02/06/2022
Cette foutue salope
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« — Et sinon, vous êtes heureuse ? je lui ai demandé.
— Ah oui, très heureuse, elle a répondu d'une voix monocorde. J'ai la chance d'habiter dans un pays libre et prospère et de ne pas être soumise à des coutumes dégradantes qui feraient de moi un objet.
— Ouais, c'est vrai ça.
— J'ai également la chance de pouvoir m'éclater en boîte de nuit et de sucer qui je veux.
— C'est super.
— Bien sûr. Je me sens un peu seule parfois, et puis j'ai un boulot sinistre qui me permet à peine de payer mon loyer et je déprime le soir devant la TV, c'est pourquoi je prends du Xanax.
Ollier s'est penché vers l'avant et lui a empoigné les seins par dessus l'accoudoir.
— Les dépressives, ça aime sucer, il a dit. Je parie que t'aimes ça, sucer.
— Non, pas spécialement. Mais il faut bien passer par là si je veux espérer avoir des amis.
Il a ouvert son chemisier, défait le soutien-gorge; il tâtait les poires en amateur.
— Parce que vous croyez que c'est en suçant que vous vous ferez des amis ? j'ai demandé en jetant un coup d'oeil à son décolleté.
— Pourquoi pas ? a répondu Ollier.
— Tout s'achète, tout se vend, a ajouté la fille. Je fais ce que je peux avec ce que j'ai.
Elle a incliné son siège au maximum, s'est retrouvée couchée sur le dos.
— Veux-tu être mon ami ? elle a demandé à Ollier.
— Bien-sûr, a répondu Ollier en se débraguettant. Et la voilà qui suce ! Après Ollier et Bassefosse, elle voulait s'en prendre à Fanfan mais Ollier l'a arrêtée à temps.
— Vous voyez pas qu'il est blessé, il a crié. Vous allez le tuer à le pomper comme une sorcière !
Elle a redressé son siège, a rallumé une cigarette, s'est remise à fixer la route du même regard éteint, les pamplemousses à l'air.
— Permettez-moi de vous dire que le respect étant le prélude à l'amitié, ce n'est pas avec de tels agissements que vous gagnerez le respect des hommes, partant, leur amitié, a dit Bassefosse.
— Je m'excuse, a dit la fille.
— Quoi qu'il en soit, il va falloir changer de comportement, a ajouté Ollier. Et tout d'abord promettre de ne plus jamais sucer.
— Je promets, a dit la fille.
— À la bonne heure.
On est arrivé à Montrouge. Les rues étaient désertes, quelques lampadaires éclairaient le bitume d'un jaune pisseux ; les nuages, là-bas, dans le ciel, fermaient l'accès de l'univers. J'ai garé la voiture place Jules-Ferry, on est sorti de l'habitacle.
— Le mieux serait peut-être qu'elle reste veiller sur Fanfan, a dit Ollier en montrant la fille du doigt.
— Vous avez parfaitement raison, a répondu Bassefosse. D'ailleurs c'est une traînée.
On a claqué les portières. J'ai verrouillé. La fille fumait en regardant droit devant elle. La lumière intérieure l'a éclairée quelques secondes avant de s'éteindre ; on ne voyait plus que le bout incandescent de sa cigarette.
— J'espère qu'elle ne vas pas faire pipi partout, a dit Bassefosse en faisant un clin d'oeil.
Pipi partout. Alors là, qu'est-ce qu'on s'est marrés, Ollier et moi ! Des grands rires dans la nuit ! Des bourrades dans le dos ! Pourtant, c'était la crise, bien pire que 1929 ! Mais quel boute-en-train, ce Bassefosse ! Tous les talents ! Et puis l'idée de boire un coup tantôt nous égayait ! On donnait des coups sur la carrosserie avec le plat de la main, on faisait un charivari, des percussions, des grimaces à travers les carreaux... Il faut que jeunesse ! Ollier a même sorti son cul ! Il l'a collé contre la vitre ! Un cul d'homme bien mou, poilu et blanc, ignoble. Regarde-toi dans le miroir, petite souillon ! diarrhée ! suceuse ! auto-tamponneuse en jupons ! Rigolade, quand tu nous tiens ! Mais elle, à l'intérieur, lentement, joignait les mains. Diable ! Mais que fait-elle ? On s'est approchés, pupilles dilatées, scrutant, dedans la Volvo, l'obscurité. Un petit rayon de lune entre deux nuages l'a soudain éclairée d'une pâleur maladive. Elle priait ! dépoitraillée dans la pénombre, les mains jointes et les yeux fermés. Elle priait ! et les larmes roulaient sur ses joues et brillaient. Elle priait ! Cette foutue salope priait ! »
Olivier Maulin, Gueule de bois
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01/06/2022
Ainsi parlait Bertrand de la Bassefosse...
