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26/04/2013

Nos fidélités sont des citadelles

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« Ces croisades, qui jetaient des continents les uns sur les autres, elles ont reflué chez nous, elles sont revenues jusque dans nos maisons, sous la forme d’un flot d’incrédulité, elles ont reflué jusqu’à nous. Nous n’allons plus porter le combat chez les infidèles, ce sont les infidèles, épars, diffus ou précis, informes ou formels, généralement répandus, les infidèles du droit commun, et encore plus ce sont les infidélités qui nous ont apporté le combat chez nous. Le moindre de nous est un soldat, est littéralement un croisé. Nos pères, comme un flot d’armées envahissaient des continents infidèles, à présent, au contraire, c’est un flot d’infidélité qui tient la haute mer et qui, incessamment, nous assaille de toutes parts. Toutes nos maisons sont des forteresses in periculo maris, au péril de la mer.

La guerre sainte est partout , elle est toujours, elle est à présent qui va de soi, qui est de droit commun. C’est pour cela qu’elle n’a pas besoin d’être décrétée, signifiée. Cette guerre sainte qui autrefois s’avançait comme un grand flot, dont on savait le nom, brisée aujourd’hui émiettée en mille flots, vient battre le seuil de notre porte. Ainsi, nous sommes tous des flots battus d’une incessante tempête, et nos maisons sont des forteresses dans la mer.

Nos Pères avaient besoin de se croiser eux-mêmes et de se transporter pour faire la croisade. Nous, Dieu nous a croisé lui même -- quelle preuve de confiance -- pour une croisade incessante, sur place. Les plus faibles, les femmes, les enfants au berceau sont déjà assiégés. La guerre bat le seuil de nos portes, nous n’avons pas besoin d’aller la chercher, d’aller la porter. C’est elle qui nous cherche et nous trouve. Les vertus qui n’étaient requises que des hommes d’armes du Seigneur en armure, aujourd’hui sont requises de cette femme et de cet enfant. Nous sommes tous aujourd’hui placés sur la brêche, nous sommes tous à la frontière, la frontière est partout. La guerre est partout, brisée, morcelée, en mille morceaux, émiettée. Nous sommes tous placés aux marches du Royaume, nous sommes tous marquis.

(...)

Miles Christi, tout chrétien est aujourd’hui un soldat : le soldat du Christ. Il n’y a plus de chrétien tranquille. Ces croisades que nos pères allaient chercher jusque sur les terres des Infidèles… ce sont elles aujourd’hui qui nous ont rejoints au contraire… et nous les avons à domicile. Nous sommes ces soldats qui grognaient par le monde mais qui marchaient toujours et n'ont jamais plié...

Nous sommes cette église et ce faisceau lié...

Nous sommes cette race éternelle et profonde...

Nos fidélités sont des citadelles. »

Charles Péguy, Notre Jeunesse

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Notre civilisation androgyne, avec son âme divisée et travaillée par le mythe de la femme

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« Une société d’hommes sans dialogue (par exemple l’antique civilisation japonaise) atteint assez vite à sa perfection virile. Notre civilisation androgyne, avec son âme divisée et travaillée par le mythe de la femme, est toujours en mouvement, toujours réveillée par ses malaises et ses désirs de création. »

Jacques Chardonne, L'amour, c'est beaucoup plus que l'amour

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25/04/2013

Dans l’amour, il y a quelque chose de vrai et de chimérique, de certain et d’irréalisable

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« Dans l’amour, il y a quelque chose de vrai et de chimérique, de certain et d’irréalisable. Toujours, à travers les périls, l’échec, les contradictions et les révolutions intimes, l’homme poursuit un objet surhumain. C’est pourquoi il ne renonce pas à l’amour. Au Moyen Age, dans la femme, il a aimé une déesse. Il veut que cette déesse existe. Il veut l’analyser. Il veut qu’elle soit sa femme. C’est impossible.

Mais l’homme est ainsi. Il est un chevalier, un romanesque, amateur d’impossible. »

Jacques Chardonne, L'amour, c'est beaucoup plus que l'amour

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24/04/2013

L'emploi de l'être entier, jusqu'en ses profondeurs charnelles, on le demande à l'amour, quelquefois à l'art qui lui ressemble

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« Pour être heureux par l'amour, il faut une certaine sagesse ; il faut aussi une certaine sagesse pour se passer de l'amour. C'est la même.

