attarder artistiquement sur des formes, au lieu d'être comme des suppliciés que l'on brûle et qui font des signes sur leurs bûchers. »
Antonin Artaud, Le théâtre et son double, Préface
07:00 Publié dans Lectures | Lien permanent | Commentaires (0) | | del.icio.us | | Digg | Facebook
03/08/2014
La race, le sang, la pureté héréditaire du sang sont une simple "matière"
=--=Publié dans la Catégorie "Lectures"=--=
« Devant l'insuffisance de ces éléments d'explication [sur la décadence des civilisations], on défend parfois l'idée de race. L'unité et la pureté du sang seraient au fondement de la vie et de la force d'une civilisation ; le mélange du sang serait la cause initiale de sa décadence. Mais il s'agit, la encore, d'une illusion : une illusion qui rabaisse en outre l'idée de civilisation sur le plan naturaliste et biologique, puisque tel est le plan où l'on envisage aujourd'hui, plus ou moins, la race. La race, le sang, la pureté héréditaire du sang sont une simple "matière". Une civilisation au sens vrai, c'est-à-dire une civilisation traditionnelle, ne naît que lorsqu'agit sur cette matière une force d'ordre supérieur, surnaturelle et non plus naturelle : une force à laquelle correspondent précisément une fonction "pontificale", la composante du rite, le principe de la spiritualité comme base de la différenciation hiérarchique. A l'origine de toute civilisation véritable, il y a un phénomène "divin" (chaque grande civilisation a connu le mythe de fondateurs divins) : c'est pourquoi aucun facteur humain ou naturaliste ne pourra jamais rendre vraiment compte d'elle. C'est à un fait du même ordre, mais en sens opposé, de dégénérescence, qu'on doit l'altération et le déclin des civilisations. Lorsqu'une race a perdu le contact avec ce qui seul possède et peut donner la stabilité, avec le monde de l’ "être" ; lorsque, en elle, ce qui en est l'élément le plus subtil mais, en même temps, le plus essentiel, à savoir la race intérieure, la race de l'esprit, a connu une déchéance (la race du corps et celle de l'âme n'étant que des manifestations et des moyens d'expression de la race de l'esprit) -, les organismes collectifs qu'elle a formés, quelles que soient leur grandeur et leur puissance, descendent fatalement dans le monde de la contingence : ils sont alors à la merci de l'irrationnel, du changeant, de l’ "historique", de ce qui reçoit ses conditions du bas et de l'extérieur.
Le sang, la pureté ethnique, sont des facteurs dont l'importance est également reconnue dans les civilisations traditionnelles. Mais cette importance n'est pas telle qu'elle permettrait d'appliquer aux hommes les critères en vertu desquels le "sang pur" décide de manière péremptoire pour les qualités d'un chien ou d'un cheval - ce qu'ont fait, à peu de choses près, certaines idéologies racistes modernes. Le facteur "sang" ou "race" a son importance, parce qu'il ne relève pas du "psychologique" - du cerveau ou des opinions de l'individu -, mais réside dans les forces de vie les plus profondes, celles sur lesquelles les traditions agissent en tant qu'énergies formatrices typiques. Le sang enregistre les effets de cette action et offre par conséquent, à travers l'hérédité, une matière déjà affinée et préformée, telle que, tout au long des générations, des réalisations semblables à celles des origines soient préparées et puissent s'y développer de manière naturelle, quasi spontanée. C'est sur cette base et sur elle seulement - que le monde traditionnel, nous le verrons, institua souvent le caractère héréditaire des castes et voulut la loi endogamique. Mais si l'on prend précisément la tradition où le régime des castes fut le plus rigoureux, à savoir dans la société indo-aryenne, le seul fait de la naissance, bien que nécessaire, n'apparaissait pas suffisant : il fallait que la qualité virtuellement conférée par la naissance fût actualisée par l'initiation, et nous avons déjà rappelé que le Mânavadharmaçâstra en arrive à affirmer que, tant qu'il n'est pas passé par l'initiation ou "seconde naissance", l'ârya lui-même n'est pas supérieur au çûdra ; trois différenciations spéciales du feu divin servaient d'âme aux trois pishtra iraniens hiérarchiquement les plus élevés, l'appartenance définitive à ces pishtra étant pareillement sanctionnée par l'initiation ; etc. Ainsi, dans ces cas également il ne faut pas perdre de vue la dualité des facteurs, il ne faut jamais confondre l'élément formateur avec l'élément formé, la condition avec le conditionné. Les castes supérieures et les aristocraties traditionnelles, et, plus généralement, les civilisations et les races supérieures (celles qui, par rapport aux autres races, se tiennent dans la même position que les castes consacrées face aux castes plébéiennes, aux "fils de la Terre"), ne s'expliquent pas par le sang, mais à travers le sang, grâce à quelque chose qui va au-delà du sang et qui présente un caractère métabiologique.
