19/09/2014
La bonté...
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« La bonté n'a pas de démarche plus sûre que d'aller droit au fait, surtout s'il est terrible et paraît exécrable. »
André Suarès, C'est la guerre
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Une ancienne espérance
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« Je porte au fond de moi une ancienne espérance
Comme ces vieillards noirs, princes dans leur pays
Qui balaient le métro avec indifférence
Comme moi ils sont seuls, comme moi ils sourient. »
Michel Houellebecq, Poésies
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Notre patrie, c'est le lieu d'où nous sommes venus, et notre père est là-bas
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« 8. - De quelle façon pourra-t-il donc voir ? Par quel moyen ? Comment aura-t-on la vision de cette "beauté immense" qui, en quelque sorte, demeure à l'intérieur des temples sacrés sans se risquer à l'extérieur pour que nul profane ne la voie ?
- Oui, et qu'il s'en retourne et cherche à s'associer à sa propre intimité, celui qui le peut, abandonnant la vue extérieure par les yeux et ne s'intéressant plus à la splendeur précédemment envisagée dans les corps. Les voyant, en effet, ces beautés corporelles, il ne faut pas courir vers elles, mais, sachant qu'elles ne sont que des images, des traces et des ombres, il faut fuir vers ce dont elles sont les images. Car si quelqu'un se précipite vers elles en voulant les saisir parce qu'il pense qu'il s'agit de l'être véritable, il serait comme l'homme qui, ayant voulu saisir son beau reflet porté sur l'eau, comme le raconte quelque part un mythe en s'exprimant par énigmes, je pense, disparut tout au fond de l'eau. De la même manière, celui qui est épris des beaux corps et ne s'en détourne pas, ce n'est pas par son corps, mais par son âme, qu'il tombera dans l'obscurité, vers des profondeurs funestes à l'intellect où, aveugle, il séjournera dans l'Hadès associé en permanence à des ombres. Le conseil le plus juste que l'on puisse donner est donc : "Fuyons vers notre chère patrie".
- Quelle est cette fuite, et comment remonterons-nous ?
- Prenons le large, comme le fit Ulysse, nous dit Homère - et il me semble alors parler par énigmes -, en quittant la magicienne Circé et Calypso parce qu'il ne se plaisait pas à demeurer chez elles, malgré tous les agréments dont sa vue jouissait et la fréquentation d'une abondante beauté sensible. Notre patrie, c'est le lieu d'où nous sommes venus, et notre père est là-bas.
- Quel est donc ce voyage et quelle est cette fuite ?
- Ce n'est pas à pied qu'il te faut cheminer, parce que les pieds transportent toujours d'une région de la terre à une autre. Ne va pas non plus préparer un attelage ou un quelconque navire, mais laisse tout cela et une fois que tu auras fermé les yeux, échange cette manière de voir pour une autre et réveille cette vision que tout le monde possède, mais dont peu font usage.
9. - Mais que voit cette vision intérieure ?
- Dès qu'elle est réveillée, elle n'est pas du tout capable de voir les objets éclatants. Il faut donc commencer par habituer l'âme elle-même à voir les "belles occupations", puis les beaux travaux, non pas ceux des techniques, mais ceux des hommes de bien comme on les appelle. Alors, elle pourra voir l'âme de ceux qui accomplissent ces "beaux travaux".
- Comment donc pourras-tu voir la sorte de beauté que possède l'âme bonne ?