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« "Depuis que la science et le capitalisme règlent nos vies, la notion de limite a disparu, et les âmes se sont perdues dans l'illusion de cet infini. L'impossible est explosé par la technique, l'interdit est explosé par le marché. Fin de la Figure du Père, fin des limites structurantes qui nous construisent et nous constituent. On est seul, abandonné, personne pour nous dire non, perdu dans un désir sans fin d'enfant gâté, coupé du cadre symbolique. Un corps d'adulte vide qui ne supporte plus la frustration et ne peut compter sur personne d'autre que lui. Allez, je vous le dis, en vérité, la modernité a engendré deux types d'hommes : les conquérants brutaux sans foi ni loi et les souffrants."
Ainsi parlait Bertrand de la Bassefosse, critique d'art, érudit et dandy. »
Olivier Maulin, Gueule de bois
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31/05/2022
Le dégénéré
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« Ça nous étonnait drôlement, Ollier et moi, qu'un critique d'art sache si bien manier la psychologie. Mais lui trouvait ça tout à fait normal, il disait que c'était la base du métier, il faisait le modeste, minimisait sa science. Quarante ans qu'il écumait les galeries. Il en avait vu des artistes... Certains faisaient caca dans des boîtes de conserve, d'autres balançaient des crucifix dans du pipi, d'autres encore tranchaient des animaux pour les jeter putrescents dans du formol. Du coup il s'était plongé dans Magnan, Morel, Lombroso, Nordeau. Il lisait et relisait l' "Entartung" ! Faure ne lui servait à rien du tout ! La beauté païenne de la Pietà ne lui était d'aucun secours ! Toutes ces années perdues sur les bancs de la faculté d'histoire de l'art ! Il s'était lancé à corps perdu dans l'étude de la psychopathologie. Du lourd, de l'objectif, de l'apte à comprendre Damien Hirst. Il estimait que la véritable critique d'art consistait dorénavant à mesurer le crâne des artistes, vérifier leurs lobes d'oreilles, examiner le rapprochement des yeux... Bien sûr, ça lui avait fermé les portes des magazines. Exclu du circuit ! Tricard en galerie ! Critique au chômage ! Il s'énervait.
— Le prix de l'indépendance ! il gueulait, le prix de l'indépendance ! l'hélix de l'oreille non ourlé ! La position des dents ! Le nombre de doigts ! L'unique vérité !
Sa grande idée, c'était la dégénérescence ; il la traquait partout. Il disait qu'elle seule expliquait l'époque, l'attrait quasi magique pour le fécal et le viscère. Il était fasciné par le sadomasochisme destructeur qui avait envahi l'art, plaisir de la contamination, joie de salir, jouissance de déchu. Il y voyait un vieux souvenir enfoui, une sensation obscure de faute, et une vengeance. Souvenir de quand l'homme était grand ; faute dans le renoncement à une conception supérieure de la vie ; vengeance par la dégradation, la destruction de soi.
Il tenait absolument à nous expliquer ce qu'était un dégénéré. Il se frottait le menton, se faisait professoral et didactique, brillant, ça on peut le dire ! Il a bu une gorgée de bière, réajusté son noeud papillon, levé l'index.
— Voyez-vous, mes chers nouveaux amis, le dégénéré est très sensible, très émotif et très excitable ; ce sont des stigmates. Il est souvent pris du besoin de sangloter. Comme ça, sans raison, il sanglote. Il est également impulsif. Il s'exalte soudain pour une idée creuse, ça l'euphorise, ça l'excite, ça le saoule pourrait-on dire, mais ça ne dure jamais longtemps, hihihi.
