23/11/2022
Dieu l'a pris mon enfant
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« — Dieu m'a pris mon enfant.
L'AMI. — Ne dis pas cela !
— Job l'a bien dit : "L'Éternel l'a donné, l'Étemel l'a ôté, que le nom de l'Éternel soit béni ! »
L'AMI. — N'abusons des paroles de personne ! Job voit fondre sur lui des malheurs inexplicables. Comme il sait que tout est dans la main de Dieu, il garde sa confiance, et le bénit, dans les jours mauvais comme dans les beaux jours. En cela il a raison.
Mais, relis les textes ! Disent-ils que Dieu avait décidé de prendre à Job ses biens d'abord, ses enfants ensuite, en dernier lieu sa santé ? Dieu est-il considéré comme l'artisan de ses malheurs ? Non. Il y avait là-dessous une machination de Satan. Job pouvait-il s'en douter ? Évidemment il se trompait.
— Mais n'est-il pas consolant de pouvoir s'associer à sa parole ? Quel autre refuge avons-nous dans les obscurités de la vie ? Quoi qu'il arrive, pouvoir nous en remettre à Dieu absolument, n'est-ce pas le recours suprême du croyant ?
L'AMI.— Certes, oui ! Ici nous sommes d'accord. Il est bon de savoir que tout se ramène à Dieu, en définitive. Mais prenons garde ! C'est dépasser le but et sortir du vrai que de dire avec l'assurance d'un témoin oculaire : Dieu a fait ceci ou cela. Pour parler ainsi en connaissance de cause, il nous faudrait une envergure d'esprit qui nous manque totalement. Peux-tu poser ton pouce sur le Silberhorn et ton index sur le Davalaghiri ?... Ce serait là cependant une moins téméraire entreprise que.de vouloir enfermer dans les limites de ton esprit certains domaines, entre eux contradictoires, de l'action divine.
Crois au Père, crois à son amour ! C'est ce que tu peux faire de plus conforme à la fois à ta raison et à ton coeur. Ne te laisse dire ni insinuer par aucun désordre de ce monde, par aucun malheur, aucune ignominie, aucune douleur affolante, que le Père t'oublie et ne t'aime pas ! Garde fixée sur toi sa face qui rassure et console !
Or, tu changes sa figure, en voyant en lui un ravisseur d'enfants. Son front se durcit. Il devient le despote se jouant de nos affections et de nos vies selon son bon plaisir, et devant qui rien ne vaut, si ce n'est "obéir et se taire".
Ici, je ne sais quel bon instinct nous guide mieux que des paroles tombées au rang de formules. Si ton fils meurt assassiné, tu ne diras pas que Dieu l'a tué. S'il meurt victime de sa témérité, attribueras-tu sa mort à Dieu ? Non. Pourtant au fond de tout, il y a Dieu.
Mais voilà, ton fils est mort de maladie, et couramment nous disons que Dieu l'a ainsi voulu, qu'il a envoyé ce mal.
Est-ce Dieu qui a organisé la vie telle que nous la menons ? Notre hygiène fait-elle partie de sa création ; nos grandes villes, de son plan ? Est-ce que la femme et les enfants croupissant dans les usines malsaines, au fond des troisièmes cours d'un faubourg sans air, souffrent et meurent selon une loi fixée par Dieu ? Certes, Dieu est au fond de ces choses-là aussi, et c'est là notre espérance pour en sortir. De ces cloaques, son esprit nous mènera vers les pures hauteurs. Mais si je pouvais croire le mal et la misère conformes à sa volonté, tout mon entrain pour les attaquer tomberait. Dans une pensée humaine, l'idée que Dieu fait directement tout ce qui arrive, comme nous voyons un homme organiser et produire ses actes, est une idée intolérable, paralysant toute action, transfor- mant la vie religieuse en un bagne. On n'évaluera jamais les angoisses et les tortures infligées au pauvre coeur humain par la religion ainsi comprise. Du fond de quel enfer Job crie-t-il des paroles comme celles-ci : "Et quand il m'exaucerait, si je l'invoque, je ne croirais pas qu'il eût écouté ma voix, lui qui m'assaille comme par une tempête, qui multiplie sans raison mes blessures... Suis-je innocent ? il me déclarera coupable... Il détruit l'innocent comme le coupable... Il se rit des épreuves de l'innocent, la terre est livrée aux mains de l'impie ; il voile la face des juges. Si ce n'est lui, qui est-ce donc ?"
Hélas I que de pauvres créatures souffrantes vivent dans la fournaise asphyxiante de semblables idées !
Cela est tellement horrible qu'en face de certaines formes du mal, la conception dualiste du monde, malgré ses sombres terreurs, me paraît plus consolante, plus assimilable à nos esprits, et surtout moins déconcertante que cette tenta- tive impraticable de manoeuvrer avec la cause première comme avec une grandeur connue et délimitée. On prie avec plus de conviction : "Délivre-nous du mal !" quand on ne s'engage pas dans ces impasses de l'esprit où l'on est contraint de considérer Dieu comme l'auteur responsable du mal.
Il y a des affirmations dont l'assemblage produit un mélange détonant. Elles ne peuvent être enfermées sous le même crâne, sans le faire éclater. L'homme ne peut supporter cette pensée que Dieu est à la fois dans l'innocent qu'on persécute et dans le juge inique qui le condamne. Si c'est Lui le grand semeur de bacilles et berger de microbes, comment pourras-tu l'invoquer contre la maladie et la mort ? J'aimerais mieux, pour ma part, dire : "C'est l'ennemi qui a fait cela". Autrement c'est à en de- venir fou.
— Que dirai-je donc dans mon affliction et que penserai-je pour calmer mon âme ?
