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23/09/2013

Les hommes se sont papaïsés

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« Fatiguée après une mauvaise nuit, Chantal sortit de l'hôtel. En route vers le bord de mer, elle croisa des touristes de week-end. Leurs groupes reproduisaient tous le même schéma : l'homme poussait une poussette avec un bébé, la femme marchait à côté de lui ; le visage de l'homme était bonasse, attentif, souriant, un peu embarrassé et toujours prêt à s'incliner vers l'enfant, à le moucher, à calmer ses cris; le visage de la femme était blasé, distant, suffisant, parfois même (inexplicablement) méchant. Ce schéma, Chantal le vit se reproduire en diverses variantes : l'homme à côté d'une femme poussait la poussette et portait en même temps, dans un sac spécial, un bébé sur le dos; l'homme à côté d'une femme poussait la poussette, portait un bébé sur les épaules et un autre dans un sac sur le ventre ; l'homme à côté d'une femme, sans poussette, tenait un enfant par la main et en portait trois autres sur le dos, sur le ventre, et sur les épaules. Enfin, sans homme, une femme poussait la poussette ; elle le faisait avec une vigueur inconnue des hommes, si bien que Chantal qui marchait sur le même trottoir dut au dernier moment faire un saut de côté.
Chantal se dit : les hommes se sont papaïsés. Ils ne sont pas pères mais juste papas, ce qui signifie : pères sans autorité de père. Elle s'imagine flirter avec un papa qui pousse la poussette avec un bébé et en porte encore deux autres, sur le dos et sur le ventre ; profitant d'un moment où l'épouse se serait arrêtée devant une vitrine, elle chuchoterait un rendez-vous au mari. Que ferait-il ? L'homme transformé en arbre d'enfants pourrait-il encore se retourner sur une inconnue ? Les bébés suspendus sur son dos et sur son ventre ne se mettraient-ils pas à hurler contre le mouvement dérangeant de leur porteur ? Cette idée lui paraît drôle et la met de bonne humeur. Elle se dit : je vis dans un monde où les hommes ne se retourneront plus jamais sur moi. »

Milan Kundera, L'Identité

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La fiction du travail...

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« J'ai lu un jour un livre écrit par un dissident soviétique. Il affirmait qu'en URSS, ce n'est pas le travail qui justifiait la construction de bureaux, mais les bureaux proliférants qui alimentaient la fiction du travail. Vous me direz : On ne peut pas comparer les situations. Et pourtant, il me semble que nous n'en sommes pas loin. Je vois d'ici tout ce qu'on pourrait m'opposer si je parlais de "fiction de travail" dans le monde qui nous entoure - si je disais que la "réalité", l' "urgence", l' "efficacité", les "défis de la complexité", ce sont des histoires que l'on fait tenir debout à grand renfort d'angoisse. Je ne suis pas sociologue, je ne suis pas philosophe, et j'aurais peut-être du mal à défendre ma position. Mais je vous assure : pour moi, le noeud du problème est bien là. Chacun raconte aux autres une histoire de travail qui n'a même pas le panache d'un beau mensonge, et tout ça rassemblé fait une rumeur qu'on vient respirer à grandes bouffées. »

Pierre Mari, Résolution

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Le Travail

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« Nous pensions alors, nous pensons toujours, mais il y a quinze ans tout le monde pensait comme nous, pensait avec nous, ou affectait de penser avec nous, il n’y avait sur ce point, sur ce principe même pas l’ombre d’une hésitation, pas l’ombre d’un débat. Il est de toute évidence que ce sont les bourgeois et les capitalistes qui ont commencé. Je veux dire que les bourgeois et les capitalistes ont cessé de faire leur office, social, avant les ouvriers le leur, et longtemps avant. Il ne fait aucun doute que le sabotage d’en haut est de beaucoup antérieur au sabotage d’en bas, que le sabotage bourgeois et capitaliste est antérieur, et de beaucoup, au sabotage ouvrier ; que les bourgeois et les capitalistes ont cessé d’aimer le travail bourgeois et capitaliste longtemps avant que les ouvriers eussent cessé d’aimer le travail ouvrier. C’est exactement dans cet ordre, en commençant par les bourgeois et les capitalistes, que s’est produite cette désaffection générale du travail qui est la tare la plus profonde, la tare centrale du monde moderne. Telle étant la situation générale du monde moderne, il ne s’agissait point, comme nos politiciens syndicalistes l’ont inventé, d’inventer, d’ajouter un désordre ouvrier au désordre bourgeois, un sabotage ouvrier au sabotage bourgeois et capitaliste. Il s’agissait au contraire, notre socialisme était essentiellement et en outre officiellement une théorie, générale, une doctrine, une méthode générale, une philosophie de l’organisation et de la réorganisation du travail, de la restauration du travail. »

