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24/09/2007

Écrire - VII

=--=Publié dans la Catégorie "Brèves"=--=

Oui, c’est ça. La pensée serait prête à concéder certaines choses en pure théorie. Quel intérêt ? L’incarnation prime, non ? La littérature dit les choses telles quelles ! Sinon ce n’est pas de la littérature. C’est du verbiage. Car, en vérité, la littérature décrit la Vie du point de vue de la Logique. Le Logos. (Dieu ? Christ ? Il y a ici un lien). Du point de vue de la logique, c’est-à-dire, du point de vue de la pensée. Car à l’instant de l’écrit, c’est l’acte d’écriture lui-même qui va déployer la Logique nécessaire pour que la pensée puisse penser ce qui EST, indiscutablement. C’est un cheminement qui démarre à la page blanche. Dans l’avancée on décrypte la réalité en se décryptant soi-même. C’est une purge et une offrande, une avancée. Et c’est une œuvre que la pensée, le logos, régit, anime, transforme, modèle, rééquilibre dans le moindre détail et la moindre nuance. Pensée pénétrant les limbes, douces ou tortueuses, de l’imagination. Comme nous sommes à une époque où le Diable règne et où Dieu est clandestin (selon le mot de Sollers), il semblerait que le Logos se soit réfugié dans l’Imagination. Il attend son heure. Comme l’amour. Ou comme le guerrier. Ou comme Dieu. Ou comme nous-mêmes. Il faut être dans la présence ! Et parfois pour être dans la Présence il faut savoir être dans l’attente. Je consigne ma Vie, ma souffrance, ma Jouissance avec le plus d’exactitude possible !

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13/09/2007

"N'ayez pas Peur !"

=--=Publié dans la Catégorie "Franc-tireur"=--=

Suites aux propos tenus par Marie-Gabrielle et Gmc dans les commentaires de ma note, "Écrire - IV", voici ma réponse de franc-tireur aguerri. Je n'ai jamais été au Catéchisme, que les grenouilles de bénitier me pardonnent d'avance.

Les athées et autres agnostiques peuvent remplacer ici Dieu par La Vie, si ça leur convient.


La parabole des talents ?

Matthieu   25.14  à  25.30

"14. Car il en est comme d'un homme qui, partant pour un voyage, appela ses serviteurs et leur remit ses biens ; 15. et à l'un il donna cinq talents, à l'autre deux, à l'autre un ; à chacun selon sa force particulière, et il partit. 16. Aussitôt celui qui avait reçu les cinq talents s'en alla, les fit valoir, et il gagna cinq autres talents. 17. De même aussi celui qui en avait deux, en gagna deux autres. 18. Mais celui qui en avait reçu un, s'en étant allé, creusa dans la terre, et y cacha l'argent de son seigneur. 19. Or, après un long temps, le seigneur de ces serviteurs vient, et il règle compte avec eux. 20. Et celui qui avait reçu les cinq talents, s'approchant, présenta cinq autres talents, et dit : Seigneur, tu m'as remis cinq talents ; en voici cinq autres que j'ai gagnés. 21. Son seigneur lui dit : Bien, serviteur bon et fidèle, tu as été fidèle en peu de chose, je t'établirai sur beaucoup, entre dans la joie de ton seigneur. 22. Celui qui avait reçu les deux talents, s'approchant aussi, dit : Seigneur, tu m'as remis deux talents ; en voici deux autres que j'ai gagnés. 23. Son seigneur lui dit : Bien, serviteur bon et fidèle ; tu as été fidèle en peu de chose, je t'établirai sur beaucoup ; entre dans la joie de ton seigneur. 24. Mais celui qui avait reçu un talent, s'approchant aussi, dit : Seigneur, je savais que tu es un homme dur, qui moissonnes où tu n'as pas semé, et qui ramasses où tu n'as pas répandu ; 25. et ayant craint, je suis allé, et j'ai caché ton talent dans la terre ; voici, tu as ce qui est à toi. 26. Mais son seigneur lui répondit : Méchant et paresseux serviteur, tu savais que je moissonne où je n'ai pas semé, et que je ramasse où je n'ai pas répandu ; 27. il te fallait donc porter mon argent aux banquiers, et à mon retour j'aurais retiré ce qui est à moi avec l'intérêt. 28. Otez-lui donc le talent, et le donnez à celui qui a les dix talents. 29. Car à tout homme qui a, il sera donné, et il sera dans l'abondance ; mais à celui qui n'a pas, on lui ôtera même ce qu'il a. 30. Et jetez le serviteur inutile dans les ténèbres de dehors ; là seront les pleurs et le grincement des dents."



