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24/12/2022

Très petit et très grand...

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« L'homme est très petit et très grand. Il est grand du côté de Dieu et de sa destinée, par où il s'ignore et se méprise. Il est petit du côté de lui-même, dans son rôle factice et sa gloire empruntée. Et c'est là qu'il se gobe. Tel ce fou qui avait élu domicile dans le chenil de son propre château. »

Charles Wagner, L'ami - Dialogues intérieurs

 

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13/12/2022

Michel Maffesoli : "La force de l’imaginaire contre les bien-pensants"

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Un nouveau prophète

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« La joie vraie est une grande libératrice, un filtre merveilleux où toute souillure s'élimine. Mais son secret nous est voilé, autant que les énigmes de l'univers. Et nos coeurs sont pareils aux harpes muettes.

Il nous faudrait un Prophète de la vraie Joie. Je me le représente vieux, avec les balafres de la vie sur la figure, ayant passé par de rudes combats, et laissé un peu partout des lambeaux de son coeur aux épines de la route. Sa joie ne serait pas celle du matin de l'existence, pure et brillante, pour n'avoir pas connu encore les atteintes des orages. Ce serait une sérénité intérieure éprouvée au creuset, quelque chose comme l'or des beaux soirs, après la chaleur du jour. Son sourire ne pourrait pas être interprété comme celui des satisfaits, remerciment à la chance libérale qui leur a jeté en passant l'obole du privilège. Ce serait un signe de victoire de l'Esprit sur tous les pouvoirs oppresseurs. Un tel homme serait réconfortant, encourageant, bienfaisant pour tous. Il ranimerait dans chacun le pauvre lumignon de joie qui fume encore. De la plus tourmentée des destinées, de celles qui nous apparaissent comme des rébus impossibles, il ferait sortir un sens lumineux ; Il enseignerait à la jeunesse la joie virile, la joie des vaillants et braves coeurs, dégagés des peurs viles et des basses jouissances. Il leur donnerait son élan, son nerf, son indomptable énergie et sa douce foi d'enfant. Et nous entendrions sous ses doigts l'âme humaine vibrer de cordes inconnues, de cordes d'or et de cristal, où chante l'amour sans fond et l'espérance sans limites. »

Charles Wagner, L'ami - Dialogues intérieurs

 

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12/12/2022

Les mamans

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« — Nos grandes filles discutent avec nous à perte de vue. Les choses ne se passaient pas ainsi de notre temps. Nous respections nos parents.
Par quels moyens éviter ces pénibles rencontres d'opinions, ces échanges de paroles trop vives, regrettées ensuite ? La paix familiale en est troublée, les bons rapports altérés.

L'AMI. — Pour discuter, il faut être deux, au minimum. Une discussion commence lorsque la fille répond à la mère et formule un avis différent. La mère s'efforce de ramener la fille sur son terrain ; la fille défend ses positions... Dès lors il n'y aura pas de raison que cela finisse.

— On ne peut cependant pas laisser le dernier mot à une enfant inexpérimentée.

L'AMI. — Avoir le dernier mot est effectivement le désir passionné de la jeunesse. C'est de l'enfantillage. Il est mauvais d'y tenir. Donnons l'exemple ! Laissons-leur le dernier mot ! Mais que ce dernier mot soit au début de la discussion. Établissons nettement notre idée, qu'il n'y ait point de malentendu ! Cela fait : restons tranquilles ! Les paroles inutiles font toujours du mal.

— Alors les enfants triomphent.

L'AMI. — Non ; si nous restons fermes. Deux mots nets, appuyés par un esprit calme et une résolution sûre, valent mieux qu'un flot de paroles vives, précipitées, dont le sens premier, s'il fut équitable, s'altère et se ternit bientôt par la vivacité.

Vous parliez d'autrefois, de vos mères. Autrefois les parents étaient plus calmes et, par cela même, leur ascendant plus positif. Une résistance de la part des enfants pouvait les faire souffrir ; mais ils gardaient le sang-froid et ne descendaient pas sur le terrain des opposants. Leur méthode était préférable.

Il faut laisser les enfants manifester leurs idées, les écouter, méditer leurs objections, en tirer ce qui est juste ; mais non se mesurer avec eux en paroles : ils seraient les plus forts, étant les moins raisonnables.

La discussion cultive l' "obstination". Discuter, c'est s'exposer à prononcer des paroles où se lie notre faux amour-propre. Mieux vaut réfléchir sans parler : les pensées ont plus de chance de se rencontrer. »

Charles Wagner, L'ami - Dialogues intérieurs

 

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11/12/2022

Pères inquiets

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« — La jeunesse est trop hardie. Rien n'échappe à son esprit révolutionnaire. Mes grands fils disent à table des choses énormes. Ils tiennent couramment des propos subversifs qui font leur joie et me navrent. Que pourrai-je tenter pour les en empêcher ?

L'AMI. — Ces jeunes Seigneurs se trouvent dans le tempérament de leur âge. Toi, reste dans le tien ! Ils sont fougueux, sois sage et pondéré ! Pourquoi veux-tu les empêcher de parler ? Parce qu'ils disent de grosses bêtises, dangereuses pour la sécurité des familles et l'ordre établi ? Et d'abord, es-tu bien sûr que leurs idées soient toutes mauvaises ? La vérité aussi est choquante, et tu sais qu'elle est sou- vent sur les lèvres des enfants. Mais ne diraient-ils que des bêtises, celles qu'on dit sont infiniment moins dangereuses que celles qu'on pense et cache. Les empêcher de parler ? Veux- tu les faire mourir de confidence rentrée ?

Garde-toi bien de réprimer leur exubérance ! Qu'elle se donne, sous tes yeux, libre carrière. S'il éclate un pétard, ne pousse pas des cris d'orfraie ! Écoute et retiens ! Que ta sagesse se prépare à servir leur inexpérience, lorsque les feux d'artifice tirés, il viendra des heures de calme raison ! N'essaie pas de les réfuter séance tenante, quand l'ardeur les emporte et que le bruit de leurs paroles les grise ! Tu serais emporté comme un fétu dans le torrent. Prends patience ; tu passeras le torrent à gué, si tu sais observer l'instant propice. Il y a dans chaque jeune compagnon deux hommes. Un "frondeur" souvent d'apparence irrespectueuse, trouvant son plaisir à mettre en question ce qui est convenu, à contester l'autorité reconnue. Un "disciple" plein de déférence qui ne demande pas mieux que de suivre un maître. Le frondeur est gênant pour notre tranquillité ; mais il est nécessaire. Sa fonction consiste à empêcher les jeunes de devenir la chose des vieux. Le frondeur casse parfois les vitres ; mais ses méfaits profitent à la ventilation. Laissons le frondeur accomplir sa fonction ! Observons-le dans son répertoire, prêts à faire droit à ce qu'il apporte de juste ! C'est la meilleure façon de lutter contre ce qui est faux et insalubre. Que ce frondeur ait pleine liberté de déballer son arsenal, de l'exposer au grand jour, à la bonne lumière où tout prend sa forme vraie et sa place équitable ! Ainsi nous lui garderons sa confiance en nous, qu'il perdrait, rebuté, tyrannisé par notre autorité. Et notre façon cordiale de traiter le frondeur maintiendra toute sa bonne volonté au disciple, allié précieux dans la place, mais camarade fidèle du frondeur et toujours prêt à partager son exil et sa disgrâce. »

Charles Wagner, L'ami - Dialogues intérieurs

 

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10/12/2022

Vieillir

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« — N'est-il pas triste de vieillir ?

