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26/05/2013

Tu les verras bientôt d’hommes devenus femmes

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Crésus s’adressant à Cyrus :

« (…) mais pardonne aux Lydiens et, pour éviter toute révolte et toute inquiétude de ce côté, prend ces mesures-ci : fais leur défendre de posséder des armes de guerre, ordonne-leur de porter des tuniques sous leurs manteaux, de chausser des bottines, prescris-leur d’apprendre à leurs fils de jouer de la cithare et des autres instruments à cordes, à faire du commerce. Tu les verras bientôt, seigneur, d’hommes devenus femmes, et tu n’auras plus à craindre de révolte. »

Hérodote, L’Enquête, I, 155

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La splendeur du style...

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« Il est indispensable que la Vérité soit dans la Gloire. La splendeur du style n’est pas un luxe, c’est une nécessité. »

Léon Bloy, Journal, Août 1894

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25/05/2013

Une société est un éparpillement de mémoires

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« Une société est un éparpillement de mémoires, un amoncellement de poches à rancune et de comptes à régler ; un peuple est une histoire longue, ou plus exactement l'unité de cette histoire. Les deux coexistent, bon an mal an, et il n'est pas bon que l'un chasse l'autre. Le peuple sans société devient une mystification et la société sans peuple, un capharnaüm. Or à force d'encenser la diversité, les identités et les "nouveaux mouvements sociaux", on exalte le social au point de découper le corps du peuple à la tronçonneuse, en Landru électoraliste et arithméticien. »

Régis Debray, Rêveries de gauche

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24/05/2013

Il nous sera donné de voir, quand la lumière s’éteindra

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« Le combat de la vie, le fardeau de l’individualité. A l’opposé, l’indivis et ses tourbillons toujours plus profonds. Aux instants de l’étreinte, nous y plongeons, nous nous abîmons dans des zones où gîtent les racines de l’arbre de vie. Il y a aussi la volupté légère, fugitive, pareille au combustible qui flambe, et tout aussi volatile. Au-delà, au-dessus de tout cela, le mariage. “Vous serez une seule chair.” Son sacrement ; le fardeau est désormais partagé. Enfin, la mort. Elle abat les murailles de la vie individuelle. Elle sera l’instant de l’accomplissement suprême. (Matthieu XXII, v. 30.) C’est par-delà la mort, et là seulement, où le temps n’est plus, que nos véritables liens ont formé le noeud mystique. Il nous sera donné de voir, quand la lumière s’éteindra. »

Ernst Jünger, Premier journal parisien

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23/05/2013

Pourquoi pas moi ?

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« Quand on constate (en lisant sa correspondance) que Baudelaire a toute sa vie pataugé dans les ennuis d'argent, on frémit. Puis, si l'on songe que malgré sa pauvreté Baudelaire a pu se consacrer à son oeuvre, qu'il a eu une existence d'homme libre, de belles maîtresses, du haschich, des amis fidèles, on respire, soulagé. Et l'on se dit : si Baudelaire a pu vivre ainsi, pourquoi pas moi ? »

Gabriel Matzneff, Cette camisole de flammes, journal 1953-1962

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Aucun appel clair...

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« Tout cela avait perdu sa valeur, tout cela appartenait au temps des victoires, lorsque les drapeaux pendaient à toutes les fenêtres. Maintenant il n'y avait plus de victoires, maintenant les drapeaux avaient perdu leur radieuse signification, maintenant, à cette heure trouble où tout s'écroulait, la voie à laquelle j'avais été destiné était devenue impraticable, maintenant je me trouvais, sans pouvoir m'en saisir, en face de choses nouvelles, en face de choses qui accouraient de toutes parts, de choses sans forme, où ne vibrait aucun appel clair, aucune certitude qui pénétrait irrésistiblement le cerveau, sauf une pourtant, celle que ce monde où j'étais enraciné, que je n'avais eu ni à accepter ni à adopter, et dont j'étais une parcelle, allait s'effondrer définitivement, irrévocablement, et qu'il ne ressusciterait pas, qu'il ne renaîtrait jamais. »

Ernst von Salomon, Les Réprouvés

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22/05/2013

Du milieu des âmes mortes...

