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17/03/2013

Je n'étais qu'un pauvre clown au coeur ébouriffé

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« Je vous ai vus enlacés dans le vent
Mouillés par la langue rugueuse du désir,
Vos seins lactés unis
Sans haleine
Comme des roseaux enivrés par la délicatesse de l'eau,
Comme des jumeaux.
Je vous ai vus couchés dans l'or fielleux des ajoncs
Déchirant vos peaux aux ombres furtives,
Écrémant vos passions
Endormies.
Et moi comme un arbre douloureux de sa nudité
Seul, aplati contre un ciel méchant
Je n'étais qu'un pauvre clown au coeur ébouriffé. »

Joyce Mansour, Déchirures

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16/03/2013

La vie est la vie, c’est-à-dire un combat, pour une nation comme pour un homme

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« J’appelle ici "de droite", par pure "convention", l’attitude consistant à considérer la "diversité" du monde et, par suite, les inégalités "relatives" qui en sont nécessairement le produit, comme un bien, et l’homogénéisation progressive du monde, prônée et réalisée par le discours bimillénaire de l’idéologie égalitaire, comme un mal. J’appelle de droite, les doctrines qui considèrent que les inégalités relatives de l’existence induisent des rapports de force dont le devenir historique est le produit – et qui estiment que "l’histoire doit continuer" – bref, que "la vie est la vie, c’est-à-dire un combat, pour une nation comme pour un homme" (Charles de Gaulle). C’est-à-dire qu’à mes yeux, l’ennemi n’est pas "la gauche" ou "le communisme" ou bien encore "la subversion", mais bel et bien cette idéologie égalitaire dont les formulations, religieuses ou laïques, métaphysiques ou prétendument "scientifiques", n’ont cessé de fleurir depuis deux mille ans, dont "les idées de 1789" n’ont été qu’une étape, dont la subversion actuelle et le communisme sont le véritable aboutissement. On peut, bien entendu, discuter sur le détail. Je pense néanmoins qu’il n’y a pas de critère plus fondamental. Soit l’on se situe dans une perspective anti égalitaire, qui implique de juger des hommes, non sur le simple fait de leur "présence" au monde (politique ontologique), mais sur leur "valeur", appréciée en fonction des critères propres à leur activité personnelle et des caractères spécifiques des communautés dans lesquelles ils s’inscrivent. Soit l’on se situe dans une perspective égalitaire, qui voit dans toute inégalité une manière d’ "injustice", qui prétend que la morale est l’essence de la politique, et qui implique le cosmopolitisme politique et l’universalisme philosophique.

Cela ne signifie pas, bien entendu, que toute inégalité soit, à mes yeux, nécessairement juste. Il y a, au contraire, de nombreuses inégalités parfaitement injustes ; ce sont souvent celles – généralement économiques – que notre société égalitaire laisse subsister. Je ne suis pas de ceux qui confortent le désordre établi. Je n’approuve aucun privilège de caste. Je fais de l’égalité des chances un réquisit de toute politique sociale. Aussi bien, professer une conception anti égalitaire de la vie, ce n’est pas vouloir accentuer les inégalités souvent détestables que nous voyons s’instituer autour de nous. Mais c’est estimer que la diversité est "le fait-du-monde" par excellence ; que cette diversité induit inéluctablement des inégalités de fait "relatives" ; que la société doit prendre en compte ces inégalités et admettre que la valeur des personnes diffère selon les multiples critères auxquels nous nous référons dans la vie quotidienne. C’est estimer que dans les rapports sociaux, cette valeur est essentiellement mesurée par les responsabilités que chacun assume, rapportées à ses aptitudes concrètes ; que la liberté réside dans la possibilité effective d’exercer ces responsabilités ; qu’à ces responsabilités correspondent des droits proportionnées, et qu’il en résulte une hiérarchie, basée sur le "principe unicuique suum" [à chacun son dû]. »

Alain de Benoist, Droite, l’ancienne et la nouvelle

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La paresse intellectuelle de la vieille droite

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«  Il va sans dire que la vieille droite qui, dans son ensemble n’a lu ni Marx ni Lénine, n’est pas près de lire Gramsci. On se demande d’ailleurs ce qu’elle peut lire en dehors de journaux satyriques et des magazines littéraires quand on s’aperçoit qu’au cours de ces dernières années, aucuns des ouvrages fondamentaux dont elle aurait pu tirer argument, dans un sens ou dans l’autre, ne semble avoir retenu son attention.

