11/10/2013
Les sociétés humaines ne peuvent jamais vivre sans chercher à assumer leur tragédie
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« Tout est remis en cause, même dans la conservation de la plupart des référents anciens, dont la signification subit des avatars inattendus. Et pourtant cet inhabituel est aux yeux de l'histoire une habitude. Au regard du temps et de l'espace humains, en tout cas, c'est le monothéisme, la croyance en une vérité transcendante, qui apparaît comme une exception.
On peut penser que la culture occidentale, entée sur la foi en un Dieu transcendant, représente une construction à la fois plus complexe et plus fragile que toutes les autres. Cette construction si sophistiquée côtoie forcément son propre vide : elle est si lourde à porter. Elle reste à la merci du doute, puisque reposant sur l'adhésion volontaire à des mystères, et avec cet appareil léger et chancelant, elle se hausse dans des régions très élevées... Tandis que les sagesses reposent sur une évidence, elle, bien présente et irréfutable : la souffrance de l'homme devant la vie et la mort. Un monde structuré autour de l'Être demeure toujours à la merci de la fatigue, ce harassement devant la tâche infinie qui consiste à tenir debout la Vérité. Celle-ci est sans cesse remise en cause par l'indifférence et par le doute consubstantiels à la méditation qui nous attache à elle : la foi. Mais la perte de la foi ne laisse pas forcément les humains désemparés et contraints de dire comme l'auteur des Démons : "Si Dieu n'existe pas, alors tout est permis." Ceci est plutôt la conclusion du désespéré constatant tout à coup l'effondrement de la vérité et persuadé qu'après elle vient le déluge, parce qu'il demeure prisonnier de sa propre culture, et par conséquent incapable de vivre sans elle. Une pensée constituée autour du Néant -comme le courant japonais de l'école de Kyoto- n'est pas pour autant "nihiliste" au sens que nous donnons communément à ce mot. Elle sous-tend une forte orientation morale, autrement dit, elle ne laisse pas l'homme livré à des tentations exclusivement cyniques ou esthétiques, mais peut proposer une guidance spirituelle.
Il est évident que les générations des fils perdus, venus juste après la perte de la foi en la vérité, tombent facilement dans le nihilisme au sens décrit par Nietzsche ; ou au sens du positivisme juridique dont l'acmé se situe dans les deux totalitarismes ; ou encore au sens de la philosophie déconstructionniste qui jette la dérision sur toute valeur morale et navigue entre un esthétisme bouffon et un sadisme cruel du style Gert Hekma. Mais ce nihilisme ne représente rien d'autre qu'un collapsus, une pathologie du vide soudain, et ne saurait en aucun cas devenir une culture nouvelle, signant un avenir défiguré. Les sociétés humaines ne peuvent jamais vivre sans chercher à assumer leur tragédie, même si elles se sentent impuissantes à y répondre -assumer et répondre ne sont la même chose. La démonstration en est qu'elles l'ont toujours fait. Et la question n'est pas seulement : "qu'y aura-t-il après le monothéisme ? ", mais d'abord : "Qu'y avait-il dans le temps historique avant le monothéisme ?" et "Qu'y a-t-il dans l'espace hors le monothéisme ?" La réponse aux deux dernières questions permet de répondre à la première. L'épuisement du monothéisme ne laisse pas derrière lui un vide fasciné et vertigineux. Derrière lui le monde se repeuple des anciennes sagesses qui avant lui l'avaient toujours habité, et qui l'habitent spontanément dès que s'éclipse la religion. Descartes qui, au sein du vertige de l'incertitude, se donne une "morale par provision", ne confère-t-il pas à celle-ci une forme stoïcienne (suivre les coutumes de son pays, changer ses désirs plutôt que l'ordre du monde, demeurer résolu même dans le doute -en raison de l'incertitude de la connaissance du bien) ? »
Chantal Delsol, L'âge du renoncement
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Quand Léon mettait ses couilles sur la table !
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« Une lettre solennelle, en patois franco-germain, adressé à Dresde à l’administration de Gil Blas, m’apprend que MM. les officiers prussiens ou saxons, patriotiquement indignés de mes récits militaires, en veulent à ma peau.
- Lorsque nous croirons l’instant venu, disent-ils, on verra ce que pèse votre homme de plume en présence d’un sabre prussien.
Il y aurait, peut être - même en Allemagne - une certaine pudeur à ne pas rappeler ce sabre prussien que j’ai vu, dans la Sarthe et dans le Loiret, beaucoup plus héroïque en présence des femmes et des blessés qu’à l’apparition des marins et francs-tireurs.