Retourne en toi-même et vois. Et si tu ne vois pas encore ta propre beauté, fais comme le fabriquant qui doit rendre une statue belle : il enlève ceci, efface cela, polit et nettoie jusqu'à ce qu'une belle apparence se dégage de la statue ; de même pour toi, enlève le superflu, redresse ce qui est tordu et, purifiant tout ce qui est ténébreux, travaille à être resplendissant. Ne cesse de sculpter ta propre statue jusqu'à ce que brille en toi la splendeur divine de la vertu et que tu voies la tempérance qui siège sur son "auguste trône". Si tu es devenu cela et que tu te vois dans une telle disposition, alors tu es devenu pur et il n'y a plus aucun obstacle qui s'opposerait à devenir ainsi un ; tu n'as plus dans ton rapport à toi-même un autre élément qui se mélange à toi, mais tu seras devenu alors entièrement une unique et authentique lumière ; elle n'est pas mesurée par une grandeur ou un contour qui en limiterait l'éclat en l'amoindrissant ou, au contraire, par son illimitation, en pourrait augmenter l'ampleur : elle est absolument sans mesure, comme peut l'être ce qui est plus grand que toute mesure et supérieur à toute quantité. Si tu deviens cela, tu pourras te voir. Étant devenu une vision, aie confiance en toi car, même ici-bas, tu es dès à présent parvenu à monter et tu n'as plus besoin qu'on te montre le chemin ; le regard tendu, vois! C'est lui, en effet, ce regard, le seul œil qui puisse voir la grandeur du beau. Et si cet œil arrive jusqu'à cette contemplation alors qu'il est chassieux à cause des vices, impur ou faible, n'étant pas du tout capable, à cause de sa lâcheté, de voir les splendeurs, il ne verra rien, pas même si un autre lui montre ce qui est là et qui peut être vu. Celui qui voit, en effet, doit s'être rendu apparenté et semblable à ce qui est vu, pour parvenir à la contemplation. Assurément, jamais l' œil ne verrait le soleil sans être devenu de la même nature que le soleil, et l'âme ne pourrait voir le beau, sans être devenue belle.
Qu'il soit d'abord totalement divin et totalement beau, celui qui doit contempler le dieu et la beauté. En s'élevant, en effet, il arrivera d'abord à l'Intellect où toutes les Formes seront belles et il dira alors que c'est cela le beau : les Idées. Toutes les choses sont belles grâce à elles, elles qui sont les rejetons de l'Intellect. Ce qui est au-delà du beau, nous disons que c'est le bien qui place au-devant de lui le beau. Dès lors, si l'on se tient à une formule générale, le bien est la première beauté. Mais, si l'on distingue les intelligibles, on dira que le beau intelligible est le lieu des Idées et que le bien est au-delà et qu'il est "la source et le principe" du beau. Sinon, on placera au même niveau le bien et le beau ; ce qui est sûr, c'est que le beau est là-bas. »
Plotin, Traité 1 (I, 6) "Sur le beau" 8 et 9
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18/09/2014
Devant la vertu, les dieux ont placé la sueur...
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« La méchanceté, il est facile d'y accéder en nombre
Le chemin qui y mène est sans obstacles,
Et elle loge tout près,
Mais devant la vertu, les dieux ont placé la sueur,
Et il s'agit d'un chemin long, plein d'embûches et escarpé. »
Hésiode, Les Travaux et les Jours
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L'Idéal est la seule Réalité et la seule Vérité au milieu d'un monde changeant et fugitif
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« Mais en attendant, que faire en cette fin de siècle, qui ressemble à la descente dans un gouffre, par un crépuscule menaçant, alors que son début avait paru la montée vers les libres sommets sous une brillante aurore ? - La foi, a dit un jour un grand docteur, est le courage de l'esprit qui s'élance en avant, sûr de trouver la vérité. Cette fois-là n'est pas l'ennemi de la raison, mais son flambeau ; c'est celle de Christophe colomb et de Galilée, qui veut la preuve et la contre-épreuve, provando et riprovando, et c'est la seule possible aujourd'hui.
Pour ceux qui l'ont irrévocablement perdue, et ils sont nombreux - car l'exemple est venu de haut, la route est facile et toute tracée : - suivre le courant du jour, subir son siècle au lieu de lutter contre lui, se résigner au doute ou à la négation, se consoler de toutes les misères humaines et des prochains cataclysmes par un sourire de dédain, et recouvrir le profond néant des choses - auquel on croit - d'un voile brillant qu'on décore du beau nom d'idéal - tout en pensant que ce n'est que chimère utile.
