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24/02/2012

Milliards de somnambules

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« Mais à quoi bon prêcher ces milliards de somnambules, qui marchent au chaos d’un pas égal, sous la houlette de leurs séducteurs spirituels et sous le bâton de leurs maîtres ? Ils sont coupables parce qu’ils sont innombrables, les masses de perdition doivent mourir, pour qu’une restauration de l’homme soit possible. Mon prochain n’est pas un insecte aveugle et sourd, n’est pas un automate spermatique. Que nous importe le néant de ces esclaves ? Nul ne les sauve ni d’eux-mêmes, ni de l’évidence, tout se dispose à les précipiter dans les ténèbres, ils furent engendrés au hasard des accouplements, puis naquirent à l’égal des briques sortant de leur moule, et les voici formant des rangées parallèles et dont les tas s’élèvent jusqu’aux nues. Sont-ce des hommes ? Non, la masse de perdition ne se compose jamais d’hommes. »

Albert Caraco, Bréviaire du chaos

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22/02/2012

Les Evangiles et Platon

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«  L’évangile nous enseigne que Dieu est amour - "Deus caritas est". Dieu a aimé les hommes ; nous imiterons Dieu en aimant nos frères en Dieu. Le premier et le plus grand des commandements, dit Jésus Christ, c’est d’aimer Dieu par dessus toutes choses, "le second qui est semblable au premier", c’est d’aimer son prochain comme soi-même. C’est en nous conformant à cette invitation, qui est aussi un ordre, que nous deviendrons parfaits comme notre Père céleste est parfait. Et nous aimerons non seulement nos amis et ceux qui nous font du bien, mais aussi nos ennemis et ceux qui nous font du mal, imitant en cela notre Père céleste qui fait luire son soleil et pleuvoir sa pluie sur les méchants comme sur les bons. Rien de plus clair que ce langage, et tout le Nouveau Testament en est un commentaire vivant.
Avec Platon, nous sommes transportés dans un tout autre monde ; et ce n’est pas étonnant puisqu’il ne se plaçait que sur le terrain de la raison et qu’il ignorait le principe surnaturel. Il voit surtout en Dieu la suprême intelligence se contemplant elle-même. Il en conclut que l’homme ressemblera à Dieu en s’adonnant à la contemplation. Voir, aimer, goûter la vérité, les choses éternelles, s’abstraire totalement des choses périssables, abdiquer les intérêts mondains, voilà le devoir de l’homme ici-bas. Dans une existence antérieure, il a vaguement communiqué avec Dieu, en le suivant dans les mondes en formation. Enchaîné au corps de la vie actuelle, il faut qu’il s’attache aux réminiscences qu’il conserve de sa vie antérieure, et qu’il s’élève par un travail incessant, à reconstituer par la pensée la vérité totale et la beauté souveraine qu’il a jadis entrevues.

Platon nous semble ici confondre l’état présent de la nature humaine avec l’état auquel elle est appelée dans l’avenir. Il est vrai qu’une des fins de notre être sera de contempler l’essence divine durant l’éternité. Mais la fin n’est pas le moyen ; elle implique le moyen ; elle est inséparable de lui-même, mais distincte. La fin de l’homme est bien la contemplation divine, mais pour se livrer sans réserve à cette contemplation, il faut qu’il s’en rende capable par cet effort vers Dieu que nous appelons vertu. Ainsi, autre est notre destinée finale dans l’autre vie, qui est la félicité résultant de la vue de Dieu ; autre notre loi d’ici-bas, qui est le travail, la vertu. Platon ne soupçonne pas cette distinction.

Remarquons en passant, combien le christianisme se montre plus intelligent de la vraie nature humaine que la philosophie platonicienne. L’Evangile admet la haute valeur de la contemplation ; il en proclame la supériorité sur l’action proprement dite ; supériorité qui ressort d’ailleurs de la nature même des choses, puisque la contemplation est la possession et la jouissance de l’objet dont l’action est la recherche. Et non seulement le christianisme proclame cela en principe, mais il l’applique en pratique, et l’histoire de l’Eglise n’est que l’histoire des Saints que le christianisme prépare pour la vision céleste, en les exerçant, "secundum mensuram donationis Christi", à la contemplation terrestre. Mais encore l’Eglise exige-t-elle l’action, et lui donne-t-elle, dans la vie chrétienne, une place incomparablement plus grande. La vie de l’Eglise est remplie bien plus encore par l’action que par la contemplation.  »

Jean-Baptiste Aubry, Mélanges de philosophie catholique

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21/02/2012

La disparition du droit divin des rois qui aurait dû permettre un sensationnel développement du bonheur des peuples a laissé la place à l’empoignade des égaux

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« On commence en voulant le bien et on finit en faisant le mal. La disparition du droit divin des rois qui aurait dû permettre un sensationnel développement du bonheur des peuples a laissé la place à l’empoignade des égaux, l’imitation féroce entre soi, l’étouffante anxiété des rivalités mutuelles. La montée du public actif qui veut se faire admirer et s’exaspère de ne pas l’être, exige qu’on l’applaudisse et s’aperçoit qu’il n’y a plus personne pour applaudir parce que tout le monde est grimpé sur scène; ce qui fait monter d’un cran l’énervement du public, candidat au vedettariat impossible pour cause de disparition du public. Et ainsi de suite. »