Néanmoins, voici ma réponse, très simple :
J’habite Antony (Seine), 53, route d’Orléans. Ma maison a une porte et plusieurs fenêtres qui s’ouvrent très facilement…Je verrai venir ces guerriers avec une satisfaction que je me sens incapable d’exprimer. Je vais d’ailleurs, dès aujourd’hui, faire une commande considérable de désinfectants. Cependant, comme je veux les supposer plus bêtes que méchants, je leur conseille charitablement - avant de m’apporter la pointure de leurs museaux - de s’informer, avec soin, d’un certain Marchenoir qui se cache dans la peau de Léon Bloy et qui, en 1870, eut la douceur de crever plusieurs Prussiens, parmi lesquels se trouvèrent, je crois, quelques Saxons. »
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La certitude que lui donne un homme de sa virilité morale
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« La plus grande joie d'une femme, dont elle peut tirer les conséquences sensuelles les plus profondes, c'est la certitude que lui donne un homme de sa virilité morale. »
Pierre Drieu la Rochelle, Gilles
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10/10/2013
Le crime du monde moderne...
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« Le crime du monde moderne est d’avoir jeté dans la mêlée des partis, mis au service d’intérêts obscurs, inavouables, les mots les plus beaux du langage humain, liberté, honneur, droit, justice, les mots les plus innocents – comme les régimes totalitaires de droite ou de gauche rêvent de jeter dans la guerre, arment de fusils ou de mitrailleuses, les enfants de dix ans. »
Georges Bernanos, Le Chemin de la croix des âmes
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Il en concluait, ce Jésus, que l’humanité n’était qu’un faux départ, une tentative ratée, radicalement mauvaise
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« Un homme vint un jour, qui s’appelait Jésus.
Ce n’était pas un grand penseur, sans doute, mais il eut le mérite de mettre en formules ce que chacun sentait confusément, savoir : que l’homme n’est après tout qu’une vilaine bête, infiniment plus malfaisante, même pour sa propre espèce, que les fauves les plus féroces ; que tout ce qu’il fait en vue d’assurer son existence, d’organiser son avenir, le rend plus odieux encore ; qu’il ne résout un problème que pour en faire surgir dix autres, et dix fois plus ardus, plus cruels, plus angoissants que le problème résolu ; bref, que toutes les qualités qui le distinguent des animaux ne servent qu’à le rendre plus misérable qu’eux.
Il en concluait, ce Jésus, que l’humanité n’était qu’un faux départ, une tentative ratée, radicalement mauvaise ; qu’elle offensait, par sa seule présence, le regard de Dieu (car il croyait en Dieu), et que celui-ci n’allait pas tarder à la détruire.
"Le genre humain, prêchait-il, est condamné. Vivez donc les dernières années qui vous restent, en sachant que la terre va périr. Ne vous occupez plus, ni des affaires publiques, ni de vos biens, ni de votre subsistance. Ne travaillez plus, ne jugez plus, ne prenez plus les armes contre quiconque, ne résistez à rien ni à personne. Attendez le jour proche où Dieu fera justice de toute cette misère. En vérité je vous le dis, cette génération ne passera point que ces choses n’arrivent..."
Beaucoup le crurent, le suivirent, abandonnèrent leurs occupations, vécurent avec lui d’expédients, de chapardage et de mendicité, formant ainsi une population instable, parasite, exploitant sans vergogne les citoyens qui travaillaient encore, les démoralisant avec une sorte de passion...
Le pouvoir politique réagit. On crucifia Jésus, on persécuta ses disciples, on poursuivit ses sectateurs. Quelques-uns se repentirent, se remirent à vivre, sinon raisonnablement, du moins à peu près comme tout le monde. Mais la majorité resta ferme, persuadée que les temps étaient proches et que la catastrophe ne tarderait plus. »
Pierre Gripari, Les vies parallèles de Roman Branchu
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L’honneur lui même a rouillé dans le fourreau
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« N’étant pas de ceux qui se fichent de leur première culotte, je me souviens de mes premiers pantalons comme si j’y étais. Outre les boutons de bretelles que j’ai vus disparaître sans regret, ils étaient garnis, à l’époque, d’une petite patte serrée derrière au niveau des reins par une boucle à deux ardillons. Ainsi pouvait-on régler à la demande le tour de ceinture et c’était la première raison du système. Les hommes ne tardèrent pas à lui en trouver une deuxième et on sait que les objets sont toujours plus intéressants par l’usage dérivé qu’on en fait. Cette boucle fut adoptée en effet par les duellistes pour y accrocher, en cours de combat, le pouce de la main gauche. Ce détail épique m’ayant été révélé à l’âge pubère, je pus apprécier, en