Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

15/11/2022

Le Dieu des pauvres pécheurs

=--=Publié dans la Catégorie "Lectures"=--=

 

 

« L'AMI. — Dieu est grand, insondable, adorable, soit qu'il rayonne au front des étoiles ou sourie au calice des fleurs. Il est beau dans les nuits sombres et le jour éclatant ; plus beau dans la conscience des justes ; plus beau dans la pitié pour ceux qui souffrent. Mais il n'y a pas de Dieu comparable à celui des pauvres pécheurs. »

Charles Wagner, L'ami - Dialogues intérieurs

 

16:00 Publié dans Lectures | Lien permanent | Commentaires (0) | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

Le péché

=--=Publié dans la Catégorie "Lectures"=--=

 

 

« Le péché est un grand révélateur. "Leurs yeux furent ouverts, ils virent qu'ils étaient nus." Cela marque surtout une découverte misérable. Mais une vérité humaine d'ordre général est contenue dans cette constatation symbolique, comme dans ce vers d'un poète : Et nul ne se connaît, avant d'avoir souffert. La douleur d'avoir mal fait, ouvre un jour imprévu sur ce que nous sommes. Dans cette douleur nous est enseignée notre noblesse originelle, se trouve affirmée cette part d'initiative dans nos affaires qui est proprement notre liberté. Enfants de la seule poussière, résultats des seules forces mécaniques, nous ne connaîtrions pas la douleur d'avoir mal fait, parce qu'il n'y aurait pas pour nous de mal. Ne dites pas : c'est de l'atavisme. Car si ma douleur provient de mes ancêtres, des coutumes, de l'éducation, d'où donc la tenaient-ils ? Même implantée d'ailleurs, si la plante du repentir grandit au champ de nos âmes, c'est qu'elle y trouve de la nourriture. Et parfois, épouvanté par la grandeur du mal, j'ai repris courage, en pensant qu'après tout, il n'y avait pas de plus forte preuve d'une vie supéieure que lui. Comment dirions-nous : "Il fait nuit", si nous n'avions pas connu le jour ? Comment le mal existerait-il pour nous, si nous n'étions apparentés avec le bien ? Et ainsi cet abîme nous prouve qu'il en est un autre. Dans le sentiment même de la faute, poignant, tragique, est un sursum corda.

Celui qui n'a jamais tremblé devant le mal qu'il a fait, ni pleuré sur ses fautes passées, ignore toute une face du monde et de l'âme. Il est moins homme qu'un autre. Je ne puis me figurer ce que serait l'humanité sans péché. Elle perdrait du même coup, avec sa misère, ce grand charme de lutte, sa beauté principale. Je voudrais pouvoir mesurer toute la profondeur de vérité contenue dans cette exclamation de saint Augustin : "Félix culpa !" »

Charles Wagner, L'ami - Dialogues intérieurs

 

07:00 Publié dans Lectures | Lien permanent | Commentaires (0) | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

14/11/2022

Temps brisé

=--=Publié dans la Catégorie "Lectures"=--=

 

 

« — Mon temps est brisé en parcelles menues. Trop de soins et de soucis en réclament leur part. Grand est le nombre des importuns qui me gâtent des instants précieux. O, jours sans déchirure, jours d'une pièce où le travailleur peut tailler à l'aise, donner libre carrière à la pensée qui l'obsède ! jours de création, de paix, oublieux des heures rapides : et grandissant presque jusqu'à la taille de l'éternité, je vous aime et vous regrette. Quand donc pourrai-je vous revoir ?

Je suis comme le coursier prêt à fournir sa course et qui part plein d'entrain. A peine a-t-il fait dix pas, une main brutale l'arrête, coupant et saccadant son effort. Il suivait son élan : il doit le réprimer. Et sitôt qu'il est parvenu à se retenir, un coup de fouet lui enjoint de démarrer. Que peut bien devenir son ardeur, soumise à un semblable régime ?

L'AMI.-— Il est démoralisant en effet ; mais dans cet esclavage même, il reste une place à la liberté intérieure. Si, malgré tes efforts, tu ne peux trouver que des miettes de temps à consacrer au labeur aimé, ramasse pieusement ces miettes. Le temps est si précieux ; les moindres morceaux en sont bons. Et, pour qui sait les utiliser, les heures acquièrent une capacité singulière. Il en est où peuvent se condenser des années et des siècles. N'as-tu pas quelquefois, en cherchant la lumière sur ces hauteurs, rencontré la brume ? Les lointains se cachaient ; c'est à peine si tu voyais ton chemin, condamné à tâter chaque caillou du pied et du bâton, pour ne pas choir en marchant. Puis de temps à autre le rideau se déchirait, se renfermant aussitôt. Mais de cette vision rapide quelle impression profonde te demeurait ? Rappelle-toi le jour où les souliers pesants de terre détrempée, le dos chargé d'averses successives, les yeux, depuis des heures noyés de froides brumes, nous avons, entre deux loques de nuages gris, vu briller un coin de ciel bleu ! Rappelle-toi, dans un regard de soleil, sur l'Alpe immense, des millions de pensées sauvages et de renoncules d'or ! Cette minute ne payait-elle pas toute la peine de la journée ? N'eût-elle pas perdu d'être plus longue ? Crois-moi, la vie, envisagée sous un certain point de vue, c'est l'art de saisir l'occasion furtive, de tailler un vêtement dans une chute.

Le sculpteur trouve un fragment de marbre et en tire un chef-d'oeuvre.
Sur un débris de papier retiré du panier, le poète, en une heure sans emploi, trace un chant immortel.
Ramasse et agence les pierres qui gisent pêle-mêle dans cette gorge de montagne ! Tu en feras une cathédrale.
La terre n'est-elle pas faite d'un fragment du soleil, et l'homme d'une parcelle de l'infini ?
Courage donc ! dans les quelques moments perdus qui te restent, mets ton âme ! Tu n'auras rien à regretter.

Pourvu que dans cette pauvre goutte de temps descendant au gouffre, un éclair de beauté, un sourire de bonté se reflète en passant ! »

Charles Wagner, L'ami - Dialogues intérieurs

 

07:00 Publié dans Lectures | Lien permanent | Commentaires (0) | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

13/11/2022

Détresse

=--=Publié dans la Catégorie "Lectures"=--=

 

 

« L'AMI. — Paix sur toi ! D'où te vient ce visage défait, pourquoi ces mains lasses ?