Qu'est-ce que l'amour ? Presque rien... un rien de plus vivant dans une femme... un air de surprise... une joie dans les yeux, que l'on discerne à peine, mais qui sont inimitables.

L'amour ? une indulgence infinie, un ravissement pour de petites choses, une bonté involontaire, un complet oubli de soi-même.

Cette vocation pour un être, qu'on appelle amour, les renoncements qu'elle veut, ce sentiment changeant et obstiné, ce jugement plein d'illuminations et d'aveuglements, c'est une grande affaire et très mystérieuse !
On s'en passe très bien. On se passe de tout. L'écrivain doit le meilleur de son art à ses privations. Un bon vivant se débarrasse du superflu : la pensée et le coeur. Un vrai penseur se débarrasse de la vie. Où sont les indigents ?

Ce n'est pas le premier amour qui compte, ni le second, ni le dernier. C'est celui qui a mêlé deux destinés dans la vie commune.
Une femme découvre les diversités de l'amour dans un seul amour. Cette variété, ces métamorphoses continuelles du sentiment sont les surprises de la fidélité. Tous les commencements de l'amour se ressemblent.

L'amour est un parti pris. Non pas résignation, ni habitude, mais renoncements en faveur du choix, active concentration analogue à celle de l'artiste.
Rien n'est donné, rien n'est bon à cueillir sur la branche. L'amour, l'art, le bonheur sont des produits d'alambics. A l'état brut, de première main, la vie n'offre que des choses sans valeur ou qui se décomposent vite ; même la souffrance.

L'emploi de l'être entier, jusqu'en ses profondeurs charnelles, on le demande à l'amour, quelquefois à l'art qui lui ressemble.
L'amour est un monde clos. Il est donné une fois pour toutes et ne puise que dans sa propre source, sans secours possible, sans relation avec l'extérieur, enfermé comme l'enfant dans le sein de la mère, secret comme tout ce qui est essentiellement la vie. »


Jacques Chardonne, L'amour, c'est beaucoup plus que l'amour

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22/04/2013

N'attendez pas que l'amour pour un être vous donne le bonheur

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« Le bonheur par l'amour, je me le représente plutôt dans l'âge mûr, lorsqu'on a conscience du miracle qui le constitue, de ses rapports avec la souffrance, de ce qu'il vous donne et peut reprendre.

Les plaisirs de l'intimité sont faits de rien : un entretien affecteux, la beauté d'un arbre, l'art, un regard tendre.
N'attendez pas que l'amour pour un être vous donne le bonheur.
Le bonheur se trouve plus facilement dans l'action, dans une tâche absorbante, pleine de surprises et qui ne laisse aucun repos. J'envie les savants, enfermés dans un laboratoire, sur la piste d'une invention. Ils ont résolu tous les problèmes.

Si, dans le mariage, une seule fois, la présence, l'intimité, les années n'ont pas éteint l'amour, c'est qu'il existe vraiment sur terre. »

Jacques Chardonne, L'amour, c'est beaucoup plus que l'amour


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20/04/2013

Un chemin au-delà de la mort ?

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« J'étais vieux, j'étais moche. C'était peut-être pour cela que je prenais tant de plaisir à planter mon poireau dans des jeunes filles. J'étais King Kong, elles étaient souples et tendres. Essayais-je en baisant de me frayer un chemin au-delà de la mort ? »

Charles Bukowski, Women

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Je crains que, faute d'éducation, les jeunes filles d'aujourd'hui ne sachent pas aimer

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« L'AMOUR, c'est beaucoup plus que l'amour. Il y entre toujours autre chose, l'esprit après les sens, la douleur...