Et lorsque ce "quelque chose", est vraiment puissant, lorsqu'il constitue le noyau le plus profond et le plus solide d'une société traditionnelle, alors une civilisation peut se maintenir et se réaffirmer même face à des mélanges et altérations typiques, pourvu que ceux-ci n'aient pas un caractère ouvertement destructeur. Il peut même y avoir réaction sur des éléments hétérogènes, ceux-ci étant formés, réduits peu à peu au type propre ou re-greffés à titre, pour ainsi dire, de nouvelle unité explosive. Des exemples de ce genre ne manquent pas dans les temps historiques : Chine, Grèce, Rome, Islam. Le déclin d'une civilisation ne commence que lorsque sa racine génératrice d'en haut n'est plus vivante, que lorsque sa "race de l'esprit" est prostrée ou brisée - parallèlement à sa sécularisation et à son humanisation. Quand elle est réduite à cela les seules forces sur lesquelles peut encore compter une civilisation, sont celles d'un sang qui porte en soi ataviquement, par race et instinct, l'écho et l'empreinte de l'élément supérieur désormais disparu. Ce n'est que dans cette optique que la thèse "raciste" de la défense de la pureté du sang peut avoir une raison d'être - sinon pour empêcher, du moins pour retarder l'issue fatale du procès de dégénérescence. Mais prévenir vraiment cette issue est impossible sans un réveil intérieur. »
Julius Evola, Révolte contre le monde moderne
16:00 Publié dans Lectures | Lien permanent | Commentaires (0) | | del.icio.us | | Digg | Facebook
Il n'existe aucun rapport entre le sens de la vie et le bien être économique
=--=Publié dans la Catégorie "Lectures"=--=
« Concluons en répétant qu'il n'existe aucun rapport – sinon peut-être, un rapport inverse – entre le sens de la vie et le bien être économique. Exemple insigne, et qui n'est pas d'aujourd'hui, mais appartient au monde traditionnel : celui qui, sur le plan métaphysique, dénonça le vide de l'existence et les tromperies du "dieu de la vie", et indiqua la voie du réveil spirituel, le Bouddha Çâkyamuni, n'était ni un opprimé, ni un affamé, ni un représentant de couches sociales semblables à cette plèbe de l'empire romain à laquelle s'adressa en premier lieu la prédication chrétienne révolutionnaire ; Ce fut, au contraire, un prince de race, dans toute la splendeur de sa puissance et toute la plénitude de sa jeunesse. La vraie signification du mythe économico-social, quelles qu'en soient les variétés, est donc celle d'un moyen d'anesthésie intérieure ou de prophylaxie visant non seulement à éluder le problème d'une existence privée de tout sens, mais même à consolider de toutes les façons cette fondamentale absence de sens de la vie de l'homme moderne. Nous pouvons donc parler, soit d'un opium bien plus réel que celui qui, selon les marxistes aurait été administré à une humanité non encore illuminée ni évoluée, mystifiée par les croyances religieuses, soit, d'un point de vue plus élevé, de l'organisation méthodique d'un nihilisme actif. Les perspectives qu'offrent une certaine partie du monde actuel pourraient bien être celle qu'entrevoit Zarathoustra pour "le dernier homme". »
Julius Evola, Chevaucher le tigre
13:55 Publié dans Lectures | Lien permanent | Commentaires (0) | | del.icio.us | | Digg | Facebook
"Je veux avoir à Paris cent familles, toutes s’étant élevées avec le trône et demeurant seules considérables..."
=--=Publié dans la Catégorie "Lectures"=--=
« Bonaparte savait parler famille non comme d’une entité mais comme d’une réalité quand cela lui était utile. Il suffit de l’écouter lui-même. La fameuse lettre du 5 juin 1806 au roi de Naples, Joseph, son frère, ne va pas chercher le père, la mère, l’enfant, il part tout à trac de la réelle entité domestique de la famille, mot et chose, et en tire tout ce qu’il faut pour un ordre politique et social favorable à son intérêt et à celui de sa dynastie. Ecoutez, ou plutôt lisez comme il écrivait :
"Je veux avoir à Paris cent familles, toutes s’étant élevées avec le trône et demeurant seules considérables, puisque ce ne sont que des fidéicommis et que, ce qui ne sera pas à elles va se disséminer par l’effet du Code Civil. Etablissez le Code civil à Naples, il consolidera votre puissance, puisque, par lui tout ce qui n’est pas fidéicommis tombe, et qu’il ne reste de grandes maisons que celles que vous érigez en fiefs…".
Il n’est pas douteux que les dispositions du Code civil ont été lourdement aggravées par la suite. Le Code civil avait liquidé l’héritage : la démocratie populaire succédant à la démocratie consulaire s’arrangea pour dissoudre entre les héritiers les biens juridiques et moraux qu’on avait maintenus : c’est dans la logique du système individualiste et révolutionnaire. Mais c’est une autre question qui laisse intacte la première : "Je veux avoir à Paris cent familles... Etablissez le Code civil à Naples... par lui tout ce qui n’est pas fidéicommis tombe". Cent majorats d’une part, le reste tombant en poussière, d’autre part ! Ce n’est pas seulement un programme pour la ruine d’un pays, c’était la prophétie de son exécution.