Charles Péguy, Notre Jeunesse

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Leurs faciles, leurs superficielles polémiques

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« Et parce que nous avons mis non pas comme ces ouvriers des semaines et des mois mais quinze années de misère au service de la République, pour nous récompenser les politiques, les politiciens républicains nous interdiraient volontiers d’être chrétiens. Ainsi la République serait le régime de la liberté de conscience pour tout le monde, excepté précisément pour nous, précisément pour nous récompenser de ce que nous l’avons quinze ans défendue, de ce que nous la défendons, de ce que nous la défendrons encore. Pour nous récompenser d’avoir mis quinze ans de misère au service de la République, d’avoir défendu, d’avoir sauvé un régime qui est le régime de la liberté de conscience, on accorderait la liberté de conscience à tout le monde, excepté seulement à nous. Nous nous passerons de la permission de ces messieurs. Nous ne vivons pas, nous ne nous mouvons pas sur le même plan qu’eux. Leurs débats ne sont pas les nôtres. Les douloureux débats que nous avons, que nous soutenons parfois n’ont rien de commun avec leurs faciles, avec leurs superficielles polémiques. »

Charles Péguy, Notre Jeunesse

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22/09/2013

Comme Satan, "Allah aime ceux qui vont jusqu’à tuer pour sa cause."

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« En théologie chrétienne, ce n'est pas Dieu qui est cause du mal (Sagesse 11.24 ; Marc 3.24 ; Romains 5.12), mais Lucifer (Sagesse 2.24 ; voir Ephésiens-5), qui, de bon que Dieu l'avait créé, s'est lui-même rendu mauvais, "car il est menteur et le père du mensonge" (Jean 8.44). Comme Satan, "Allah aime ceux qui vont jusqu’à tuer pour sa cause." ( Coran 61.4) et exige : "Quand vous rencontrerez les infidèles, tuez-les jusqu'à en faire un grand carnage" (Coran 47.4) ; "Combattez-les. Dieu, par vos mains, les châtiera et les couvrira d'ignominie." (Coran 9.14). Allah assume la responsabilité des tueries faites en son nom (Coran 8.17). En islam, la violence est constitutive de la révélation d'Allah, la violence est divine ! Elle s'incarne en quelque sorte dans les "croyants" afin de manifester la colère d'Allah, sa puissance et sa volonté. Il n'y a donc pas à s'étonner que le Coran fasse mention d'Alexandre le Grand (appelé Dhul-Qarnayn, 18:83,86,94) : ses célèbres victoires militaires témoignent qu'il était un homme d'Allah ! Puisque c'est Allah qui crée le mal, un bon musulman pourrait-il faire autrement que faire lui-aussi le mal ? Que tous ceux qui, pour plaire à Allah, s'imaginent devoir faire le mal, se posent cette question : que feraient-ils de différent s'ils voulaient plaire à Satan ?" »

Guy Pagès, Interroger l'Islam

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Nomadisme

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« Les internautes naviguent dans les corridors virtuels du cyberworld, des hordes en rollers transhument dans les couloirs de bus. Des millions de têtes sont traversées par les particules ondulatoires des SMS. Des tribus de vacanciers pareils aux gnous d’Afrique migrent sur les autoroutes vers le soleil, le nouveau dieu !
C’est en vogue : on court, on vaque, on se mondialise. On se troue de piercing pour avoir l’air tribal. Un touriste s’envoie dans l’espace pour vingt millions de dollars. "Bougez-vous !" hurle la pub. "A fond la forme !". On se connecte, on est joignable en permanence. On s’appelle pour faire un jogging. L’Etat étend le réseau de routes : la pieuvre de goudron gagne. Le ciel devient petit : il y a des collision d’avions. Pendant que les TGV fusent, les paysans disparaissent. "Tout fout le camp", disent les vieux qui ne comprennent rien. En fait, rien ne fout le camp, ce sont les gens qui ne tiennent plus en place. Mais ce nomadisme-là n’est qu’une danse de Saint-Guy. »

Sylvain Tesson, Petit traité de l’immensité du monde

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21/09/2013

C'est que l'ordre est une bonne chose et nous en avons beaucoup manqué

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« On parle beaucoup d'ordre, en ce moment. C'est que l'ordre est une bonne chose et nous en avons beaucoup manqué. A vrai dire, les hommes de notre génération ne l'ont jamais connu et ils en ont une sorte de nostalgie qui leur ferait faire beaucoup d'imprudences s'ils n'avaient pas en même temps la certitude que l'ordre doit se confon-dre avec la vérité. Cela les rend un peu méfiants, et délicats, sur les échantillons d'ordre qu'on leur propose.