Je crains que, faute d'éducation, les jeunes filles d'aujourd'hui ne sachent pas aimer. L'amour exige une certaine préparation, une retenue, des réserves, une rêverie préalable, comme une religion qui a été très tôt déposée dans le coeur.
Trop de rencontres, trop de facilité à se lier, gênent le choix, engourdissent l'instinct. C'est une concentration du sentiment qui fait découvrir dans un être ce qu'il peut donner.
La jeune fille est formée par la rêverie. Tout d'un coup, la maternité l'assujettit et lui impose cette vigilance minutieuse, ce profond réalisme, qui permettent aux enfants de vivre. En même temps, la femme est aux prises avec les calculs précis et connaît tout le poids de la vie matérielle. Son courage et son adresse en face d'une épineuse réalité atteignent au sublime chez les pauvres.
C'est l'homme qui rêve ou qui boit. »

Jacques Chardonne, L'amour, c'est beaucoup plus que l'amour


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19/04/2013

Il se réconforte et se soumet en se disant qu'avec le Christ, personne n'a jamais été “préparé pour ça” ni pour quoi que ce soit d'autre

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« Assez peu de temps, trois ou quatre mois peut-être, après son arrivée en tant que nouveau curé dans la paroisse de Vernery-sur-Arre, en 1967, le père Jean Noirac dut se rendre à l'évidence : il y avait quelque chose qui ne tournait pas rond.

(...)

Noirac était un petit homme gras, d'environ trente ans. Il était sérieux, sincère, de bonne volonté. Il considérait que la mission des prêtres était désormais de “réconcilier l'Église avec le XXe siècle” ; du moins avait-il loyalement accepté que ce fût là le mot d'ordre de son apostolat. En même temps, il avait des doutes. Le XXe siècle ! Le XXe siècle avait une façon qui n'était qu'à lui de parler du XXe siècle, sur un ton de gravité et d'importance. Le XXe siècle se faisait une haute idée du XXe siècle. Tout le monde aurait souri d'imaginer les gens de 1450, par exemple, s'exclamer : "Mais enfin !... Nous sommes tout de même au XVe siècle ! Voir des choses pareilles en plein XVe siècle ! " Au XXe siècle, on entendait couramment de tels propos, et personne ne souriait.

(...)

Avant, tout le monde savait ce qu'était un curé ; on en pensait du bien ou du mal, mais on savait. Sa silhouette noire, si souvent caricaturée, le posait dans le décor comme une référence ; il avait l'air d'un mot du dictionnaire se promenant avec sa définition.

(...)

Bien d'autres choses le rendent tristes. En France, en 2008, on détruit des églises, on construit des mosquées. Impossible de dire la simple tristesse sans déclencher le feu roulant de lieux communs des journaux. Noirac n'est pourtant pas un croisé ni un brandisseur d'anathèmes. Simplement il n'était pas né dans ce monde et n'a pas été préparé pour ça. Il se réconforte et se soumet en se disant qu'avec le Christ, personne n'a jamais été “préparé pour ça” ni pour quoi que ce soit d'autre. Pierre, Jean et Jacques, et toute la clique, n'avaient pas été “préparés pour ça”. Jésus lui-même avait-il été “préparé pour ça” ? Avec le Christ, on n'est pas prêt. On n'est jamais prêt. Noirac le sait.»

« Il se sait aussi atteint d'un cancer probablement incurable. Tout va s'achever pour lui. Une vie d'homme sera accomplie, usée, vidée, déversée dans le courant. Et personne ne pourra dire ce qu'elle fut.»

« Il n'y a d'autre clef, mon Dieu, que celle que vous ne nous donnez pas. »

