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05/07/2014

Faire danser la vie

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« On n’a plus beaucoup de musique en soi pour faire danser la vie, voilà. Toute la jeunesse est allée mourir déjà au bout du monde, dans le silence de vérité. Et où aller dehors, je vous le demande, dès qu’on n’a plus en soi la somme suffisante de délire ? La vérité, c’est une agonie qui n’en finit pas. La vérité de ce monde c’est la mort. Il faut choisir, mourir ou mentir. Je n’ai pas pu me tuer moi. »

Louis-Ferdinand Céline, Voyage au bout de la nuit

 

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04/07/2014

Un domestique...

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« Un domestique, ce n'est pas un être normal, un être social... C'est quelqu'un de disparate, fabriqué de pièces et de morceaux qui ne peuvent s'ajuster l'un dans l'autre, se juxtaposer l'un à l'autre... C'est quelque chose de pire : un monstrueux hybride humain... Il n'est plus du peuple, d'où il sort ; il n'est pas, non plus, de la bourgeoisie où il vit et où il tend... Du peuple, qu'il a renié, il a perdu le sang généreux et la force naïve... De la bourgeoisie, il a gagné les vices honteux, sans avoir pu acquérir les moyens de les satisfaire... »

Octave Mirbeau, Le journal d'une femme de chambre

 

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La vérité est mystérieuse, fuyante, toujours à conquérir

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Pour la remise de son Prix Nobel, Camus expose ses idées concernant l'art et le rôle de l'écrivain...

Ce discours a été prononcé, selon la tradition, à l'Hôtel de Ville de Stockholm, à la fin du banquet qui clôturait les cérémonies de l'attribution des prix Nobel, le 10 décembre 1957.

« En recevant la distinction dont votre libre Académie a bien voulu m'honorer, ma gratitude était d'autant plus profonde que je mesurais à quel point cette récompense dépassait mes mérites personnels. Tout homme et, à plus forte raison, tout artiste, désire être reconnu. Je le désire aussi. Mais il ne m'a pas été possible d'apprendre votre décision sans comparer son retentissement à ce que je suis réellement. Comment un homme presque jeune, riche de ses seuls doutes et d'une œuvre encore en chantier, habitué à vivre dans la solitude du travail ou dans les retraites de l'amitié, n'aurait-il pas appris avec une sorte de panique un arrêt qui le portait d'un coup, seul et réduit à lui-même, au centre d'une lumière crue ? De quel cœur aussi pouvait-il recevoir cet honneur à l'heure où, en Europe, d'autres écrivains, parmi les plus grands, sont réduits au silence, et dans le temps même où sa terre natale connaît un malheur incessant ?



J'ai connu ce désarroi et ce trouble intérieur. Pour retrouver la paix, il m'a fallu, en somme, me mettre en règle avec un sort trop généreux. Et, puisque je ne pouvais m'égaler à lui en m'appuyant sur mes seuls mérites, je n'ai rien trouvé d'autre pour m'aider que ce qui m'a soutenu tout au long de ma vie, et dans les circonstances les plus contraires : l'idée que je me fais de mon art et du rôle de l'écrivain. Permettez seulement que, dans un sentiment de reconnaissance et d'amitié, je vous dise, aussi simplement que je le pourrai, quelle est cette idée.



Je ne puis vivre personnellement sans mon art. Mais je n'ai jamais placé cet art au-dessus de tout. S'il m'est nécessaire au contraire, c'est qu'il ne se sépare de personne et me permet de vivre, tel que je suis, au niveau de tous. L'art n'est pas à mes yeux une réjouissance solitaire. Il est un moyen d'émouvoir le plus grand nombre d'hommes en leur offrant une image privilégiée des souffrances et des joies communes. Il oblige donc l'artiste à ne pas se séparer ; il le soumet à la vérité la plus humble et la plus universelle. Et celui qui, souvent, a choisi son destin d'artiste parce qu'il se sentait différent apprend bien vite qu'il ne nourrira son art, et sa différence, qu'en avouant sa ressemblance avec tous. L'artiste se forge dans cet aller retour perpétuel de lui aux autres, à mi-chemin de la beauté dont il ne peut se passer et de la communauté à laquelle il ne peut s'arracher. C'est pourquoi les vrais artistes ne méprisent rien ; ils s'obligent à comprendre au lieu de juger. Et s'ils ont un parti à prendre en ce monde ce ne peut être que celui d'une société où, selon le grand mot de Nietzsche, ne règnera plus le juge, mais le créateur, qu'il soit travailleur ou intellectuel.



Le rôle de l'écrivain, du même coup, ne se sépare pas de devoirs difficiles. Par définition, il ne peut se mettre aujourd'hui au service de ceux qui font l'histoire : il est au service de ceux qui la subissent. Ou sinon, le voici seul et privé de son art. Toutes les armées de la tyrannie avec leurs millions d'hommes ne l'enlèveront pas à la solitude, même et surtout s'il consent à prendre leur pas. Mais le silence d'un prisonnier inconnu, abandonné aux humiliations à l'autre bout du monde, suffit à retirer l'écrivain de l'exil chaque fois, du moins, qu'il parvient, au milieu des privilèges de la liberté, à ne pas oublier ce silence, et à le relayer pour le faire retentir par les moyens de l'art.