Quant à nous pauvres enfants perdus, qui croyons que l'Idéal est la seule Réalité et la seule Vérité au milieu d'un monde changeant et fugitif, qui croyons à la sanction et à l'accomplissement des ses promesses, dans l'histoire de l'humanité comme dans la vie future, qui savons que cette sanction est nécessaire, qu'elle est la récompense de la fraternité humaine, comme la raison de l'univers et la logique de Dieu ; - pour nous, qui avons cette conviction, il n'y a qu'un seul parti à prendre : affirmons cette Vérité sans crainte et le plus haut possible ; jetons-nous pour elle et avec elle dans l'arène de l'action, et par-dessus cette mêlée confuse, essayons de pénétrer par la méditation et l'initiation individuelle dans le Temple des Idées immuables, pour nous armer là des principes infrangibles.»
Edouard Schuré, Les Grands Initiés
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La haine qui brûle
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« Profonde est la haine qui brûle contre la beauté dans les cœurs abjects. »
Ernst Jünger, Sur les falaises de marbre
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Ceux qui sont atteints de la "maladie de la contrainte"
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« Le bouddhisme prend position contre toute forme d'ascèse douloureuse. Ayant considéré les "modes multiples de fervente et douloureuse ascèse du corps", il soutient même que celui qui les applique "avec la dissolution du corps, s'en va, après la mort, le long de mauvais chemins, avec sa perdition et son malheur", en sorte que cette voie ascétique est "un mode de vivre qui comporte un mal présent et un mal futur". Les formes d'une "tourmenteuse pénitence", selon la doctrine du Bouddha, sont inutiles, non seulement pour arriver à "l'extinction", mais aussi à l'égard de celui qui aspire à atteindre une forme quelconque d'existence "céleste". Sont ensuite décrits, avec un grand caractère pittoresque, divers types de pénitents et de religieux que l'on rencontre souvent dans l'ascétisme et le monachisme occidental : "amaigris, desséchés, abrutis, livides, émaciés, semblant ne pas même mériter le regard de quelqu'un". Voilà ceux qui sont atteints de la "maladie de la contrainte", vu que la vie qu'ils mènent, ils la vivent au fond contre leur volonté, à la suite d'une fausse vocation, sans la base d'une conscience supérieure. Ce ne sont pas les jeûnes, ni les mortifications, ni les sacrifices, ni les prières ou les oblations qui purifient un mortel, lequel n'a point surmonté le doute et n'a pas vaincu le désir. Ceux qui entendent se détacher du monde doivent éviter deux extrêmes : "le plaisir du désir, bas, vulgaire, indigne de la nature ariya, ruineux ; la mortification de soi-même, douloureuse, indigne de la nature ariya, ruineuse. En évitant ces deux extrêmes, l'Accompli a découvert la Voie moyenne, qui fait les voyants, qui fait les savants, qui conduit au calme, à la connaissance, surnaturelle, à l'illumination, à l'extinction". En distinguant, parmi les divers cas possibles, ce qui est louable, de ce qui est blâmable, même dans le cas où l'on est parvenu à la sainte connaissance, le fait d'y être parvenu à travers le tourment, de soi-même est déclaré blâmable. »
Julius Evola, La doctrine de l'éveil : essai sur l'ascèse bouddhique
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17/09/2014
Dans les années cinquante, on pouvait comparer le niveau de développement du Congo belge avec celui des régions les plus pauvres de l’Italie méridionale