L'AMI. — Dis plutôt que c'est un art difficile et que peu de gens ont appris. Mais où sont ceux qui connaissent leur métier ? Les jeunes savent-ils être jeunes ? Les riches savent-ils être riches ? Savoir jouir de la santé est presque aussi rare que de savoir être malade. Chacun se mêle de faire le travail des autres et de leur donner des conseils.
Vieillir, c'est triste. Oui, si tu veux empêcher les années de s'écouler, les cheveux de blanchir, les yeux de se ternir, les rides de se creuser. Mais si de toutes ces manipulations auxquelles te soumet la vie, tu retires un peu de sagesse, de profit, de bonté, vieillir c'est se libérer, se grandir et se clarifier. Une des plus belles choses en ce monde, c'est un ancien que l'expérience a rendu meilleur, plus indulgent, plus clément, un ancien qui aime l'humanité malgré ses misères et adore la jeunesse, tout en se gardant bien de vouloir concourir avec elle.
Celui-là est comparable à ces vieux Stradivarius dont le son est devenu si doux que le prix s'en est centuplé. Il semble qu'ils ont une âme. »

Charles Wagner, L'ami - Dialogues intérieurs

 

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06/12/2022

Olivier Maulin : "Voici venu le temps des loups" (TVL)

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05/12/2022

Jeunes et vieux

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« L'AMI. — Pourquoi ce regard de compassion attristée, sur cette jeune et joyeuse compagnie ?

— Il me semble voir s'agiter de pauvres fous.

L'AMI. —- Explique-toi !

— Le monde est plein de misère et de calamités. Ici, on meurt de faim. Là, l'héroïsme et la liberté succombent sous le nombre. Ailleurs, on massacre, ou bien le sol vomit des flammes sur ses habitants. Les mauvaises passions sont déchaînées entre semblables, l'avenir est sombre. Ces jeunes gens qu'ont ils à espérer ? Les fils deviendront de la chair à canon, les filles de pauvres épouses maltraitées ; des mères élevant péniblement leurs enfants, avant l'âge fanées par les soucis et la douleur.
Où sont ceux qui dansaient et riaient ainsi, il y a vingt ans ? L'engrenage de la vie les a saisis, la joyeuse folie est envolée.
Par delà le mur du cimetière prochain, je vois des croix sur des tombes trop tôt ouvertes. Danseurs d'autrefois, de combien d'entre vous contiennent-elles les os ? Tout cela me rend triste à mourir. Tu ne sais pas ce que je souffre en les voyant là, insouciants, les yeux allumés, allant à la vie, pleins d'une confiance réservée aux pires désillusions.

L'AMI. — Je comprends. Ta douleur est vraie, j'en prends ma part ; mais après ? Qu'allons-nous leur proposer ? De prendre le deuil en prévision des calamités futures ? De se coucher pour attendre les balles des ennemis, l'éclosion des maladies dont le germe peut-être en secret les travaille ? Pourrions-nous du moins dire à chacun de ces jouvenceaux à quel sujet il doit consacrer ses larmes d'avenir ? A une mort prématurée ; à une vieillesse traînante, infirme, asseulée ? Et s'ils se chargeaient le coeur du pressentiment des malheurs réunis ? Si, d'avance, ils expiraient en esprit, victimes de toutes les épidémies, proies des microbes les plus contradictoires ; s'ils se voyaient dans leur carrière de demain, trahis, persécutés, lentement détruits par les peines de coeur ? Y verrais-tu pour eux quelque profit ? Les aurions-nous conviés à des tristesses fécondes ?

— Je sens la portée des remontrances, mais une douleur invincible m'étreint devant tant de joie insouciante, guettée par tant de pièges.

L'AMI. — Il y a des douleurs ennemies ; je crains que la tienne n'en soit. Elle ne peut faire que du mal à toi-même et aux autres. Aucun des malheurs lointains et imprévus qui te hantent, elle ne l'empêchera. Mais elle est puissante pour détruire la paix du moment présent. Se réjouir est bon. Ta tristesse est un témoignage de méfiance envers Dieu lui-même.
La fauvette qui réchauffe ses oeufs, nourrit ses petits, chante ses amours sur la branche frêle, malgré les dangers présents, les orages et les hivers futurs, est, plus que toi, dans le vrai.
Le cimetière est près d'ici ; nous le savons. Tôt ou tard, dans le monde visible, tout doit finir là. Mais est-ce donc une si terrible éventualité que de dormir un jour sous la garde de Dieu ? Je ne veux même pas parler des immensités lumineuses sur lesquelles s'ouvre ce trou noir qu'est la tombe. Les morts ne sont pas de ton avis. Ils sont doux au malheur ; cléments et indulgents à la jeunesse rieuse. Les troncs brisés étendus sous la mousse font partie de la forêt, et ceux qui dorment sont de coeur avec nous. Quand des voix claires et vibrantes célèbrent la vie, l'en- train, la joie, les morts chantent la basse, et c'est l'harmonie. N'aimes-tu pas les fleurs ?

— Elles font mes délices ; je leur attribue une âme. Elles disent avec une grâce naïve des choses grandes et inconnues. Ce sont les petites soeurs des étoiles et, comme leurs aînées, sur nos chemins sombres sèment des rayons divins.

L'AMI. — Mais où donc sont-elles plus adorables que sur les souches mousseuses des vieux chênes ou sur les murs croulants ? Connais-tu quelque chose de plus souriant que ce contraste : Sur la ruine vénérable, des essaims voltigeants de campanules et d'oeillets sauvages ? Laisse là ta mélancolie ! Elle t'inspire des pensées d'une qualité médiocre. Si ton coeur est semblable aux ruines écroulées, n'empêche pas le printemps d'y faire éclore ses fleurs ! Sois d'accord ! Fais mieux, si tu en es capable ! Convertis-toi à la joie ! Le fou, ici, c'est ton humeur noire. Bien moins fou serais-tu d'aller parmi ces enfants. C'est quelque chose qu'un ancien, aimant assez les jeunes pour redevenir enfant avec eux. Si ta gravité te laisse du loisir, il n'existe pas de meilleur moyen de les employer. Sous tes cheveux gris, avec les traces par la douleur imprimées à ton front, sourire à la jeunesse, se réjouir pour elle d'une heure de joie, voilà ce que j'appelle connaître son métier d'ancien. La vie est obscure, tu en portes les preuves. Raison de plus ; mettons de la lumière en son matin !
Aime-les bien, tous ces jeunes, et tant que tu le pourras, sois encourageant, réconfortant, rayonnant de la lumière intérieure !
La jeunesse a en elle une veine d'espérance que Dieu lui-même renouvelle à chaque génération. Prends garde de faire passer sur sa fleur gracieuse et fragile le souffle mauvais d'une sagesse déçue ! Rallume plutôt ta flamme à leur flamme ! Si tu sais sourire avec eux, ils sauront être sérieux avec toi, lorsque l'heure viendra de mettre, dans leur vin fougueux, un peu d'eau fraîche puisée à la source de ton expérience. »

