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10/12/2013

L’exigence sex­uelle exprimée par le con­formisme de la majorité

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« Aujourd’hui, la lib­erté sex­uelle de la majorité est en réal­ité une con­ven­tion, une oblig­a­tion, un devoir social, une anx­iété sociale, une car­ac­téris­tique inévitable de la qual­ité de vie du con­som­ma­teur. Bref, la fausse libéra­tion du bien-être a créé une sit­u­a­tion tout aussi folle et peut-être davan­tage que celle du temps de la pauvreté.

En effet, pre­mière­ment : le résul­tat d’une lib­erté sex­uelle “offerte” par le pou­voir est une véri­ta­ble névrose général­isée. La facil­ité a créé l’obsession ; parce que c’est une facil­ité “induite” et imposée, découlant du fait que la tolérance du pou­voir ne con­cerne que l’exigence sex­uelle exprimée par le con­formisme de la majorité. Elle ne pro­tège que le cou­ple : et le cou­ple a fini par devenir une con­di­tion de parox­ysme, au lieu d’être un signe de lib­erté et de bonheur. […]

Autre­fois le cou­ple était béni, aujourd’hui il est mau­dit. Les con­ven­tions et les jour­nal­istes imbé­ciles con­tin­u­ent de s’attendrir sur “le bon petit cou­ple” (comme ils dis­ent abom­inable­ment) sans s’apercevoir qu’il s’agit là d’un pacte crim­inel. Et les mariages : autre­fois, c’étaient des fêtes, et leur car­ac­tère d’institution – si stu­pide et sin­istre – était moins fort du fait qu’il était insti­tué par, pré­cisé­ment, un proces­sus heureux et joyeux. Aujourd’hui, au con­traire, les mariages ressem­blent à de hâtifs rites funèbres. La cause de toutes les choses ter­ri­bles que je suis en train de dire est claire : autre­fois “l’espèce” devait lut­ter pour sur­vivre et, par con­séquent le nom­bre des nais­sances devait dépasser celui des décès. Aujourd’hui, par con­tre, “l’espèce”, si elle veut sur­vivre, doit s’arranger pour que le nom­bre des nais­sances ne dépasse pas celui des décès. Et donc : chaque enfant qui nais­sait autre­fois, représen­tant une garantie de vie, était béni, tan­dis que chaque enfant qui naît aujourd’hui, con­tribuant à l’autodestruction de l’humanité, est mau­dit. »

Pier Paolo Pasolini, Écrits cor­saires

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Une chose me choque dans votre pays, c’est votre jalousie égalitaire

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« Les batteries s’endorment, le major Parker répond à des questionnaires de la brigade ; les ordonnances apportent le rhum, le sucre et l’eau bouillante ; le colonel met le gramophone à la vitesse 61 et le docteur O’Grady parle de la révolution Russe.
- Il est sans exemple, dit-il, qu’une révolution ait laissé au pouvoir après elle les hommes qui l’avaient faite. On trouve cependant encore des révolutionnaires : cela prouve combien l’histoire est mal enseignée.
- Parker, dit le colonel, faites passer le porto.
- L’ambition, dit Aurelle, n’est tout de même pas le seul mobile qui fasse agir les hommes ; on peut être révolutionnaire par haine du tyran, par jalousie et même par amour de l’humanité.
Le major Parker abandonna ses papiers.
- J’ai beaucoup d’admiration pour la France, Aurelle, surtout depuis cette guerre, mais une chose me choque dans votre pays, si vous me permettez de vous parler sincèrement, c’est votre jalousie égalitaire. Quand je lis l’histoire de votre révolution, je regrette de n’avoir pas été là pour boxer Robespierre et cet horrible fellow Hébert. Et vos sans-culottes…Well, cela me donne envie de m’habiller de satin pourpre brodé d’or et d’aller me promener sur la place de la Concorde.