La paresse intellectuelle de la vieille droite ne s’explique pas seulement par sa méfiance instinctive vis-à-vis des idées pures. Pendant longtemps, les Saintes Ecritures lui ont servi de doctrine. Tout étant censé avoir été dit, il apparaissait inutile de vouloir constituer une autre Summa autre que celle de Thomas d’Aquin. Cette conviction prévaut encore aujourd’hui dans un certain nombre de cénacles. Mais pour combien de temps ? Après avoir été, nolens volens, la religion de l’Occident, après avoir été portée par un esprit, une culture, un dynamisme européens, qui l’avaient précédé de quelques millénaires, le christianisme, opérant un retour aux sources, redécouvre aujourd’hui ses origines. Pour assumer sa vocation universaliste et devenir la religion du monde entier, il entend se "désoccidentaliser".

Dans l’immédiat, il développe une stratégie qui revient à se demander si elle ne revient pas à lâcher la proie pour l’ombre. Le christianisme sociologique est entrain de disparaître, laissant la place au militantisme évangélico-politique. L’impulsion vient de la tête. La hiérarchie accélère le mouvement. Les traditionalistes, attachés dans leur Eglise à tout ce dont celle-ci ne veut plus entendre parler, auront du mal à faire croire que le meilleur moyen d’endiguer la "subversion" est de batailler dans une croyance qui les a déjà abandonnés pour passer à l’ennemi. »

Alain de Benoist, Droite, l’ancienne et la nouvelle

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15/03/2013

Toujours il est en lui beaucoup de la bête...

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« Toujours il est en lui beaucoup de la bête, sommeillante sur les tapis confortables et bien tissés d'une civilisation lisse, dégrossie, dont les rouages s'engrènent sans heurts, drapée dans l'habitude et les formes plaisantes; mais la sinusoïde de la vie fait-elle brusquement retour à la ligne rouge du primitif, alors les masques tombent : nu comme il l'a toujours été, le voilà qui surgit, l'homme premier, l'homme des cavernes, totalement effréné dans le déchaînement des instincts.  »

« L’essentiel n’est pas ce pour quoi nous nous battons, c’est la façon dont nous nous battons. »

Ernst Jünger, La guerre comme expérience intérieure

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14/03/2013

Aucun encouragement

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« La génération de Péguy et de Psichari, mais aussi, et je cite pêle-mêle, celle d’André Gide, de Francis Jammes, d’André Suarès, de Bourget, de Barrès, de Huysmans, de Brunetière, de Melchior de Vogüe, de Jaurès, de Lucien Herr, de combien encore qui, sous une forme ou sous une autre, furent touchés, ensemble, comme par un ordre de convocation individuelle. Un seul trait de commun entre eux : c’est qu’aucun d’eux ne devait rien à l’église de leur nativité et que ceux d’entre eux qui tardivement s’en rapprochèrent, ne trouvèrent, chez elle, intérieur ou extérieur, aucun encouragement. »

Paul Claudel, « Préface », Correspondance entre Louis Gillet et Romain Rolland (Cahier Romain Rolland, 2), Paris, 1949

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Longtemps la France a été orthodoxe

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« Longtemps la France a été orthodoxe ; sainte Geneviève et saint Denis de Paris, saint Irénée de Lyon, saint Martin de Tours, saint Cassien de Marseille sont des saints orthodoxes ; de nos jours, des savants orthodoxes se sont attachés à redonner vie à l’ancien rite gallican qui est, selon eux, plus conforme au génie français que la messe latine et la liturgie byzantine. Canoniquement, la France cesse d’être orthodoxe avec le grand schisme de 1054 où, comme toute l’Europe occidentale, elle bascule du côté de Rome ; mais, nonobstant les canons, l’Église de France demeure orthodoxe de cœur et d’esprit jusqu’à la fin de l’ancien régime.

Ce n’est qu’au XIXe siècle, avec la promulgation par Rome des dogmes de l’immaculée conception et de l’infaillibilité pontificale, que la rupture entre l’orthodoxie et la chrétienté occidentale est véritablement consommée. De même que Bernanos a montré que le nationalisme de Maurras a sa source dans la révolution jacobine de 1793, de même il me serait aisé de montrer que c’est l’anticléricalisme "républicain" qui a jeté les catholiques français dans les bras des prélats romains : l’ultramontanisme exacerbé d’un Joseph de Maistre est né de l’abaissement de l’Église de France ; au grand siècle, jamais les meilleurs des catholiques français n’auraient accepté ce dogme de l’infaillibilité pontificale, si contraire à la tradition gallicane, à la discipline de l’Eglise indivise des dix premiers siècles, à l’enseignement des Pères.