Aucun de nous n'est assez grand pour une pareille vocation. Mais dans toutes les circonstances de sa vie, obscur ou provisoirement célèbre, jeté dans les fers de la tyrannie ou libre pour un temps de s'exprimer, l'écrivain peut retrouver le sentiment d'une communauté vivante qui le justifiera, à la seule condition qu'il accepte, autant qu'il peut, les deux charges qui font la grandeur de son métier : le service de la vérité et celui de la liberté. Puisque sa vocation est de réunir le plus grand nombre d'hommes possible, elle ne peut s'accommoder du mensonge et de la servitude qui, là où ils règnent, font proliférer les solitudes. Quelles que soient nos infirmités personnelles, la noblesse de notre métier s'enracinera toujours dans deux engagements difficiles à maintenir : le refus de mentir sur ce que l'on sait et la résistance à l'oppression.



Pendant plus de vingt ans d'une histoire démentielle, perdu sans secours, comme tous les hommes de mon âge, dans les convulsions du temps, j'ai été soutenu ainsi : par le sentiment obscur qu'écrire était aujourd'hui un honneur, parce que cet acte obligeait, et obligeait à ne pas écrire seulement. Il m'obligeait particulièrement à porter, tel que j'étais et selon mes forces, avec tous ceux qui vivaient la même histoire, le malheur et l'espérance que nous partagions. Ces hommes, nés au début de la première guerre mondiale, qui ont eu vingt ans au moment où s'installaient à la fois le pouvoir hitlérien et les premiers procès révolutionnaires, qui furent confrontés ensuite, pour parfaire leur éducation, à la guerre d'Espagne, à la deuxième guerre mondiale, à l'univers concentrationnaire, à l'Europe de la torture et des prisons, doivent aujourd'hui élever leurs fils et leurs œuvres dans un monde menacé de destruction nucléaire. Personne, je suppose, ne peut leur demander d'être optimistes. Et je suis même d'avis que nous devons comprendre, sans cesser de lutter contre eux, l'erreur de ceux qui, par une surenchère de désespoir, ont revendiqué le droit au déshonneur, et se sont rués dans les nihilismes de l'époque. Mais il reste que la plupart d'entre nous, dans mon pays et en Europe, ont refusé ce nihilisme et se sont mis à la recherche d'une légitimité. Il leur a fallu se forger un art de vivre par temps de catastrophe, pour naître une seconde fois, et lutter ensuite, à visage découvert, contre l'instinct de mort à l'œuvre dans notre histoire.



Chaque génération, sans doute, se croit vouée à refaire le monde. La mienne sait pourtant qu'elle ne le refera pas. Mais sa tâche est peut-être plus grande. Elle consiste à empêcher que le monde se défasse. Héritière d'une histoire corrompue où se mêlent les révolutions déchues, les techniques devenues folles, les dieux morts et les idéologies exténuées, où de médiocres pouvoirs peuvent aujourd'hui tout détruire mais ne savent plus convaincre, où l'intelligence s'est abaissée jusqu'à se faire la servante de la haine et de l'oppression, cette génération a dû, en elle-même et autour d'elle, restaurer, à partir de ses seules négations, un peu de ce qui fait la dignité de vivre et de mourir. Devant un monde menacé de désintégration, où nos grands inquisiteurs risquent d'établir pour toujours les royaumes de la mort, elle sait qu'elle devrait, dans une sorte de course folle contre la montre, restaurer entre les nations une paix qui ne soit pas celle de la servitude, réconcilier à nouveau travail et culture, et refaire avec tous les hommes une arche d'alliance. Il n'est pas sûr qu'elle puisse jamais accomplir cette tâche immense, mais il est sûr que partout dans le monde, elle tient déjà son double pari de vérité et de liberté, et, à l'occasion, sait mourir sans haine pour lui. C'est elle qui mérite d'être saluée et encouragée partout où elle se trouve, et surtout là où elle se sacrifie. C'est sur elle, en tout cas, que, certain de votre accord profond, je voudrais reporter l'honneur que vous venez de me faire.



Du même coup, après avoir dit la noblesse du métier d'écrire, j'aurais remis l'écrivain à sa vraie place, n'ayant d'autres titres que ceux qu'il partage avec ses compagnons de lutte, vulnérable mais entêté, injuste et passionné de justice, construisant son œuvre sans honte ni orgueil à la vue de tous, sans cesse partagé entre la douleur et la beauté, et voué enfin à tirer de son être double les créations qu'il essaie obstinément d'édifier dans le mouvement destructeur de l'histoire. Qui, après cela, pourrait attendre de lui des solutions toutes faites et de belles morales ? La vérité est mystérieuse, fuyante, toujours à conquérir. La liberté est dangereuse, dure à vivre autant qu'exaltante. Nous devons marcher vers ces deux buts, péniblement, mais résolument, certains d'avance de nos défaillances sur un si long chemin. Quel écrivain, dès lors oserait, dans la bonne conscience, se faire prêcheur de vertu ? Quant à moi, il me faut dire une fois de plus que je ne suis rien de tout cela. Je n'ai jamais pu renoncer à la lumière, au bonheur d'être, à la vie libre où j'ai grandi. Mais bien que cette nostalgie explique beaucoup de mes erreurs et de mes fautes, elle m'a aidé sans doute à mieux comprendre mon métier, elle m'aide encore à me tenir, aveuglément, auprès de tous ces hommes silencieux qui ne supportent, dans le monde, la vie qui leur est faite que par le souvenir ou le retour de brefs et libres bonheurs.