Le "réalisme" impérial s’était brillamment exercé dans l’intérêt de son Etat révolutionnaire, mais à rebours de l’intérêt national. »
Charles Maurras, L'Action Française, 4 novembre 1943
13:04 Publié dans Lectures | Lien permanent | Commentaires (0) | | del.icio.us | | Digg | Facebook
Là où les parents ne sont pas
=--=Publié dans la Catégorie "Lectures"=--=
« Ne pas avoir de parents est la condition première de la liberté [...] Mais comprenez bien, il ne s’agit pas de perdre ses parents. La mère de Gérard De Nerval est morte quand il était nouveau-né et pourtant il a vécu pendant toute sa vie sous le regard hypnotique de ses yeux admirables.
La liberté ne commence pas là où les parents sont rejetés ou enterrés, mais là où ils ne sont pas :
Là où l’homme vient au monde sans savoir de qui.
Là où l’homme vient au monde à partir d’un oeuf jeté dans une forêt.
Là où l’homme est craché sur la terre par le ciel et pose le pied sur le monde sans le moindre sentiment de gratitude. »
Milan Kundera, La vie est ailleurs
07:00 Publié dans Lectures | Lien permanent | Commentaires (0) | | del.icio.us | | Digg | Facebook
02/08/2014
Cette main et ce regard
=--=Publié dans la Catégorie "Lectures"=--=
« Je suis de ceux qui pensent qu’on ne pourra pas accroître la distance entre la main qui écrit et les yeux qui lisent : elle est toujours infinie. Cette main et ce regard ne sont jamais d’un même corps. »
Pascal Quignard, Albucius
23:00 Publié dans Lectures | Lien permanent | Commentaires (0) | | del.icio.us | | Digg | Facebook
Ils donnent un nom à la peine ou à la vengeance
=--=Publié dans la Catégorie "Lectures"=--=
« Les hommes sont des abeilles. Ils régurgitent leur vie sous forme de récit pour ne pas demeurer hébétés dans le silence comme sont les fous ou les malheureux. A chaque retour de la nuit, ils restituent, amassent, partagent et dévorent les sucs qu’ils ont récoltés et le récit de leur quête. Ce sont les veillées et ce sont les rêves. Je ne suis pas sûr que les récits des hommes soient plus volontaires que leurs rêves. J’ai le souhait qu’ils soient aussi impérieux si ce sont des romans. Les romans sont aux jours ce que les rêves sont aux nuits. Quelles bêtes prédatrices pourraient-elles supporter que leur vie épouse autre chose que l’image d’une espèce d’affût et de course, de désir et de proie ? Nous nommons cela le sens de la vie. Nous aimons les mots qui sont impressionnants. (…) Les livres que composent les hommes depuis Troie, depuis Albe, ne sont pas plus civilisés que le miel ne l’est au regard de ces insectes jaunes et noirs qui volent et prélèvent leur butin dans le sexe des fleurs. Les auteurs de romans ou de contes nous permettent de nous réciter une leçon que notre attention rend impossible et qui nous fait passer en hâte d’un peu de flottaison dans l’obscurité du sexe d’une femme à la désintégration de la lumière où vécut notre désir dans la mort où il s’éteint. Ils élaborent la douleur. Ils donnent un nom à la peine ou à la vengeance. Ils préservent une proie à nos vies. »
Pascal Quignard, Albucius
22:19 Publié dans Lectures | Lien permanent | Commentaires (0) | | del.icio.us | | Digg | Facebook
Porter une attention vague à tout
=--=Publié dans la Catégorie "Lectures"=--=
« Chaque fois qu’on parle, qu’on écrit, chaque fois qu’on agit, chaque fois qu’on décide, on lance des parties de dés anxieuses dont on ne prévoit pas la durée, dont on ne mesure pas l’importance, dont on ne voit pas se dessiner la perspective et dont on n’imagine pas le cours. C’est pourquoi il faut porter une attention vague à tout, agiter avec peu de fièvre ce qui nous entoure. »
Pascal Quignard, Albucius
22:18 Publié dans Lectures | Lien permanent | Commentaires (0) | | del.icio.us | | Digg | Facebook
Le malentendu Foucault, par Robert Redeker
=--=Publié dans la Catégorie "Lectures"=--=
Article signé Robert Redeker, paru dans "Valeurs Actuels" le 24 Juillet 2014...