— J'ai le coeur déchiré par la grande douleur de vivre. Mon être n'est qu'une blessure. Toute existence m'apparaît rongée par le néant. Les vivants me font l'effet d'ombres ; leurs pensées, de rêves ; leurs entreprises, de chimères. Notre peine est infinie. Pour peser nos charges, il n'est pas de balance; nos souillures dépassent l'imagination même, et nos forces, que sont-elles ? Le choc d'un roseau contre les monts granitiques. Peut-il y avoir encore de la joie dans une semblable vie ? De la confiance en l'avenir, pour qui n'est sûr de rien ? L'homme a-t-il un lendemain ?

Nous sommes pareils aux fourmis dont le passant, distrait ou brutal, disperse la demeure d'un coup de pied. Les pauvrettes courent, peinent, ramassent les débris, sauvent les blessés, restaurent les galeries dévastées. A peine ont-elles fini, qu'un autre coup de pied anéantit le fruit de tant d'efforts. Je ne me sens plus la force de recommencer. Assis ôur les ruines, je pleure et j'envie la paix pro- fonde des morts.

L'AMI. — Laisse-moi pleurer avec toi ; je les comprends, mon fils, tes larmes. Elles roulent brûlantes sur ma joue depuis des siècles. Pauvre humanité, battue par tous les vents, que de fois tes souffrances accumulées m'ont fendu l'âme ! Vos lassitudes me sont sacrées. Je voudrais mettre mes mains sous vos pieds sanglants, vous porter sur mes bras, comme une mère, vous chanter des berceuses qui font oublier la peine.

Pour toutes vos meurtrissures, je vous aime. Mais je vous admire encore davantage à cause de votre long courage.
Accablés, brisés, sur le chemin aride et sous un ciel de feu, que vous marchiez encore malgré tout, je ne sais rien de plus beau. Si des créatures idéales, pures, heureuses, vivent rayonnantes de perfection,cela est conforme à l'ordre. Mais que vous et vos enfants, tordus par le mal, endoloris, rongés de fièvres, empoisonnés de pestilences physiques et morales, vous vous traîniez encore vers le but ; que dans la poussière où vous terrasse la mort, vous plantiez la bannière de l'Espérance ; que dans l'ombre opaque vous gardiez la Foi, cela est sublime, divin. Ni la splendeur des soleils, ni l'hymne des créations, ne me retiennent plus. J'ai détourné mes yeux des visions olympiennes ; ils n'ont plus de regards que pour vos calvaires. Viens, pèlerin fatigué, usé de veilles et de luttes ! Pose ta tête sur mon coeur ; laisse-moi garder ton sommeil comme on garde un trésor ! Qu'il soit doux, profond, réparateur ! Et que, de mes mains caressant ton front brûlant, de tout mon être penché sur le tien, descende en toi le sentiment d'une immense Pitié inclinée sur les hommes !

...Il dort. Combien de questions le sommeil résout ! Heureux ceux qui peuvent encore dormir ! Endormi, le prisonnier est libre, le malade guéri, l'exilé revenu au foyer. Il y a des accablements devant lesquels tout essai de réconfort est vain et toute parole impie. Leur ouvrir les bras, c'est ce que l'heure demande : "Venez à moi, vous tous qui êtes fatigués et chargés !"

Lassitudes mortelles, prostrations, mornes solitudes où plus rien ne luit, vous me rappelez la fin douloureuse de tant de martyrs des justes causes.

L'effoit démesuré a tout épuisé : la bonne volonté, le courage, la patience et même la faculté de souffrir. C'est la défaite, le naufrage. A l'horizon de l'âme, les astres se sont couchés ; la nuit est descendue dont on n'attend plus d'aurore. Les vaincus ont bu le calice jusqu'à la lie; ils se sont étendus dans la poussière, l'oeil vide, avec cette impression dernière et horrible que tout était fini : "Mon Dieu, pourquoi m'as-tu abandonné ?"

Leurs bras se sont tendus vers le secours ; il n'est pas venu. Ils ont compté sur Quelqu'un, caché sous le voile de ce monde visible, et ce Quelqu'un ne s'est pas montré. Pareil à l'homme oublieux de sa parole, il a manqué à l'heure décisive...

Et pourtant ! Dieu des vaincus, s'ils ont cru en Toi, quelle démonstration de ton attrait puissant ! Comme la boussole vers le nord, leur conscience gravitait vers ta lumière. Ils ont cru en Toi plus qu'à la vie, plus qu'à la mort, plus qu'aux réalités que touchent les mains, que les yeux contemplent. Leur poussière encore te proclame.

Dieu des vaincus ! si la trace de tes pas s'est imprimée au front des étoiles, si la nature en fleurs en a gardé comme un parfum, si l'immensité n'est qu'un reflet de ta grandeur, il est un lieu où tu dois être plus qu'ailleurs : c'est celui où tombèrent tes enfants accablés par des luttes et des épreuves surhumaines. Ailleurs tu envoies tes messagers, ici tu es toi-même. Ici ta présence brûle comme en un foyer. Ces vaincus sont les pierres d'attente d'un monde plus beau. En eux réside ce qui demeurera, quand tout le reste aura disparu comme une vapeur. Aussi, quand ils sont descendus au gouffre, ceux qui restent en entendent monter une voix qui dit : " Je suis là."

Leur mort enfante de la vie ; leur tombe dégage de la lumière, leurs os fleurissent, pareils à la verge d'Aaron, et partout où ils furent terrassés, germent comme des semailles sur les sillons, l'espérance invincible, le courage que rien n'abat. »

Charles Wagner, L'ami - Dialogues intérieurs

 

16:05 Publié dans Lectures | Lien permanent | Commentaires (0) | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

09/11/2022

Schisme

=--=Publié dans la Catégorie "Lectures"=--=

 

 

« Mes frères se mordent et se déchirent entre eux. S'ils correspondent ensemble de loin, c'est par anathèmes et flèches empoisonnées... Et moi je les aime tous. Quel supplice ! Il me semble qu'ils s'entre-dévorent dans mon coeur.
Oh ! le schisme des esprits, l'horrible déchirure qui traverse jusqu'en ses fibres le tissu de l'humanité ! Elle m'a scindé comme une étoffe. Les lambeaux vivants aspirent à se rejoindre. Du sein des divisions, je tends les bras vers des amis inconnus. Je voudrais briser les obstacles, franchir les abîmes, et je souffre, je souffre !