pleine connaissance de cause, la cérémonie du premier pantalon. Disons tout de suite que mon pouce de bretteur n’a jamais fatigué mes pattes de pantalon. D’ailleurs elles furent bientôt condamnées. En supprimant ces pattes en même temps que les bretelles, les tailleurs ont obéi à l’évolution des mœurs, ils ont flatté le sportif et découragé le duelliste. La virilité changeait de signe, le pantalon a suivi. Je ne vais pas jusqu’à dire que notre honneur tînt à cette patte, mais la désuétude et même le discrédit, sinon le ridicule, où le duel est tombé consacre un déclin des superstitions relatives à l’honneur. L’honneur lui même a rouillé dans le fourreau. Notre libération suit son cours. L’offense ne conduit plus au pré. L’offense qui n’engage plus la peau devient donc inoffensive et perdra bientôt son nom. Au surplus les laboratoires de la morale émancipée nous ont révélé, par expérience sur des cobayes préalablement humiliés, que le sang n’avait aucune propriété oblitérante sur l’injure. A tort ou à raison, il est donc interdit à l’homme social de disposer de son sang pour raison de convenance personnelle. Que l’honneur se débrouille autrement. »
Jacques Perret, Salades de saison
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Pour parvenir au sentiment de liberté intérieure, il faut de l’espace à profusion et de la solitude
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« Seul le recours aux étendues infinies et dépeuplées autorise une anarchie pacifiste dont la viabilité est fondée sur un principe très simple : contrairement à ce qui advient en ville, le danger de la vie dans les bois provient de la Nature et non de l’Homme. La loi du Centre chargée de réglementer les relations entre les êtres humains peut donc s’affranchir de pénétrer jusqu’en ces lointains parages. Rêvons un peu. On pourrait imaginer dans nos sociétés occidentales, comme a Pokoiniki ou a Zavarotnoe, des petits groupes de gens désireux de fuir la marche du siècle. Lassés de peupler des villes surpeuplées dont la gouvernance implique la promulgation toujours plus abondante de règlements, haïssant l’hydre administrative, excédés par l’impatronisation des nouvelles technologies dans tous les champs de la vie quotidienne, pressentant les chaos sociaux et ethniques à venir, ils décideraient de quitter les zones urbaines pour regagner les bois. Ils recréeraient des villages dans des clairières, ouvertes au milieu des nefs. Ils s’inventeraient une nouvelle vie. Ce mouvement s’apparenterait aux expériences hippies mais se nourrirait de motifs différents. Les hippies fuyaient un ordre qui les oppressait. Les néo-forestiers fuiront un désordre qui les démoralise. Les bois, eux, sont prêts à accueillir les hommes ; ils ont l’habitude des éternels retours.
Pour parvenir au sentiment de liberté intérieure, il faut de l’espace à profusion et de la solitude. Il faut ajouter la maitrise du temps, le silence total, l’âpreté de la vie et le côtoiement de la splendeur géographique. »
Sylvain Tesson, Dans les forêts de Sibérie
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09/10/2013
J’avoue que ces antiques folies me régalent
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« Mais il est vrai aussi que les hérésies me charment. Et tandis que je n’ai jamais pu me visser plus de huit jours dans le crâne les preuves classiques de l’existence du Très-Haut, je ne me fatigue pas de dresser le catalogue des innombrables solutions que trois siècles ont proposées au casse-tête de l’Homme-Dieu ; les adoptiannistes pour qui Jésus a reçu l’esprit divin lors de son baptême, mais n’est devenu Dieu qu’après sa résurrection ; les docètes, qui veulent que Jésus soit un corps astral, un fantôme n’appartenant pas à notre monde pondérable ; les aphtartodocètes qui cherchent à écarter l’insoutenable et scandaleuse notion d’un Dieu souffrant, et font un Christ doté d’un corps pareil au nôtre mais jouissant d’une surnaturelle insensibilité ; les origénistes qui ne peuvent pas s’empêcher de nuancer l’égalité du Père et du Fils ; les sabéliens, les subordinationnistes, les ariens qui soutiennent que Jésus n’a été qu’un homme inspiré par Dieu, le plus grand des hommes créés ; les nestoriens qui donnent au Christ deux natures, humaine et divine, mais les séparent totalement et enseignent que l’homme seul est mort sur la croix ; l’évêque Photin qui invente un Verbe à extensions, Raison impersonnelle de Dieu dans la première extension, mais devenant fils de Dieu dans la seconde, pénétrant ainsi l’humanité de Jésus jusqu’à en faire une espèce de Dieu ; les monophysites, qui acceptent la nature humaine du Christ, mais enseignent qu’elle a été absorbée par sa nature divine ; les monothélites qui disent qu’il n’y a eu dans la nature humaine du Christ d’autre volonté que celle de Dieu, que son corps était un instrument du Tout-Puissant...
