04/06/2014
Impossibilité pour l’homme de désespérer complètement...
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« Je peux dire et je dirai tout à l’heure que ce qui compte est d’être humain, simple. Non, ce qui compte est d’être vrai et alors tout s’y inscrit, l’humanité et la simplicité. Et quand suis-je plus vrai et plus transparent que lorsque je suis le monde ? »
« Impossibilité pour l’homme de désespérer complètement. Conclusion : toute littérature de désespoir ne figure qu’un cas limite et pas le plus significatif. Ce qui est remarquable dans l’homme ce n’est pas qu’il désespère, c’est qu’il surmonte ou oublie le désespoir. »
« Elle dit, et puis se contredit ou reconnaît sans discuter qu’elle a tort. Tout cela parce qu’elle estime que c’est sans importance. Elle ne pense pas réellement à ce qu’elle dit, préoccupée qu’elle est d’une autre blessure, infiniment plus grave, qu’elle traînera avec elle, inconnue, jusqu’à la mort. »
Albert Camus, Carnets
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J’ai souffert d’être seul, mais pour avoir gardé mon secret, j’ai vaincu la souffrance d’être seul
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« Chaque fois que l’on (que je) cède à ses vanités, chaque fois que l’on pense et vit pour "paraître", on trahit. À chaque fois, c’est toujours le grand malheur de vouloir paraître qui m’a diminué en face du vrai. Il n’est pas nécessaire de se livrer aux autres, mais seulement à ceux qu’on aime. Car alors ce n’est plus se livrer pour paraître mais seulement pour donner. »
« Il y a beaucoup plus de force dans un homme qui ne paraît que lorsqu’il le faut. Aller jusqu’au bout, c’est savoir garder son secret. J’ai souffert d’être seul, mais pour avoir gardé mon secret, j’ai vaincu la souffrance d’être seul. Et aujourd’hui, je ne connais pas de plus grande gloire que de vivre seul et ignoré. »
« D’avoir rejeté cette vie, de m’être fermé tout ce qu’on appelle “l’avenir”, de rester encore dans l’incertitude et la pauvreté, je ne saurais pas dire aujourd’hui si ce fut force ou faiblesse. Mais je sais du moins que, si conflit il y a, c’est pour quelque chose qui en valait la peine. À moins qu’à bien voir… Non. Ce qui m’a fait fuir, c’était sans doute moins de me sentir installé que de me sentir installé dans quelque chose de laid. »
Albert Camus, Carnets
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La triomphante civilisation "humaine" des modernes
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« Le monde traditionnel connut la Royauté divine. Il connut l'acte de passage - l'Initiation ; les deux grandes voies du rapprochement - l'Action héroïque et la Contemplation ; la méditation - le Rite et la Fidélité ; le grand soutien : la Loi Traditionnelle, la Caste ; le symbole terrestre : l'Empire.
Tels sont les fondements de la hiérarchie et de la civilisation traditionnelles, intégralement détruites par la triomphante civilisation "humaine" des modernes. »
Julius Evola, Révolte contre le monde moderne
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Chier définitivement cette génération, cette culture et ces quarterons de chiens, débiles distingués et déguisés qui occupent l’avenir
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« Économie, Religion, Snobisme, Anti-Sémitisme bon enfant, Faux Classicisme, Réactionnariat sublimodernisé, Rétro-Chic, Photo, Vidéo, Propreté, Arrivisme, Sport, Froideur, Ennui, Fadeur, Égoïsme, Collection, Sympathie, Solidarité, Gaspillage... Des broutilles, je vous dis ! On n’a encore rien vu ! Lentement, doucement, les esprits se laissent glisser vers une griserie du modernisme, un Progrès "in Progress" extrêmement sournois. Il est temps aujourd’hui, où se sont déclarés tous les nouveaux poncifs, de chier définitivement cette génération, cette culture et ces quarterons de chiens, débiles distingués et déguisés qui occupent l’avenir. D’un utopisme ridicule, politique, athée, sympa, porno, plébéien, sale, brouillon, écologiste dont les derniers bastions sont occupés par les effrayants punks de la dernière heure, les espératifs déglingués, les patients du Grand Soir qui ne font plus peur à personne et qui ont au moins le bénéfice de la voyoucratie, révoltés timides et expansifs qui se croient nihilistes – de cet idéalisme donc que, pour ma part, j’exècre, mais que je ne condamne pas, nous sommes passés à un Arrivisme inqualifiablement salaud, économique, biblique, dur, sans aucune sensualité, bourgeois, propre, arrogant, technique, encore plus inadmissible. Il n’y a rien de pire que ces nouveaux métiers grâce auxquels vivent les plus grandes crapules de la "Démocratie". Ils sont fiers tous ces magouilleurs, ces débrouillards, ces enculeurs par-devant !