Philippe Muray, Le XIXème siècle à travers les âges

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19/02/2012

Des Livres qui promettent peu mais tiennent beaucoup

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« Ne croyez pas que j’étais le seul à lire sur le Neversink. Plusieurs autres marins étaient des lecteurs assidus, mais leur choix ne portait pas sur les belles-lettres. Leurs auteurs favoris étaient de ceux que l’on peut trouver dans les éventaires autour de Fulton Market : ils étaient plutôt d’un genre légèrement physiologique. Les expériences que j’ai faites sur la frégate prouvèrent un fait dont tous les amis des livres ont dû faire l’expérience avant moi, à savoir que, même si les bibliothèques publiques ont un aspect imposant et contiennent sans doute des volumes inestimables, cependant les livres qui vous conviennent le mieux, vous plaisent et s’avèrent de bonne compagnie, sont ceux que nous ramassons par hasard, d’un côté ou de l’autre, et qui semblent avoir été déposés entre nos mains par la Providence — en un mot, ceux qui promettent peu mais tiennent beaucoup. »

Herman Melville, La Vareuse blanche

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18/02/2012

L'existence du Travailleur, loin d'avoir besoin d'une interprétation, deviendra un critère de mesure

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« La vie recèle plus et autre chose encore que ce que le bourgeois entend par biens, et la plus haute exigence que puisse formuler le Travailleur ne consiste pas à être le support d'une nouvelle société mais celui d'un nouvel État.

A cet instant seulement il engage le combat à la vie et à la mort. Alors l'"individu" qui n'est au fond qu'un employé se transforme en homme de guerre, la masse se transforme en armée et l'établissement d'un nouveau système de commandement se substitue à une modification du contrat social. Cela arrache le Travailleur à la sphère des négociations, de la pitié, de la littérature, et l'élève jusqu'à celle de l'action, cela transforme ses liens juridiques en liens militaires - cela veut dire qu'il possédera des chefs au lieu d'avocats et que son existence propre, loin d'avoir besoin d'une interprétation, deviendra un critère de mesure. »

Ernst Jünger, Der Arbeiter

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16/02/2012

L’obsequium

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« L’obsequium, c’est le respect dû au maître par l’esclave. Il passa peu à peu au respect dû au prince par le citoyen. Voilà la plus grande mutation de l’Empire qui prépara le christianisme, l’extension du respect statutaire, de la piété que le Populus Romanus se mit à devoir au Genius du princeps, la fonctionnarisation de la liberté devenue obséquieuse pour toutes les classes et pour tous les statuts (y compris pour les Pères au sénat vis-à-vis du prince) et la naissance de la culpabilité (qui n’est que l’organisation psychique de l’obsequium). Tacite rapporte que Tibère, contraint d’être empereur, regrettant la république, chaque fois qu’il sortait de la curie disait en grec : "Ô hommes qui aimez l’esclavage !" et il marquait à ceux qui l’entouraient son écœurement de voir les Pères, les consuls, les chevaliers mendier le renoncement des libertés publiques et revendiquer le service du prince (c’est-à-dire l’officium, à la "frontière de l’impudeur passive et honteuse des affranchis, à la limite de l’obéissance des esclaves). Une population obsédée par la crainte du rex, qui avait fondé la république, bascula soudain. Elle repoussa la lutte fratricide civile (qui était pourtant le mythe fondateur). Elle se rua (ruere, le mot est de Tacite) dans la servitude : elle donna le pouvoir institutionnel le plus illimité dans l’espace qui se soit trouvé (une hégémonie mondiale, sans bloc adverse), le plus solitaire dans son exercice (dégageant entièrement celui qui en était investi de la contrainte des lois qui s’imposaient désormais aux chefs de clans devenus obséquieux) à un homme seul, sans mode de désignation, sans règle de succession. C’est ce que les modernes appellent l’empire - et que les Anciens appelaient le principat. »

Pascal Quignard, Le sexe et l'effroi

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15/02/2012

La houle d'un corps heureux

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« Elle glissa hors de la chemise longue, tendit aux mains et aux lèvres d’Antoine les fruits tendres de sa gorge et renversa sur l’oreiller, passive, un pur sourire de sainte qui défie les démons et les tourmenteurs...
Il la ménageait pourtant, l’ébranlait à peine d’un rythme lent, doux, profond… Elle entrouvrit les yeux : ceux d’Antoine, encore maître de lui, semblait chercher Minne au-delà d’elle-même… Elle se rappela les leçons d’Irène Chaulieu, soupira "Ah ! ah !" comme une pensionnaire qui s’évanouit puis se tut, honteuse. Absorbé, les sourcils noueux dans un dur et voluptueux masque de Pan, Antoine prolongeait sa joie silencieuse. "Ah ! ah... !" dit-elle encore malgré elle. Car une angoisse progressive, presque intolérable, serrait sa gorge, pareille à l’étouffement des sanglots prêts à jaillir… Une troisième fois, elle gémit, et Antoine s’arrêta, troublé d’entendre cette Mine qui n’avait jamais crié... L’immobilité, la retraite d’Antoine ne guérirent pas Mine, qui maintenant trépidait, les orteils courbés, et qui tournait la tête de gauche à droite comme une enfant atteinte de méningite. Elle serra les poings, et Antoine put voir les muscles de ses mâchoires délicates saillir, contractés.
Il demeurait craintif, soulevé sur ses poignets, n’osant la reprendre… Elle gronda sourdement, ouvrit des yeux sauvages et cria : "Va donc !"
Un court saisissement le figea au-dessus d’elle ; puis il l’envahit avec une force sournoise, une curiosité aigüe, meilleure que son propre plaisir. Il déploya une activité lucide, tandis qu’elle tordait des reins de sirène, les yeux refermés, les joues pâles et les oreilles pourpres… Tantôt elle joignait les mains, les rapprochait de sa bouche crispée, et semblait en proie à un enfantin désespoir… Tantôt elle haletait, bouche ouverte, enfonçant aux bras d’Antoine ses ongles véhéments… L’un de ses pieds, pendant hors du lit, se leva, brusque, et se posa une seconde sur la cuisse brune d’Antoine qui tressaillit de délice...
Enfin, elle tourna vers lui des yeux inconnus et chantonna : "Ta Minne… ta Minne à toi..." tandis qu’il sentait enfin, contre lui, la houle d’un corps heureux… »