François Taillandier, Les Romans vont où ils veulent

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Il sera trop tard

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« Considérer la Turquie telle qu’elle était au règne de François Ier, comme une puissance utile à notre politique, c’est retrancher trois siècles de l’histoire.
Prétendre civiliser la Turquie en lui donnant des bateaux à vapeur et des chemins de fer, en disciplinant ses armées, ce n’est pas étendre la civilisation en Orient, c’est introduire la barbarie en Occident ; des Ibrahims futurs pourront ramener l’avenir au temps de Charles Martel, ou au temps du siège de Vienne... Je dois remarquer que j’ai été le seul, avec Benjamin Constant, à signaler l’imprévoyance des gouvernements chrétiens : un peuple dont l’ordre social est fondé sur l’esclavage et la polygamie est un peuple qu’il faut renvoyer aux steppes des Mongols.
Il est bien difficile de prévoir quelle sera la conduite d’une race d’homme qui n’ont point les idées européennes. A la fois rusés comme des esclaves et orgueilleux comme des tyrans, la colère n’est jamais chez eux tempérée que par la peur.
En principe de grande civilisation, l’espèce humaine ne peut que gagner à la destruction de l’empire Ottoman : mieux vaut mille fois pour les peuples la domination de la croix à Constantinople que celle du Croissant…tous les germes de la destruction sociale sont dans la religion de Mahomet. On dit que le sultan actuel a fait des pas vers la civilisation…Depuis quand l’apprentissage machinal des armes est-il la civilisation ? C’est une faute énorme, c’est presque un crime, d’avoir initié les Turcs dans la science de notre tactique.
Vous ne voulez pas planter la croix sur Sainte Sophie ? Continuez de discipliner des hordes de Turcs, d’Albanais, de Nègres et d’Arabes, et, avant vingt ans peut-être, le croissant brillera sur Saint Pierre. Appellerez-vous alors l’Europe à une croisade contre des infidèles armés de la peste, de l’esclavage et du Coran ? Il sera trop tard. »

François-René de Chateaubriand, Mémoires d’outre tombe, Lettre à Madame Récamier

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18/04/2013

La participation du délinquant à la croissance du PIB est immédiatement rentable

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« Non seulement, en effet, la pratique délinquante est, généralement, très productive (incendier quelques milliers de voitures chaque année, par exemple, ne demande qu’un apport humain et matériel très réduit et sans commune mesure avec les bénéfices ainsi dégagés pour l’industrie automobile). Mais, de plus, elle n’exige pas d’investissement éducatif particulier (sauf peut-être dans le cas de la criminalité informatique, de sorte que la participation du délinquant à la croissance du PIB est immédiatement rentable, même s’il commence très jeune (il n’y a pas ici, bien sur, de limite légale au travail des enfants). Naturellement, dans la mesure ou cette pratique est assez peu appréciée des classes populaires, sous le prétexte égoïste qu’elles en sont les premières victimes, il est indispensable d’en améliorer l’image en mettant en place toute une industrie de l’excuse, voire de la légitimation politique. C’est le travail habituel confié aux rappeurs, aux cinéastes "citoyens", et aux idiots utiles de la sociologie d’Etat. »

Jean-Claude Michéa, L’empire du moindre mal

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Quand je levais la tête vers le Pavillon d'Or, ce n'est pas seulement par les yeux qu'il pénétrait en moi, mais aussi, semblait-il, par le crâne

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« Je peux, sans exagération, affirmer que le premier problème auquel, dans ma vie, je me sois heurté, est celui de la Beauté. Mon père n’était qu’un simple prêtre de campagne, au vocabulaire pauvre ; il m’avait seulement dit "que nulle chose au monde n’égalait en beauté le Pavillon d’Or". La pensée que la beauté pût déjà exister quelque part à mon insu me causait invinciblement un sentiment de malaise et d’irritation ; car si effectivement elle existait en ce monde, c’était moi qui, par son existence même, m’en trouvais exclu. […]

Le Pavillon d'Or, que je revoyais après plusieurs mois, reposait sereinement dans la lumière de l'été finissant. J'avais le crâne tout frais rasé de mon entrée en sacerdoce et j'éprouvais la sensation que l'air collait étroitement à ma tête - la périlleuse sensation que toutes les idées nichées dans ma cervelle entraient en contact avec les phénomènes extérieurs par cette seule et mince épaisseur de peau, hypersensible et si vulnérable !

Quand je levais la tête vers le Pavillon d'Or, ce n'est pas seulement par les yeux qu'il pénétrait en moi, mais aussi, semblait-il, par le crâne. De la même façon qu'en plein soleil ce crâne devenait brûlant, ou était instantanément rafraîchi par la brise du soir.
Pavillon d'Or ! Je suis enfin venu près de toi ! murmurais-je en moi-même, m'interrompant de balayer l'allée. Je ne dis pas tout de suite, mais un jour, fais-moi un signe d'amitié, je t'en prie ; révèle-moi ton secret. Ta beauté, il ne tient qu'à un seul fil qu'elle ne m'apparaisse, je le sens, et pourtant elle m'échappe encore.