L’orthodoxie n’est donc pas en France une étrangère : elle y est chez elle ; elle y a ses racines profondes. Et cela est naturel, puisque l’orthodoxie n’est rien que le christianisme, dans sa plénitude lumineuse. Identifier, comme on le fait parfois, l’orthodoxie et le christianisme oriental est une absurdité. De même qu’en Christ il n’y a "ni Juif ni Grec" (saint Paul), de même dans l’Église, qui est le corps du Christ, il n’y a ni Orient ni Occident : n’en déplaise à ceux qui s’extasient à la vue d’évêques chinois ou africains, le concept d’"Eglise universelle" n’est pas géographique ; il n’est pas non plus quantitatif : si la chrétienté entière tombait dans l’hérésie, fors un seul croyant demeuré dans la vraie foi, ce serait en cet unique juste que, fût-il le plus humble des laïcs, se resserrerait l’Eglise universelle. »

Gabriel Matzneff, Le sabre de Didi

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13/03/2013

Une nuit, j’allais m’étendre dans un champ de tournesols

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« Une nuit, j’allais m’étendre dans un champ de tournesols. C’était réellement une forêt de tournesols, une vraie forêt. Courbés sur leur haute tige velue, leur grand œil noir tout rond, aux longs cils jaunes, voilé par le sommeil, les tournesols dormaient, tête basse. C’était une nuit sereine, le ciel plein d’étoiles brillait de reflets verts et bleus comme le creux d’une immense coquille marine. Je dormis d’un sommeil profond et, à l’aube, je fus réveillé par un crépitement étouffé et sourd. On eut dit le bruissement de gens marchant pieds nus dans l’herbe. Je tendis l’oreille en retenant mon souffle. Du bivouac voisin, venaient de faibles éternuements de moteurs, et des voix rauques qui s’appellaient dans le bois prés du ruisseau. Un chien aboyait au loin. Au bout de l’horizon, le soleil faisait craquer la noire coquille de la nuit, s’élevait, rouge et chaud, sur la plaine brillante de rosée. Ce froissement devenait immense, grandissait de minute en minute ; c’était un crépitement de buissons en flammes, c’était le craquement en sourdine d’une interminable armée marchant précautionneusement sur des chaumes. Etendu à terre je retenais mon souffle et regardais les tournesols soulever lentement leurs paupières jaunes, ouvrir petit à petit leurs yeux. Tout à coup, je m'aperçus que les tournesols levaient la tête et, virant lentement sur leur haute tige, tournaient leur grand oeil noir vers le soleil naissant. C'était un mouvement lent, égal, immense. Toute la forêt de tournesols se tournait afin de regarder la jeune gloire du soleil. Et moi aussi je levais la tête vers l'Orient, en regardant le soleil monter peu à peu parmi les rouges vapeurs de l'aube, sur les nuages de fumée bleue des incendies, dans la plaine lointaine. »

Curzio Malaparte, Kaputt

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On eut dit les chevaux de bois d’un carrousel

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« Le lac était comme une immense plaque de marbre blanc sur laquelle étaient posées des centaines et des centaines de têtes de chevaux. Les têtes semblaient coupées net au couperet. Seules, elles émergeaient de la croûte de glace. Toutes les têtes étaient tournées vers le rivage. Dans les yeux dilatés, on voyait encore briller la terreur comme une flamme blanche. Prés du rivage, un enchevêtrement de chevaux férocement cabrés émergeait de la prison de glace… Les soldats du colonel Merikallio descendaient au lac et s’asseyaient sur la tête des chevaux. On eut dit les chevaux de bois d’un carrousel. »

Curzio Malaparte, Kaputt

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12/03/2013

Un peuple entier esquisse une vague aspiration, dirigée vers son vide spirituel

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« Un peuple entier devant des catégories vides-et qui, des mains, esquisse une vague aspiration, dirigée vers son vide spirituel. Il lui reste l'intelligence, non greffée sur le coeur. Donc stérile. Quant à l'ironie, dépourvue du soutien de l'orgueil, elle n'a plus de sens qu'en tant qu'auto-ironie. Dans sa forme extrême, ce processus est caractéristique des intellectuels. Rien, cependant, n'est plus faux que de croire qu'eux seuls ont été atteints. Tout le peuple l'est, à des degrés variés. La crise est structurelle et mortelle. »

Emil Michel Cioran, De la France (1941)