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« En Afrique, la production alimentaire a diminué d’environ 20 % depuis la décolonisation. Avant 1960, l’Afrique exportait de l’huile de palme ; aujourd’hui, elle en importe. Avant 1960, l’Afrique détenait 73 % du commerce mondial des oléagineux ; en 1985, sa part est tombée à 27 %. La production bananière elle-même a été touchée puisque l’Afrique est aujourd’hui quasiment éliminée du marché mondial. Dans chacun de ces exemples, le tournant paraît s’amorcer à partir de 1962-1964. En 1984, l’aide alimentaire fournie à l’Afrique a totalisé 3,6 millions de tonnes de céréales ! L’Afrique est la seule partie du monde où la production alimentaire croît plus lentement que la population. Quoi d’étonnant, dans ces conditions, à ce qu’en 1986, sur les trente-six pays les plus pauvres du monde, vingt-neuf aient été africains ? Dans les années cinquante, on pouvait comparer le niveau de développement du Congo belge (aujourd’hui Zaïre) avec celui des régions les plus pauvres de l’Italie méridionale, et celui du Sénégal avec celui de la Corée du Sud. Actuellement, de telles comparaisons n’ont plus de sens. L’Asie a laissé l’Afrique loin derrière elle, et l’Amérique latine elle-même, en dépit de ses énormes problèmes, est plus développée que le continent noir. »
Bernard Lugan, Afrique, l’histoire à l’endroit
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La force commune instituée
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« Quant à nous, nous pensons que l’État, ce n’est ou ce ne devrait être autre chose que la force commune instituée, non pour être entre tous les citoyens un instrument d’oppression et de spoliation réciproque, mais, au contraire, pour garantir à chacun le sien, et faire régner la justice et la sécurité. »
Frédéric Bastiat, La Loi
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C’est la fatigue qui est ma nage dans les nénuphars
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« Ce sont les vertiges qui sont mes rivières vives. C’est la fatigue qui est ma nage dans les nénuphars. La vigie qui apparait si haut, c’est mon mal, et le navire que je vois ne saignerait point par ses écubiers, si je ne perdais mes forces moi-même. »
Henri Michaux, La vie dans les plis
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La Force contre le Droit...
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« Et, sincèrement, peut-on demander autre chose à la Loi ? La Loi, ayant pour sanction nécessaire la Force, peut-elle être raisonnablement employée à autre chose qu’à maintenir chacun dans son Droit ? Je défie qu’on la fasse sortir de ce cercle, sans la tourner, et, par conséquent, sans tourner la Force contre le Droit. La loi c’est la Justice organisée. »
Frédéric Bastiat, La Loi
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La littérature est un cercle fermé, un cercle malade
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« La sexualité forme la totalité du monde fantastique épico-lyrique des Italiens. Un écrivain original est un écrivain qui parvient à trouver une nouvelle solution à un problème psychologique dont les termes ne changent jamais : l’amour, la passion, l’adultère. La gamme des tonalités peut s’écraser dans la plus plate des pornographies ou bien atteindre le plus mièvre des clairs de lune sentimentaux. Voici les héros : le jeune gentilhomme décadent, élégamment vicieux, la cocotte spirituelle, la jeune fille qui se débat entre les mœurs traditionnelles et l’émancipation, l’épouse qui n’éprouve pas de satisfactions suffisantes dans le rapport conjugal et ainsi de suite. Si les Italiens ne veulent pas ennuyer leurs lecteurs, ils doivent raconter des histoires de femmes, de chevaliers et d’amours (les armes sont interdites et réservés aux envoyés spéciaux).
La littérature est un cercle fermé, un cercle malade.