Le docteur reprit :
- L’amour de l’humanité est un état pathologique d’origine sexuelle qui se produit fréquemment à l’époque de la puberté chez les intellectuels timides : le phosphore en excès dans l’organisme doit s’éliminer d’une façon quelconque. Quant à la haine du tyran, c’est un sentiment plus humain et qui a beau jeu en temps de guerre, alors que la force et la foule coïncident. Il faut que les empereurs soient fous furieux quand ils se décident à déclarer ces guerres qui substituent le peuple armé à leurs gardes prétoriennes. Cette sottise faite, le despotisme produit nécessairement la révolution jusqu’à ce que le terrorisme amène la réaction.
- Vous nous condamnez donc, docteur, à osciller sans cesse de l’émeute au coup d’état ?
- Non, dit le docteur, car le peuple anglais, qui avait déjà donné au monde le fromage de Stilton et des fauteuils confortables, a inventé pour notre salut à tous, la soupape parlementaire. Des champions élus font désormais pour nous émeutes et coups d’état en chambre, ce qui laisse au reste de la nation le loisir de jouer au cricket. La presse complète le système en nous permettant de jouir de ces tumultes par procuration. Tout cela fait partie du confort moderne et dans cent ans, tout homme blanc, jaune, rouge ou noir refusera d’habiter un appartement sans eau courante et un pays sans parlement. »

André Maurois, Les silences du colonel Bramble

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09/12/2013

La conscience tranquille

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« C’est triste des gens qui se couchent, on voit bien qu’ils se foutent que les choses aillent comme elles veulent, on voit bien qu’ils ne cherchent pas à comprendre eux, le pourquoi qu’on est là. Ça leur est bien égal. Ils dorment n’importe comment, c’est des gonflés, des huîtres, des pas susceptibles, Américains ou non. Ils ont toujours la conscience tranquille. »

Louis Ferdinand Céline, Voyage au bout de la nuit

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Un ours dans l'arbre...

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« Ecoutez maintenant une histoire vraie : c’est aux Indes que j’ai tué pour la première fois une femme… Oui oui, une femme… J’étais parti pour chasser le tigre quand en traversant la nuit un village perdu dans la jungle, un vieil indigène m’arrête :
- Sahib, sahib, un ours !
Et il me fait voir dans l’arbre une masse noire qui bougeait. J’épaule vivement, je tire, la masse s’abat dans un bruit de branches cassées, et je trouve une vieille femme que j’avais démolie pendant qu’elle cueillait des fruits. Un autre vieux moricaud, le mari, m’accable d’injures ; on va chercher le policeman indigène. Je dus indemniser la famille : cela me coûta des sommes folles, au moins deux livres.
L’histoire fut vite connue à vingt milles à la ronde. Et pendant plusieurs semaines, je ne pus traverser un village sans que deux ou trois vieux se précipitent :
- Sahib, sahib, un ours dans l’arbre !
Je n’ai pas besoin de vous dire qu’ils venaient d’y faire monter leurs femmes. »

André Maurois, Les silences du colonel Bramble

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Il faut tenir ou mourir

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« Nous voici à Memel, nous les rescapés d’un moment ; Nous y sommes parvenus avec des camions tirés à bras d’hommes, avec des tanks locomotives qui tiraient derrière eux un convoi dont on les aurait crus incapables. Nous sommes parvenus au fond des choses. Tout ce qui possède encore un semblant de vie mécanique ou humaine, avance encore, oubliant ses plaies, bénissant le ciel de ce sursis de misère. Les bombardements ne ralentissent que ceux qui meurent d’une façon définitive. Les morts d’angoisse continuent à avancer, le regard flamboyant, parmi ceux qui s’écroulent et qui jalonnent la piste.

Memel vit encore sous ses flammes, sous son ciel opaque de fumée, sous ses ruines. Memel vit sous le vrillement des chasseurs bombardiers russes, sous celui de l’artillerie lourde, sous l’épouvante et la neige qui voltige.

Mais, une fois de plus, le vocabulaire est de peu d’aide pour exprimer ce que mes yeux ont pu voir. J’ai l’impression, finalement, que tout ce jeu de syllabes a été mis au point pour décrire des choses futiles. Une fois de plus, rien parmi les mots ne peut exprimer la fin de la guerre en Prusse. J’ai connu l’exode en France devant les troupes Allemandes auxquelles j’ai été incorporé ensuite, j’ai vu les mamans réclamer du lait dans des fermes paisibles, j’ai vu des chariots renversés, j’ai même été une fois mitraillé aux alentours de Montargis. Mais je ne garde de ceci qu’une toute petite inquiétude assez grisante, un peu comme d’un voyage qui n’a pas été tout seul. Et puis il faisait beau. Ici il fait froid, il neige et tout alentour est détruit. Les réfugiés meurent par milliers sans que quiconque puisse leur venir en aide. Les Russes, lorsqu’ils ne sont pas occupés par un contact avec nos troupes, poussent devant eux une marée de civils. Ils tirent au canon et foncent avec leurs chars parmi la masse épouvantée et pétrifiée. Ceux qui auront un peu d’imagination essaieront de brosser un tableau de ce que je tente d’expliquer. Jamais cruauté ne fut si pleinement atteinte, jamais le terme horreur ne parviendra à signifier ici ce qu’il veut dire.