Car l'ordre est aussi une notion obscure. Il en est de plusieurs sortes. Il y a celui qui continue de régner à Varsovie, il y a celui qui cache le désordre et celui, cher à Goethe, qui s'oppose à la justice. Il y a encore cet ordre supérieur des cœurs et des consciences qui s'appelle l'amour et cet ordre sanglant, où l'homme se nie lui-même, et qui prend ses pouvoirs dans la haine. Nous voudrions bien dans tout cela distinguer le bon ordre.

De toute évidence, celui dont on parle aujourd'hui est l'ordre so-cial. Mais l'ordre social, est-ce seulement la tranquillité des rues ? Cela n'est pas sûr. Car enfin, nous avons tous eu l'impression, pendant ces déchirantes journées d'août, que l'ordre commençait justement avec les premiers coups de feu de l'insurrection. Sous leur visage désordonné, les révolutions portent avec elles un principe d'ordre. Ce principe régnera si la révolution est totale. Mais lorsqu'elles avortent, ou s'arrêtent en chemin, c'est un grand désordre monotone qui s'ins-taure pour beaucoup d'années.

L'ordre, est-ce du moins l'unité du gouvernement ? Il est certain qu'on ne saurait s'en passer. Mais le Reich allemand avait réalisé cette unité dont nous ne pouvons pas dire pourtant qu'elle ait donné à l'Al-lemagne son ordre véritable.

Peut-être la simple considération de la conduite individuelle nous aiderait-elle. Quand dit-on qu'un homme a mis sa vie en ordre ? Il faut pour cela qu'il se soit mis d'accord avec elle et qu'il ait conformé sa conduite à ce qu'il croit vrai. L'insurgé qui, dans le désordre de la pas-sion, meurt pour une idée qu'il a faite sienne, est en réalité un homme d'ordre parce qu'il a ordonné toute sa conduite à un principe qui lui parait évident. Mais on ne pourra jamais nous faire considérer comme un homme d'ordre ce privilégié qui fait ses trois repas par jour pendant toute une vie, qui a sa fortune en valeurs sûres, mais qui rentre chez lui quand il y a du bruit dans la rue. Il est seulement un homme de peur et d'épargne. Et si l'ordre français devait être celui de la prudence et de la sécheresse de cœur, nous serions tentés d'y voir le pire désordre, puisque, par indifférence, il autoriserait toutes les injustices.

De tout cela, nous pouvons tirer qu'il n'y a pas d'ordre sans équilibre et sans accord. Pour l'ordre social, ce sera un équilibre entre le gouvernement et ses gouvernés. Et cet accord doit se faire au nom d'un principe supérieur. Ce principe, pour nous, est la justice. Il n'y a pas d'ordre sans justice et l'ordre idéal des peuples réside dans leur bonheur.

Le résultat, c'est qu’on ne peut invoquer la nécessité de l'ordre pour imposer des volontés. Car on prend ainsi le problème à l'envers. Il ne faut pas seulement exiger l'ordre pour bien gouverner, il faut bien gouverner pour réaliser le seul ordre qui ait du sens. Ce n'est pas l'or-dre qui renforce la justice, c’est la justice qui donne sa certitude à l'ordre.

Personne autant que nous ne peut désirer cet ordre supérieur où, dans une nation en paix avec elle-même et avec son destin, chacun aura sa part de travail et de loisirs, où l'ouvrier pourra œuvrer sans amertume et sans envie, où l'artiste pourra créer sans être tourmenté par le malheur de l'homme, où chaque être enfin pourra réfléchir, dans le silence du cœur, à sa propre condition.

Nous n'avons aucun goût pervers pour ce monde de violence et de bruit, où le meilleur de nous-mêmes s'épuise dans une lutte désespérée. Mais puisque la partie est engagée, nous croyons qu'il faut la mener à son terme. Nous croyons ainsi qu'il est un ordre dont nous ne voulons pas parce qu'il consacrerait notre démission et la fin de l'espoir humain. C'est pourquoi, si profondément décidés que nous soyons à aider à la fondation d'un ordre enfin juste, il faut savoir aussi que nous sommes déterminés à rejeter pour toujours la célèbre phrase d'un faux grand homme et à déclarer que nous préférerons éternellement le désordre à l'injustice. »

Albert Camus, (Combat, 12 octobre 1944), repris dans "Morale et Politique III", in "Actuelles I - Ecrits Politiques (Chroniques 1944/1948)"

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Il n'y aura plus de temps...