Ramené ainsi à ce que je suis réellement, à mes limites, à mes dettes, comme à ma foi difficile, je me sens plus libre de vous montrer pour finir, l'étendue et la générosité de la distinction que vous venez de m'accorder, plus libre de vous dire aussi que je voudrais la recevoir comme un hommage rendu à tous ceux qui, partageant le même combat, n'en ont reçu aucun privilège, mais ont connu au contraire malheur et persécution. Il me restera alors à vous en remercier, du fond du cœur, et à vous faire publiquement, en témoignage personnel de gratitude, la même et ancienne promesse de fidélité que chaque artiste vrai, chaque jour, se fait à lui-même, dans le silence. »

Albert Camus, Discours de Suède

 

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Le point capital est qu'ils ne puissent pas s'unir contre vous

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« Vous les jouez donc les uns contre les autres. Personne n'est content, mais personne n'est vraiment mécontent non plus. Le point capital est qu'ils ne puissent pas s'unir contre vous. Faites-vous admirer, faites-vous mépriser. Passez pour subtil, passez pour niais. Vous êtes dupe, ahuri, imbécile; ou bien calculateur, sinueux, damné. Villon dit: "Eschec, eschec pour le fardis", gare, gare au collier de chanvre. Si on vous vante, vous vous abaissez ; si on vous abaisse, vous vous élevez. Vous êtes une bête, un ange, un jonc, un vermisseau, un roseau, mais aussi un chêne, un roc, un événement incompréhensible. Tantôt le silence des espaces infinis vous effraie, tantôt il vous plonge dans des abîmes de sérénité. Les jugements à votre sujet finissent par se contredire à chaque instant et s'annulent: vous êtes sauvé. »

Philippe Sollers, Grand beau temps

 

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Si vous avez trouvé le point d'innocence

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« C'est là que l'indication de savoir discerner les damnés présents devient extrêmement sérieuse, puisque l'hypothèse, c'est qu'il y en a qui sont encore vivants sur terre et dont le corps n'a pas encore rejoint l'âme déjà damnée. Pour cela, il faut du nez. Il faut du nez, comme Dostoïevski en a eu, pour voir tous ces corps bizarrement possédés. Ce sont des visions qui me paraissent inévitables lorsqu'on a pris le parti, à soi seul, de l'occupation la plus innocente de toutes. Ça se montre, et je dirais à la limite que cela ne peut pas faire autrement que de se montrer. C'est ce qui est quand même étonnant. Vous vous rappelez ce que dit Kafka: "Reste simplement assis à ta table, le monde viendra se tordre devant toi." Il ne peut pas faire autrement, si vous avez trouvé le point d'innocence, "le bond hors du rang des meurtriers". »

Philippe Sollers, Grand beau temps

 

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03/07/2014

Le progrès social

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« Le progrès social commence toujours par l’indépendance des fesses. »

Albert Cossery, Le Complot des saltimbanques

 

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Chaque homme qui meurt vit la fin du monde

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« Le pacifisme absolu conduit inévitablement à la guerre totale. »

« Avoir eu 20 ans à l'orée des années 1980, Se retourner et contempler, estomaqué, l'étendue du désastre. Se demander comment on a fait pour passer au travers. »

« Chaque homme qui meurt vit la fin du monde. »

« L'homme est un stratagème de Dieu pour tromper le Diable. »

« Une pensée qui ne provoque pas de désastres ne mérite pas d'être écrite. »

« Tout acte de création est une négation active de soi, et une affirmation absolue du monde. L'inverse exact des préceptes de l'auto-expression qui fondent l'Art moderne. »

Maurice G. Dantec, American Black Box. Le Théâtre des opérations 3 : journal métaphysique et polémique, 2002-2006

 

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Faire tous les matins ma prière à Dieu, réservoir de toute force et de toute justice

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« Je me jure à moi-même de prendre désormais les règles suivantes pour règles éternelles de ma vie :
Faire tous les matins ma prière à Dieu, réservoir de toute force et de toute justice, à mon père, à Mariette et à Poe, comme intercesseurs ; les prier de me communiquer la force nécessaire pour accomplir tous mes devoirs, et d’octroyer à ma mère une vie assez longue pour jouir de ma transformation ; travailler toute la journée, ou du moins tant que mes forces me le permettront ; me fier à Dieu, c’est-à-dire à la Justice même, pour la réussite de mes projets ; faire, tous les soirs, une nouvelle prière, pour demander à Dieu la vie et la force pour ma mère et pour moi ; faire, de tout ce que je gagnerai, quatre parts, - une pour la vie courante, une pour mes créanciers, une pour mes amis, et une pour ma mère ; - obéir aux principes de la plus stricte sobriété, dont le premier est la suppression de tous les excitants, quels qu’ils soient. »

Charles Baudelaire, Mon coeur mis à nu

 

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Sa vie n’est qu’une longue frustration nommée bonheur