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« Quant à moi, je le sais, une puissance supérieure me contraint à cheminer longtemps encore côte à côte avec mes étranges héros, à contempler, à travers un rire apparent et des larmes insoupçonnées, l'infini déroulement de la vie. Le temps est encore lointain où l'inspiration jaillira à flots plus redoutables de mon cerveau en proie à la verve sacrée, où les hommes, tremblants d'émoi, pressentiront les majestueux grondements d'autres discours... »

Nicolas Gogol, Les âmes mortes

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Vincit omnia Veritas

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« Ceux qui seraient tentés de céder au découragement doivent penser que rien de ce qui est accompli dans cet ordre ne peut jamais être perdu, que le désordre, l’erreur et l’obscurité ne peuvent l’emporter qu’en apparence et d’une façon toute momentanée, que tous les déséquilibres partiels et transitoires doivent nécessairement concourir au grand équilibre total, et que rien ne saurait prévaloir finalement contre la puissance de la vérité ; leur devise doit être celle qu’avaient adoptée autrefois certaines organisations initiatiques de l’Occident : Vincit omnia Veritas. »

René Guénon, La crise du monde moderne

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21/05/2013

L'anticommunisme demeure donc répréhensible, si négatif soit le bilan du communisme

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« Une oraison plaintive servit d'ouverture en sourdine à la confession agressive. Sous le coup du naufrage, on avoua du bout des lèvres la faillite et jusqu'aux crimes du communisme. Mais ce ne fut qu'en manière de précaution oratoire et pour mieux pleurer la perte du Bien suprême que seul, soupirait on, il aurait pu nous apporter et dont l'humanité se trouvait, par sa chute, à jamais dépouillée.
Supercherie éculée par laquelle on contestait l'essentiel, qui était, non que le communisme eût échoué, ce que, vers 1990, personne n'osait plus ou n'osait encore nier, mais que son échec était d'une nature et d'une ampleur qui en condamnait le principe même. Car c'était là le fait nouveau. Pour le communisme en tant que doctrine, après tant de sursis immérités, l'heure du jugement dernier venait enfin de sonner. Tout le reste était archéologie. Les désastres du socialisme réel, on y était habitué depuis longtemps. II n'avait jamais et nulle part rien produit d'autre. Ce qui s'imposait en outre, désormais, c'est qu'il ne pouvait rien produire d'autre. C'était là l'évidence supplémentaire et libératrice : il souffrait, dans sa conception même, d'un vice de conformation. Bien des marginaux l'avaient vu et dit depuis longtemps. La gauche, même non communiste, les avait régulièrement bouclés dans le panier à salade de la "réaction". En 1990, leur explication devenait celle de tout le monde.

Ainsi, le communisme avait été poussé à n'engendrer que misère, injustice et massacres, non par de contingentes trahisons ou malchances mais par la logique même de sa vérité profonde. Telle était la révélation de 1990. L'histoire condamnait, au-delà du communisme réel, l'idée même du communisme.

Or le postulat qui se réaffirme à travers les sanglots du deuil post-soviétique exprime d'emblée le refus de cette conclusion. Mais faute de pouvoir s'appuyer sur des faits, il se réduit à cette croyance superstitieuse qu'on trouve dans quelque ciel lointain une société parfaite, prospère, juste et heureuse, aussi sublime que le monde suprasensible de Platon et aussi inconnaissable que la "chose en soi" de Kant. Cette société idéale, le communisme était le seul instrument apte à en faire descendre le modèle sur terre. Comme il a disparu, la possibilité même de cette société de justice disparaît aussi. L'effondrement du communisme, en dépit de tout le mal qu'il a perpétré, est donc aussi la défaite du Bien.

Raisonnement circulaire qui suppose démontrée la thèse que précisément l'expérience vient de réfuter. Dérobade qui n'est au demeurant qu'une resucée de l'antique sophisme dont la fanfare de la propagande n'avait cessé de tympaniser les jobards accourus vider les poubelles de l'histoire : nous ne nions, avouaient périodiquement les socialistes dans leurs replis tactiques, ni les mauvais résultats ni les atrocités du communisme; nous nions en revanche catégoriquement que ces malencontreux déboires expriment l'essence du socialisme. Celle-ci reste intacte, immaculée, et promise à une très prochaine incarnation. Selon cette argumentation, l'horreur des conséquences prouve l'excellence du principe.

Se réclamant d'un prototype parfait, puisque irréalisable, le communisme, si monstrueuses aient été ses fautes dans la pratique, ne peut pas être réactionnaire. C'est pourquoi continuent, eux, à l'être, les gens qui le jugent sur ses actes. Car ce ne sont pas les actes qui doivent servir de critère, quand on évalue les zélateurs d'un modèle idéal, ce sont les intentions.