J’avoue que ces antiques folies me régalent. Les historiens orthodoxes que j’ai lus m’invitent à y voir une grande preuve de la Vérité qui a triomphé de tant d’assauts. Mais de quelle Vérité s’agit-il, puisqu’elle n’existait pas, qu’elle n’était pas écrite nulle part, qu’il a fallu cinq siècles de malaxation pour élaborer le dogme trinitaire – une théorie que l’on aurait triturée de Jeanne d’Arc jusqu’à nos jours – que ce dogme n’a été créé, les trois quarts du temps, que grâce aux hérésiarques plus inventifs et plus agiles, les vrais instigateurs de la doctrine ; qu’un saint du IIe siècle n’avait pas la moindre idée de la consubstantialité, qu’on pourrait établir une liste fort vraisemblable des saints de ce siècle qui auraient été d’affreux hérésiarques cent ans plus tard ? Je vois que la Vérité s’est confondue rapidement avec la plus vulgaire politique, qu’elle en a suivi les hasards, qu’il s’en est fallu d’un cheveu, d’un pape plus ou moins couillu, d’un empoisonnement plus ou moins réussi, d’une bataille gagnée, pour que nous devinssions tous ariens ou monophysites ; que la Croix, le Dieu Trinitaire, le Christ consubstantiel au Père ont gagné par la force, par les soldats, l’argent, la police et la censure, ni plus ni moins que tous les conquérants. Je vois le symbole de Nicée, fruit d’une interminable querelle parlementaire, imposé par un déploiement de gendarmes, d’anathèmes et de bûchers. Je vois les plus grand Pères de l’Église, Jérôme, Ambroise, Augustin, sous les traits de polémistes féroces, de fanatiques impitoyables, réclamant toujours davantage de flics, de juges et de prisons pour le service de leur Dieu. Et je n’ai guère lu que des histoires orthodoxes. À quoi bon lire les autres ? Que pourrais-je souhaiter d’y trouver encore ? Je n’oublie pas les martyrs, leur fermeté, leur grandeur, mais je n’oublie pas non plus les martyrs innombrables des autres partis. Combien d’ariens qui se firent égorger pour défendre leurs Dieu contre l’idée d’une Incarnation qu’ils jugeaient dégradante, impie ? »
Lucien Rebatet, Les Deux Etendards
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"Ma droite est terrible et mon courroux n’aura point de bornes !"
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« Ecoutez la parole du Seigneur, de l’Eternel :
Voici : ma colère s’étendra sur les nouveau-nés dans leurs langes. J’étoufferai le nourrisson sur la mamelle de sa mère. Je le tordrai dans la douleur comme l’osier est tordu dans la main du vannier, et sa mère sera devant ces douleurs, elle tordra ses bras, et elle m’invoquera en se déchirant la gorge. Et les cris de sa gorge ne fléchiront point ma fureur. Et le mal mordra son fils à la cervelle et aux entrailles. Il agonisera longtemps, et je le raidirai dans les bras de sa mère.
Et ils sauront que je suis l’Eternel, celui qui frappe.
Mon œil sera sans pitié. Je n’aurai point de miséricorde. Je frapperai l’homme et la femme dans toutes les parties de leur corps d’un fléau incurable. Leur sang s’écoulera en boue et leur chair en pourriture. Le mal rongera leur ventre et leurs seins nuit et jour, comme la dent du rat et le bec de l’oiseau de proie. Le fer taillera dans leur chair, la mutilera, la torturera, mais le mal renaitra au bord de la blessure. Et le mal désorbitera leurs yeux, boursouflera leurs lèvres et leurs langues, rongera leur face, les rendra plus hideux que les bêtes des mauvais songes, et ils exhaleront la puanteur des charniers. Ils appelleront la mort pendant mille nuits et mille jours, mais la mort ne viendra pas. Et quand j’enverrai la mort sur eux, il n’y aura plus entre leur os et leur peau un seul morceau de chair à dévorer pour ma vengeance, une seule goutte de sang pour abreuver ma colère.
Et ils sauront que je suis l’Eternel.
Je mettrai l’amour sur les lèvres du jeune homme et de la vierge, j’enflammerai leurs cœurs, je les lierai par tous les liens de l’amour. Et je dessécherai les poumons de la vierge, et je les déchirerai. Et ses lèvres se dessécheront sur celles de son fiancé comme se dessèchent les pétales de la rose coupée. Son sang jaillira à flots pressés de sa bouche. Ses jambes ne la porteront plus. Je l’abattrai dans son sang, aux pieds de son fiancé, blanche et sans souffle.
Et ils sauront que je suis l’Eternel.
Je suis l’Eternel, votre Dieu. J’étendrai vos moissons jusqu’aux portes du désert, j’élèverai vos vignes jusqu’au faîte des montagnes, je ferai plier tous vos arbres sous la richesse de leurs fruits. Et les nations périront de faim et de soif devant les moissons et les vignes. Et des hommes entre les hommes brûleront les épis des moissons et le vin des vignes. Et les nations s’écrieront : "Insensés, que faites-vous, quand la faim est comme un loup aux dents aigües dans nos ventres, et la soif comme un charbon brûlant dans nos bouches ?" Mais ces hommes ricaneront, et le blé et le vin s’en iront en fumée. Et les hommes et les femmes et les enfants des nations se coucheront pour mourir dans la soif et la famine.
Et ils sauront que je suis l’Eternel.
