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14/06/2013

A travers des expressions isolées, des tournures, des formes syntaxiques

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« Quel fut le moyen de propagande le plus puissant de l'hitlérisme ? Etaient-ce les discours isolés de Hitler et de Goebbels, leurs déclarations à tel ou tel sujet, leurs propos haineux sur le judaïsme, sur le bolchevisme? Non, incontestablement, car beaucoup de choses demeuraient incomprises par la masse ou l'ennuyaient, du fait de leur éternelle répétition.[...] Non, l'effet le plus puissant ne fut pas produit par des discours isolés, ni par des articles ou des tracts, ni par des affiches ou des drapeaux, il ne fut obtenu par rien de ce qu'on était forcé d'enregistrer par la pensée ou la perception. Le nazisme s'insinua dans la chair et le sang du grand nombre à travers des expressions isolées, des tournures, des formes syntaxiques qui s'imposaient à des millions d'exemplaires et qui furent adoptées de façon mécanique et inconsciente. »

Victor Klemperer, LTI, la langue du Troisième Reich. Carnets d'un philologue

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13/06/2013

La propriété c'est le vol ???

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Proudhon est bien connu pour être le penseur de la fameuse et fumeuse invective bien connue : "La propriété c'est le vol" et chaque anarchiste s'en gargarise avec délectation... c'est oublier que le penseur anarchiste changea radicalement d'opinion à ce sujet vers la fin de sa vie...

« Or, en 1840, j'ai nié carrément le droit de propriété... pour le groupe comme pour l'individu, pour la nation comme pour le citoyen (...) La propriété est la plus grande force révolutionnaire qui existe et qui se puisse opposer au pouvoir et servir de contre-poids à la puissance publique, balancer l'État, par ce moyen assurer la liberté individuelle ; telle sera donc, dans le système politique, la fonction principale de la propriété.  »

Pierre-Joseph Proudhon, Théorie de la propriété


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Le chemin qui nous est tracé

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« Nous sommes nés à ce temps et devons poursuivre avec vaillance, jusqu'au terme fatal, le chemin qui nous est tracé. Il n'y a pas d'alternative. Notre devoir est de nous incruster dans cette position intenable, sans espoir, sans possibilité de renfort. Tenir, tenir à l'exemple de ce soldat romain dont le squelette a été retrouvé devant une porte de Pompéi et qui, durant l'éruption du Vésuve, mourut à son poste parce qu'on avait omis de venir le relever. Voilà qui est noble. Voilà qui est grand. Une fin honorable est la seule chose dont on ne puisse pas frustrer un homme. »

Oswald Spengler, L'homme et la technique

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12/06/2013

Ma conviction a toujours été que les valeurs aristocratiques et les valeurs populaires sont fondamentalement les mêmes

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« Ma conviction a toujours été que les valeurs aristocratiques et les valeurs populaires sont fondamentalement les mêmes ou se complètent naturellement, et qu’elles s’opposent les unes comme les autres frontalement aux valeurs bourgeoises. Par valeurs aristocratiques j’entends le sens de l’honneur, le courage, la fidélité à la parole donnée, l’exigence vis-à-vis de soi, le désintéressement, le sens du sacrifice et de la gratuité. Les valeurs populaires, elles aussi liées à la terre, les recoupent en grande partie, en y ajoutant ce que George Orwell a résumé d’une belle expression : la "décence commune" (common decency). »

Alain de Benoist, Mémoire vive

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Ce siècle qui se dit athée ne l'est point

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« Ce siècle qui se dit athée ne l'est point. Il est autothée, ce qui est un bien jolie mot, et bien de son temps. Il s'est littéralement fait son propre Dieu, et sur ce point il y a une croyance ferme. Il y était conduit d'ailleurs inévitablement. Puisqu'il était conduit irrévocablement à faire, à créer un deuxième monde, une deuxième création qui était l'imitation, la reproduction, la répétition, le recommencement exact du premier, il était conduit par suite et encore plus irrévocablement pour ainsi dire ensemble à faire aussi, à faire logiquement avant, à créer un Créateur, un deuxième Créateur (...) »