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« Je traîne dans Paris abandonné. La femme de Ludo est rentrée, donc il ne peut plus me suivre dans la nuit scintillante. Sa vie n’est qu’une longue frustration nommée bonheur. Son existence est trop simple, la mienne trop compliquée. J’ai beau épuiser mon carnet d’adresses, envoyer des e-mails aux quatre coins de la ville, m’abaisser à rappeler tous les boudins dont seul mon Nokia avait gardé la mémoire, rien n’y fait. J’erre seul parmi les touristes avant d’échouer lamentablement dans un peep-show désinfecté à l’eau de Javel, afin de faire l’amour à un Kleenex. Et dire que Ludo est jaloux de ma liberté ! Tous mes amis se plaignent, qu’ils soient seuls ou en couple. Ludo et moi on se rejoint sur un point. Moi je dis :
- Toute femme nouvelle est préférable à la solitude.
Et lui déclare :
- Toute femme nouvelle est préférable à la mienne. »

Frédéric Beigbeder, L'égoïste romantique

 

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Châtrés

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« Devant moi, je le pressentais sans bien l'imaginer avec précision, s'étendait une vie où je ne vivrais vraiment qu’un jour sur sept, comme tous les gens des villes et des usines, le jour de la grande promenade des petits citadins châtrés. »

Henri Vincenot, La billebaude

 

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Nulle autre femme ne peut pénétrer sur son domaine enchanté

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« Hélas ! le peuple monastique du mont Athos s’amenuise. Quelques dizaines de moines vieillissants arrivent avec peine à entretenir les vastes monastères où ils furent des milliers. Les Russes, les Bulgares, les Roumains ne peuvent plus venir vivre dans cet asile de paix et les jeunes Grecs sont peu enclins à la vie contemplative. Une cause du déclin est peut-être le puritanisme moderne. Il est devenu difficile pour les moines de partager leurs austères cellules avec d’agréables moinillons, comme ce fut la coutume, et ceci rend la vie bien aride dans ce lieu sacré où nul être de sexe féminin n’est admis. La Vierge Marie qui a succédé à Rhéa, la déesse de la montagne, est très exclusive. Nulle autre femme ne peut pénétrer sur son domaine enchanté. »

Alain Daniélou, Le chemin du labyrinthe

 

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Ils s'imaginaient qu'ils souffriraient un mal redoutable s'ils venaient à mourir

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« Et pourtant j'ai souvent vu des citoyens distingués se comporter, au cours de leur procès, de manière étrange au regard de la réputation qui était la leur, parce qu'ils s'imaginaient qu'ils souffriraient un mal redoutable s'ils venaient à mourir, comme s'ils allaient devenir immortels au cas où vous ne les condamneriez pas à mort. »

Platon, Apologie de Socrate

 

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02/07/2014

Les hommes sont des valets de chambre

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« Les hommes sont des valets de chambre... S'il y en a un qui a l'air d'un maître, il y en a d'autres qui en crèvent de vanité... mais... ceux qui ne s'inclinent devant rien sont dans les prisons ou sous terre... et la prison ou la mort pour les uns... ça veut dire la servilité pour tous les autres... »

Georges Bataille, Le Bleu du Ciel

 

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La mort n'a rien de redoutable

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« Ce qui trouble les hommes, ce ne sont pas les choses, mais les jugements qu'ils portent sur les choses.



Par exemple, la mort n'a rien de redoutable, car, alors, elle serait apparue telle à Socrate. Mais c'est le jugement que nous portons sur la mort, à savoir qu'elle est redoutable, c'est cela qui est redoutable dans la mort.



Donc, quand nous nous heurtons à des difficultés ou que nous éprouvons du trouble ou de la tristesse, n'en rendons jamais un autre responsable, mais nous-mêmes, c'est à dire nos jugements : c'est le fait de quelqu'un qui n'a pas encore reçu d'éducation de rendre les autres responsables du fait qu'il est malheureux ; c'est le fait de quelqu'un qui commence son éducation de s'en rendre responsable lui-même ; c'est le fait de quelqu'un qui a achevé son éducation de n'en rendre responsable ni un autre ni lui-même. »

Épictète, Manuel

 

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L'acte par lequel nous mourons est l'un de ceux dont se compose la vie

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« Qu'il te soit indifférent, quand tu accomplis ton devoir, d'avoir froid ou chaud, de somnoler ou d'avoir assez dormi, d'entendre dire du mal ou du bien de toi, de mourir ou de faire quelque autre chose. En effet, l'acte par lequel nous mourons est l'un de ceux dont se compose la vie. Il suffit donc, pour celui-là aussi, de bien disposer l'affaire présente. »

Marc Aurèle, Pensées, Livre VI, 2

 

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Elle marche devant le cheval

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« - Dans toute l’Afrique du Nord, dit Jack, les indigènes se sont immédiatement accoutumés à la civilisation américaine. Depuis que nous avons débarqué en Afrique, il est indéniable que les populations du Maroc, de l’Algérie et de la Tunisie ont fait de grands progrès.

- Quels progrès ? demanda, étonné, Pierre Lyautey.