L'AMI. — Dis-toi d'abord qu'il est arrivé un malheur, un grand malheur ! Car c'est un malheur que de perdre un enfant aimé : vouloir le nier serait un indigne sophisme. Et puis rappelle-toi cette parole du psaume : "Le malheur peut atteindre le juste, mais l'Eternel le sauve toujours." II n'y a rien de plus ferme pour un coeur meurtri. Invoque Dieu contre les désordres de la nature et contre ses brutalités ! Invoque-le contre la mort, contre toutes les forces de destruction et de découragement ! Crie : A moi Éternel, voilà l'ennemi !
Ne dis pas : Dieu m'a pris mon enfant. Dis plutôt : Mon enfant a succombé à une terrible maladie. Mais ni la maladie, ni la mort ne pourront nous arracher de la main de Dieu, ni détruire notre place dans son plan. Pense ensuite que Dieu veut te fortifier, t'apaiser, te rendre en esprit ce que tu as perdu dans le monde visible.
Ton malheur devra produire du fruit et contribuer au bien. De cette nuit, de la lumière et de la force doivent surgir.
Ensuite pense très simplement et avec une certitude absolue : Le Père fait siennes les misères de ses enfants. Il souffre avec toi ; il est sous ton fardeau. Ainsi tu pourras pleurer ton fils et suivre cette ligne du coeur dont il est toujours néfaste de s'éloigner. Va, pauvre père, Celui qui est le Père, comprend. Ne te violente pas, reste un homme ! Ne crains pas d'offenser Dieu par ta douleur ! Ne fais pas cet horrible tour de force d'arriver à trouver doux ce qui est amer, heureux ce qui est malheureux ! Évite l'inhumain et le monstrueux ! Garde le bon sens avec la foi ! Il nous faut un Dieu faisant vivre, et non un être implacable, froidement cruel qui écrase sans broncher, tue sans sourciller. C'est le Père. On ne te le dira jamais assez, pauvre et douloureuse humanité, car, plus que tes malheurs, tes faux dieux t'exterminent. »
Charles Wagner, L'ami - Dialogues intérieurs
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21/11/2022
Que leur dirai-je ?
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« Que dire aux écrasés, à ceux qui n'ont plus rien à attendre, que la mort détruit, s'ils ne savent ni espérer, ni prier, ni croire ?
L'AMI. — Aime-les et tais-toi ! Dans l'amour, toutes les questions sont résolues. Le silence de l'amour vrai contient tout l'infini des révélations. Toute parole comparée à lui n'est qu'un effort inégal au but. Tais-toi ! Si tu parlais, tu dirais ce qu'on ne comprend pas, tu ajouterais une misère au fardeau des misères. Tu n'expliquerais rien et ne prouverais rien à cet être dans la fournaise, incapable de t'écouter, et tu le quitterais, l'ayant plongé dans la nuit plus avant. Tu le quitterais, pensant peut-être que tu as dit de bonnes choses, et content de toi-même, ô ironie ! A ceux qui se débattent aux griffes du malheur, offrir une formule est cruel. Et parfois il ne leur est prouvé par là qu'une chose, c'est que nous restons sur le Tirage, tandis qu'ils sont dans les flots.
Tais-toi ! Le silence est dans ce monde une grandeur inconnue. Il règne volontiers aux abords du royaume de paix. C'est un des messagers qui environnent l'Esprit. Quand le silence se fait, grand, sacré, sois sur que Dieu n'est pas loin. Tais-toi !
Mais aime-les bien, ceux qui souffrent ! Prends sur toi leur fardeau, entre dans la fournaise, souffre avec eux. Et dans ce saint silence, actif et dévoué, tu briseras la chape étouffante où le malheur isole et enferme ses victimes. Ils te sentiront près d'eux, dans le désert d'angoisse qu'ils traversent. Près de quelqu'un qui vous aime, on n'est pas loin de Dieu. S'ils ne le connaissent pas, ils en sentiront l'immense douceur, innommée, passer comme un souffle des cieux sur leur front enfiévré.
*
L'AMI. — Couche les morts dans Ses bras, quelque terrible que soit leur fin ! »
Charles Wagner, L'ami - Dialogues intérieurs
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20/11/2022
Et nos morts...
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« Vous avez tout détruit, tout souillé, tout humilié ! Tout mélangé, tout mercantilisé, tout transformé en fric ! Oh bien sûr que vous avez la loi avec vous... Vous avez toujours la loi avec vous ! C'est vous, la loi ! Mais nous, on a les oiseaux, la beauté, l'histoire et nos morts ! Et on ne se laissera pas faire ! »
Olivier Maulin, La fête est finie
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Sourire
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« Comme elle nous souriait, au dernier jour, cette bonne mère !
L'AMI.— Souviens-toi de ce sourire! C'est un reflet de la victoire sur la mort. Évangile libérateur ! pour t'annoncer, un dernier souffle de voix est plus puissant qu'une voix retentissante.
Toute belle vie demeure parmi nous comme un don de Dieu. Puisse le parfum en être gardé ! Ce qu'ils nous ont laissé, les chers envolés, reste à jamais notre trésor. Leur paix nous environne, apaise nos coeurs au sein des luttes, trempe notre courage aux heures difficiles. Vaillante patience, bonne humeur inaltérable, confiance en Dieu ; dans la figure de ta mère tout cela te sourit.
Et nous n'entrons pas seuls dans le mystère dernier. Ils sont tous là, les morts aimés. Leur présence nous soutient, leurs âmes nous accueillent et nous disent : Bon courage, amis, la tribulation augmente, mais le but est proche ; voici la grande paix, voici le port, voici la patrie !