Je suis l’Eternel, celui qui juge. Je foulerai le pauvre, le probe, je l’écraserai sous sa mère. Et il s’efforcera sans fin et ne se redressera jamais. Et mes prêtres mettront leur pied sur sa nuque pour le briser. Ils mettront leur pied sur sa bouche pour éteindre jusqu’à ses gémissements. J’engraisserai dans son or le prévaricateur, le voleur, je l’érigerai sur le sommet de la richesse et de la gloire. Je l’établirai à la tête des peuples, et les peuples se prosterneront sur la trace de ses pas. Ils baisseront la trace de ses pas, leur multitude s’unira pour chanter ses louanges. Mes prêtres assemblés allumeront leur encens devant sa face.
Et vous saurez que je suis l’Eternel.
Ma droite est terrible et mon courroux n’aura point de bornes. J’atiserai entre vous, entre vos pères et vos fils, et les fils de vos fils, des querelles sans mobile et sans terme. Je dresserai vos nations les unes contres les autres, comme les fauves du désert et les vautours des rochers. Et la guerre sera sur vos nations, et elle dévorera des millions d’hommes. Et elle frappera les adolescents dans leur fleur et les hommes dans leur force, et ils pourriront par millions, leurs cadavres entassés s’élèveront comme des murailles. Et le fer et le feu disperseront leurs membres, hacheront leur chair, consumeront jusqu’à leurs os. Et leurs mères et leurs frères et leurs épouses ne distingueront pas leurs cendres de la poussière des champs. Et ils lèveront leur face vers moi, en disant : "Seigneur, il n’y avait aucune raison à ce massacre". Je ferai couler plus de sang que les fleuves ne roulent d’eau à la mer. Les nations en seront noyées et la paix ne renaitra point entre elles. Je ferai passer en elles le vent de ma fureur. Je brandirai l’épée du grand carnage. Le feu tombera du ciel et il jaillira de la mer. Et le feu volera, et le fer rampera, et le feu et le fer voleront et ramperont ensemble. J’exterminerai le bon et le méchant, parce que je veux exterminer le bon et le méchant. Et toute chair saura que moi, l’Eternel, j’aurai tiré mon épée de son fourreau. La guerre anéantira les villes comme elle anéantira les armées. Les villes s’effondreront en poussière et leur sol sera retourné par la charrue de ma violence. Les époux périront par le fer des batailles, et les veuves périront par le feu des villes. Et sur la tombe de leurs pères, les fils pourriront à leur tour. Les vaincus périront de leur défaite et les vainqueurs de leur victoire. Et il y aura plus de cadavres que de cailloux sur la surface de la terre.
Et vous saurez que je suis l’Eternel, votre Dieu. »
Lucien Rebatet, Les Deux Etendards
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Rien n’est possible sans la réforme intellectuelle de quelques-uns
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« Mais rien n’est possible sans la réforme intellectuelle de quelques-uns. Ce petit nombre d’élus doit bien se dire que, si la peste se communique par simple contagion, la santé publique ne se recouvre pas de la même manière. Leurs progrès personnels ne suffiront pas à déterminer un progrès des mœurs. Et d’ailleurs ces favorisés, fussent-ils les plus sages et les plus puissants, ne sont que des vivants destinés à mourir un jour ; eux, leurs actes et leurs exemples ne feront jamais qu’un moment dans la vie de leur race, leur éclair bienfaisant n’entr’ouvrira la nuit que pour la refermer, s’ils n’essaient d’y concentrer en des institutions un peu moins éphémères qu’eux le battement de la minute heureuse qu’ils auront appelée sagesse, mérite, vertu. »
Charles Maurras, L’avenir de l’intelligence
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08/10/2013
C’est une action de se suicider...
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« À peine Jacques-Émile Blanche venait-il de m’annoncer la nouvelle que je vois apparaître Drieu :
— Mourir du désespoir de ne pouvoir être un écrivain, c’est un beau drame ! Je n’aurais jamais cru Rigaut capable d’un tel courage. Peut-être était-il né pour l’action et ne le savait-il pas ? C’est une action de se suicider... Ai-je précipité le dénouement lors de la dernière visite que je lui fis ? J’avisai sur sa table de chevet quelques papiers et comme son regard m’interrogeait : "Pas la peine, n’insistez pas, vous ne pourrez jamais écrire." Et voilà. Je me sens un peu responsable.
C’est d’après ce pauvre garçon que Drieu créa le personnage de Gonzagues dans : La Valise vide, la meilleure nouvelle de Plainte contre Inconnu, et qui fit le succès subit du premier livre en prose, uniquement littéraire, qu’il publiait. Je vois Drieu frappé de cette mort de l’homme, de l’ami, et à la fois embarrassé soudain comme s’il devait dans ses bras prendre le personnage que son obsession, sa mémoire et la fiction ont mis naguère artistement au jour et qui, lui, continue de vivre. En 1921, j’avais connu Jacques Rigaut quand il tournait autour de Drieu, sachant qu’il l’intéressait et que rien n’amusait davantage le moraliste que de condamner un de ses amis ; je le vis ensuite assez flatté de se reconnaître dans la nouvelle de Drieu, ayant d’ailleurs tout fait pour y entrer et affectant d’offrir, puis de taire, quelques secrets nouveaux sur sa personne avec une incroyable forfanterie, lorsque arrivant quelque part, il y trouvait son biographe et qu’on louait celui-ci d’avoir épuisé son sujet. Drieu se rappelait le manège.