L'AMI. — Sort douloureux ! Un autre le partage. C'est Celui qui, sur eux tous, fait lever son soleil et descendre sa rosée. En cette compagnie, console-toi ! Mais que ta peine ne soit point stérile ! Dans toute douleur vaillante, un monde nouveau s'élabore et lentement mûrit pour l'avenir.
Bâtis-la dans ton âme, la haute cité de paix, en pleine rumeur des batailles, au milieu des cris de discorde ! Unis, en secret, ce que sépare le monde ! Élargis ta pensée ; transforme dans ton for intérieur, les rivalités en collaboration ! Ramène, associe, fusionne, garde la Foi et prépare l'Unité ! »

Charles Wagner, L'ami - Dialogues intérieurs

 

 

07:00 Publié dans Lectures | Lien permanent | Commentaires (0) | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

08/11/2022

Vilaines gens

=--=Publié dans la Catégorie "Lectures"=--=

 

 

« L'AMI. — Te voilà donc, l'âme froissée, déchiré partout comme à coups de griffes. Sur tes vêtements, de la boue ; sur ta figure, du sang. Tu reviens d'entre tes semblables, comme si tu sortais des mains des brigands. Oh ! les vilaines gens !

— Et c'est cette espèce que tu prétends me faire aimer !

L'AMI. — Pauvre enfant, je te comprends, je te plains. Fuir à jamais leur commerce, voilà ton légitime désir. Comment en serais-je surpris ? Hideuse est leur méchanceté. Quel mensonge de te les présenter comme aimables et dignes d'être aimés !

— Alors, laisse-les-moi mépriser et haïr.

L'AMI. —Au mal qu'ils t'ont fait, pourquoi en ajouter un autre ? Mépriser est une souffrance ; haïr fait mal. Mépriser, c'est effacer du livre de vie ; peser et trouver trop léger, examiner et jeter au rebut. Peux-tu prendre ton prochain et le rejeter sans souffrir ? Ne vis-tu pas d'espérance ? Mépriser est un acte de désespoir. Et haïr aussi. Celui qui hait, excommunie, et livre à la perdition. Peux-tu, sans frémir de douleur, prononcer la suprême sentence, déclarer quelqu'un perdu ?

— Ils sont incorrigibles.

L'AMI. — Le seraient-ils, les malheureux, pourquoi, s'ils coulent à l'abîme tout seuls, suspendre à leur cou la pierre de ton mépris ?

— Soit, je détournerai d'eux mon regard et les oublierai.

L'AMI. — Tu le détourneras, mais ce sera pour déplorer leur sort. Ce sort, peux-tu l'oublier ? N'est-ce pas la grande ombre qui voile toute lumière ? Quel malheur d'être méchant et pestiféré ! Un seul sentiment est possible devant cette calamité : la Pitié. Ne les plains-tu pas ? Ne sont-ils pas à plaindre ?

— Ils sont à plaindre, et, somme toute, je les plains, mais à quoi bon ?

L'AMI. — Plaindre vaut mieux que mépriser et haïr, c'est plus vrai et plus juste. Ils se moquent de ta pitié. Mais il est bon que tu l'éprouves, bon pour toi, pour la cause humaine. Avoir pitié c'est garder l'espérance, et implique que tout n'est pas perdu.

— Hélas l je ne vois que de la nuit et pas une étoile. La méchanceté humaine est insondable comme l'abîme, impossible à déplacer comme les montagnes.

L'AMI.— Regarde l'abîme et dis : je ne sais qui le comblera. Regarde la montagne et dis : Je ne sais qui l'abaissera. Mais aie pitié du méchant. Et lentement, le sentier de la pitié te conduira plus loin, vers des hauteurs où l'on comprend que les abîmes sont comblés et les montagnes enlevées. »

Charles Wagner, L'ami - Dialogues intérieurs

 

 

16:00 Publié dans Lectures | Lien permanent | Commentaires (0) | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

Regret

=--=Publié dans la Catégorie "Lectures"=--=

 

 

« Comme un bien précieux, place-le en lieu sûr ! Il y a tant de gens qui le placent mal.
On les voit persévérer dans leurs mauvaises pensées et regretter les bonnes.
Regrette les jours perdus, les heures vaines !
Regrette la parole blessante, le soupçon injuste, le jugement rapide !
Mais ne regrette jamais d'avoir suivi ton coeur, lorsqu'il te portait à la confiance, à la franchise, à la bonté !
Ne regrette pas les larmes versées. Ne regrette pas d'avoir obligé des ingrats, gardé tes illusions, d'être resté humain par la tendresse, l'espérance et même la douleur !
Sur tous ces points, il est bon de vivre et de mourir impénitent. »

Charles Wagner, L'ami - Dialogues intérieurs

 

 

12:00 Publié dans Lectures | Lien permanent | Commentaires (0) | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

Dis-moi ta peine

=--=Publié dans la Catégorie "Lectures"=--=

 

 

« Garde ton secret, pauvre coeur, tu n'as rien de plus précieux ! Que les regards profanes ne le souillent pas ! Mais pourquoi me cacher ce que je sais, ce qu'il te serait salutaire de me révéler ? Ta peine entière, produis-la ! Qu'en pleine lumière elle paraisse devant moi, et tu seras soulagé ! Je te connais, je t'ai sondé. Pour tout ce que tu souffres, je t'aime. »

Charles Wagner, L'ami - Dialogues intérieurs

 

 

07:00 Publié dans Lectures | Lien permanent | Commentaires (0) | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

07/11/2022

Vase et potier

=--=Publié dans la Catégorie "Lectures"=--=

 

 

« — "Le vase dira-t-il au potier : Pourquoi m'as-tu fait ainsi ?" (Ésaïe.)

L'AMI. — L'esprit de contestation est un des plus stériles parmi les stériles. Mais nous empêcher de parler, qui le pourra ? Lorsqu'on souffre, on a le droit de se plaindre, voire même de crier tout haut. Le silence même se transforme en cri. Quand elle ne peut plus ni implorer, ni crier, alors la douleur est vraiment éloquente. Ne te prive pas, vase infirme, de dire à ton créateur tout ce que tu ressens ! Sois d'une sincérité limpide ! Ne te trouve pas beau si tu es laid, heureux si tu es misérable ! N'approuve pas, pour plaire à plus grand que toi, ce que ta conscience réprouve !
Fais à ton Père l'honneur de ne pas le confondre avec ce riche dont parle le vieux Sirach : "Le riche commet des injustices et y ajoute l'impudence ; le pauvre souffre et doit encore remercier." Dis-lui ta peine. Dis-lui : Regarde comme je suis fait ! — Ton avis, plus que tu ne saurais penser, est partagé. Que toute infirmité soit guérie ; que les aveugles voient, que les sourds entendent, que les prisonniers soient libérés, que les méchants deviennent justes, et que les morts vivent ! Voilà le dessein caché qui s'élabore sous le mystère de notre vie. Si pauvre soit le vase, si magnifique le Potier, ils doivent être d'accord, non pour le maintien du statu quo, mais dans le souci du mieux. »

Charles Wagner, L'ami - Dialogues intérieurs

 

 

16:00 Publié dans Lectures | Lien permanent | Commentaires (0) | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

Ne parle pas !