Au fond, le royaume du communisme n'est pas de ce monde, et son échec ici-bas est imputable au monde, non pas au concept communiste. Dès lors, ceux qui le récusent en alléguant ce qu'il a fait, sont en réalité poussés par une haine secrète pour ce qu'il était censé faire: accomplir la justice. L'anticommunisme demeure donc répréhensible, si négatif soit le bilan du communisme. Tel est le deuxième volet de l'esquive préliminaire, préparation de la contre-offensive ultérieure. »

Jean-François Revel, La Grande Parade

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20/05/2013

La grande parade de la gauche

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« Parade signifie, on le sait, à la fois l'action de parer un coup et l'étalage que l'on fait de ses ornements pour attirer l'attention sur soi. La grande parade de la gauche depuis dix ans remplit cette double fonction. II s'agissait pour elle de détourner ou d'esquiver la botte qui allait la retrancher de l'histoire et en même temps de rester dans la comédie du pouvoir et le spectacle culturel, pour continuer à conduire le défilé - la parade - du cirque. II s'agissait aussi, en termes de marine cette fois, de parer à virer sans que cette volte-face fût trop voyante. II s'agissait enfin de "parer" le communisme pour en sauver le plus possible, de la façon dont l'entendent les cuisiniers lorsqu'ils suppriment les parties non utilisables d'une viande, d'un poisson, d'un légume. La gauche a-t-elle pu ainsi resservir la même tambouille idéologique, en la faisant passer pour une préparation nouvelle ? Ces questions sont loin d'être superflues, puisque l'humanité vient de traverser le siècle à la fois du totalitarisme et de l'information. Si nous devions constater qu'elle n'a rien compris au totalitarisme, cela démontrerait que l'information ne sert à rien ; et, en particulier, que sont inutiles ou nuisibles les agents intellectuels qui la formulent et la diffusent. A une époque où l'on n'a pas cessé de vénérer le "sens de l'histoire", l'avoir aussi peu compris témoignerait d'une rédhibitoire faillite culturelle ou, ce qui serait peut-être pire, d'une malhonnêteté invétérée dans les rapports avec le vrai, séquelle indélébile de l'éducation totalitaire de la pensée. »

Jean-François Revel, La Grande Parade

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19/05/2013

Et pendant quatre ans ces deux cent cinquante bourreaux ne se lassèrent pas de nous tourmenter. C’était leur consolation, leur plaisir...