Il a haussé le ton.
— J'affirme que le dégénéré est totalement dépourvu de volonté. Effrayé par l'action ! Impuissant dans l'agir ! Après des phases d'excitation malsaine, il retombe ainsi très vite dans un état d'adynamie : j'ai nommé le dégoût de soi et des autres, l'abattement, la mélancolie, la masturbation frénétique...
On acquiesçait, Ollier et moi.
— En outre, je tiens de source sûre que le dégénéré adore la rêverie creuse. Du fond de son lit, parfois drogué, il se prend à adorer l'humanité, il en pleure de tendresse, cultive des tas de projets pour améliorer le monde, tous plus absurdes les uns que les autres. Parfois même, tandis qu'il rêvasse ainsi, son voisin de palier agonise faute de soins, hihihi.
On a ri avec lui. J'ai bourré l'épaule de Fanfan. Bertrand de la Bassefosse continuait son portrait.
— Un autre stigmate qui ne doit pas tromper, et je vous demanderai de bien le noter, c'est que le dégénéré aime à se pâmer devant les criminels et les délinquants de toutes sortes, et plus généralement devant les rebuts de la société. Jeter un bandit en prison le peine profondément. Voir un policier arrêter un voyou le révulse.
Il a bu une longue gorgée de bière.
— Mais le dégénéré, mes chers nouveaux amis, n'est finalement obsédé que par une chose : lui-même, au point de sombrer dans la confusion mentale. Il aime attirer l'attention par n'importe quelle excentricité : vestimentaire, comportementale, artistique. Il méprise la morale traditionnelle, n'a aucun sens de ce qui se fait et qui ne se fait pas, n'a aucune convenance, aucune pudeur... Et pour achever mon bref exposé, j'ajouterai qu'il habite généralement les grandes villes, est atteint par la folie d'acheter, s'adonne parfois à l'art ou à l'écriture et bénéficie d'un certain pouvoir d'achat. Je vous remercie de votre attention. »
Olivier Maulin, Gueule de bois
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30/05/2022
Un histrion
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« — Je suis en grande souffrance psychique, il a murmuré.
Derrière le bar, le serveur est venu saluer Ollier qui s'est subitement renfrogné. Gros soucis soudain. Gros gros soucis soudain ! Il méditait en tordant la bouche, se grattait la tête, sérieux comme un pape. Il ressemblait à Badinter le jour de l'abolition. Il était plongé dans un dilemme métaphysique, un truc dont on ne sort généralement pas indemne. Que boire ? L'heure idiote. Trop tard pour le digestif, trop tôt pour l'apéritif. Le trou noir de l"après-midi. L'enfer du 4 à 6. Beaucoup de suicides.
— Est-ce qu'on va se laisser abattre ? Il a finalement gueulé. Deux bières, nom de Dieu ! Et que ça saute !
— J'ai peur, tout le temps peur, je me sens si vide, murmurait Fanfan.
— Et quand on aura fini, on en prendra deux autres ! gueulait Ollier. Et tout ça nous mènera gentiment à l'apéro ! Hein ? Qu'est-ce que t'en penses, toi qu'es dans la santé ?
— Ouais, ouais, c'est pas con, j'ai dit.
Fanfan m'a agrippé le col. Il avait les yeux ronds, terrifiés.
— J'ai peur, tout le temps peur, je me sens si vide, il a répété.
— C'est à cause du culte de la performance, a dit Ollier en lui retirant les pattes de mon col. Le challenge, la compétition, les boîtes à rames, tout ça nous brise le moral.
— Tu crois ? a demandé Fanfan.
Le serveur a posé les deux bières devant nous. On a trinqué, bu une gorgée. Il parait qu'il était hypocondriaque, Fanfan. Il avait l'angoisse du vide, la hantise du néant, mal à la rate et à l'estomac. Il se sentait coupable, il était découragé, tout le temps découragé. Il faisait régulièrement des grimaces horribles, retroussant les lèvres, fermant les yeux, fronçant le nez ; il ressemblait à un vieux chimpanzé édenté. Ollier disait que c'était sa manière de revendiquer de l'affection. Il se plaignait de troubles de la mémoire par-dessus le marché, et de difficultés d'apprentissage. Comme journaliste, n'en parlons pas. Il avait le sens d'observation d'une huître. Bref, c'était une drôle de loque.