Charles Wagner, L'ami - Dialogues intérieurs

 

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01/12/2022

Impressions de Pâques

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« Voici venir Pâques, fête du renouveau ! A ceux qui ont gardé un certain contact avec la tradition, serait-ce seulement par le souvenir pieux, une telle fête ramène des réflexions spéciales. Pour d'autres, à ce moment particulier de l'année, où dans nos climats s'annonce et s'accentue le réveil de la nature, des impressions analogues surgissent d'une source différente. A tous apparaît, sous une forme plus pressante, plus insinuante que d'habitude, la grave question dont dérivent toutes les autres, la question de la vie. Moi aussi je me laisse aller à la sollicitation intérieure. Plus d'un lecteur ami, l'ayant comme moi ressentie, nous nous rencontrerons peut-être en esprit. Qu'il soit touche par la grâce du printemps ou le souffle d'éternité symbolisé par la fête de Pâques, mon coeur est avant tout près de ceux qui souffrent et pleurent, dont l'espérance vacille ou s'est éteinte. La vie, pour beaucoup, est une grande ombre, une longue nuit. Ils y marchent, sans savoir d'où ils viennent ni où ils vont, frappés de coups dont ils ignorent le sens, saignant de blessures dont la cause leur échappe. Et tout ce qui les remet en face du fait de l'existence, excite au fond de leur âme une angoisse infinie. La vie, cauchemar que tout matin renouvelle, redevient plus poignante avec chaque printemps.

Que nous veulent ces bourgeons gonflés, ces boutons que la sève fait éclater, ces fleurs perçant, germant, s'ouvrant partout? Les chants se réveillent dans les bois, l'air se peuple d'un murmure ailé, les nids se bâtissent, les couvées se préparent. Tout cela, pourquoi ? N'est-ce pas le grand égarement qui recommence ? A quel autre but que la souffrance et la nuit aboutit ce colossal et vain effort d'être ? Qu'y a-t-il au fond de cet inconcevable devenir ? L'abeille retournant aux calices d'or,la fauvette glanant des brins d'herbe pour tresser la demeure de ses petits, amassent-elles autre chose que des preuves de l'irrémédiable néant ?
Oh, la vie ! La fleur et l'oiseau la possèdent sans la connaître. Si le matin leur sourit, ils ne prévoient point le soir. "Ils ne tissent ni ne filent", c'est déjà quelque chose ; mais ils ne pensent ni ne cherchent, ni ne doutent, ni ne s'inquiètent du but. Et Cela est leur paix, inconnue de l'homme. A lui le triste privilège des additions aboutissant à zéro, des bilans établissant le déficit. A lui la faculté terrible de sentir la destruction active jusque dans les germes.
Il a trébuché sur les tombes d'enfants, sur le gazon envahissant les sentiers jadis pleins de vie, sur la pierre froide recouvrant les lutteurs vaincus de la justice, de la tendresse, de la liberté. De la vie, il connaît surtout la grande peine de vivre.
A ceux que le printemps rend mélancoliques le message de Pâques est plus nécessaire encore qu'à d'autres. Il y a dans ce message de la joie ; mais non de celle que puisent, en un rayon de soleil, les créatures épanouies dans le bien-être et la santé. Cette joie prend sa source au creuset des douleurs.
b>* * *

Pâques, c'est l'oasis du désert, la rose issue du buisson d'épines. Pâques, c'est la vie triomphant de la mort.
La bête meurt et ne pense pas la mort. L'homme la pense, et arrive à la vivre, à force d'y entrer avec toutes ses facultés. Il la boit, la savoure, en épuise l'amertume, et finalement la consume. Car le Juste meurt, non plus contraint, mais le voulant. Par amour, il se donne, il se jette au gouffre et le comble. De sa mort, jaillit la lumière. Il est mort contre la mort. Conduisez-nous vers ce fait nouveau, nous qui pleurons sur le vieux désastre et la vieille fatalité !
Dans la douleur seulement, le sacrifice consenti et la mort transformée en action, apparaît la haute vie. Ailleurs sont les rudiments, ici la science profonde ; ailleurs les degrés lointains montant vers quelque sommet : ici est ce sommet.

* * *

"Je suis le chemin, la vérité, la vie." Cela équivaut à dire : je suis le chemin de la vraie vie. Souffrir, lutter, aimer, croire ; prendre sur soi la croix, le fardeau, le porter en espérant ; renoncer à soi, c'est-à-dire à la vie pour la vie, afin de s'offrir et de donner son fruit, voilà le secret viril et saint de la vraie vie.
Ici tout se transforme. A la place de la figure extérieure, transitoire, condamnée d'avance, irrémédiablement caduque et misérable, d'une existence qui nous, apparaît comme un effort impuissant pour durer et demeurer, nous çonquérons l'esprit qui fait vivre. Le vieux prophète déjà enfermait cette double expérience dans un seul cri : "Toute chair est comme du foin, et toute sa gloire comme la fleur de l'herbe ; mais la parole de Dieu demeure éternellement."

* * *

Combien est long et aride le sentier de ces hauteurs ! Mais il n'est plus solitaire. Quiconque a fait autre chose que de se çramponner à l'existence en attendant que malgré lui il en soit arraché, a laissé sur ce sentier le meilleur de lui-même, afin d'encourager les suivants. Pâques est le jour de tous sacrifiés semés comme la graine aux sillons de l'avenir. Il y a plus ici qu'un mort sorti d'une tombe, il y a une chaîne immense de vie conquise sur le néant, parce que donnée par amour. Toute la terre et toute l'histoire humaine tressaillent de vie purifiée, filtrée à travers la couche épaisse de mort, où rien d'impur ne saurait passer.
Si la vie caduque et sans lendemain nous étreint, arrêtons-nous là. La montée commence sous nos pas. Dechaqueétapo.dechaqueimpasse, un sentier possible mène vers l'issue favorable. L'esprit qui fait vivre forme avec toute situa- tion, la plus désespérée même, une combinaison capables de la clore par un résultat positif.