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« […] Le commandant était un homme très honnête. Mais le major de place de Krivtsov était un gredin comme il y en a peu, barbare, maniaque, querelleur, ivrogne, en un mot tout ce qu’on peut imaginer de plus vil.
Le jour même de notre arrivée, il nous traita de sots Dourov et moi, à cause des motifs de notre condamnation, et jura qu’à la première infraction il nous ferait infliger un châtiment corporel. Il était major de place depuis deux ans et commettait au su et vu de tous des injustices criantes. Il passa en justice deux ans plus tard. Dieu m’a préservé de cette brute ! Il arrivait toujours ivre (je ne l’ai jamais vu autrement), cherchait querelle aux condamnés et les frappait sous prétexte qu’il était "saoul à tout casser". D’autres fois, pendant sa visite de nuit, parce qu’un homme dormait sur le côté droit, parce qu’un autre parlait en rêvant, enfin pour tous les prétextes qui lui passaient par la tête, nouvelle distribution de coups : et c’était avec un tel homme qu’il fallait vivre sans attirer sa colère ! et cet homme adressait tous les mois des rapports sur nous à Saint-Pétersbourg.
J’avais fait connaissance avec les forçats à Tobolsk.
À Omsk, je devais rester avec eux quatre années entières !
C’est un peuple grossier, irrité et exaspéré que celui-là ! Sa haine pour les nobles dépasse toute mesure. Aussi, en notre qualité de nobles, nous accueillit-on avec une joie féroce. Ces malheureux nous auraient dévorés si on le leur avait permis. Du reste juge toi-même quelle défense nous pouvions avoir contre des gens avec lesquels il nous fallait vivre, boire, manger et dormir des années durant et qui, à la moindre de nos plaintes, répondaient par des torrents d’injures.
—"Vous autres les nobles, becs de fer, vous nous écrasiez… Des messieurs, vous autres, et vous torturiez le peuple, et maintenant vous voilà pris, vous voilà pareils au dernier des derniers, pareils à nous-mêmes."
Voilà leur thème !… Et pendant quatre ans ces deux cent cinquante bourreaux ne se lassèrent pas de nous tourmenter. C’était leur consolation, leur plaisir ; cela les occupait. Si nous leur avons échappé, c’est par l’indifférence, par la supériorité morale qu’ils ne pouvaient comprendre mais qu’ils subissaient et parce que nous ne cédions jamais devant eux. Ils avaient toujours conscience qu’ils nous étaient inférieurs. Ils ignoraient les motifs de notre peine ; nous nous taisions à ce sujet, préférant subir leur haine. Mais nous étions très malheureux. Le régime militaire des travaux forcés est plus dur que le civil.
J’ai passé ces quatre ans derrière un mur, ne sortant que pour être mené aux travaux. Le travail était dur. Il m’est arrivé de travailler, épuisé déjà, pendant le mauvais temps, sous la pluie, dans la boue, ou bien pendant le froid intolérable de l’hiver. Une fois je suis resté quatre heures à exécuter un travail supplémentaire : le mercure était pris ; il y avait plus de 40 degrés de froid. J’ai eu un pied gelé.
Nous vivions en tas, tous ensemble dans la même caserne.
Imagine-toi un vieux bâtiment délabré, une construction en bois, hors d’usage et depuis longtemps condamnée à être abattue. L’été on y étouffait, l’hiver on y gelait.
Le plancher était pourri, recouvert d’un verschok de saleté. Les petites croisées étaient vertes de crasse, au point que, même dans la journée, c’est à peine si on pouvait lire. Pendant l’hiver elles étaient couvertes d’un verschok de glace. Le plafond suintait. Les murs étaient crevassés. Nous étions serrés comme des harengs dans un tonneau. On avait beau mettre six bûches dans le poêle, aucune chaleur (la glace fondait à peine dans la chambre), mais une fumée insupportable : et voilà pour tout l’hiver.
Les forçats lavaient eux-mêmes leur linge dans les chambres, de sorte qu’il y avait des mares d’eau partout ; on ne savait où marcher. De la tombée de la nuit jusqu’au jour il était défendu de sortir, sous quelque prétexte que ce fût, et on mettait à l’entrée des chambres un baquet pour un usage que tu devines ; toute la nuit la puanteur nous asphyxiait. "Mais, disaient les forçats, puisqu’on est des êtres vivants, comment ne pas faire des cochonneries."
Pour lit deux planches de bois nu ; on ne nous permettait qu’un oreiller. Pour couvertures des manteaux courts qui nous laissaient les pieds découverts ; toute la nuit nous grelottions. Les punaises, les poux, les cafards, on aurait pu les mesurer au boisseau. Notre costume d’hiver consistait en deux manteaux fourrés, des plus usés, et qui ne tenaient pas chaud du tout ; aux pieds des bottes à courtes tiges, et allez ! marchez comme ça en Sibérie !
J’ai passé plus d’un jour à l’hôpital. J’ai eu des crises d’épilepsie, rares, il est vrai. J’ai encore des douleurs rhumatismales aux pieds. À part cela, ma santé est bonne. À tous ces désagréments ajoute la presque complète privation de livres. Quand je pouvais par hasard m’en procurer un, il fallait le lire furtivement, au milieu de l’incessante haine de mes camarades, de la tyrannie de nos gardiens, et au bruit des disputes, des injures, des cris, dans un perpétuel tapage, jamais seul ! Et cela quatre ans, — quatre ans ! Parole, dire que nous étions mal ce n’est pas assez dire ! Ajoute cette appréhension continuelle de commettre quelque infraction, qui met l’esprit dans une gêne stérilisante, et tu auras le bilan de ma vie.
Ce qu’il est advenu de mon âme et de mes croyances, de mon esprit et de mon cœur durant ces quatre ans, je ne te le dirai pas, ce serait trop long. La constante méditation où je fuyais l’amère réalité n’aura pas été inutile. J’ai maintenant des désirs, des espérances qu’auparavant je ne prévoyais même pas. Mais ce ne sont encore que des hypothèses ; donc passons. Seulement toi, ne m’oublie pas, aide-moi. Il me faut des livres, de l’argent : fais-m’en parvenir, au nom du Christ !
Omsk est une vilaine petite ville ; presque pas d’arbres ; une chaleur excessive, du vent et de la poussière en été ; en hiver un vent glacial. Je n’ai pas vu la campagne. La ville est sale ; soldatesque et par conséquent débauchée au plus haut point. (Je parle du peuple.) Si je n’avais pas rencontré des âmes sympathiques, je crois que j’aurais été perdu. Konstantin Ivonitch Ivanor a été un frère pour moi. Il m’a rendu tous les bons offices possibles. Je lui dois de l’argent. S’il vient à Pétersbourg remercie-le. Je lui dois vingt-cinq roubles. Mais comment payer cette cordialité, cette constante disposition à réaliser chacun de mes désirs, ces attentions, ces soins ?… Et il n’était pas le seul ! — Frère, il y a beaucoup d’âmes nobles dans le monde.
Je t’ai déjà dit que ton silence m’a bien tourmenté. Mais je te remercie pour l’envoi d’argent. Dans ta plus prochaine lettre (même dans la lettre officielle, car je ne suis pas encore sûr de pouvoir te donner une autre adresse), donne-moi des détails sur toi, sur Emilia Theodorovna, les enfants, les parents, les amis, nos connaissances de Moscou, qui vit, qui est mort. Parle-moi de ton commerce : avec quel capital fais-tu maintenant tes affaires ? réussis-tu ? As-tu déjà quelque chose ? Enfin pourras-tu m’aider pécuniairement et de combien pourras-tu m’aider par an ? Ne m’envoie l’argent dans la lettre officielle que si je ne trouve pas d’autre adresse ; en tout cas, signe toujours Mikhaïl Pétrovitch (tu comprends ?) Mais j’ai encore un peu d’argent ; en revanche, je n’ai pas de livres. Si tu peux, envoie-moi les revues de cette année, par exemple les Annales de la Patrie.
Mais voici le plus important : Il me faut (à tout prix) les historiens antiques (traduction française) et les nouveaux ; quelques économistes et les Pères de l’Église. Choisis les éditions les moins coûteuses et les plus compactes. Envoie immédiatement. Le premier livre dont j’aie besoin, c’est le lexicon allemand.