Colette, L’ingénue libertine

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14/02/2012

Ensuite il faudra procéder à une nouvelle expulsion

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« En devenant trop nombreuse et malgré le génie de ses penseurs, une société ne se perpétue qu’en sécrétant la servitude. Lorsque les hommes commencent à se sentir à l’étroit dans leurs espaces géographique, social et mental, une solution simple risque de les séduire : celle qui consiste à refuser la qualité humaine à une partie de l’espèce. Pour quelques dizaines d’années, les autres retrouveront les coudées franches. Ensuite il faudra procéder à une nouvelle expulsion. Dans cette lumière, les événements dont l’Europe a été depuis vingt ans le théâtre, résumant un siècle au cours duquel son chiffre de population a doublé, ne peuvent plus m’apparaître comme le résultat de l’aberration d’un peuple, d’une doctrine ou d’un groupe d’hommes. J’y vois plutôt un signe annonciateur d’une évolution vers le monde fini, dont l’Asie du Sud a fait l’expérience un millénaire ou deux avant nous et dont, à moins de grandes décisions, nous ne parviendrons peut-être pas à nous affranchir. Car cette dévalorisation systématique de l’homme par l’homme se répand, et ce serait trop d’hypocrisie et d’inconscience que d’écarter le problème par l’excuse d’une contamination momentanée. Ce qui m’effraie en Asie, c’est l’image de notre futur, par elle anticipée. Avec l’Amérique indienne, je chéris le reflet fugitif même là-bas, d’une ère où l’espèce était à la mesure de son univers et où persistait un rapport adéquat entre l’exercice de la liberté et ses signes. »

Claude Lévy-Strauss, Tristes tropiques

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13/02/2012

De là, la coexistence dans le monde romain des actes les plus choquants et de la plus sourcilleuse rigueur morale

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« De là, la coexistence dans le monde romain des actes les plus choquants et de la plus sourcilleuse rigueur morale. Vertu (virtus) veut dire puissance sexuelle. La virilité (la virtus) étant le devoir de l’homme libre, la marque de sa puissance, le fiasco était marqué de honte ou de démonie. Le seul modèle de la sexualité romaine est la dominatio du dominus sur tout ce qui est autre. Le viol à l’intérieur des status inférieurs est la norme. Jouir sans mettre sa puissance au service de l’autre est respectable. Une épigramme de Martial définit la norme : "Je veux une fille facile, qui avant moi se donne à mon jeune esclave et qui, à elle seule, en fasse jouir trois à la fois. Quant à celle qui parle haut (grandia verba sonantem) qu’elle aille se faire foutre par la queue d’un imbécile de Bordelais (mentula crassae Burdigalae)." Tout homme actif et non sentimental est honnête. Toute jouissance mise au service (officium, obsequium) de l’autre est servile et de la part d’un homme constitue un signe de manque de virtus, de manque de virilité, donc d’impotentia. De là, la répression féroce des fautes qui nous paraissent par contraste légères en regard d’audaces qui nous semblent au contraire révoltantes. La jeune fille violée est sans tache mais la matrone violée doit encourir la mort. Le baiser de l’affranchi à l’enfant libre est puni de mort. Valère-Maxime rapporte que Publius Maenius tua un pédagogue qui avait donné un baiser à sa fille de douze ans.

L’esclave ne peut sodomiser son maître. C’est l’interdit majeur selon Artémidore. Même, cette vision surgissant au cours d’un rêve crée un certain nombre de problèmes à celui qui l’a vue dans la clandestinité de son âme et dans le silence de la nuit. La sodomie des esclaves par les maîtres était la norme. Les patriciens tendaient le doigt. Ils disaient : Te paedico (Je te sodomise) ou Te irrumo (J’emplis ta bouche de mon fascinus). C’était la sexualité de Cicéron à la fin de la République. C’est celle de Sénèque sous l’Empire. »

Pascal Quignard, Le sexe et l'effroi

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12/02/2012

Tout le drame de la vie est dans la recherche des êtres, plus fougueuse en amour et plus attentive en amitié

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« Qu'un homme qui a appris la vie ait un air de calme et de froideur, qu'il recoure tour à tour, pour écarter le vulgaire, à la politesse ou à l'ironie, il ne fait qu'user de ses droits. Mais prendre pour sa nature ce qui n'en est que les défenses, ce serait la même erreur que de ne pas distinguer une ville de ses remparts. La question n'est pas, pour nous, de ne plus jamais être fous, mais de réserver notre folie pour les occasions qui en sont dignes. Qu'un être paraisse qui, par quelques signes, nous donne à croire qu'il est de la race supérieure, nous déploieront, pour l'accueillir, un enthousiasme qui dépassera infiniment celui de nos premiers temps, car comment comparer la fougue instinctive d'un jeune homme avec la hautaine imprudence d'un homme qui n'ignore rien des dangers auxquels sa folie l'expose et qui trouve sa volupté à les affronter en les connaissant ?