* * *

De vieilles superstitions fort explicables ont transformé la "Vie éternelle" en un simple fruit de l'incorrigible routine d'être là, qui voudrait se prolonger jusque par delà les étoiles. Comme on entrait à cheval au sanctuaire, jadis, si l'on était grand seigneur, on entrerait avec armes, bagages et titres, au banquet céleste où subsisteront les hiérarchies et la satisfaction invétérée de se sentir premier. On pourrait dire alors : "la séance continue". Ceux que la séance parfois écoeure ont cessé de penser qu'elle gagnerait à durer toujours. Mais ce ne sont pas des incrédules : ils ont orienté leur expérience vers des horizons moins bas.
Non, l'âpre soif de rester là, inspiratrice de toutes les bassesses et de toutes les cruautés humaines, ne saurait nous guider vers cette vie plus haute, dont le sens transparait à travers les meilleures clartés de celle-ci. Cette soif mène au désenchantement ; elle alourdit les ailes. Il nous faut apprendre à armer la vie, non pour elle-même, et comme on aime un fruit savoureux, mais comme une étoffe à employer. La croix du Calvaire, le jardin des Oliviers disent que la vie est le prix d'une science consistant à savoir mourir.
Si tu n'apprends pas à épeler les principes de cette science, tu seras condamné à vouloir fixer l'heure qui s'enfuit, arrêter le torrent qui se précipite. Tu subiras, le long des jours, ce supplice de te sentir tomber, sans pouvoir jamais saisir au passage la branche de salut convoitée par ta main. Tu embrasseras des fumées qui s'évanouissent, et malgré ta sagesse, ta prévoyante prudence, tu te tromperas dans tous tes calculs. Par crainte même de les toucher, tu conduiras ta barque contre tous les écueils que tu veux fuir.
Lève ton regard vers un autre idéal ! Ne te ménage pas, ne te retiens pas ; choisis le beau risque plutôt que le chemin honteux indiqué par la peur de perdre les biens ou le corps !
Ramasse-toi et donne-toi de tout coeur ! Tu connaîtras la joie, la liberté, et cesseras d'être le trembleur hanté par tous les pressentiments sinistres, pour emboîter le pas derrière ceux qui ont allégé leur bagage, afin de se mettre à l'aise en marchant allègrement sous la consigne: "Ne crains rien, crois seulement !"

A ceux-là appartient le monde et l'avenir.
Par l'esprit qui les anime, ils voient clair dans la nuit, ils ont chaud en plein froid, ils sont riches de ce qui ne peut ni s'acheter ni se vendre. Les vaincus de la justice, pour eux, sont les grands triomphateurs ; les morts qu'ils aiment sont vivants.
Si l'on pouvait faire ses Pâques dans cet esprit ! Comme les morts ressusciteraient, comme serait brisée la mâchoire de granit de ces tombes où nous retiennent l'inertie, la routine, le mensonge, l'amour de tout ce qui nous extermine, et ces vieilles formules elles-mêmes que les lèvres redisent, mais dont la flamme s'est éteinte au foyer des âmes ! Comme nos yeux fermés et aveugles s'ouvriraient pour voir ce qui donne la paix !

L'homme déclare la vie périssable, parce qu'il la saisit dans ce qu'elle a de vain. S'il connaissait le prix de l'heure qui fuit, la grandeur de l'oeuvre à faire, le diamant caché sous toute gangue humaine, l'usage à tirer de ce qu'il a reçu, il ferait jaillir l'étincelle divine des pierres du chemin !
Antiques souvenirs d'une foi toujours à renouveler, vieux et fragiles symboles d'un mystère consolateur, paroles d'espérance et de vie, secouez les suaires dont le temps vous enveloppe, surgissez de la cendre où vous couvez ! Notre misère a besoin de votre splendeur matinale. Vous nous rappelez ce qui jamais ne meurt. Soutenez-nous dans la marche vers le but lointain et sublime !
Et vous aussi, petites fleurs que chaque printemps fait éclore, soyez comme les messagères d'une nouvelle réconfortante ! Dites aux lutteurs abattus que l'issue sera bonne, que jamais ce ne sera fini d'aimer ! Soyez dans l'ombre, près de nous, les témoins des étoiles éternelles ! Portez dans les demeures et jusque dans les coeurs enténébrés, ce reflet de ciel bleu captif dans vos corolles ! »

Charles Wagner, L'ami - Dialogues intérieurs

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30/11/2022

Dernière heure

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« De ma dernière heure, il en sera comme Dieu voudra. Pourvu que la grâce me soit conservée, qui nous tient lieu de toute chose.

Et pourtant certaines morts sont belles et font envie. Pourquoi suis-je ému en lisant, parmi les "faits divers", le cas de ce pauvre camelot, mort en criant son journal !

L'AMI. — C'est parce qu'il est mort à son poste, en faisant son oeuvre. Il nous rappelle le coureur de Marathon, mourant en annonçant la victoire. Il rappelle cet héroïque ami, Herrmann Kruger, continuant à donner ses leçons d'hébreu, malgré le cancer qui lui dévorait la figure. Ceux-là meurent debout, et c'est bien ainsi qu'on aimerait mourir. Mais qu'importe !
N'ayant pas le choix, demandons seulement que la paix nous demeure, et acceptons le régime de grande misère, de faiblesse complète, avec l'es- prit commesoutien ! Au surplus, ne perdons pas, à penser à la mort, le temps réclamé par la vie! Les jours perdus sont un mauvais oreiller pour s'endormir.

J'aime à penser à ceux qui ont beaucoup et simplement souffert. Pauvre demoiselle J..., qui a souffert pendant vingt ans ! Quand ses amis allaient la voir, navrés, elle les réconfortait. Celle qui n'avait plus qu'un souffle remettait à leur aise les gens bien portants, troublés et déconcertés par ses longues souffrances. Ces exemples-là m'électrisent. Dans les faibles, l'Esprit est fort. »

Charles Wagner, L'ami - Dialogues intérieurs

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29/11/2022

L'enfant et la mort

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« L'AMI. — Ne craignons pas de parler de la mort à nos enfants, lorsqu'ils sont bien portants et que la question se pose pour ainsi dire d'elle-même, à l'occasion d'un deuil qui a intéressé leur attention. Mais habituons-les à y voir un retour dans le sein de Dieu, leur apprenant à connaître sa face libératrice plutôt que celle par où elle inspire aux hommes des sentiments d'esclave. C'est un bonheur que d'être, tout jeune, par l'amour clairvoyant des parents, habitué à ne pas considérer la mort comme une telle affaire. On lui a fait, sous sa forme de puissance destructive, une place absolument scandaleuse dans la pensée humaine, y compris la pensée religieuse, dénaturée et déviée de sa source lumineuse. Ce que nous avons de meilleur dans nos traditions saintes devrait nous armer contre la peur de mourir.
Hélas ! qui donc connaît le Dieu qui sauve de la mort ? Nous en adorons un qui manie la mort, comme Jupiter la foudre. Elle est son arme principale. Trop souvent, les religions ont cultivé la peur de la mort, lui assignant une place de premier ordre dans nos motifs d'agir. La peur est une force de démoralisation, génératrice de sentiments vils. Nous l'inspirer, c'est nous empoisonner l'âme. Si vous nous aimez, enseignez-nous à combattre la crainte de la mort par la confiance en Dieu ! Au lieu de nous réduire en esclaves, libérez-nous !

