28/11/2013
Sentir sans posséder, c’est conserver, parce que c’est extraire de chaque chose son essence
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« L’amour, le sommeil, la drogue et les stupéfiants sont des formes d’art élémentaires, ou plutôt, des façons élémentaires de produire le même effet que les siens. Mais amour, sommeil ou drogues apportent tous une désillusion particulière. L’amour lasse ou déçoit. Après le sommeil, on s’éveille, et tant qu’on a dormi, on n’a pas vécu. Les drogues ont pour prix la ruine de l’organisme même qu’elles ont servi à stimuler. Mais, en art, il n’y a pas de désillusion, car l’illusion a été admise dès le début. En art il n’est pas de réveil, car avec lui on ne dort pas — même si l’on rêve. En art, nul prix ou tribut à payer pour en avoir joui. Le plaisir que l’art nous offre ne nous appartient pas, à proprement parler : nous n’avons donc à le payer ni par des souffrances, ni par des remords. Par le mot art, il faut entendre tout ce qui est cause de plaisir sans pour autant nous appartenir : la trace d’un passage, le sourire offert à quelqu’un d’autre, le soleil couchant, le poème, l’univers objectif. Posséder, c’est perdre. Sentir sans posséder, c’est conserver, parce que c’est extraire de chaque chose son essence. »
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27/11/2013
La vie que nous vivons est un désaccord fluide
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« La vie que nous vivons est un désaccord fluide, une moyenne enjouée. Nous sommes satisfaits parce que nous sommes capables – alors même que nous pensons, que nous sentons – de ne pas croire à l’existence de l’âme. Dans ce bal masqué où se passe notre vie, l’agrément des costumes nous suffit, car le costume est tout. Nous sommes esclaves des couleurs et des lumières, nous entrons dans la ronde comme dans la vérité, et nous ignorons tout du froid glacial de la nuit extérieure, de notre corps mortel sous les oripeaux qui lui survivront, de tout ce que, seuls avec nous-mêmes, nous croyons constituer notre être essentiel, mais qui n’est en fin de compte que l’intime parodie de ce que nous croyons être notre vérité. »
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J’ai perdu le monde
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« Réfléchissant à tout cela, si je regarde autour de moi, pour voir si la réalité apaise ma soif, ce que je vois, ce sont des maisons sans expression, des figures sans expression, des gestes sans expression. Pierres, corps ou idées – tout cela est mort. Tous les mouvements sont arrêtés – en un même arrêt dans lequel ils se figent tous. Rien ne me dit rien. Rien ne m’est connu, non que je le trouve bizarre, mais parce que je ne sais ce que c’est. J’ai perdu le monde. Et tout au fond de mon âme – seule réalité de cet instant – il y a une douleur intense et invisible, une tristesse semblable au bruit d’un homme pleurant dans une pièce obscure. »
« L’art est une esquive de l’action, ou de la vie. L’art est l’expression intellectuelle de l’émotion, distincte de la vie qui est elle-même l’expression volitive de l’émotion. Tout ce qu’il nous est impossible d’avoir, d’oser ou d’obtenir, nous pouvons le posséder en rêve, et c’est avec ce rêve que nous faisons de l’art. Parfois l’émotion est si forte que, même réduite à l’action, cette action ne peut la satisfaire ; du surplus de cette émotion, privé d’expression dans la vie réelle, naît alors l’oeuvre d’art. Il y ainsi deux sortes d’artistes : celui qui exprime de ce qu’il ne possède pas, et celui qui exprime le surplus de ce qu’il a possédé. »
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26/11/2013
Un dégoût anonyme de tous les sentiments
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« Mais ce qui nous en reste, sans nul doute, c’est un dégoût de la vie et de toutes ses actions, une lassitude anticipée de tous les désirs et de toutes leurs manifestations, un dégoût anonyme de tous les sentiments. Dans ces heures de subtile mélancolie, il nous devient impossible, même en rêve, d’être amoureux, d’être héroïque, d’être heureux. Tout cela est vide, jusque dans l’idée de ce qu’il est. Tout cela nous est dit dans une autre langue, incompréhensible, suite sonore de syllabes qui ne prennent aucune forme dans notre esprit. La vie est creuse, notre âme est creuse, le monde entier est creux. Tous les dieux meurent, d’une mort plus profonde que la mort. Tout est plus vide que le vide. Tout se réduit à un chaos de choses inexistantes. »
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Je ne sais si ces sentiments trahissent une lente folie
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« Je ne sais si ces sentiments trahissent une lente folie, née de la détresse, ou s’ils sont les réminiscences de quelque autre monde où nous aurions déjà vécu – réminiscences croisées et entremêlées comme les choses vues en rêve, dont l’aspect nous semble absurde, mais dont l’origine ne le serait pas – si seulement nous la connaissons. Je me demande s’il n’a pas existé d’autres êtres – nous-mêmes autrefois – dont nous percevons aujourd’hui, ombres de ce qu’ils furent, la plus grande complétude, mais de manière incomplète, une fois perdue leur consistance que nous pouvons tout juste imaginer, réduits aux deux dimensions de cette ombre que nous vivons. »
« Je sais que ces pensées de l’émotion font rage dans notre âme. Notre incapacité à imaginer à quoi elles peuvent correspondre, ou à trouver quoi que ce soit pour remplacer ce qu’elles étreignent en vision – tout cela nous pèse comme une condamnation, infligée nous ne savons ni où, ni par qui, ni pourquoi. »
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25/11/2013
Libertarien...