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« Dans ces instants rapides comme l’éclair, le sentiment de la vie et la conscience se décuplaient pour ainsi dire en lui. Son esprit et son cœur s’illuminaient d’une clarté intense ; toutes ses émotions, tous ses doutes, toutes ses inquiétudes se calmaient à la fois pour se convertir en une souveraine sérénité, faite de joie lumineuse, d’harmonie et d’espérance, à la faveur de laquelle sa raison se haussait jusqu’à la compréhension des causes finales...
Ces instants, pour les définir d’un mot, se caractérisaient par une fulguration de la conscience, et par une suprême exaltation de l’émotion subjective.
À cette seconde – avait-il déclaré un jour à Rogojine quand ils se voyaient à Moscou – j’ai entrevu le sens de cette singulière expression : il n’y aura plus de temps. »

Fiodor Dostoïevski, L'Idiot

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La relation au monde sera privatisée

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« La relation au monde sera privatisée, l’homme numérique gagnera sur les programmes : il verra ce qu’il veut, il fera ce qu’il veut de ce qu’il voit. Et puis, au train où va l’intelligence, la critique des médias ravira au sens commun le statut de chose au monde la mieux partagée : aucun événement n’échappant au soupçon, aucune nouvelle imprévue ne viendra plus déranger personne. Trop médiologue pour se laisser avoir, trop clairvoyant pour en croire ses yeux, le cybernaute incrédule ne reconnaîtra que les faits qui conviennent à sa croyance. La pensée sera à l’abri du donné, et alors même que tous les parcours seront possibles et toutes les options autorisées dans l’univers fluide de l’image et du texte électroniques, toutes les idées découleront de prémisses irréfutables. Chacun aura sa lubie ou son hobby, les individus se regrouperont par marottes, et, superbe paradoxe médiologique, c’est à l’époque de la communication planétaire que l’entrecroisement de logiques rigoureusement étanches remplacera le dialogue entre les hommes. »

Alain Finkielkraut, Une Voix vient de l’autre rive

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20/09/2013

Les propagandistes de la nouvelle foi

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« La chasse est ouverte. Pour les scouts de la bonne pensée, pour le petit peuple des commentateurs, biographes, universitaires, journalistes d’investigation et fabricants de thèses, c’est devenu une occupation à temps complet. Ces gens désapprouvent la chasse réelle, mais ils raffolent du gibier symbolique. Tout homme illustre, entre leurs mains, peut devenir une bête aux abois. Le nouveau monde vertueux des louveteaux de la Vigilance a en horreur les écarts de conduite des individus d’exception. Ils les dénoncent en chaire. Ils les stigmatisent. Ce sont les propagandistes de la nouvelle foi. Mouchardage et cafardage sont leurs deux mamelles. »

Philippe Muray, Exorcismes spirituels I

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Et pendant cinq à dix minutes, chaque dimanche, je croyais en Dieu...

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« Je me revois surtout, bien des dimanches, assister à la messe, et cela pendant longtemps, dix ans, vingt ans peut-être, dans tous les domiciles parisiens où le hasard m’a conduit. Au milieu des assistances BCBG, voire carrément nobles du VIIe arrondissement ; au milieu des assistances presque exclusivement africaines du XXe ; avec tous ces gens, j’ai échangé un signe de paix au moment, prévu à cet effet, de la célébration. Et j’ai prié, enfin prié ? à quoi ou à qui pouvais-je penser je ne sais pas, mais j’ai essayé de me comporter de manière appropriée "au moment d’offrir le sacrifice de toute l’Eglise". Comme j’ai aimé, profondément aimé, ce magnifique rituel, perfectionné pendant des siècles, de la messe ! "Seigneur, je ne suis pas digne de te recevoir, mais dis seulement une parole, et je serai guéri." Oh oui, ces paroles entraient en moi, je les recevais directement, en plein cœur. Et pendant cinq à dix minutes, chaque dimanche, je croyais en Dieu ; et puis je ressortais de l’église, et tout s’évanouissait, très vite, en quelques minutes de marche dans les rues parisiennes. »

Michel Houellebecq à Bernard-Henri Lévy in Ennemis publics

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Tout ce qui nous est parvenu des fêtes de Phébus et de Pan se retrouve dans les fêtes de l’Église chrétienne

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« Il y a une seule chose dans le monde moderne qui se soit trouvée face à face avec le paganisme, il y a une seule chose dans le monde moderne qui ait, en ce sens, du paganisme une connaissance directe, c’est le christianisme. Ce fait est le point faible de tout ce néo-paganisme hédoniste dont j’ai parlé. Tout ce qui nous reste authentiquement des anciens hymnes ou des anciennes danses de l’Europe, tout ce qui nous est parvenu honnêtement des fêtes de Phébus et de Pan se retrouve dans les fêtes de l’Église chrétienne. Quiconque veut tenir l’extrémité de la chaîne qui remonte réellement aux mystères païens doit saisir une guirlande de fleurs à Pâques ou un chapelet de saucisses à Noël. Pour le reste, tout dans le monde moderne est d’origine chrétienne, tout, même ce qui nous paraît le plus antichrétien. La Révolution française est d’origine chrétienne. Le journal est d’origine chrétienne. Les anarchistes sont d’origine chrétienne. La science physique est d’origine chrétienne. Les attaques contre le christianisme sont d’origine chrétienne. Il y a une seule chose, une seule existant de nos jours, dont on puisse dire en toute vérité qu’elle est d’origine païenne, et c’est le christianisme. »

Gilbert Keith Chesterton, Hérétiques

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Un monde sans contours, un monde sans relief

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« (La famille)c’est un roman parce que c’est un coup de dés. C’est un roman parce qu’il mérite toutes les critiques de ses détracteurs. C’est un roman parce qu’il est arbitraire. C’est un roman parce qu’il existe bel et bien. Tant que vous avez des hommes choisis rationnellement, vous avez une atmosphère spéciale ou sectaire. C’est quand vous avez des hommes choisis irrationnellement que vous avec des hommes (...) Etre né sur terre, c’est être né dans un milieu peu agréable. Etre né sur terre, c’est être né dans un milieu peu agréable, et dés lors être né dans un roman. De toutes ces grandes limitations et de tous ces cadres qui façonnent et créent la poésie et la variété de la vie, la famille est la plus définie et la plus importante. C’est pourquoi elle est incomprise des modernes qui s’imaginent que le roman toucherait à sa perfection dans un état absolu de ce qu’ils appellent liberté. Ils croient que si un homme faisait un geste, ce serait un geste inouï et romanesque que le soleil tombe du ciel. Mais ce qui est inouï et romanesque au sujet du soleil c’est qu’il ne tombe pas du ciel. Ils cherchent sous toutes les formes un monde où il n’y aurait pas de limitation, c’est-à-dire un monde sans contours, un monde sans relief. Il n’y a rien de plus abjecte que cette infinité. »

Gilbert Keith Chesterton, Hérétiques

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19/09/2013

Notre voisin...

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« Nous nous faisons des amis ; nous nous faisons des ennemis ; mais c’est Dieu qui nous fait un voisin. Ainsi celui-ci nous arrive-t-il revêtu de toutes les terreurs impassibles de la nature ; il est aussi étrange que les étoiles, aussi indolent et indifférent que la pluie. Il est l’Homme, la plus terrible des bêtes. C’est pourquoi les anciennes religions, et l’ancien langage de l’Ecriture faisaient preuve d’une sagesse si clairvoyante quand ils parlaient, non pas de notre devoir envers l’humanité, mais de notre devoir envers notre prochain. Le devoir envers l’humanité peut souvent prendre la forme d’un choix personnel ou même agréable. Ce devoir peut être un passe-temps, et même une distraction (…) Nous pouvons lutter pour la paix internationale parce que nous sommes des fanatiques de la lutte. Le martyre le plus monstrueux, l’expérience la plus repoussante peuvent résulter d’un choix ou d’une espèce de goût (…) Nous pouvons aimer les nègres parce qu’ils sont noirs ou les socialistes allemands parce qu’ils sont pédants. Mais nous devons aimer notre voisin parce qu’il est là. »

Gilbert Keith Chesterton, Hérétiques

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L’individu typiquement moderne

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« Si nous étions demain matin bloqués par la neige dans la rue où nous habitons, nous accèderions soudain à un monde beaucoup plus vaste et beaucoup plus extravagant que celui que nous avons jamais connu. Tout l’effort de l’individu typiquement moderne consiste à s’échapper de la rue dans laquelle il vit. D’abord, il invente l’hygiène moderne et se rend à Margate. Ensuite, il invente la culture moderne et se rend à Florence. Puis il invente l’impérialisme moderne et part à Tombouctou. Il va jusqu’aux confins fantastiques de la terre. Il prétend chasser le tigre. Pour un peu, il se déplacerait à dos de chameau. Mais dans l’ensemble, il ne fait que fuir la rue où il est né, et il est toujours prêt à justifier cette fuite à sa manière. Il dit qu’il fuit sa rue parce qu’elle est triste : il ment. En réalité, il la fuit parce qu’elle est beaucoup trop passionnante. Elle est passionnante parce qu’elle est astreignante, et elle est astreignante parce qu’elle vit. Il peut visiter Venise parce que pour lui les Vénitiens ne sont que des Vénitiens, alors que les habitants de sa propre rue sont des hommes. »

Gilbert Keith Chesterton, Hérétiques

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Mettre un homme à l’aise, c’est le rendre le contraire de sociable

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« Quand Londres était plus petit et que ses quartiers étaient plus indépendants et attachés à une paroisse, le club était ce qu’il est encore dans les villages, le contraire de ce qu’il est devenu dans les grande villes. On appréciait alors le club comme un endroit où l’homme pouvait faire preuve de socialité. A mesure que notre civilisation s’étend et devient complexe, le club cesse d’être un endroit où un homme peut avoir une discussion bruyante, pour se transformer de plus en plus en un endroit où un homme peut, comme on le dit s’une manière assez extraordinaire, "manger un morceau en toute tranquillité". Son but est de mettre un homme à l’aise, et mettre un homme à l’aise, c’est le rendre le contraire de sociable. La sociabilité, comme le reste des bonnes choses, est pleine de désagréments, de dangers, et de sacrifices. Le club est propice à la plus décadente des combinaisons : l’anachorète voluptueux, l’homme chez qui se mêlent le sybaritisme de Lucullus et la solitude démente de Saint Siméon Stylite. »

Gilbert Keith Chesterton, Hérétiques

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18/09/2013

Leur étroitesse d’esprit est l’étroitesse d’une cohérence et d’une satisfaction spirituelle, comme il en existe en enfer

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« Dans toutes les sociétés humaines étendues et hautement civilisées se créent des groupes fondés sur ce qu’on appelle la sympathie, qui excluent plus brusquement le monde réel que les grilles d’un monastère. Il n’y a rien de véritablement étroit dans le clan ; ce qui est vraiment étroit c’est la clique. Les hommes d’un même clan vivent ensemble parce qu’ils portent le même kilt ou descendent de la même vache sacrée ; mais dans leurs âmes, en vertu du hasard divin des choses, il y aura toujours plus de couleurs que dans n’importe quel tissu écossais. Alors que les hommes d’une même clique vivent ensemble parce qu’ils ont le même genre d’âme, et leur étroitesse d’esprit est l’étroitesse d’une cohérence et d’une satisfaction spirituelle, comme il en existe en enfer. Une grande société existe afin de former des cliques. Une grande société est une société où l’on favorise l’étroitesse. C’est un mécanisme dont le but est de prémunir l’individu solitaire et sensible contre l’expérience des transactions amères et fortifiantes de l’humanité. C’est, au sens le plus littéral, une société pour la prévention de la connaissance chrétienne de l’humanité. »

Gilbert Keith Chesterton, Hérétiques

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Nous n'en faisions aucun cas

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« Objet de mépris, abandonné des hommes, homme de douleur, familier de la souffrance, comme quelqu'un devant qui on se voile la face, méprisé, nous n'en faisions aucun cas. Or ce sont nos souffrances qu'il portait et nos douleurs dont il était chargé. Et nous, nous le considérions comme puni, frappé par Dieu et humilié. Mais lui, il a été transpercé à cause de nos crimes, écrasé à cause de nos fautes. Le châtiment qui nous rend la paix est sur lui, et dans ses blessures nous trouvons la guérison. »

Sainte Bible, Isaïe 53,3-5

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"Dieu est mort", sa résurrection dépend de notre fidélité

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« Si Dieu semble avoir abandonné l'homme, si les apparences nous crient que "Dieu est mort", sa résurrection dépend de notre fidélité. A travers l'épaisseur du monde conquis par l'homme sur Dieu, j'entends l'appel silencieux, plus déchirant que tous les cris, du Père exilé de sa création : mon Fils, mon Fils pourquoi m'as-tu abandonné ? »

Gustave Thibon, Aux Ailes de la lettre, pensées inédites 1932-1982

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Les femmes sont étrangement simples, transparentes, pénétrables

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« Les femmes sont complexes... Mais non ! Elles sont étrangement simples, transparentes, pénétrables. Nos bras, en se refermant sur elles, les contiennent toutes, un baiser leur va jusqu'à l'âme. C'est nous qui compliquons les choses avec elles, et nous appelons cela leur complexité. La soi-disant complexité des femmes réside uniquement dans l'impuissance des hommes à saisir leur simplicité. »

Gustave Thibon, Ce que Dieu a uni

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17/09/2013

Le génie français est un génie facile, aisé, c’est un génie aristocratique

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« J’ai écrit, raconté très souvent les raisons qui m’ont poussé à tourner La Grande Illusion. Je voudrais ne pas me répéter, ces raisons évidemment étaient nombreuses. Il y en a une dont je n’ai peut-être jamais parlé, c’était mon désir de présenter des officiers français tels que je les avais connus lorsque j’étais dans l’armée avant et pendant 1914. Le style militaire a changé, beaucoup plus qu’on ne le croit. La façon dont un soldat, un officier se présente de nos jours n’a absolument aucun rapport avec la façon dont ce même soldat ou ce même officier se serait présenté il y a une trentaine d’années. D’ailleurs pas du tout dans le sens que l’on croit. Les gens se figurent que la tenue était plus rigoureuse, plus raide autrefois, mais c’était absolument le contraire. Il y a une espèce d’aisance qui, me semble-t-il, a disparu. Le mot, la phrase du règlement militaire sur laquelle les instructeurs militaires insistaient le plus, ce sont les mots "sans affection ni raideur". On le voit par exemple dans la façon dont on présente les armes. Qu’est-ce que ça signifie : "Présentez, armes !" ? Eh bien, ça veut dire qu’on présente son fusil ou sa carabine à un officier ou à un supérieur pour qu’il puisse voir s’il y a de la poussière dedans. Et s’il y a de la poussière, il vous flanque huit jours de prison. Voilà exactement ce que ça signifie, "Présentez, armes !" Et c’est devenu une espèce de symbole raidi et à mon avis ça n’a pas de sens. Ça correspond probablement à des idées extrêmement profondes, mais à mon avis celles-ci ne correspondent pas au génie français. Le génie français est un génie facile, aisé, c’est un génie aristocratique. Or cette nouvelle façon raide de se tenir, à mon avis, est plus plébéienne qu’aristocratique. »

Jean Renoir, Entretiens et propos

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L'attitude humanitaire est donc nécessairement le fait d'un hypocrite

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« Parce que Kipling s'identifie à la classe des officiels, il possède une chose qui fait presque toujours défaut aux esprits "éclairés" - et c'est le sens de la responsabilité. Les bourgeois de gauche le détestent presque autant pour cela que pour sa cruauté et sa vulgarité. Tous les partis de gauche dans les pays industrialisés reposent fondamentalement sur une hypocrisie, car ils affichent de combattre quelque chose dont, en profondeur, ils ne souhaitent pas la destruction. Ils ont des objectifs internationalistes, et en même temps ils sont bien décidés à maintenir un niveau de vie qui est incompatible avec ces objectifs. Nous vivons tous de l'exploitation des coolies asiatiques, et ceux d'entre nous qui sont "éclairés" soutiennent que ces coolies devraient être libérés ; mais notre niveau de vie et donc aussi notre capacité de développer des opinions "éclairées" exigent que le pillage continue. L'attitude humanitaire est donc nécessairement le fait d'un hypocrite, et c'est parce qu'il comprenait cette vérité que Kipling possédait ce pouvoir unique de créer des expressions qui frappent.

Il serait difficile de river le clou au pacifisme niais des Anglais en moins de mots que dans la phrase : "Vous vous moquez des uniformes qui veillent sur votre sommeil !" Kipling, il est vrai, ne comprenait pas les aspects économiques des relations entre l'élite intellectuelle et les vieilles culottes de peau ; il ne voyait pas que si le planisphère est peint en rose, c'est essentiellement afin de pouvoir exploiter le coolie. Au lieu de considérer le coolie, il ne voyait que le fonctionnaire du gouvernement indien, mais même sur ce plan là, il saisissait exactement le mécanisme des relations : qui protège qui. Il percevait clairement que, si certains peuvent être hautement civilisés, c'est seulement parce que d'autres, qui sont inévitablement moins civilisés, sont là pour les défendre et les nourrir. »

Georges Orwell, "Rudyard Kipling - Essai", in Œuvres complètes

 

Amis anglophones, voyez : ICI

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Le gouvernement légal

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Lors de la victoire aux élections Législatives du Cartel des Gauches, en 1924, le Maréchal Hubert Lyautey fut tenté par le coup d'état. Ce témoignage montre que sa visite à ses pairs afin de recevoir leur soutien moral pour l'action qu'il envisageait ne trouva pas l'approbation du... Maréchal Pétain qui, glacial, ne se réclamait que du pays légal.

Intéressant quant à la psychologie de celui qui allait collaborer pleinement avec l'occupant allemand seize ans plus tard en recevant les pleins pouvoirs par 569 parlementaires républicains, 80 ayant voté contre !

Car Pétain s'est toujours appuyé sur la légalité alors que la résistance s'est, d'entrée, retrouvée hors-la-loi et vue qualifiée de "terroriste".

« Dès l’avènement au pouvoir, en 1924, du Cartel des gauches, le maréchal Lyautey fut convaincu que le sort de son pays allait se jouer dans un avenir prochain et que l’heure était venue de changer la politique de la France. Cette conviction était non seulement partagée par son entourage, mais se traduisait dans de nombreuses lettres arrivant de France, notamment des milieux militaires, faisant appel au patriotisme du "gouverneur" et à son prestige pour tenter de redresser la situation par des moyens qui restaient à déterminer.

Emu par tous ces appels, le maréchal Lyautey mit à profit sa cure habituelle à Vichy pour venir prendre contact avec ses pairs. Bien décidé à agir, mais cependant ne voulant rien entreprendre sans avoir au préalable l’approbation et l’appui des grands chefs de l’armée. Dès son arrivée en France, sa première visite fut pour le maréchal Foch qu’il mit au courant de ses intentions. Non seulement celui-ci l’approuva, mais lui offrit son concours le plus complet. Lyautey répondit : "Je ne vous demande que votre approbation et le soutien de vos amis, car je puis échouer et il importe que votre prestige reste intact. Vous n’êtes pas seulement maréchal de France interallié. Vous êtes pour le pays une force en réserve dont je n’ai pas le droit d’user."
Le maréchal Foch s’inclina et promit son plus absolu concours dans le domaine où on le cantonnait.

La seconde visite fut pour le maréchal Franchet d’Esperey qui, adoptant immédiatement les idées de son interlocuteur, entendait jouer un rôle actif, dût-il être secondaire. Le maréchal Lyautey eut toutes les peines du monde à contraindre le maréchal Franchet d’Esperey à n’apporter qu’un appui moral, toujours pour ne pas compromettre les grands chefs de l’armée en cas d’échec.

La troisième visite fut pour le maréchal Fayolle qui, non seulement approuva les initiatives envisagées, mais assura son interlocuteur d’une sympathie qu’il ne pourrait mieux traduire qu’en intervenant auprès de ses amis dans le sens demandé.

La quatrième et dernière visite fut pour le maréchal Pétain. A l’exposé du "gouverneur", le vainqueur de Verdun opposa le mutisme le plus complet. Devant cette attitude, le maréchal Lyautey reprit toute son argumentation avec une énergie croissante mais le visage de son interlocuteur restait marmoréen. Vous me désapprouvez, trancha tout à coup le visiteur qui commençait à s’agacer de cette attitude. Parfaitement, répliqua le maréchal Pétain, rompant le silence pour la première fois. Dans une atmosphère de plus en plus tendue, le dialogue, enfin engagé, se poursuit : "Si demain je tentais de renverser le gouvernement avec l’approbation de l’armée et que Herriot fasse appel à vous, que faites-vous ?
- J’apporte mon concours à Herriot qui représente le gouvernement légal." »

Raymond Tournoux, Pétain et la France

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* Ce témoignage est extrait de la revue Histoire de notre temps (n°1. Plon). Il émane de M. Pierre Serment, membre de l’Académie des sciences, belles-lettres et arts de Rouen.

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16/09/2013

Le Principe...

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« Ces ouvriers ne servaient pas. Ils travaillaient. Ils avaient un honneur, absolu, comme c’est le propre d’un honneur. Il fallait qu’un bâton de chaise fût bien fait. C’était entendu. C’était un primat. Il ne fallait pas qu’il fût bien fait pour le salaire ou moyennant salaire. Il ne fallait pas qu’il fût bien fait pour le patron ni pour les connaisseurs ni pour les clients du patron. Il fallait qu’il fût bien fait lui-même, en lui-même, pour lui-même, dans son être-même. Une tradition, venue, montée du profond de la race, une histoire, un absolu, un honneur voulait que ce bâton de chaise fût bien fait. Toute partie, dans la chaise, qui ne se voyait pas, était exactement aussi parfaitement faite que ce qu’on voyait. C’est le principe même des cathédrales. »

Charles Péguy, L'Argent

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L’assouvissement des convoitises les plus malsaines et les plus déréglées

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« C’est notamment aux sommets de la société bourgeoise que l’assouvissement des convoitises les plus malsaines et les plus déréglées se déchaînait et entrait à chaque instant en conflit avec les lois bourgeoises elle-mêmes, car c’est là où la jouissance devient crapuleuse, là où l’or, la boue et le sang s’entremêlent, que tout naturellement la richesse provenant du jeu cherche sa satisfaction. L’aristocratie financière, dans son mode de gain comme dans ses jouissances, n’est pas autre chose que la résurrection du lumpen prolétariat dans les sommets de la société bourgeoise. »

Karl Marx, Les luttes des classes en France

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