Nous recevons du Seigneur une richesse de dons innés et sa Parole en couronnement de ce que nous sommes ou pourrions être.

Dons gratuits, égaux ou différents, fastueux ou peu imposants, il ne tient qu’à nous d’en devenir dignes si nous savons en saisir la grâce.

Ses dons sont, quels qu’ils soient, largement satisfaisants pour marcher vers la Sainteté de notre prêtrise intérieure et pour porter témoignage de notre Foi, si nous en avons une, mais certains « croyants » se contentent juste de conserver ce qu’ils ont reçu, ou de le dilapider sans présence d’esprit, malgré la Présence constante du Seigneur à travers ses dons. Ils n’exploitent ni ne font fructifier les bienfaits reçus, ils se croient à l’abri, simplement parce qu’ils ont reçu un legs qu’ils ne comprennent pas. Ils enterrent leur trésor qui est un bien triste trésor. Ce sont souvent ces gens-là qui prennent la parole de Dieu au pied de la lettre et, de ce fait, en piétinent l’Esprit.

Fondamentalistes de tous poils qui, penchés sur leur tradition, pensent la préserver en l’enterrant alors que c’est une parole Vivante qui vivifie ou qui tue et que la Tradition elle-même exige d’elle le Mouvement. Je dis bien le Mouvement, non le progrès tel qu’il est édicté depuis Les Lumières du XVIII ème Siècle. La Parole de Dieu est Infinie, elle ne doit pas changer tout en étant évolutive, non selon les modalités modernistes matérialistes mais selon un principe spirituel qui a des implications multiples, car si le progrès selon la formule consacrée désigne une ascension linéaire, le Mouvement Spirituel, lui, affirme la Métamorphose constante et le jeu dialectique des contraires. Le Mouvement engendre la Transformation, la découverte, l’Osmose avec la création et avec son Créateur.

Or, beaucoup perdent courage, s’affrontent avec leurs semblables pour, finalement, se confiner dans leurs ridicules certitudes. Ceux-là sont, en vérité, dans l’inaction, dans le consensus, des réactionnaires en puissance couverts de poussière et sentant la naphtaline. Ils croient en Dieu parce qu’ils le craignent au lieu de l’aimer et de sentir son amour, ses dons, sa Grâce. Ils ne partagent rien d’autre si ce n’est leurs frustrations ravalées, leurs haines retenues, leurs ressentiments douloureux. Qu’espèrent-ils ? On se le demande. Ils ne prennent aucun risque, retournés comme un gant sur eux-mêmes. S’ils ont dilapidé ce qu’ils avaient, ou s’il l’ont juste précieusement conservé, ils sont en vérité déjà morts. Nus et vides comme des morts, on en vient à se demander s’ils parviendront à vraiment mourir un jour plutôt que de s’éteindre simplement comme une ampoule en fin de vie.

Car celui qui ne se prépare pas à vivre sa Mort a-t-il jamais été vraiment vivant ?

Or voici celui qui fait fructifier ce qu’il a reçu. Il prend des risques, s’abonne au changement, sans perdre un seul instant le sens de sa Singularité et de ses Racines, et il s'adonne à la rumination intellectuelle et spirituelle joyeuse en guettant le retour du Seigneur qui viendra lui demander des comptes avec la crainte de n’avoir pas risqué le nécessaire pour faire naître quelque chose de Supérieur.

Les talents sont répartis à chacun selon sa capacité en conformité à la Sagesse Royale de Dieu. Ainsi de celui qui reçoit 5 talents, de celui qui en reçoit 2 et celui qui en reçoit un seul. Mais tous se doivent d’agir à la fructification de leurs bénédictions par leur emploi fidèle dans la vie pratique.

Le retour du maître c’est simplement Le Jour du Seigneur devant qui témoigneront les secrets mêmes de nos âmes et de nos cœurs ainsi que les fruits des œuvres de chacun d'entre nous, nos Actes.

Curieuses résonnances avec l'échange entre moi-même, le dégarni du bulbe Tim, Irina et XP dans les commentaires faisant suite au long extrait de "Citadelle" de Saint-Exupéry que j'ai mis en ligne il y a 4 jours de ça.