=--=Publié dans la Catégorie "Lectures"=--=

 

 

« — Mets ton doigt sur les lèvres, souffre et tais-toi ! Qui es-tu pour parler devant la Majesté sainte et terrible ?
— Je suis son enfant. »

Charles Wagner, L'ami - Dialogues intérieurs

 

 

14:36 Publié dans Lectures | Lien permanent | Commentaires (0) | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

Oublie et pardonne !

=--=Publié dans la Catégorie "Lectures"=--=

 

 

« Au plus profond de toi-même, creuse une tombe ! Qu'elle soit comme ces lieux oubliés vers lesquels ne conduit aucun sentier ! Et là dans l'éternel silence, ensevelis le mal que l'on t'a fait I Ton coeur sera libéré comme d'un fardeau. La paix divine y régnera. »

Charles Wagner, L'ami - Dialogues intérieurs

 

 

12:00 Publié dans Lectures | Lien permanent | Commentaires (0) | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

Souvenirs amers

=--=Publié dans la Catégorie "Lectures"=--=

 

 

« L'AMI. — Ne te condamne pas aux souvenirs amers !
Pourquoi faire l'honneur à l'offense de la placer aux écrins de ta mémoire ?
As-tu le coeur trop vaste, pour y donner tant de place à la rancune ?
Le peu que l'homme sauve du naufrage de l'oubli, consistera-t-il surtout dans le mal qu'on lui a fait ?
Il y a des actes impardonnables, des êtres qui ne méritent ni excuse, ni bienveillance, ni indulgence. Est-ce une raison pour les associer à notre pensée à jamais ?
Laisse tomber l'injure à terre, et ne la ramasse pas ! Baisse-toi plutôt pour ramasser la fleur, si humble soit-elle, qui t'a souri en ce vallon ! »

Charles Wagner, L'ami - Dialogues intérieurs

 

 

07:00 Publié dans Lectures | Lien permanent | Commentaires (0) | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

06/11/2022

Khalil GIBRAN – Une Vie, une Œuvre : athée, fou, mystique ? (France Culture, 1990)

=--=Publié dans la Catégorie "PARENTHÈSE"=--=

 

&

 

=--=Publié dans la Catégorie "Lectures"=--=

 

06:30 Publié dans Lectures, Parenthèse | Lien permanent | Commentaires (0) | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

05/11/2022

Se tenir nu dans le vent et se fondre au soleil

=--=Publié dans la Catégorie "Lectures"=--=

 

 

« Alors Almira parla, disant : nous voudrions maintenant vous questionner sur la mort. Et il dit : Vous voudriez connaître le secret de la mort. Mais comment le trouverez-vous sinon en le cherchant dans le cœur de la vie ? La chouette dont les yeux faits pour la nuit sont aveugles au jour ne peut dévoiler le mystère de la lumière. Si vous voulez vraiment contempler l’esprit de la mort, ouvrez amplement votre cœur «au corps de la vie. Car la vie et la mort sont un, de même que le fleuve et l’océan sont un. Dans la profondeur de vos espoirs et de vos désirs repose votre silencieuse connaissance de l’au-delà; Et tels des grains rêvant sous la neige, votre cœur rêve au printemps. Fiez-vous aux rêves, car en eux est cachée la porte de l’éternité. Votre peur de la mort n’est que le frisson du berger lorsqu’il se tient devant le roi dont la main va se poser sur lui pour l’honorer. Le berger ne se réjouit-il pas sous son tremblement, de ce qu’il portera l’insigne du roi ? Pourtant n’est-il pas plus conscient de son tremblement ? Car qu’est-ce que mourir sinon se tenir nu dans le vent et se fondre au soleil ? Et qu’est-ce que cesser de respirer, sinon libérer le souffle de ses marées inquiètes, pour qu’il puisse s’élever et se dilater et rechercher Dieu sans entraves ? C’est seulement lorsque vous boirez à la rivière du silence que vous chanterez vraiment. Et quand vous aurez atteint le sommet de la montagne, vous commencerez enfin à monter. Et lorsque la terre réclamera vos membres, alors vous danserez vraiment. »

Khalil Gibran, Le Prophète

 

 

16:00 Publié dans Lectures | Lien permanent | Commentaires (0) | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

Les colonnes du temple se dressent à distance

=--=Publié dans la Catégorie "Lectures"=--=

 

 

« Aimez-vous l'un l'autre mais ne faites pas de l'amour une chaîne Laissez-le plutôt être une mer se balançant entre les rivages de vos âmes. Remplissez chacun la coupe de l'autre mais ne buvez pas à la même coupe. Donnez-vous du pain l'un à l'autre mais ne mangez pas le même morceau. Chantez et dansez ensemble et soyez joyeux mais sachez demeurer seuls, Pareils aux cordes du luth qui sont seules mais savent vibrer ensemble en musique. Donnez vos coeurs mais sans que l'un et l'autre le garde. Car seule la main de la Vie peut comprendre vos coeurs. Et restez ensemble mais pas trop près l'un de l'autre Car les colonnes du temple se dressent à distance, Et le chêne et le cyprès ne poussent pas à l'ombre l'un de l'autre. »

Khalil Gibran, Le Prophète

 

 

07:00 Publié dans Lectures | Lien permanent | Commentaires (1) | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

03/11/2022

Ingratitude

=--=Publié dans la Catégorie "Lectures"=--=

 

 

« — Oh ! l'ingratitude, mal hideux et rongeur ! Comme elle torture le coeur !