[...]
Soyons précis! Montons une liste de toutes ces professions où il ne peut pas y avoir UNE SEULE personne valable, et dont le développement et la séduction entraîneront sans plus tarder l’extinction bien méritée de tout intérêt possible pour la race humaine. Ô Fonctions inadmissibles dont les carnes feront tous les irremboursables frais !... Promoteurs immobiliers ! Agents de publicité ! Agents de Change ! Public Relations ! Graphistes ! Cadres en tout genre ! Conseillers Artistiques ! Critiques d’Art ! Informaticiens ! Architectes ! Producteurs ! Statisticiens ! Journalistes ! Designers ! Psychanalystes ! Assistantes sociales ! Dessinateurs de Bandes Dessinées ! Chanteurs de Variétés ! Speakers ! Secrétaires d’État ! Sponsors ! Restaurateurs ! Banquiers ! Examinateurs ! Multi-Médiaistes ! Proctériens ! Allez ! Tous au Vél’d’hiv ! Et que ça saute ! — Mais il en faut, monsieur ! Justement non, il n’en faut pas. Quand je pense que la plupart des génies de tous les temps se sont laissés traiter d’"inutiles", alors qu’on laisse croire de nos jours à l’efficacité, l’indispensable présence de toutes ces raclures infâmes !... C’est le comble ! Ah ! quel régal ce serait de tous les envoyer braire dans des gazons de dégueulis, qu’on les humilie à leur tour, pour qu’ils voient ce que c’est que d’être de l’autre côté de l’anus ! Que de poubelles à créer, je vous assure ! Rien que dans le Show-Business, l’Informatique ou la Publicité ! Des charniers à organiser ! De quoi occuper tous nos petits Eichmanns punkies ! Vocations comblées pour les zonards sadiques ! A l’œuvre, frimousses ! »
Marc-Édouard Nabe, Au régal des vermines
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Notre rayon lumineux fouille la nuit
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« Nous avons le devoir d'être dur. Nous ne devons rien cacher de la vérité, jamais. Nous sommes des phares. Notre rayon lumineux fouille la nuit, impassible. S'il éclaire soudain le chaos tumultueux et grandiose de la mer dont la beauté bouleverse l'homme, tant mieux ! Mais s'il se braque sur une charogne pourrissante dans une crevasse de roches, tant pis ! Il est le phare, il éclaire : c'est tout. »
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03/06/2014
M’oublier, m’ignorer...
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« Où irais-je, si je pouvais aller, que serais-je, si je pouvais être, que dirais-je, si j’avais une voix, qui parle ainsi, se disant moi ? Répondez simplement, que quelqu’un réponde simplement.
C’est le même inconnu que toujours, le seul pour qui j’existe, au creux de mon inexistence, de la sienne, de la nôtre, voilà une simple réponse.
Ce n’est pas en pensant, qu’il me trouvera, mais que peut-il faire, vivant et perplexe, oui, vivant, quoi qu’il dise.