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11/03/2013

Réaffirmons donc le droit des peuples à être eux-mêmes

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« Les mêmes qui nous expliquent, non sans raison, qu’en brisant les habitudes mentales, les structures sociales et traditionnelles des pays du Tiers-monde, la colonisation les a souvent stérilisés, se font, en Europe, les adeptes de la pire néophilie, sacrifient tous les jours au mythe du "Progrès" et invitent nos contemporains à rompre avec les "vieilleries" du passé. D’un côté on nous dit que les Indiens et les Esquimaux ne peuvent pas résister à l’agression que représente le contact avec la civilisation Occidentale. De l’autre on affirme que le mélange des peuples et des cultures est, pour les Européens, chose excellente et facteur de progrès. Il faudrait donc savoir s’il y a deux poids et deux mesures – ou si, pour citer Orwell, tous les peuples sont égaux… sauf ceux qui sont plus égaux que les autres ! Pour ma part, je ne vois pas pourquoi ce qui est excellent pour les Bororos ou les Guayaquis, ne se révèlerait pas au moins aussi bon pour nous. Ou bien alors, il faudrait admettre que certaines races sont plus douées que d’autres du point de vue des capacités d’adaptation. Mais ce serait alors de la "discrimination". "Si l’on dénonce à bon droit les ethnocides des primitifs par les Européens, écrit Raymond Ruyer, il ne faut pas interdire aux Européens de préserver leurs propres ethnies". De leur côté, les dirigeants des communautés Juives ne cessent de répéter que deux périls les ont toujours guettés au cours de l’histoire : les pogroms et l’assimilation. Leur mise en garde vaut la peine d’être écoutée. Réaffirmons donc le droit des peuples à être eux-mêmes, le droit qu’ont tous les peuples à tenter d’atteindre leur plénitude, contre tout universalisme et contre tous les racismes. »

Alain de Benoist, Les idées à l’endroit

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10/03/2013

La bourgeoisie pour tout le monde...

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« En fait, Marx n’explicite pas vraiment ce qu’il appelle "la classe bourgeoise", sinon pour dire qu’elle est la classe détentrice du capital. Sur ses origines historiques et sociologique, il est pratiquement muet. C’est qu’il ne voit pas que le bourgeois est d’abord l’homme économique. Or dans la mesure ou il accorde lui-même à l’économie une importance déterminante, il ne peut critiquer la bourgeoisie que sous un horizon qui ne cesse jamais d’être le sien. Son économisme, en d’autres termes, l’empêche de faire une critique radicale des valeurs bourgeoises. On voit bien, d’ailleurs, que celles-ci le fascinent. La bourgeoisie après tout n’a-t-elle pas été la première à vouloir changer le monde, au lieu de se borner à le comprendre ? Tout en appellant à mettre fin à l’exploitation dont la bourgeoisie est responsable, il reste donc très en retrait par rapport aux valeurs bourgeoises : la société sans classes, à bien des égards, c’est la bourgeoisie pour tout le monde. »

Alain de Benoist, Critiques théoriques

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La France... son avenir est à la platitude...

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« La France ne m’est rien, ce peuple de vieillards sceptiques et narquois me laisse indifférent, leur avenir est à la platitude, ils ne m’estimeront jamais, car ils devraient se mépriser eux-mêmes. »

« Mon coeur n’est pas à gauche, l’entrée du peuple dans l’Histoire est le malheur des temps modernes, ceux qui rêvaient d’aristocratiser la foule ont déchaîné la barbarie, laquelle les engloutira. »

Albert Caraco, Ma confession

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09/03/2013

Entre Calais et Nice, j’étouffe : je voudrais m’allonger jusqu’à l’Oural...

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« Je dis que les patries ne vivent plus pour nous, Européens, que comme des idées pures que nous ne pouvons plus prier que dans le ciel et non plus sur la terre. (…) Et dans cet esprit, notre tâche immédiate est de faire l’Europe. Il faut faire l’Europe parce qu’il faut respirer quand on ne veut pas mourir. (…) Entre Calais et Nice, j’étouffe : je voudrais m’allonger jusqu’à l’Oural. Mon cœur nourri de Goethe et de Dostoïevski filoute les douanes, trahit les drapeaux, se trompe de timbre-poste dans ses lettres d’amour. Je veux être grand et achever le monument européen pour la plus grande gloire du monde. Nous sommes 360 millions. »

Pierre Drieu la Rochelle, Genève ou Moscou

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08/03/2013

C’est toute la douleur du monde qui est venue s’asseoir à ma table

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« C’est toute la douleur du monde
qui est venue s’asseoir à ma table
-et pouvais-je lui dire : Non ?

Je m’étais fait si petit,
une petite chenille, et j’ai éteint la lampe
-mais pouvais-je savoir qu’elle mûrissait dedans
et pouvais-je m’empêcher qu’elle sortît un jour,
une chanson entre ses ailes ?

J’ai dit à la douleur du monde
qui s’est couchée sous mon ventre :
N’ai-je pas assez de la mienne ?