Tout le drame de la vie est dans la recherche des êtres, plus fougueuse en amour et plus attentive en amitié. Ici encore, il convient que notre expérience nous instruise sans nous accabler. Si nombreux que soient les gens médiocres, il ne faut pas qu'ils aient le pouvoir de nous faire douter de ce qui les dépasse et, pleinement convaincus du peu que valent tant d'hommes, nous ne devons jamais oublier ce qu'un homme peut valoir. »

Abel Bonnard, L'Amitié

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Les troupeaux...

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« A quoi bon détruire les dictateurs si l’on continue, sous prétexte de discipline sociale et pour faciliter la tâche des gouvernements, à former des êtres faits pour vivre en troupeaux ? Ce ne sont pas les dictateurs qui font les dictatures, ce sont les troupeaux. »

Georges Bernanos, cité par Paul Sérant dans, Les dissidents de L’action Française, (G. Valois, L. Dimier, J. Maritain, G. Bernanos, R. Brasillach, T. Maulnier, C. Roy)

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11/02/2012

Notre société devrait susciter des résistants, des âmes fortes qui se démarquent d’elles, des visionnaires qui refusent le consensus et créent l’avenir

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« Tu veux aimer et être aimé.
Si il est un idéal qui résiste à tous les doutes, c’est celui-là. Sache qu’il t’a déjà mis dans la bonne direction. Pourtant nous sommes tous spectateurs de l’amour gâché. Toi-même, peut-être as-tu déjà un passé d’amertume. Rien n’est perdu, l’amour ne fait que commencer ; cependant, il n’y parvient qu’en s’appuyant sur la vérité. Le christ nous rend capables de choisir la vérité et de vivre l’amour. Si tu veux aimer et être aimé, cherche le Christ.

Tu n’es pas le premier à chercher ; le Christ a commencé avant toi. Il t’a trouvé : le cherches-tu en retour ? Il t’aime tel que tu es. C’est ainsi, tu n’y pourras jamais rien : il ne te regarde qu’en t’aimant. Etre lucide sans amour, c’est le fait de cette créature splendide qui tourna mal en décidant de se détourner de son créateur. Ce jour-là, Lucifer devint Satan. Ne l’imitons pas : acceptons de nous regarder nous-mêmes qu’en nous aimant, à l’imitation de ce regard que le Christ a sur nous, éternellement et maintenant. […].

Pourquoi fais-tu la moue ? Oui, je suis un prêtre et je te parle comme un prêtre. Tes yeux me disent que tu me vois venir, que mon discours n’est qu’une fiche d’inscription à la "vocation", noyée dans quelques bons sentiments. Sur ce point, tu te trompes. Tu ne tarderas pas à découvrir que les paroles ensorceleuses ne sont pas mon genre. Je préfère te mettre devant la vérité de toi-même. Je ne suis pas un panneau publicitaire, je suis un miroir, le miroir de ton âme : tu n’y vois que toi. As-tu le cran de regarder, ou bien signes-tu l’échec de ta vie en détournant déjà les yeux ? Tu n’auras pas trop de ton existence pour rattraper cette erreur. Hésites-t-u ? Je le comprends, ces choses sont graves. As-tu peur ? Ce n’est pas le Christ qui t’effraie ; il ne procède jamais par la peur. Si tu as peur, c’est de toi-même. Le moment est venu d’affronter, de prendre tes responsabilités.

- Prendre mes responsabilités ? t’exclames-tu. Quel ennui ! je veux vivre. Quel discours d’adulte ! Je suis jeune, j’ai droit à l’insouciance.

- Tu es jeune, en effet, mais tu sais que l’insouciance te fuit déjà. Quelqu’un a dit que l’on est jamais aussi sérieux qu’à dix-sept ans… Dix-sept, vingt, vingt-cinq, et même trente, peu importe ; c’est l’âge des décisions. Toute ta vie va tenir à quelques décisions, à celles que tu prends maintenant et, j’insiste, à celles que tu ne prends pas. Si tu gâches ta jeunesse, tu gâches ce qui lui succédera ; si tu construis ta jeunesse, ta vie entière sera solide.

Permets-moi d’être encore plus féroce que tu ne l’es lorsque tu juges les adultes. Les trouves-tu si admirables ? Pourquoi si peu d’entre eux te donnent-ils envie d’être comme eux ? Cela vaut pour leur mariage, leurs idées, leurs réponses… Bien sur, entre ton idéal et leur vie, il y a les revers, les échecs, les deuils, ou bien le simple atterrissage dans la vie réelle. Il te faut accepter d’en tenir compte, car cela t’arrivera aussi ; mais, tout de même, ils sont bien médiocres, ces adultes. Même quand ils ont réussi, tu me dise qu’ils sont ternes ?. tu as raison, mais tu ignores pourquoi. Laisse-moi te le confier : s’ils sont ternes, c’est souvent parce qu’ils ont gâché leur jeunesse.