Pour moi, depuis longtemps je l’avais perdu de vue. Il avait fini par se marier ; une Américaine divorcée avec deux enfants. Sentimental, il joua la comédie du monsieur qui ne croit pas à ces balivernes. Selon Drieu, il la rendit malheureuse. Encore plus malheureux qu’elle, il l’attendait ; elle tardait à revenir ; il crut qu’elle ne reviendrait plus, et, comme l’inspiration littéraire, elle aussi, surtout elle, ne manifestait pas davantage, il s’est tué d’un coup de revolver. Et sa mère vivait, il avait une mère !
— Les surréalistes, m’a dit Drieu en partant, en feront un saint de leur Église. Ils l’en avaient chassé avec des injures. »
Roger Martin du Gard, Les Mémorables, 1918-1945
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En littérature je préconise un fanatisme, un nazisme, un fascisme absolu et excessif !
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« En littérature je préconise un fanatisme, un nazisme, un fascisme absolu et excessif ! Toute Littérature est de droite. Toute poésie est profondément fasciste. Si dans la rue, la civilisation nous pousse à pratiquer une politique de gauche, dans la créativité, il n’est d’autre solution que d’être d’extrême-droite. De gauche dans le quotidien et de droite sur le papier. Un créateur ne peut travailler dans la justice. L’Égalité, la Liberté, la Fraternité, il connaît pas. J’estime que tout artiste est fasciste. C’est trop facile à démontrer. C’est l’exigence intime. Le fascisme est la seule issue pour un artiste.
C’est un humanisme mal digéré qui fait que les gens se croient plus à gauche qu’ils ne le sont réellement. Viscéralement, tout le monde est à droite. L’instinct est de droite. C’est le coeur qui est à gauche. Mais ce ne sont ni mes antécédents ni vraiment ma personnalité qui me font passer pour un fasciste, ce sont mes lectures ! Alors là, on n’a pas fini de m’accuser ! J’irai jusqu’à dire qu’un grand écrivain socio-communiste, ça n’existe pas. Mes admirations plongent plutôt dans les anarchistes (puisque tout écrivain qui se respecte a poussé sur un fumier plus ou moins haut l’anarchie) dont le fascisme est le plus explicite. Encore faudrait-il me prouver qu’il s’agit bien là d’homme de droite !
Si Céline est de droite, alors oui tous les génies littéraires sont de droite. Je prends n’importe qui au poteau ! Qui à gauche alors ? Aragon ? Breton ? Eluard ? Laissez-moi chier ! À "droite" on tape n’importe où, la littérature gicle à grand pus : Bloy, Morand, Pound, Roussel, Nimier, Proust, Drumont, Daudet, Barbey… C’est ça votre charrette ? C’est la Terreur de la Convention ! »
Marc-Edouard Nabe, Au Régal des Vermines
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Je cherche à former des groupes, à faire naître des rêves dans l’âme des garçons
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« Je fais la connaissance de Jean-Louis Foncine, à qui je dis d’emblée mon admiration pour "Le relais de la Chance au Roy". Nous parlons de cette nostalgie d’une chevalerie adolescente qui joue un si grand rôle dans ses livres. - Je lutte de toutes mes forces contre la termitière, me dit-il, et comme je crois qu’un groupe peut lui résister plus efficacement qu’un homme seul, je cherche à former des groupes, à faire naître des rêves dans l’âme des garçons. C’est pourquoi j’emploie souvent un langage fasciste. Le malheur du fascisme est d’avoir été dans les mains de primaires et de fous qui l’ont discrédité. »
Gabriel Matzneff, Cette camisole de flammes
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L’homme prend sa vie dans la tradition et la société
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« L’individualité absolue a été la croyance de la plupart des philosophes du XVIIIe siècle. C’était un axiome en métaphysique , qu’il n’existait que des individus, et que tous les prétendus être collectifs ou universaux, tels que société, patrie, humanité, etc., n‘étaient que des abstractions de notre esprit. Ces philosophes étaient dans une grande erreur. Ils ne comprenaient pas ce qui n’est point tangible par les sens ; ils ne comprenaient pas l’invisible. Parce ce que après qu’un certain temps s’est écoulé, la mère se sépare du fruit qu’elle portait dans ses entrailles, et que la mère et son enfant forment alors deux êtres distincts et séparés, nierez-vous le rapport qui existe entre eux; nierez-vous ce que la nature vous montre même par le témoignage de vois sens, à savoir que cette mère et cet enfant sont l’un sans l’autre des êtres incomplets, malades, et menacés de mort, et que le besoin mutuel, aussi bien que l’amour, en fait un être composé de deux êtres? Il en est de même de la société et de l’humanité. Loin d’être indépendant de toute société et de toute tradition, l’homme prend sa vie dans la tradition et la société. Il ne vit que parce qu’il est à la fois dans un certain présent et dans un certain passé. »
Pierre Leroux, A la source perdue du socialisme français
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07/10/2013
Quant à moi, il m’est impossible de vivre avec quelqu’un...