Vois : j’ai ma propre soif !
On ne peut pas toujours demeurer une chenille
la terre m’est rugueuse au ventre
elle me fait mal votre terre
je suis né pour voler...

D’un bond je lui tournai le dos-
mais elle était déjà dans mon songe.
-Est-ce mon sang qu’elle voulait ?

J’ai dit la douleur du monde
-C’est une ruse, une sale ruse.
Voilà que tu chantes en t’en allant...

-Mais à ma place, dites, l’auriez-vous oubliée ? »

Benjamin Fondane, Au temps du poème


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La République Hypocrite

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L'institution de la police nationale

Le salaire minimum

L'institution du carnet de santé

Le certificat prénuptial...

La réorganisation statutaire du cinéma

La réorganisation statutaire des professions de médecin avec la création d'un Ordre de ceux-ci

La réorganisation statutaire d'architecte

La création de l'hôpital public

La création de la carte hebdomadaire ouvrant droit à une réduction dans les transports

La mise en place d'une loi « sur la protection des naissances » que l'on traduira par « accouchement sous X »...

Les cantines d'entreprises

Le sport au Baccalauréat...

La création des comités d'établissements devenus plus tard comités d'entreprises...

La médecine du travail

Tout cela on le doit à qui mes kikis ?
On le doit à Vichy !

*´¨) ¸.•´¸.•*´¨) ¸.•*¨) (¸.•´ (¸.•` ¤ Maréchââââl... nous voilââââââ ! *´¨) ¸.•´¸.•*´¨) ¸.•*¨) (¸.•´ (¸.•` ¤

Elle n'est pas un peu hypocrite, la République, quand elle parle de parenthèse ? 

 

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Buvons au Passé...

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« C’est cette nécessité de protéger la civilité et le langage traditionnels contre les effets de la domination de classe, qui est, vraisemblablement, à l’origine du besoin si souvent ressenti par Orwell de réhabiliter une certaine quantité de conservatisme. Aucune société décente, en effet, ne peut advenir ni même être imaginée, si nous persistons, dans la tradition apocalyptique ouverte par Saint Jean et Saint Augustin, à célébrer l’avènement de l’homme nouveau et à prêcher la nécessité permanente de faire du passé table rase. En réalité, on ne peut espérer changer la vie si nous n’acceptons pas de prendre les appuis appropriés sur un vaste héritage anthropologique, moral et linguistique, dont l’oubli et le refus ont toujours conduit les intellectuels révolutionnaires à édifier les systèmes politiques les plus pervers et les plus étouffants qui soient. C’est une autre manière de dire qu’aucune société digne des possibilités modernes de l’espèce humaine n’a la moindre chance de voir le jour si le mouvement radical demeure incapable d’assumer clairement un certain nombre d’exigences conservatrices. Telle est, de ce point de vue, la dernière et la plus fondamentale leçon de 1984 : le sens du passé, qui inclut forcément une certaine aptitude à la nostalgie, est une condition absolument décisive de toute entreprise révolutionnaire qui se propose d’être autre chose qu’une variante supplémentaire des erreurs et des crimes déjà commis.

"- A quoi devons nous boire cette fois [demanda O’Brien] ? A la confusion de la police de la pensée ? A la mort de Big Brother ? A l’humanité ? A l’avenir ?
- Au passé, répondit Winston.
- Le passé est plus important, consentit O’Brien gravement." »

Jean-Claude Michéa, Orwell anarchiste tory

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Cette foi avait été la sienne

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« Dans les églises, jamais il ne lisait, sauf parfois, et alors tout à fait au hasard, des livres religieux qu'il avait trouvés là, missels ou recueils de chants liturgiques. Il aurait jugé déplacé, irrespectueux, vulgaire, de lire en de pareils endroits les livres dont il était toujours muni. Ce n'était pas la foi qui l'attirait sous ses voûtes, mais il respectait celle des autres, celles des vivants et plus encore celle des morts. Il allait même jusqu'à respecter Dieu, ce Dieu auquel il ne croyait pas croire. Rien ne lui eût semblé plus méprisable et surtout plus bête que le sacrilège, ou seulement que l'irrévérence. Les croyants lui donnaient l'hospitalité, il lui eût semblé indigne de se servir d'elle contre eux, ou de manquer de considération à leur égard. C'étaient eux qui avaient bâti ces églises. Ces agencements de piliers, d'ombres, d'emblèmes et de voûtes étaient ceux qu'impliquaient leurs croyances. Tout y témoignait de leurs convictions, qu'il ne souhaitait heurter en rien, même s'il ne les partageait pas. D'ailleurs il ne se sentait pas étranger, à leur égard, ni dans ces lieux. Cette foi avait été la sienne, il avait été élevé en elle, il en connaissait les rites et les expressions, ils étaient ceux de ses aïeux. »

Renaud Camus, Loin

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07/03/2013

La littérature engagée

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« La lit­téra­ture engagée, avec son air mar­tial et ses bonnes réso­lu­tions, est sym­pa­thique dans la mesure où les fay­ots sont sym­pa­thiques dans un rég­i­ment de cav­a­lerie. »

Roger Nimier, Les écrivains sont-ils bêtes ?