Jamais on ne sent mieux le mal horrible fait aux âmes terrorisées que dans les circonstances difficiles où nous placent de graves maladies ou de grands dangers. »

Charles Wagner, L'ami - Dialogues intérieurs

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Il est bon pour vous...

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« C'est une mystérieuse et véridique parole que celle où le Christ dit : "Il est bon pour vous que je m'en aille. Si je ne m'en allais, le Consolateur ne viendrait point." Perdre selon la chair, pour posséder vraiment selon l'esprit : loi douloureuse vérifiée par mille faits.

C'est de son regret des chers disparus, de sa pensée, dirigée vers ceux qui nous ont quittés, que l'humanité a retiré le plus de certitudes supérieures à cette vie sensible. A travers le culte sacré du souvenir, un monde lui est apparu, d'une profondeur prodigieuse. L'homme perdu dans le visible n'en soupçonne même pas le seuil. »

Charles Wagner, L'ami - Dialogues intérieurs

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26/11/2022

Souffrance inerte

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« L'AMI.— Il y a une manière de souffrir, inerte, qui aggrave la douleur et la corrompt, comme se corrompent les blessures mal tenues. S'en garder. S'habituer à la souffrance active qui est la souffrance transformée en ressort moral. Il n'est pas bon qu'une douleur devienne la force dominante dans l'existence. Paralysie et désordre, voilà ce qui en résulte. Peut-on livrer le gouvernement de la maison auxlarmesd'enfant, même exemptes de caprice ? Ce serait la démoralisation et l'incohérence. La douleur indomptée, livrée à elle-même, exerce des ravages irréparables. Il faut la combattre comme un mal. Ce qui est sans frein ni loi, devient toujours un agent de désorganisation. Éclairons donc nos douleurs, et qu'elles rentrent dans le rang !

Le travail est un excellent contrepoids à la douleur. A lui seul, il ne suffit pas. Négliger, réprimer, étouffer son coeur en se plongeant dans une activité sans trêve, c'est se manquera soi-même. La douleur a des droits à notre attention. S'en occuper, écouter ses leçons, mais trouver un élément qui lui tienne la balance et maintienne l'équilibre.

Quel réconfort je trouve dans le souvenir de ma vaillante mère, à la vie si traversée ! Que serait-elle devenue, si elle avait fait ses deuils sur une chaise longue? Elle aurait péri de maladie poire. La douleur sans le travail engendre une légion de pensées malfaisantes. Elle nous livre aux craintes, aux pressentiments funestes, pires que tous les malheurs. Cassons, s'il faut en venir là, des pierres sur la route, mais ne nous laissons pas pourrir dans le souci !

Si les morts pouvaient nous parler, voilà quels conseils ils nous donneraient.

Honorons-les en travaillant ! Pleurons-les debout, appliqués à quelque saint effort !

Pour ceux qui se perdent dans la haine ou les vanités, les morts sont morts deux fois. Tous les jours, le néant les emporte plus loin.

Mais vivre dans l'esprit fraternel, dans les choses d'en haut, c'est se rapprocher de tous, des vivants comme des morts.

Préparons l'éternel revoir, qu'à peine notre foi vacillante peut saisir, par une vie tendant comme par degrés à l'Union supérieure !

Dieu seul est la Vérité totale et la possède dans son incommensurable étendue. Pour nous, prions seulement d'être conduits de proche en proche vers une clarté plus complète et telle que nos yeux en ont besoin ! »

Charles Wagner, L'ami - Dialogues intérieurs

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Places vides

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« L'AMI. — Pour l'amour même de ceux qu'elle t'a ravis, ne fais pas à la mort l'honneur de lui assigner une trop grande place, ni surtout la première dans ton coeur et à ton foyer. A cette place-là, invite l'espérance à s'asseoir, avec la tendresse humaine, avec la foi. Invites-y Dieu et toutes les puissances amies ! Et ceux que tu pleures seront au milieu de vous. »

Charles Wagner, L'ami - Dialogues intérieurs

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La vie n'est pas chose raisonnable

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« Personne n'a une vie facile. Le seul fait d'être vivant nous porte immédiatement au plus difficile. Les liens que nous nouons dès la naissance, dès la première brûlure de l'âme au feu du souffle, ces liens sont immédiatement difficiles, inextricables, déchirants. La vie n'est pas chose raisonnable. On ne peut, sauf à se mentir, la disposer devant soi sur plusieurs années comme une chose calme, un dessin d'architecte. La vie n'est rien de prévisible ni d'arrangeant. Elle fond sur nous comme le fera plus tard la mort, elle est affaire de désir et le désir nous voue au déchirant et au contradictoire. Ton génie est de t'accommoder une fois pour toute de tes contradictions, de ne rien gaspiller de tes forces à réduire ce qui ne peut l'être, ton génie est d'avancer dans la déchirure, ton génie c'est de traiter avec l'amour sans intermédiaire, d'égal à égal, et tant pis pour le reste. D'ailleurs quel reste ? »

Christian Bobin, La plus que vive

 

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23/11/2022

Dieu l'a pris mon enfant

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« — Dieu m'a pris mon enfant.

L'AMI. — Ne dis pas cela !

— Job l'a bien dit : "L'Éternel l'a donné, l'Étemel l'a ôté, que le nom de l'Éternel soit béni ! »

L'AMI. — N'abusons des paroles de personne ! Job voit fondre sur lui des malheurs inexplicables. Comme il sait que tout est dans la main de Dieu, il garde sa confiance, et le bénit, dans les jours mauvais comme dans les beaux jours. En cela il a raison.

Mais, relis les textes ! Disent-ils que Dieu avait décidé de prendre à Job ses biens d'abord, ses enfants ensuite, en dernier lieu sa santé ? Dieu est-il considéré comme l'artisan de ses malheurs ? Non. Il y avait là-dessous une machination de Satan. Job pouvait-il s'en douter ? Évidemment il se trompait.

— Mais n'est-il pas consolant de pouvoir s'associer à sa parole ? Quel autre refuge avons-nous dans les obscurités de la vie ? Quoi qu'il arrive, pouvoir nous en remettre à Dieu absolument, n'est-ce pas le recours suprême du croyant ?

L'AMI.— Certes, oui ! Ici nous sommes d'accord. Il est bon de savoir que tout se ramène à Dieu, en définitive. Mais prenons garde ! C'est dépasser le but et sortir du vrai que de dire avec l'assurance d'un témoin oculaire : Dieu a fait ceci ou cela. Pour parler ainsi en connaissance de cause, il nous faudrait une envergure d'esprit qui nous manque totalement. Peux-tu poser ton pouce sur le Silberhorn et ton index sur le Davalaghiri ?... Ce serait là cependant une moins téméraire entreprise que.de vouloir enfermer dans les limites de ton esprit certains domaines, entre eux contradictoires, de l'action divine.
Crois au Père, crois à son amour ! C'est ce que tu peux faire de plus conforme à la fois à ta raison et à ton coeur. Ne te laisse dire ni insinuer par aucun désordre de ce monde, par aucun malheur, aucune ignominie, aucune douleur affolante, que le Père t'oublie et ne t'aime pas ! Garde fixée sur toi sa face qui rassure et console !