- Avant le débarquement américain, dit Jack, l’Arabe allait à cheval, et sa femme le suivait à pied, derrière la queue du cheval, son enfant sur le dos et un gros paquet en équilibre sur la tête. Depuis que les Américains ont débarqué en Afrique du nord, il y a eu un profond changement. Certes, l’Arabe va toujours à cheval, et sa femme continue à l’accompagner à pied, comme par le passé, son enfant sur le dos et son fardeau sur la tête. Mais elle ne marche plus derrière la queue du cheval. Maintenant elle marche devant le cheval. A cause des mines. »

Curzio Malaparte, La peau

 

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Ces étroits cerveaux de négociants

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« Il flairait une sottise si invétérée, une telle exécration pour ses idées à lui, un tel mépris pour la littérature, pour l’art, pour tout ce qu’il adorait, implantés, ancrés dans ces étroits cerveaux de négociants, exclusivement préoccupés de filouteries et d’argent et seulement accessibles à cette basse distraction des esprits médiocres, la politique, qu’il rentrait en rage chez lui et se verrouillait avec ses livres. »

Joris-Karl Huysmansr, A Rebours

 

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Son idéal n’est en effet aucunement le sacrifice, mais la préservation de sa personne

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« La Bourgeoisie est une tentative de trouver une stabilité, une aspiration à atteindre un point d’équilibre entre les attitudes extrêmes et les oppositions innombrables qui caractérisent le comportement des hommes. (...) Le bourgeois tente de trouver une voie moyenne, modérée. Jamais il ne renoncera à lui-même, il ne s’abandonnera à l’ivresse ou à l’ascèse ; jamais il ne sera un martyr ; jamais il ne consentira à son anéantissement.
Bien au contraire. Son idéal n’est en effet aucunement le sacrifice, mais la préservation de sa personne. Il n’aspire ni à la sainteté ni à son opposé, il ne supporte pas l’absolu. »

Hermann Hesse, Le loup des steppes

 

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01/07/2014

On nous arrachait au singularisme païen, pour nous préparer aux fructueux échanges universels

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« A notre insu, lentement, courageusement, opiniâtrement, on nous arrachait au singularisme païen, pour nous préparer aux fructueux échanges universels, c’est à dire, pour pouvoir un jour, tous unis et confondus, nous servir des mêmes barèmes, des mêmes machines et devenir de bons consommateurs inconditionnels, se contentant des mêmes H.L.M. ! »

Henri Vincenot, La billebaude

 

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La plupart des hommes choisissent de ne pas choisir

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« Car Gide fut très différent de l’image que beaucoup se faisaient de lui : il fut le contraire d’un esthète, l’écrivain le plus éloigné de "l’art pour l’art", un homme engagé à fond dans une certaine lutte, dans un certain combat, il n’a pas écrit une ligne qui n’ait prétendu servir la cause à laquelle il s’était donné.

Quelle cause ? Elle s’établissait sur deux plans : le plus apparent, le plus scandaleux aux yeux du monde, tendait non pas seulement à excuser, mais à légitimer, et même à recommander un certain amour. Ce ne fut pas le pire : Gide n’a convaincu que ceux qui l’étaient déjà. Je ne crois pas qu’il ait jamais existé de bossu par persuasion. Mais cet enseignement n’était que l’application à son cas particulier d’un parti infiniment plus grave qu’il avait pris, dès sa jeunesse, de rompre avec la loi morale sous son aspect chrétien, telle que les Eglises l’ont enseignée.

L’extrême importance qu’a prise Gide dans notre vie personnelle vient de ce choix en pleine lumière qu’il fit à un moment de sa vie, choix aussi spectaculaire, si j’ose dire, que le pari de Pascal. On ne saurait avoir parié contre le christianisme avec plus de sang-froid et de raisonnement que Gide, en dépit de ses prudences, de ses repentirs, de ses brèves reprises. Ce cas est plus rare qu’on ne pourrait croire. La plupart des hommes choisissent de ne pas choisir. Très peu osent décider que le mal est le bien et que le bien est le mal. Très peu osent, pour parler comme Bossuet : "renverser ce tribunal de la conscience qui condamnait tous les crimes." Ce qu’a accompli Gide avec une tranquillité, une sérénité, une joie à faire peur. »

Roger Nimier, Les épées

 

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Il s'agit de se relier à l'indépassable et non au "dépassé"

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« En premier lieu, le paganisme n'est pas un "retour au passé". Il ne consiste pas à en appeler "d'un passé contre un autre passé", contrairement à ce qu'a pu écrire avec légèreté Alain-Gérard Slama (Lire, avril 1980). Il ne manifeste pas le désir d'en revenir à un quelconque "paradis perdu" (thème plutôt judéo-chrétien), et moins encore, contrairement à ce qu'affirme gratuitement Catherine Chalier (Les nouveaux cahiers, été 1979), à une "origine pure".

A une époque où l'on ne cesse de parler d' "enracinement" et de "mémoire collective", le reproche de "passéisme" tombe d'ailleurs de lui-même. Tout homme naît d'abord comme héritier ; il n'y a pas d'identité des individus ou des peuples sans prise en compte par les intéressés de ce qui les a produits, de la source d'où ils proviennent. De même qu'il y avait hier spectacle grotesque à voir dénoncer les "idoles païennes" par des missionnaires chrétiens adorateurs de leurs propres gris-gris, il y a aujourd'hui quelque comique à voir dénoncer le "passé" (européen) par ceux qui ne cessent de vanter la continuité judéo-chrétienne et de nous renvoyer à l'exemple "toujours actuel" d'Abraham, Jacob, Isaac et autres Bédouins proto-historiques.