Charles Péguy, Un Poète l'a dit

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11/06/2013

Il faut renoncer à une idée reçue, celle d’une Espagne dans laquelle les trois religions du Livre auraient vécu en bonne intelligence

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« Il faut renoncer à une idée reçue, celle d’une Espagne dans laquelle les trois religions du Livre –chrétiens, musulmans et juifs- auraient vécu en bonne intelligence pendant les premiers siècles de la domination musulmane, puis dans l’Espagne chrétienne des XII éme et XIII éme siècles. La tolérance suppose l’absence de discrimination à l’égard des minorités. Ce n’est pas le cas dans l’Espagne musulmane, ni plus tard de l’Espagne reconquérante. Les maîtres du pays ont toujours été convaincus de la supériorité de leur foi. Juifs et mozarabes n’ont jamais été que des sujets de seconde catégorie. »

Joseph Pérez, Histoire de l'Espagne

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La source des Droits de l'Homme n'est pas la loi de Dieu ni la loi du Congrès, mais la Loi de l'Identité...

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« La source des Droits de l'Homme n'est pas la loi de Dieu ni la loi du Congrès, mais la Loi de l'Identité. Toute chose est ce qu'elle est, et l'Homme est un homme. Les Droits sont les conditions d'existence nécessitées par la nature de l'homme afin que celui-ci vive décemment. Dès lors que l'homme doit vivre sur terre, il a le droit de se servir de sa conscience rationnelle, il a le droit d'agir librement d'après son propre jugement. Il a le Droit de travailler conformément à ses propres valeurs et de disposer du produit de son travail. Si ce qu'il veut c'est vivre sur terre, il a le Droit de vivre comme un être rationnel : la nature même lui interdit l'irrationalité. »

Ayn Rand, Atlas Shrugged

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10/06/2013

L’attitude actuelle de l’Europe est parfaitement infâme...

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« Au nom de ce même Dieu dont je parle sans cesse, ne vous emballez pas trop sur les Grecs. Il n’y a pas au monde un peuple moins intéressant, et tout le bruit qu’on fait autour d’eux n’est qu’une vile blague. Je refuse absolument de compatir à ces schismatiques, habitants d’une terre vouée, depuis trois mille ans, à tous les démons, et dont les ancêtres au moyen âge ont fait rater toutes les Croisades. Leur histoire n’est qu’une traînée de pourriture et de sang.

L’attitude actuelle de l’Europe est parfaitement infâme, sans doute ; mais ne remarquez-vous pas que tout ce potin grec est surtout en vue de faire oublier l’Arménie, dont l’épouvantable massacre n’a ému aucun de nos chevaleresques étudiants, qui parlent aujourd’hui de se faire tuer pour la Grèce et qui seraient fort embêtés si on les prenait au mot ?

Pourtant, savez-vous ce que c’est que l’Arménie ? C’est le pays le plus mystérieux du monde, le lieu choisi pour la Réconciliation. C’est là que le déluge prit fin et que recommença la multiplication humaine.

Depuis une dizaine de siècles, au moins, il n’y a jamais eu qu’une Question d’Orient, question à triple face et à triple tour. Extermination ou du moins expulsion des Musulmans, extermination des Grecs et conquête du Saint-Sépulcre. Tout le reste est imbécillité ou mensonge.

Mais que penser de ce Pape qui s’occupe de politique parlementaire pendant qu’on débite par petits morceaux deux ou trois cent mille chrétiens en Arménie ? Ah ! il faut avoir une foi robuste et ne vraiment compter que sur Dieu. »

Léon Bloy, Lettre à Henry de Groux, le 14 janvier 1897, repris dans son "Journal" de la même année

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Les intellectuels tournent de l’œil facilement... C’est qu’aussi ce sont des intellectuels...

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« J’ai tâché de trouver la mesure, ce qui ne m’a pas épargné les faux pas. La grande difficulté est celle-ci pour un artiste qui veut s’engager dans son opinion. Pour bien savoir ce que vaut cette opinion qui le tente, il lui faut s’engager dans une action. Or, entre une opinion toute pure, toute logique, toute belle et l’action qui l’incarne, il y a autant de différence qu’entre une vierge et une femme cabossée par dix accouchements. Si vous n’avez point chevillé au corps un véritable amour pour quelque chose dans cette opinion – cela pourra ne pas être son principe, mais l’un de ses aspects secondaires, qui botte particulièrement votre sensibilité – vous tournerez de l’œil devant les métamorphoses de votre fiancée. Les intellectuels tournent de l’œil facilement dans ces cas-là ; ou bien ce sont de petits intrigants qui se moquent bien de la fiancée et ne souhaitent que de tirer des sous de la dame cabossée. Les intellectuels tournent de l’œil facilement... C’est qu’aussi ce sont des intellectuels. Je n’aime pas beaucoup les intellectuels, j’aime mieux les artistes. Un artiste, c’est un homme qui sait que la vie, ça ne va pas tout droit – ce qui n’empêche pas de travailler. Un artiste n’est jamais content de ce qu’il a fait ; il pardonnera donc beaucoup aux hommes d’action qui ont pris en main son opinion, qui se sont chargé de la faire vivre dans le siècle, qui l’on épousée. Il sera d’autant plus indulgent qu’il risque beaucoup moins qu’eux. Certes, c’est le métier des hommes d’action de risquer leur peau, comme c’est celui des hommes de guerre. Et, d’autre part, moi qui fait du journalisme politique, je peux très bien finir au poteau... Non, mon vrai risque, c’est d’écrire de mauvais livres. Si je suis fusillé, ce sera comme tant d’autres. »

Pierre Drieu La Rochelle, Article de Journal dans "Je suis partout", 12 juin 1937


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09/06/2013

Par la machine, l’homme s’éloigne de plus en plus de son corps et de la nature...

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Si Pierre Drieu La Rochelle avait totalement saisi la profonde signification de ce qu'il écrit là, jamais il ne se serait engagé dans la néfaste collaboration avec l'occupant nazi qui l'a conduit au suicide suite, très certainement, à la compréhension apocalyptique de son erreur.

Il n'y a, en effet, rien de plus machinique que le nazisme, le fascisme, le communisme... et de nos jours l'Islam, suivi de près par les démocraties occidentales étatistes et Keynésiennes nées de la Révolution Française et de la Face Sombre des prétendues Lumières... 

 

« Par la machine, l’homme s’éloigne de plus en plus de son corps et de la nature. Il s’engage dans une spéculation terre à terre, dans une mythologie de plus en plus confinée à la surface des objets, dans une idolâtrie, un fétichisme sans frémissement. La machine engendre la machine, et la multiplication des objets qu’on dit utiles fait une inutilité énorme, terne, morne, sans rayonnement, un encombrement destructeur. »

Pierre Drieu La Rochelle, Notes pour comprendre le siècle


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Notre seule plénitude, c’est une civilisation vue de loin, où les joies et les chagrins se mêlent...

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« Les gens ne savent plus s’ils doivent encore travailler ou ne plus rien faire. Ils ne savent pas s’ils doivent jouir ou s’abstenir. Je dis qu’individus épuisés, ils ne peuvent plus jouir que des grandes figures de l’esprit dessiné par le corps social. Regardez les abeilles, les fourmis, que pouvons-nous faire d’autre ? Notre seule plénitude, c’est une civilisation vue de loin, où les joies et les chagrins se mêlent. Il n’en reste que le dessin. Tout est dans le dessin. La qualité. La qualité se retrouvera, le jour où la quantité sera limitée. »

Pierre Drieu La Rochelle, Socialisme Fasciste


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08/06/2013

L’indispensable prise de possession de son propre destin

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« Je me rappelle avoir entendu un jour un président du Conseil expliquer la situation, dans la quiétude peu croyable de son grand cabinet Louis XV. Il répéta pendant une heure : "ils ne comprennent pas ceci, ils ne font pas cela, ils..." J’avais envie de lui crier : "Mais enfin, qui ils ? C’est vous le chef, c’est vous qui êtes au centre, ils ne disent et ne font que ce que vous ne les empêchez pas de dire ou de faire. Dites : Je". Il ne dit "je" qu’une fois : "Je m’en f...". Eh bien, évidemment, ce "président", qu’il eût été éduqué dans une école primaire ou dans un lycée, qu’il fût passé par l’Ecole normale ou par Polytechnique, n’avait jamais entendu parler de cette sainte vertu qu’on appelle Responsabilité. On l’avait bourré de notions sur la géographie ou sur la prosodie d’Homère, sur les mathématiques pures ou sur la physique la plus théorique, mais aucun de ses maîtres ne s’était occupé de mettre dans les muscles et les nerfs de son corps, dans les réflexes de son âme l’indispensable prise de possession de son propre destin et de celui des autres hommes qu’est pour un homme le prononcement sérieux et conscient de ce maître-mot : Je. »

Pierre Drieu La Rochelle, Ne plus attendre


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Que m’importe de n’avoir pas vu le Parthénon ?

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« Que m’importe de n’avoir pas vu le Parthénon ? C’est le chef-d’œuvre d’un Grand Siècle. Le Ve avant Jésus-Christ, c’est comme le XVIIe, le Parthénon c’est Versailles. Aujourd’hui quelle leçon pouvons-nous prendre à Versailles ? Nous redevenons des Barbares, en mal de formes neuves et inconnues ; aussi ce qui nous attire dans l’histoire, ce sont les premiers mouvements. Certes, je ne suis pas dupe, je sais bien que la faiblesse des contemporains, qu’ils soient européens, indiens ou chinois, n’est pas plus capable d’imiter les rudiments primitifs que l’exquise complexité de l’achèvement. Mais près de retomber dans le creuset obscur, penchés sur le prochain abîme, nous rêvons des germinations de demain à travers les effondrements et les pourritures qui nous entraînent. Nous sommes à bout de souffle, rien ne renaîtra plus de nous dans les formes que nous connaissons, la force de création ne reprendra en Europe qu’après de terribles dissolutions ; mais alors que le fleuve de notre civilisation est près de déboucher dans la mer qui noie tout, parcourant d’un trait le cycle récurrent des évaporations, des nuages et des pluies, notre imagination se rejette vers les sources d’où sortira le fleuve nouveau. Je rôde autour des abîmes parce que je sais que j’y retombe et que j’en ressortirais... »

Pierre Drieu La Rochelle, Une femme à sa fenêtre


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07/06/2013

Tout est honteux, rampant, lent...

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« Le courage est devenu peur, et quand on voit encore du courage, ce n’est plus que la peur qui se hérisse. Chacun a peur de tous et tous ont peur de chacun. Tout est honteux, rampant, lent. Tout va trop lentement et soudain tout va trop vite et il y a un choc si violent qu’on ne sent plus rien. A ce moment-là, on ferait n’importe quoi. Et puis, recommence la lente fièvre de tous les jours. Cette maladie qui est dans la nation l’a divisée, elle a tant envenimé certains hommes qu’elle les a retournés contre les autres. »

Pierre Drieu La Rochelle, Charlotte Corday

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Chaque héros nourrit dix grands artistes...

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« La musique a besoin de grandes formes qui se lèvent sur l’horizon. Shakespeare doit tout à Elisabeth, et Goethe n’aurait pas fait le second Faust s’il n’avait pas eu sous les yeux la Révolution française. Donnez-nous de grands hommes et de grandes actions pour que nous retrouvions le sens des grandes choses. Chaque héros nourrit dix grands artistes ; Goethe et Hugo se sont trempés dans le sang versé par Napoléon. »