L'AMI. — Mais il doit y avoir du plaisir à la pratiquer, si j'en juge par le nombre des ingrats. Certains ont le vin triste et la gratitude morose ; mais ils ont l'ingratitude joviale. Regardez-les quand ils remercient : ils forcent leur talent. Lorsqu'ils pratiquent l'ingratitude, ils sourient. C'est le sans-gêne, la désinvolture, l'aisance des petits canards sur l'eau : vous les contemplez dans leur élément.

D'autres vices prospèrent sous des latitudes déterminées. Celui-ci est cosmopolite. Il prospère à tous les étages de la société, à tous les âges de la vie. Dans les caves, dans les greniers, il est chez lui partout. Aujourd'hui il porte des boucles blondes ; vous le prenez pour un enfant. Demain vous le rencontrez en cheveux blancs ; c'est un de ces hideux vieillards dont la vie n'a été qu'une longue déchéance. Quand l'ingratitude vous blesse de la part des grands, vous la croyez grande dame. Mais prenez garde aux métamorphosés ! A la première occasion, elle prendra les traits d'une mégère.

Il y a l'ingratitude des enfants et celle des parents, des peuples et des rois ou des classes dirigeantes, des chefs et des subalternes, des maîtres et des serviteurs, du public et des hommes en vue, des riches et des pauvres.

Nous avons aussi des formes d'ingratitude dont on abreuve spécialement certaines catégories de personnes. Ingratitude pour médecins, ministres, vieux serviteurs usés à la peine ; pour chanteurs n'ayant plus de voix, pour citoyens dévoués, ruinés au service de la chose publique ; pour héros morts à tous les champs d'honneur et de sacrifice. — Une des pires ingratitudes est celle de l'homme envers la femme. Demande-le aux oubliées, aux délaissées, aux désespérées, aux mortes de douleur !

Faire des ingrats est inévitable. Une plante qui réussit dans tous les terrains et dont la graine ailée voltige dans tous les coins, ne peut manquer de pousser un peu partout. Si donc vous faites du bien et vous dépensez sous n'importe quelle forme, vous cultivez l'ingratitude. Où est celui qui n'a jamais rendu service à personne, à qui aucune variété d'ingratitude ne puisse être témoignée ?

Mais plus vous payerez de votre personne et plus vous récolterez d'ingratitude. En sorte que ceux qui en méritent le moins en récoltent le plus.

Rien n'est douloureux à éprouver comme l'ingratitude. C'est une croix pénible à porter. Pour quelques-uns s'y ajoute la couronne d'épines et tous les accessoires du calvaire. L'ingratitude est ingénieuse, pleine de ressources toujours nouvelles, inépuisable en son répertoire.

Elle a infligé à l'humanité quelques-unes de ses plus vives douleurs. Plusieurs en ont le coeur meurtri, rongé, et la vie gâtée. On dirait, en vérité, qu'il est plus difficile de pardonner le bien qu'on nous a fait, que les offenses reçues.

— L'ingratitude vous décourage de bien faire, voilà le plus triste.

L'AMI. —En cela, nous avons tort. C'est une question de but et de point de vue. Si tu sèmes le bien, pour récolter de la gratitude, tu auras, certes, les pires déboires. Finalement, dégoûté, tu abandonneras une culture désastreuse. Fais le bien, suis la bonne voie, donne ton labeur, ouvre tes bras à l'affection, sans trop compter sur les résultats I Mais évite cette figure aigre de certaines gens de bien, qui prévoient l'ingratitude partout et pleu- rent sur elle avant sa naissance ! Ce serait là une façon de la provoquer. On fait encore des ingrats en pratiquant le bien, mal à propos, en se jetant, s'amoindrissant et s'avilissant par la facilité du don. Faire apprécier ses dons est un service à rendre. Enveloppez la bonté d'un peu de dignité, de rudesse même ! Surtout ne vous enfuyez pas, si vos amis, vos obligés, si la jeunesse veut vous témoigner de la gratitude ! Restez là et laissez-vous offrir des hommages! Votre modestie peut-être en souffrira. Il faut savoir souffrir pour le bien d'autrui.

Les victimes de l'ingratitude ont, dans tous les pays, à toutes les époques, un compagnon dont l'exemple peut les réconforter. Ce compagnon, c'est Dieu, le plus oublié de tous les bienfaiteurs. A-t-il jamais cessé cependant de manifester son amour ? Et depuis que le Christ est mort sur une croix d'infamie, symbole éternel de l'humaine ingratitude, le comble est atteint. L'homme des douleurs peut dire à ses frères : "Venez à moi, je vous soulagerai !" »

Charles Wagner, L'ami - Dialogues intérieurs

 

 

16:00 Publié dans Lectures | Lien permanent | Commentaires (0) | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

Roi de Misère

=--=Publié dans la Catégorie "Lectures"=--=

 

 

« L'AMI. — Le Christ a dit : "Je ne suis pas seul, le Père est avec moi." Tu peux le dire aussi avec joie, à certaines heures. Pourquoi donc à d'autres, aux heures noires où ta cour de mi- sères s'assemble, faut-il que tu dises avec tristesse : Je ne suis pas seul ?

Qu'as-tu fait pour te condamner à pareille société ? En vérité, Dieu nous a-t-il donné une âme, pour en faire une hôtellerie morose, où des places de choix sont accordées à des visiteurs aux figures sinistres qui, de leurs discours et de leurs réflexions, nous glacent le sang et abattent le courage ?

Que te disent-ils tout bas, ces compagnons aux traits lamentables ? Que la vie est mauvaise, qu'il n'y a pas d'espérance, que le mal est vainqueur, vaine la lutte pour toute bonne cause. Ils te renouvellent les souvenirs amers et te font voir, dans l'avenir, des ennemis nouveaux se préparant à fondre sur toi.
Et après ? Te tendent-ils la main, ces seigneurs ? T'aident-ils à te débrouiller? — Non, ils n'ont jamais su que gémir. Hors d'ici donc, ces tristes parasites, toujours prêts à envahir la solitude des êtres harassés ! Ils ont le don de se faire aimer, comme les mauvais fils, pour tout le mal qu'ils vous font. Nettoyons-en notre esprit comme d'une moisissure ! »

Charles Wagner, L'ami - Dialogues intérieurs

 

 

07:00 Publié dans Lectures | Lien permanent | Commentaires (0) | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

01/11/2022

Liberté d'expression...