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Jamais entièrement en paix
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« Ne jamais trouver Dieu, ne pas même savoir si Dieu existe ! Passer de monde en monde, d’incarnation en incarnation, toujours perdus dans la chimère qui nous cajole, dans l’erreur qui nous flatte. »
« Mais jamais la vérité, jamais l’arrêt définitif ! Jamais l’union avec Dieu ! Jamais entièrement en paix, mais seulement un peu de la paix, et toujours le désir de cette paix ! »
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Lautner est mort...
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Nous peuplons des songes
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« L’acte même de vivre équivaut à mourir, puisque nous ne vivons pas un jour de plus dans notre vie sans qu’il devienne, de ce fait même, un jour de moins. »
« Nous peuplons des songes, nous sommes des ombres errantes dans les forêts de l’impossible, dont les arbres sont demeures, coutumes, idées, idéals et philosophies. »
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24/11/2013
La plus grande des injustices...
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Les émotions qui nous étreignent le plus douloureusement sont aussi les plus absurdes
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« Les sentiments qui nous font le plus souffrir, les émotions qui nous étreignent le plus douloureusement, sont aussi les plus absurdes : l’envie de choses impossibles, justement parce qu’elles sont impossibles, la nostalgie de ce qui n’a jamais été, le désir de ce qui aurait pu être, la douleur de ne pas être différent, l’insatisfaction de voir le monde exister. Tous ces demi-tons de la conscience créent en nous un paysage douloureux, un éternel soleil couchant de ce que nous sommes. La sensation que nous avons de nous-mêmes est alors celle d’une campagne déserte qui va s’assombrissant ; tristesse des roseaux au bord d’un fleuve où nul bateau ne passe, coulant clairement des eaux noires entre des rives lointaines. »
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Une génération d'idiots...
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De la petite enfance à l'âge adulte... seul ou bien en groupe...
« L'imbécile est d'abord un être d'habitude et de parti pris. Arraché à son milieu il garde, entre ses deux valves étroitement closes, l'eau du lagon qui l'a nourri. Mais la vie moderne ne transporte pas seulement les imbéciles d'un lieu à un autre, elle les brasse avec une sorte de fureur. »
Georges Bernanos, Les Grands Cimetières sous la lune
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23/11/2013
Georges Lautner - 24/01/1926 - 22/11/2013
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Tout ce que nous jugeons supérieur dans nos activités participe de la mort
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« Il existe le même rapport entre le sommeil et la vie qu’entre ce que nous appelons la vie et ce que nous appelons la mort. Nous sommes endormis, et cette vie-ci est un songe, non pas dans un sens métaphorique ou poétique, mais dans un sens véritable. »
« Tout ce que nous jugeons supérieur dans nos activités participe de la mort, tout est la mort. Qu’est-ce que l’idéal, sinon l’aveu que la vie ne rime à rien ? Qu’est-ce que l’art, sinon la négation de la vie ? Une statue, c’est un corps mort, sculpté pour fixer la mort dans une matière incorruptible. Le plaisir lui-même, qui nous semble à tel point une immersion dans la vie, est bien plutôt une immersion en nous-mêmes, une destruction des liens entre la vie et nous, une ombre mouvante de la mort. »
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Education
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Rêve et Action
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« Il me faut choisir entre deux attitudes détestées - ou bien le rêve, que mon intelligence exècre, ou bien l’action, que ma sensibilité a en horreur ; ou l’action, pour laquelle je ne me sens pas né, ou le rêve, pour lequel personne n’est jamais né. Il en résulte, comme je déteste l’un et l’autre, que je n’en choisis aucun, mais comme, dans certaines circonstances, il me faut bien ou rêver, ou agir, je mélange une chose avec l’autre. »
Fernando Pessoa, Le livre de l’intranquilité
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22/11/2013
Dieu ne serait-il pas un enfant, infiniment grand ?