Cliquez sur la photo
15:08 Publié dans Lectures | Lien permanent | Commentaires (0) | | del.icio.us | | Digg | Facebook
01/08/2014
Le stalinisme n’a existé ni en théorie ni en pratique
=--=Publié dans la Catégorie "Lectures"=--=
« Le stalinisme n’a existé ni en théorie ni en pratique : on ne peut parler ni de phénomène stalinien, ni d’époque stalinienne, ces concepts ont été fabriqués après 1956 par la pensée occidentale de gauche pour garder les idéaux communistes. »
Alexandre Soljenitsyne, L’erreur de l’Occident
16:00 Publié dans Lectures | Lien permanent | Commentaires (0) | | del.icio.us | | Digg | Facebook
La toute-puissance me semble en soi une chose mauvaise et dangereuse
=--=Publié dans la Catégorie "Lectures"=--=
« Je regarde comme impie et détestable cette maxime, qu'en matière de gouvernement la majorité d'un peuple a le droit de tout faire, et pourtant je place dans les volontés de la majorité l'origine de tous les pouvoirs. Suis-je en contradiction avec moi-même ?
Il existe une loi générale qui a été faite ou du moins adoptée, non pas seulement par la majorité de tel ou tel peuple, mais par la majorité de tous les hommes. Cette loi, c'est la justice.
La justice forme donc la borne du droit de chaque peuple.
Une nation est comme un jury chargé de représenter la société universelle et d'appliquer la justice qui est sa loi. Le jury, qui représente la société, doit-il avoir plus de puissance que la société elle-même dont il applique les lois ?
Quand donc je refuse d'obéir à une loi injuste, je ne dénie point à la majorité le droit de commander ; j'en appelle seulement de la souveraineté du peuple à la souveraineté du genre humain. [...]
Il faut toujours placer quelque part un pouvoir social supérieur à tous les autres, mais je crois la liberté en péril lorsque ce pouvoir ne trouve devant lui aucun obstacle qui puisse retenir sa marche et lui donner le temps, de se modérer lui-même.
La toute-puissance me semble en soi une chose mauvaise et dangereuse. Son exercice me paraît au-dessus des forces de l'homme, quel qu'il soit, et je ne vois que Dieu qui puisse sans danger être tout-puissant, parce que sa sagesse et sa justice sont toujours égales à son pouvoir. Il n'y a donc sur terre d'autorité si respectable en elle-même, ou revêtue d'un droit si sacré, que je voulusse laisser agir sans contrôle et dominer sans obstacle. Lors donc que je vois accorder le droit et la faculté de tout faire à une puissance quelconque, qu'on appelle peuple ou roi, démocratie ou aristocratie, qu'on l'exerce dans une monarchie ou dans une république, je dis : là est le germe de la tyrannie, et je cherche à aller vivre sous d'autres lois. »
Alexis de Tocqueville, De la démocratie en Amérique
14:00 Publié dans Lectures | Lien permanent | Commentaires (0) | | del.icio.us | | Digg | Facebook
Le libéralisme politique, clef du XXIe siècle
=--=Publié dans la Catégorie "Lectures"=--=
« La mondialisation, qui est au principe du XXIe siècle, a fait entrer les hommes dans l'âge de la société et de l'histoire universelles. Cette nouvelle ère est caractérisée par l'intégration planétaire des marchés et la révolution des technologies de l'information d'une part, l'hétérogénéité des valeurs, l'instabilité d'un monde multipolaire et la montée de risques planétaires d'autre part. Elle a connu trois moments.
Ses prémices datent de 1979, année clef qui vit l'invasion de l'Afghanistan et l'élection de Jean-Paul II à la papauté marquer le début de la fin de l'Union soviétique, la chute du shah d'Iran ramener la religion et la théocratie sur le devant de la scène mondiale, les quatre révolutions lancées par Deng Xiaoping initier le décollage des superpuissances démographiques du Sud, enfin l'arrivée au pouvoir de Mme Thatcher et la stratégie monétariste arrêtée par Paul Volcker à la tête de la FED acter la mort de la régulation keynésienne et préparer le retour d'une norme libérale de fonctionnement du capitalisme. Le deuxième acte intervint en 1989, avec la chute du mur de Berlin et du soviétisme qui mirent fin au siècle des idéologies et inaugurèrent une décennie à la fois miraculeuse et perdue, où la toute-puissance des démocraties fut consacrée à la dilapidation des dividendes de la paix à l'exclusion de tout effort d'organisation ou de stabilisation du monde de l'après-guerre froide. Le troisième temps a débuté le 11 septembre 2001, placé sous le signe des trois sorcières qui composent la trame de l'histoire réelle : la guerre - redevenue centrale dans la vie des démocraties et notamment des Etats-Unis -, la révolution - qui se décline le plus souvent dans un sens hostile à la liberté -, les crises économiques - avec pour dernier avatar le choc de défiance qui frappe les marchés des pays développés depuis l'été 2007.