Plus que celui dont je garde en moi l'image, c'est le vrai Pavillon d'Or que je te prie de me laisser découvrir dans toute sa beauté. S'il est vrai que sur terre rien ne peut t'être comparé, dis-moi pourquoi tu es si beau, pourquoi tu ne peux faire autrement que de l'être. »

Yukio Mishima, Le Pavillon d’Or

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17/04/2013

Nous ne sommes pas des soldats, nous sommes des croisés

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« J'ai cependant trouvé un véritable convaincu, C'est mon ami Argoud, un riche paysan des environs de Valence. Nous avons franchi ensemble le portail chancelant de notre G.U.P., et nous voilà déjà très solidement liés. Nous sommes allés dîner ensemble dans un bouchon avec un de ses voisins. Argoud a une physionomie vive. Il raisonne avec sel de l'armée et du funeste Front Populaire ; j'approuve vigoureusement en chargeant la juiverie. Argoud riposte sur le champ, l'air fort scandalisé :

- Oh ! mais tu parles comme Ferdonnet, toi ! C'est de l'hitlérisme. Moi, je suis catholique pratiquant, mais je suis contre la haine religieuse. Ça n'est pas vrai que les Juifs ont voulu la guerre. C'est Hitler qui dit ça pour faire marcher tes nazis. Nous faisons la guerre pour détruire la barbarie fasciste. C'est la défense de la civilisation chrétienne. C'est une guerre sainte, il faut vaincre ou mourir. Nous ne sommes pas des soldats, nous sommes des croisés. Il ne faut pas s'arrêter avant d'avoir écrasé la tête à l'hydre nazie.

Argoud frappe sur la table. Ses yeux étincellent. Il a évidemment été catéchisé par quelque abbé chrétien démocrate, ce qui est assez extraordinaire pour un Dauphinois. Voilà du moins un Alpin qui sait pourquoi il se battra. Inutile d'insister. Je ne veux point ébranler une aussi magnifique résolution. »

Lucien Rebatet, Les Décombres

 

Voyez, également, ce lien vers les Carnets de JLK

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16/04/2013

Elégance d'énigme...

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« L’énigme du visible et de l’invisible garde son élégance d’énigme. Il est impossible de la résoudre dans un monde que l’actualité fascine et qui ne possède aucun recul. »

Jean Cocteau, Journal d’un inconnu

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Ma folie et ma peur

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« Ma folie et ma peur
Ont de grands yeux morts
La fixité de la fièvre.

Ce qui regarde dans ces yeux
Est le néant de l’univers
Mes yeux sont d’aveugles ciels.

Dans mon impénétrable nuit
Est l’impossible criant
Tout s’effondre. »

Georges Bataille, L’Archangélique et autres poèmes

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Il faut en prendre son parti : c'est le réel qui se fait possible, et non pas le possible qui devient réel

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« Il existe dans la tradition métaphysique une doctrine qui se développe au moins depuis Platon, c'est la théorie selon laquelle le possible, les possibles, préexistent au réel de notre expérience. Les possibles sont évidemment incréés. Et l'existence se surajoute à ces possibles comme un poids, comme une masse. C'est cette masse pesante qui fait entrer de gré ou de force les possibles dans la réalité de notre expérience. L'existence est donc comparable à une chute puisqu'elle fait descendre ou tomber les possibles dans ce monde de la matière, du multiple, du temps et de l'espace, de la douleur et de l'illusion.
Dire que les possibles préexistent, c'est dire que nous ne sommes pas dans un monde en régime de création continuée. Ce monde de l'expérience ne fait que recopier en lourds caractères terreux ce qui était écrit dans la pure langue des idées.
C'est de nouveau Bergson au début du XXe siècle qui a fait l'analyse de ce problème du possible et du réel :
"Il faut en prendre son parti : c'est le réel qui se fait possible, et non pas le possible qui devient réel." Mais la vérité est que la philosophie n'a jamais franchement admis cette création continue d'imprévisible nouveauté. Les anciens y répugnaient déjà, parce que, plus ou moins platoniciens, ils se figuraient que l'Être était donné une fois pour toutes, complet et parfait, dans l'immuable système des Idées : le monde qui se déroule à nos yeux ne pouvait donc rien y ajouter ; il n'était au contraire que diminution ou dégradation ; ses états successifs mesuraient l'écart croissant ou décroissant entre ce qu'il est, ombre projetée dans le temps, et ce qu'il devrait être, Idée assise dans l'éternité... C'est le Temps qui aurait tout gâté... »