Conserver et se référer à la Tradition est une chose, faire Vivre la Tradition, faire Vivre ce que l'on conserve en est une autre.

Écrire s'inscrit, également, dans le Cheminement Authentique de cette Vie Vivante.

22:50 Publié dans Franc-tireur | Lien permanent | Commentaires (9) | Tags : Dieu | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

11/07/2007

Amen IV

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Les pages peuvent se remplir éternellement. La phrase si on la commence n’a de cesse de s’élancer souveraine à la conquête de la plénitude entourée de vide dans le maelström des poussières d’étoiles voguant dans les traînées des planètes et des supers novas brûler même le moindre point la moindre virgule pour que rien ne s’arrête dans l’explosion initiale qui se commente elle-même et se congratule d’un rire en avancée lumineuse et mortuaire vers ses syllabes étirées de plaintes de rires de larmes ondoyantes en vibrantes prières à soi-même danse danse chant charmes cherche la joute le conflit le combat avec l’ange la justification de Job le Rire de Sarah l’enfantement même barbare surtout barbare dans ce qui se dit sortant de soi s’accouchant sereinement comme par enchantement Scientifique dans le mystère de l’énergie de la matière et de l’esprit impliqué caché inaccessible sombre et lumineuse Divinité par-delà Bien et Mal implication dans le Réel et l’Objectif Subjectif des affres de ce qui doit être est déjà est depuis toujours avant même le dépliement des rouleaux dont le nôtre avec ses galaxies innombrables infinies dans ses eaux là séparées des autres tout se surprend soi-même par l’espiègle Jeu d’avoir été d’être et à venir sans cesse de ce mystère se dévoilant progressivement quand les « pieds de nez » des particules les font se dédoubler d’informations en informations pour le programme de la promesse…

10/07/2007

Amen III

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Qui donc voit ce que je vois ? L’Ombre du mal. L’odeur du Bien. Et l’inverse. Une attitude se dessine et suggère un rite, le sens du détail. La veste de cuir. Les cheveux longs attachés. Les boucles d’oreilles. Se tenir droit, de noir vêtu, aux portails de l’existence. Le regard sombre, parce que profondément plongé dans la faille puante de l’Humaine incarnation. Une carapace en somme, qui hurle en silence son abandon sous l’œil de Dieu… Ô Seigneur… Si tu existes…

09/07/2007

Amen II

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Le fin sourire, que la Vie m’adresse, a quelque chose de diabolique. Une puissante énergie palpite en ses veines. Spasmes effrayants, d’une remarquable force, surgissant d’un fond lointain, noir, sombre, comme l’Abysse des profondeurs que nous redoutons. Silence. Immense et sans pitié. C’est intérieur. C’est extérieur. Trou noir spatial. Gueule béante intérieure…C’est la même chose…Sa mâchoire menaçante, constance déterminée, me guette avec une sérénité de Serial Killer Métaphysique. Esprit supérieur improbable, mort-né, inachevé, en constant cours d’accomplissement. L’écrire ne dit rien. Le décrire est impossible. Je vois sa gorge avalant sa salive des limbes. L’être y a sa part. C’est une lutte dansée pour toucher un sceptre de très humble gloire. Seul le Verbe peut sauver le feu, la terre, l’eau, l’air. Seul le verbe peut tracer un chemin dans la jungle épaisse des cauchemars non encore rêvés, des probables stances quantiques en devenir éternel. Mots. Fièvres. Fumées des marécages. Décomposition. Univers démultipliés. Infini vibratoire. Vibrations infinies. L’amour est chaque jour un Christ au Désert, au Mont des Oliviers, au Chemin du Calvaire. Sueurs nocturnes.

02/07/2007

Joseph de Maistre par... Phillipe Sollers



Téléchargez une émission sur Joseph de Maistre, en fichier mp3, du Canal Académie... ICI