— Allez, quoi, monsieur Fanfan, faut pas se laisser abattre, j'ai dit.
— Je suis découragé, tellement découragé, disait Fanfan.
Un type au bar s'est approché de nous. Il était élégant, une veste croisée verte et un noeud papillon rouge.
— Si je puis me permettre, il a dit en rapprochant son verre. Ma femme est hystérique, je connais bien le sujet, je pourrais certainement vous aider. Êtes-vous narcissique ? égocentrique ? mythomane ?
Il a posé des lunettes en demi-lune sur son nez, sorti un petit carnet de la poche intérieure de sa veste et pris un crayon dont il a posé la mine sur sa langue à deux reprises.
— Un peu tout ça, a répondu Fanfan. Mais ce qui me manque surtout, c'est un truc qui ressemblerait à de la grandeur. Vous voyez ce que je veux dire ?
— mais certainement, a répondu le type élégant en notant sur son carnet.
Il a redressé la tête.
— Chez ma femme, l'hystérie se traduit par des fantasmes sexuels dégradants, une alimentation désordonnée et une absence totale de menstrues. Je ne vous demande pas si vous avez encore vos menstrues, hihihi. (...) Charcot distinguait quatre types d'hystérie, a continué le type élégant, l'épileptoïde, la clownique, la passionnelle et l'hallucinatoire. Vous me semblez être dans l'hallucinatoire. Avez-vous eu une expérience sexuelle dégoûtante ?
— Ah oui, dégoûtante, ça on peut le dire, a répondu Fanfan.
— Très intéressant, a dit le type élégant en écrivant dans son petit carnet. Ma femme se plaint également de ne jamais avoir de plaisir, ce qui est le propre des hystériques clowniques. En outre, elle vomit souvent. Tenez, hier soir, je regardais la Formule 1 à la télévision, j'adore le bourdonnement insensé de ces petits bolides, ça l'a contrarié, elle a vomi sur le tapis, hihi, on vit une drôle d'époque, n'est-ce pas ?
— Moi, je ne vomis jamais, a dit Fanfan.
Le type élégant a relevé le nez de son carnet et levé l'index.
— Permettez, c'est capital !
Il a griffonné un dernier truc, a refermé le carnet en le faisant claquer, l'a remis dans sa poche, a rangé ses lunettes et a bu une gorgée de bière.
— Et bien, il me reste à vous donner mon diagnostic, il a conclu. Vous êtes un vieux jouisseur sur le retour, une épave morale, vous dramatisez votre vide intérieur, vous ne vous intéressez qu'à vos fantasmes, le néant vous attire et vous effraie dans le même élan, vos douleurs donnent du sens à votre vie qui en est dépourvue. Au fond, vous êtes un histrion.
Fanfan est parti dans une longue grimace simiesque. On a applaudi, Ollier et moi. Quel talent ! Quelle facilité ! Quel diagnostic ! Le type a salué en courbant humblement la tête. »
Olivier Maulin, Gueule de bois
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29/05/2022
Décomplexer la consommatrice accablée par un sentiment diffus de culpabilité
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« Je travaillais depuis quinze ans à "Santé pour tous", un mensuel féminin au sein duquel je m'occupais des pages "écologie et environnement". Mon avantage, c'est que je me foutais complètement et du journalisme et de l'environnement, et que je ne ressentais par conséquent aucune humiliation particulière à écrire des niaiseries pour des connasses sans cervelle. La moitié de mon activité consistait à relayer la communication des grands groupes industriels qui tentaient de se racheter une conduite en surfant sur la vague verte, l'autre moitié à distiller des conseils débiles pour sauver la planète. Grâce à moi, quelques tartes coupaient dorénavant l'eau du robinet quand elles se brossaient les dents, persuadées que leur geste écoresponsable allait changer la face du monde. Je n'écrivais évidemment jamais un mot sur les paysans, à qui l'eau est offerte, et qui arrosent au canon rotatif leurs champs de maïs à midi en plein mois d'août. Au vrai, j'avais parfaitement compris ce qu'on attendait de moi : décomplexer la consommatrice accablée par un sentiment diffus de culpabilité. Comme disait mon rédacteur en chef, qui était de la vieille école : "L'écologie, j'ai rien contre, mais faudrait pas que ça vienne à nous les briser." Bref, n'ayant aucun sens de l'héroïsme mais un salaire qui me permettait de survivre, je m'exécutais sans état d'âme. »
Olivier Maulin, Gueule de bois
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Louis-Ferdinand Céline
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28/05/2022
Un merveilleux mécanisme
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« Les partis sont un merveilleux mécanisme, par la vertu duquel, dans toute l’étendue d’un pays, pas un esprit ne donne son attention à l’effort de discerner, dans les affaires publiques, le bien, la justice, la vérité.