Il faut s'entendre d'autre par, sur ce que signifie le mot "passé". Nous refusons d'emblée la problématique judéo-chrétienne qui fait du passé, un point définitivement dépassé sur une ligne qui mènerait nécessairement l'humanité du jardin d'Eden aux temps messianiques. Nous ne croyons pas qu'il y ait un sens de l'histoire. Le passé est pour nous une dimension, une perspective, donnée dans toute actualité. Il n'y a d'évènements "passés" que pour autant qu'ils s'inscrivent comme tels dans le présent. La perspective ouverte par la représentation que nous nous faisons de ces évènements "transforme" notre présent exactement de la même façon que le sens que nous leur donnons en nous les re-représentant contribue à leur propre "transformation". Le "passé" participe donc nécessairement de cette caractéristique de la conscience humaine qu'est la temporalité, laquelle n'est ni la "quantité de temps" mesurable dont parle le langage courant (la temporalité est au contraire qualitative) ni la durée évoquée par Bergson, qui appartient à la nature non humaine – la temporalité, elle, n'appartient qu'à l'homme. La vie comme "souci" (Sorge) est ex-tensive de soi-même, comme le dit Heidegger. L'homme n'est que projet. Sa conscience elle-même est projet. Exister, c'est ex-sistere, se pro-jeter. C'est cette mobilité spécifique de l'ex-tensivité que Heidegger appelle l' "hitorial" (Geschehen) de l'existence humaine – un historial qui marque la "structure absolument propre de l'existence humaine qui, réalité transcendante et réalité révélante, rend possible l'historicité d'un monde". L'historicité de l'homme tient au fait que, pour lui, "passé", "présent" et "futur" sont associés dans toute actualité, constituant trois dimensions qui se fécondent et se transforment mutuellement. Dans cette perspective, le reproche – typiquement judéo-chrétien – de "passéisme" est entièrement dépourvu de sens.

Il ne peut en effet y avoir de "passéisme" que dans une optique historique monolinéaire, dans une histoire où précisément, ce qui est "passé" ne peut plus revenir. Mais ce n'est pas dans cette optique que nous nous situons. Nous croyons à l'Eternel retour. En 1797, Hölderlin écrit à Hebel : "Il n'y a pas d'anéantissement, donc la jeunesse du monde doit renaître de notre décomposition". En fait, il ne s'agit pas de "retourner" au passé, mais de s'y rattacher – et aussi, par le fait même, dans une conception sphérique de l'histoire, de se relier à l'éternel, de le faire refluer, consonner la vie, de se défaire de la tyrannie du logos, de la terrible tyrannie de la Loi, pour se remettre à l'école du mythos et de la vie. Dans la Grèce antique observe Jean-Pierre Vernant, "l'effort de se tout rappeler a pour fonction première, non pas de construire le passé individuel d'un homme-qui-se-souvient, de construire son temps individuel, mais, au contraire, de lui permettre de s'échapper du temps" (entretien paru dans Le Nouvel Observateur, 5 mai 1980). Il s'agit, de la même façon, de se référer à la "mémoire" du paganisme, non d'une façon chronologique, pour en revenir à l' "antérieur", mais d'une façon mythologique, pour rechercher ce qui, au travers du temps, dépasse le temps et nous parle encore aujourd'hui. Il s'agit de se relier à l'indépassable et non au "dépassé".

Les termes de "début" et de "fin" n'ont plus alors le sens que leur donne la problématique judéo-chrétienne. Dans la perspective païenne, le passé est toujours avenir (à venir). Herkunft aber bleibet stets Zukunft, écrit Heidegger : "Ce qui est à l'origine demeure toujours un à-venir, demeure constamment sous l'emprise de ce qui est à venir."

Dans son Introduction à la métaphysique (Gallimard, 1967), Heidegger examine précisément la question du "passé". Un peuple, dit-il, ne peut triompher de l' "obscurcissement du monde" et de la décadence, qu'à la condition de vouloir en permanence un destin. Or, il "ne se fera un destin que si d'abord il crée en lui-même une résonance, une possibilité de résonance pour ce destin, et s'il comprend sa tradition d'une façon créatrice. Tout cela implique que ce peuple, en tant que peuple proventuel, s'ex-pose lui-même dans le domaine originaire où règne l'être, et par là y ex-pose la pro-venance de l'Occident, à partir du centre de son pro-venir futur". Il faut, en d'autres termes, "re-quérir le commencement de notre être-là spirituel en tant que proventuel, pour le transformer en un autre commencement". Et Heidegger ajoute : "Pour qu'un commencement se répète, il ne s'agit pas de se reporter en arrière jusqu'à lui comme quelque chose de passé, qui maintenant soit connu et qu'il n'y ait qu'à imiter, mais il faut que le commencement soit recommencé plus originairement, et cela avec tout ce qu'un véritable commencement comporte de déconcertant, d'obscur et de mal assuré." En effet, "le commencement est là. Il n'est pas derrière nous comme ce qui a été il y a longtemps, mais il se tient devant nous. Le commencement a fait irruption dans notre avenir. Il chasse au loin sa grandeur qu'il nous faut rejoindre".