La mondialisation marque la fin du monopole que l'Occident détient depuis le XVIIe siècle sur l'histoire du monde. Monopole politique de la démocratie, monopole économique du marché, monopole scientifique des technologies, monopole intellectuel de la modernité. Ce que les tiers-mondistes avaient rêvé et sinistrement manqué, en livrant à l'oppression et à la ruine les populations du Sud, la mondialisation l'a fait. Les Etats-Unis restent la seule puissance globale, mais relative et non plus absolue, contestée par le surgissement de la Chine et de l'Inde ou le raidissement de la Russie de Vladimir Poutine sur le plan géopolitique, menacée par l'islamisme dont l'emprise s'étend sur tout l'espace arabo-musulman, défaite en Irak et contestée en Afghanistan sur le plan militaire, dépendante de la Chine au plan industriel et financier. Pour la première fois depuis le XVIIIe siècle, le Sud représente en 2007 la moitié de la production mondiale ; la Chine, l'Inde et la Russie génèrent la majorité de la croissance mondiale ; les fonds souverains des pays émergents rassemblent 3.000 milliards de dollars, soit une force de frappe équivalente au PIB de l'Allemagne. Partout la croissance est proportionnelle au degré d'ouverture des économies (les exportations atteignent 25 % du PIB de la Chine pour une croissance de 10,5 % par an) et la réduction de la pauvreté est fonction de la croissance (plus de 400 millions de personnes sont sorties de la pauvreté en Chine et en Inde depuis dix ans). A l'inverse des chocs asymétriques des années 1990 qui affectaient l'Amérique latine, l'Asie ou la Russie pour être réassurée par les Etats-Unis, la crise financière de 2007 prend racine et se propage au sein du monde développé, aspirant l'Europe et le Japon dans une spirale récessive, quand les marché émergents poursuivent leur développement.
Le XXIe siècle est donc résolument global et multipolaire. Cela n'implique nullement qu'il soit stable, pacifique et démocratique. Et ce pour au moins quatre raisons. La première découle de la dialectique de la mondialisation. Plus les marchés et les technologies sont universels, plus les identités s'exacerbent, plus l'hétérogénéité des valeurs et des principes se renforce. Dans la société ouverte et l'ère de la communication instantanée, les intérêts ne brident pas les passions mais les démultiplient. Or, deuxième évolution marquante, ces passions ne peuvent plus être encadrées et régulées par les seuls Etats. Contournés par le haut, avec la mondialisation et les jalons de société internationale, par le bas du fait de l'autonomie croissante des acteurs économiques et sociaux comme des entités non ou subétatiques, les Etats ont perdu le monopole de l'action internationale, de l'exercice de la violence légitime, de la levée de l'impôt, voire du contrôle de tout ou partie de leur territoire et de leur population. Troisième constat, liberté économique et liberté politique sont de plus en plus asymétriques : si le XXe siècle a démontré qu'il n'existait pas de liberté politique sans liberté économique, le XXIe siècle multiplie les formes de capitalisme déconnectées de la démocratie : total capitalisme chinois ; soviet-capitalisme russe ; narco-capitalisme en Amérique centrale ou latine ; gangstéro-capitalisme ou capitalisme de guerre civile en Asie centrale ou en Afrique. Tous les continents témoignent de l'écart qui se creuse entre exercice du suffrage universel et démocratie ou Etat de droit, capitalisme et économie de marché. Enfin, quatrième aspect, la mondialisation accuse la concurrence pour l'accès aux ressources stratégiques - énergie et matières premières mais aussi eau ou terre -, en même temps qu'elle génère des risques planétaires excédant les capacités d'action des Etats (chocs systémiques sur les marchés, environnement, changement climatique, épidémies, catastrophes naturelles...).
Dès 1960, dans une conférence prononcée à Londres, Raymond Aron avait décrit les principes et résumé le dilemme central de l'âge de l'histoire universelle : « Jamais les hommes n'ont eu autant de motifs de ne plus s'entre-tuer. Jamais ils n'ont eu autant de motifs de se sentir associés dans une seule et même entreprise. Je n'en conclus pas que l'âge de l'histoire universelle sera pacifique. Nous le savons, l'homme est un être raisonnable, mais les hommes le sont-ils ? » Parce qu'il fait le double pari du primat de la liberté et de la raison des hommes, le libéralisme politique est la seule doctrine qui permette à la fois de tirer tout le parti de l'extraordinaire potentiel que recèle la mondialisation et de maîtriser ses tensions et ses risques. Aux antipodes de la vision à fois fermée et impérialiste du néoconservatisme américain, le libéralisme politique revendique la valeur universelle de la liberté tout en l'ancrant au coeur des citoyens et des sociétés, tout en reconnaissant sa dimension nécessairement pluraliste. Fondé ultimement sur le respect des droits et de l'autonomie de l'individu, il est aussi ouvert et tolérant à la diversité des cultures et des croyances que ferme dans sa condamnation des prophètes de la violence, des démagogues ou des idéologues prompts à légitimer la tyrannie par un prétendu sens de l'histoire. Promoteur de l'équilibre des pouvoirs et de la modération dans l'exercice de l'autorité, il constitue le meilleur antidote à l'emballement des passions collectives ou au vertige de la démesure qui menacent toutes les nations - démocraties comprises. Parce qu'il fait reposer la liberté sur la vertu et l'engagement des hommes, il est indissociable de la patiente pédagogie qui érige les individus en citoyens, réconciliant ainsi l'individualisme contemporain avec l'engagement collectif et le sens de l'intérêt général. C'est donc bien le libéralisme politique qui décidera du cours violent ou pacifique de l'âge de l'histoire universelle.