=--=Publié dans la Catégorie "Lectures"=--=

 

 

« Ah, la liberté d'expression ! Ces deux mots, de nos jours, n'en font plus qu'un. Et s'effacent au profit de ce syntagme enchanté toutes les autres valeurs attachées à la parole : la correction syntaxique, l'élégance stylistique, la pertinence du propos, le respect des vérités de fait, la simple politesse. »

Alain Finkielkraut, La seule exactitude

 

 

16:00 Publié dans Lectures | Lien permanent | Commentaires (13) | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

L'Eternel dans l'éphémère

=--=Publié dans la Catégorie "Lectures"=--=

 

 

« — Le soleil darde sur les sapins. De leurs branches vertes, de leur écorce qui suinte, de leurs cônes distendus par la chaleur, s'évapore la résine. Le sol même, couvert d'aiguilles mortes et surchauffées, dégage un parfum subtil. Au seuil du bois, la prairie alpestre résonne du chant des grillons et du ramage des facétieuses sauterelles. C'est la joie, la vie, l'amour. Le peuple des insectes est en liesse. L'atmosphère leur appartient. La forêt grave et vieille susurre avec les moucherons.

Où serez-vous dans six mois, papillons folâtres, scarabées cuirassés de nacre, bourdons sonores ? Enragés musiciens tourbillonnant dans un rayon de midi, où seront vos crécelles, vos sifflets, vos tambourins ?

Un champ de neige nous regarde par les lucarnes de la sapinière voisine. Il m'avertit que tout ce joyeux bruit sera couvert d'un linceul. La forêt chantera encore, mais dans la tourmente, cette fois. Le vol capricieux des flocons dansant au sifflement de la bise, remplacera celui des abeilles et des libellules.

L'AMI. — A quels sinistres pensers ton âme est-elle en proie ? Ton bonheur exige-t-il qu'il y ait des mouches, même l'hiver, et que les pa- pillons deviennent centenaires ? Leur grâce n'est-elle pas dans leur fragilité? Que deviendrait la fraîcheur des roses, si elles avaient la résistance du métal ? Et que resterait-il de la beauté des soleils couchants, s'ils devaient durer toujours ? Pour te plaire, une chose est-elle tenue d'être longue ? Que gagnerait l'éclair à durer ? Ce que gagne un cri du coeur à se répandre en un flux de paroles ; une heure de joie intense à se délayer dans un déluge de jours.

— Contre ton habitude, tu railles. Je ne te reconnais pas. Toi, représentant de ce qui demeure, sous quel jour ignoré m'apparais-tu ? La joie éphémère me désole et m'accable ; j'aspire à ce qui ne meurt pas.

L'AMI. — Ce qui demeure, c'est ce qui est. Une chose n'a pas besoin de s'éterniser pour participer de l'éternel. Il suffit qu'elle soit accomplie en elle-même. Ici le temps ne fait rien à l'affaire.

A la joie de cette fête de soleil, rien ne manque. S'il y a une ombre au tableau, elle est en toi. Ne t'attriste pas sur ce peuple éphémère : prends de lui une leçon, prête l'oreille ! Aucun son discordant : c'est la plénitude absolue. Tout est fondu en une harmonie immense, vibrante et lumineuse. Ce chant universel dit l'ivresse de vivre, la paix, la confiance. Ils ont une seule goutte de l'Océan, mais cette goutte est pure. Ne les plains pas.

— Ils ignorent leur bonheur; c'est comme s'il n'existait pas.

L'AMI. — En cela encore, détrompe-toi. L'astre connaît-il sa splendeur, l'enfant sa grâce, le ciel sa profondeur ? L'âme qui s'ignore ne jouit-elle pas d'une beauté de plus ? Pour être généreux et bon, est-il nécessaire de le savoir ? Les héros dont nous admirons le courage tranquille se trouvent-ils eux-mêmes héroïques ?

Savoir n'est pas tout. D'ailleurs que savons- nous ? Peu de chose, à coup sûr, et pas assez pour en vivre. A ceux-là, leur joie arrive par d'autres voies que le savoir. Ils vivent sur le fonds inépuisable qui alimente les créations. Ils sont à la source, comme le nourrisson au sein. S'ils se raisonnaient à ta façon, ils seraient, comme toi, au régime des citernes crevassées. Leur joie s'en irait en fumée, et leurs chants cesseraient.

— Puis-je m'empêcher de penser, de prévoir? Pour quel usage m'est offert le don de réflexion ? Ne m'as-tu pas toujours engagé à m'en servir ?

L'AMI. — A t'en servir, afin de voir plus clair, mais non pour faire la nuit en plein jour ; ta raison doit te fortifier et non t'abattre, Si elle te gâte la vie, c'est donc que tu l'appliques à des besognes qu'elle fait mal. Tu la décourages en l'attelant à l'impossible. Comment pourrait-elle t'aider à vivre, si tu l'exténues ? Tu lui demandes de te fournir l'explication de l'univers, et dans le produit de son impuissant effort, tu t'installes. Le manque d'air et d'espace t'y étouffe. Ta joie s'étiole comme une plante en cave. Le moindre cri-cri sous l'herbe en mène plus large que toi.

— Hélas I que de fois l'ai-je éprouvé avec douleur. L'inquiétude me ronge. Comment vivre tranquille dans ce monde chancelant ? Rien n'est ferme sous nos pas. Sur nos têtes tout menace ruine. La joie même nous fait peur.

L'AMI. — Pauvre enfant, que je te plains d'être ainsi torturé. Si tu savais comme la confiance est bonne, et vain le souci. Quand tu auras prévu tous les malheurs, signalé à l'horizon tous les orages, il t'en arrivera un que tu n'auras pas aperçu. Du ciel bleu, la foudre tombera sur ta tête. Cesse donc de t'agiter inutilement ! Arrête les frais ! A quoi bon cette fabrique de soucis où tu places tes meilleures ressources pour exercer une industrie malsaine ?

Ne vaux-tu pas mieux qu'une fourmi ou une luciole ? Si ceux-là, que la première gelée de nuit emporte, boivent au pur calice de la joie, te réserveras-tu la lie amassée dans je ne sais quelle coupe impure et trouble ? Comprends la leçon de divine insouciance qui sonne par cette montagne ! Hé oui ! la figure de ce monde passe ; il y a sans doute d'excellentes raisons pour cela. Ne t'épuise pas à le déplorer. Saisis dans son vol rapide la révélation de la minute qui fuit.