M’oublier, m’ignorer, oui, ce serait le plus sage, il s’y connaît. »
Samuel Beckett, Textes et Nouvelles pour rien
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Un amour qui ne supporte pas d’être confronté avec la réalité n’en est pas un
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« Notre époque meurt d’avoir cru aux valeurs et que les choses pouvaient être belles et cesser d’être absurdes. Adieu, je rentre dans l’histoire où me tiennent enfermé depuis si longtemps ceux qui craignent de trop aimer. »
« Un amour qui ne supporte pas d’être confronté avec la réalité n’en est pas un. Mais alors, c’est le privilège des cœurs nobles que de ne pouvoir aimer. »
« À trente ans, presque du jour au lendemain, j’ai connu la renommée. Je ne le regrette pas. J’aurais pu en faire plus tard de mauvais rêves. Maintenant, je sais ce que c’est. C’est peu de chose. »
Albert Camus, Carnets
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Au milieu de l’extraordinaire silence qui m’accueillait soudain
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« Il est ahurissant de voir la facilité avec laquelle s’écroule la dignité de certains êtres. À la réflexion, cela est normal puisque la dignité en question n’est maintenue chez eux que par d’incessants efforts contre leur propre nature. »
« On se demandait où était la guerre — ce qui, en elle, était ignoble. Et on s’aperçoit qu’on sait où elle est, qu’on l’a en soi — qu’elle est, pour la plupart, cette gêne, cette obligation de choisir qui les fait partir avec le remords de n’avoir pas été assez courageux pour s’abstenir ou qui les fait s’abstenir avec le regret de ne pas partager la mort des autres. »
« Je me suis trouvé dans ce compartiment de première, éclairé, chauffé, j’ai fermé la porte derrière moi et j’ai baissé tous les stores. Et alors, une fois assis, au milieu de l’extraordinaire silence qui m’accueillait soudain, je me suis senti délivré. Délivré d’abord de tous ces jours haletants qui venaient de passer, de cet effort pour dominer ma vie, de ces tumultes difficiles. Tout se taisait. Le wagon vibrait doucement. Et si j’entendais derrière les vitres les froissements de la nuit pluvieuse, je l’entendais encore comme un silence. »
Albert Camus, Carnets
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Ceux qui ont une grandeur en eux ne font pas de politique
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« La pensée est toujours en avant. Elle voit trop loin, plus loin que le corps qui est dans le présent. Supprimer l’espérance, c’est ramener la pensée au corps. Et le corps doit pourrir. »
« La politique et le sort des hommes sont formés par des hommes sans idéal et sans grandeur. Ceux qui ont une grandeur en eux ne font pas de politique. »
« En tout cas, la seule expérience qui m’intéresse, c’est celle où justement tout se trouverait être comme on l’attendait. Faire une chose pour être heureux, et en être heureux. Ce qui m’attire, c’est ce lien qui va du monde à moi, ce double reflet qui fait que mon cœur peut intervenir et dicter mon bonheur jusqu’à une limite précise où le monde alors peut l’achever ou le détruire. »
Albert Camus, Carnets
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Quand on a compris...
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« Quand on a compris que rien n'est, que les choses ne méritent même pas le statut d'apparences, on n'a plus besoin d'être sauvé. On est sauvé. »
Emil Cioran, Le mauvais démiurge
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02/06/2014
Le regard devient circulaire et solaire
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« La haute montagne peut permettre à certains d'assouvir leur goût stupide du risque pour le risque ; elle peut permettre à des gens plus ou moins "entraînés" et inconscients de pratiquer une activité sportive banale ; elle peut être le luxe que se paient des hommes à l'esprit étroit pétrifiés par la "civilisation" des plaines de regarder à la jumelle des "panoramas" touristiques. Mais, pour d'autres, elle n'est rien de tout cela : elle est une voie de libération, de dépassement, d'accomplissement intérieur.
Les deux grands pôles de la vie à l'état pur, l'action et la contemplation, s'y confondent.
L'action, c'est la responsabilité absolue, le fait de se sentir absolument seul, de ne pouvoir compter que sur sa force et son courage, joints à une maîtrise de soi lucide et chirurgicale.
La contemplation, c'est l'essence même de cette expérience héroïque: le regard devient circulaire et solaire, il n'y a plus que le ciel et des forces pures et libres qui reflètent et figent l'immensité dans le chœur titanique des sommets. »
Julius Evola, Méditations du haut des cimes
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Louis XIV avec un "assuré social"
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« Je voudrais voir un peu Louis XIV avec un "assuré social" !... il verrait si l’Etat c’est lui !... pensez les milliards que représente le moindre cotisant ! ah, Louis peigne-chose !... »
Louis-Ferdinand Céline, D’un château l’autre
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Ceux qui, intérieurement, n’appartiennent pas et ne veulent pas appartenir à ce monde
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« A ceux qui, intérieurement, n’appartiennent pas et ne veulent pas appartenir à ce monde il reste donc seulement à constater des rapports généraux de cause à effet qui échappent à la bêtise de nos contemporains et à contempler avec tranquillité toutes les excroissances qui, selon une logique bien reconnaissable, fleurissent sur le sol d’un monde en pleine décomposition. »
Julius Evola, L'Arc et la Massue
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01/06/2014
Aucune autre époque ne s'est voulue aussi tolérante et ouverte, enchantée d'elle-même
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« "Les optimistes, disait Bernanos, sont des imbéciles heureux, et les pessimistes, des imbéciles malheureux." À peine me suis-je fait à moi-même le serment de ne plus jamais céder à la seconde imbécillité que me parviennent du front de la culture - c'est-à-dire des collèges et des lycées - des informations dont on diminuerait considérablement l'horreur en les qualifiant d'alarmantes. Je savais qu'un nouvel exercice faisait fureur dans les classes de français : l'écriture d'invention. Mais j'aurais été bien en peine de dire de quoi il retournait exactement. Cette ignorance vient d'être comblée par la lettre d'une enseignante qui, comme tant d'autres, doit lutter pied à pied contre l'institution et ses directives pour faire dignement son métier.
Soit la première scène de l'acte V d'Andromaque. Hermione vient d'ordonner à Oreste (qui l'aime) d'assassiner Pyrrhus (qui la dédaigne). Sa passion la divise, son âme est le théâtre d'un combat déchirant entre la jalousie qui confirme la décision qu'elle vient de prendre et la douleur qui voudrait l'annuler. Deux images également insupportables l'assaillent : celle de Pyrrhus gisant et celle de Pyrrhus indifférent. Sous le titre "Écriture-expression orale", le manuel de seconde édité par Hachette Éducation propose l'exercice suivant : "Transposez la situation dans le monde contemporain et réécrivez en prose, à la première personne, la monologue d'Hermione. Tout en conservant les matériaux du personnage, vous pouvez, si vous le souhaitez, recourir à la tonalité comique et à un registre de langue peu soutenue (Des textes à L'oeuvre. Français, seconde, Livre du professeur, Hachette Éducation, 2000, p. 67.)." Et le livre du maître fournit, en guise d'exemple, à tous les professeurs, un devoir d'élève (après corrections) qu'il vaut la peine de lire en parallèle avec le poème racinien.
Hermione : "Où suis-je ? Qu'ai-je fait ? Que dois-je faire encore ?
Quel transport me saisit ? Quel chagrin me dévore ?
Errante, et sans dessein, je cours dans ce palais.
Ah ! ne puis-je savoir si j'aime ou si je hais ?"
La copie exemplaire : "Où j'en suis, moi ? Qu'est-ce qui m'arrive ? Pourquoi je déprime comme ça ? Qu'est ce que je vais bien pouvoir faire ? je traîne en jogging devant la télé, même pas maquillée en plus. Je l'aime ou je lui en veux vraiment ?"
Hermione :"Le cruel ! de quel oeil il m'a congédiée !
Sans pitié, sans douleur, au moins étudiée !
L'ai-je vu se troubler et me plaindre un moment ?
En ai-je pu tirer un seul gémissement ?
Muet à mes soupirs, tranquille à mes alarmes,
Semblait-il seulement qu'il eût part à mes larmes ?
Et je le plains encore ? Et pour comble d'ennui,
Mon cœur, mon lâche cœur s'intéresse pour lui ?
Je tremble au seul penser du coup qui le menace ?
Et prête à me venger, je lui fais déjà grâce ?"
Le devoir exemplaire : "Le salaud, comme il m'a jetée ! Il n'a même pas fait style de me regretter un peu... Il n'a même pas rougi quand il m'a avoué qu'il me lâchait pour un mec ! Pas la moindre honte. Rien à faire, tranquille... et moi, je suis encore accro !"
Hermione : "Non, ne révoquons point l'arrêt de mon courroux :
Qu'il périsse ! Aussi bien il ne vit plus pour nous.
Le perfide triomphe, et se rit de ma rage :
Il pense voir en pleurs dissiper cet orage ;
Il croit que toujours faible et d'un cœur incertain,
Je parerai d'un bras les coups de l'autre main.
Il juge encor de moi par mes bontés passées.
Mais plutôt le perfide a bien d'autres pensées.
Triomphant dans le temple, il ne s'informe pas
Si l'on souhaite ailleurs sa vie ou son trépas.
Il me laisse, l'ingrat ! cet embarras funeste.
Non, non, encore un coup : laissons agir Oreste.
Qu'il meure, puisque enfin il a dû le prévoir,
Et puisqu'il m'a forcée enfin à le vouloir..."
La copie exemplaire : "Non, plus moyen de changer d'avis sans passer pour une conne... Puisqu'il se la joue tapette, il va le regretter... je préviens la patronne... Il croit que quand j'aurai fini ma déprime, je serai comme avant, je dirai pas qu'il pique dans la caisse et qu'il va coiffer la mère Pluduc chez elle, ça fait de la clientèle en moins pour le salon, sale con... Il se fout de tout, c'est le bonheur, ça roucoule, si c'est pas une honte et que les autres crèvent, il va voir... Il m'a pas laissé le choix, Polo va le dérouiller, il saura que c'est moi, "petite coiffeuse frustrée" qu'il m'a dit, tout ça parce que l'autre chiffe est comptable, un intello autant dire... Bon, j'appelle la patronne... Crève, connard !"
Au XIXème siècle, les grands textes de la littérature étaient pour les élèves des modèles à imiter. Comme le rappelle Gérard Genette, l'étude des oeuvres se prolongeait tout naturellement en un apprentissage de l'art d'écrire. Au siècle suivant, la littérature cesse d'être un modèle pour devenir un objet. Les élèves ne doivent plus rédiger des fables ou des portraits, mais des dissertations portant sur La Fontaine ou sur La Bruyère. Le XXIe siècle rompt avec ce ronron : voué à la tâche exaltante de déscolariser l'école, il fait entrer l'enseignement littéraire dans l'âge de la désublimation et de la compression temporelle. La nouvelle inventio en effet, ne consiste nullement à rapprocher l'élève des oeuvres, mais, bien au contraire, à dépouiller celles-ci de leur étrangeté, à les actualiser, à les rapprocher de la vie jusqu'à les rendre télécompatibles. Ainsi se défait le lien patiemment tissé par la littérature entre le sentiment éprouvé et les mots qu'il exprime : tout doit pouvoir être dit dans n'importe quel idiome.
Cet exercice n'a rien à voir non plus avec le renversement carnavalesque du style élevé en style populaire. Pour le brut, le salace et le fat aujourd'hui, tel qu'en lui même enfin l'école l'accueille et le titularise, il n'y a ni style haut ni style bas : il, y a un style moi, moderne, nature, droit au but, qui transcende les différences de classe comme de sexe et qui est parlé par les jeunes, c'est-à-dire par tout un chacun. Au centre du système éducatif trône l'élève et, au centre du monde comme au sommet du temps, une humanité adolescente, libérée de la forme et si fière d'en avoir fini avec les tabous sexuels comme avec la négation petite-bourgeoise de l'altérité qu'elle fait de Pyrrhus un garçon coiffeur gay, pour pimenter la fureur d'Hermione. Aucune autre époque de l'Histoire ne s'est voulue aussi tolérante et ouverte. Aucune n'a été aussi enchantée d'elle-même. Pour faire place à la littérature, c'est-à-dire à l'art de sortir de soi, il lui manque ce temps du verbe : l'imparfait du présent. Imbécillité des pessimistes. Ils prévoient la catastrophe alors que, ni vu ni connu, elle a déjà eu lieu. Ils noircissent l'avenir quand c'est le présent qui est sinistré. »
Alain Finkielkraut, L'Imparfait du présent
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Un visage n’est qu’ombres, lumières et couleurs
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« Après tout, un visage n’est qu’ombres, lumières et couleurs, et voilà que parce que un visage a grimacé d’une certaine façon, le bourreau éprouve mystérieusement une détente, une autre angoisse a relayé la sienne. »
Maurice Merleau-Ponty, Signes
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30/05/2014
Joli cul
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« On y perd tellement
et on y gagne tant
dans ces deux mots. »
Richard Brautigan, Il pleut en amour
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Mon boulot dans l’existence, c’est de me sauver. C’est là une rude affaire. Je ne compte pas me salir les mains en essayant de sauver les masses.
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« Aujourd’hui, n’importe quel marginal, pédé ou lesbienne est communiste. Ils me rendent malade! Et ils devront d’abord me passer sur le corps avant de m’empêcher de publier. Ils sont dix fois pires que Babbitt. Ils "sympathisent" avec les masses. C’est un mensonge. Ils utilisent les masses pour vendre leurs canards, mais leur sympathie relève de l’hypocrisie pure et simple. Regardez Dreiser et Anderson. Ces types ne sont pas sincèrement communistes. Ils sont communistes parce que le communisme paie dans ce pays.
Personnellement, je n’ai aucune sympathie pour les masses. Les masses existeront toujours. Elles sont composées d’imbéciles. Elles sont indispensables à la société. Si vous voulez mon opinion, je hais les masses. J’ai vécu avec elles, j’ai respiré leur haleine fétide, côtoyé leur esprit abruti. La culture ne les concerne pas. En fait, rien ne les concerne. Elles sont condamnées. Qu’elles crèvent donc. Mon boulot dans l’existence, c’est de me sauver. C’est là une rude affaire. Je ne compte pas me salir les mains en essayant de sauver les masses. »
John Fante écrivant à H. L. Mencken, Correspondance Fante/Mencken
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Elle n'enlève jamais sa montre
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« Parce que tu as toujours une montre
accrochée à ton corps, il est normal
que tu incarnes pour moi
l'heure juste :
avec tes longs cheveux blonds à 8h03,
et tes seins clignotants à
11h17, et ton sourire rose-miaou à 5h30,
je sais que j'ai raison. »
Richard Brautigan, Il pleut en amour
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Les journalistes
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« A force d'avilissement, les journalistes sont devenus si étrangers à tout sentiment d'honneur qu'il est absolument impossible, désormais, de leur faire comprendre qu'on les vomit et qu'après les avoir vomis, on les réavale avec fureur pour les déféquer. »
Léon Bloy, Quatre ans de captivité à Cochons-sur-Marne
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3 novembre
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« Me voilà assis dans un café
en train de boire un Coca.
Une mouche s’est endormie
sur la serviette en papier.
Il faut que je la réveille
pour essuyer mes lunettes.
Il y a une jolie fille
que j’ai envie de regarder. »
Richard Brautigan, Il pleut en amour
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Le très beau poème
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« Je vais me coucher à Los Angeles
en pensant à toi.
Lorsque je pissais il y a quelques instants
j'ai contemplé mon pénis
avec affection.