Il en résulte que — sauf un très petit nombre de coïncidences fortuites — il n’est décidé et exécuté que des mesures contraires au bien public, à la justice et à la vérité.
Si on confiait au diable l’organisation de la vie publique, il ne pourrait rien imaginer de plus ingénieux. »
Simone Weil, Note sur la suppression générale des partis politique
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18/05/2022
Dans un abîme sans limites, dans une hauteur sans mesure
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« — (…) Seulement, les fruits de la prière sont si abondants qu’il est impossible qu’on les présente tous. La prière ressemble à un arbre qui a des fruits abondants et très doux, dont chacun est meilleur que l’autre.
— Donnez-moi aussi quelques uns des fruits de ce désert "plein de grâce". Faites pour moi une cueillette spirituelle. Qu’au moins je les connaisse.
— Je vais t’en citer quelques-uns, puisque je vois que tu es disposé à les écouter. Au début, la prière est le pain qui réconforte l’athlète, puis elle devient l’huile qui adoucit le coeur et, enfin, le vin qui… le met "hors de lui", c’est-à-dire qui engendre l’extase et l’unit à Dieu. Plus doncrètement : le premier fruit que donne le Christ à celui qui prie est la "conscience du péché". On cesse de se croire bon, et on se voit comme "l’abomination de la désolation qui se tient dans le lieu saint". Le trépan de la charité fore et pénètre les tréfonds de l’âme. Que d’impuretés n’avons-nous pas en nous ! Notre âme empeste. Certains de ceux qui entrent parfois dans ma cellule exhalent la puanteur… des impuretés intérieures. Eh oui ! ce qu’auparavant nous ne reconnaissions pas est révélé maintenant à celui qui prie, et il se voit lui-même le dernier de tous, et que l’enfer est sa demeure éternelle, et il commence à pleurer. Il pleure sa propre mort. Est-il possible que l’on pleure la mort survenue chez son prochain et qu’on ne pleure pas celle survenue chez soi ? Aussi l’athlète de la prière ne voit-il pas les péchés d’autrui, mais sa propre mort. Ses yeux deviennent une source de larmes, venues de l’affliction du coeur. Il pleure comme un condamné, et en même temps il crie : "Aie pitié de moi… Aie pitié de moi… Aie pitié de moi…" C’est avec ces larmes, comme nous l’avions dit auparavant, que commence la "purification" de l’âme et de l’intellect. De même que l’eau purifie les objets souillés et que la pluie purifie l’air de ses nuages et la terre de ses poussières, de même les larmes purifient et blanchissent l’âme. C’est l’eau du deuxième baptême. La prière procure donc le fruit très doux de la purification.
— L’homme est-il complètement purifié quand il est visité par la grâce divine ?
— Il n’est pas complètement purifié mais il se purifie constamment, parce que la purification est toujours à parfaire. Saint Jean Climaque rapporte cette parole qu’il avait entendue d’un moine impassible : "C’est là la parfaite perfection des parfaits toujours à parfaire." Chaque fois que l’on pleure, on se purifie, et chaque fois que l’on se purifie, on voit une couche plus profonde du péché et l’on ressent la nécessité de pleurer. C’est ce qu’exprime fort bien saint Syméon le Nouveau Théologien :
"Ceux-là, par des prières fréquentes, par des paroles inexprimables,
et par des flots de larmes purifient leur âme
et, la voyant se purifier, ces hommes
s’enflamment du feu de l’amour et du feu du désir
afin de la contempler parfaitement purifiée :
mais comme ils sont impuissants à trouver la perfection de la lumière
la purification sera indéfinie pour eux.