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06/03/2013

La source enfouie de son chant profond

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« "Humain" est aujourd’hui le mot à la mode. Ils n’ont que ce mot-là à la bouche, du moins ceux qui font du bruit. Et, frelatés et racornis comme ils le sont, c’est l’humain justement qui ne peut plus les toucher. Voyez-les au cinéma : lorsqu’il y a (dans un film russe ou allemand) quelque chose qui va loin, ils rient. Aussi, ce qu’ils appellent l’humain, parlons-en ! Et de même d’autres mots, qui signifient ce qu’il y a de plus beau sur la terre - "pureté", "gratuité", - qu’ils ont vidés de leur sens et font servir à on ne sait quel usage... Ils parlent du peuple (qu’ils appellent "prolétariat", parce que "peuple" est trop simple), et le peuple à l’état nature les dégoûte, ils ne l’aiment que rendu artificiel, comme ils n’aiment les visages des femmes que falsifiés. Ils parlent de liberté, et tous sont à la chaîne, d’ailleurs ne bougeant plus, même quand leur chaîne est défaite. Ils parlent d’affranchissement des mœurs, et ils sont comme le stupide cheval, qu’une feuille de papier à cigarette au milieu de la route fait broncher. Ils vous pourfendent de leur catholicisme, et il n’est pas une heure dans leur vie entière où ils aient agi en chrétiens. Ils rabâchent de la révolution, et s’ils la font ils la rapetisseront elle aussi, parce qu’ils y resteront eux-mêmes. Il n’y a que la guerre qu’ils n’aient pas pu amoindrir. Elle, elle les prit, les souleva, et les laissa retomber. A l’armistice ils ne déclinèrent pas : ils redevinrent ce qu’ils étaient vraiment. "La guerre tue moins d’âmes que la paix", a écrit Veuillot. Certes, et surtout en France. L’Allemagne a besoin de la guerre pour y donner cours à ses instincts. La France a besoin de la guerre pour s’y sauver de ses instincts. Elle est comme ces fleurs qui embaument quand un lien les pressure en bouquet, et qui perdent leur parfum quand le lien se relâche : il faut qu’on la brutalise pour qu’elle donne son odeur. Et cependant la paix doit être maintenue ; il faut se débrouiller avec la paix. Mais quoi donc, alors, ou qui donc, en temps de paix, secouera assez cette nation pour qu’elle se déchire et s’entrouvre, et qu’il en jaillisse la source enfouie de son chant profond ? »

Henry de Montherlant, Service inutile

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05/03/2013

Sonnet sur le cul d'une demoiselle

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« Beau cul de marbre vif, dont l'amour fait sa gloire,
Cul dont les doux regards sont d'attraits embellis,
Cul qui par sur tout autre oblige mes écrits,
De sacrer vos honneurs au temple de Mémoire ;

Cul qui sur tous les culs remportes la victoire,
Cul qui passe en blancheur et la rose et les lys,
Cul de qui le mérite oblige mes écrits
De sacrer vos honneurs au temple de Mémoire,

Beau cul, bien que tant d'heur se marque assez en vous,
Ce n'est pas le sujet qui fait qu'aux yeux de tous,
J'étale en ces écrits, vos beautés que j'admire,

Mais surtout, je vous aime ô beau cul tout divin
Peut être le plus proche et l'unique voisin
De ce doux paradis où l'Amour se retire ! »

Robert Angot de L'Éperonnière, Les nouveaux satires et exercices gaillards de Robert Angot, sieur de l'Éperonnière

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Ils cherchent sans cesse ce qui relierait leur vie aux artères de la grande vie dans une transfusion magique de sang vivant