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« (...) Il faut que tu découvres quelque chose pour te rendre indépendante à Paris. Quant à moi, il m’est impossible de vivre avec quelqu’un - Je ne veux pas te traîner pleurarde et miséreuse derrière moi, tu m’ennuies, voilà tout - ne te raccroche pas à moi. J’aimerais mieux me tuer que de vivre avec toi en continuité - cela sache-le bien et ne m’ennuie plus jamais avec l’attachement, la tendresse - mais bien plutôt arrange ta vie comme tu l’entends. J’ai envie d’être seul, seul, seul, ni dominé, ni en tutelle, ni aimé, libre. Je déteste le mariage, je l’abhorre, je le crache ; il me fait l’impression d’une prison où je crève. (...) »
Louis Ferdinand Céline, Lettre de rupture à sa femme Edith
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Pour supporter Paris, il faut rester enfermé dans sa chambre
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« Grande fureur de Montherlant, au restaurant, parce que le garçon tarde à apporter les frites. Saisi d’indignation, il s’écrie à plusieurs reprises : “J’en ai assez de la France!” Moi qui, débarqué directement de la caserne, suis en uniforme, je me sens un peu empêtré. Montherlant me déroule alors une longue période sur la passion française du travail mal fait, sur le je-m’en-foutisme français : la couronne d’or, posée par un de nos plus fameux dentistes qui ne tient pas deux mois, le vaporisateur qui ne vaporise pas, le stylo qui n’écrit pas… Et d’ajouter :”La vie de garnison qui est vôtre n’est certes pas agréable, mais croyez-vous que la vie à Paris le soit ? Pour la supporter, il faut rester enfermé dans sa chambre. Dès que je sors dans la rue, tout me blesse et me heurte.” »
Gabriel Matzneff, Cette camisole de flammes
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Le tonnerre n’est plus la voix irritée d’un dieu
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« A mesure que la connaissance scientifique progressait, le monde s’est déshumanisé.
L’homme se sent isolé dans le cosmos, car il n’est plus engagé dans la nature et a perdu sa participation affective inconsciente, avec ses phénomènes. Et les phénomènes naturels ont lentement perdu leurs implications symboliques.
Le tonnerre n’est plus la voix irritée d’un dieu, ni l’éclair de son projectile vengeur. La rivière n’abrite plus d’esprits, l’arbre n’est plus le principe de vie d’un homme, et les cavernes ne sont pas habitées par des démons. Les pierres, les plantes, les animaux ne parlent plus à l’homme et l’homme ne s’adresse plus à eux en croyant qu’ils peuvent l’entendre. Son contact avec la nature a été rompu, et avec lui a disparu l’énergie affective profonde qu’engendraient ses relations symboliques. »
Carl Gustav Jung, L’homme et ses symboles
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06/10/2013
Machines monstrueuses
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« Notre intellect a créé un nouveau monde fondé sur la domination de la nature, et l’a peuplé de machines monstrueuses. Ces machines sont si indubitablement utiles que nous ne voyons pas la possibilité de nous en débarrasser, ni d’échapper à la sujétion qu’elles nous imposent.
L’homme ne peut s’empêcher de suivre les sollicitations aventureuses de son esprit scientifique et inventif, et de se féliciter pour l’ampleur de ses conquêtes. Cependant, son génie montre une tendance inquiétante à inventer des choses de plus en plus dangereuses qui constituent des instruments toujours plus efficaces de suicide collectif. »
Carl Gustav Jung, L’homme et ses symboles
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Un curieux mélange de caractères acquis au long d’une évolution mentale millénaire
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« Il est essentiel de le comprendre : l’homme moderne est en fait un curieux mélange de caractères acquis au long d’une évolution mentale millénaire. Et c’est de cet être mêlé de cet homme et de ses symboles qu’il nous faut nous occuper, et qu’il faut examiner la vie mentale avec la plus grande attention.
Le scepticisme et la conviction scientifique co-existent chez lui avec des préjugés démodés, des manières de penser et de sentir, dépassées, des contresens obstinés, une ignorance aveugle. »
Carl Gustav Jung, L’homme et ses symboles
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...à la merci de ce monde psychique souterrain...