A lire ces livres, on a l’impression que l’Italie est un immense sérail plein de gorilles en chaleur qui font les sentimentaux, parce que le sentimentalisme est la voie la plus sûre pour atteindre le but convoité. Il semble qu’à l’exception de l’activité amoureuse il n’y ait aucune autre activité dans la vie, ou du moins que pour l’Arcadie artistique qui a fixé un modèle extérieur de perfection, toutes les autres activités soient inférieures. Il semble que la vie moderne dans son ensemble, traversée par la fièvre du travail, riche des drames spirituels provoqués par la lutte des classes, par le choc des intérêts antagonistes, ne puisse devenir un contenu artistique à l’exception de quelques rares cas, offerts par les pirates des portefeuilles, mais surtout par les pirates des alcôves. Il y a un déséquilibre dans l’activité littéraire qui est le résultat de la vie superficielle de la réalité et qui reverse sur elle une quantité de marchandise frappée de superficialité, de légèreté, de vide rhétorique. »
Antonio Gramsci, Pourquoi je hais l’indifférence
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16/09/2014
Le pire c’était l’ennui
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« Un court séjour au régiment avait suffi à nous guérir radicalement de nos illusions premières. Au lieu des dangers espérés, nous avions trouvé la crasse, le travail, les nuits sans sommeil, tous maux dont l’endurance exigeait un héroïsme peu conforme à notre naturel. Mais le pire c’était l’ennui, plus énervant pour le soldat que la proximité de la mort. »
Ernst Jünger, Orages d’acier
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Le froid le plus glacial ne peut resister à la chaleur du coeur
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« Le passé est toujours beau et tendre et on le regrette, on s’en aperçoit trop tard. Il nous faut une certaine perspective, cela n’a pas d’importance que l’on soit ministre ou gratte-papier, milliardaire ou clochard. Mais oui, mais oui, le monde ensoleillé nous l’avons en nous mêmes, la joie pourrait éclater à tout instant continuellement, si on savait, je veux dire si on savait à temps. Qu’elle est belle la laideur, quelle est joyeuse la tristesse, comme l’ennui n’est dû qu’à notre ignorance ! Le froid le plus glacial ne peut resister à la chaleur du coeur. A condition de savoir sur quel bouton appuyer pour qu’elle s’allume. En somme nous regrettons tout, cela prouve bien que ce fut beau. »
Eugène Ionesco, Le solitaire
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Du sang rationnel
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« Qu’est-ce que la Décadence, qu’est-ce la France ? Du sang rationnel. Il la place dans une situation de contraste par rapport aux "primitifs", qui ne doivent pas être entendus seulement dans les arts, mais sur tous les plans de l’esprit. La France est tout ce qu’il y a de moins primitif, c’est à dire de frais, de direct, d’absolu. Le stade originel d’une civilisation est caractérisé par la relation naïve à l’objet et aux valeurs. Un "primitif" crée sans le savoir, sans obsession technique ou réflexion esthétique, à partir de l’instinct qui le place dans la vie des choses. Il est l’homme qui vit dans l’extase de l’objet. C’est pourquoi sa vision est si peu problématique et si peu contaminée par les doutes et la conscience. Au stade crépusculaire d’une civilisation, le doute remplace l’extase, et les réflexes ne servent plus de réponse immédiate à la présence des objets. Nous nous trouvons aux antipodes des époques primitives. L’artiste devient un savant de la perception – par dégoût du regard – et l’homme une créature parallèle à elle-même. Autrefois, il respirait dans les mythes ou en Dieu ; à présent, dans les considérations faites à leur sujet. »
Emil Michel Cioran, De la France
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La clé des incertitudes...
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« Si la France a encore une raison d’être, c’est de mettre en valeur le scepticisme dont elle est capable, de nous donner la clé des incertitudes ou de moudre nos certitudes. À vouloir redresser quelque chose, elle ne s’exposerait qu’à l’ironie ou à la pitié. Les forces d’un nouveau credo se sont depuis longtemps éteintes en elle. Elle n’a rien raté de son passé. Mais si elle refusait son destin alexandrin, elle raterait sa fin. Et ce serait dommage. »
Emil Michel Cioran, De la France
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Il n’a retenu que les revendications matérielles
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« Le prolétariat [français] lui-même est infecté par le manque de mission, par l’ombre historique du pays. Du frémissement bouleversant des masses modernes, il n’a retenu que les revendications matérielles, claironnant ses besoins et sa haine. »
Emil Michel Cioran, De la France
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15/09/2014
Un troupeau interchangeable
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« La santé, l’argent, l’amour sont des prétentions trop courantes. Retranché derrière son pupitre, Quentin voyait l’humanité sous la forme d’un troupeau interchangeable, dont les individus ne tiraient leur singularité que des manies les plus futiles. »