Pierre Drieu La Rochelle, L'homme à cheval

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06/06/2013

Le fléchissement de notre pouvoir créateur

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« A l’intérieur de la civilisation libertaire et industrielle, sur cette planète toute gagnée à cette mode, toute engagée dans ce pari moderne, il faut lutter contre tout ce qui attaque l’esprit créateur, contre tant de nouveautés qui étaient belles hier, qui sont déjà laides aujourd’hui. La stérilité, l’onanisme, l’inversion sont des maux spirituels. L’alcoolisme, les drogues sont le premier degré qui mène à cette défaillance de l’imagination, à cette décadence de l’esprit créateur, quand l’homme préfère subir que s’imposer. Le sport mal compris, contaminé par l’argent, réduit à des simulacres de cirque entre professionnels pour nourrir le cauchemar de foules inertes, le militarisme, sont des perversions de l’instinct de lutte, du goût antique et sain pour la destruction et le sacrifice. La fabrication en séries, le renoncement au travail des mains qui sont des outils de l’esprit, l’abandon aux machines du pouvoir de l’homme sur la matière manifestent, comme l’onanisme, le fléchissement de notre pouvoir créateur. »

Pierre Drieu la Rochelle, Mesure de la France


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Et peut-être ce que j’appelle France, demain se prononcera autrement...

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« Je peux dire que j’aime les Français. Ils bénéficient tous à mes yeux de la même faveur. C’est ainsi qu’on aime les femmes, et parmi elles des brutes, des lâches, des goinfres. Mais je ne les aime pas tant parce que leur génie est tel et tel, mais parce que ce sont les hommes au milieu desquels j’ai vécu. Et si notre nation, par suite de pittoresques catastrophes toujours prévisibles dans l’Histoire, quittait cette contrée-ci pour aller camper ailleurs, au bout de quelques siècles le génie de mes camarades changerait sous le charme d’un autre horizon ? Mais je puis anticiper ma fidélité à ceux qu’ils deviendraient ; car dans les êtes aimés, on aime tout ce qu’ils sont, chacune des particularités par quoi ils se rendent sensibles et aussi un point abstrait comme nous aimons en nous-mêmes. La France imperceptiblement se métamorphose dans nos bras, sans qu’il y ait brusque rupture des mille liens dont chacun est accidentel et insuffisant, mais dont semble se former tout notre attachement. Et peut-être ce que j’appelle France, demain se prononcera autrement. »

Pierre Drieu la Rochelle, Etat civil


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05/06/2013

Car il y a quelque chose qui nous oppresse, qui nous écrase...

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« Il y a belle lurette que la guerre est finie, et pourtant, notre malheur n’a cessé depuis ce moment. Qu’est-ce qui nous oppresse ? Car il y a quelque chose qui nous oppresse, qui nous écrase... Nous ne sommes pas content de nous, nous avons honte. Honte. Pourtant les trains marchent bien et beaucoup ont chez eux un appareil de radio. Mais quand nous crevions dans les tranchées nous disions que nous ferions quelque chose, et nous n’avons rien fait, rien. Nous rêvions pourtant de quelque chose d’admirable, d’inouï. Oui, seul quelque chose d’inouï pouvait nous faire oublier cette horreur. Pourtant… Nous, les soldats, nous, les héros. Nous avons été les plus grands lâches. »

Pierre Drieu la Rochelle, Le Chef


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La guerre pour nous, nés dans un temps de longue paix, parut une nouveauté merveilleuse, l’accomplissement qui n’était pas espéré de notre jeunesse...

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« La guerre pour nous, nés dans un temps de longue paix, parut une nouveauté merveilleuse, l’accomplissement qui n’était pas espéré de notre jeunesse. Nous voulions épuiser la vie dans un irréparable élan. Or, doute que la paix nous eût assouvis aussi magnifiquement. A nous autre, jeunes hommes éduqués par le verbe orgueilleux de Nietzsche et de Barrès, Paul Adam, Maurras, d’Annunzio, Kipling, excitateurs du monde occidental, la guerre offrit une fraîche tentation.

(…)

Nous ne pouvons pas regretter la guerre. La guerre a introduit une solennité dans notre vie que nous n’espérions plus des évènements humains et dont l’absence nous faisait sentir dans l’homme une perte. »

Pierre Drieu la Rochelle, Interrogation


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04/06/2013

La passion nationaliste fait plus que tout autre pour le triomphe des révolutions et des dictatures qui en découlent

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« Le nœud qu’on voit toujours se faire entre révolution intérieur et guerre extérieure mériterait une étude particulière. Là encore, nous verrions la thèse de la lutte de classes complètement débordée ou controuvée. Toute révolution reçoit de la nécessité de faire face à l’étranger un appoint de force énorme qui facilite l’avènement, puis le maintien des forces extrémistes, jusqu’au jour où celles-ci donnent naissance au despotisme personnel qu’elles portent en germe. Les puritains ont tiré leur force de la lutte contre les Ecossais et les Irlandais, de la jalousie contre les Hollandais, de la haine contre les Français – tous sentiments dont les Stuarts prenaient le contre-pied. Et Cromwell fut adoré comme vainqueur des Irlandais encore plus que du Roi. Les Jacobins ont pris le pouvoir à la faveur de l’invasion prussienne, et l’ont gardé dans la guerre perpétuelle jusqu’à le céder à Bonaparte. Lénine a bientôt profité de la défense nationale, Staline en profite plus que jamais. Mussolini et Hitler sont nés de réactions au traité de Versailles. La passion nationaliste fait plus que tout autre pour le triomphe des révolutions et des dictatures qui en découlent. »

Pierre Drieu la Rochelle, Socialisme fasciste


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03/06/2013

Je me connais trop pour croire à la vertu toute pure

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« De même, on est toujours sûr de tomber, au hasard des journées, sur un Français, souvent intelligent par ailleurs, et qui vous dit que les Juifs exagèrent vraiment. Naturellement, ce Français a un ami juif qui, lui, du moins... Quant aux millions de Juifs qui ont été torturés et brûlés, l'interlocuteur n'approuve pas ces façons, loin de là. Simplement, il trouve que les Juifs exagèrent et qu'ils ont tort de se soutenir les uns les autres, même si cette solidarité leur a été enseignée par le camp de concentration. Oui, ce sont là des signes. »

Albert Camus, La Contagion in Actuelles I - Ecrits Politiques (Chroniques Politiques 1944-1948)


« Ce n'est pas me réfuter en effet que de réfuter la non-violence. Je n'ai jamais plaidé pour elle. Et c'est une attitude qu'on me prête pour la commodité d'une polémique. Je ne pense pas qu'il faille répondre aux coups par la bénédiction. Je crois que la violence est inévitable, les années d'occupation me l'ont appris. Pour tout dire, il y a eu, en ce temps-là, de terribles violences qui ne m'ont posé aucun problème. Je ne dirai donc point qu'il faut supprimer toute violence, ce qui serait souhaitable, mais utopique, en effet. Je dis seulement qu'il faut refuser toute légitimation de la violence, que cette légitimation lui vienne d'une raison d'État absolue, ou d'une philosophie totalitaire. La violence est à la fois inévitable et injustifiable. Je crois qu'il faut lui garder son caractère exceptionnel et la resserrer dans les limites qu'on peut. Je ne prêche donc ni la non-violence, j'en sais malheureu-sement l'impossibilité, ni, comme disent les farceurs, la sainteté : je me connais trop pour croire à la vertu toute pure. Mais dans un monde où l'on s'emploie à justifier la terreur avec des arguments opposés, je pense qu'il faut apporter une limitation à la violence, la cantonner dans certains secteurs quand elle est inévitable, amortir ses effets terri-fiants en l'empêchant d'aller jusqu'au bout de sa fureur. J'ai horreur de la violence confortable. J'ai horreur de ceux dont les paroles vont plus loin que les actes. C'est en cela que je me sépare de quelques-uns de nos grands esprits, dont je m'arrêterai de mépriser les appels au meurtre quand ils tiendront eux-mêmes les fusils de l'exécution. »

Albert Camus, Première réponse à Emmanuel d'Astier de la Vigerie in Actuelles I - Ecrits Politiques (Chroniques Politiques 1944-1948)


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02/06/2013

Ces pierres que l'on trouve dans l'estomac des poules

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« Il y a dans toute vie un certain nombre de choses que l'homme ne confie pas même à l'être le plus proche. Elles sont semblables à ces pierres que l'on trouve dans l'estomac des poules ; la sympathie n'aide pas à les faire digérer. »

Ernst Jünger, Premier journal parisien, 2 octobre 1942


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J’aurais pu lui répondre que j’étais vivant, moi, mais je n’en étais pas tout à fait certain

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« Je me demande ce qu’il y a encore à détruire, dans ce secteur, a-t-il ajouté en montrant l’immense terrain vague laissé par le déblaiement des taudis de la Quarantaine.