Oui, nous sommes dans l’impasse de Memel. Dans ce demi cercle d’environ vingt kilomètres de diamètre, adossé à la Baltique dont la houle grise et froide roule sous le brouillard impénétrable. Dans ce demi cercle se rétrécissant sans cesse, qui tiendra on ne sait par quel miracle une grande partie de l’hiver. Dans ce demi cercle, harcelé par les bombardements continus et par les attaques permanentes venant des lignes Russes qui grossissent progressivement au fur et à mesure que les nôtres diminuent. Parmi des milliers et des milliers de réfugiés, dont la désolation ne pourrait être mentionnée par aucun commentaire suffisant, et qui attendent d’être évacués par la voie des mers avant que les troupes ne le soient vers la mi-décembre.

Memel en ruine ne peut ni abriter ni contenir cette importante partie de la population Prussienne qui s’est réfugiée dans son enceinte. Cette population à laquelle nous ne pouvons apporter que des secours virtuels, paralyse nos mouvements, endigue notre système de défense déjà si précaire. Dans le demi cercle de défense, vibrant du tonnerre des explosions qui couvrent les cris de toutes sortes, troupes anciennement d’élites, unités du Volkssturm, mutilés réengagés dans les services d’organisation de défense, , femmes, enfants, nourrissons et malades sont crucifiés sur la terre qui gèle, sous un toit de brouillard qu’illuminent les lueurs des incendies, sous le blizzard qui frôle d’une caresse froide l’avant dernier acte de la guerre. Les rations de nourriture sont si maigres que ce qui est occasionnellement distribué en une journée pour cinq personnes ne suffirait plus aujourd’hui à la collation d’un écolier. Des appels à l’ordre et aux restrictions sont sans cesse diffusés à travers la brume qui masque en partie le drame. De nuit comme de jour, des embarcations de toutes sortes quittent Memel avec un chargement maximum de monde. De nuit et surtout de jour, l’aviation soviétique les harcèle. Les énormes files de réfugiés, que l’on essaie vainement de recenser et qui s’avancent vers les pontons d’embarquement, offrent des cibles immanquables aux pilotes moujiks. Les impacts ouvrent des espaces épouvantables parmi la foule hurlante qui plie et meurt sous les coups, mais demeure sur place avec l’espoir féroce d’embarquer prochainement. On encourage à la patience, on invoque une fois encore le problème des super restrictions. En fait on propose à ces gens martyrisée de jeûner, en attendant la délivrance. Le drame est si grand que l’héroïsme devient banalité. Des vieillards se suicident, des femmes également, des mères de famille abandonnent leurs enfants à une autre mère en la priant de faire bénéficier son enfant de la ration qui lui aurait été accordée. Une arme ramassée prés d’un soldat tué fera l’affaire. L’héroïsme se mêle au désespoir. On encourage les gens en leur parlant de demain, mais ici tout perd de son importance.

Et les martyres assistent bien souvent au suicide de leurs semblables sans presque intervenir. Certains, dans un accès de démence qui atteint je ne sais quel stade, vont se tuer sur les silos de morts qu’une aide civile regroupe par endroits. Peut-être pour faciliter la tâche de cette entraide. La capitulation, quelle qu’elle soit, mettrait un terme à cette effroyable panique. Mais le russe a inspiré une telle terreur, manifesté une telle cruauté que l’idée n’effleure plus personne. Il faut tenir, tenir, coûte que coûte, puisque nous serons finalement évacués par la mer. Il faut tenir ou mourir. »

Guy Sajer (alias Guy Mouminoux alias Dimitri), Le soldat oublié

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08/12/2013

Il n’y a pas de conscience collective

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« Il n’y a pas de conscience collective. Une collectivité n’a pas de conscience. Lorsqu’elle paraît en avoir une, c’est qu’il y subsiste le nombre indispensable de consciences réfractaires, c’est-à-dire d’hommes assez indisciplinés pour ne pas reconnaître à l’État-Dieu le droit de définir le Bien et le Mal. »

Georges Bernanos, La France contre les robots

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Les hommes politiques durent se mettre à exercer des métiers honnêtes