*
Dans l'ombre planant sur nos sentiers, les regards des morts aimés se lèvent comme des étoiles. Sources d'espérance et de réconfort, ils nous aident à vivre et à souffrir, à marcher dans la certitude de l'invisible et dans l'affranchissement des éphémères vanités. »
Charles Wagner, L'ami - Dialogues intérieurs
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19/11/2022
Monothéisme du marché
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« Le monothéisme du marché a tout conquis, tout envahi, tout gagné. Pendant que tu regardais du côté des prolos, c’est les financiers qui l’ont faite dans ton dos, la révolution !
Ils ont aboli les frontières sans guerre et sans armée. Ils ont imposé un mode de vie à la planète entière ! Partout les mêmes publicités, les mêmes godemichés, les mêmes supermarchés, les mêmes abrutis ! Ils ont brisé toute résistance, identité, tradition, poésie. Homogénéisé les goûts, formaté les esprits, imposé l’idée que le monde entier avait les mêmes intérêts qu’eux. »
Olivier Maulin, La fête est finie
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Oh ! la mort
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« — Oh ! la mort des aimés! Oh ! cette misère, avant ! ce pauvre corps sculpté par la douleur, ces yeux caves, cette parole qui s'éteint ! Puis ce silence, cette nuit, cette poussière! Avec quelle brutale insistance nous est fournie la preuve de notre néant ! Quelle fureur d'effacer jusqu'à nos traces ! Afin qu'il soit bien entendu qu'il ne reste rien de nous et de notre espérance. Même quand tout paraît fini, la démonstration continue et s'acharne. Aux vivants, tout crie : Tu es poussière ; aux morts, la tombe le ressasse. Après cela, que nous reste-t-il, si ce n'est les yeux pour pleurer ?
L'AMI. — Dans vos larmes vit l'espérance. Le désespoir même qui ne pleure plus est une forme de l'espérance qui ne peut mourir. Désespérer, c'est avoir vu son étoile se voiler. Au delà du voile, elle brille.
Vous avez l'espérance tenace. Les puissances de destruction ont beau faire abonder leurs témoignages ; leur victoire sur vous est de celles qui se crient si fort, parce qu'elles sont douteuses. Il est des morts qu'il faut tuer. Vous en êtes. Mais que peut-on contre eux ? Leur répéter qu'ils sont morts ? Cela ne prouverait-il pas au contraire qu'ils sont vivants ?
Elle est vieille comme le monde, la leçon de choses qui affirme et proclame votre incurable néant. Mais malgré tout ce qu'elle vous a fait souffrir, vous ne l'avez pas retenue. Votre néant, vous n'y croyez pas, puisque vous êtes toujours là. Si vous aviez ajouté foi à la révélation de mort écrite à travers la création, flamboyante dans les rougeurs d'incendie, hurlante dans la tempête, béante dans le gouffre, il vous serait arrivé selon votre foi. Convaincus de néant, vous seriez rentrés dans le néant. Mais que vous viviez encore, après avoir été consumés par mille fournaises mortelles, cela provient de votre foi à la vie. D'où vous vient-elle ? De cette grande mécanique universelle qui vous broie ? Non, Elle vous vient de Dieu. Elle est, en vous, son inef- façable signature. Ne la protestez pas vous- mêmes ! Dieu vit en vous, voilà votre secret. Vous êtes de sa race. Sa pensée s'agite sous votre poussière. Vous êtes une espérance de Dieu.
— Comment ce qui n'est plus serait-il encore ? Comment, dévorés et digérés par la tombe, subsisterions-nous ? Notre vie est effacée comme s'efface sous le coup d'épongé une écriture sur le tableau.
L'AMI. — On peut effacer l'écriture, mais non pas l'esprit, le sens de l'écriture. Que la matière fragile, où s'est incarnée pour un temps une pensée divine, s'oblitère et s'évanouisse sous le coup d'épongé du temps, l'espérance qui est en vous, la pensée divine qui anime votre poussière, demeure. De par l'esprit éternel besognant en vous, vous êtes esprit. En Dieu est votre vie, votre identité garantie. Son souvenir, où rien ne meurt, entretient votre souvenir. As-tu médité parfois la profondeur limpide et infinie de cette vieille parole de psaume ? Par sa lumière, nous voyons la lumière.
Si par notre aspect extérieur et visible nous vivons dans le temps et l'étendue, c'est-à-dire dans l'éphémère, par notre aspect intérieur, invisible, nous vivons en Dieu, dans l'éternel, par conséquent. A sa lumière, nous voyons la lumière. Aveugles et morts serions-nous, malgré la perfection de cet organisme, si rien de divin ne le pénétrait. Cette merveille ne serait qu'une lettre morte. Or, c'est un verbe vivant. Que la lettre s'efface, l'esprit subsiste. Ne t'embarrasse pas dans les ruines de ce qui est passé, comme passera la figure de ce monde ! Lève tes regards vers la lumière ! Ils ne sont pas là, dans l'ombre et la poussière, ceux que tu pleures. Ils sont en Dieu, comme toi aussi ; par l'esprit qui t'anime, tu es en Dieu. Le lien n'est pas rompu.
Ne consens pas à leur néant ! Ceux qu'on aime ne meurent point. La tendresse qui les suit, devient, pour notre espérance, le pont jeté de ces bords mortels vers le rivage impérissable. Tu reverras tous ceux que tu as aimés. Tu les reconnaîtras. Les as-tu connus ici dans l'argile sous laquelle palpitait leur âme ? Non. Tu les connaissais uniquement par la forme et la vie imprégnée à cette argile. Et parfois tu soupirais de je ne sais quel mur de séparation entre eux et toi, les cherchant, et tenu à distance par ce qui n'était pas eux, tout en faisant partie d'eux, matériellement. Au grand revoir l'obstacle sera tombé. Plus rien de passager ne nous séparera. La soif d'union qui tourmente ici toute âme ferme et pure sera enfin apaisée. Ne te confonds pas avec ce qui n'est pas toi ! Connais-toi mieux ! Cet univers mécanique et tout ce qu'il contient, comparé à toi n'est qu'un symbole, une fragile similitude, où s'enveloppe une pensée immortelle. Saisis-toi dans ce que tu signifies ! car en cela tu demeures vraiment. Pleure ! tout ce qui est simplement et sincèrement humain est bon. Les larmes sont la rosée de cette fleur des cieux, nommée l'espérance. Pleure, mon fils, mais espère ; ose espérer ! De tous les courages c'est le plus beau. Tu ne l'auras jamais assez. On ne saurait trop attendre de Dieu. Toute attente sera infiniment dépassée. La plus pure clarté qui, pour nos âmes, éclaire l'au-delà, le pressentiment du plus heureux revoir, ne sont qu'une pauvre image, un lointain et pâle crépuscule en compa- raison de l'immortel matin.
— Oh ! merci, répète-le-moi, encore, toujours ! je suis le voyageur couvert de poussière ; tu es l'oasis. Je suis la soif ; tu es la source. Ne taris pas ! Loin de toi je doute ; près de toi je crois, et l'antique parole s'accomplit : mes brebis entendent ma voix ! »
Charles Wagner, L'ami - Dialogues intérieurs
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18/11/2022
Les deux sommeils
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« Assieds-toi près des berceaux où sommeille l'enfance !
Assieds-toi près de la couchette où dorment les morts !
Dans le berceau, l'avenir est couché, comme aux sillons la semence.
Une promesse est dans chaque tête bouclée. Autour d'elle, c'est comme un battement d'ailes : l'essaim des espérances prend son vol, et les rêves y murmurent, pareils aux abeilles sur la bruyère.
Un jour, tout aboutira à l'autre sommeil.
As-tu regardé les morts dormir ? Qui donc attendent-ils ?
Car ils attendent, et sur leurs lèvres fermées cet appel voltige :
"Les jours sont accomplis. Nous avons marché, lutté, souffert.
Où donc est Celui qui nous dira pourquoi..."
Les morts attendent Dieu...
Et maintenant, Seigneur, la parole est à toi. Tu sais ce que l'homme ignore. Tu sais ce que promet le berceau, ce que recouvre la tombe. En toi est notre espérance.
Si nous n'avions pas cette sécurité, le sourire des petits nous étreindrait le coeur. Il faudrait pleurer sur les berceaux plus encore que sur les tombes. »
Charles Wagner, L'ami - Dialogues intérieurs
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L'Esprit
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« Vivre n'est pas tout ; mourir moins encore.
L'essentiel est que l'Esprit transparaisse à travers la vie comme à travers la mort. »
Charles Wagner, L'ami - Dialogues intérieurs
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17/11/2022
Et Jésus regarda Pierre
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« Ce regard ! chargé d'ombre, au spectacle des douleurs, des souillures, des méchancetés, de tous les fardeaux que porte la pauvre huma- nité, de tous les liens écrasants ou honteux qu'elle traîne ! Nos âmes enténébrées lui apparaissaient comme les grands yeux vides et ceux de l'aveugle, ces pauvres cavernes pleines d'une obscurité morne, semblant porter le deuil du jour perdu. Et les disciples, par moments, y voyaient se dessiner quelque mystérieux Calvaire devant lequel leurs coeurs s'emplissaient d'épouvante !
Mais il était aussi, ce regard, comme un jour ouvert sur le monde supérieur dont le souvenir l'imprégnait. Il rayonnait de la certitude pai- sible que procure au coeur la présence divine. Et son calme disait : "Soyez tranquilles, j'ai vaincu le monde !"
Transparences du royaume de Justice, clartés d'aube éclairant un avenir transformé, paix, tendresse, pitié, pardon, dans ce regard vivait tout cela... Aucun chant inspiré, aucun verbe enflammé des prophètes, aucune forme de beauté créée par les arts pour représenter la splendeur de l'invisible, n'a jamais apporté aux hommes la clarté qui était dans ce regard. Nous vivons de sa lumière. Et lorsque en nous son éclat faiblit, l'ombre grandit, la joie disparait, les crépuscules effrayants envahissent nos sentiers, et le froid de la mort nous enveloppe, de l'autre mort, de celle qui ne connaît pas d'espérance.
Que ce regard te trouve, qui que tu sois ; tombé, te relève ; blessé, te guérisse ; égaré, te ramène ! Sens-le fixé sur toi, lorsque le tien se fermera ! Et mourir fera, pour toi, t'endormir sous le regard de Celui qui a dit : "Je suis la résurrection et la vie." »
Charles Wagner, L'ami - Dialogues intérieurs
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16/11/2022
Repentir
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« L'AMI. — Que fais-tu là dans la poussière ?
— Je me voile la face et je pleure de honte. Comment est-il possible ? C'est moi qui ai fait cela. Le dégoût de moi-même s'empare de ma pensée. Je ne voudrais plus me montrer. Disparaître dans le repentir ; je serais heureux d'en avoir la faculté.
L'AMI. — Tu as tort. Le regret passif est une faute de plus. Un mauvais orgueil se cache dans cet étonnement d'avoir failli. Eh oui, c'est toi qui as fait cela ; tu feras bien de t'en souvenir, afin de ne pas mépriser les autres. Mais à quoi peut servir le dégoût de toi-même ? C'est du soin, du courage, de la clairvoyance et non du dégoût qu'il faut, pour guérir les malades.
Lève-toi, secoue-toi, essuie tes larmes pour y voir plus clair. Sois un homme, porte ta misère ! Dieu remet la faute ; toi répare, profite de la leçon, sème et laboure, veille et prie, marche et combats ! Malheur à ceux qui surissent dans les repentirs stériles et les molles tristesses ! Ils passent la moitié de leurs jours à se lamenter sur les fautes de l'autre moitié, et leur vie tombe inutile au gouffre du passé. »
Charles Wagner, L'ami - Dialogues intérieurs
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15/11/2022
Le Dieu des pauvres pécheurs
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« L'AMI. — Dieu est grand, insondable, adorable, soit qu'il rayonne au front des étoiles ou sourie au calice des fleurs. Il est beau dans les nuits sombres et le jour éclatant ; plus beau dans la conscience des justes ; plus beau dans la pitié pour ceux qui souffrent. Mais il n'y a pas de Dieu comparable à celui des pauvres pécheurs. »
Charles Wagner, L'ami - Dialogues intérieurs
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Le péché
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« Le péché est un grand révélateur. "Leurs yeux furent ouverts, ils virent qu'ils étaient nus." Cela marque surtout une découverte misérable. Mais une vérité humaine d'ordre général est contenue dans cette constatation symbolique, comme dans ce vers d'un poète : Et nul ne se connaît, avant d'avoir souffert. La douleur d'avoir mal fait, ouvre un jour imprévu sur ce que nous sommes. Dans cette douleur nous est enseignée notre noblesse originelle, se trouve affirmée cette part d'initiative dans nos affaires qui est proprement notre liberté. Enfants de la seule poussière, résultats des seules forces mécaniques, nous ne connaîtrions pas la douleur d'avoir mal fait, parce qu'il n'y aurait pas pour nous de mal. Ne dites pas : c'est de l'atavisme. Car si ma douleur provient de mes ancêtres, des coutumes, de l'éducation, d'où donc la tenaient-ils ? Même implantée d'ailleurs, si la plante du repentir grandit au champ de nos âmes, c'est qu'elle y trouve de la nourriture. Et parfois, épouvanté par la grandeur du mal, j'ai repris courage, en pensant qu'après tout, il n'y avait pas de plus forte preuve d'une vie supéieure que lui. Comment dirions-nous : "Il fait nuit", si nous n'avions pas connu le jour ? Comment le mal existerait-il pour nous, si nous n'étions apparentés avec le bien ? Et ainsi cet abîme nous prouve qu'il en est un autre. Dans le sentiment même de la faute, poignant, tragique, est un sursum corda.
Celui qui n'a jamais tremblé devant le mal qu'il a fait, ni pleuré sur ses fautes passées, ignore toute une face du monde et de l'âme. Il est moins homme qu'un autre. Je ne puis me figurer ce que serait l'humanité sans péché. Elle perdrait du même coup, avec sa misère, ce grand charme de lutte, sa beauté principale. Je voudrais pouvoir mesurer toute la profondeur de vérité contenue dans cette exclamation de saint Augustin : "Félix culpa !" »
Charles Wagner, L'ami - Dialogues intérieurs
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14/11/2022
Temps brisé
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« — Mon temps est brisé en parcelles menues. Trop de soins et de soucis en réclament leur part. Grand est le nombre des importuns qui me gâtent des instants précieux. O, jours sans déchirure, jours d'une pièce où le travailleur peut tailler à l'aise, donner libre carrière à la pensée qui l'obsède ! jours de création, de paix, oublieux des heures rapides : et grandissant presque jusqu'à la taille de l'éternité, je vous aime et vous regrette. Quand donc pourrai-je vous revoir ?
Je suis comme le coursier prêt à fournir sa course et qui part plein d'entrain. A peine a-t-il fait dix pas, une main brutale l'arrête, coupant et saccadant son effort. Il suivait son élan : il doit le réprimer. Et sitôt qu'il est parvenu à se retenir, un coup de fouet lui enjoint de démarrer. Que peut bien devenir son ardeur, soumise à un semblable régime ?
L'AMI.-— Il est démoralisant en effet ; mais dans cet esclavage même, il reste une place à la liberté intérieure. Si, malgré tes efforts, tu ne peux trouver que des miettes de temps à consacrer au labeur aimé, ramasse pieusement ces miettes. Le temps est si précieux ; les moindres morceaux en sont bons. Et, pour qui sait les utiliser, les heures acquièrent une capacité singulière. Il en est où peuvent se condenser des années et des siècles. N'as-tu pas quelquefois, en cherchant la lumière sur ces hauteurs, rencontré la brume ? Les lointains se cachaient ; c'est à peine si tu voyais ton chemin, condamné à tâter chaque caillou du pied et du bâton, pour ne pas choir en marchant. Puis de temps à autre le rideau se déchirait, se renfermant aussitôt. Mais de cette vision rapide quelle impression profonde te demeurait ? Rappelle-toi le jour où les souliers pesants de terre détrempée, le dos chargé d'averses successives, les yeux, depuis des heures noyés de froides brumes, nous avons, entre deux loques de nuages gris, vu briller un coin de ciel bleu ! Rappelle-toi, dans un regard de soleil, sur l'Alpe immense, des millions de pensées sauvages et de renoncules d'or ! Cette minute ne payait-elle pas toute la peine de la journée ? N'eût-elle pas perdu d'être plus longue ? Crois-moi, la vie, envisagée sous un certain point de vue, c'est l'art de saisir l'occasion furtive, de tailler un vêtement dans une chute.
Le sculpteur trouve un fragment de marbre et en tire un chef-d'oeuvre.
Sur un débris de papier retiré du panier, le poète, en une heure sans emploi, trace un chant immortel.
Ramasse et agence les pierres qui gisent pêle-mêle dans cette gorge de montagne ! Tu en feras une cathédrale.
La terre n'est-elle pas faite d'un fragment du soleil, et l'homme d'une parcelle de l'infini ?
Courage donc ! dans les quelques moments perdus qui te restent, mets ton âme ! Tu n'auras rien à regretter.
Pourvu que dans cette pauvre goutte de temps descendant au gouffre, un éclair de beauté, un sourire de bonté se reflète en passant ! »
Charles Wagner, L'ami - Dialogues intérieurs
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13/11/2022
Détresse
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« L'AMI. — Paix sur toi ! D'où te vient ce visage défait, pourquoi ces mains lasses ?
— J'ai le coeur déchiré par la grande douleur de vivre. Mon être n'est qu'une blessure. Toute existence m'apparaît rongée par le néant. Les vivants me font l'effet d'ombres ; leurs pensées, de rêves ; leurs entreprises, de chimères. Notre peine est infinie. Pour peser nos charges, il n'est pas de balance; nos souillures dépassent l'imagination même, et nos forces, que sont-elles ? Le choc d'un roseau contre les monts granitiques. Peut-il y avoir encore de la joie dans une semblable vie ? De la confiance en l'avenir, pour qui n'est sûr de rien ? L'homme a-t-il un lendemain ?
Nous sommes pareils aux fourmis dont le passant, distrait ou brutal, disperse la demeure d'un coup de pied. Les pauvrettes courent, peinent, ramassent les débris, sauvent les blessés, restaurent les galeries dévastées. A peine ont-elles fini, qu'un autre coup de pied anéantit le fruit de tant d'efforts. Je ne me sens plus la force de recommencer. Assis ôur les ruines, je pleure et j'envie la paix pro- fonde des morts.
L'AMI. — Laisse-moi pleurer avec toi ; je les comprends, mon fils, tes larmes. Elles roulent brûlantes sur ma joue depuis des siècles. Pauvre humanité, battue par tous les vents, que de fois tes souffrances accumulées m'ont fendu l'âme ! Vos lassitudes me sont sacrées. Je voudrais mettre mes mains sous vos pieds sanglants, vous porter sur mes bras, comme une mère, vous chanter des berceuses qui font oublier la peine.
Pour toutes vos meurtrissures, je vous aime. Mais je vous admire encore davantage à cause de votre long courage.
Accablés, brisés, sur le chemin aride et sous un ciel de feu, que vous marchiez encore malgré tout, je ne sais rien de plus beau. Si des créatures idéales, pures, heureuses, vivent rayonnantes de perfection,cela est conforme à l'ordre. Mais que vous et vos enfants, tordus par le mal, endoloris, rongés de fièvres, empoisonnés de pestilences physiques et morales, vous vous traîniez encore vers le but ; que dans la poussière où vous terrasse la mort, vous plantiez la bannière de l'Espérance ; que dans l'ombre opaque vous gardiez la Foi, cela est sublime, divin. Ni la splendeur des soleils, ni l'hymne des créations, ne me retiennent plus. J'ai détourné mes yeux des visions olympiennes ; ils n'ont plus de regards que pour vos calvaires. Viens, pèlerin fatigué, usé de veilles et de luttes ! Pose ta tête sur mon coeur ; laisse-moi garder ton sommeil comme on garde un trésor ! Qu'il soit doux, profond, réparateur ! Et que, de mes mains caressant ton front brûlant, de tout mon être penché sur le tien, descende en toi le sentiment d'une immense Pitié inclinée sur les hommes !
...Il dort. Combien de questions le sommeil résout ! Heureux ceux qui peuvent encore dormir ! Endormi, le prisonnier est libre, le malade guéri, l'exilé revenu au foyer. Il y a des accablements devant lesquels tout essai de réconfort est vain et toute parole impie. Leur ouvrir les bras, c'est ce que l'heure demande : "Venez à moi, vous tous qui êtes fatigués et chargés !"
Lassitudes mortelles, prostrations, mornes solitudes où plus rien ne luit, vous me rappelez la fin douloureuse de tant de martyrs des justes causes.
L'effoit démesuré a tout épuisé : la bonne volonté, le courage, la patience et même la faculté de souffrir. C'est la défaite, le naufrage. A l'horizon de l'âme, les astres se sont couchés ; la nuit est descendue dont on n'attend plus d'aurore. Les vaincus ont bu le calice jusqu'à la lie; ils se sont étendus dans la poussière, l'oeil vide, avec cette impression dernière et horrible que tout était fini : "Mon Dieu, pourquoi m'as-tu abandonné ?"
Leurs bras se sont tendus vers le secours ; il n'est pas venu. Ils ont compté sur Quelqu'un, caché sous le voile de ce monde visible, et ce Quelqu'un ne s'est pas montré. Pareil à l'homme oublieux de sa parole, il a manqué à l'heure décisive...
Et pourtant ! Dieu des vaincus, s'ils ont cru en Toi, quelle démonstration de ton attrait puissant ! Comme la boussole vers le nord, leur conscience gravitait vers ta lumière. Ils ont cru en Toi plus qu'à la vie, plus qu'à la mort, plus qu'aux réalités que touchent les mains, que les yeux contemplent. Leur poussière encore te proclame.
Dieu des vaincus ! si la trace de tes pas s'est imprimée au front des étoiles, si la nature en fleurs en a gardé comme un parfum, si l'immensité n'est qu'un reflet de ta grandeur, il est un lieu où tu dois être plus qu'ailleurs : c'est celui où tombèrent tes enfants accablés par des luttes et des épreuves surhumaines. Ailleurs tu envoies tes messagers, ici tu es toi-même. Ici ta présence brûle comme en un foyer. Ces vaincus sont les pierres d'attente d'un monde plus beau. En eux réside ce qui demeurera, quand tout le reste aura disparu comme une vapeur. Aussi, quand ils sont descendus au gouffre, ceux qui restent en entendent monter une voix qui dit : " Je suis là."
Leur mort enfante de la vie ; leur tombe dégage de la lumière, leurs os fleurissent, pareils à la verge d'Aaron, et partout où ils furent terrassés, germent comme des semailles sur les sillons, l'espérance invincible, le courage que rien n'abat. »
Charles Wagner, L'ami - Dialogues intérieurs
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09/11/2022
Schisme
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« Mes frères se mordent et se déchirent entre eux. S'ils correspondent ensemble de loin, c'est par anathèmes et flèches empoisonnées... Et moi je les aime tous. Quel supplice ! Il me semble qu'ils s'entre-dévorent dans mon coeur.
Oh ! le schisme des esprits, l'horrible déchirure qui traverse jusqu'en ses fibres le tissu de l'humanité ! Elle m'a scindé comme une étoffe. Les lambeaux vivants aspirent à se rejoindre. Du sein des divisions, je tends les bras vers des amis inconnus. Je voudrais briser les obstacles, franchir les abîmes, et je souffre, je souffre !
L'AMI. — Sort douloureux ! Un autre le partage. C'est Celui qui, sur eux tous, fait lever son soleil et descendre sa rosée. En cette compagnie, console-toi ! Mais que ta peine ne soit point stérile ! Dans toute douleur vaillante, un monde nouveau s'élabore et lentement mûrit pour l'avenir.
Bâtis-la dans ton âme, la haute cité de paix, en pleine rumeur des batailles, au milieu des cris de discorde ! Unis, en secret, ce que sépare le monde ! Élargis ta pensée ; transforme dans ton for intérieur, les rivalités en collaboration ! Ramène, associe, fusionne, garde la Foi et prépare l'Unité ! »
Charles Wagner, L'ami - Dialogues intérieurs
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08/11/2022
Vilaines gens
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« L'AMI. — Te voilà donc, l'âme froissée, déchiré partout comme à coups de griffes. Sur tes vêtements, de la boue ; sur ta figure, du sang. Tu reviens d'entre tes semblables, comme si tu sortais des mains des brigands. Oh ! les vilaines gens !
— Et c'est cette espèce que tu prétends me faire aimer !
L'AMI. — Pauvre enfant, je te comprends, je te plains. Fuir à jamais leur commerce, voilà ton légitime désir. Comment en serais-je surpris ? Hideuse est leur méchanceté. Quel mensonge de te les présenter comme aimables et dignes d'être aimés !
— Alors, laisse-les-moi mépriser et haïr.
L'AMI. —Au mal qu'ils t'ont fait, pourquoi en ajouter un autre ? Mépriser est une souffrance ; haïr fait mal. Mépriser, c'est effacer du livre de vie ; peser et trouver trop léger, examiner et jeter au rebut. Peux-tu prendre ton prochain et le rejeter sans souffrir ? Ne vis-tu pas d'espérance ? Mépriser est un acte de désespoir. Et haïr aussi. Celui qui hait, excommunie, et livre à la perdition. Peux-tu, sans frémir de douleur, prononcer la suprême sentence, déclarer quelqu'un perdu ?
— Ils sont incorrigibles.
L'AMI. — Le seraient-ils, les malheureux, pourquoi, s'ils coulent à l'abîme tout seuls, suspendre à leur cou la pierre de ton mépris ?
— Soit, je détournerai d'eux mon regard et les oublierai.
L'AMI. — Tu le détourneras, mais ce sera pour déplorer leur sort. Ce sort, peux-tu l'oublier ? N'est-ce pas la grande ombre qui voile toute lumière ? Quel malheur d'être méchant et pestiféré ! Un seul sentiment est possible devant cette calamité : la Pitié. Ne les plains-tu pas ? Ne sont-ils pas à plaindre ?
— Ils sont à plaindre, et, somme toute, je les plains, mais à quoi bon ?
L'AMI. — Plaindre vaut mieux que mépriser et haïr, c'est plus vrai et plus juste. Ils se moquent de ta pitié. Mais il est bon que tu l'éprouves, bon pour toi, pour la cause humaine. Avoir pitié c'est garder l'espérance, et implique que tout n'est pas perdu.
— Hélas l je ne vois que de la nuit et pas une étoile. La méchanceté humaine est insondable comme l'abîme, impossible à déplacer comme les montagnes.
L'AMI.— Regarde l'abîme et dis : je ne sais qui le comblera. Regarde la montagne et dis : Je ne sais qui l'abaissera. Mais aie pitié du méchant. Et lentement, le sentier de la pitié te conduira plus loin, vers des hauteurs où l'on comprend que les abîmes sont comblés et les montagnes enlevées. »
Charles Wagner, L'ami - Dialogues intérieurs
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Regret
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« Comme un bien précieux, place-le en lieu sûr ! Il y a tant de gens qui le placent mal.
On les voit persévérer dans leurs mauvaises pensées et regretter les bonnes.
Regrette les jours perdus, les heures vaines !
Regrette la parole blessante, le soupçon injuste, le jugement rapide !
Mais ne regrette jamais d'avoir suivi ton coeur, lorsqu'il te portait à la confiance, à la franchise, à la bonté !
Ne regrette pas les larmes versées. Ne regrette pas d'avoir obligé des ingrats, gardé tes illusions, d'être resté humain par la tendresse, l'espérance et même la douleur !
Sur tous ces points, il est bon de vivre et de mourir impénitent. »
Charles Wagner, L'ami - Dialogues intérieurs
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Dis-moi ta peine
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« Garde ton secret, pauvre coeur, tu n'as rien de plus précieux ! Que les regards profanes ne le souillent pas ! Mais pourquoi me cacher ce que je sais, ce qu'il te serait salutaire de me révéler ? Ta peine entière, produis-la ! Qu'en pleine lumière elle paraisse devant moi, et tu seras soulagé ! Je te connais, je t'ai sondé. Pour tout ce que tu souffres, je t'aime. »
Charles Wagner, L'ami - Dialogues intérieurs
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07/11/2022
Vase et potier
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« — "Le vase dira-t-il au potier : Pourquoi m'as-tu fait ainsi ?" (Ésaïe.)
L'AMI. — L'esprit de contestation est un des plus stériles parmi les stériles. Mais nous empêcher de parler, qui le pourra ? Lorsqu'on souffre, on a le droit de se plaindre, voire même de crier tout haut. Le silence même se transforme en cri. Quand elle ne peut plus ni implorer, ni crier, alors la douleur est vraiment éloquente. Ne te prive pas, vase infirme, de dire à ton créateur tout ce que tu ressens ! Sois d'une sincérité limpide ! Ne te trouve pas beau si tu es laid, heureux si tu es misérable ! N'approuve pas, pour plaire à plus grand que toi, ce que ta conscience réprouve !
Fais à ton Père l'honneur de ne pas le confondre avec ce riche dont parle le vieux Sirach : "Le riche commet des injustices et y ajoute l'impudence ; le pauvre souffre et doit encore remercier." Dis-lui ta peine. Dis-lui : Regarde comme je suis fait ! — Ton avis, plus que tu ne saurais penser, est partagé. Que toute infirmité soit guérie ; que les aveugles voient, que les sourds entendent, que les prisonniers soient libérés, que les méchants deviennent justes, et que les morts vivent ! Voilà le dessein caché qui s'élabore sous le mystère de notre vie. Si pauvre soit le vase, si magnifique le Potier, ils doivent être d'accord, non pour le maintien du statu quo, mais dans le souci du mieux. »
Charles Wagner, L'ami - Dialogues intérieurs
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Ne parle pas !
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« — Mets ton doigt sur les lèvres, souffre et tais-toi ! Qui es-tu pour parler devant la Majesté sainte et terrible ?
— Je suis son enfant. »
Charles Wagner, L'ami - Dialogues intérieurs
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Oublie et pardonne !
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« Au plus profond de toi-même, creuse une tombe ! Qu'elle soit comme ces lieux oubliés vers lesquels ne conduit aucun sentier ! Et là dans l'éternel silence, ensevelis le mal que l'on t'a fait I Ton coeur sera libéré comme d'un fardeau. La paix divine y régnera. »
Charles Wagner, L'ami - Dialogues intérieurs
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Souvenirs amers
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« L'AMI. — Ne te condamne pas aux souvenirs amers !
Pourquoi faire l'honneur à l'offense de la placer aux écrins de ta mémoire ?
As-tu le coeur trop vaste, pour y donner tant de place à la rancune ?
Le peu que l'homme sauve du naufrage de l'oubli, consistera-t-il surtout dans le mal qu'on lui a fait ?
Il y a des actes impardonnables, des êtres qui ne méritent ni excuse, ni bienveillance, ni indulgence. Est-ce une raison pour les associer à notre pensée à jamais ?
Laisse tomber l'injure à terre, et ne la ramasse pas ! Baisse-toi plutôt pour ramasser la fleur, si humble soit-elle, qui t'a souri en ce vallon ! »
Charles Wagner, L'ami - Dialogues intérieurs
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06/11/2022
Khalil GIBRAN – Une Vie, une Œuvre : athée, fou, mystique ? (France Culture, 1990)
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05/11/2022
Se tenir nu dans le vent et se fondre au soleil
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« Alors Almira parla, disant : nous voudrions maintenant vous questionner sur la mort. Et il dit : Vous voudriez connaître le secret de la mort. Mais comment le trouverez-vous sinon en le cherchant dans le cœur de la vie ? La chouette dont les yeux faits pour la nuit sont aveugles au jour ne peut dévoiler le mystère de la lumière. Si vous voulez vraiment contempler l’esprit de la mort, ouvrez amplement votre cœur «au corps de la vie. Car la vie et la mort sont un, de même que le fleuve et l’océan sont un. Dans la profondeur de vos espoirs et de vos désirs repose votre silencieuse connaissance de l’au-delà; Et tels des grains rêvant sous la neige, votre cœur rêve au printemps. Fiez-vous aux rêves, car en eux est cachée la porte de l’éternité. Votre peur de la mort n’est que le frisson du berger lorsqu’il se tient devant le roi dont la main va se poser sur lui pour l’honorer. Le berger ne se réjouit-il pas sous son tremblement, de ce qu’il portera l’insigne du roi ? Pourtant n’est-il pas plus conscient de son tremblement ? Car qu’est-ce que mourir sinon se tenir nu dans le vent et se fondre au soleil ? Et qu’est-ce que cesser de respirer, sinon libérer le souffle de ses marées inquiètes, pour qu’il puisse s’élever et se dilater et rechercher Dieu sans entraves ? C’est seulement lorsque vous boirez à la rivière du silence que vous chanterez vraiment. Et quand vous aurez atteint le sommet de la montagne, vous commencerez enfin à monter. Et lorsque la terre réclamera vos membres, alors vous danserez vraiment. »
Khalil Gibran, Le Prophète
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Les colonnes du temple se dressent à distance
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« Aimez-vous l'un l'autre mais ne faites pas de l'amour une chaîne Laissez-le plutôt être une mer se balançant entre les rivages de vos âmes. Remplissez chacun la coupe de l'autre mais ne buvez pas à la même coupe. Donnez-vous du pain l'un à l'autre mais ne mangez pas le même morceau. Chantez et dansez ensemble et soyez joyeux mais sachez demeurer seuls, Pareils aux cordes du luth qui sont seules mais savent vibrer ensemble en musique. Donnez vos coeurs mais sans que l'un et l'autre le garde. Car seule la main de la Vie peut comprendre vos coeurs. Et restez ensemble mais pas trop près l'un de l'autre Car les colonnes du temple se dressent à distance, Et le chêne et le cyprès ne poussent pas à l'ombre l'un de l'autre. »
Khalil Gibran, Le Prophète
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