Aux citoyens des démocraties, et notamment de la plus puissante d'entre elles, les Etats-Unis, il revient une responsabilité particulière du fait de leur rôle dans l'invention puis la défense de la liberté politique : ne pas la renier ou la dégrader, contrairement à l'action de l'administration Bush ; accepter de la partager avec les nations émergentes et de la voir acclimatée à des cultures différentes ; préserver leur unité pour assurer sa défense face à ses multiples contempteurs et adversaires.
Aux Européens, il revient de ne pas céder à la tentation de sortir et de l'histoire et de la production, tant l'Europe peut témoigner des bienfaits de cette liberté qu'elle a inventée, des tragédies et des drames qu'elle a endurés lorsqu'elle l'a rejetée, de la possibilité de faire vivre une conception pluraliste et ouverte des principes libéraux au sein de nations et de cultures très éloignées.
Aux Français, il revient de cesser de s'illusionner et de se complaire dans l'ambiguïté autour du libéralisme. L'exception historique française provient de la succession de déroutes et de phases d'effondrement abyssales puis de succès et de redressements météoriques. Les premières ont toujours correspondu à des phases de repli nationaliste, protectionniste et xénophobe ; les seconds à des périodes de retrouvailles avec la liberté, qu'elle se décline en institutions, en réformes économiques, en modernisation de la société, en ouverture internationale. Depuis un quart de siècle, la France a payé un prix très lourd à son opposition à la révolution de la liberté de 1989 puis à la nouvelle donne de la mondialisation. Son déclin est le produit d'une pensée unique, largement répandue au sein des élites, faite de corporatisme, d'étatisme, de protectionnisme, d'un nationalisme étroit et stérile. Une pensée unique qui a paupérisé les Français et mis la France au ban des démocraties développées comme de l'Europe. Voilà pourquoi la rupture n'est rien d'autre que le choix revendiqué de l'ouverture, de la concurrence, du marché, de l'accélération de la construction européenne et de l'insertion dans la mondialisation. Voilà pourquoi le redressement de la France est indissociable de la défense d'une conception pluraliste et ouverte, en un mot libérale, de la liberté. Pour retrouver l'orgueil de la France, il est grand temps que les Français et leurs dirigeants retrouvent l'orgueil de la liberté et la foi dans le libéralisme. »
Nicolas Baverez, in Les Echos, 28 Novembre 2007
12:00 Publié dans Lectures | Lien permanent | Commentaires (0) | | del.icio.us | | Digg | Facebook
Un bourgeois, un seul, ayant lu Bastiat
=--=Publié dans la Catégorie "Lectures"=--=
« Dans trois ans tous les Français peuvent savoir lire. Croyez-vous que nous en serons plus avancés ? Imaginez au contraire que, dans chaque commune, il y ait un bourgeois, un seul, ayant lu Bastiat, et que ce bourgeois-là soit respecté, les choses changeraient ! »
Gustave Flaubert, Flaubert à George Sand, 7 octobre 1871, in Gustave Flaubert, George Sand, Correspondance
10:00 Publié dans Lectures | Lien permanent | Commentaires (0) | | del.icio.us | | Digg | Facebook
Cet aveuglement collectif de la gent politique
=--=Publié dans la Catégorie "Lectures"=--=
« S'il fallait désigner une catégorie de Français qui détestent le libéralisme plus encore que les autres, alors ce seraient les politiques. Presque tous consacrent une partie de leur activité à dénoncer ses prétendus méfaits. Aucun grand ténor ne le tient en estime (...) et depuis la Libération - en fait depuis les années vingt - personne, à droite ni à gauche, ne s'est jamais tenu à une politique libérale.
A gauche comme à droite cette allergie au libéralisme est d'autant plus curieuse que les deux camps pourraient y retrouver des racines et y nourrir un projet : la gauche, revendiquant l'héritage des grands mouvements de lutte contre la tyrannie, devrait aimer le mot même de "libéralisme", la promesse de progrès qu'il porte en lui, son culte de la différence. La droite, plus soucieuse, elle, d'ordre et d'épanouissement personnel, devrait chérir cette doctrine fondée sur un droit à la réussite garantissant la stabilité sociale. L'une et l'autre devraient y trouver, surtout, comme le montrent les expériences étrangères, les moyens et les instruments pour enfin lutter efficacement contre le chômage qu'elles dénoncent justement comme le fléau de notre temps, le cancer de notre pays.