Après tout, un adulte n’est rien de plus qu’un jeune comme toi, mais qui est jeune depuis longtemps. Il n’a pas changé, il a vieilli, identique à lui-même, dans la ligne de sa jeunesse. Il était insouciant, avançait sans gravité, brulant son énergie dans la recherche des soirées, de la séduction, des conquêtes ; ne pensant qu’à l’argent à venir, ou qui lui manquerait, se cultivant un peu ou s’abrutissant au travail, remettant à plus tard le Christ, s’oubliant soi-même, oubliant les autres et la grisailles des jours dans les plaisirs déjà marqués par l’ennui. Il était jeune, ce la ne se voyait pas trop, mais tout était là. Ces joies factices ont continué, ou bien se sont faites plus modérées, mais ce vieux jeune n’est plus sage, il n’est que ralenti. Lui ont manqué Dieu, la vérité, l’amour ; une générosité active, un peu de panache.

Certains pensent qu’au moins, ils en ont bien profité. En effet, ils ont dilapidé leur cœur et leur corps. Tu me trouve rabat-joie, tu plaides pour faire la fête ? Fais-là ! Cependant, je ne ferais pas semblant de croire que tu heureux, je sais que tu ne l’es pas. Tu protestes :

- N’ai-je pas droit d’être un jeune normal ?

- Normal ! C’est donc cela que tu n’osais t’avouer : ce que tu cherches, c’est être comme les autres.

Même chez les jeunes chrétiens, qui vivent au nom d’un ailleurs, la tentation est quotidienne. Etre comme les autres, écouter les mêmes musiques (les trouves-tu belles ?), parler avec les même mots (facile, il y en si peu !), vivre et penser comme eux, n’est-ce pas formidable ?

C’est nul.

Puisses-tu au moins, être un caractère. Juge par toi-même, donne le ton. Notre société devrait susciter des résistants, des âmes fortes qui se démarquent d’elles, des visionnaires qui refusent le consensus et créent l’avenir. L’Evangile devrait être l’arbitre de la vie sociale, et non sa honte.

Le moment est venu d’affronter, de prendre tes responsabilités. »

Thierry-Dominique Humbrecht, Lettre aux jeunes sur les vocations

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09/02/2012

L'univers visible, j'y manque d'air respirable

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« L'univers visible, celui qui est fils de l'instinct de conservation, me paraît étroit, m'est comme une prison exiguë contre les barreaux de laquelle vient en voletant heurter mon âme ; j'y manque d'air respirable. Mais, davantage et toujours davantage, je veux être moi, et sans cesser de l'être, être en outre autrui, intérioriser la totalité des choses visibles et invisibles, m'étendre à l'illimité de l'espace et me prolonger à l'infini du temps. N'être pas du tout et pour toujours, c'est comme si je n'étais pas ; ou au moins être tout moi, et l'être pour jamais. Et être tout moi, c'est être tous les autres. Tout ou rien ! »

Miguel de Unamuno, Le sentiment tragique de la vie

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08/02/2012

S'il était avéré qu'hérédité et culture fussent étroitement liées, on préférerait encore sacrifier la culture, par horreur de l'hérédité, antidémocratique par excellence dés lors qu'elle revêt la forme d'un privilège

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« (...) Que, de façon générale, et avec toutes les exceptions inviduelles qu'on voudra, au premier rang desquelles celles du génie, il faille deux ou trois générations pour faire un individu tout à fait accompli culturellement, voila bien, quoique c'ait été la conviction tranquille de presque tous les siècles avant les nötres et de la plupart des civilisations, le genre d'opinions qui ne sauraient en aucune façon être reçue parmi nous. S'il était avéré qu'hérédité et culture fussent étroitement liées, on préférerait encore sacrifier la culture, par horreur de l'hérédité, antidémocratique par excellence dés lors qu'elle revêt la forme d'un privilège. Or, c'est à peu prés ce qui est arrivé, car le lien est bel et bien attesté, comme en atteste à l'envie tout le vocabulaire métaphorique gravitant autour du mot "culture" : "héritage", "patrimoine", "transmission", etc. La culture est la culture des morts, des parents, des grands-parents, des aïeux, des ancêtres, du peuple, de la nation ; et même de cela qu'on ne peut même plus nommer, d'autant qu'il est convenu qu'elle n'existe pas,  "la race". Celle-là, il est significatif qu'elle soit interdite de séjour. Mais, à travers elle, entraîné dans sa chute et dans sa proscription, c'est tout ce qui relève de la lignée, de l'héritage, du patrimoine qui est visé ; et la culture, par voie de conséquence, qui est atteinte. »