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« L’homme moderne ne comprend pas à quel point son “rationalisme” (qui a détruit sa faculté de réagir à des symboles et à des idées numineux l’a mis à la merci de ce monde psychique souterrain. Il s’est libéré de la “superstition” (du moins il le croit) mais ce faisant, il a perdu ses valeurs spirituelles à un degré alarmant. Ses traditions morales et spirituelles se sont désintégrées, et il paie cet effondrement d’un désarroi et d’une dissociation qui sévissent dans le monde entier. »
Carl Gustav Jung, L’homme et ses symboles
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Les dieux et les démons ont simplement changé de nom
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« L’homme contemporain soutient sa croyance au prix d’un remarquable défaut d’introspection. Il ne voit pas que, malgré son raisonnement et son efficacité, il est toujours possédé par des “puissances” qui échappent à son contrôle.
Ses dieux et ses démons n’ont pas du tout disparu. Ils ont simplement changé de nom. Ils le tiennent en haleine par de l’inquiétude, des appréhensions vagues, des complications psychologiques, un besoin insatiable de pilules, d’alcool, de tabac, de nourriture, et surtout par un déploiement impressionnant de névroses. »
Carl Gustav Jung, L’homme et ses symboles
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05/10/2013
La publicité pour bien donner tout son effet magique, ne doit être gênée, retenue, divertie par rien...
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« Un minimum d’originalité, mais énormément de réclame et de culot. L’être, l’étron, l’objet en cause de publicité sur lequel va se déverser la propagande massive, doit être avant tout au départ, aussi lisse, aussi insignifiant, aussi nul que possible. La peinture, le battage-publicitaire se répandra sur lui d’autant mieux qu’il sera plus soigneusement dépourvu d’aspérités, de toute originalité, que toutes ses surfaces seront absolument planes. Que rien en lui, au départ, ne peut susciter l’attention et surtout la controverse. La publicité pour bien donner tout son effet magique, ne doit être gênée, retenue, divertie par rien. Elle doit pouvoir affirmer, sacrer, vociférer, mégaphoniser les pires sottises, n’importe quelle himalayesque, décervelante, tonitruante fantasmagorie… à propos d’automobiles, de stars, de brosses à dents, d’écrivains, de chanteuses légères, de ceintures herniaires, sans que personne ne tique… ne s’élève au parterre, la plus minuscule naïve objection. Il faut que le parterre demeure en tout temps parfaitement hypnotisé de connerie. »
Louis-Ferdinand Céline, Bagatelles pour un massacre
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Oui, c’est cette communication que nous avions à opposer au monde du meurtre
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« C’est pourquoi nous avons cherché ces raisons dans notre révolte même. Et nous avons compris ainsi que nous ne luttions pas seulement pour nous, mais pour quelque chose qui était commun à tous les hommes. Nous avons compris que dans un monde privé de sens, l’homme du moins gardait un sens et plus que jamais nous ne pourrions supporter que des êtres soient torturés, des oreilles déchirées et des fils assassinés devant leur mère. Nous avons compris que puisque certains d’entre nous avaient accepté de mourir pour cette communauté par laquelle tous les hommes communiquaient entre eux, c’est qu’ils y avaient trouvé une valeur plus importante que leur existence personnelle et, par conséquent, sinon une vérité, du moins une règle de conduite. Oui, c’est cette communication que nous avions à opposer au monde du meurtre. Et c’est elle que nous devions maintenir pour nous défendre du meurtre. »
« L’histoire des hommes est l’histoire de leurs erreurs et non de leur vérité. La vérité est probablement comme le bonheur, elle est toute simple et elle n’a pas d’histoire. »
Albert Camus, La Crise de l’Homme
Texte original de la conférence donnée par Albert Camus au McMillin Theater de l’université de Columbia (New-York) le 28 mars 1946 : La crise de l’homme.PDF
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Empêcher que le monde ne se défasse
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« Chaque génération, sans doute, se croit vouée à refaire le monde. La mienne sait pourtant qu’elle ne le refera pas. Mais sa tâche est peut être plus grande. Elle consiste à empêcher que le monde ne se défasse. »
Albert Camus, Discours de Stockholm lors du prix Nobel, 1957
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Ce qui fait le prix du voyage, c'est la peur
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« Ce qui fait le prix du voyage, c'est la peur. C'est qu'à un certain moment, si loin de notre pays, de notre langue (un journal français devient d'un prix inestimable. Et ces heures du soir dans les cafés où l'on cherche à toucher du coude d'autres hommes), une vague peur nous saisit, et un désir instinctif de regagner l'abri des vieilles habitudes. C'est le plus clair apport du voyage. À ce moment-là, nous sommes fébriles mais poreux. Le moindre choc nous ébranle jusqu'au fond de l'être. Qu'une cascade de lumière se rencontre, l'éternité est là. C'est pourquoi il ne faut pas dire qu'on voyage pour son plaisir. Il n'y a pas de plaisir à voyager. J'y verrais plutôt une ascèse. C'est pour sa culture qu'on voyage si l'on entend par culture l'exercice de notre sens le plus intime qui est celui de l'éternité. Le plaisir nous écarte de nous-mêmes comme le divertissement de Pascal éloigne de Dieu. Le voyage, qui est comme une plus grande et plus grave science, nous y ramène. »
Albert Camus, Carnets I ; janvier 1936
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