Antoine Blondin, Un singe en hiver
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Prôner la guerre des sexes
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« Loin de s’en tenir à la légitime promotion des valeurs féminines ou à une non moins légitime revalorisation de la féminité, ce féminisme différentialiste radical prend donc appui sur les valeurs féminines pour prôner la guerre des sexes à partir d’un simple schéma oppresseurs/oppressés. Cette déviation amènera certaines féministes à faire un parallèle trompeur entre lutte des classes et lutte des sexes : les femmes devraient se débarrasser de la domination des hommes à la façon dont les travailleurs doivent en finir avec l’exploitation de leur travail par les patrons, la famille étant considérée au même titre que la politique comme un épiphénomène du mode de production. "La révolution féminine doit maintenant compléter la révolution prolétaire", disait déjà Auguste Comte. C’est oublier qu’il y a précisément entre les sexes une complémentarité dont on serait bien en peine de trouver l’équivalent dans les rapports entre le Capital et le prolétariat. La "société sans sexes" n’est pas le parallèle de la société sans classe ! »
Alain de Benoist, Les Démons du Bien
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La jeune femme moderne s’intéressait principalement à son nombril
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« Des lectrices enfermées dans une pièce commentaient entre elles des magazines, évoquant leurs attentes en la matière, tandis que des têtes d’oeufs transformaient tout cela en tableaux. Le résultat fut un rapport qui fonderait la politique éditoriale, dans lequel il apparaissait que la jeune femme moderne s’intéressait principalement à son nombril et qu’elle attendait d’un magazine "qu’il la console, la détende, la libère de ses tabous, l’aide à se sentir femme, sans l’ennuyer avec un contenu trop intellectuel ou trop éloigné de ses préoccupations quotidiennes". La grande surprise , notamment pour la chef de rubrique "enfance et adolescence", c’était le peu d’intérêt manifesté pour ces sujets, vécus comme un "enfermement qu’un magazine plaisant à lire devrait faire oublier le temps de la lecture". Exit les enfants, les rhumes et les tisanes aux plantes, bonjour à la sodomie conviviale, véritable passion d’époque. »
Olivier Maulin, Gueule de Bois
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Ces démarches imbéciles, ces milles projets qui n’aboutissent à rien
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« Le pire, c’est qu’on se demande comment le lendemain on trouvera assez de forces pour continuer à faire ce qu’on a fait la veille ? Où on trouvera la force pour ces démarches imbéciles, ces milles projets qui n’aboutissent à rien, ces tentatives pour sortir de l’accablante nécessité, tentatives qui toujours avortent et toutes pour aller se convaincre une fois de plus que le destin est insurmontable, qu’il faut retomber en bas de la muraille chaque soir, sous l’angoisse de ce lendemain toujours plus précaire, toujours plus sordide ?… C’est l’âge aussi qui vient peut-être et nous menace du pire… On n’a plus beaucoup de musique en soi pour faire danser la vie… »
Louis-Ferdinand Céline, Voyage au bout de la nuit
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La façon dont nous rions, marchons, aimons, parlons, pensons ou ne pensons pas
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« La façon dont nous rions, marchons, aimons, parlons, pensons ou ne pensons pas aujourd’hui, nous ne l’avons pas apprise que pour une part des plus insignifiantes de nos parents, de l’école ou de l’Eglise, et presque exclusivement de la radio, des magazines, des films ou de la télévision, bref, du divertissement. »
Günther Anders, L'Obsolescence de l’homme
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14/09/2014
Cette béatitude, ce confort, cet optimisme soigné
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« Car c’est cela que je hais, que je maudis et que j’abomine du plus profond de mon cœur : cette béatitude, ce confort, cet optimisme soigné, ce gras et prospère élevage du moyen, du médiocre et de l’ordinaire. »
Hermann Hesse, Le loup des steppes
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L’homme de masse doit être traité comme ce qu’il est : un veau
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« L’idéal serait de formater les individus dès la naissance en limitant leurs aptitudes biologiques innées. Ensuite, on poursuivrait le conditionnement en réduisant de manière drastique l’éducation, pour la ramener à une forme d’insertion professionnelle. Un individu inculte n’a qu’un horizon de pensée limité et plus sa pensée est bornée à des préoccupations médiocres, moins il peut se révolter. Il faut faire en sorte que l’accès au savoir devienne de plus en plus difficile et élitiste. Que le fossé se creuse entre le peuple et la science, que l’information destinée au grand public soit anesthésiée de tout contenu à caractère subversif.