Pourquoi cet aveuglement collectif de la gent politique, qui entretient celui du pays ? [...] »
Philippe Manière, L'Aveuglement français
07:00 Publié dans Lectures | Lien permanent | Commentaires (0) | | del.icio.us | | Digg | Facebook
31/07/2014
L'Action...
=--=Publié dans la Catégorie "Lectures"=--=
« Que vous dire de Caulaincourt ? Chez ce fils de pipelette qui parle avec ravissement de son enfance dans la rue, des colonies de vacances, de la communale et de son premier engagement dans la Légion, il y a une noblesse que j’ai enviée, un sens populaire de l’honneur dur comme le fer. Je ne l’ai jamais vu bâcler un travail, perdre patience. C’est un ouvrier de la guerre, un ouvrier fier de son métier et de la conscience avec laquelle il le pratique. Il m’a assuré d’une chose que je refusais de croire par un vicieux détour de mon esprit petit-bourgeois: il n’est d’action que la guerre. »
Michel Déon, Les poneys sauvages
16:00 Publié dans Lectures | Lien permanent | Commentaires (0) | | del.icio.us | | Digg | Facebook
Le simulacre de la provocation
=--=Publié dans la Catégorie "Lectures"=--=
« En labellisant ses urinoirs et en ajoutant des moustaches à La Joconde, Duchamp inventait la provocation anodine, qui ne demandait qu’à passer à l’état de procédé publicitaire. Ce qui ne manqua pas d’arriver. Depuis lors, le mode d’intervention préféré des "artisses" (Louis-Ferdinand Céline), c’est le simulacre de la provocation. Cela donne des légers émois sexuels à toute les Marie-Chantal de l’art contemporain. Des provocations éventées et convenues qui fonctionnent comme des coups marketing à la manière des publicités Benetton. Zéro risque, la signature du niveau zéro de l’art. Des petits pets dans l’eau, des éviscérations en 3D, des automutilations pour rire, des installations ineptes situées quelque part entre le stade banal et le stade anal. Le charlatanisme, mais sans l’humour. La provocation, mais sans la prison. Le mal, sans la damnation éternelle. Le saut dans le vide mais du haut d’un tabouret. »
François-Laurent Balssa, Article "Dieudonné, Molière et la nullité de l’art contemporain", in Elément n°: 149
14:00 Publié dans Lectures | Lien permanent | Commentaires (2) | | del.icio.us | | Digg | Facebook
L’expulsion obscène
=--=Publié dans la Catégorie "Lectures"=--=
« La vie est une chierie.
Vivre, c’est souffrir. La naissance, c’est l’expulsion obscène, pleine de cris, de sang et de mucus ; c’est un coup de dé où la mère peut claquer, où le morveux peut claquer, quand ce n’est pas maman et bébé qui partent ensemble faire un câlin définitif entre quatre planches. C’est aussi la première occasion pour le chiard de se retrouver la tête au carré : à peine dégringolé, on le tabasse jusqu’à ce qu’il gueule ; ensuite, on le rectifie au couteau, histoire de le couper du paradis terrestre et de lui signifier que c’est la vie, que les ennuis ne font que commencer. Mourir, par comparaison, c’est déconcertant de facilité - et croyez-moi, je sais de quoi je parle. Il suffit d’être distrait, de trébucher ou de lâcher prise. Ce qui est dur, ce qui est effrayant, ce qui fait la différence entre un beau mort et un cadavre torturé, ce n’est pas la camarde : c’est l’obstination avec laquelle la vie s’est accrochée à une viande condamnée. C’est, à proprement parler, la lutte entre la vie et la mort, qui transforme le corps du sujet en un champ de bataille, en une dévastation comparable au palais Mastiggia pendant la nuit où il a brûlé. »
Jean-Philippe Jaworski, Gagner la guerre
12:00 Publié dans Lectures | Lien permanent | Commentaires (0) | | del.icio.us | | Digg | Facebook
Les éclats de rire de la débauche et les hurlements du désespoir
=--=Publié dans la Catégorie "Lectures"=--=
« Qu’est-ce en effet que le despotisme ? c’est le plus changeant, le moins fixe de tous les gouvernements. Ce n’est pas même un gouvernement. Il est aussi absurde de le compter parmi les administrations naturelles à la société, que de mettre la paralysie ou l’apoplexie au rang des principes qui diversifient le tempérament des hommes. C’est une maladie qui saisit et tue les Empires à la suite des ravages du luxe, comme la fièvre s’allume dans le corps après les excès du travail ou de la débauche. Il n’est pas plus possible à un Royaume d’être soumis à un despotisme durable, sans se détruire, qu’à un homme d’avoir longtemps le transport sans périr.