Or, tu changes sa figure, en voyant en lui un ravisseur d'enfants. Son front se durcit. Il devient le despote se jouant de nos affections et de nos vies selon son bon plaisir, et devant qui rien ne vaut, si ce n'est "obéir et se taire".

Ici, je ne sais quel bon instinct nous guide mieux que des paroles tombées au rang de formules. Si ton fils meurt assassiné, tu ne diras pas que Dieu l'a tué. S'il meurt victime de sa témérité, attribueras-tu sa mort à Dieu ? Non. Pourtant au fond de tout, il y a Dieu.

Mais voilà, ton fils est mort de maladie, et couramment nous disons que Dieu l'a ainsi voulu, qu'il a envoyé ce mal.
Est-ce Dieu qui a organisé la vie telle que nous la menons ? Notre hygiène fait-elle partie de sa création ; nos grandes villes, de son plan ? Est-ce que la femme et les enfants croupissant dans les usines malsaines, au fond des troisièmes cours d'un faubourg sans air, souffrent et meurent selon une loi fixée par Dieu ? Certes, Dieu est au fond de ces choses-là aussi, et c'est là notre espérance pour en sortir. De ces cloaques, son esprit nous mènera vers les pures hauteurs. Mais si je pouvais croire le mal et la misère conformes à sa volonté, tout mon entrain pour les attaquer tomberait. Dans une pensée humaine, l'idée que Dieu fait directement tout ce qui arrive, comme nous voyons un homme organiser et produire ses actes, est une idée intolérable, paralysant toute action, transfor- mant la vie religieuse en un bagne. On n'évaluera jamais les angoisses et les tortures infligées au pauvre coeur humain par la religion ainsi comprise. Du fond de quel enfer Job crie-t-il des paroles comme celles-ci : "Et quand il m'exaucerait, si je l'invoque, je ne croirais pas qu'il eût écouté ma voix, lui qui m'assaille comme par une tempête, qui multiplie sans raison mes blessures... Suis-je innocent ? il me déclarera coupable... Il détruit l'innocent comme le coupable... Il se rit des épreuves de l'innocent, la terre est livrée aux mains de l'impie ; il voile la face des juges. Si ce n'est lui, qui est-ce donc ?"
Hélas I que de pauvres créatures souffrantes vivent dans la fournaise asphyxiante de semblables idées !

Cela est tellement horrible qu'en face de certaines formes du mal, la conception dualiste du monde, malgré ses sombres terreurs, me paraît plus consolante, plus assimilable à nos esprits, et surtout moins déconcertante que cette tenta- tive impraticable de manoeuvrer avec la cause première comme avec une grandeur connue et délimitée. On prie avec plus de conviction : "Délivre-nous du mal !" quand on ne s'engage pas dans ces impasses de l'esprit où l'on est contraint de considérer Dieu comme l'auteur responsable du mal.
Il y a des affirmations dont l'assemblage produit un mélange détonant. Elles ne peuvent être enfermées sous le même crâne, sans le faire éclater. L'homme ne peut supporter cette pensée que Dieu est à la fois dans l'innocent qu'on persécute et dans le juge inique qui le condamne. Si c'est Lui le grand semeur de bacilles et berger de microbes, comment pourras-tu l'invoquer contre la maladie et la mort ? J'aimerais mieux, pour ma part, dire : "C'est l'ennemi qui a fait cela". Autrement c'est à en de- venir fou.

— Que dirai-je donc dans mon affliction et que penserai-je pour calmer mon âme ?

L'AMI. — Dis-toi d'abord qu'il est arrivé un malheur, un grand malheur ! Car c'est un malheur que de perdre un enfant aimé : vouloir le nier serait un indigne sophisme. Et puis rappelle-toi cette parole du psaume : "Le malheur peut atteindre le juste, mais l'Eternel le sauve toujours." II n'y a rien de plus ferme pour un coeur meurtri. Invoque Dieu contre les désordres de la nature et contre ses brutalités ! Invoque-le contre la mort, contre toutes les forces de destruction et de découragement ! Crie : A moi Éternel, voilà l'ennemi !

Ne dis pas : Dieu m'a pris mon enfant. Dis plutôt : Mon enfant a succombé à une terrible maladie. Mais ni la maladie, ni la mort ne pourront nous arracher de la main de Dieu, ni détruire notre place dans son plan. Pense ensuite que Dieu veut te fortifier, t'apaiser, te rendre en esprit ce que tu as perdu dans le monde visible.

Ton malheur devra produire du fruit et contribuer au bien. De cette nuit, de la lumière et de la force doivent surgir.
Ensuite pense très simplement et avec une certitude absolue : Le Père fait siennes les misères de ses enfants. Il souffre avec toi ; il est sous ton fardeau. Ainsi tu pourras pleurer ton fils et suivre cette ligne du coeur dont il est toujours néfaste de s'éloigner. Va, pauvre père, Celui qui est le Père, comprend. Ne te violente pas, reste un homme ! Ne crains pas d'offenser Dieu par ta douleur ! Ne fais pas cet horrible tour de force d'arriver à trouver doux ce qui est amer, heureux ce qui est malheureux ! Évite l'inhumain et le monstrueux ! Garde le bon sens avec la foi ! Il nous faut un Dieu faisant vivre, et non un être implacable, froidement cruel qui écrase sans broncher, tue sans sourciller. C'est le Père. On ne te le dira jamais assez, pauvre et douloureuse humanité, car, plus que tes malheurs, tes faux dieux t'exterminent. »

Charles Wagner, L'ami - Dialogues intérieurs

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21/11/2022

Que leur dirai-je ?

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« Que dire aux écrasés, à ceux qui n'ont plus rien à attendre, que la mort détruit, s'ils ne savent ni espérer, ni prier, ni croire ?

L'AMI. — Aime-les et tais-toi ! Dans l'amour, toutes les questions sont résolues. Le silence de l'amour vrai contient tout l'infini des révélations. Toute parole comparée à lui n'est qu'un effort inégal au but. Tais-toi ! Si tu parlais, tu dirais ce qu'on ne comprend pas, tu ajouterais une misère au fardeau des misères. Tu n'expliquerais rien et ne prouverais rien à cet être dans la fournaise, incapable de t'écouter, et tu le quitterais, l'ayant plongé dans la nuit plus avant. Tu le quitterais, pensant peut-être que tu as dit de bonnes choses, et content de toi-même, ô ironie ! A ceux qui se débattent aux griffes du malheur, offrir une formule est cruel. Et parfois il ne leur est prouvé par là qu'une chose, c'est que nous restons sur le Tirage, tandis qu'ils sont dans les flots.

Tais-toi ! Le silence est dans ce monde une grandeur inconnue. Il règne volontiers aux abords du royaume de paix. C'est un des messagers qui environnent l'Esprit. Quand le silence se fait, grand, sacré, sois sur que Dieu n'est pas loin. Tais-toi !