-- Des hommes, ais-je cru bon de suggérer, souriant à mon tour pour ne pas avoir l’air trop niais.

-- Des hommes ? Non, ils sont morts, même ceux qui combattent, en ce moment, et qui se croient vivants. A un certain degré d’horreur et de bruit, on ne se bat plus pour vivre, ni pour survivre, mais parce qu’on est mort, oui, passé à l’autre bout de la vallée de larmes, et que le combat se limite à tenter de remonter chez les vivants.

J’aurais pu lui répondre que j’étais vivant, moi, mais je n’en étais pas tout à fait certain, et j’ai préféré continuer à sourire, tout en reconnaissant que j’appartenais aux ombres, que je méprisais même un peu les vivants, leur insouciance, leur incurie, leur cruauté, lezs morts, eux étant en paix les uns avec les autres, on n’y a jamais songé de cette façon, mais c’est ce qui les caractérise, outre leur invraisemblable mémoire.

Mais je n’ai rien dit. Je préférais rester un combattant simple et droit aux yeux du responsable phalangiste dont je continuais à trouver la cause noble, et la seule qui méritât d’être défendue. »

Richard Millet, La confession négative

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01/06/2013

C’est un immense troupeau dans la solitude, une multitude infinie de cœurs tristes à la recherche du Paradis...

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« Et le Peuple de Dieu ? me demandez-vous. Ne vous l’ai-je pas montré ? Autrefois, il y a plus de trois mille ans, le Peuple de Dieu, c’était le peuple hébreu. Les miracles ne lui manquaient pas. Jéhovah le conduisait par la main au milieu des flots et dans le désert, pour l’étonnement et l’extermination des autres peuples. Depuis Jésus-Christ, le peuple de Dieu, c’est chacun de nous, c’est moi, c’est vous, le menuisier, vous, le serrurier, vous, l’employé de bureau, le vidangeur ou le poète. C’est tout ce qui est pauvre, tout ce qui souffre, tout ce qui est humilié profondément. C’est un immense troupeau dans la solitude, une multitude infinie de cœurs tristes à la recherche du Paradis. Il y en a qui gagnent tout juste leur pain, qui n’ont jamais une heure pour la culture de leurs âmes et qui finissent par y renoncer. D’ailleurs, qui pourrait les instruire, les guider, les encourager ? Le clergé insuffisant quant au nombre est, presque toujours, d’une médiocrité épouvantable. Pour ce qui est des Léon Bloy, quand il s’en trouve, on les étrangle, on les étouffe si bien qu’il est impossible de les connaître et qu’il n’y a pas moyen de les entendre. Alors quoi ? il ne reste plus que les patrons ou les propriétaires. Franchement ce n’est pas assez. »

Léon Bloy, Journal, 10.12.1903

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Vous savez comment ces rues gagnent les faubourgs, à la manière d’une gangrène...

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« Vous savez comment ces rues gagnent les faubourgs, à la manière d’une gangrène. Ce sont d’interminables rangées de maisons jumelées –les numéros d’Ellesmore Road vont jusqu’au 212 et la nôtre est au 191- toutes les mêmes, comme dans les lotissements à bon marché, mais en plus laid. La façade en stuc, la barrière vernie, la haie des troènes, la porte d’entrée peinte en vert. Les Lauriers, Les Myrtes, Les Aubépines, Mon Abri, Mon Repos, Belle vue. Dans peut-être une maison sur cinquante un esprit libertaire, qui probablement finira à l’hospice, a peint sa porte d’entrée en bleu au lieu de la peindre en vert. »

George Orwel, Un peu d’air frais

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