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« La petite fille sait bien que sa poupée n’est pas réelle – or elle la traite comme un être réel, au point de pleurer et d’avoir du chagrin quand elle se casse.
L’art de l’enfance consiste à tout déréaliser. Bénie soit cette période chimérique de la vie, quand on nie la vie parce que le sexe en est absent, qu’on nie la réalité simplement par jeu et qu’on croit réelles des choses qui ne le sont pas ! Que je redevienne enfant et le reste à jamais, sans m’attacher à la valeur que les hommes donnent aux choses, ni aux liens qu’ils établissent entre elles.
Quand j’étais petit, il m’arrivait souvent de poser mes soldats de plomb la tête en bas… Et connaissez-vous un seul argument, d’une logique capable d’emporter la conviction, qui me prouve que les soldats réels ne devraient pas marcher la tête en bas ?
L’enfant n’accorde pas plus de valeur à l’or qu’au verre.
Et, en réalité, l’or vaut-il davantage ? – L’enfant, obscurément, trouve absurdes les passions, les colères et les peurs qu’il voit comme sculptées dans les actions des adultes. Et ne sont-elles pas aussi absurdes que vaines, toutes sans exception, nos craintes, nos haines et nos amours ?
Ô divine et absurde intuition de l’enfance ! Vision-vérité des choses, alors que nous les revêtons de conventions dans notre vision la plus nue, et que nous les embrumons d’idées subjectives dans notre regard le plus direct !
Dieu ne serait-il pas un enfant, infiniment grand ? L’univers entier une plaisanterie, une gaminerie d’enfant espiègle ?
Je vous ai lancé cette idée pour rire, et maintenant qu’elle se trouve loin de moi, voyez à quel point j’en saisis subitement toute l’horreur (et qui sait pourtant si elle ne reflète pas la vérité ?).
Et la voilà qui retombe à mes pieds, et se brise en poussière d’horreur, en mille éclats de mystère… Je me réveille pour savoir que j’existe… Un ennui incertain et profond gazouille sa fraicheur déplacée à mon oreille, depuis les cascades, là-bas derrière les ruches, au fond stupide du jardin. »
Fernando Pessoa, Le livre de l'intranquillité
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Il y a du sublime à gaspiller une vie qui pourrait être utile
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« Il y a du sublime à gaspiller une vie qui pourrait être utile, à ne jamais réaliser une oeuvre qui serait forcément belle, à abandonner à mi-chemin la route assurée du succès ! … Pourquoi l’art est-il beau ? Parce qu’il est inutile. Pourquoi la vie est-elle si laide ? Parce qu’elle est un tissu de buts, de desseins et d’intentions. Tous ses chemins sont tracés pour aller d’un point à un autre. Je donnerais beaucoup pour un chemin conduisant d’un lieu d’où personne ne vient, vers un lieu où personne ne va… La beauté des ruines ? Celle de ne plus servir à rien. »
Fernando Pessoa, Le Livre de l’Intranquillité
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Dieu et l'Humanité
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« Je suis né en un temps où la majorité des jeunes gens avait perdu la foi en Dieu, pour la même raison que leurs ancêtres la possédaient ― sans savoir pourquoi. Et comme l’esprit humain tend tout naturellement à critiquer, parce qu’il sent au lieu de penser, la majorité de ces jeunes gens choisit alors l’Humanité comme succédané de Dieu. J’appartiens néanmoins à cette espèce d’hommes qui restent toujours en marge du milieu auquel ils appartiennent, et qui ne voient pas seulement la multitude dont ils font partie, mais également les grands espaces qui existent à côté. C’est pourquoi je n’abandonnai pas Dieu aussi totalement qu’ils le firent, mais n’admis jamais non plus l’idée d’Humanité. Je considérai que Dieu, tout en étant improbable, pouvait exister ; qu’il pouvait donc se faire qu’on doive l’adorer ; quant à l’Humanité, simple concept biologique ne signifiant rien d’autre que l’espèce animale humaine, elle n’était pas plus digne d’adoration que n’importe quelle autre espèce animale. Ce culte de l’Humanité, avec ses rites de Liberté et d’Égalité, m’a toujours paru une reviviscence des cultes antiques, où les animaux étaient tenus pour des dieux, et où les dieux avaient des têtes d’animaux.