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« Ici ma façon de voir les choses me contraint à sûrement commencer par vous surprendre en affirmant que la lecture, cette habitude immodérée, cette immense maladie de la lecture, si vous voulez, ce phénomène de notre temps qu'on abandonne trop à la statistique et à la théorie des échanges commerciaux et dont on considère trop peu les côtés plus subtils, n'exprime rien d'autre qu'une aspiration insatiable à jouir de la poésie. Cela doit vous surprendre et vous me dites qu'à aucune époque précédente, la poésie n'a joué un rôle aussi modeste que celui qu'elle joue dans la lecture de notre époque, où elle disparaît sous la masse énorme de ce qu'on lit. Vous me dites que mon affirmation convient peut-être aux auditeurs des conteurs arabes ou en tout cas aux contemporains de La Princesse de Clèves ou à la génération de Werther, mais sûrement très peu à notre temps, celui des manuels scientifiques, des encyclopédies et des innombrables revues où il n'y a pas place pour la poésie. Vous me rappelez que ce sont les femmes et les enfants qui lisent aujourd'hui des drames et des poèmes. Mais je vous ai demandé la permission de parler des choses qui n'effleurent pas tout à fait et j'aimerais que nous pensions un instant combien la manière de lire de notre temps est différente de celle des époques antérieures. Plus la manière de lire de notre temps est agitée, sans but vraisemblable, plus elle me paraît remarquable. Nous sommes infiniment loin de l'amoureux paisible des belles lettres, de l'amateur d'une science populaire, du lecteur de Mémoires, d'une époque antérieure plus paisible. Justement par ce qu'elle a de fiévreux, par son absence de choix, son incessant abandon des livres à peine pris en main, par l'activité qu'elle consacre à fouiller, à chercher, la lecture à notre époque me paraît un acte de la vie, une attitude digne d'attention, un geste.

Je vois presque comme le geste de notre temps l'homme tenant un livre entre ses mains, comme l'homme agenouillé, les mains jointes, fut le geste d'un autre temps. Naturellement, je ne pense pas à ceux qui veulent apprendre une chose déterminée dans des livres déterminés. Je parle de ceux qui, selon le différent degré de leurs connaissances, lisent des livres tout à fait différents, sans plan déterminé, changeant incessamment, goûtant rarement un long repos dans un livre, poussés par un désir incessant, jamais bien assouvi. Mais le désir de ceux-là, semblerait-il, ne se porte nullement vers le poète. C'est l'homme de science qui est capable d'assouvir ce désir ou, pour quatre-vingt-dix pour cent d'entre eux, le journaliste. Ils aiment encore mieux lire des journaux que des livres et, bien qu'ils ne sachent pas précisément ce qu'ils cherchent, ce n'est sûrement en aucun cas la poésie mais des renseignements superficiels, tranquilisants, pour le moment présent, l'assemblage de faits réels, des "vérités" compréhensibles et en apparence nouvelles, la matière brute de l'existence. Je dis cela comme nous le disons couramment et comme nous le croyons à la légère. Mais je crois, non, je sais que cela c'est seulement l'apparence; Car ils cherchent plus, ils cherchent quelque chose d'autre, ces centaines de milliers, dans les milliers de livres qui se transmettent de main en main jusqu'à ce qu'ils tombent en morceaux, salis, usés par la lecture. Ils cherchent quelque chose d'autre que les choses prises isolément, que les théories courtes de souffle, flottant dans l'air, que leur offrent les livres l'un après l'autre. Ils cherchent mais ils ne leur est pas donné de dialectique assez subtile pour s'interroger et dire ce qu'ils cherchent, pas de vue d'ensemble, de puissance de synthèse. La seule chose par laquelle ils peuvent exprimer ce qui se passe en eux est le geste d'une muette éloquence avec lequel ils abandonnent le livre ouvert et en ouvrent un nouveau. Et il est impossible que cela s'arrête car ne cherchent-ils pas de livre en livre ce que le contenu d'aucun de leurs mille livres ne peut leur donner? Ils cherchent une chose qui flotte entre les contenus de chacun des livres isolés, une chose qui serait capable de nouer ensemble ces contenus en une unité. Ils engloutissent les livres les plus positifs, la littérature la plus dépourvue d'âme entre toutes et cherchent une chose douée de la plus haute spiritualité. Ils cherchent sans cesse ce qui relierait leur vie aux artères de la grande vie dans une transfusion magique de sang vivant. Ils cherchent dans les livres ce qu'ils cherchaient jadis devant les autels fumants - dans la pénombre des églises tirées vers les cieux par une fervente aspiration. Ils cherchent ce qui peut les attacher au monde plus fortement que tout et qui, en même temps, leur ôte subitement la pression du monde. Ils cherchent un Moi, sur la poitrine duquel leur Moi s'appuie pour se tranquiliser. Ils cherchent, en un mot, toute la magie de la poésie. »

Hugo von Hofmannsthal, Le poète et l'époque présente

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04/03/2013

Je me fis le serment de ne plus jamais oublier désormais ce que je dois aux aïeux

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« Après ma première et rapide visite de la veille, je m’attardai ce matin dans la haute nef, qui me parut aussi merveilleuse qu’au premier jour. Je ne crois pas qu’on puisse sous-estimer ce monument. Je fus surtout saisi par la simplicité des lignes, par la sobriété avec laquelle les colonnes s’effeuillent dans les chapiteaux. On pressent ici la puissance formidable de siècles futurs qui ne sont encore qu’en germe. Au sommet de la tour, d’où j’embrassais du regard les voies ferrées, les routes encombrées de voitures en marche, les aérodromes, où les avions ne cessaient de se poser pour bientôt reprendre leur vol, je sentis l’accord entre ce temps passé et notre époque. Je sentis surtout que le passé ne doit pas m’échapper et je me fis le serment de ne plus jamais oublier désormais ce que je dois aux aïeux (…) Pour la première fois, aujourd’hui, je regarde ces cathédrales comme des oeuvres, des oeuvres vivantes, loin des mesures mortes du monde des musées. La pensée surgissait aussi que cette église m’était donnée en garde ; je la serrais contre mon coeur comme si elle était soudain devenue toute petite. »

Ernst Jünger, Jardins et routes

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03/03/2013

"Des socialistes"...

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« On a parfois l’impression que les simples mots de socialisme ou communisme ont en eux une vertu magnétique qui attire irrésistiblement tous les buveurs de jus de fruits, nudistes, porteurs de sandales, obsédés sexuels, Quakers, adeptes de la vie saine, pacifistes et féministes que compte l’Angleterre. Cet été, alors que je me déplaçais dans la région de Letchworth, je vis monter dans mon autocar deux vieillards à l’air épouvantable. Ils avaient tous les deux la soixantaine, tout petit, roses, grassouillets, et allaient tête nue. L’un arborait une calvitie obscène, l’autre avait de longs cheveux gris coiffés à la Lloyd George. Ils portaient tous deux une chemise de couleur pistache et un short kaki moulant si étroitement leurs énormes fesses qu’on discernait chaque repli de la peau. Leur apparition dans l’autocar provoqua une sorte de malaise horrifié parmi les passagers. Mon voisin immédiat, le type même du voyageur de commerce, coula un regard vers moi, détailla les deux phénomènes, se tourna à nouveau vers moi et murmura "des socialistes", du ton dont il aurait dit par exemple : "des Peaux-Rouges". Il avait sans doute deviné juste – le parti travailliste indépendant tenait son école d’été à Letchworth. Mais l’important est que, pour ce brave homme, excentrique était synonyme de socialiste, et réciproquement. »

George Orwell, Le quai de Wigan

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02/03/2013

Il restait vers la fin du jour une cendre de temps subtile

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« Il y avait là-haut, dans une rue point très secrète, mais dans tel pli secret de la rue, un tout petit café... Je le vois. - Au fond de ce café, en contrebas, commençait une seconde pièce, étroite semblait-il, et prenant jour sur le café, de la place où j’étais, on ne la voyait pas tout entière ; elle continuait en retrait. Parfois un Arabe y descendait, qui venait tout droit de la rue et que je ne voyais plus reparaître. Je suppose qu’au fond du réduit un escalier secret menait vers d’autres profondeurs...
Chaque jour j’attendais, espérant en voir davantage. Je retournais là tous les jours. J’y retournai le soir ; j’y retournai la nuit. Je m’étendais à demi sur la natte.
J’attendais et suivais, sans bouger, la lente désagrégation des heures ; il restait vers la fin du jour une cendre de temps subtile, amère au goût, douce au toucher, assez semblable comme aspect à la cendre de ce foyer, entre les colonnettes, là, près du sous-sol mystérieux ; à gauche - où parfois, écartant la cendre, le cafetier ranime un charbon mal éteint, sous l’amoncellement de la cendre...
Parfois, s’accompagnant sur la guembra, un des Arabes chante un chant lent comme l’heure. La pipe de haschisch circule. Je regarde obstinément, malgré moi, l’ombre close là-bas, la natte du mur du retrait où j’ai vu ce suspect descendre...
Trois mois après, la police avait fait fermer le café. »

André Gide, Amyntas

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La vie entière n’est qu’un grand malentendu

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« J’ai appris depuis longtemps que la vie entière n’est qu’un grand malentendu, qu’il ne faut pas s’en soucier, et surtout qu’il est inutile de se fatiguer à détromper l’opinion. Quoi qu’on fasse, celle-ci n’acceptera pas de reconnaître vos vrais motifs, pour la seule raison qu’ils sont vrais. »

Jean Dutourd, Le vieil homme et la France

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