Il n'y a donc pas retour, mais bien recours au paganisme. Ou, si l'on préfère, il n'y a pas retour au paganisme, mais retour du paganisme vers ce que Heidegger, dans cette page d'une importance lumineuse, appelle un "autre commencement". "On ne peut rien pour ou contre sa généalogie, et il vient toujours un moment où chacun doit comprendre sans reprendre, éclairer sans renier, pour choisir ensuite, seul, ce qui le rattache ou l'éloigne de ses origines", écrit Blandine Barret-Kriegel, qui, elle, s'affirme "judéo-chrétienne" (Le Matin, 10 septembre 1980). Elle ajoute : "Lorsque les entreprises des générations précédentes échouent, le mouvement naturel est de repartir en deçà de la bifurcation, de distendre la durée, d'élargir l'espace" (ibid.). C'est très exactement de cela qu'il s'agit : repartir "en deçà de la bifurcation" pour un autre commencement. Mais un tel projet apparaîtra sans doute comme "blasphématoire" aux yeux de beaucoup. En hébreu, le mot "commencement" a aussi le sens de "profanation" : commencer, nous aurons l'occasion de le voir, c'est rivaliser avec Dieu. C'est si vrai que le passage de la Genèse où il est dit qu'Enosh, fils de Seth, "fut le premier à invoquer le nom de Iahvé" (4, 26) est interprété dans la théologie du judaïsme comme signifiant, non le début du monothéisme, mais le début du paganisme ("Alors on commença. Ce verbe signifie profaner. On commença à donner aux hommes et aux statues le nom du Saint-Béni-Soit-Il et à appeler dieux les idoles", commentaire de Rachi sur Gen. 4, 26). Depuis Siméon Bar Yo'haï jusqu'à nos jours, la culture païenne n'a d'ailleurs cessé de faire l'objet de critiques et de mises en accusation. Ce seul fait, s'il en était besoin, suffirait à montrer combien un certain "passé" reste présent aux yeux mêmes de ceux qui le dénoncent. "Ce n'est pas un hasard, à écrit Gabriel Matzneff, si notre vingtième siècle, fanatique, haineux, doctrinaire, ne perd pas une occasion de donner une image calomniatrice et caricaturale des anciens Romains : d'instinct, il déteste ce qui lui est supérieur" (Le Monde, 26 avril 1980).

Aux XV ème et XVI ème siècles la Renaissance fut bel et bien une re-naissance. "Il s'agisssait, dira Renan, de voir l'Antiquité face à face." Ce ne fut pourtant pas un retour en arrière, une simple résurgence du "passé", mais au contraire le point de départ d'une nouvelle aventure de l'esprit, d'une nouvelle aventure de l'âme faustienne désormais triomphante parce qu'enfin éveillée à elle-même. Aujourd'hui, le "néo-paganisme" n'est pas non plus une régression. Il est au contraire le choix délibéré d'un avenir plus authentique, plus harmonieux, plus puissant – un choix qui projette dans le futur, pour des créations nouvelles, l'éternel dont nous pro-venons. »

Alain de Benoist, Comment peut-on être païen ?

 

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Tous les maladifs aspirent au troupeau...

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« Tous les maladifs aspirent au troupeau. La quantité leur est compensatrice – du moins le croient-ils – de ce qui leur manque : s'ils sont plusieurs à souffrir d'eux-mêmes, il leur semble qu'ils souffrent moins. Ceux qui se réclament des valeurs judéo-chrétiennes prêtent parfois aux "puissants" les sentiments qu'ils auraient, qu'ils seraient tentés d'avoir s'ils étaient à leur place, sans voir que la vraie puissance est à elle-même sa propre fin, qu'elle ne vise, à condition d'être sereine, à aucune utilité – que "la volonté de volonté nie toute fin en soi et ne tolère aucune fin si ce n'est comme moyen, afin de se vaincre elle-même au jeu, délibérément, et d'organiser un espace pour ce jeu" (Martin Heidegger, "Essais et conférences", Gallimard 1980, p. 103). Dans le paganisme, le bonheur n'est jamais antagoniste de la puissance. Mais il n'est pas non plus antagoniste de l'équité. En condamnant l'exaltation de la faiblesse, le paganisme ne vise en aucune façon à justifier l'écrasement des faibles par les forts, ni à constituer l' "alibi idéologique" d'un quelconque désordre établi. Il prétend, tout au contraire, contribuer à former le cadre spirituel permettant à tout homme, quel que soit son rang, à supposer seulement qu'il en ait la volonté, de cultiver en lui ce qui le renforce, et non ce qui le défait. Il ne reproche pas au judéo-christianisme de défendre les faibles injustement opprimés. Il lui reproche d'exalter en eux leur faiblesse, d'y voir la marque de leur élection et leur titre de gloire ; il lui reproche de ne pas les aider à devenir forts. Il ne s'agit donc pas d'opposer les forts aux faibles – aujourd'hui, d'ailleurs, c'est le paganisme qui est faible, et le monothéisme judéo-chrétien qui est fort -, mais bel et bien d'opposer un système à devenir fort à un système à rester faible. Il s'agit aussi de faire du monde, non une vallée de larmes, non un théâtre d'ombres, non une scène où l'homme avec un bonheur inégal joue son salut, mais le champ naturel d'expansion de soi pour un homme capable, en s'affirmant autonome, de s'instituer lui-même comme son propre projet. »

Alain de Benoist, Comment peut-on être païen ?

 

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L'enfant, sa beauté est d'être ce qu'il est totalement

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« Je te sais gré de m'avoir demandé de te parler de moi, et de me remettre ainsi en mémoire les heures passées.

Si je suis revenu en Grèce, c'est aussi que je voulais vivre moins loin des jeux de ma jeunesse.

Comme le travailleur répare ses forces dans le sommeil, mon être tourmenté aime à chercher refuge dans l'innocence du passé.