J’ignore encore ce qui m’attend à Sémipalatinsk. (L’avenir immédiat m’intéresse peu.) Mais l’autre avenir m’est moins indifférent. Frère, fais des démarches pour moi ; demande si, dans un an ou deux, je ne pourrai pas être envoyé au Caucase : c’est au moins la Russie ! Voilà mon plus ardent désir. Frère, excuse-moi, au nom du Christ ! Ne m’oublie pas ! Voilà que je dispose de tout, même de ton avoir. C’est que je n’ai pas perdu ma confiance en toi : tu es mon frère et tu m’as aimé ? Il me faut de l’argent. Il me faut vivre, frère ! Ces années ne seront pas sans fruit ! Il me faut de l’argent et des livres. Ce que tu dépenseras pour moi ne sera pas perdu. Va, tu ne dévaliseras pas tes enfants en me venant en aide. Prie que je vive seulement et je leur rendrai le tout avec usure. On me permettra bien d’imprimer d’ici cinq ou six ans ; peut-être plus tôt ; il peut survenir bien des changements ! et je n’écrirai plus de babioles. Tu entendras parler de moi.

Bientôt nous nous reverrons, frère. J’y crois comme à deux fois deux font quatre. Je me sens sûr de moi. Je vois devant moi mon avenir et tout ce que je ferai. Je suis content de ma vie. Je ne redoute que les gens et l’arbitraire ! Je puis tomber sur un chef qui me prenne en haine. (Cela n’est, hélas ! pas impossible !) Il me cherchera chicane, m’épuisera d’exercices militaires que je ne pourrai supporter, car je suis très affaibli. "Ce sont des gens simples", me dira-t-on pour m’encourager. Mais un homme simple est bien plus à craindre qu’un homme compliqué.
D’ailleurs les hommes sont partout les mêmes. Aux travaux forcés, parmi des brigands, j’ai fini par découvrir des hommes, des hommes véritables, des caractères profonds, puissants, beaux. De l’or sous de l’ordure ? Il y en avait qui, par certains aspects de leur nature, forçaient l’estime ; d’autres étaient beaux tout entiers, absolument. J’ai appris à lire à un jeune Tcherky musulman envoyé au bagne pour brigandage ; je lui ai même enseigné le russe. De quelle reconnaissance il m’entourait ! Un autre forçat pleurait en me quittant ; je lui ai donné de l’argent — très peu — : il m’en a une gratitude sans bornes. Et pourtant mon caractère s’était aigri ; j’étais avec eux capricieux, inconstant ; mais ils avaient égard à l’état de mon esprit et supportaient tout de moi, sans murmurer. Et que de types merveilleux j’ai pu observer au bagne ! J’ai vécu de leur vie et je puis me vanter de les bien connaître.

Que d’histoires d’aventuriers et de brigands j’ai recueillies ! Je pourrais en faire des volumes. Quel peuple extraordinaire ! Je n’ai pas perdu mon temps : si je n’ai pas étudié la Russie, je sais par cœur le peuple russe, bien peu le connaissent comme moi… Je crois que je me vante ? C’est pardonnable, n’est-ce pas ?

Rappelle-toi bien que cette lettre est un secret. Pour Dieu, cache-la ou plutôt brûle-la. — Ne compromettons personne. N’oublie pas de m’envoyer des livres, mon cher ami, surtout les historiens, les économistes, les Annales de la Patrie, les Pères de l’Église et l’Histoire de l’Église. Envoie à différentes reprises, mais envoie. Je dispose de ta bourse comme de la mienne : c’est que je ne connais pas l’état de tes affaires. Écris-moi donc à ce sujet quelque chose de précis, que je puisse m’en faire une idée. Mais, sache, frère, que les livres sont ma vie, ma nourriture, mon avenir ! Ne me délaisse pas, au nom de Dieu ! Demande l’autorisation de m’envoyer les livres officiellement, mais agis avec prudence.
Envoie-moi le Coran, Kant (Critique de la raison pure), Hegel, — surtout son Histoire de la Philosophie. — Mon avenir dépend de tous ces livres. Mais surtout remue-toi pour m’obtenir d’être transféré au Caucase. Demande à des gens bien informés où je pourrais publier mes livres et quelles démarches il faudrait faire. D’ailleurs, je ne compte rien publier avant deux ou trois ans. Mais d’ici là, aide-moi à vivre, je t’en conjure ! Si je n’ai pas un peu d’argent, je serai tué par le service ! Je compte sur toi !
Maintenant, je vais écrire des romans et des drames. Mais j’ai encore à lire beaucoup, beaucoup : ne m’oublie donc pas ! »

Fiodor Mikhaïlovitch Dostoïevski, Lettre à son frère Mikhaïl, le 22 février 1854

Lettre Complète, ici...