Plus, en effet, je serai purifié et illuminé, malheureux,
plus apparaîtra l’Esprit qui me purifie,
et plus chaque jour, il me semble, je commence à être purifié et à voir.
Dans un abîme sans limites, dans une hauteur sans mesure,
qui pourra trouver un milieu et une fin ?" »
Hiérothée Vlachos, Entretiens avec un ermite de la sainte Montagne sur la prière du coeur
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17/05/2022
"Guerre" de Louis-Ferdinand Céline par Olivier Maulin
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16/05/2022
Sylvain Tesson évoque Homère
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15/05/2022
Olivier Maulin, le romancier le plus drôle de France - Orages de Papier - TVL
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10/05/2022
Petits morceaux d’horreur
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« De penser, même un bout, fallait que je m’y reprenne à plusieurs fois comme quand on se parle sur le quai d’une gare quand un train passe. Un bout de pensée très fort à la fois, l’un après l’autre. C’est un exercice je vous assure qui fatigue. À présent je suis entraîné. Vingt ans, on apprend. J’ai l’âme plus dure, comme un biceps. Je crois plus aux facilités. J’ai appris à faire de la musique, du sommeil, du pardon et, vous le voyez, de la belle littérature aussi, avec des petits morceaux d’horreur arrachés au bruit qui n’en finira jamais. »
Louis-Ferdinand Céline, Guerre
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GUERRE, un roman inédit de Louis-Ferdinand CÉLINE
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08/05/2022
Les paradoxes de Raymond Abellio
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06/05/2022
Richard de Seze : Le rond de serviette est-il de droite ?
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05/05/2022
À la rencontre de Bernard Lugan (Orages de Papier)
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01/05/2022
Finkielkraut face à Mathieu Bock-Côté
=--=Publié dans la Catégorie "Lectures"=--=
et
=--=Publié dans la Catégorie "PARENTHÈSE"=--=
Loin d'être d'accord avec tout ce que raconte Finky... mais, une fois encore, un grand moment d'intelligence...
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25/04/2022
Les louanges
=--=Publié dans la Catégorie "Lectures"=--=
« Un esprit élevé supporte courageusement et joyeusement l'injure. Mais il faut être un saint et un bienheureux pour passer intact à travers les louanges. »
Saint Jean Climaque, L’échelle sainte, vingt-et-unième degré
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24/04/2022
Que tes yeux regardent en face
=--=Publié dans la Catégorie "Lectures"=--=
« Garde ton coeur plus que toute autre chose, Car de lui viennent les sources de la vie.
Écarte de ta bouche la fausseté, Éloigne de tes lèvres les détours.
Que tes yeux regardent en face, Et que tes paupières se dirigent devant toi.
Considère le chemin par où tu passes, Et que toutes tes voies soient bien réglées;
Ne va ni à droite ni à gauche, Et détourne ton pied du mal. »
Sainte Bible, Livre des Proverbes 4 : 23-27
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23/04/2022
La vie et le salut
=--=Publié dans la Catégorie "Lectures"=--=
« Dieu est la vie et le salut de toutes les créatures raisonnables qu’Il a tirées du néant, soit qu’elles croient en Lui ou qu’elles nient son Existence ; soit qu’elles soient justes ou méchantes ; soit qu’elles pratiquent la piété, ou qu’elles se livrent à l’irréligion ; soit qu’elles se soient affranchies de leurs passions, ou qu’elles en soient les viles esclaves ; soit qu’elles soient entrées dans une communauté religieuse, ou qu’elles demeurent dans le siècle ; soit qu’elles aient de la science, ou qu’elles vivent dans les ténèbres de l’ignorance ; soit qu’elles jouissent d’une bonne santé, ou qu’elles languissent sur un lit de souffrances ; soit qu’elles soient à la fleur de l’âge, ou parvenues à la dernière vieillesse. Or toutes ces personnes sont destinées à la grâce du salut, et peuvent en jouir, comme elles jouissent de l’effusion de lumière, de la vue et des bienfaits du soleil, de la variété des saisons, et de toutes les autres choses qui existent et qui sont faites pour elles, car auprès de Dieu "il n’y a pas de favoritisme". (Epître aux Romains 2 : 11) »
Saint Jean Climaque, L’échelle sainte, Premier degré
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22/04/2022
Parce qu’ils ont entendu aboyer des chiens
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« J’ai honte de le dire, craignons au moins le Seigneur, comme nous craignons certains animaux : car j’ai vu des scélérats, sur qui la crainte de Dieu n’avait aucun empire, et qui, étant partis pour aller commettre des vols, se sont arrêtés, et sont revenus sans oser consommer leur crime, parce qu’ils ont entendu aboyer des chiens dans le lieu où les conduisait leur méchanceté. Ainsi ce que la crainte de Dieu n’avait pu faire dans eux, la crainte de ces chiens les y a forcés. »
Saint Jean Climaque, L’échelle sainte, Premier degré
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19/04/2022
Michel Onfray inivté de RMC
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et
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Cliquer sur la fenêtre et allez voir la vidéo sur YouTube... Michel Onfray remet quelques pendules à l'heure... sur Macron, Marine Le Pen et la supposée "Extrême Droite"... etc...