Céleste calme de l'enfance ! Que de fois je t'ai contemplé sans mot dire, amoureusement, cherchant à te saisir par la pensée ! Mais nous ne pouvons concevoir que le bien qui est du mal transformé ; l'enfance et l'innocence échappent à nos prises.

Quand j'étais encore un enfant tranquille, ne sachant rien de ce qui l'entoure, n'étais-je pas davantage que je ne suis maintenant, après toutes les épreuves du coeur, tant de recherches, tant de luttes ?

Oui, l'enfant reste une créature divine aussi longtemps qu'il n'entre pas dans les mimétismes de l'adulte.

Sa beauté est d'être ce qu'il est totalement.

La contrainte de la Loi et du Destin ne peut l'atteindre : il n'y a place en lui que pour la liberté.

En lui est la paix : il n'est pas encore en conflit avec lui-même. En lui est la richesse : son coeur ignore l'indigence de la vie. Et parce qu'il ne sait rien de la mort, il est immortel.

Mais cela, les hommes ne le souffrent point. Ils veulent que le Divin devienne comme l'un d'entre eux et reconnaisse leur existence ; avant même que la Nature ne songe à le chasser de son paradis, ils l'entraînent au-dehors par violence ou caresses, sur le sol maudit, afin qu'il travaille, comme eux, à la sueur de son front.

Toutefois, à condition qu'il ne soit point prématuré, le temps de l'éveil a sa beauté aussi.

Oui, ces jours sont sacrés, où notre coeur pour la première fois essaie ses ailes, où nous nous dressons dans la splendeur du monde avec ce feu prompt de la croissance en nous, comme la jeune plante quand elle s'ouvre au soleil du matin et s'éploie vers le ciel infini !

Quelles courses alors dans les montagnes et sur les rivages de la mer ! Que de fois je suis resté le coeur battant sur les hauteurs de Tina, suivant des yeux les faucons, les grues, les barques hardies qui disparaissaient à l'horizon ! "Toi aussi, pensais-je, tu partiras un jour", et j'étais comme un homme atteint de langueur qui se plonge dans un bain et répand sur son front l'écume fraîche des eaux.

Puis je rentrais chez moi en soupirant : "Si seulement l'âge d'apprendre était passé..."

Enfant naïf ! Il s'en faut de beaucoup !

Que l'homme, en sa jeunesse, puisse croire le but si proche, c'est la plus belle des illusions qu'ait imaginées la Nature pour venir au secours de notre faiblesse.

Couché parmi les fleurs, me réchauffant à la fragile lumière du printemps et considérant l'azur serein qui couronnait la terre, ou bien assis sous les ormes et les saules, au coeur de la montagne, après une fraîche pluie – quand les branches frissonnaient encore des atteintes du ciel et que les nuages dorés passaient au-dessus des bois ruisselants – ou encore quand l'astre du soir, esprit de paix, montait avec les antiques adolescents, les autres héros du ciel (et voyant en eux la vie continuer sa course dans l'Éther selon les simples lois éternelles, le calme du monde m'enveloppait de joie, si bien que je levais des yeux attentifs, sans comprendre ce qui m'arrivait)... alors, chaque fois, je demandais tout bas au Père céleste s'Il m'aimait et j'entendais Sa réponse bienheureuse, indubitable, dans mon coeur.

Ô Toi que j'appelais comme si Tu habitais au-delà des astres, que je nommais Créateur du ciel et de la terre, amicale idole de mon enfance, ne T'irrites point si je T'ai oublié ! Que ce monde n'est-il assez pauvre pour nous obliger à chercher un Dieu hors de lui !

Si la splendide Nature a un Père, le coeur de l'enfant ne sera-t-il pas Son coeur ? Ce qu'elle a de plus intérieur ne se confondra-t-il pas avec Lui ? Mais puis-je le posséder, ce centre, le connaître ?

Je crois voir ; puis je m'effraie à le pensée de n'avoir vu peut-être que moi-même. Je crois sentir l'Esprit du monde comme dans la mienne la chaude main d'un ami ; quand je me réveille, je doute si je n'ai pas serré que mes propres doigts. »

Friedrich Hölderlin, Hypérion

 

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Le langage est la maison de l'Être

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« Le langage est la maison de l'Être. Dans son abri, habite l'homme. Les penseurs et les poètes sont les gardiens de cet abri. »

Martin Heidegger, Lettre sur l'humanisme

 

« Seul un dieu peut encore nous sauver... et non mon prochain. »

« Car l'état du poète ne s'en tient pas à la visitation du dieu, il réside bien plutôt dans l'embrassement par le sacré. »

Martin Heidegger, Entretien dans le Journal Der Spiegel - 23 septembre 1966

 

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30/06/2014

Notre République a l’air d’avoir quinze siècles

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« Elle a quinze ans aujourd’hui, notre République, et elle a l’air d’avoir quinze siècles. Elle paraît plus vieille que les pyramides, cette pubère sans virginité, tombée du vagin sanglant de la Trahison. La décrépitude originelle de cette bâtarde de tous les lâches est à faire vomir l’univers. Jezabel de lupanar, fardée d’immondices, monstrueusement engraissée de fornications, toute bestialité de goujat s’est assouvie dans ses bras et elle ressemble à quelque très antique Luxure qu’on aurait peinte sur la muraille d’un hypogée. »

Léon Bloy, "La République des Vaincus" in Le Pal n°3 (mars 1885)

 

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