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18/05/2013

La société noble n'a jamais admis la censure des passions pour condition de la valeur humaine

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« La société noble n'a jamais admis la censure des passions pour condition de la valeur humaine. C'est à peine si elle a pu concevoir ce que nous appelons la loi morale, cet impératif abstrait qui s'impose à nous du dehors. Le joug que la règle morale impose d'ordinaire aux désirs est la même que la société impose aux individus. Or c'est le caractère essentiel de la féodalité que le joug social se fasse faiblement sentir aux nobles. Le bien ne peut résider pour eux dans la privation, dans la contrainte pénible du devoir sur les appétits du moi. Toute vertu doit prendre appui au contraire sur leur personne. Leur seul devoir est d'être dignes d'eux-mêmes, de porter assez haut leurs visées, et de donner aux petits des exemples suffisamment édifiants de leur grandeur. Ils se doivent de dédaigner les ambitions réduites, de mépriser tout ce que le vulgaire peut atteindre comme eux. Ainsi l'orgueil double, juge, accrédite tous leurs appétits. Ce mécanisme moral, simple et puissant, où sans cesse s'exalte le moi, est si loin d'impliquer une condamnation véritable de la nature, il la flatte tellement au contraire, qu'on le voit constamment dénoncé, dès le moyen âge, par les moralistes chrétiens. L'Eglise, puissance disciplinaire universelle, remplit sa fonction en censurant les mouvements de l'orgueil noble ; la société laïque n'en continue pas moins à vivre et à penser selon sa propre impulsion.

Dans ce qui subsistait alors de la société féodale, les valeurs suprêmes étaient l'ambition, l'audace, le succès. Le poids de l'épée, la hardiesse des appétits et du verbe faisaient le mérite ; le mal résidait dans la faiblesse ou la timidité, dans le fait de désirer peu, d'oser petitement, de subir une blessure sans la rendre : on s'excluait par là du rang des maîtres pour rentrer dans le commun troupeau.
L'amour emphatique des grandeurs et le penchant à se célébrer soi-même marquent à peu près indistinctement tous les caractères de Corneille : à tous la "gloire" imprime le même air de famille.

Un mouvement constant porte l'homme noble du désir à l'orgueil, de l'orgueil qui contemple à l'orgueil qui se donne en spectacle, autrement dit la gloire. La gloire n'est que l'auréole du succès, l'éclaboussement qui accompagne la force, le cortège de respects que fait lever tout triomphe. Le succès se sent, se proclame surhumain ; il se chante et le chant impressionne la foule autant que le succès lui-même. L'assurance, l'affirmation de soi, le ton de la grandeur ne sont pas de simples ornements du pouvoir : ce sont, aux yeux du public, les marques d'un caractère fait pour l'exercer.

Au théâtre comme dans la société le grand ressort est l'admiration, mais cette admiration n'est pas inconditionnelle. Finalement, le public, ici et là, est juge de la valeur des héros parce qu'il est le premier intéressé à ce que les grands soient dignes de leur rang, à ce qu'ils sachent entraîner, protéger, éblouir. Le théâtre héroïque, et la société dont il est l'expression, supposent une certaine royauté de l'opinion : l'idée même de gloire en est inséparable. Les concours de valeurs entre les grands devant le tribunal du public sont l'institution morale la plus conforme à l'esprit de cette société, la plus utile à son fonctionnement et à sa conservation : c'est là que chacun se forme à ce qu'il doit être, selon son rang.
Ainsi ne nous étonnons pas de la place que tiennent rivalités et défis dans le système dramatique de Corneille. »

Paul Bénichou, Morales du Grand siècle

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L'Etat

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« Il y a une école de penseurs qui enseigne que la coopération sociale entre les hommes peut être réalisée sans contrainte ni coercition. L'anarchisme croit à la possibilité d'établir un ordre social dans lequel tous les hommes reconnaîtraient les avantages découlant de la coopération et où tous seraient prêts à faire volontairement tout ce qu'exige le maintien de la société et à s'abstenir volontairement de ce qui est nuisible à la société. Mais les anarchistes oublient deux faits : Il y a des individus dont les capacités mentales sont si limitées qu'ils ne peuvent comprendre tous les avantages que la société leur apporte. Et il y a des individus dont la chair est si faible qu'ils ne peuvent résister à la tentation d'obtenir un avantage personnel par une action nuisible à la société. Une Société anarchiste serait à la merci de chaque individu. Nous pouvons admettre que tout adulte sain jouit de la faculté de réaliser l'utilité d'une coopération sociale et d'agir en conséquence. Cependant il est hors de doute qu'il y a des mineurs, des vieillards et des fous. Nous pouvons admettre que quiconque agit contre la société devrait être considéré comme malade mentalement et devant être soigné. Mais tant que tous ne sont pas guéris et tant qu'il y a des mineurs et des vieillards, des dispositions doivent être prises pour qu'ils ne détruisent pas la société.