Pendant la durée de cette fièvre politique, une frénésie incurable agite tous les membres de l’État, et surtout la tête. Il n’y a plus de rapport ni de concert entre eux. Les folies les plus extravagantes sont réalisées, et les précautions les plus sages anéanties. On traite avec gaieté les affaires les plus sérieuses; et les plus légères se discutent avec tout l’appareil du cérémonial le plus grave. On multiplie les règles, parce qu’on n’en suit aucune. On accumule les ordonnances, parce que l’ordre est détruit. La loi de la veille est effacée par celle du lendemain. Tout passe, tout s’évanouit, précisément comme ces images fantastiques, qui, dans les songes, se succèdent les unes aux autres, sans avoir de réalité.
Une Nation réduite à cet excès de délire et de misère, offre en même temps le plus singulier et le plus douloureux de tous les spectacles. On y entend à la fois les éclats de rire de la débauche, et les hurlements du désespoir. Partout l’excès de la richesse y contraste avec celui de l’indigence. Les grands avilis n’y connaissent que des plaisirs honteux. Les petits écrasés expirent en arrosant de larmes la terre que leurs bras affaiblis ne peuvent plus remuer, et dont une avarice dévorante dessèche ou consume les fruits, avant même qu’ils soient nés. Les campagnes se dépeuplent. Les villes regorgent de malheureux. Le sang des sujets continuellement aspiré par les pompes de la Finance se rend par fleuves dans la Capitale qu’il inonde. Il y sert de ciment pour la construction d’une infinité de palais superbes, qui deviennent pour le luxe autant de citadelles d’où il insulte à loisir à l’infortune publique. »
Simon-Nicolas-Henri Linguet, Théorie des Lois civiles
10:00 Publié dans Lectures | Lien permanent | Commentaires (0) | | del.icio.us | | Digg | Facebook
La pente de la pensée
=--=Publié dans la Catégorie "Lectures"=--=
« Cette extraordinaire confusion qui fait qu’on nous présente la poésie comme un exercice spirituel et le roman comme une ascèse personnelle. »
« Fatigué d’avoir à constamment redresser la pente de la pensée, à la ramener vers ce dont j’ai besoin qu’elle se nourrisse, un moment vient où je me laisse aller, couler serait plus juste : les heures filent comme l’éclair et je suis arrivé avant de m’en être rendu compte. »
« Le temps ne va pas vite quand on l’observe. Il se sent tenu à l’œil. Mais il profite de nos distractions. Peut-être y a-t-il même deux temps, celui qu’on observe et celui qui nous transforme. »
Albert Camus, Carnets
07:00 Publié dans Lectures | Lien permanent | Commentaires (0) | | del.icio.us | | Digg | Facebook
30/07/2014
Virginité...
=--=Publié dans la Catégorie "Lectures"=--=
« L’aimée à la fois saisissable, mais intacte dans sa nudité, au-delà de l’objet et du visage, et ainsi au-delà de l’étant, se tient dans la virginité. Le Féminin essentiellement violable et inviolable, l’ "Éternel Féminin" est le vierge ou un recommencement incessant de la virginité, l’intouchable dans le contact même de la volupté, dans le présent - futur. Non pas comme une liberté en lutte avec un conquérant, refusant sa réification et son objectivation, mais une fragilité à la limite du non-être ; du non-être où ne se loge pas seulement ce qui s’éteint et n’est plus, mais ce qui n’est pas encore. La vierge demeure insaisissable, mourant sans meurtre, se pâmant, se retirant dans son avenir, au-delà de tout possible promis à l’anticipation. À côté de la nuit de l’érotique ; derrière la nuit de l’insomnie, la nuit du caché, du clandestin, du mystérieux, patrie du vierge, simultanément découvert par l’ "Eros" et se refusant à l’ "Eros" - ce qui est une autre façon de dire la profanation.
La caresse ne vise ni une personne, ni une chose. Elle se perd dans un être qui se dissipe comme dans un rêve impersonnel sans volonté et même sans résistance, une passivité, un anonymat déjà animal ou enfantin, tout entier déjà à la mort. »
Emmanuel Levinas, Totalité et Infini
16:00 Publié dans Lectures | Lien permanent | Commentaires (0) | | del.icio.us | | Digg | Facebook
Cet éparpillement dans les autres
=--=Publié dans la Catégorie "Lectures"=--=
« La solitude me rend heureux. Mais sentiment aussi que la décadence commence à partir du moment où l’on accepte. Et on reste — pour que l’homme reste à la hauteur qui est la sienne. Exactement, pour ne pas contribuer à ce qu’il en descende. Mais dégoût, dégoût nauséeux de cet éparpillement dans les autres. »
« On ne peut conserver un amour que pour des raisons extérieures à l’amour. Des raisons morales, par exemple. »
Albert Camus, Carnets
14:00 Publié dans Lectures | Lien permanent | Commentaires (0) | | del.icio.us | | Digg | Facebook