Mais aime-les bien, ceux qui souffrent ! Prends sur toi leur fardeau, entre dans la fournaise, souffre avec eux. Et dans ce saint silence, actif et dévoué, tu briseras la chape étouffante où le malheur isole et enferme ses victimes. Ils te sentiront près d'eux, dans le désert d'angoisse qu'ils traversent. Près de quelqu'un qui vous aime, on n'est pas loin de Dieu. S'ils ne le connaissent pas, ils en sentiront l'immense douceur, innommée, passer comme un souffle des cieux sur leur front enfiévré.

*

L'AMI. — Couche les morts dans Ses bras, quelque terrible que soit leur fin ! »

Charles Wagner, L'ami - Dialogues intérieurs

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20/11/2022

Et nos morts...

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« Vous avez tout détruit, tout souillé, tout humilié ! Tout mélangé, tout mercantilisé, tout transformé en fric ! Oh bien sûr que vous avez la loi avec vous... Vous avez toujours la loi avec vous ! C'est vous, la loi ! Mais nous, on a les oiseaux, la beauté, l'histoire et nos morts ! Et on ne se laissera pas faire ! »

Olivier Maulin, La fête est finie

 

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Sourire

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« Comme elle nous souriait, au dernier jour, cette bonne mère !

L'AMI.— Souviens-toi de ce sourire! C'est un reflet de la victoire sur la mort. Évangile libérateur ! pour t'annoncer, un dernier souffle de voix est plus puissant qu'une voix retentissante.

Toute belle vie demeure parmi nous comme un don de Dieu. Puisse le parfum en être gardé ! Ce qu'ils nous ont laissé, les chers envolés, reste à jamais notre trésor. Leur paix nous environne, apaise nos coeurs au sein des luttes, trempe notre courage aux heures difficiles. Vaillante patience, bonne humeur inaltérable, confiance en Dieu ; dans la figure de ta mère tout cela te sourit.
Et nous n'entrons pas seuls dans le mystère dernier. Ils sont tous là, les morts aimés. Leur présence nous soutient, leurs âmes nous accueillent et nous disent : Bon courage, amis, la tribulation augmente, mais le but est proche ; voici la grande paix, voici le port, voici la patrie !

*

Dans l'ombre planant sur nos sentiers, les regards des morts aimés se lèvent comme des étoiles. Sources d'espérance et de réconfort, ils nous aident à vivre et à souffrir, à marcher dans la certitude de l'invisible et dans l'affranchissement des éphémères vanités. »

Charles Wagner, L'ami - Dialogues intérieurs

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19/11/2022

Monothéisme du marché

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« Le monothéisme du marché a tout conquis, tout envahi, tout gagné. Pendant que tu regardais du côté des prolos, c’est les financiers qui l’ont faite dans ton dos, la révolution !

Ils ont aboli les frontières sans guerre et sans armée. Ils ont imposé un mode de vie à la planète entière ! Partout les mêmes publicités, les mêmes godemichés, les mêmes supermarchés, les mêmes abrutis ! Ils ont brisé toute résistance, identité, tradition, poésie. Homogénéisé les goûts, formaté les esprits, imposé l’idée que le monde entier avait les mêmes intérêts qu’eux. »

Olivier Maulin, La fête est finie

 

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Oh ! la mort

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« — Oh ! la mort des aimés! Oh ! cette misère, avant ! ce pauvre corps sculpté par la douleur, ces yeux caves, cette parole qui s'éteint ! Puis ce silence, cette nuit, cette poussière! Avec quelle brutale insistance nous est fournie la preuve de notre néant ! Quelle fureur d'effacer jusqu'à nos traces ! Afin qu'il soit bien entendu qu'il ne reste rien de nous et de notre espérance. Même quand tout paraît fini, la démonstration continue et s'acharne. Aux vivants, tout crie : Tu es poussière ; aux morts, la tombe le ressasse. Après cela, que nous reste-t-il, si ce n'est les yeux pour pleurer ?

L'AMI. — Dans vos larmes vit l'espérance. Le désespoir même qui ne pleure plus est une forme de l'espérance qui ne peut mourir. Désespérer, c'est avoir vu son étoile se voiler. Au delà du voile, elle brille.

Vous avez l'espérance tenace. Les puissances de destruction ont beau faire abonder leurs témoignages ; leur victoire sur vous est de celles qui se crient si fort, parce qu'elles sont douteuses. Il est des morts qu'il faut tuer. Vous en êtes. Mais que peut-on contre eux ? Leur répéter qu'ils sont morts ? Cela ne prouverait-il pas au contraire qu'ils sont vivants ?

Elle est vieille comme le monde, la leçon de choses qui affirme et proclame votre incurable néant. Mais malgré tout ce qu'elle vous a fait souffrir, vous ne l'avez pas retenue. Votre néant, vous n'y croyez pas, puisque vous êtes toujours là. Si vous aviez ajouté foi à la révélation de mort écrite à travers la création, flamboyante dans les rougeurs d'incendie, hurlante dans la tempête, béante dans le gouffre, il vous serait arrivé selon votre foi. Convaincus de néant, vous seriez rentrés dans le néant. Mais que vous viviez encore, après avoir été consumés par mille fournaises mortelles, cela provient de votre foi à la vie. D'où vous vient-elle ? De cette grande mécanique universelle qui vous broie ? Non, Elle vous vient de Dieu. Elle est, en vous, son inef- façable signature. Ne la protestez pas vous- mêmes ! Dieu vit en vous, voilà votre secret. Vous êtes de sa race. Sa pensée s'agite sous votre poussière. Vous êtes une espérance de Dieu.

— Comment ce qui n'est plus serait-il encore ? Comment, dévorés et digérés par la tombe, subsisterions-nous ? Notre vie est effacée comme s'efface sous le coup d'épongé une écriture sur le tableau.

L'AMI. — On peut effacer l'écriture, mais non pas l'esprit, le sens de l'écriture. Que la matière fragile, où s'est incarnée pour un temps une pensée divine, s'oblitère et s'évanouisse sous le coup d'épongé du temps, l'espérance qui est en vous, la pensée divine qui anime votre poussière, demeure. De par l'esprit éternel besognant en vous, vous êtes esprit. En Dieu est votre vie, votre identité garantie. Son souvenir, où rien ne meurt, entretient votre souvenir. As-tu médité parfois la profondeur limpide et infinie de cette vieille parole de psaume ? Par sa lumière, nous voyons la lumière.

Si par notre aspect extérieur et visible nous vivons dans le temps et l'étendue, c'est-à-dire dans l'éphémère, par notre aspect intérieur, invisible, nous vivons en Dieu, dans l'éternel, par conséquent. A sa lumière, nous voyons la lumière. Aveugles et morts serions-nous, malgré la perfection de cet organisme, si rien de divin ne le pénétrait. Cette merveille ne serait qu'une lettre morte. Or, c'est un verbe vivant. Que la lettre s'efface, l'esprit subsiste. Ne t'embarrasse pas dans les ruines de ce qui est passé, comme passera la figure de ce monde ! Lève tes regards vers la lumière ! Ils ne sont pas là, dans l'ombre et la poussière, ceux que tu pleures. Ils sont en Dieu, comme toi aussi ; par l'esprit qui t'anime, tu es en Dieu. Le lien n'est pas rompu.