Je sais qu'il a été en toi deux fois
aujourd'hui et du coup je me sens
très beau. »
Richard Brautigan, Il pleut en amour
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Une lobotomie
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« On participait à un colloque international organisé par l’Institut des pêches. L’Alsacien a fait une conférence sur … très étrange ! … sur les poissons qui vivent en bancs - la morue, le hareng - ce qu’il appelle les sociétés sans amour… les morues se reconnaissent comme étant de même espèce, mais ne se reconnaissent pas entre elles ; chaque morue est anonyme pour l’autre. Sa théorie est que chaque morue fonctionne comme la cellule d’un cerveau. Un banc de morue est un énorme cerveau et un coup de chalut revient en fait à une lobotomie - comme on peut en faire sur un cerveau humain sans apparemment altérer l’intelligence. Il poussait très loin son idée, il disait que si on ampute plus de deux tiers du banc, le cerveau ne peut plus fonctionner et les morues survivantes deviennent folles ou idiotes, errent sans défense. Mais un banc intact raisonne et se défend contre l’agression. Il en donnait pour preuve qu’aujourd’hui, pendant le temps autorisé à la campagne de pêche, la morue va se réfugier très loin sous les glaces, ou sous les fonds rocheux impraticables aux chaluts. Ou même dans les eaux territoriales ! Et c’est vrai, c’est très vrai, on s’en rend compte chaque année... »
Pierre Schoendoerffer, Le Crabe Tambour
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29/05/2014
On eût juré qu'une gigantesque conjuration travaillait à neutraliser par d'obliques moyens les résistances sur lesquelles les Français pouvaient le plus naturellement compter
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Voici ce qui s'appelle une charge pleine de rage, de haine et de ressentiment... heureusement qu'il y a le style ! On a du mal à imaginer un Lucien Rebatet jouisseur, joyeux, buveur, solaire... Certes... il ne l'est pas.
« On eût juré qu'une gigantesque conjuration travaillait à neutraliser par d'obliques moyens les résistances sur lesquelles les Français pouvaient le plus naturellement compter. Aucun cas ne semblait être d'une plus dramatique clarté, pour un esprit chrétien, que celui de l'Espagne. Pourtant, nous avions vu des catholiques illustres et même intolérants comme Mauriac et Bernanos devenir les détracteurs les plus acharnés et les plus fielleux de Franco. Ces défenseurs bénits des fusilleurs de Christs et des dynamiteurs de moines étaient habiles à travestir leurs humeurs et leurs perversités intellectuelles en algèbres casuistiques. Leur clientèle était rompue elle aussi à ces exercices. Ajoutez que ces effroyables docteurs, comme pour la condamnation de l'Action Française, parlaient au nom de Dieu, de la foi, des sacrements, de l'Eglise, et brandissaient tous les tonnerres du dogme sur la tête de leurs contradicteurs. Leur religion ne leur fournissait ainsi que des armes déloyales. L'orgueil morbide de ces étranges disciples de Jésus n'admettait pas la moindre retouche à leurs plaidoyers et leurs réquisitoires. On peut invoquer la demi-folie de Bernanos qui dans les pires circonstances demeure du reste digne du nom d'écrivain, avec ses livres embrouillés par les fumées de l’alcool, mais que trouent soudain des pages puissantes, furieuses ou noires. L'autre, l'homme à l'habit vert, le Bourgeois riche, avec sa torve gueule de faux Gréco, ses décoctions de Paul Bourget macérées dans le foutre rance et l'eau bénite, ces oscillations entre l'eucharistie et le bordel à pédérastes qui forment l'unique trame de sa prose aussi bien que de sa conscience, est l'un des plus obscènes coquins qui aient poussé dans les fumiers chrétiens de notre époque. Il est étonnant que l'on n'ait même pas encore su lui intimer le silence.