Le libéralisme diffère radicalement de l'anarchie. Il n'a rien de commun avec les illusions absurdes des anarchistes. Nous devons donc souligner ce point parce que les étatistes essaient quelquefois de découvrir une similitude. Le libéralisme n'est pas assez fou pour vouloir la suppression de l'État. Les libéraux reconnaissent pleinement qu'aucune coopération sociale ni aucune civilisation ne peuvent exister sans un certain degré de contrainte et de coercition. C'est la tâche du gouvernement de protéger le système social contre les attaques de ceux dont les plans d'action sont nuisibles à sa conservation et à son fonctionnement.

La leçon essentielle du libéralisme est que la coopération sociale et la division du travail ne peuvent être réalisées que dans un système de propriété privée des moyens de production, c'est-à-dire dans une société de marché ou capitalisme. Tous les autres principes du libéralisme — démocratie, liberté individuelle, liberté de parole et de la presse, tolérance religieuse, paix entre les nations — sont des conséquences de ce postulat fondamental. Ils ne peuvent être appliqués que dans une société fondée sur la propriété privée.

Partant de ce point de vue, le libéralisme assigne à l'État la tâche de protéger la vie, la santé, la liberté ou la propriété de ses sujets contre toute agression violente ou perfide. »

Ludwig von Mises, Le gouvernement omnipotent : état totalitaire et guerre totale - 1944

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Les étoiles qui les guidaient étaient Schiller et Goethe, Herder et Kant, Mozart et Beethoven

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« Il y a cent ans, les Allemands étaient tout différents de ce qu'ils sont aujourd'hui. A cette époque il n'était pas de leur ambition de surpasser les Huns et de dépasser Attila. Les étoiles qui les guidaient étaient Schiller et Goethe, Herder et Kant, Mozart et Beethoven. Leur leitmotiv était liberté, non conquête et oppression. Les étapes du processus qui a transformé la nation jadis dépeinte par les observateurs étrangers comme celles des poètes et des penseurs en celle des bandes sauvages des troupes d'assaut hitlériennes doivent être connues par quiconque veut se faire une opinion sur les affaires et problèmes politiques du monde actuel. Comprendre les ressorts et les tendances de l'agressivité nazie est de la plus haute importance pour la conduite politique et militaire de la guerre et pour façonner un ordre durable dans l'après-guerre. Beaucoup de fautes auraient pu être évitées et beaucoup de sacrifices épargnés grâce à une connaissance meilleure et plus approfondie de l'essence et des forces du nationalisme allemand.

Le but du présent livre est de décrire les grands traits des changements et événements qui ont entraîné la situation actuelle de l'Allemagne et de l'Europe. Il cherche à corriger beaucoup d'erreurs populaires nées de légendes défigurant gravement les faits historiques et de doctrines dénaturant l'évolution et les politiques économiques. Il traite aussi bien d'histoire que de questions fondamentales de sociologie et d'économie. Il essaie de ne négliger aucun point de vue dont l'éclaircissement est nécessaire pour une complète description du problème nazi mondial. »

Ludwig von Mises, Le gouvernement omnipotent : état totalitaire et guerre totale - 1944

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16/05/2013

Chute

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« L'art suprême consistait en ceci: se laisser aller, consentir à sa propre chute. »

Hermann Hesse, Klein et Wagner

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La rencontre de deux aérolithes

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« Là-bas, l'amour est la rencontre de deux aérolithes au milieu de l'espace et non pas cette obstination de pierres se frottant pour s'arracher un baiser qui crépite. »

Octavio Paz, Papillon d'obsidienne

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15/05/2013

Dans la nuit

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« Dans la nuit
Dans la nuit
Je me suis uni à la nuit
A la nuit sans limites
A la nuit

Mienne, belle, mienne

Nuit
Nuit de naissance
Qui m'emplit de mon cri
De mes épis.
Toi qui m'envahis
Qui fais houle houle
Qui fais houle tout autour
Et fume, es fort dense
Et mugis
Es la nuit.
Nuit qui gît, nuit implacable.
Et sa fanfare, et sa plage
Sa plage en haut, sa plage partout,
Sa plage boit, son poids est roi, et tout ploie
sous lui
Sous lui, sous plus ténu qu'un fil
Sous la nuit
La Nuit. »

Henri Michaux, Dans la nuit in Plume

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Peu de sourires...