Renaud Camus, La grande déculturation

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07/02/2012

La prolétarisation ambiante

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« (…) La prolétarisation ambiante, si sensible culturellement en tous les quartiers et toutes les sous-sections de l’énorme petite bourgeoisie centrale, fait de spectaculaires apparitions, à titre d’emblème, jusqu’au sein du pouvoir, par le biais du langage des ministres, dont plusieurs s’affranchissent délibérément de la contrainte, jusqu’alors à peu prés observée, au moins dans l’exercice de leurs fonctions, de l’usage d’un langage "tiers", et affichent leur soi mêmisme enthousiaste en donnant expressément leur unique souci d’être et de rester eux-mêmes (qu’on aurait pu croire, sinon tout à fait contraire à la dignité ministérielle, du moins parfaitement secondaire par rapport à elle) comme le motif ou la justification de leurs phrases relâchées ou de leurs mots orduriers. Sous sa forme culturelle (au sens si volontiers "contre culturel" du terme) elle se manifeste même au plus haut niveau de l’Etat, non seulement dans les amitiés affichées du président de la République avec les acteurs les plus en vue du cinéma populaire et commercial, dans son intimité chaleureuse avec le milieu qu’on eut appelé jadis de la télévision du samedi soir (mais c’est désormais samedi soir tous les soirs, à la télévision, et toute la journée), mais mêmes dans ses allocutions les plus solennelles, comme celle ou sous la coupole du Capitole, à Washington, il invoque Elvis Presley ou Marilyn Monroe afin de souligner les liens de sa génération (entraînée toute entière à sa suite en un mouvement rhétorique typique de l’impérialisme culturel petit-bourgeois) avec les Etats-Unis d’Amérique. Le tropisme culturel prolétarisant est ici d’autant plus manifeste qu’il se donne à voir et à entendre dans la bouche du chef d’Etat d’une vieille nation de haute et grande culture, bien sur, mais aussi d’un personnage dont on nous rappelle volontiers l’origine aristocratique, il est vrai peu frappante. »

Renaud Camus, La grande déculturation

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06/02/2012

Double Pensée

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« Winston laissa tomber ses bras et remplit lentement d’air ses poumons. Son esprit s’échappa vers le labyrinthe de la double-pensée. Connaître et ne pas connaître. En pleine conscience et avec une absolue bonne foi, émettre des mensonges soigneusement agencés. Retenir simultanément deux opinions qui s’annulent alors qu’on les sait contradictoires et croire à toutes deux. Employer la logique contre la logique. Répudier la morale alors qu’on se réclame d’elle. Croire en même temps que la démocratie est impossible et que le Parti est gardien de la démocratie. Oublier tout ce qu’il est nécessaire d’oublier, puis le rappeler à sa mémoire quand on en a besoin, pour l’oublier plus rapidement encore. Surtout, appliquer le même processus au processus lui-même. Là était l’ultime subtilité. Persuader consciemment l’inconscient, puis devenir ensuite inconscient de l’acte d’hypnose que l’on vient de perpétrer. La compréhension même du mot "double pensée" impliquait l’emploi de la double pensée. »

George Orwell, 1984

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05/02/2012

Un enregistrement de Sheila ou Dalida

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« Qu’entre les riches et les pauvres la seule différence soit désormais l’argent entraîne, parmi plusieurs autres conséquences inattendues, une précarité sociale considérablement accrue des classes privilégiées elles-mêmes qui, de ce fait, n’ont plus le temps d’être des classes, justement, ni, partant, de remplir leur rôle social et culturel. Jadis, une famille qui avait appartenu un certain  temps à la classe privilégiée pouvait maintenir ce statut sur plusieurs générations même après l’effondrement de son niveau économique. La ruine, au temps de la noblesse, mais encore à l’époque bourgeoise, c’est-à-dire jusqu’au dernier tiers du siècle dernier, n’entraînait pas le déclassement social, ou seulement très lentement, parce que l’appartenance de classe n’était pas uniquement déterminée par le niveau de revenus mais aussi par le niveau culturel et la maîtrise plus ou moins grande de certains codes portant sur l’attitude, le vêtement et, au premier chef, sur le langage. En société déculturée, en revanche, ou post culturelle, ou néo culturelle –si l’on peut désigner par cette expression une société ou le mot "culture" a totalement changé de sens et ne désigne plus que les habitudes des uns et des autres, et tout spécialement les habitudes liées au loisir et au divertissement- , en société néo culturelle, donc, l’effondrement économique d’une famille entraîne ipso facto son effondrement social immédiat, ou du moins d’une génération à l’autre. Le rejeton d’une famille "distinguée" et cultivée peut très bien, s’il ne s’est pas intéressé à ses études, s’il n’était pas doué pour elles et s’il n’y a pas réussi, envisager très sérieusement, et même avec impatience et envie, d’être vendeur dans un magasin de chaussures ou chef de rang dans un restaurant ; et réclamer, s’il vient à mourir, qu’à son enterrement on fasse entendre un enregistrement de Sheila ou Dalida. »

Renaud Camus, La grande déculturation

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04/02/2012

Dans un coin près du comptoir il y avait une silhouette de femme pétrie dans un bleu de Prusse qui vous saturait le sang

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« Ce qui lui plaisait dans ce bistrot, c'étaient les couleurs. Il y avait un bon peintre qui avait vécu par ici et qui avait laissé une trace heureuse. Ce peintre était fou de bleu et Constant aussi. Sans doute ce peintre avait-il touché ces murs au début de la guerre quand Paris était soudain devenu tout bleu, d'un bleu secret et délicat de solitude qui se complait doucement et chaudement en elle-même et qui nie avec un entêtement rusé et délicieusement absurde les traînées de froid et de rigueur qui s'approchent de tous les lointains. Ce peintre aimait sans doute le bleu auparavant, mais la circonstance lui avait enjoint de se repaître de sa préférence. Peut-être maintenant, s'il n'était pas mort, aimait-il une autre couleur ? Mais Constant qui n'était pas peintre aimerait toujours le bleu. Il haïssait le verre et mépriser le violet. Avec quelque complaisance pour le jaune, il appréciait le rouge dans la mesure où il se mariait, divorcée et se remarier avec le bleu. Il y avait aussi des terres de Sienne, des cobalts qui le nourrissait bien. Il était goinfre et aimait à se gaver. Il était amoureux des choses. Quelquefois il se disait qu'il aurait pu se passer des gens ; il savait pourtant que les choses ne vivent que par les gens et que jouer des choses est le dernier moyen de communiquer avec les gens : à travers les choses on échange des messages. Et c'est ainsi que lui, Constant, venait causer dans ce bistrot avec un type qui lui disait des paroles bleues comme on en entend pas de bouche à oreille.