"Connaissez-vous Joseph de Maistre ( 1753-1821 ) ? Non, bien sûr, puisqu'il n'y a pas aujourd'hui d'auteur plus maudit. Oh, sans doute, vous en avez vaguement entendu parler comme du monstre le plus réactionnaire que la terre ait porté, comme un fanatique du trône et de l'autel, comme un ultra au style fulgurant, sans doute, mais tellement à contre-courant de ce qui vous paraît naturel, démocratique, sacré, et même tout simplement humain, qu'il est urgent d'effacer son nom de l'histoire normale. Maistre ? Le diable lui-même. Baudelaire, un de ses rares admirateurs inconditionnels, a peut-être pensé à lui en écrivant que personne n'était plus catholique que le diable. Ouvrez un volume de Maistre, vous serez servis.
Maudit, donc, mais pas à l'ancienne, comme Sade ou d'autres, qui sont désormais sortis de l'enfer pour devenir des classiques de la subversion. Non, maudit de façon plus radicale et définitive, puisqu'on ne voit pas qui pourrait s'en réclamer un seul instant. La droite ou même l'extrême-droite ? Pas question, c'est trop aristocratique, trop fort, trop beau, effrayant. La gauche ? La cause est entendue, qu'on lui coupe la tête. Les catholiques ? Allons donc, ce type est un fou, et nous avons assez d'ennuis comme ça. Le pape ? Prudent silence par rapport à ce royaliste plus royaliste que le roi, à ce défenseur du Saint-Siège plus papiste que le pape. Vous me dites que c'est un des plus grands écrivains français ? Peut-être, mais le style n'excuse pas tout, et vous voyez bien que son cas est pendable. Maistre ? Un Sade blanc . Ou, si vous préférez, un Voltaire retourné et chauffé au rouge.
D'où l'importance, pour les mauvais esprits en devenir, de ce recueil de certaines des oeuvres les plus importantes de ce maudit comte, « Considérations sur la France », « les Soirées de Saint-Pétersbourg », « Eclaircissements sur les sacrifices », chefs-d’œuvre rassemblés et présentés admirablement par Pierre Glaudes, avec un dictionnaire fourmillant d'informations et de révélations historiques. Vous prenez ce livre en cachette, vous l'introduisez dans votre bibliothèque d'enfer, le vrai, celui dont on n'a aucune chance de sortir. Ne dites à personne que vous lisez Joseph de Maistre. Plus réfractaire à notre radieuse démocratie, tu meurs.
Cioran, en bon nihiliste extralucide, lui a consacré, en 1957, un beau texte fasciné, repris dans « Exercices d'admiration » ( Gallimard , coll. « Arcades », 1986 ). Il reconnaît en lui « le génie et le goût de la provocation », et le compare, s'il vous plaît, à saint Paul et à Nietzsche. Bien vu. Le plaisir étrange qu'on a à le lire, dit-il, est le même qu'à se plonger dans Saint-Simon. Mais, ajoute Cioran, « vouloir disséquer leur prose, autant vouloir analyser une tempête ». Le style de Maistre ? Voici : « Ce qu'on croit vrai, il faut le dire et le dire hardiment ; je voudrais, m'en coûtât-il grand-chose , découvrir une vérité pour choquer tout le genre humain : je la lui dirais à brûle-pourpoint . »
Feu, donc, mais de quoi s'agit-il ? Evidemment, encore et toujours, du grand événement qui se poursuit toujours, à savoir la Révolution française, dont Maistre a subi et compris le choc comme personne, devenant par là même un terroriste absolu contre la Terreur. Ecoutez ça : « Il y a dans la Révolution française un caractère satanique qui le distingue de tout ce qu'on a vu et peut-être de tout ce qu'on verra. » Cette phrase est écrite en 1797, et, bien entendu, le lecteur moderne bute sur « satanique », tout en se demandant si, depuis cette définition qui lui paraît aberrante, on n'a pas vu mieux, c'est-à-dire pire. Dieu aurait donc déchaîné Satan sur la terre pour punir l'humanité de ses crimes liés au péché originel ?
Maistre est étonnamment biblique, il se comporte comme un prophète de l'Ancien Testament, ce qui est pour le moins curieux pour ce franc-maçon nourri d'illuminisme. Mais voyez-le décrivant la chute du sceptre dans la boue et de la religion dans l'ordure :
« Il n'y a plus de prêtres, on les a chassés, égorgés, avilis ; on les a dépouillés : et ceux qui ont échappé à la guillotine, aux bûchers, aux poignards, aux fusillades, aux noyades, à la déportation reçoivent aujourd'hui l'aumône qu'ils donnaient jadis... Les autels sont renversés ; on a promené dans les rues des animaux immondes sous les vêtements des pontifes ; les coupes sacrées ont servi à d'abominables orgies ; et sur ces autels que la foi antique environne de chérubins éblouis, on a fait monter des prostituées nues. »