Claude Tresmontant, Les métaphysiques principales

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15/04/2013

Les Fleuves

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« Nous sommes temps. Nous sommes la fameuse
parabole d'Héraclite l'Obscur,
nous sommes l'eau, non pas le diamant dur,
l'eau qui se perd et non pas l'eau dormeuse.
Nous sommes fleuve et nous sommes les yeux
du grec qui vient dans le fleuve se voir.
Son reflet change en ce changeant miroir,
dans le cristal changeant comme le feu.
Nous sommes le vain fleuve tout tracé,
droit vers sa mer. L'ombre l'a enlacé.
Tout nous a dit adieu et tout s'enfuit
La mémoire ne trace aucun sillon.
Et cependant quelque chose tient bon.
Et cependant quelque chose gémit. »

Jorge Luis Borges, La Proximité de la mer

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Nietzsche a confondu le christianisme avec la doctrine de Luther

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« Comme chacun sait, Nietzsche oppose Dionysos, le dieu des Grecs, à Jésus, le crucifié, le dieu des Juifs. "Dionysos contre le crucifié." Pour Nietzsche, Dionysos représente l'affirmation religieuse de la vie. [...] Le crucifié représente bien entendu, selon Nietzsche, la négation de la vie, la faiblesse, la pauvreté. "Le dieu en croix est une malédiction de la vie."

Ce qui, du point de vue scientifique, est comique en l'occurrence, c'est que, comme l'ami de Nietzsche, Erwin Rohde, l'a montré dans son très beau livre, "Psyché", les fidèles qui se réunissaient sous l'invocation d'Orphée, au VIe siècle avant notre ère, célébraient un culte - celui de Dionysos, précisément. Or s'il existe une doctrine pessimiste, et qui accuse l'existence présente, corporelle, physique, matérielle, c'est bien l'orphisme. Il suffit de se reporter au chapitre que Rohde a consacré à la doctrine des communautés orphiques. L'existence présente est considérée comme une chute, une catastrophe. L'existence corporelle est un mal. L'âme est exilée dans le corps comme dans une prison. Le salut consiste à fuir ce corps mauvais, cette matière mauvaise. Seule l'ascèse, qui nous libère des liens du corps, peut nous libérer du triste cycle lassant des réincarnations.

[...]

Nietzsche a confondu le christianisme avec la doctrine de Luther, dont la théorie du péché originel est typiquement gnostique, et le mythe de chute que l'on peut lire dans les systèmes gnostiques est parent, jusqu'à l'identité, avec le mythe de chute que l'on trouve dans la doctrine orphique. Or le christianisme orthodoxe a passé son temps, pendant des siècles, à rejeter le mythe gnostique et orphique de la chute - contre les gnostiques, contre Origène, contre les manichéens, contre les cathares, contre Luther finalement et sa théologie du péché originel.

Nietzsche pense que l'affirmation de la vie se trouve dans la religion de Dionysos, et la négation de la vie dans la doctrine qui a toujours affirmé l'excellence de tout l'ordre naturel, physique, cosmique et biologique, contre les thèmes orphiques ! Pour un philologue, c'est un quiproquo assez sérieux... »

Claude Tresmontant, Les problèmes de l'athéisme

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14/04/2013

Les occultes voies respiratoires de l'eau, du vent, rigoureusement pareils à mon désir