Dans un coin près du comptoir il y avait une silhouette de femme pétrie dans un bleu de Prusse qui vous saturait le sang. La ligne ajoutait aux bienfaits de la couleur un autre bienfait. Cela faisait deux bienfaits en même temps : on n'avait pas se plaindre, on avait de quoi se réjouir profondément dans les entrailles de son ventre et de son imagination. Tout cela ne tombe pas du ciel, mais c'était doucement sué par la terre qui était sous ce quartier de bitume et de plâtras et sous ce bistrot de marchandage et de bavardage. Constant rigolait doucement en songeant au bon tour que la terre, la couleur bleue et un copain inconnu jouaient à tous ces idiots crasseux et gentils qui ne savaient pas qu'ils nageaient dans le bleu, dans le suc que le plus raffiné. Pourtant, de temps en temps l'un d'eux semblait une seconde se méfier, s'inquiéter et, interrompant une phrase, suspendant son verre, demeurait bouche bée devant une tâche, une éclaboussure de magie et de fascination. Constant connaissait bien la terre. Bien qu'il fût de Paris, il connaissait la terre. Il ne l'avait jamais ignorée ; il l'avait toujours soupçonné, devinée, décelée sous les quartiers. Il n'avait aimé rien tant que les travaux de voirie qui, tout d'un coup, fendaient le bitumes et l'asphalte, cassaient le ciment et autour des tuyaux faisaient resurgir la chair vive, non pas seulement cette matière rapportée et sableuse qui est tout de suite sous le pavé, mais plus en dessous, le terreau même. »

Pierre Drieu la Rochelle, Les Chiens de paille

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03/02/2012

Il conclut au conditionnel désespoir des millénaires

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« Le Christianisme lui donnait sa parole d’honneur de l’Éternité bienheureuse, mais à quel prix ! Il la comprenait, maintenant, cette fringale de supplices de toute son enfance ! C’était le pressentiment de la Face épouvantable de son Christ !... Face de crucifié et face de juge sur l’impassible fronton du Tétragramme !...
Les misérables se tordent et meurent depuis deux mille ans devant cette inexorable énigme de la Promesse d’un Règne de Dieu qu’il faut toujours demander et qui jamais n’arrive. "Quand telles choses commenceront, est-il dit, sachez que votre Rédemption approche". Et combien de centaines de millions d’êtres humains ont enduré la vie et la mort sans avoir rien vu commencer !
Marchenoir considérait cette levée d’innombrables bras perpétuellement inexaucés et il comprit que c’était là le plus énorme de tous les miracles. - Voilà dix-neuf siècles, pensa-t-il, que cela dure, cette demande sans réponse d’un Père qui règne in terra et qui délivre. Il faut que le genre humain soit terriblement constant pour ne s’être pas encore lassé et pour ne s’être pas assis dans la caverne de l’absolu désespoir !
Il conclut au conditionnel désespoir des millénaires. »

Léon Bloy, Le désespéré

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02/02/2012

Vivre une existence double !

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« Vivre une existence double ! Etre et paraître ! Les grands aventuriers affirment qu’ils y trouvent une intensité de plaisir nerveux qui triple la joie de vivre (…). Combien il doit être vif, le frisson de ces aventureux qui, tout en s’accommodant de leur milieu ordinaire, goûtent et réalisent les voluptés de deux ou trois vies morales différentes et contradictoires. »

Maurice Barrès, Du sang, de la volupté et de la mort

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01/02/2012

Le mépris de soi ne nous sauvera pas du bain de sang. L’habitude de la capitulation fera le reste.

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« (…) Voila pourquoi je pense que l’islamisation, totale ou partielle, est la réponse la plus probable à la question : "Que va-t-il se passer ?". Il va se passer que des pans entiers et sans cesse s’élargissant de la France et de l’Europe vont ressembler de moins en moins à la France et à l’Europe que nous avons connues (mais que de moins en moins d’individus auront connues, et que la déculturation générale leur permettra d’oublier, de méconnaître et de calomnier). En revanche des pans entiers et sans cesse s’élargissant de la France et de l’Europe ressembleront de plus en plus et ressemblent déjà à ce qui s’observe dans les contrées où l’Islam est traditionnellement implanté ; et tout particulièrement bien sûr, s’agissant de la France, dans celles de ces contrées, à prédominance arabe ou berbère, d’où sont originaires la plupart des populations transplantées. On peut le conclure très clairement de l’observation des zones où l’influence ou la présence "arabo-musulmane" (pour le dire très vite et bien sûr imparfaitement) sont déjà majoritaires : ce n’est pas le sol ni le "droit du sol" qui détermineront le type de société qui aura cours : c’est le type de population. »

« (…) Des villes comme Alger ou Gaza, des pays comme l’Algérie, la Tunisie, la Palestine, des scènes de rues comme celles qui s’observent à Ramallah ou La Mecque, des systèmes économiques et d’économie parallèle, des taux de chômage, , des répartitions de l’aide publique tels qu’en connaissent le Maroc ou la Jordanie, des modes de gouvernement comme ceux de la Syrie, de l’Egypte ou encore une fois de l’Algérie, peuvent sans doute nous donner une idée beaucoup plus juste de ce qui va advenir en France que l’étude attentive et docte du "modèle Danois" ou du "paradigme Blairien". »

« (…) Toutefois, au moins dans un premier temps, c’est sans doute au Liban que la situation ressemblera le plus, les politiques menées en France depuis trente ans et davantage paraissant avoir tendu scrupuleusement à la reconstitution assez scrupuleuse du type libanais de société (avec quelques éléments empruntés aussi à l’Irlande du nord et à l’ex Yougoslavie, ou évoquant l’Irak le plus contemporain). »

« (…) Y aura-t-il ou non une guerre civile ? S’il faut absolument répondre à la question, je dirais que je pencherais plutôt, très légèrement, pour la négative. L’effondrement moral, culturel, intellectuel, grammatical, spirituel, "religieux", que dis-je "hormonal", d’une des parties au conflit éventuel l’empêchera sans doute de se lancer dans une résolution aussi extrême que le conflit armé ; et l’engagera très fort à le fuir, même, quel que soit le prix à payer pour ce désistement. La déculturation systématique dont a fait l’objet cette partie là de la population (la plus anciennement sur place) lui enlèvera toute conscience d’avoir quelque chose à défendre. Et de fait il ne lui restera pour ainsi dire rien, sinon une liberté dont elle se dégoûtera volontiers, sachant trop bien lui devoir ce qu’elle est devenue et que non sans raison elle déteste, même si ses raisons de se détester elle-même ne sont pas les bonnes. Le mépris de soi ne nous sauvera pas du bain de sang. L’habitude de la capitulation fera le reste. »

Renaud Camus, Le communisme du XXIième siècle

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31/01/2012

Derrière l'horizon...

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« Quand il eut ainsi apaisé la tendresse de sa dernière heure, lui qui n'avait pas sur son glaive le signe du martyre divin qui ordonne même aux héros de se résigner et de souffrir, il saisit près de lui sa compagne, son espingole, chaude encore de tant de morts qu'elle avait données le matin même, et, toujours silencieux et sans qu'un mot ou un soupir vînt faire trembler ses lèvres, bronzées par la poudre de la cartouche, il appuya l'arme contre son mâle visage et poussa du pied la détente. Le coup partit. La forêt de Cérisy en répéta la détonation par éclats qui se succédèrent et rebondirent dans ses échos mugissants. Le soleil venait de disparaître. Ils étaient tombés tous deux à la même heure, l'un derrière la vie, l'autre derrière l'horizon. »

Jules Barbey d’Aurevilly, L'ensorcelée

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30/01/2012

Le disque éclatant du soleil qui montait, explosa derrière ses paupières

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« Isao aspira profondément et ferma les yeux en se caressant doucement l'estomac de la main gauche. Saisissant le couteau de la droite, il en appuya la pointe contre son corps et la guida vers le bon endroit du bout des doigts de l'autre main. Puis, d'un coup puissant du bras, il se plongea le couteau dans l'estomac. À l'instant où la lame tranchait dans les chairs, le disque éclatant du soleil qui montait, explosa derrière ses paupières. »

Yukio Mishima, Chevaux échappés

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29/01/2012

La vie telle qu'elle se présente

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« Qu'importe mon livre ? [Voyage au bout de la nuit] Ce n'est pas de la littérature. Alors ? C'est de la vie, la vie telle qu'elle se présente. La misère humaine me bouleverse, qu'elle soit physique ou morale. Elle a toujours existé, d'accord ; mais dans le temps on l'offrait à un dieu, n'importe lequel. Aujourd'hui, dans le monde, il y a des millions de miséreux, et leur détresse ne va plus nulle part. Notre époque, d'ailleurs, est une époque de misère sans art, c'est pitoyable. L'homme est nu, dépouillé de tout, même de sa foi en lui. C'est ça, mon livre. [...] J'ai écrit comme je parle. Cette langue est mon instrument. Vous n'empêcheriez pas un grand musicien de jouer du cornet à piston. Eh bien ! je joue du cornet à piston. Et puis je suis du peuple, du vrai... »

Louis-Ferdinand Céline, Interview avec Pierre-Jean Launay, Paris-Soir, 10 novembre 1932

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28/01/2012

Il rappelait aussi que toutes les cultures ne se valent pas, et que l'art est une hiérarchie, une vibrante échelle, un faisceau de dures vérités et de merveilles

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« La littérature suppose une hiérarchie de l'inactuel : une échelle de valeurs, la verticalité, une puissance critique - tout le contraire de l'horizontalité d'un Occident mosaïfié par les minorités et rongé par le refus de toute forme d'autorité vécue comme oppressive tout en en appelant à la dictature d'un consensus universel.

Lorsque Saul Bellow demandait qu'on lui montrât le Proust des Papous et le Tolstoï des Zoulous, cette boutade était aussi une façon d'en revenir à la verticalité, à l'héritage commun de la civilisation universelle dans laquelle les Papous n'ont joué aucun rôle, sinon pour rappeler la différence entre état de nature et haute civilisation ; il rappelait aussi que toutes les cultures ne se valent pas, et que l'art est une hiérarchie, une vibrante échelle, un faisceau de dures vérités et de merveilles. »

Richard Millet, Désenchantement de la littérature

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