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« Que sont devenus les gouvernements ? demandais-je.
-La tradition veut qu'ils soient tombés petit à petit en désuétude. Ils procédaient à des élections, ils déclaraient des guerres, ils établissaient des impôts, ils confisquaient des fortunes, ils ordonnaient des arrestations et prétendaient imposer la censure mais personne au monde ne s'en souciait. La presse cessa de publier leurs discours et leurs photographies.
Les hommes politiques durent se mettre à exercer des métiers honnêtes ; certains devinrent de bons comédiens ou de bons guérisseurs. »

Jorge Luis Borges, Utopie d'un homme qui est fatigué

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06/12/2013

Nous vivons l'émergence d'un nouvel ordonnancement

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« L'idée selon laquelle nous pourrions parvenir à la "fin de l'histoire", caractérisée par le triomphe planétaire de la rationalité marchande, en généralisant le mode de vie et les formes politiques de l'Occident libéral est fausse. Nous vivons au contraire l'émergence d'un nouveau "nomos de la Terre", un nouvel ordonnancement des relations internationales. L'Antiquité et le Moyen Age avaient vu se développer inégalement de grandes civilisations autarciques. La Renaissance et l'Age classique furent marqués par l'émergence et la consolidation des États-nations en concurrence pour la maîtrise de l'Europe, puis du monde. Le XXe siècle a vu se dessiner un ordre bipolaire où s'affrontaient le libéralisme et le marxisme, la puissance thalassocratique américaine et la puissance continentale soviétique. Le XXIe siècle sera marqué par l'avènement d'un monde multipolaire articulé autour de civilisations émergentes : européenne, nord-américaine, ibéro-américaine, arabo-musulmane, chinoise, indienne, japonaise, etc. Ces civilisations ne supprimeront pas les anciens enracinements locaux, tribaux, provinciaux ou nationaux : elles s'imposeront en revanche comme la forme collective ultime à laquelle les individus pourront s'identifier en deçà de leur humanité commune. Elles seront probablement appelées à collaborer en certains domaines pour défendre les biens communs de l'humanité, notamment écologiques. Dans un monde multipolaire, la puissance se définit comme la capacité de résister à l'influence des autres plutôt que d'imposer la sienne. L'ennemi principal de ce plurivers de grands ensembles autocentrés est toute civilisation qui se prétend universelle, se croit investie d'une mission rédemptrice et veut imposer son modèle à toutes les autres. »

Alain de Benoist, Manifeste pour une nouvelle droite

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La diversité est inhérente au mouvement même de la vie

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« La diversité est inhérente au mouvement même de la vie, qui évolue de manière buissonnante en se complexifiant. La pluralité et la variété des races, des ethnies, des langues, des moeurs ou encore des religions, caractérisent le développement de l'humanité depuis ses origines. Devant ce fait, deux attitudes s'opposent. Pour les uns, cette diversité bioculturelle est un fardeau et il faut toujours et partout réduire les hommes à ce qu'ils ont en commun, ce qui ne manque pas d'entraîner par réaction toute une série d'effets pervers. Pour les autres, dont nous sommes, les différences sont des richesses qu'il convient de préserver et de cultiver. La Nouvelle Droite manifeste une profonde aversion pour l'indifférencié. Elle estime qu'un bon système est celui qui transmet au moins autant de différences qu'il en a reçues. La vraie richesse du monde réside d'abord dans la diversité des cultures et des peuples.

La conversion de l'Occident à l'universalisme a été la cause principale de sa volonté de convertir à son tour le reste du monde, naguère à sa religion (croisades), hier à ses principes politiques (colonialisme), aujourd'hui à son modèle économique et social (développement) ou à ses principes moraux (droits de l'homme). Entreprise sous l'égide des missionnaires, des militaires et des marchands, l'occidentalisation de la planète a représenté un mouvement impérialiste alimenté par le désir d'effacer toute altérité en imposant au monde un modèle d'humanité prétendument supérieur, invariablement présenté comme "progrès". L'universalisme homogénéisant n'y était que la projection et le masque d'un ethnocentrisme élargi aux dimensions de la planète.

Cette occidentalisation-mondialisation a modifié la manière dont nous percevons le monde. Les tribus primitives se désignaient elles-mêmes comme "les hommes", laissant entendre qu'elles se considéraient comme les seuls représentants de leur espèce. Un Romain et un Chinois, un Russe et un Inca pouvaient vivre à la même époque sans avoir conscience de leur existence réciproque. Ces temps sont révolus : du fait de la prétention démesurée de l'Occident de rendre le monde entièrement présent à lui-même, nous vivons un âge nouveau où les différences ethniques, historiques, linguistiques ou culturelles, coexistent dans la pleine conscience de leur identité et de l'altérité qui la reflète. Pour la première fois dans l'histoire, le monde est un pluriversum, un ordre multipolaire où de grands ensembles culturels se trouvent confrontés les uns aux autres dans une temporalité planétaire partagée, c'est-à-dire en temps zéro. Cependant, la modernisation se déconnecte peu à peu de l'occidentalisation : des civilisations nouvelles accèdent aux moyens modernes de la puissance et de la connaissance sans pour autant renier leurs héritages historiques et culturels au profit des valeurs ou des idéologies occidentales. »

Alain de Benoist, Manifeste pour une nouvelle droite

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05/12/2013

Elle a de bonnes raisons pour vouloir supprimer l'Enfer

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« Sur George Sand. - La femme Sand est le Prudhomme de l'immoralité.
Elle a toujours été moraliste.
Seulement elle faisait autrefois de la contre-morale.
Aussi elle n'a jamais été artiste. Elle a le fameux style coulant, cher aux bourgeois.
Elle est bête, elle est lourde, elle est bavarde. Elle a, dans les idées morales, la même profondeur de jugement et la même délicatesse de sentiment que les concierges et les filles entretenues. Ce qu'elle dit de sa mère. Ce qu'elle dit de la poésie. Son amour pour les ouvriers.
Que quelques hommes aient pu s'amouracher de cette latrine, c'est bien la preuve de l'abaissement des hommes de ce siècle. Voir la préface de Mademoiselle La Quintinie, où elle prétend que les vrais chrétiens ne croient pas à l'Enfer. La Sand est pour le Dieu des bonnes gens, le dieu des concierges et des domestiques filous. Elle a de bonnes raisons pour vouloir supprimer l'Enfer.

                                                                    ***

Le Diable et George Sand. - Il ne faut pas croire que le diable ne tente que les hommes de génie. Il méprise sans doute les imbéciles, mais il ne dédaigne pas leur concours. Bien au contraire, il fonde ses grands espoirs sur ceux-là.

Voyez George Sand. Elle est surtout, et plus que toute autre chose, une grosse bête ; mais elle est possédée. C'est le diable qui lui a persuadé de se fier à son bon coeur et à son bon sens, afin qu'elle persuadât toutes les autres grosses bêtes de se fier à leur bon coeur et à leur bon sens.

Je ne puis penser à cette stupide créature, sans un certain frémissement d'horreur. Si je la rencontrais, je ne pourrais m'empêcher de lui jeter un bénitier à la tête. »

Charles Baudelaire, Mon coeur mis à nu - Journal Intime

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Rongé de scrupules ironiques, naturellement complexe, frémissant et soyeux

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« Vers sept heures et demi arrivait chez Weber un jeune homme pâle, aux yeux de biche, suçant ou tripotant une moitié de sa moustache brune et tombante, entouré de lainages comme un bibelot chinois. Il demandait une grappe de raisin, un verre d’eau, et déclarait qu’il venait de se lever, qu’il avait la grippe, qu’il s’allait recoucher, que le bruit lui faisait mal, jetait autour de lui des regards inquiets, puis moqueurs, enfin de compte éclatait d’un rire enchanté et restait. Bientôt sortaient de ses lèvres, proférées sur un ton hésitant et hâtif, des remarques d’une extraordinaire nouveauté et des aperçus d’une finesse diabolique. Ses images imprévues voletaient à la cime des choses et des gens, ainsi qu’une musique supérieure, comme on raconte qu’il arrivait à la taverne du Globe, entre les compagnons du divin Shakespeare. Il tenait de Mercutio et de Puck, suivant plusieurs pensées à la fois, agile à s’excuser d’être aimable, rongé de scrupules ironiques, naturellement complexe, frémissant et soyeux. C’était l’auteur de ce livre original, souvent ahurissant, plein de promesses : Du côté de chez Swann, c’était Marcel Proust. »

Léon Daudet, Salons et journaux

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04/12/2013

Au miracle de l’Incarnation a succédé le scandale de la Désincarnation

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« Abbaye de… Le Dimanche des Chasubles Roses.
 
 Nous restons debout, au moment de l’élévation, au milieu des gens prosternés. Pour cette même raison, pour ne s’être pas incliné au passage d’une procession, le Chevalier de la Barre est mort supplicié. Les temps ont bien changé.
 
 Éxécuté à 27 ans. Son effigie dans une niche décore toujours un coin de rue à Gruissan. Couleurs délavées, fleurs défraîchies, derrière les barreaux l’effigie elle-même reste prisonnière de l’intolérance. 
Ne pas s’incliner - geste souverain, mieux qu’une violence, mieux qu’une révolte armée. Ne pas en faire une cause morale, ni donner à son geste un sens universel - simplement ne pas s’incliner. Quel acte équivaudrait à celui-ci aujourd’hui ?
 
Aujourd’hui je peux rester debout pendant l’élévation, affronter du regard l’hostie et son ostension, sans encourir quoi que ce soit. Telle est notre liberté - mais y a-t-il de quoi être fier ? 
Dans l’abbaye moderne (voile de béton et vitraux abstraits, avec le Christ en trapéziste néo-giottesque au-dessus de l’autel vide) règne une absence flagrante de divinité. Au miracle de l’Incarnation a succédé le scandale de la Désincarnation. Chants grégoriens pour maison de campagne. L’homélie sur saint Jean interviewant le Christ : Êtes-vous le vrai, ou devons-nous en attendre un autre ? (Réponse du Christ, apocryphe : Je suis le vrai, mais il ne faut pas le dire). À quelques kilomètres de là, assemblée celtique néolithique, au coeur du tumulus, les yeux clos en signe de synergie silencieuse. »

Jean Baudrillard, Cool Memories IV

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Mais qu'on sache bien que je n'abdique aucune de mes erreurs

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« Le temps peut passer et les convulsions sociales du monde ravager les pensées des hommes, je suis sauf de toute pensée qui trempe dans les phénomènes. Qu'on me laisse à mes nuages éteints, à mon immortelle impuissance, à mes déraisonnables espoirs... Mais qu'on sache bien que je n'abdique aucune de mes erreurs. Si j'ai mal jugé, c'est la faute à ma chair, mais ces lumières que mon esprit laisse filtrer d'heure en heure, c'est ma chair dont le sang se recouvre d'éclairs. »

Antonin Artaud, Fragments d’un Journal d’Enfer

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03/12/2013

Nous ne nous sentions liés qu'envers une très étroite communauté

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Ernst von Salomon (à gauche) en compagnie d'Ernst Jünger

« Car nous autres qui, en pleine conscience, ne nous sentions liés qu'envers une très étroite communauté, nous ne devions pas nous chercher des excuses vis-à-vis de la masse des humains, du moment que nous refusions de nous soumettre à la volonté de cette masse. »

Ernst von Salomon, Les Réprouvés

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Que la muraille épaisse de l’occulte s’écroule sur ces révolutionnaires qui ne révolutionnent rien

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« Le surréalisme n’est-il pas mort du jour où Breton et ses adeptes ont cru devoir se rallier au communisme et chercher dans le domaine des faits et de la matière immédiate, l’aboutissement d’une action qui ne pouvait normalement se dérouler que dans les cadres intimes du cerveau.

(…)Que me fait à moi, toute la Révolution du monde si je sais demeurer éternellement douloureux et misérable au sein de mon propre charnier ; ce qui me sépare des surréalistes, c’est qu’ils aiment autant la vie que je la méprise. Jouir dans toutes les occasions et par tous les pores, voilà le centre de leurs obsessions. Mais l’ascétisme ne fait-il pas corps avec la magie véritable, même la plus sale, même la plus noire. (…)

Que la muraille épaisse de l’occulte s’écroule une fois pour toutes sur tous ces impuissants bavards qui consument leur vie en objurgations et en vaines menaces, sur ces révolutionnaires qui ne révolutionnent rien. »

Antonin Artaud, A la grande nuit, ou le bluff surréaliste

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Le silence des hommes est comme un sacrement

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« La musique est elle même une sorte de silence, parce qu’elle impose silence au bruit et d’abord au bruit insupportable par excellence qui est celui des paroles. La musique est le silence des paroles, comme la poésie est le silence de la prose, elle allège la pesanteur accablante du logos et empêche que l’homme ne s’identifie à l’acte de parler. Le chef d’orchestre attend pour donner le signal à ses musiciens que le public se soit tu, car le silence des hommes est comme un sacrement dont la musique a besoin pour élever la voix. »

Vladimir Jankélévitch, Quelque part dans l’inachevé

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02/12/2013

Une plaie mystérieuse au flanc de l’espèce

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« La luxure est une plaie mystérieuse au flanc de l’espèce. Que dire, à son flanc ? A la source même de la vie. Confondre la luxure propre à l’homme, et le désir qui rapproche les sexes, autant donner le même nom à la tumeur et à l’organe qu’elle dévore, dont il arrive que sa difformité reproduise effroyablement l’aspect. »

Georges Bernanos, Journal d’un curé de campagne

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Les formes les plus malheureuses de notre existence historique

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« Aujourd’hui où des îles polynésiennes noyées de béton sont transformées en porte-avions pesamment ancrés au fond des mers du Sud, où l’Asie tout entière prend le visage d’une zone maladive, où les bidonvilles rongent l’Afrique, où l’aviation commerciale et militaire flétrit la candeur de la forêt américaine ou mélanésienne avant même d’en pouvoir détruire la virginité, comment la prétendue évasion du voyage pourrait-elle réussir autre chose que nous confronter aux formes les plus malheureuses de notre existence historique ? Cette grande civilisation occidentale, créatrice des merveilles dont nous jouissons, elle n’a certes pas réussi à les produire sans contrepartie (…), l’ordre et l’harmonie de l’Occident exigent l’élimination d’une masse prodigieuse de sous-produits maléfiques dont la terre est aujourd’hui infectée. Ce que d’abord vous nous montrez, voyages, c’est notre ordure lancée au visage de l’humanité. »

Claude Lévi-Strauss, Tristes Tropiques

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Il flottait autour de lui une odeur de guerre

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« Je n’oublierai jamais le jeune tankiste SS qui beurrait calmement son pain du plat de la lame de son poignard. Il ne nous regardait même pas. Il flottait autour de lui une odeur de guerre. De drap en sueur, de cuir, d’huile et de graisse tiède. Et s’il nous avait offert des poignards, des uniformes à notre taille et s’il nous avait assis aux commandes de l’énorme jouet, qu’eussions-nous fait de nos cahiers et de nos livres ? Un feu de joie, peut-être. Mais il était allemand comme est français, vingt ans plus tard, le parachutiste qui ne prête aucune attention aux enfants de ce village kabyle. Une fille s’est arrêtée pour regarder le SS à tête de mort. Il a levé les yeux, elle a baissé les siens et est partie toute droite et toute patriote. Il a souri en la suivant du regard. Est-ce que la fille ose penser qu’il est bien dommage et bien étrange que le mal soit si beau ? »

Jean Cau, Le meurtre d’un enfant

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Je me refusais à leur sous-éternité, à leurs certitudes de larves pétrifiées...

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« "Comment peut-on être Roumain ?” était une question à laquelle je ne pouvais répondre que par une mortification de chaque instant. Haïssant les miens, mon pays, ses paysans intemporels, épris de leur torpeur, et comme éclatants d’hébétude, je rougissais d’en descendre, les reniais, me refusais à leur sous-éternité, à leurs certitudes de larves pétrifiées, à leur songerie géologique. J’avais beau chercher sur leurs traits le frétillement, les simagrées de la révolte : le singe, hélas ! se mourait en eux. Au vrai, ne relevaient-ils pas du minéral ? Ne sachant comment les bousculer, les animer, j’en vins à rêver d’une extermination. On ne massacre pas des pierres. Le spectacle qu’ils m’offraient justifiait et déroutait, alimentait et écœurait mon hystérie. Et je ne cessais de maudire l’accident qui me fit naître parmi eux. »

Emil Cioran, La Tentation d’exister

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Machine à bourrer les crânes

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« La plus redoutable machine est la machine à bourrer les crânes, à liquéfier les cerveaux. Obéissance et irresponsabilité, voilà les deux Mots Magiques qui ouvriront demain le Paradis de la Civilisation des Machines. »

Georges Bernanos, La France contre les robots

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01/12/2013

La mort, une chose de peu d’importance

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« Sur toute cette désolation régnait une suprême indifférence, juste une nuit qui prenait fin et un jour de plus qui commençait, et pourtant l’intimité secrète de ces collines, leur merveilleux silence consolateur, faisait de la mort une chose de peu d’importance. Vous pouviez toujours mourir, le désert demeurait là pour cacher le secret de votre mort, resterait là après vous pour recouvrir votre mémoire de vents sans âge, de chaleur et de froid. »

John Fante, Demande à la Poussière

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30/11/2013

Se sauver de la mort, c’est mourir

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« Tout était gris, de ce gris poussiéreux, minable, de ce gris de fin du monde qui est la couleur de l’hiver. Mais ce gris avait en plus la couleur morale de l’arrière. Je sentais partout cette quiétude sournoise, hypocrite, furtive, cette médiocrité qui se savoure. Cela commençait si près des premières lignes et ne finissait qu’à Brest. Sous cette couleur funèbre, il me semblait que depuis deux ans mon âme était morte lentement. Trop tard ; j’entrerais dans la paix avec une âme morte, car l’armistice allait venir. Encore quelques jours à attendre qu’on pouvait sans doute compter sur ses doigts et le tour serait joué. Se sauver de la mort, c’est mourir. »

Pierre Drieu la Rochelle, La Fin d’une guerre

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29/11/2013

Les bêtes sont le Christ, pensais-je, et mes lèvres trem­blent, mes mains en trem­blent...

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« Les autres officiers, les cama­rades de Frédéric, sont jeunes aussi : vingt, vingt-cinq, trente ans. Mais tous por­tent sur leur fig­ure jaune et ridée des signes de vieil­lesse, de décompo­si­tion, de mort. Tous ont l’œil hum­ble et dés­espéré du renne. Ce sont des bêtes, pensé-je; ce sont des bêtes sauvages, pensé-je avec hor­reur. Tous ont, sur leur vis­age et dans leurs yeux, la belle, la mer­veilleuse et la triste mansuétude des bêtes sauvages, tous ont cette folie con­cen­trée et mélan­col­ique des bêtes, leur mys­térieuse inno­cence, leur ter­ri­ble pitié. Cette ter­ri­ble pitié chré­ti­enne qu’ont les bêtes. Les bêtes sont le Christ, pensais-je, et mes lèvres trem­blent, mes mains en trem­blent. Je regarde Frédéric, je regarde ses cama­rades; tous ont le même vis­age flapi et ridé, le même front dénudé, le même sourire édenté, tous ont le même regard de renne. Même la cru­auté, la cru­auté alle­mande est éteinte sur leurs vis­ages. Ils ont l’œil du Christ, l’œil d’une bête. Et, brusque­ment, me revient à l’esprit ce que j’ai entendu racon­ter dès le pre­mier moment où je suis arrivé en Laponie, et dont cha­cun parle à voix basse, comme d’une chose mys­térieuse (c’est chose véri­ta­ble­ment mys­térieuse), ce dont il est inter­dit de par­ler. Il me revient à l’esprit ce que j’ai entendu racon­ter dès le pre­mier moment où je suis arrivé en Laponie au sujet de ces jeunes sol­dats alle­mands, de ces Alpen­jäger du général Dielt qui se pen­dent aux arbres dans l’épaisseur des forêts ou s’asseyent des jours et des jours au bord d’un lac, en regar­dant l’horizon, puis se tirent un coup de revolver dans la tempe, ou bien, poussés par une extra­or­di­naire folie, sorte de fan­taisie amoureuse, vagabon­dent dans les bois comme des bêtes sauvages, se jet­tent dans l’eau immo­bile des lacs, ou s’étendent sur un tapis de lichens, au-dessous des pins que le vent fait gron­der, et atten­dent la mort, se lais­sent tout douce­ment mourir dans la soli­tude glaciale et dis­traite de la forêt. »

Curzio Mala­parte, Kaputt

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J'imagine que les secours en argent iront surtout à quelques millionnaires

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[Après la destruction, le 8 mai 1902, de Saint-Pierre de la Martinique par l'éruption de la montagne Pelée]

« On a récolté près d'un million, pour la Martinique. Les malheureux en recevront-ils seulement un quarantième ? J'imagine que les secours en argent iront surtout à quelques millionnaires dont l'opulence a été plus ou moins entamée par le volcan et qui ont besoin de se refaire. Pour ce qui est des mourants de faim, on leur expédiera de la morue invendable, des farines avariées, des conserves en putréfaction, tous les rebuts et déchets des entrepôts de la France ou de l'Angleterre. Les fournisseurs nageront dans l'allégresse et les tenanciers de la Compassion publique achèteront des immeubles situés à d'énormes distances de tout cratère. »

Léon Bloy, Quatre ans de captivité à Cochons-sur-Marne

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