C'était bien le moindre des châtiments pour un pareil salaud. Lui et ses semblables ont pourri une foule d'esprits, si médiocres et mous que je me demande à vrai dire ce qu’on aurait jamais pu en attendre. Ils insinuèrent chez d’autres le doute. Ils contraignirent leurs adversaires à dépenser une vigueur, un temps et un talent précieux dans des querelles sans issue. Avec leurs paraboles, leurs signes de croix, leurs encres saintes et leur morgue littéraire, ils n’étaient tout vulgairement et bassement que les agents d'une diversion politicienne. »
Lucien Rebatet, Les Décombres
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Les intrigues, l’atmosphère empestée, les bravacheries de Vichy, et les moeurs, les illusions, les odeurs réactionnaires de la zone dite libre
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« J’avais quitté Vichy au bout de deux mois, à l’automne précédent, écoeuré par les intrigues de cette cour ridiculement balnéaire, par le gaullisme qu’y affichaient en toute impunité maints hauts personnages, par les inspecteurs des finances et les gens du Comité des Forges aussitôt installés aux postes de commande pour bloquer toute véléité de révolution. Le contraste était encore plus exaspérant maintenant entre les gigantesques évênements de l’Est et les petitesses de cette pseudo-capitale, mes méandres mesquins de son double jeu, son cléricalisme, les bricolages futiles sous les plus graves aspects de ces officiers du S.R, dont j’avais mesuré, en mai 1940, quand je travaillais à leurs côtés, l’indigence intellectuelle et militaire. Bref, le tableau complet de la pire réaction.
(...)
J’estimais qu’un gouvernement français audacieux aurait dû tout mettre en oeuvre pour pouvoir proclamer sa co-belligérance, qu’il eût effacé ainsi, comme les gaullistes le cherchaient vainement de leur côté, l’effroyable humiliation de la déroute, à peine vieille d’un an. Mais il était chimérique d’attendre de ces hypocrites bourgeois une décision aussi virile. Pétain se contentait de rompre les relations diplomatiques avec Moscou, et de déclarer aux volontaires français pour le front russe "qu’ils détenaient une partie de notre honneur". Je consacrai le début de mes vacances dauphinoises à un reportage au vitriol, pour "Je Suis Partout", sur les intrigues, l’atmosphère empestée, les bravacheries de Vichy, et les moeurs, les illusions, les odeurs réactionnaires de la zone dite libre. En gare de Mâcon, où l’on franchissait la ligne de démarcation, une ribambelle de fausses paysannes, en blouses bleues, tabliers plissés, bonnets et sabots, provenant de je ne sais quelle niaiserie foloklorique sur "le retour à la terre", m’avait levé la peau comme le symbole de tous les archaïsmes, poncifs et faux-semblants de l’Etat Français.
(...)
J’exhalais ma rage contre les mirliflores, les agents de banque, les anglomanes, les prélats qui nous avaient frustrés de la révolution nécessaire, volé le pouvoir qui aurait du revenir à nous autres, les plus lucides, les plus ardents, nous qui avions risqué notre liberté et même notre vie pour tenter d’épargner au pays la guerre folle, la guerre perdue dés le premier coup de canon. »
Lucien Rebatet, Mémoires d’un fasciste (Tome II)
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Le poète servile s’annihile, vidant des problèmes de sens et réduisant tout à la forme
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« La culture occupe de nouveaux terrains : un nouveau souffle d’énergie créatrice dans les lettres, le cinéma, la peinture. Un énorme service rendu aux grands détenteurs du Capital.
Le poète servile s’annihile, vidant des problèmes de sens et réduisant tout à la forme.
Le monde puissant du Capital a pour impudent drapeau un tableau abstrait.
Et ainsi, tandis que d’un côté la culture à haut niveau se fait toujours plus raffinée et destinée à “peu de gens" ce “peu" devient, fictivement, beaucoup : il devient “masse". C’est le triomphe du “digest", du magazine illustré, et, surtout, de la télévision. Le monde, déformé par ces moyens de diffusion, de culture, de propagande, se fait toujours plus irréel : la production en série, y compris des idées, le rend monstrueux.
Le monde des magazines, du lancement à échelle mondiale des produits même humains, est un monde qui tue.
Pauvre, douce Marylin, petite soeur obéissante, chargée de ta beauté comme d’une fatalité qui réjouit et tue. Peut être as tu pris le juste chemin, tu nous l’as enseigné. Ton blanc, ton or, ton sourire impudique par gentillesse, passif par timidité, par respect des grands qui te voulaient ainsi, toi, restée enfant, sont quelque chose qui nous invite à apaiser la rage dans les pleurs, à tourner le dos à cette réalité damnée, à la fatalité du mal. »
Pier Paolo Pasolini, La Rage
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