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« Mon amant, j'ai eu l'impudence de parler de moi seulement pour crier avec vous que la tragédie prolifère faute de moyens, que les bandes de la violence dessinée ne sont que les petits ballons-sondes d'un malaise de dupes.
Vous êtes toujours libre de claquer les portières de vos paupières pour d'autres voyages. Toutes les portes sont ouvertes comme mes jambes à votre approche, battantes comme une robe de frénésie au bord de l'océan.
Je vous ai suivi, comme d'autres, dans la nuit, le long du fleuve, parce que j'eus l'impression ce soir-là que quelques-uns - et je ne dis pas nous - pouvaient donner vie à tous les désirs de la ville, encore et malgré tout frissonnants sous le béton à désarmer.
Je n'ai pas peur, je descends tranquillement les marches qui perdent de leur netteté sous les yeux diurnes mais sûre que l'avancée de chaque cercle d'eau autour de ma jambe bouleverse le système thermique d'une individualité commodément admise.
( Ne riez pas vous qui êtes sur la berge; une fois dans le remous, vous saurez que les bouées municipales ne sont d'aucun recours.)
Mon amant, je ne vous suis pas, je vous entraîne peut-être, moi ou quelques femmes dont vous découvrez le visage à la confluence des rivières. De vous, des autres, de moi, je veux le feu qu'il est toujours possible de faire jaillir entre les pierres du temps ; mais le feu n'est à personne, le feu dévore les relations de cause à effet, se retrouvera toujours dans des regards que nous ne connaissons pas encore.
Mon amant, vous aussi, vous ne me violez pas parce que je suis passionnément consentante à ce que d'autres vies que la vôtre vivent de moi quand vous me pénétrez.
Je ne suis pas fatiguée, je me lève à peine, j'évite les voies parallèles.
Ma route part de la veine bleue du poignet, du vôtre, du mien... J'y avance, sûre qu'elle conduit au point d'équilibre insatiablement instable, à la convergence des rayons infra-lumineux de la vie, d'où partent les occultes voies respiratoires de l'eau, du vent, rigoureusement pareils à mon désir. »

Annie Le Brun, Douzième cercle

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13/04/2013

Nuit heureuse

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« Dans cette heureuse nuit,
je me tenais dans le secret, personne ne me voyait,
et je n'apercevais rien
pour me guider que la lumière
qui brûlait dans mon coeur. »

Saint Jean de la Croix, Cantiques de l'âme

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12/04/2013

filles en collant

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« des écolières en collant
assises sur les bancs de l'arrêt d'autobus
comme si elles étaient déjà fatiguées à 13 ans
avec leur rouge à lèvres framboise.
il fait chaud
et la journée à l'école a été
ennuyeuse, et rentrer à la maison
l'est aussi, et
je conduis ma voiture
en reluquant leurs jambes que le soleil
réchauffe.
leurs regards semblent
lointains -
on les a mises en garde
contre les vieux étalons
excités et impitoyables ; et elles ne sont pas
prêtes
à se donner comme ça.
et pourtant elles s'ennuient
à attendre des dizaines de minutes
sur les bancs et des années entières
dans la maison de leurs parents, et les livres
qu'elles
transportent les ennuient, et la bouffe
qu'elles absorbent les ennuie, et même
les vieux étalons impitoyables et excités
les ennuient.

les filles en collant attendent,
elles attendent que leur temps
vienne, et alors elles bougeront
et partiront à la conquête du monde.

je leur tourne autour dans ma voiture
lorgnant leurs jambes
acceptant avec joie de n'être jamais
partie intégrante de leur paradis ni
de leur enfer. n'empêche ce rouge
écarlate sur ces bouches désabusées
et qui attendent, ah! ce serait si gentil de
les embrasser une fois seulement à tour de
rôle, à fond,
puis de s'en aller.
mais c'est le bus qui les emportera
le premier. »

Charles Bukowski, L'amour est un chien de l'enfer

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11/04/2013

Ces ministres qui tombent ou démissionnent les uns après les autres

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« Mercredi 7 février 1934

Je suis au septième ciel, j’ai l’esprit réveillé, excité, plein de curiosité et d’attente. Si je n’avais pas ma famille de bêtes, j’irais voir de près. Ces signes avant-coureurs de la révolution, ces ruées de manifestants et de forces policières les unes contre les autres, ces rondes (toute la journée d’aujourd’hui) de pelotons de garde mobile montée conduite par des agents cyclistes, les agents remplacés dans les rues par des garde mobiles casqués, des députés obligés de se faire protéger dans l’enceinte des lois contre ceux qui les y ont envoyés, ces ministres qui tombent ou démissionnent les uns après les autres, tout ce qu’on devine de saletés, de canailleries, de trafics, de dilapidations, d’escroqueries au détriment du pays et des citoyens, tout ce qui sent et présage la fin d’un régime, presque d’une société. Je n’ai qu’un mot : je jouis de tout mon esprit. »

Paul Léautaud, Journal littéraire

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10/04/2013

Le rêve du socialisme...