Ainsi donc, ne sachant pas croire en Dieu, et ne pouvant croire en une simple somme d’animaux, je restai, comme d’autres situés en lisière des foules, à cette distance de tout que l’on appelle communément Décadence. La Décadence, c’est la perte totale de l’inconscience ; car l’inconscience est le fondement de la vie. S’il pouvait penser, le cœur s’arrêterait. »
Bernardo Soares [Fernando Pessoa], Le livre de l’intranquillité - Posthume, § 1, "Texte initial"
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Un chemin conduisant d’un lieu d’où personne ne vient, vers un lieu où personne ne va
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« Pourquoi l’art est-il beau ? Parce qu’il est inutile. Pourquoi la vie est-elle si laide ? Parce qu’elle est un tissu de buts, de desseins et d’intentions. Tous ses chemins sont tracés pour aller d’un point à un autre. Je donnerais beaucoup pour un chemin conduisant d’un lieu d’où personne ne vient, vers un lieu où personne ne va. »
Fernando Pessoa, Le Livre de l’intranquilité
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21/11/2013
Nous sommes faits de mort
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« Nous sommes faits de mort. Cette chose que nous considérons comme étant la vie, c’est le sommeil de la vie réelle, la mort de ce que nous sommes véritablement. Les morts naissent, ils ne meurent pas. Les deux mondes, pour nous, sont intervertis. Alors que nous croyons vivre, nous sommes morts ; nous commençons à vivre lorsque nous sommes moribonds. Il existe le même rapport entre le sommeil et la vie qu’entre ce que nous appelons la vie et ce que nous appelons la mort. Nous sommes endormis, et cette vie-ci est un songe, non pas dans un sens métaphorique ou poétique, mais dans un sens véritable. Tout ce que nous jugeons supérieur dans nos activités participe de la mort, tout est la mort. Qu’est-ce que l’idéal, sinon l’aveu que la vie ne rime à rien ? Qu’est-ce que l’art, sinon la négation de la vie ? Une statue, c’est un corps mort, sculpté pour fixer la mort dans une matière incorruptible. Le plaisir lui-même, qui nous semble à tel point une immersion dans la vie, est bien plutôt une immersion en nous-mêmes, une destruction des liens entre la vie et nous, une ombre mouvante de la mort. L’acte même de vivre équivaut à mourir, puisque nous ne vivons pas un jour de plus dans notre vie sans qu’il devienne, de ce fait même, un jour de moins. »
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Couronner d’images le front du quotidien
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« J’ai appris dans mes songes à couronner d’images, le front du quotidien, à dire la banalité avec étrangeté, la simplicité avec de multiples détours ; à dorer d’un soleil artificiel les recoins et les meubles morts, et à rendre musicales, comme pour me bercer, les phrases fluides par où je me décris. »
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20/11/2013
La pire des cocaïnes
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« Le rêve est la pire des cocaïnes, parce que c’est la plus naturelle de toutes. Elle se glisse dans nos habitudes avec plus de facilité qu’aucune autre, on l’essaye sans le vouloir, comme un poison pris sans méfiance. Elle n’est pas douloureuse, elle ne cause ni pâleur ni abattement – mais l’âme qui fait usage du rêve devient incurable, car elle ne peut plus se passer de son poison, qui n’est rien d’autre qu’elle-même. »
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Plus bas que toute angoisse et toute douleur
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« Il est des moments où tout nous fatigue, même ce qui devrait nous reposer. Ce qui nous fatigue parce que c'est fatigant ; et ce qui devrait nous reposer parce que la seule idée de l'obtenir nous fatigue. Il y a des accablements de l'âme qui se situent plus bas que toute angoisse et toute douleur ; et seuls les ignorent, à mon sens, ceux qui se dérobent aux angoisses et aux douleurs humaines, et qui déploient assez de diplomatie envers eux-mêmes pour esquiver jusqu'à l'ennui. Ainsi diminués, ainsi cuirassés contre le monde, on ne peut s'étonner qu'en de certains moments, où ils prennent conscience d'eux-mêmes, ils sentent d'un seul coup tout le poids de cette cuirasse, et que la vie soit alors pour eux une angoisse à l'envers, une douleur perdue. »
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19/11/2013
Quant à moi, qui déteste la vie avec timidité, j’ai peur de la mort avec fascination
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« Mon cœur se vide malgré lui, comme un seau percé. Penser ? Sentir ? Comme tout nous lasse dès qu’il s’agit d’une chose bien définie. »
« Quant à moi, qui déteste la vie avec timidité, j’ai peur de la mort avec fascination. Je redoute ce néant qui peut être autre chose, et je crains simultanément ce néant et cet autre chose ; comme s’il pouvait unir en lui le nul et l’horrible, comme si on allait enfermer dans mon cercueil la respiration éternelle d’une âme corporelle, comme si on y torturait de claustration quelque chose d’immortel. L’idée de l’enfer, que seule une âme diabolique a pu inventer, me semble résulter d’une confusion de ce genre, du mélange de deux terreurs différentes, qui se contredisent et se corrompent mutuellement. »
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