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15/04/2022
Accroupie sur elle-même
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« Tout enguirlandé de chèvrefeuille surodorant,
D'amer lierre garrotté,
Tapissé de fougères malsaines,
Déformé de maints chancres et cicatrices fermées, capitonné de mousse profonde.
Pavoisé de tous les côtés de gui païen.
Et tout noir des nids de cet oiseau rauque
Qui parle et ne comprend pas son propre langage,
Se dresse, et se dressait de même il y a mille ans
Un arbre solitaire.
Le tonnerre a fait ce qu'il a pu parmi ses branches,
Laissant la maîtresse cime intacte :
Mais en son cœur toujours prêt
A jeter de nouvelles pousses reverdissantes, à mesure
Que les surgeons pourrissants à ses pieds meu- rent et lui laissent de l'air.
Est toute antiquité et nulle décrépitude.
Riche, bien que rejeté des porcs de la forêt,
Son fruit cache sous l'âpre brou pour ceux qui le savent ouvrir
La saveur au secours du cœur de tout mets et de rajeunissants élixirs,
Avec le condiment amer et sûr,
Et la douce économie des douceurs,
Et des odeurs qui nous remettent en l’esprit
Les aîtres de l’enfance et un jour différent.
Auprès de cet arbre,
Ne louant et ne blâmant aucun dieu, sans aucun souhait,
Est accroupie sur elle-même, à la Tartare, la Civilisation de ce temps
Et elle mange son chien crevé dans un plat d’or. »
Coventry Patmore, Arbor Vitae in Poemes - Traduction par Paul Claudel
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14/04/2022
Ces fous...
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13/04/2022
Ils ne sont que des nains
=--=Publié dans la Catégorie "Lectures"=--=
« ls ne connaissent ni les mythes grecs ni l’éthique chrétienne ni les moralistes français ni la métaphysique allemande ni la poésie de tous les poètes du monde. Devant la vraie vie, ils ne sont que des nains. Mais ce sont des Goliaths techniciens – donc des géants dans toute œuvre de destruction, où se dissimule finalement leur mission, qu’ils ignorent en tant que telle. Ils sont d’une clarté et d’une précision inhabituelles dans tout ce qui est mécanique. Ils sont déroutés, rabougris, noyés dans tout ce qui est beauté et amour. Ils sont titans et cyclopes, esprits de l’obscurité, négateurs et ennemis de toutes forces créatrices. Eux qui peuvent réduire à rien des millions d’années par quelques maigres efforts, sans laisser aucune œuvre derrière eux qui puisse égaler le moindre brin d’herbe, le moindre grain de blé, la plus modeste aile de moustique. Ils sont loin des poèmes, du vin, du rêve, des jeux, empêtrés sans espoir dans des doctrines fallacieuses, énoncées à la façon des instituteurs prétentieux. Néanmoins, ils ont leur mission à accomplir. »
Ernst Jünger, Journal -- à la date du 22 Septembre 1945
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