Ne consens pas à leur néant ! Ceux qu'on aime ne meurent point. La tendresse qui les suit, devient, pour notre espérance, le pont jeté de ces bords mortels vers le rivage impérissable. Tu reverras tous ceux que tu as aimés. Tu les reconnaîtras. Les as-tu connus ici dans l'argile sous laquelle palpitait leur âme ? Non. Tu les connaissais uniquement par la forme et la vie imprégnée à cette argile. Et parfois tu soupirais de je ne sais quel mur de séparation entre eux et toi, les cherchant, et tenu à distance par ce qui n'était pas eux, tout en faisant partie d'eux, matériellement. Au grand revoir l'obstacle sera tombé. Plus rien de passager ne nous séparera. La soif d'union qui tourmente ici toute âme ferme et pure sera enfin apaisée. Ne te confonds pas avec ce qui n'est pas toi ! Connais-toi mieux ! Cet univers mécanique et tout ce qu'il contient, comparé à toi n'est qu'un symbole, une fragile similitude, où s'enveloppe une pensée immortelle. Saisis-toi dans ce que tu signifies ! car en cela tu demeures vraiment. Pleure ! tout ce qui est simplement et sincèrement humain est bon. Les larmes sont la rosée de cette fleur des cieux, nommée l'espérance. Pleure, mon fils, mais espère ; ose espérer ! De tous les courages c'est le plus beau. Tu ne l'auras jamais assez. On ne saurait trop attendre de Dieu. Toute attente sera infiniment dépassée. La plus pure clarté qui, pour nos âmes, éclaire l'au-delà, le pressentiment du plus heureux revoir, ne sont qu'une pauvre image, un lointain et pâle crépuscule en compa- raison de l'immortel matin.

— Oh ! merci, répète-le-moi, encore, toujours ! je suis le voyageur couvert de poussière ; tu es l'oasis. Je suis la soif ; tu es la source. Ne taris pas ! Loin de toi je doute ; près de toi je crois, et l'antique parole s'accomplit : mes brebis entendent ma voix ! »

Charles Wagner, L'ami - Dialogues intérieurs

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18/11/2022

Les deux sommeils

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« Assieds-toi près des berceaux où sommeille l'enfance !
Assieds-toi près de la couchette où dorment les morts !
Dans le berceau, l'avenir est couché, comme aux sillons la semence.
Une promesse est dans chaque tête bouclée. Autour d'elle, c'est comme un battement d'ailes : l'essaim des espérances prend son vol, et les rêves y murmurent, pareils aux abeilles sur la bruyère.
Un jour, tout aboutira à l'autre sommeil.

As-tu regardé les morts dormir ? Qui donc attendent-ils ?
Car ils attendent, et sur leurs lèvres fermées cet appel voltige :
"Les jours sont accomplis. Nous avons marché, lutté, souffert.
Où donc est Celui qui nous dira pourquoi..."

Les morts attendent Dieu...

Et maintenant, Seigneur, la parole est à toi. Tu sais ce que l'homme ignore. Tu sais ce que promet le berceau, ce que recouvre la tombe. En toi est notre espérance.
Si nous n'avions pas cette sécurité, le sourire des petits nous étreindrait le coeur. Il faudrait pleurer sur les berceaux plus encore que sur les tombes. »

Charles Wagner, L'ami - Dialogues intérieurs

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L'Esprit

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« Vivre n'est pas tout ; mourir moins encore.
L'essentiel est que l'Esprit transparaisse à travers la vie comme à travers la mort. »

Charles Wagner, L'ami - Dialogues intérieurs

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17/11/2022

Et Jésus regarda Pierre

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« Ce regard ! chargé d'ombre, au spectacle des douleurs, des souillures, des méchancetés, de tous les fardeaux que porte la pauvre huma- nité, de tous les liens écrasants ou honteux qu'elle traîne ! Nos âmes enténébrées lui apparaissaient comme les grands yeux vides et ceux de l'aveugle, ces pauvres cavernes pleines d'une obscurité morne, semblant porter le deuil du jour perdu. Et les disciples, par moments, y voyaient se dessiner quelque mystérieux Calvaire devant lequel leurs coeurs s'emplissaient d'épouvante !

Mais il était aussi, ce regard, comme un jour ouvert sur le monde supérieur dont le souvenir l'imprégnait. Il rayonnait de la certitude pai- sible que procure au coeur la présence divine. Et son calme disait : "Soyez tranquilles, j'ai vaincu le monde !"
Transparences du royaume de Justice, clartés d'aube éclairant un avenir transformé, paix, tendresse, pitié, pardon, dans ce regard vivait tout cela... Aucun chant inspiré, aucun verbe enflammé des prophètes, aucune forme de beauté créée par les arts pour représenter la splendeur de l'invisible, n'a jamais apporté aux hommes la clarté qui était dans ce regard. Nous vivons de sa lumière. Et lorsque en nous son éclat faiblit, l'ombre grandit, la joie disparait, les crépuscules effrayants envahissent nos sentiers, et le froid de la mort nous enveloppe, de l'autre mort, de celle qui ne connaît pas d'espérance.

Que ce regard te trouve, qui que tu sois ; tombé, te relève ; blessé, te guérisse ; égaré, te ramène ! Sens-le fixé sur toi, lorsque le tien se fermera ! Et mourir fera, pour toi, t'endormir sous le regard de Celui qui a dit : "Je suis la résurrection et la vie." »

Charles Wagner, L'ami - Dialogues intérieurs

 

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16/11/2022

Repentir

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« L'AMI. — Que fais-tu là dans la poussière ?

— Je me voile la face et je pleure de honte. Comment est-il possible ? C'est moi qui ai fait cela. Le dégoût de moi-même s'empare de ma pensée. Je ne voudrais plus me montrer. Disparaître dans le repentir ; je serais heureux d'en avoir la faculté.

L'AMI. — Tu as tort. Le regret passif est une faute de plus. Un mauvais orgueil se cache dans cet étonnement d'avoir failli. Eh oui, c'est toi qui as fait cela ; tu feras bien de t'en souvenir, afin de ne pas mépriser les autres. Mais à quoi peut servir le dégoût de toi-même ? C'est du soin, du courage, de la clairvoyance et non du dégoût qu'il faut, pour guérir les malades.
Lève-toi, secoue-toi, essuie tes larmes pour y voir plus clair. Sois un homme, porte ta misère ! Dieu remet la faute ; toi répare, profite de la leçon, sème et laboure, veille et prie, marche et combats ! Malheur à ceux qui surissent dans les repentirs stériles et les molles tristesses ! Ils passent la moitié de leurs jours à se lamenter sur les fautes de l'autre moitié, et leur vie tombe inutile au gouffre du passé. »

Charles Wagner, L'ami - Dialogues intérieurs

 

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