Surtout pas de philosophie. Là encore, il faut user de persuasion et non de violence directe : on diffusera massivement, via la télévision, des divertissements flattant toujours l’émotionnel ou l’instinctif. On occupera les esprits avec ce qui est futile et ludique. Il est bon, dans un bavardage et une musique incessante, d’empêcher l’esprit de penser. On mettra la sexualité au premier rang des intérêts humains. Comme tranquillisant social, il n’y a rien de mieux.
En général, on fera en sorte de bannir le sérieux de l’existence, de tourner en dérision tout ce qui a une valeur élevée, d’entretenir une constante apologie de la légèreté ; de sorte que l’euphorie de la publicité devienne le standard du bonheur humain et le modèle de la liberté. Le conditionnement produira ainsi de lui-même une telle intégration, que la seule peur – qu’il faudra entretenir – sera celle d’être exclus du système et donc de ne plus pouvoir accéder aux conditions nécessaires au bonheur.
L’homme de masse, ainsi produit, doit être traité comme ce qu’il est : un veau, et il doit être surveillé comme doit l’être un troupeau. Tout ce qui permet d’endormir sa lucidité est bon socialement, ce qui menacerait de l’éveiller doit être ridiculisé, étouffé, combattu.Toute doctrine mettant en cause le système doit d’abord être désignée comme subversive et terroriste et ceux qui la soutienne devront ensuite être traités comme tels. On observe cependant, qu’il est très facile de corrompre un individu subversif : il suffit de lui proposer de l’argent et du pouvoir. »
Serge Carfantan
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13/09/2014
Si l’humanité se perfectionne, ce n’est pas par la moralisation du producteur, mais par celle du consommateur
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« Aussi, voyez : qui songe à blâmer nos travailleurs méridionaux de faire de l’eau-de-vie ? Ils répondent à une demande. Ils bêchent la terre, soignent leurs vignes, vendangent, distillent le raisin sans se préoccuper de ce qu’on fera du produit. C’est à celui qui recherche la satisfaction à savoir si elle est honnête, morale, raisonnable, bienfaisante. La responsabilité lui incombe. Le monde ne marcherait pas sans cela. Où en serions-nous si le tailleur devait se dire: "Je ne ferai pas un habit de cette forme qui m’est demandée, parce qu’elle pèche par excès de luxe, ou parce qu’elle compromet la respiration, etc." ? Est-ce que cela regarde nos pauvres vignerons, si les riches viveurs de Londres s’enivrent avec les vins de France ? Et peut-on plus sérieusement accuser les Anglais de récolter de l’opium dans l’Inde avec l’idée bien arrêtée d’empoisonner les Chinois ?
Non, un peuple futile provoque toujours des industries futiles, comme un peuple sérieux fait naitre des industries sérieuses. Si l’humanité se perfectionne, ce n’est pas par la moralisation du producteur, mais par celle du consommateur.
C’est ce qu’a parfaitement compris la religion, quand elle a adressé au riche, — au grand consommateur, un sévère avertissement sur son immense responsabilité. D’un autre point de vue, et dans une autre langue, l’Économie politique formule la même conclusion. Elle affirme qu’on ne peut pas empêcher d’offrir ce qui est demandé ; que le produit n’est pour le producteur qu’une valeur, une sorte de numéraire qui ne représente pas plus le mal que le bien, tandis que, dans l’intention du consommateur, il est utilité, jouissance morale ou immorale ; que, par conséquent, il incombe à celui qui manifeste le désir et fait la demande d’en assumer les conséquences utiles ou funestes, et de répondre devant la justice de Dieu, comme devant l’opinion des hommes, de la direction bonne ou mauvaise qu’il a imprimée au travail. »
Frédéric Bastiat, Harmonies économiques
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