Cet entrain, l'unanimité de ce vibrant concert ne te dit-il donc rien ? C'est un symptôme à retenir. Il flotte à la surface, mais il vient de loin. Le fond du monde est solide, on peut bâtir dessus : voilà ce que dit l'étoile qui chemine par les cieux,et i'insecte qui chemine sous l'herbe ; voilà ce que fait bruire dans un rayon de soleil l'innombrable essaim des éphémères. —Sois un homme, comme la fleur est une fleur, l'abeille une abeille ! Vis ta vie ; fais ta route ; accomplis ton oeuvre et ne t'inquiète pas du reste ! Et toi aussi, tu connaîtras la paix, la joie, la plénitude. »

Charles Wagner, L'ami - Dialogues intérieurs

 

 

07:00 Publié dans Lectures | Lien permanent | Commentaires (1) | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

31/10/2022

En forêt

=--=Publié dans la Catégorie "Lectures"=--=

 

 

« — Parmi les plus doux moments de la vie, je compte ceux passés à manger des cerises à l'arbre ou des fraises en forêt. Cela me rappelle d'abord le jeune temps, ce temps au doux visage où l'on vit dans l'accord universel, compris des arbres, des insectes et des fleurs, et les comprenant. Aucun plaisir raffiné n'égale celui de se balancer au faîte d'un cerisier en compagnie des moineaux et des loriots. S'en souvenir plus tard est une joie pure où l'âme se réchauffe comme le lézard au soleil.

Piété pour les jeunes années ou profond attachement à la vie de simplicité, j'aime encore ces plaisirs comme au premier jour. Il me semble vivre, dans cette combe inconnue, un moment d'éternité.

Les sapins antiques lèvent leur tête solitaire parmi de vieilles roches blanchies par le temps. Une épaisse végétation de genêts couvre le sol comme d'une toison d'or, et çà et là, entre des buissons dont le soleil surchauffe les senteurs, quelques pieds de fraisier sauvage ont poussé. Leurs fruits mûrs embaument l'air et s'offrent à la cueillette. J'accepte.

J'en cueille pour toi d'abord, cher enfant, que la douleur tient immobile au logis. Il te semblera, en y goûtant, retrouver dans leur arôme une pensée de l'âme des grands bois.

Et puis, à mon tour, j'en mange avec délices, communiant à la grande table universelle : hôte du bon Dieu, convive de la fauvette et du grillon qui boit la rosée au creux humide des feuilles. Le saxifrage et les campanules sont les bouquets de la table ; et de siège, en est-il un meilleur que cette grosse racine garnie de mousse qui, non contente de vous porter, vous prend le corps et vous sou- tient comme un bras ?

L'AMI. — Jouis de cette heure, sans trouble, sans regret! Redeviens enfant ! Abreuve-toi de force et de simplicité ! Laisse-toi dire ce que les fleurs des bois savent mieux que l'homme à la sagesse courte et craintive ! Prends racine au coeur des choses ; puise de l'énergie pour les futures batailles, les chaudes rencontres, les spectacles douloureux ! Clarifie ton âme et l'assainis aux rayons de ce soir clément! Le mystère consolant fleurit dans les genêts et tremble aux rameaux dans une goutte de rosée. Puisse l'esprit qui ranime et soutient, passer de ce coin de forêt au livre de ton âme, en y marquant sa trace indélébile ! »

Charles Wagner, L'ami - Dialogues intérieurs

 

 

16:00 Publié dans Lectures | Lien permanent | Commentaires (0) | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

Aime tes amis

=--=Publié dans la Catégorie "Lectures"=--=

 

 

« L'AMI. — Aime tes amis, et ne t'en prive pas ! Dis-le-leur, et répète-le souvent ! Prouve-le-leur, et réitère la preuve ! Mets ton coeur au large en les aimant royalement ! Fais-leur fête, rend-les heureux, mets du soleil sur leur chemin ; que ta maison leur sourie ! Toute heure passée près d'eux est une heure de grâce. Les occasions qu'on regrette le plus sont celles d'aimer et qu'on a perdues. »

Charles Wagner, L'ami - Dialogues intérieurs

 

 

07:00 Publié dans Lectures | Lien permanent | Commentaires (0) | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

30/10/2022

Plus grands que ces sommets

=--=Publié dans la Catégorie "Lectures"=--=

 

 

« — Après l'ascension, lente et la montée pénible, le repos, ici, est plein de charmes. Un horizon immense dédommage des fatigues.
L'air pur et vif vous régénère.

Tout autour de nous à perte de vue, les pâturages s'étendent ondulés, couverts d'herbe drue et de petites fleurs aux couleurs intenses.
Des papillons variés, d'innombrables coléoptères, des oiseaux que la plaine ne connaît pas, frappent la vue. Plus bas s'étendent les belles forêts qui tout à l'heure nous abritaient.
Au-dessous d'elles, les vignes, les champs dorés et le fleuve fuyant au loin.

Mais toujours le regard se reporte sur ce cercle de glaciers bordant l'horizon.

En face, voici, autour de l'échancrure sinueusc appelée Val d'Anniviers, le glacier du Rothhorn. Il a la forme d'une large coulée de lave figée, s'épandant vers la vallée. D'énormes murailles l'encadrent, blanches, dentelées. Des arêtes immaculées courent sur des amas de neige. L'oeil, en les suivant, parcourt des champs éblouissants, monte sur des sommets, descend en de profondes vallées. C'est le désert silencieux couvert d'un linceul éternellement vierge.

A l'extrême droite, là-bas, plus loin que le mont Pleureur et l'Aiguille rouge d'Arolla, une féerie grandiose éclate sous le soleil. Autour de parterres cotonneux se dressent des crêtes, surgissent des tours, des dents, se voûtent des dômes, toute une assemblée de rocs hauts et sombres, étincelants sous une armure de glace. C'est le mont Blanc hérissé de pics, coupé de précipices et de crevasses béantes confi- nant aux vastes plaines neigeuses du glacier du Trient.

Tout cela donne une impression de durée, de solidité, de grandeur calme. De ces hauteurs, que le monde paraît grand et l'homme petit !

L'AMI. — Remplis-toi l'âme de ce spectacle ! Emporte-le dans ton souvenir ! Quand tu respireras l'air enfumé des villes, des salles de spectacle où s'entassent les foules, des chambres où gémissent les malades ; quand tu te sentiras empoisonné par les miasmes au sein desquels siègent les diplomates, complotent les hommes d'église, calculent les financiers, pontifient les pédants, se pavanent les sots : ferme les yeux et reporte-toi ici ! Cela te réconfortera.