Et ceci ( au fond toujours actuel ) : « Il n'y a pas d'homme d'esprit en France qui ne se méprise plus ou moins. L'ignominie nationale pèse sur tous les cœurs ( car jamais le peuple ne fut méprisé par des maîtres plus méprisables ; on a donc besoin de se consoler, et les bons citoyens le font à leur manière. Mais l'homme vil et corrompu, étranger à toutes les idées élevées, se venge de son abjection passée et présente, en contemplant, avec cette volupté ineffable qui n'est connue que de la bassesse, le spectacle de la grandeur humiliée. »
Vous voyez bien, ce Maistre n'est pas fréquentable, il vous forcerait à refaire des cauchemars de culpabilité, et, en plus, il vous donne des leçons d'histoire depuis l'Antiquité jusqu'à nos jours. Mais enfin, pour lui, d'où vient ce mal français devenu mondial ? De l'Eglise gallicane, d'abord ( polémique avec Bossuet ), du protestantisme, en fait, et puis du « philosophisme ». La haine de Maistre pour le protestantisme atteint des proportions fabuleuses, dont l'excès a quelque chose de réjouissant : « Le plus grand ennemi de l'Europe qu'il importe d'étouffer par tous les moyens qui ne sont pas des crimes, l'ulcère funeste qui s'attache à toutes les souverainetés et qui les ronge sans relâche, le fils de l'orgueil, le père de l'anarchie, le dissolvant universel, c'est le protestantisme. » Maistre n'en finira pas d'aggraver sa diatribe inspirée, notamment dans son grand livre « Du pape » ( 1819 ), malheureusement absent du volume actuel. « Qu'est-ce qu'un protestant ? Quelqu'un qui n'est pas catholique. » Et voilà, c'est tout simple, vous voyez bien que cet énervé est maudit, avec lui aucun « oecuménisme » n'est possible. Rome, rien que Rome, tout le reste est nul.
On aurait tort, cependant, de penser que Maistre s'en tient au registre de l'anathème. « Les Soirées », « Eclaircissements sur les sacrifices » sont aussi des traités de haute métaphysique qui suffiraient à prouver l'abîme qui le sépare des « réactionnaires » de tous les temps. Ses propos recèlent alors un sens initiatique parfois ahurissant lorsqu'il démontre que la guerre est « divine » et qu'elle est incompréhensible, sinon comme phénomène surnaturel, prouvant qu'il n'y a de salut que par le sang et la réversibilité des mérites. Le lecteur moderne ne peut que s'indigner en entendant parler d'une « inculpation en masse de l'humanité » due à la Chute : « L'ange exterminateur tourne comme le soleil autour de ce malheureux globe, et ne laisse respirer une nation que pour en frapper d'autres. » Plus hardi encore : « Si l'on avait des tables de massacres comme on a des tables de météorologie, qui sait si on n'en découvrirait pas la loi au bout de quelques siècles d'observation ? » Suspendez « la loi d'amour », dit Maistre, et en un clin d’œil, en pleine civilisation, vous voyez « le sang innocent couvrant les échafauds, des hommes frisant et poudrant des têtes sanglantes, et la bouche même des femmes souillée de sang humain ». Ces choses ont eu lieu, elles ont lieu sans cesse. L'amour ? Mais qu'est-ce que l'amour ? Un acte de foi : « La foi est une croyance par amour, et l'amour n'argumente pas. »
Cioran, subjugué et accablé par Maistre, termine en disant qu'après l'avoir lu on a envie de s'abandonner aux délices du scepticisme et de l'hérésie. Il y a pourtant des moments où la certitude et le dogme ont leur charme, qu'on croyait aboli. Sur le plan de la raison raisonnante, Maistre a eu tort. Il n'a rien vu, bien au contraire, de la régénération qu'il annonçait. Il est mort en 1821 à Turin ( date de naissance de Baudelaire ), et il est enterré dans l'église des jésuites, à deux pas du saint suaire contesté et du lieu d'effondrement de Nietzsche. Ces trois points triangulaires me font rêver."

Joseph de Maistre, « OEuvres », éd. établie et annotée par Pierre Glaudes, Laffont, coll. « Bouquins », 1 376 p ., 32 euros.

Le comte Joseph de Maistre, né à Chambéry en 1753, mort à Turin en 1821, après avoir émigré lors de la Révolution française, fut l’ambassadeur, à Saint-Pétersbourg, du roi de Sardaigne. Il a publié « Considérations sur la France » en 1796 et « Du pape » en 1819.

Philippe Sollers
Le Nouvel Observateur n° 2224 du 21 juin 2007

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