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« Dans cet univers, il y a peu de sourires.
Celui qui s'y meut fait une infinité de
rencontres qui le blessent ;
Cependant on n'y meurt pas.
Si l'on meurt, tout recommence. »

Henri Michaux, La nuit des embarras in Lointain Intérieur

 

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14/05/2013

Ces garçons des faubourgs et du Quartier Latin, défendant leurs fleurs de lys à deux contre quinze rouges

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« Il faut avoir connu de près ces garçons des faubourgs et du Quartier Latin, défendant leurs fleurs de lys à deux contre quinze rouges, risquant joyeusement la prison, l’hôpital, le cimetière, leur enthousiasme à la veille du 6 février, ces gamins qui, dans la nuit de la Concorde, sous les sifflements des balles, à trente pas des mousquetons, lançaient posément des cailloux sur les casques des gardes mobiles. »

Lucien Rebatet, Les Décombres

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Vies de merde (Trashcan Lives)

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« le vent souffle fort ce soir
un vent glacial
et je pense aux
copains à la rue.
j’espère que quelques-uns ont une bouteille
de rouge.

c’est quand on est à la rue
qu’on remarque que
tout
est propriété de quelqu’un
et qu’il y a des serrures sur
tout.
c’est comme ça qu’une démocratie
fonctionne :
on prend ce qu’on peut,
on essaie de le garder
et d’ajouter d’autres biens
si possible.

c’est comme ça qu’une dictature
aussi fonctionne
seulement elle a soit asservi soit
détruit ses
rebuts.

nous on se contente d’oublier
les nôtres.
dans les deux cas
le vent
est fort
et glacial. »

Charles Bukowski, You Get So Alone At Times That It Just Makes Sense

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Tu es contagieux à toi-même

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« Tu es contagieux à toi-même, souviens-t'en.
Ne laisse pas toi te gagner. »

« Retour à l’effacement
à l’indétermination
Plus d’objectif
plus de désignation
sans agir
sans choisir
revenir aux secondes... »

Henri Michaux, Poteaux d'angle

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13/05/2013

Cette ville où l'on a le plexus foutu...

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« Vous attendez de moi, qui ne sait rien, des nouvelles de Paris. Ils glissent tous à droite, non plus exactement et c’est pire, vers l’autorité. Même les Marx Brothers en leur dernier film sont devenus, me dit-on, tristes comme la pluie. Il semble que vous ayez eu rudement du flair en quittant cette ville où l’on a le plexus solaire foutu. »

Henri Michaux, Lettre à Claude Cahun - 1938

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Couronnes comme guirlandes ne sont qu'un poids imposé

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« Couronnes comme guirlandes
Ne sont qu'un poids imposé
Au front dans sa pureté.

Guirlande de roses,
Couronne de lauriers,
Dénaturent le front.

Puisse le vent plutôt
Jouer dans nos cheveux,
Rafraîchir notre front !

Puisse la tête nue
Glisser son front, sereine,
Là où vient le sommeil.

Chloé ! Je ne connais
Meilleure joie que ton
Doux front sans ornement. »

Fernando Pessoa, Odes inachevées et variantes

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12/05/2013

Les femmes viennent du plus lointain de la vie des hommes

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« Les femmes viennent du plus lointain de la vie des hommes, elles sortent de l’enfance des hommes, on dit qu’elles gouvernent cette enfance mais ce n’est pas vrai, il suffit de regarder dans les jardins publics, les mères avec leurs enfants : elles ne gouvernent pas. Elles veillent. Elles veillent sur l’incendie naissant d’enfance, elles aident le feu de vie à prendre. Plus tard, beaucoup plus tard, elles regardent ceux qu’elles ont fait rois et qui ne savent plus leur parler. Les hommes, ce sont les devinettes qui les rassurent – devinettes du pouvoir, de la force. Devant les femmes ils disent : je ne devine rien, c’est un mystère. Ce qu’ils appellent mystère, c’est la simplicité des femmes et c’est leur solitude, cette force de solitude en elles, en chacune d’elles, cette manière qu’elles ont de tenir leurs enfants, leurs maris, leurs amants, le bleu du ciel et l’ordinaire des jours à bout de bras. Les femmes sont seules au début, au milieu et à la fin de leur vie. Elles reçoivent de cette solitude le sacre d’intelligence. »

Christian Bobin, Donne-moi quelque chose qui ne meurt pas

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Une Race affligeante...

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« Depuis leur expulsion du Paradis, les créatures faites à l'image de Dieu sont une Race affligeante, pour leur Créateur comme pour elles-mêmes, car dans leur oeil, et peut-être seulement là, s'est conservé quelque chose de l'infaillibilité du regard divin. »

Hermann Broch, Théorie de la folie des masses

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