Et si d'aventure l'orgueil te prend, compare ta taille à ce que tu vois ici. Tu pourras en tirer des leçons salutaires qui te remettront à ta place. Et tu ne risqueras pas de devenir semblable, en ta vanité de chair, au moucheron à la fois impudent et fragile, qui s'enivre d'un rayon de soleil. Mais ne va pas plus loin. N'abaisse pas l'esprit devant le colosse matériel. Ne te laisse pas aller à mesurer l'humanité à l'aune, ni la valeur de ta vie à sa longueur ! Mesure-t-on la toile du peintre à la toise ? ou l'oeuvre du poète à la balance et au boisseau ?

Ta taille est de peu de coudées, ta durée de quelques couples d'années. Mais tu n'as pas le droit, devant les monts, géants de l'espace et de la durée, de te déclarer petit. En toi vit une grandeur par eux ignorée. Quelle que soit la majesté de ces lignes, la beauté de ces paysages, ce sont seulement des signes destinés à te révéler à toi-même, à te figurer l'esprit dont tu portes en toi la marque. Tel que tu es, petit, fragile, éphémère, tu n'en peux pas moins, en un instant rapide de ta vie, concevoir des pensées, éprouver des réalités, qui furent avant que les montagnes fussent nées, et demeureront quand elles seront réduites en poussière. Tu peux, dans la souffrance ou dans l'action, atteindre des profondeurs et des hauteurs pour lesquelles il n'y a pas de mesure dans le monde visible.

La pauvre femme accablée de soucis, mais qui espère, aime et travaille ; le penseur et le croyant qui marchent dans la nuit, gardant leur confiance à la lumière ; le pauvre soulageant le pauvre ; l'affligé consolant l'affligé ; l'offensé qui pardonne ; les martyrs mourant pour la science, la foi, la justice, la patrie, sont plus grands que ces sommets. En eux habite une beauté plus pure que le bleu du ciel et la blancheur des névés. L'homme demeurant ferme en son âme, en face des obstacles ou des entreprises du mal, inaccessible aux menaces comme à la corruption, ne craignant pas d'être seul en face des foules contraires, cet homme-là est un rempart plus solide, et plus digne d'être salué que le mur abrupt de l'abîme, quand il se dresse et dit : Tu ne passeras point ! »

Charles Wagner, L'ami - Dialogues intérieurs

 

 

16:00 Publié dans Lectures | Lien permanent | Commentaires (0) | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

Le trouble est en nous

=--=Publié dans la Catégorie "Lectures"=--=

 

 

« L'AMI. -— Comment ne pas se rendre à l'évidence ? La paix de l'homme est-elle dans les circonstances ? Les événements peuvent-ils l'ap porter et l'emporter? Voilà bien la vieille'et funeste illusion !

Lorsqu'un sujet de trouble disparaît, il est aussitôt remplacé par un autre, inaperçu avant. Le trouble est en nous. Ce ne sont pas les objets dont, par occasion, il s'entretient, qui le feront disparaître en s'éloignant. Il trouvera toujours des objets, futiles ou sérieux. Que notre pauvre coeur tremblant soit rassuré et guéri, et nous aurons la paix que plus rien n'enlève ! Elle est en Dieu seul.

— Je le sens bien, la paix existe ; la vraie vie n'est pas si loin de nous. Sans cesse elle côtoie cette pauvre et fragmentaire existence où nous nous égarons. Lorsque pour un seul instant elle apparaît, elle éclaire tout ce qui l'entoure. Si nous pouvions la saisir, la réaliser, il n'est pas une situation, triste, compliquée, perdue, dont elle ne ferait jaillir de la lumière.

***

Je t'aime, ô Fils de l'homme, pour ta force et ta douceur, ta simplicité, ta vaillance, ton infinie tendresse, pour ton regard qui rassure et pardonne, enflamme et soulève, pour tout ce que tu nous as apporté de consolant, de chaud, de réconfortant. Reste avec nous ! Enseigne-nous à voir dans chaque pierre de la route l'étincelle divine qui s'y trouve enfouie ! »

Charles Wagner, L'ami - Dialogues intérieurs

 

 

07:00 Publié dans Lectures | Lien permanent | Commentaires (0) | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

29/10/2022

Un abri intérieur, un point à jamais stable !

=--=Publié dans la Catégorie "Lectures"=--=

 

 

« L'AMI. — Une fois pour toutes, retiens cela : Il n'y aura jamais de paix parfaite amenée par les événements. Les causes d'angoisse et de souci changent avec les jours. Et le bonheur te fera peur, si le malheur t'a lâché. Que tes enfants soient petits ou grands, dans ta maison ou établis ailleurs, malades ou bien portants, ils te seront une cause de préoccupations. Et il en est de même de tout ce que l'homme peut posséder ou perdre, prendre ou désirer. Si tu attends, pour être au calme, que l'occasion le permette, tu n'y seras jamais. Sois un homme et aspire à la paix supérieure ! Tu marcheras d'un pas plus ferme sur les sentiers changeants. Car tu auras un abri intérieur, un point à jamais stable. Aucun événement isolé, aucun concours de circonstances même graves, ne remettra tout en question. Enracine-toi dans la seule chose nécessaire : l'amour infini du Père ! Le bien qui en résultera pour toi sera grand. Et tu deviendras un refuge aux autres, à ceux que tu aimes, à l'étranger même dont la route par hasard croisera la tienne. »

Charles Wagner, L'ami - Dialogues intérieurs

 

 

16:00 Publié dans Lectures | Lien permanent | Commentaires (0) | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

L'essentiel

=--=Publié dans la Catégorie "Lectures"=--=

 

 

« L'essentiel est d'être affermi en Dieu. Le reste suit.

N'attends pas qu'un regard de soleil t'apporte le droit d'être en sécurité; qu'une haute volonté humaine se décide en ta faveur ; que le facteur, un jour, te remette le bonheur dans une lettre! Ne crains pas non plus que le malheur descende sur toi de quelque nuage, te saisisse, par la main d'un ennemi, ou fasse, inattendu, irruption dans ta demeure! Heur ou malheur, tout ce qui t'attend au détour du chemin, derrière les portes fermées, dans les replis cachés de la pensée humaine, ou sous le voile de l'avenir, dépend de ce que tu as dans le coeur. Sache-le, une paix existe que le monde ne donne pas et qu'il ne saurait ravir ! »

Charles Wagner, L'ami - Dialogues intérieurs

 

 

07:00 Publié dans Lectures | Lien permanent | Commentaires (0) | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook