10/08/2024
L'idée la pire, la moins défendable qu'ait conçue Maurras
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« « […] l’idée d’un catholicisme sauvant le monde du “Christ hébreu” est la pire, la moins défendable, qu’ait conçue Maurras. Pourquoi nier qu’il l’ait effectivement conçue? Le Christ dans sa nature humaine était hébreu, et même un “patriote juif”. Les juifs n’ont reconnu ni la nature divine ni ce patriotisme qui le fit pleurer sur Jérusalem. Il est trop clair que le catholicisme a sauvé le monde des hérésies sans nombre qui défiguraient le Christ et son message; ces hérésies n’avaient rien de juif, la seule religion où l’influence juive ait été décisive, c’est l’islam, une autre religion, peut-être en grande partie forgée par des rabbins de Médine, eux-mêmes hérésiarques du judaïsme. »
Pierre Boutang, Maurras, la destinée et l’œuvre
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09/08/2024
Ce signe de contradiction ineffable
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« Mais Jérusalem… Je crois que Jérusalem […] ne peut qu’être confiée à la garde de l’État et du soldat juifs. La décadence et les crimes de notre Europe anciennement chrétienne ont conduit à ce châtiment mystérieux, ce signe de contradiction ineffable comme tout ce qui tient à Israël: nous chrétiens, en un sens, avec nos nations cruellement renégates, avons pris le rang des juifs de la diaspora, sommes devenus plus “juifs charnels” qu’eux ; et le jeune et vieil État d’Israël a pris la place de la monarchie franque de Jérusalem. N’oublions pas que cette monarchie, dès le premier Baudouin, comte de Boulogne, se référa spontanément à la monarchie du Livre des rois, à David et à Salomon. »
Pierre Boutang, La guerre de Six Jours
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08/08/2024
Seule création positive répondant à l’horreur infinie de la Seconde Guerre mondiale
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« L’homme européen [...] ne se trouve pas éminemment en Europe, ou n’y est pas éveillé. Il est, paradoxe et scandale, en Israël; c’est en Israël que l’Europe profonde sera battue, “tournée”, ou gardera, avec son honneur, le droit à durer.
[…] En quoi, pourquoi Israël est-il l’Europe? Certes par l’origine de ceux qui ont bâti son État, imposé les conditions du rassemblement de son peuple. Mais cela ne suffirait pas, si l’Europe historique, d’où étaient revenus ces revenants, n’avait été elle-même modelée sur l’histoire du peuple hébreu, n’avait repris la mission du peuple de Dieu dans une “chrétienté”. La couronne du Saint Empire portait l’effigie de David et celle de Salomon, la politique de nos rois en France – avant Bossuet, de l’aveu même de Machiavel – était “tirée de l’écriture sainte”, et les nations, jusque dans l’hérésie jacobine et révolutionnaire, imitaient un dialogue immortel entre la naissance et l’obéissance au Dieu d’Abraham, d’Isaac et de Jacob. L’échec final de la chrétienté en Europe, et de sa “mission” sur les autres continents, rendant apparemment vaine la diaspora, la dispersion du peuple juif, permettant à de modernes empires de prétendre que la croix elle-même avait été vaine, restituait nécessairement aux juifs leur charge originelle, l’idée de cette charge transformée par l’aventure de vingt siècles. Échec déjà évident autour de la Première Guerre mondiale, qui justifia la première entreprise sioniste, mais combien plus éclatant et terrible avec la Seconde et l’entreprise démoniaque du germanisme hitlérien. Toute l’Europe en fut victime, mais nul peuple, nulle communauté comme les juifs; s’ils avaient espéré que l’échec du Christ et de la chrétienté les libérerait, les assimilerait, si les “libéraux”, ou “révolutionnaires”, parmi eux avaient contribué puissamment à cet échec selon le monde, bref s’ils étaient souvent restés “juifs charnels” selon saint Paul, à mesure que les chrétiens le devenaient, l’atroce massacre désabusait à jamais les survivants, autant que les chrétiens antisémites; la croix gammée avait bien élevé sa prétention abominable contre la croix du Christ, et c’est d’un même Dieu, le Dieu judéo-chrétien qu’elle avait proclamé la mort [...].
La création de l’État d’Israël fut la seule rançon, la seule création positive répondant à l’horreur infinie de la Seconde Guerre mondiale. Cette guerre finalement “victorieuse”, libérant quelques-unes des nations opprimées, consacrant ou renouvelant la servitude de beaucoup d’autres, n’a symboliquement et directement produit que cette liberté-là. Elle a donné aux “Européens” qui avaient le plus souffert de l’entreprise contre ce qui restait de la chrétienté (paradoxalement aux juifs qui, dispersés, étaient dans la vraie conception du monde ancien, une part significative de cette chrétienté, même quand ils étaient persécutés par elle), le droit à exister comme État et dans l’histoire. »
Pierre Boutang, La guerre de Six Jours
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07/08/2024
Israël est aujourd’hui la nation que la France s’interdit d’être...
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« La France est le royaume de la nouvelle Alliance. On pioche dans l’Ancien Testament tous les signes, tous les symboles, tous les modèles. On prend le sacre, l’huile sainte, les oriflammes bleu et or, la fleur de lys, jusqu’aux pouvoirs de guérison. Le sacre des rois francs est inspiré de Samuel, qui, avec sa corne d’huile, procède à l’onction du roi David. Par le sacre, le roi des Francs, héritier des rois d’Israël, est l’élu de Dieu.
(...)
Israël a été pendant des siècles le modèle de la France. La France devient à son tour le modèle d’Israël. Mais leurs temporalités se désaccordent. Israël est aujourd’hui la nation que la France s’interdit d’être. La nation farouche, sûre d’elle-même et dominatrice, pour qui la guerre est la continuation naturelle de la politique, pour qui la gloire des armes est une forme suprême d’art. Tsahal renoue avec l’enthousiasme des soldats de l’an II et l’audace de ses jeunes officiers rappelle celle des généraux des armées du Rhin ou d’Italie. Les deux pays ont connu la logique sans tendresse des États-nations condamnés à n’avoir que des alliés et jamais d’amis. Israël est une nation du XIXe siècle pour laquelle la souveraineté nationale est un bien aussi inespéré que sacré, tandis que la France a troqué cette souveraineté qu’elle avait inventée, qui l’avait fondée et préservée à travers les âges, pour les chimères pacifistes d’une fédération européenne impuissante et ingrate. »
Eric Zemmour, Destin Français
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03/08/2024
Consolation...
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02/08/2024
L'idéologie par excellence...
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01/08/2024
Inhabitable
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30/07/2024
C'est l'époque où chacun sait lire et écrire...
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25/07/2024
Sarah Vajda : "Les jeux sont faits" -- Un Roman de résistance aux injonctions...
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Merveilleuse Sarah Vajda...
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20/07/2024
L’erreur de Huntington
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Il n’y a pas de choc des civilisations, mais un conflit entre la civilisation et la barbarie
Par Jean-Paul Brighelli -
17 juillet 2024
Femmes musulmanes vêtues d'habit traditionnel hijab ou abaya sur un marché et dans une rue de la Sarthe, 11 juillet 2024
En 1996 paraissait l’essai de Samuel Huntington, Le Choc des civilisations. À en croire l’auteur, la fin de la guerre froide, bien loin d’asseoir la suprématie américaine, comme l’avait cru Francis Fukuyama (La Fin de l’histoire, 1991), a contribué à déplacer les conflits. Non plus sur un axe est-ouest, mais selon un axe nord-sud ; non plus sur des bases économiques, mais sur des bases idéologiques, en particulier religieuses. Notre chroniqueur revient sur l’intuition géniale de Huntington, et en propose un correctif important : il n’y a pas de clash des civilisations, mais un conflit entre la civilisation et la barbarie. Une affirmation dont nous lui laissons courageusement la responsabilité.
Ce qui caractérise les grandes idées, c’est que même quand on en a repéré les failles, voire la faillite, elles restent de grandes idées. L’analyse marxiste de l’aliénation — reprise de celle que faisait La Boétie dans sonDiscours de la servitude volontaire, publié en 1576 — me revient à l’esprit chaque fois que je croise une femme voilée (soit, à Marseille, une fois toutes les cinq secondes). L’Origine des espèces de Darwin est sans doute entachée d’erreurs, mais les hypothèses du naturaliste sur la sélection naturelle se vérifient à chaque seconde en regardant des gosses dans une salle de classe remonter vers le singe à grands coups de « wesh ! » « wesh ! ». On peut se gausser de Freud, expliquer que les romanciers avaient déjà décortiqué le cerveau humain — mais l’évidence du substrat obsessionnellement sexué dans la conscience humaine (la mienne, en tout cas) est confirmée dans le conscient comme dans l’inconscient. Que le Moi ne soit pas maître dans sa propre maison, ou que quoi que l’on tente avec ses enfants, on fasse mal, n’a même plus besoin d’être démontré — surtout quand on regarde les enfants d’une classe à Marseille…
Et comme l’ont expliqué en leur temps Copernic ou Galilée, la Terre n’est pas plate et tourne autour du soleil. N’en déplaise aux littéralistes des religions auto-révélées.
Le professeur d’Harvard de sciences politiques Samuel Huntington (1927-2008), photographié en Allemagne en 2005
Samuel Huntington, avec son Choc des civilisations en 1996, a magnifiquement senti la ré-orientation des conflits à l’échelle planétaire. Non plus la conquête maniaque de territoires frontaliers (en cela la guerre russo-ukrainienne n’est rien qu’une survivance du passé), mais le grignotage patient de l’Occident par des civilisations extérieures, un jeu de go à grande échelle où le conquérant place des jetons pour s’accaparer des espaces.
Mais alors, où est l’erreur de Huntington ? En cela qu’il ne s’agit pas par exemple de choc de civilisation, mais de l’affrontement entre une civilisation — la nôtre — et une non-civilisation, l’islam.
L’idée m’est venue il y a longtemps, en visite à Grenade. L’Alhambra est le sommet architectural des conquérants islamistes de la péninsule ibérique, qui avaient tenté de remonter au-delà des Pyrénées — une obsession qui ne les a pas quittés. C’est très joli, l’Alhambra. Un beau témoignage d’Al-Andalus, ce mythe forgé de toutes pièces pour inventer un paradis perdu à des conquérants sanguinaires — voir le livre de Serafín Fanjul (2017). Mais à l’époque où les artisans arabes travaillaient joliment la terre cuite et l’émail dans le sud de l’Espagne, les artistes occidentaux couvraient l’Europe de cathédrales.
C’est que l’art occidental est l’héritier des Gréco-Romains, qui ont façonné la civilisation occidentale bien avant qu’un chamelier harcelé de soleil crût entrer en relation avec un dieu d’amour qui conseille de massacrer les impies et d’épouser des petites filles.
Un exemple ? L’évolution du statut de la femme, en Occident, est un marqueur de notre civilisation. Le maintien de la femme dans une infériorité de principe, dans l’idéologie islamique, est un marqueur de barbarie.
Contre-exemple : les immigrés d’origine asiatique n’hésitent pas à s’intégrer, à s’assimiler : ils viennent de ce que Huntington appelle « la civilisation sinisante », une vraie civilisation qui n’a rien à craindre de la nôtre — et qui ne tente pas, pour le moment, de nous supplanter. C’est ainsi que Léa Cho, Coréenne cannoise de 16 ans, vient d’obtenir un double 20 / 20 à l’Épreuve Anticipée de Français.
En vérité, je le dis très solennellement à mes collègues enseignants : il n’y a pas à respecter les croyances fanatiques d’élèves englués dans la barbarie. Nous devons, à chaque instant, appliquer le programme de Voltaire : Ecrasons l’infâme — c’est-à-dire la superstition et le fanatisme, les croyances erronées, et tous les signes extérieurs de ces croyances. Quand un néo-député LFI, Rodrigo Arenas, ex-président de la FCPE, propose d’annuler le décret interdisant l’abaya, on voit qu’il est encore fécond, le ventre qui a enfanté la bête immonde…
Je sors fin août un essai intitulé L’Ecole sous emprise dont je me permets de recopier ici la quatrième de couverture, comme on dit :
« Samuel Paty, professeur d’histoire décapité en 2020… Dominique Bernard, professeur de Lettres poignardé à mort dans son lycée d’Arras en 2023… Et tant d’autres menacés, insultés, agressés chaque jour dès qu’ils s’avisent de heurter les certitudes mortifères des élèves et de leurs parents.
« Pour les enseignants, l’école se fait désormais la boule au ventre, sous le regard suspicieux de mouvances religieuses radicalisées, soutenues parfois par les enseignants eux-mêmes.
« Alors que l’École publique traverse une crise multiforme, Jean-Paul Brighelli plaide en faveur d’un système éducatif restauré et d’une laïcité intransigeante pour contrer l’emprise de l’entrisme islamiste.
« Les enseignants doivent retrouver le droit d’instruire enfants et adolescents contre leurs propres convictions, sans s’autocensurer. Est-il vraiment trop tard, face aux réseaux infiltrés du fanatisme, pour ressusciter ces "hussards noirs de la République" que furent jadis les instituteurs ? »
L’École est le champ de bataille final. Si nous courbons la tête, si nous laissons le moindre interstice aux affirmations mensongères et aux attitudes mortifères de gosses fanatisés, nous sommes perdus. Si dans la rue, nous autorisons l’expression de la barbarie, nous sommes foutus. Si nous continuons à financer les organisations « culturelles » de gens qui haïssent la notion même de culture, nous sommes morts.
Huntington avait raison : les conflits sont désormais entrés en phase chaude. Il avait tort, ce n’est pas une civilisation contre l’autre, mais un coin que des ignorants tentent d’insérer dans le pays qui les reçoit, qui les assimilerait s’ils le désiraient, mais qui doit les repousser comme un organisme chasse un corps étranger qui cherche à l’infecter.
Cliquez sur la photo...
Jean-Paul Brighelli
Normalien et agrégé de lettres, Jean-Paul Brighelli a parcouru l'essentiel du paysage éducatif français, du collège à l'université. Il anime le blog "Bonnet d'âne" hébergé par Causeur.
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18/07/2024
La technocratie nazie a-t-elle inspiré le management moderne ? Avec Johann Chapoutot
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01/07/2024
Chevalerie
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27/06/2024
Remède de cheval...
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24/06/2024
“Renaissance du Fâchisme”...
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« L’Église, ce confort. Il était inutile de se demander, pour ses membres, qui ils “étaient”, par essence, de gauche et que ce label les créditait, déjà, d’un talent. (Encore qu’il y eût, dans les années 50 et 60, contenue dans chacun, une plus ou moins grande densité d’ “être”, selon la violence de l’engagement. D’où la fascination exercée par celui qui, carrément, se disait, lui, communiste. Là, dans ce cas, pas de fissures, pas de suintement suspect, pas le moindre trou de vidange. On était clos. On était plein.)
Autre avantage, la Gauche mettait impeccablement, à votre disposition, idées et thèmes prêts à porter, style rodé, “ismes” éprouvés, phrases toutes faites et, à gogo, indignations et justes causes. Quand l’une de ces dernières était usée, ou bien on la ravaudait, ou bien on en sortait une autre de la corbeille en oubliant la précédente un peu trop souillée par l’Histoire, cette rusée. On allait ainsi d’Algérie en Chine, de Chine en Guinée, de Guinée en Cuba, de Cuba en Viet-nam (etc.) et, quand un cheval était fourbu, on sautait sur les reins d’un autre. On était tranquille parce que toujours assuré, en fouillant dans la panière des causes, de trouver dans le pot, pour parler comme Mlle de Scudéry, “Péril de Droite”, “Renaissance du Fâchisme”, “Complot contre la Démocratie”, ainsi que “Idéaux de 89”, “Acquis du Front Populaire”, “Justice Sociale”, “Relents de Colonialisme” et cent autres articles d’excellente qualité aux prix intellectuellement et moralement imbattables. »
Jean Cau, Croquis de mémoire
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Radioscopie (1976) : Jacques Chancel reçoit Jean Cau
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21/06/2024
Fête de la musique...
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« Cette cochonnerie s’exporte : la France de Jack Lang envoie aux quatre coins du monde son choléra mélomane. La musique est devenue une maladie, depuis qu’on l’impose comme le signe par excellence de la grande Réconciliation planétaire de la fin du siècle.
Lang, auquel un excès bovaryque de mauvaises lectures romanesques a sans doute fait croire que le monde enchanté de la Culture existait, est d’ailleurs l’un des hommes qui a le plus fait, depuis longtemps, depuis très longtemps, pour rendre haïssables des choses qui, au départ, avaient tout pour être aimées ou supportées (la photo, le livre, Rimbaud, les musées, etc.) à condition qu’on ne les transforme pas en objets de célébration, donc en instruments de persécution.
C’était une fête de la non-musique, à l’extrême rigueur, qu’il fallait instaurer. Un jour sans le moindre son ! Une heure sans tambours ni trompettes ! Dans un univers que le bruit de la musique a englouti, c’était la seule chose qui aurait eu un peu d’allure. »
Philippe Muray, Désaccord parfait
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11/06/2024
Furieuse, totale et essentielle volonté de vie
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19/05/2024
Bourgeoisie...
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« Dans "Ne plus attendre", Drieu définissait le bourgeois comme un être qui place "la pensée du bifteck aux pommes avant toute autre pensée." La mauvaise humeur fouette cette formule, et il faut chercher autre part dans ce livre, une pensée plus nuancée, qui correspond davantage à la conviction de Drieu. "Les artistes qui ont commencé, avant les intellectuels socialistes, à moquer et à haïr les bourgeois du temps de Louis-Philippe étaient eux-mêmes des bourgeois - tout romantiques qu’ils se prétendissent - et ils ne faisaient qu’opposer à la figure nouvelle du bourgeois ravagé par le lucre capitaliste, par la hâte industrielle, urbaine, l’image séculaire du bourgeois médiéval, robuste, belliqueux, comme le noble et le paysan, plus soucieux d’achèvement que de gain, animé par la foi chrétienne."
Les bourgeois, qui défilent dans "Rêveuse bourgeoisie", ont des ancêtres et, dès lors, des traditions. Ces traditions se dissolvent : les rites deviennent des routines; les prudences, des timidités ; les scrupules, des hypocrisies ; les convenances, des préjugés ; le sens de l’économie, le sens du confort. Mais Drieu ne croit pas, comme Mauriac, que la bourgeoisie soit seulement l’étroitesse, la mesquinerie et qu’elle pérît de ses querelles autour des héritages et des préséances. Cela, sans doute, est un aspect de cette classe sociale, mais sommaire, superficiel et qui ne rend pas bien compte du phénomène de sa déchéance. Pour Drieu, la bourgeoisie est une communauté qui se replie sur elle-même, par refus de l’effort. D’où son double caractère : anachronique et insignifiante.
L’analyse, ici, est poussée plus loin que dans les romans de Mauriac. L’intuition de Drieu cerne, rend parfaitement intelligible une réalité sociale. Elle explique qu’il y ait, dans cette bourgeoisie, rarement des haines, mais plus souvent des rancunes ; rarement des ambitions, mais plus souvent le souci d’une carrière. L’énergie manque pour soutenir une grande passion qui enflamme une existence. Tout est rapetissé, non, parce que l’on prend une vue basse des choses, mais parce qu’on n’ose pas et finalement parce que l’on ne peut plus empoigner le réel et le façonner avec hauteur.
Rêveuse bourgeoisie, décrète Drieu. Qu’est-ce à dire ? Molle, faible, velléitaire, abandonnée au fil des jours, trimbalée comme un songe creux ; mais surtout dépouillée de l’esprit réaliste, vaincue par l’illusion. Princesse des nuées, se livrant aux chimères comme la société américaine à la vulgarité, voilà ce qu’elle est. »
Pol Vandromme, Drieu La Rochelle
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18/05/2024
Contre la muraille des règlements...
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« Mais la société est conçue d’abord pour l’homme ordinaire ; les individualités trop marquées et trop sensibles butent contre la muraille de ses règlements et s’y écorchent. Le seul tort des anarchistes est de se figurer que les communautés ne comptent que des individualités de cette envergure. »
Pol Vandromme, Drieu La Rochelle
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17/05/2024
Toujours anxieux de lui-même
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« Après tout, un homme, et à plus forte raison un homme de lettres, ne serait-ce pas un ensemble de points de vue dispersés ? Qu’on le regarde de face ou qu’on le regarde de profil, et tout est transformé. Nous sommes pareils aux enfants. Notre visage bouge constamment. On nous le dispute. Personne, plus que Drieu, n’a été, dans la littérature de l’entre-deux-guerres, le lieu de rencontre de ces contradictions.
Il aime Barrès, d’Annunzio, Whitman, Claudel, Rimbaud dont il a acheté les œuvres lorsque Paul Adam (qui lui fit découvrir Marx qui fut l’un de ses intercesseurs intellectuels) lui apprit qu’il avait subi son influence. Maurras aussi l’attirait. Mais sa déception de combattant, le sens qu’il avait des limites de la France, son nietzschéisme, son pessimisme fondamental et cette force mal domptée dont il appelait la venue avec passion, ralentissaient son élan vers le maître monarchiste.
Drieu exaltait la liberté pour aller au plus profond de soi-même. Il célébrait la décadence pour nourrir son dégoût. Par amour de la solitude, pour mettre en valeur les diversités de son de moi et pour les libérer des contraintes, il était anarchiste. Une fièvre de liberté le faisait frémir. Malgré que d’aucuns en puissant avoir, il n’avait pas changé : toujours anxieux de lui-même.
Il était venu à Breton pour éviter l’embourgeoisement de son anarchie, pour vivifier le désespoir qui était dans son sang. Et Breton s’embourgeoisait d’une autre manière, plus efficacement que s’il avait décidé d’écrire dans les journaux du faubourg Saint-Germain : en se ligotant au parti de la discipline. »
Pol Vandromme, Drieu La Rochelle
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25/04/2024
"Nouveaux Lieux communs" de Richard Millet
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18/04/2024
"Le genre de gars qu’on aimerait emmener à un match de base-ball"...
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« Nous sommes les conservateurs d’un monde en métamorphose dont il est nécessaire de répéter toujours qu’il ne change pas et qu’il change en même temps ; mais ça n’est jamais sur le même plan. Il est d’ailleurs certain, pour en revenir aux déclarations de notre précieux Rushdie, que les sandwiches au bacon sont respectables ; et qu’ils mériteraient, à eux seuls, que l’on meure pour eux si la question se posait de cette manière. Mais la question ne se pose pas ainsi. Ou, du moins, les sandwiches au bacon ne sont qu’une toute petite partie d’un ensemble plus large. Cet ensemble, à l’heure actuelle, est appelé Occident par les Occidentaux. Jamais nous autres Occidentaux n’avons tant invoqué l’Occident que depuis votre "tempête des avions". Tout se passe comme si, brusquement, nous en découvrions les beautés insolites et le pouvoir spirituel. Ou comme si nous avions été privés de ceuxci depuis trop longtemps et que nous en retrouvions soudain la saveur après vos saccages et, dans un sens, grâce à eux. Mais il ne s’agit bien sûr, à travers l’expression véhémente de cette passion neuve, que de prohiber, ou plutôt d’étouffer dans l’oeuf, toute manifestation, si mesurée soit-elle, de ce que nous avons résolu d’appeler "anti-occidentalisme". Et s’il s’agit de cela, c’est d’abord parce qu’il faut éviter que l’on s’interroge sur la nature même de cet Occident que vous attaquez. Pardessus tout importe-t-il d’empêcher quiconque de se demander ce que recèle encore au juste ce mot "Occident", et ce qu’il peut bien demeurer de vivant dedans, hormis de formidables accumulations de marchandises et la catéchèse incessante de "valeurs démocratiques" véhiculées à flux tendu comme le reste. Ces valeurs elles-mêmes doivent pour toujours apparaître comme le "nec plus ultra" de notre occidentalité, et comme la pure manifestation, chez nous, du Juste et du Bien. Il serait totalement hors de propos de suggérer qu’elles pourraient constituer l’éventail apparemment varié d’une idéologie unique et obligatoire (malgré la tolérance qui en paraît le ressort principal) et qu’elles forment l’ensemble des Commandements devant lesquels il convient de se courber bien humblement, et à l’unisson, sauf à risquer de s’exclure d’une si belle et si diverse communauté.
Car il est très urgent, une fois encore, que nous ne sachions pas quel est notre monde afin que nous nous occupions à le défendre comme s’il était dans la continuité de quelque chose.
Jamais bien entendu, à la différence de cet Occident terminal dont vous avez fait votre bête noire et dont les États- Unis d’aujourd’hui vous apparaissent comme le condensé, l’Occident chrétien ou judéo-chrétien ne s’était cru "innocent". C’est là le pas supplémentaire et essentiel que nous avons fait : l’innocence, chez nous, est devenue une forme de la démesure, et c’est elle aussi, bien entendu, qui nous porte à édifier des tours dont l’excès ne dialogue plus qu’avec d’autres surenchères architecturales, ainsi qu’avec ces prétentions au "dépassement" dont notre époque est si prodigue sur tant de plans.
L’innocence entraîne l’incapacité de comprendre pourquoi l’ennemi vous en veut à ce point, et surtout pourquoi il attaque avec une telle cruauté. « Comment peut-on nous faire ça ? » se sont ainsi demandé les Américains. Un peu plus tard, sur les murs de New York, on a vu apparaître une inscription que n’importe qui d’entre nous, de l’un ou de l’autre côté de l’Atlantique, aurait pu contresigner : "Si Dieu aime l’Amérique, qui peut tant nous haïr ?" Oui, qui le peut ? Personne. Et c’est pourquoi votre irruption a d’abord semblé impensable, et même presque surnaturelle, dans la douceur de cette belle matinée new-yorkaise où le ciel était d’un bleu si parfaitement chargé du souvenir de l’été encore proche, et où un soleil tiède faisait pétiller la baie. Tellement impensable, tellement surnaturelle que de nombreux témoins, au moment de votre double abordage, et plutôt que de cauchemar, ont parlé d’une sensation de "rêve". La douceur même de ce matinlà enveloppait d’innocence l’Amérique et son mode de vie non contradictoire, qui est aussi une forme d’onirisme. Et nul de ceux qui alors ont vu se produire la catastrophe, que ce soit d’une autre tour ou dans la rue, ou même dans l’une des deux tours visées, et qui ont eu le bonheur de survivre, n’a pu en croire ses yeux. Devant ces immeubles plus lumineux que le ciel et qui s’écroulaient, devant leurs occupants qui se jetaient dans le vide, devant ces populations soudain couvertes de poussière qui erraient dans les rues ou qui tombaient à genoux en sanglotant, tous ont parlé d’horreur, certes, mais ils ont aussi parlé d’irréalité. "Je croyais à une blague", a même avoué une jeune femme, architecte à Broadway, qui sortait du métro à Soho alors que la tour sud était en train de s’effondrer.
Mais ces tours elles-mêmes, par leur énormité, étaient aussi des sortes de blagues, et comme des tours de passepasse attendant sans le savoir le tour de prestidigitation qui les transformerait en mirages évanouis. Et depuis cet événement, qui tenait de la magie noire autant que de l’atrocité véritable, les fantasmagories n’ont plus cessé de se multiplier, alimentant et renforçant à chaque fois notre programme onirique. Un Airbus A300 s’écrase sur le quartier du Queens avec deux cent cinquante-cinq personnes à bord, et ce sont des battements d’ailes de papillon, c’est-à-dire les turbulences créées par un autre avion, qui ont provoqué sa chute, ce qui ne s’était encore jamais vu. Lorsque du nitrate d’ammonium explose dans une usine toulousaine, il est nécessaire de convoquer le plus étonnant enchaînement de causes et d’effets afin de certifier, comme à l’aide d’une charade, ou d’un syllogisme désopilant, qu’il ne s’agit que d’un accident. La contamination par le bacille du charbon elle-même s’est étendue dans des conditions irréelles, et elle s’est résorbée pareillement. On en retrouvait partout aux États-Unis, dans les départements de la Justice et de la Santé, à la Cour suprême, au département d’État ; on n’en retrouve plus nulle part. On racontait aussi que notre grande coalition militaire allait s’enliser en Afghanistan et que ce serait un autre Viêtnam. On annonçait que des milliers de nouveaux terroristes kamikazes se lèveraient dans l’ombre toutes les fois qu’un missile mal guidé détruirait un village innocent. Et voilà que ces prédictions se sont dissipées, pour ainsi dire du jour au lendemain, comme de mauvais rêves, que les opérations aériennes sont une réussite, que les villes sont libérées, que Kaboul danse, que "les hommes jouissent de se faire raser et les femmes de marcher seules dans la rue", et que le film d’horreur semble presque oublié.
Que s’est-il passé au juste ? S’est-il passé quelque chose ? On a dit, après vos attentats, que vos kamikazes avaient longtemps vécu incognito au coeur de l’Amérique profonde et banale, dans des banlieues résidentielles de Floride, qu’ils avaient adopté le mode de vie américain et l’apparence physique de leurs voisins, qu’ils passaient pour des gens charmants et intégrés ("Le genre de gars qu’on aimerait emmener à un match de base-ball", comme s’est exprimé l’un de leur propriétaire). On s’est étonné que ceux qui allaient se transformer en bombes volantes aient été de bons pères de famille qui déposaient tous les matins leurs enfants à l’école. Mais est-il si difficile que cela, entre nous, de s’intégrer à notre monde fictif ? Nous ne nous étonnons que parce que nous nous efforçons de croire que nous existons. Mais nous en avons si peu de preuves que nous sommes forcés d’imposer le respect de notre rêve éveillé pour nous sentir consister. Si vos terroristes ont pu vivre tranquillement au milieu de leurs voisins, et même peut-être mener une existence agréable, tout en préparant leur mission atroce en songeant aux couronnes de pierres précieuses dont on allait bientôt ceindre leurs têtes de martyrs, ainsi qu’aux soixante-douze vierges qui leur étaient promises pour l’éternité dans le paradis d’Allah, sans que personne ne devine leur double jeu, c’est qu’il n’y a pas de double jeu dans un univers sans altérité. On s’est également effaré de votre fine autant que haineuse connaissance de notre civilisation, et de la manière dont vous aviez utilisé nos médias à votre profit. Mais c’étaient les médias qui s’effaraient et s’émerveillaient tout en même temps parce qu’ils avaient identifié chez vous une bonne connaissance d’eux-mêmes et qu’ils en étaient honteusement flattés. Cette disposition ne doit pas vous abuser : les médiateurs ne déchiffrent jamais rien qu’en lisant dans le flot de clichés qu’ils se refilent en famille. Ils ne laissent échapper d’informations que là où ils ne savent pas qu’ils le font : "là où ils louent". Là où est leur dithyrambe, là aussi est la vérité de notre monde. S’ils ont noté que vous connaissiez celui-ci, c’est parce qu’ils ont décelé chez vous une bonne connaissance de leur irréalité, qui est aussi celle de toute l’organisation présente de notre vie. »
Philippe Muray, Chers djihadistes
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16/04/2024
Ainsi, lorsque nous ne reconnaissons plus notre monde, pouvons-nous prétendre maintenant que c’est à cause de vous...
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« Oublierons-nous jamais qu’après le 11 septembre notre Techno Parade parisienne dut être supprimée, de même que nos merveilleuses Journées du Patrimoine ? Et que dire des si graves problèmes du "secteur du tourism"e, de la baisse des "ventes de voyages", des annulations qui se sont brusquement mises à pleuvoir, à cause de vous, chez nos amis les touropérateurs ? Que dire des bateaux-mouches qui ne faisaient plus le plein et des cars d’excursion de Cityrama qui tournaient à vide ? Que dire de ces dommages collatéraux de votre terrorisme ? Vous ne respectez décidément pas la joie, et cela est révoltant. Il va falloir que vous changiez. Et les débats, chez nous, qui tournent autour de la question de savoir si votre religion musulmane est soluble ou non dans la démocratie libérale occidentale, ne traitent de rien d’autre que de votre capacité de vous adapter au plus vite, et d’une façon définitive, à notre joie, qui est aussi la forme extatique que prend chez nous autres Occidentaux l’union sacrée. Et lorsque nous disons que "renoncer à nos valeurs reviendrait à vous concéder la victoire", c’est encore de cela que nous parlons et de rien d’autre, ne vous y trompez pas.
À opérer cette conversion, qui ne vous demandera même pas de répudier les articles de votre foi, vous trouverez de grands avantages qui seront autant de compensations pour l’abandon de vos plus horrifiantes utopies. Vous découvrirez aussi que l’ère de la festivité totale, qui s’est récemment autodéfinie comme le point de perfection presque atteint de l’humanisme universel, ne dédaigne pas non plus, s’il le faut, de s’abandonner à une certaine sauvagerie, et celle-ci ne vous dépaysera sans doute guère. À cet égard, et à l’occasion d’une nouvelle festivité, on pouvait lire dans la presse, et notamment dans notre principal quotidien de révérence, d’instructives informations : "L’atmosphère familiale, religieuse, voire sentimentale, de la fête de Thanksgiving n’a en rien atténué la résolution des Américains à liquider ce qui reste d’Al-Qaïda, mais aussi des troupes talibanes", apprenait-on. Suivaient quelques déclarations des plus délicieusement féroces : "Tous les talibans ne sont malheureusement pas morts", déclarait le secrétaire à la Défense Donald Rumsfeld. Et son adjoint renchérissait gaillardement : "Nous allons essayer d’en tuer le plus possible." On rapportait aussi le propos d’un soldat de Fort Campbell qui venait d’entendre s’exprimer le président Bush : "Après l’avoir entendu, j’ai envie de sortir et de tuer des ennemis." Les détracteurs de notre nouvelle civilisation nous décrivent souvent comme précautionneux, avides uniquement de bonheur et de sécurité. Ils oublient d’ajouter que nous autres Occidentaux sommes également déterminés aux représailles les plus catégoriques chaque fois que nous pensons menacés ce bonheur et cette sécurité. Comme l’a dit encore George W. Bush en annonçant que cette année, par exception, le public ne serait hélas pas autorisé à visiter la Maison Blanche durant les fêtes de Noël : "C’est une raison supplémentaire de mener une guerre assidue contre le terrorisme pour en débarrasser le monde et ramener la sécurité dans notre pays, afin que les visites de la Maison Blanche puissent reprendre." Vous avez votre guerre sainte ; nous avons nos guerres pour la défense du régime festif et de ses Journées portes ouvertes. L’originalité des opérations militaires actuellement conduites vient de ce qu’elles sont menées aussi, et peut-être d’abord, dans le but que puissent se dérouler sans risque désormais, et à jamais, nos Thanksgivings, nos Halloweens, nos Parades de la Joie, nos visites de la Maison Blanche et toutes nos Bacchanales de la Fierté. Dans ce sens, la grande campagne de nos armées, qui fut baptisée d’abord "Justice sans limites" avant de s’intituler "Liberté immuable", aurait pu aussi bien s’appeler "Fiesta farouche", "Ravissement rigoureux", "Offensive euphorique" ou "Gentillesse démentielle". Il ne s’agit d’ailleurs plus, comme le révélait déjà il y a une cinquantaine d’années l’un de nos plus étonnants penseurs, Alexandre Kojève, que "d’aligner sur les positions historiques européennes les plus avancées les civilisations retardataires des provinces périphériques". Nous ne cherchons rien d’autre, en effet, que d’accélérer la liquidation de séquelles anachroniques qui pourraient encore demeurer ici ou là (vous êtes, à l’heure actuelle, cet ici ou là), et de faire accéder toute l’humanité au terme et au but de son évolution inéluctable. Ce processus purement dialectique, donc incompréhensible sur le moment à ses acteurs mêmes, qui croient faire tout autre chose, avait déjà, selon ce même penseur, transformé la vieille Allemagne impériale en démocratie par le biais monstrueux de l’hitlérisme. Et un phénomène analogue, disait-il aussi, était alors en train de se produire en Russie par le surprenant truchement de Staline, comme il était en train de s’amorcer en Chine par la voie moins saugrenue de Mao ; sans bien sûr que l’un ou l’autre en soient le moins du monde conscients. L’effondrement de l’Union soviétique, réduite soudain en poussière comme une tour de Manhattan, ne devait constituer lui aussi qu’une des étapes ultérieures de ce processus ; et il est bien léger de croire, comme vous semblez le faire, que vous avez contribué à la chute de ce régime, affaibli par vos soins dans les monts chauves d’Afghanistan. De ces prémisses fausses, vous avez déduit tout aussi chimériquement que vous alliez mettre à genoux les autres États « mécréants » de la planète. Une telle vantardise consolatrice, vous donnant l’illusion d’une victoire musulmane sur un État-nation moderne, néglige que cet État-nation-là n’était pas si moderne. La vérité est que l’Union soviétique non plus ne respectait pas la joie. C’est de cela en premier lieu qu’elle a péri.
Les chemins de sortie de l’Histoire sont décidément plus impénétrables encore que ceux qu’elle empruntait de son vivant. Et il n’est pas douteux, chers djihadistes, que vous n’avez fait, le 11 septembre, qu’accélérer à votre tour la nécessaire liquidation de vos propres séquelles anachroniques.
Et il est bien dommage que nous ne puissions pas publiquement vous féliciter.
Dans ce même registre de la joie totale et respectable, on a pu voir l’appétissant Salman Rushdie s’empresser d’affirmer que vos oiseaux kamikazes de malheur, par-delà deux immeubles symboliques, voulaient abattre toutes les "bonnes choses" de l’Occident. Et, de ces bonnes choses occidentales, il dressa une liste où se retrouvaient, pêle-mêle, la liberté d’expression, le multipartisme, les homosexuels, les droits des femmes, les jupes courtes, la théorie de l’évolution, le sexe, les baisers en public, les sandwiches au bacon, les désaccords, la mode d’avant-garde, la liberté de pensée, etc. Contre ce qu’il appelait "les forces de l’invisible" (c’est vous), ce barbu extrêmement visible concluait que nous devions être prêts à donner notre vie pour la défense de toutes ces bonnes choses. Avec une pertinence accrue, il aurait pu ajouter qu’il était urgent que, pour ces bonnes choses, vous abandonniez vos sourates, votre "charia", votre salafisme djihadiste et toutes les illusions de votre "oumma islamiyya". Ne fait-elle pas assez de danse du ventre pour vous séduire, notre société ? Comment pouvez-vous résister encore à ses mille prestiges ? La puissance d’émulation qui se dégage de nous n’est-elle pas suffisamment intense ? Combien de temps nous faudra-t-il déployer notre prosélytisme pour que vous soyiez convaincus de la beauté d’un monde où se mêlent si harmonieusement "la liberté des hommes et la grandeur du commerce" ? Certes, quelques mauvais esprits, chez nous, s’obstinent à prétendre que toutes les bonnes choses si vantées par Rushdie et d’autres n’ont plus la moindre existence ; ou, du moins, qu’il ne s’agit plus là que de mots recouvrant des réalités métamorphosées, et qui mériteraient pour cette raison qu’on les assujettisse au plus sévère des examens. Et les mêmes se demandent effrontément ce que peut être encore « le sexe », par exemple, quand règnent ce qu’ils appellent des lois féministes répressives ; ou ce que pourrait bien être un "désaccord" lorsque l’Observatoire Universel de Surveillance des Pensées Divergentes est subventionné par tous les États de notre Archipel aux enfants ; et, de manière plus générale encore, ce que peuvent bien être les bonnes choses de la vie, et la façon de les célébrer par le langage, quand seuls s’expriment ceux qui paraissant s’être donné pour but de parler de manière encore plus bredouillante que Don Gusman Brid’oison dans "Le Mariage de Figaro" ("J’en-entends bien, vou-ous redemandez l’argent ?" "Oui, je suis de la-a Justice. Mais si tu dois, et que tu-u ne payes pas ?"), et, appliquant les règles burlesques de la parité jusques et y compris sur le plan grammatical ("nos sympathisant-e-s", "nos adhérent-e-s", "tout-e citoyen-ne", "la-e consommatrice-teur"), exigent avec un zèle accru que l’on étende au plus vite "la loi de 1992 sur le harcèlement sexuel aux collègues et non aux seul-e-s supérieur-e-s hiérarchiques". Lorsque l’Histoire s’en est allée, en effet, on doit bien constater que ce n’est plus elle qui bégaie mais les posthumains. Mais cette constatation elle-même ne doit pas nous entraîner au pessimisme. Car il ne reste plus rien ou presque des bonnes choses du monde ancien. De sorte que les nouvelles peuvent se parer des vieilles appellations sans crainte d’être soupçonnées de les avoir usurpées puisqu’il n’est plus possible de les comparer avec rien. C’est aussi la raison pour laquelle, de toutes ces transformations qui sont notre oeuvre, il a été décidé de longue date, chez nous autres Occidentaux, que nul n’aurait le droit de parler en tant que transformations, et cela est très sage. Dans cette voie, les dégâts que vous avez produits en un peu plus de deux heures à New York et à Washington nous aident, même s’ils nous révoltent aussi bien entendu. Ils permettent de ne pas débattre de la nature exacte de ce que vous avez détruit. De ce point de vue, nous sommes ravis de pouvoir si aisément vous faire porter le chapeau de tous les transformismes dont nous nous sommes montrés capables, et de façon accélérée, depuis quelques dizaines d’années. Nous n’avons certes pas ménagé nos efforts pour défigurer un univers que vous ne vous êtes donné que la peine de fracasser. Quelques rares écrivains de tous bords, et d’ailleurs avec des arguments variés, parfois même opposés, s’étonnaient depuis quelque temps déjà de tant de changements précipités. Ils s’étonnaient surtout parce que ces changements passaient pour le comble du naturel et du rationnel et que la possibilité même de les critiquer ou seulement de les observer se trouvait promptement empêchée par des lois votées chaque fois elles aussi en toute hâte. Jamais sans doute, en effet, on ne vit tant de mutations et tant de mesures destinées à rendre celles-ci incriticables. Cela se passait avant le 11 septembre. Cela se passera après. Rien n’est plus légitimement désagréable pour celui à qui il est tout "naturellement" en train de pousser une corne de rhinocéros ou encore une nageoire dorsale que de voir quelqu’un s’en étonner et le dire en toute simplicité. Ce métier d’étonnement que l’on a pu naguère pratiquer de diverses façons, en prose, en vers, en dialogues, en romans, en essais, en chansons et même parfois en films, est devenu des plus antipathiques au mutant contemporain, dont la mutation se réalise à l’ombre de l’Empire mondial technocratique, judiciaire et marchand, et qui a tout intérêt à ce que l’extension de celui-ci soit irréversible puisqu’elle le protège. C’est aussi dans ces conditions que nous avons résolu, dès le soir du 11 septembre, que c’était vous qui aviez changé le monde alors qu’il ne ressemblait déjà plus à rien de ce qui avait pu être connu il y a seulement une dizaine d’années. Mais il ne fallait surtout pas le dire. Et, de toute façon, grâce à vos incommensurables crimes, cela est devenu impossible.
Il faut au contraire faire croire, et de toutes les manières, que les singularités que nous avons partout entrepris d’anéantir, chez nous comme ailleurs, sont menacées par votre conspiration planétaire. Ainsi, lorsque nous ne reconnaissons plus notre monde, pouvons-nous prétendre maintenant que c’est à cause de vous, et n’avoir à rendre compte d’aucune des immenses ruines, certes moins directement abominables que les vôtres, mais beaucoup plus irréversibles, que nous avons accumulées. D’abord nous disons que c’est vous qui avez transformé un monde que nous avions rendu presque méconnaissable ; et ensuite nous nous déclarons les protecteurs émouvants de ce que nous avons changé sans que nous permettions que l’on parle de ce changement. Notre éloquence, à cet égard, ne connaît pas la fatigue. Elle permet de faire croire que nous représentons la paix, la tolérance, l’humanisme, la démocratie harmonieusement contrebalancée par le marché, autant de bonnes choses agressées lâchement le 11 septembre par votre "nébuleuse criminelle". »
Philippe Muray, Chers djihadistes
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15/04/2024
La tolérance, il y a des maisons de retraite pour ça
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« De votre Mal, comme toujours, sortira donc notre Bien. Car nous n’accouchons jamais de rien d’autre. Mais ce Bien est une maison assez large pour qu’après un certain nombre de convulsions supplémentaires encore incalculables vous veniez aussi l’habiter. Pour cela, il ne vous suffira que d’être enfin correctement oecuménisés, syncrétisés, pacifiés, de vous montrer prévisibles et raisonnables comme des Suédois, et de ne plus prêter l’oreille aux trompettes lugubres de votre apocalypse. Dès le 11 septembre, nos plus accommodants prêcheurs se sont bousculés pour rappeler que l’Islam est une religion de paix et de tolérance. Nous savons bien qu’il n’en est rien. Aucune religion vivante n’est une religion de tolérance, et votre Islam, hélas, est encore une religion un peu trop vivante. La tolérance, il y a des maisons de retraite pour ça. Nous ne demandons qu’à vous accueillir dans la nôtre. Les premières réactions du peuple afghan depuis votre débandade nous donnent à cet égard beaucoup d’optimisme pour la suite des événements, et nous en reparlerons : cette musique et ces cerfs-volants qui ressortent de la clandestinité nous paraissent d’excellent augure. C’est un premier pas. Il y en aura d’autres. Un jour, vous connaîtrez le plaisir de participer à nos longs travaux de sensibilisation et de prévention, à nos débats sur l’estime de soi et le respect d’autrui, à nos commissions d’accès à la citoyenneté et à la parité. Un nouvel Islam, alors, sera né, que nous pourrions d’ores et déjà appeler "Islam pluriel", car il aura triomphé de vos mauvais génies.
Pour en revenir à Halloween, à peine avons-nous renoncé, mais avec regret, à pendre des squelettes aux fenêtres et à planter des tombes en carton au milieu des jardins. Dans plusieurs villes américaines, les autorités scolaires rédigèrent une circulaire suggérant que les enfants choisissent des costumes "positifs" pour festoyer. Vérifiez par là, chers djihadistes, combien nous sommes blindés. À toute autre civilisation que la nôtre, ce que nous appelons positivité aurait fait dresser les cheveux sur la tête. Mais nous autres Occidentaux nous sommes donné jusqu’aux moyens de faire taire ceux qui oseraient encore noter que nous vivons dans un film d’épouvante. Et vous nous apportez l’occasion, depuis votre hideux 11 septembre, grâce au film d’horreur que vous nous avez imposé, de les museler catégoriquement en les traitant d’anti-humanistes ; et de les rendre, s’ils osaient encore ouvrir la bouche, complices de ce "vaste camp des nostalgiques d’un ordre communautaire où l’individu ne s’appartient pas" dont vous êtes devenus l’avant-garde infâme, comparée à notre Jardin d’Éden rempli "d’humanistes qui persistent à vouloir accoucher, non sans douleur, d’une société d’individus autonomes, responsables et solidaires".
Ne trouvez-vous pas remarquable, chers djihadistes, que la question de respecter ou non cette fête, quelques jours après vos attentats, ait été si gravement débattue chez nous ? Certes, elle l’a été prioritairement aux États-Unis. Mais cet important problème, sous des formes diverses, a au fond remué toutes les contrées de notre festivo-sphère, que vous identifiez en général au monde des "infidèles" ou à l’Occident "mécréant", et que vous imaginez en proie à un complot "judéo-croisé" alors qu’il s’agit tout simplement de l’île aux enfants. Et, en fin de compte, il a été résolu que l’Amérique "devait continuer à être l’Amérique", ainsi que l’a déclaré le chef de la sécurité intérieure de l’Amérique : ce qui indique aussi que ce pays ne s’imagine pas tous les jours en statue de la Liberté, et ne s’identifie pas seulement aux tours de Manhattan, mais qu’il se fantasme d’abord en sorcière à chapeau pointu en train d’agiter un balai et de danser une danse macabre.
Seule a été déconseillée un peu partout la fameuse coutume du "Trick or treat", qui fait la délectation des enfants lorsque, de nuit et déguisés, ils vont de maison en maison et réclament des bonbons sous menace de mauvaises farces. "Trick or treat" ? Un sort ou une friandise ? A-t-on cherché à supprimer cette pratique parce qu’elle rappelait un peu trop ce que les Afghans vivaient tous les jours au même moment à cause de vos sinistres menées : un tapis de bombes ou des rations alimentaires ; un missile intelligent ou du beurre de cacahuète ; un Tomahawk ou un colis de raisins secs et de pâtes de fruits ; un B52 ou un avion-cargo rempli de plats cuisinés empaquetés dans des sacs jaunes frappés du drapeau américain ; une bombe à fragmentation ou deux mille deux cents calories ? Farces ou attaques ? À vrai dire, la chose est de peu d’importance. Seul compte que notre autorité se déploie désormais de cette façon. C’est la raison pour laquelle notre système si innovant peut être défini comme un despotisme tempéré par la joie. Les plus efficaces de nos bonimenteurs vont répétant que "le monde ne sera plus jamais le même après le 11 septembre", mais c’est pour masquer qu’il n’est plus le même depuis un temps beaucoup plus considérable ; et que tout l’édifice humain repose désormais essentiellement, une fois encore, sur le respect de la joie. L’appel à cette joie en tant que fondement d’un nouveau Contrat social, expression d’une volonté générale et d’une nouvelle vision du monde, peut paraître dérisoire à un regard superficiel ou à une conscience résolument hostile. Il n’en annonce pas moins le nouvel ordre des choses, et une nouvelle conception du monde parfaitement objective. C’est la nôtre, en tout cas, et elle a vocation à devenir celle de tous. Respectez la Gay Pride, aurait aussi bien pu crier notre ministre de la Jeunesse et des Sports le soir du match France-Algérie. Respectez Halloween. Respectez nos loups-garous, nos fantaisies potagères et notre hémoglobine. Respectez les destructions touristiques par lesquelles un univers, peu à peu, se substitue à l’autre. »
Philippe Muray, Chers djihadistes
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11/04/2024
Ne contrariez pas ce mouvement, il vous broierait
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« Au fond, nous vous envions. Vous avez tout à découvrir. À commencer par cette égalité, que l’on qualifie généralement d’ "idéal", et qui est en réalité une occupation parfaitement concrète et qui dévore le plus clair de notre temps. Comme nous, elle vous absorbera un jour si complètement que vous en oublierez votre guerre sainte.
Ce n’est d’ailleurs pas qu’une occupation. C’est une passion et c’est une rage. Elle rend notre existence aventureuse, sensationnelle et magnifique. De tous côtés, dès le matin, on court, on se bouscule, on proteste ; on vérifie au centime près, chez les coiffeurs, les différences de tarifs entre les coupes de cheveux des petits garçons et celles des petites filles. Il n’y a pas de tracas négligeables. On épluche pendant des mois images télés, photos, couvertures des quotidiens nationaux et régionaux, propos rapportés, mentions diverses, et, de cet examen minutieux, on conclut à la sous-représentation des femmes dans les médias : dix-huit pour cent seulement (encore n’apparaissent-elles, dans vingt et un pour cent des cas, que comme "femme de" ou "mère de", là où l’homme n’est "mari de" ou "père de" que dans quatre pour cent des cas). On s’indigne de ce que le partage des tâches domestiques, à en croire les plus pointilleux de nos statisticiens, n’ait pratiquement pas évolué en quinze ans, hormis les huit minutes trente-neuf secondes supplémentaires que les mâles daignent consacrer aux corvées ancillaires. Où irait-on sans ce genre de soucis ? À quelle gabegie indescriptible ? Et que dire de l’ "image" de l’homosexuel dans la fiction télévisée ? Est-elle bonne ? Est-elle mauvaise ? Est-elle réductrice ? Y a-t-il matière, là aussi, à légiférer, comme dans le domaine des propos machistes véhiculés par les médias ? Sans doute. Mais à condition de savoir que même l’arsenal juridique le plus contraignant ne résoudra pas l’ensemble du problème. Ce qui nous laissera bien du pain sur la planche. Et beaucoup de nouveaux chevaux de bataille à enfourcher. Et encore d’innombrables manifestations "insidieuses" d’androcentrisme à détecter. Tellement insidieuses, d’ailleurs, qu’elles ne se connaissaient pas elles-mêmes, ces manifestations, avant qu’on ne les repère. Qu’elles sont toutes surprises, à chaque fois, de se découvrir telles. Toutes confuses et décontenancées. Qu’elles en rougissent affreusement. Qu’elles présentent leurs excuses. Qu’elles demandent pardon. Qu’elles s’effacent. Qu’elles s’abîment.
Chers djihadistes, cette tendance est irrésistible, et son ampleur en accroissement perpétuel. Car chaque inégalité résorbée en fait naître sur-le-champ de nouvelles. Tandis que chaque démenti d’arrière-garde infligé par hasard ou par imprudence à notre passion de l’égalité en redouble l’énergie, en même temps qu’il nous permet de nous croire solitaires dans une lutte héroïque. Et tant qu’il demeurera un seul brin d’herbe plus haut que l’autre, et tant que nous pourrons repérer une seule petite différence, une seule discrimination affectant le setter écossais ou le gypaète barbu, croyez bien que cette activité haletante qui fait de chacun de nous un juge (ou, du moins, un rapporteur de loi éventuelle) ne nous laissera aucun répit.
Ne contrariez pas ce mouvement, il vous broierait. L’Histoire, que nous avons de bonnes raisons de juger conclue, ne s’accélère pas comme le disent parmi nous beaucoup d’imbéciles indispensables. Ou plutôt, en se retirant, elle nous a laissé l’accélération, et elle seule. Le temps tourne en roue libre et revient sur lui-même et travaille pour nous. Il faut qu’à la disparition du devenir logique se substitue une effervescence de surface qui masque cette disparition en même temps qu’elle camoufle nos démolitions. C’est pourquoi les nôtres dureront encore, et produiront leurs effets, quand les vôtres seront même oubliées. C’est qu’elles viennent de plus loin, malgré les apparences. Vous n’invoquez, pour justifier votre fanatisme sanguinaire, que les pures origines de l’Islam, la restauration du califat et le projet sans nul doute excessif d’imposer à toute l’humanité un gouvernement fondé sur la "charia" ; mais votre système, une fois encore, n’a qu’un défaut : il ignore l’Histoire. Vous omettez le processus qui a transformé la nature en homme, et vous ne pouvez donc pas davantage envisager le processus inverse, de transformation de l’homme en nature, que nous avons enclenché, dont la réalisation concerne elle aussi la planète entière, et qui réussira là où vous échouerez, dussions-nous y passer un siècle ou davantage. Il faut du temps pour défaire un monde. Presque autant que pour le faire. Et, dans cette entreprise, nous ne reculerons pas.
Votre monstruosité, le 11 septembre, nous a surpris. Elle nous a même stupéfiés à un point tel que nous avons d’abord eu l’impression que vous débarquiez de beaucoup plus loin que le système solaire. Pour autant, nous n’avons rien eu de plus pressé que de vous ramener à du connu, notre connu. Ce connu lui-même présente toutefois la particularité de nous être, à nous-mêmes, largement inconnu. Les mots nous manquent encore pour le définir dans toutes ses parties. La plus grande nouveauté de notre monde, en effet, est qu’il nous est devenu étranger à mesure que nous le fabriquions, et que nous en parlons comme s’il nous était toujours familier.
L’enjeu, dans de telles circonstances, consiste à faire semblant de n’avoir rien remarqué, et à considérer nos pires bizarreries comme la continuation d’une vie quotidienne presque inchangée depuis la nuit des âges. C’est ainsi, chers djihadistes, vous l’aurez noté, que vos premiers assauts ne nous ont pas empêchés de fêter Halloween. N’importe qui d’autre que nous se serait dit qu’en pleine actualité d’horreur il était urgent de renoncer à nos morts-vivants de bazar, à nos toiles d’araignées, à nos monstres et à nos citrouilles. De tels accoutrements, au surplus, ne faisaient-ils pas double emploi avec ceux des braves gens qui, au même instant, déguisés en bacilles filtrants, s’employaient à décontaminer un courrier que l’on supposait bourré de vos bactéries ? Après quelques réticences de pure forme, néanmoins, il a été décidé que l’on continuerait à se faire peur, quoique avec modération, et que l’impératif festif, que nous autres Occidentaux identifions de longue date avec l’impératif moral, et qui est même devenu tout récemment, grâce à vous, une des expressions majeures du patriotisme, devait continuer à triompher. Il y eut, certes, des hésitations. "Bien sûr on a envie de faire la fête, témoignait par exemple cette mère de trois enfants. Mais on ne sait pas trop ce que l’on doit faire. L’année dernière, mes enfants se sont baladés un peu partout pour récolter des bonbons mais, cette fois, j’ai peur qu’ils soient contaminés par la maladie du charbon ou quelque chose d’autre. Alors, je leur ai dit que j’irais avec eux et qu’on frapperait seulement chez les gens que l’on connaît." Ce qui emporta toutefois la décision de célébrer Halloween coûte que coûte, dans le Nouveau Monde bien entendu mais aussi sur le Vieux Continent, peut être résumé par la déclaration d’un gamin à la télévision : "Mes parents ont peur mais moi je veux jouer." Nous voulons tous jouer, chers djihadistes, même si nombre d’entre nous ne sont plus des enfants, du moins en apparence. Et lorsque, pour parler d’un beaucoup plus petit pays que l’Amérique, des centaines de jeunes Franco- Algériens, au Stade de France, en octobre, acclamèrent l’Algérie, sifflèrent "La Marseillaise", envahirent la pelouse et bombardèrent de bouteilles les sommités présentes ce soir-là, tout ce que notre ministre de la Jeunesse et des Sports trouva à jeter comme cri du coeur aux hordes qui perturbaient le match de football fit un écho spontané à l’aveu du petit garçon américain qui voulait jouer : "Respectez la joie !" lança dans un micro, et d’ailleurs en pure perte, ce remarquable ministre. Car nous ne pouvons plus rien respecter d’autre. Nous ne pouvons plus rien brandir comme trésor propre, comme notre propre à nous, et comme ce que nous voulons que soit le propre de toute la nouvelle humanité à venir, que cette "joie" dont nous implorons maintenant qu’on la respecte. Et dont nous entendons que tous se plient aux contraintes qu’elle suppose.
Bien sûr, il ne s’agit nullement, et il ne s’agira plus jamais, de joie "réelle". L’énergie en est perdue depuis des éternités et nous ne l’ignorons pas. S’il s’agissait de joie « réelle », d’ailleurs, il n’y aurait aucune raison de la respecter. Rien de ce qui existe n’a besoin de respect. Rien de ce qui appartient à la réalité n’est passible de cette protection. Si la joie doit être respectée, désormais, c’est qu’elle n’est plus de ce monde, et que lui-même ne se ressemble plus. C’est une joie parfaite, arrivée à un point d’accomplissement tel qu’elle n’a plus d’antagoniste elle non plus, qu’elle ne peut plus et qu’elle ne doit plus en avoir. Elle a même pour ainsi dire absorbé la peine ou le chagrin, lesquels étaient légitimement, eux, susceptibles de respect. En mangeant littéralement la peine ou le chagrin, elle s’est intégrée par la même occasion le respect qui ne lui était pas dû. Par le rituel que celui-ci implique, elle parvient à faire oublier qu’elle n’existe plus puisqu’elle ne relève plus d’aucun imprévisible, puisqu’elle n’annonce plus l’irruption d’aucune violence non calculée, et qu’on ne peut plus rien lui comparer.
Cette joie dont nous réclamons à si hauts cris qu’elle soit respectée est une joie de seconde main, une fiction de remplacement dont le peu de puissance "actuelle" ne peut être compensé que par le respect dont on demande qu’elle soit entourée. Mais s’il faut absolument qu’elle soit enveloppée de respect, et s’il faut que l’on respecte Halloween au même titre que bien d’autres manifestations de notre temps, c’est qu’il s’agit à nos yeux de "victimes" en puissance. Chers djihadistes, notre monde victimiste et victimophile a réussi l’exploit de faire de la joie une victime de plus, et peut-être la plus importante, après tant d’autres par nous préalablement recensées et désormais sacrées. Ce qui signifie aussi que nous nous employons à la placer, légalement et constitutionnellement, à l’abri des propos ou des actes offensants, et, de manière plus générale, hors de portée de l’esprit critique et de ses malfaisances. Voyez-vous le pas de géant que vous venez de nous faire franchir, certes bien involontairement, dans ce domaine aussi ? Nous autres Occidentaux peinions depuis déjà un certain temps à placer la fête, où se matérialise sous des espèces jubilatoires l’ordre hégémonique que nous entendons imposer (lequel, par ailleurs, et sur d’autres plans, s’appelle "Marché universel" ou "Tribunal pénal international") sous le sceau du sacré. Les désastres que vous avez provoqués le permettent enfin. Ils sont également prometteurs de tout un ensemble de nouvelles lois répressives dont nous nous délectons par avance. »
Philippe Muray, Chers djihadistes
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