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« Le rêve du socialisme, n'est-ce pas de pouvoir faire asseoir l'humanité, monstrueuse d'obésité, dans une niche toute peinte en jaune, comme dans les gares de chemin de fer, et qu'elle soit là à se dandiner sur ses couilles, ivre, béate, les yeux clos, digérant son déjeuner, attendant le dîner et faisant sous elle ? »

Gustave Flaubert, Lettre à Louise Colet, 3 mars 1854

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C'est ainsi que la femme fut créée...

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« C'est ainsi que la femme fut créée.
Pour que les ténèbres soient plus douces que la lumière.
Pour que le creux soit plus vrai que l'éminence.
Pour que l'énigme soit plus belle que l'élucidation.
Pour que le jour qu'elle donne et la volupté qu'elle répand soient des mêmes noces englouties qui réunissent le corps fécond et la chair dévergondée.
Pour que l'homme, quand il lui fait l'amour, se sente ce nomade singulier qu'orientent les appels au vertige, tandis que l'égare le dérèglement des astres. »

Marcel Moreau, Tectonique de la femme

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09/04/2013

C'est l'entrée d'un pays qui commence par l'abîme...

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« Femme, soeur, amie, amante, prêtresse, pécheresse,
j'ai appris de ton ventre plus que ne m'enseignèrent les livres.
Femme, soeur, amie, amante, prêtresse, pécheresse, agnelle, louve, succube, garce, grâce, FOLLE, j'ai noyé dans ton ventre plus de raison que ne s'en vidait mon esprit.
Mais, Femme unique,
jamais, au grand jamais, je ne pourrais jurer, sur ton ventre, à sa source, que je sais où je vais lorsque je vais en lui.
Ceci n'est pas tout-à-fait un sexe.
C'est l'entrée d'un pays qui commence par l'abîme.
Ceci n'est pas tout-à-fait une fissure.
C'est, balbutiée, la promesse d'une béance.
Ceci n'est pas tout-à-fait la naissance du désir.
C'en est la convocation, nocturne, moite, grondante, interlope.
Enfin, ceci n'est pas tout-à-fait la femme que l'on connaît.
C'est, par dessus sa feinte tranquillité de dormeuse, le sillon insomniaque de ses sens.
C'en est l'histoire immémoriale, ramassée dans un bras du fleuve Amazone. »

Marcel Moreau, Tectonique de la femme


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Supplique à une jeune passante

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« Fille en short, qui ronges tes ongles en tortillant du cul,
les garçons te regardent -
tu as plus d’importance, semble-t-il,
que Gaughin ou Brahma ou Balzac,
plus, en tout cas, que les crânes qui nagent à nos pieds,
ta démarche hautaine brise la tour Eiffel,
fait tourner les têtes des vieux vendeurs de journaux à la sexualité
éteinte depuis longtemps ;
tes bêtises réfrénées, ta danse de l’idiote,
tes grimaces délicieuses – ne lave jamais tes sous-vêtements
sales, ne chasse jamais tes actes d’amour
à travers les allées résidentielles -

ne nous gâche pas ça
en accumulant kilos et fatigue,
en acceptant la télévision et un mari gnangan ;
n’abandonne jamais ce déhanchement maladroit et inepte
pour arroser la pelouse le samedi -
ne nous renvoie pas à Balzac ou à l’introspection
ou à Paris
ou au vin, ne nous renvoie pas
à l’incubation de nos doutes ou au souvenir
du frétillement de la mort, salope, affole-nous d’amour
et de faim, garde les requins, les requins sanglants
loin du coeur. »

Charles Bukowski, Les jours s’en vont comme des chevaux sauvages dans les collines

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