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27/01/2012

Les flammes, semblables à des serpents de feu se réveillaient aussitôt et rien ne parvenait à arrêter la morsure de cette lèpre ardente

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« Les bombes au phosphore avaient mis le feu à des quartiers entiers de cette ville, faisant un grand nombre de victimes. Jusque là, rien d’extraordinaire, même les Allemands sont mortels. Mais des milliers et des milliers de malheureux, ruisselant de phosphore ardent, dans l’espoir d’éteindre le feu qui les dévorait, s’étaient jetés dans les canaux qui traversent Hambourg en tous sens, dans le port, le fleuve, les étangs, dans les bassins des jardins publics ou s’étaient faits recouvrir de terre dans les tranchées creusées ça et là sur les places et dans les rues pour servir d’abri aux passants en cas de bombardement. Agrippés à la rive et aux barques, plongés dans l’eau jusqu’à la bouche, ou ensevelis dans la terre jusqu’au cou, ils attendaient que les autorités trouvassent un remède quelconque contre ce feu perfide. Car le phosphore est tel qu’il se colle à la peau tel une lèpre gluante, et ne brûle qu’au contact de l’air. Dès que ces malheureux sortaient un bras de la terre ou de l’eau, le bras s’enflammait comme une torche. Pour échapper au fléau, ces malheureux étaient contraints de rester immergés dans l’eau ou ensevelis dans la terre comme les damnés de Dante. Des équipes d’infirmiers allaient d’un damné à l’autre, distribuant boisson et nourriture, attachant avec des cordes les plus faibles au rivage, afin qu’ils ne s’abandonnent pas vaincus par la fatigue, et se noient ; ils essayaient tantôt un onguent, tantôt un autre, mais en vain, car tandis qu’ils enduisaient un bras, une jambe ou une épaule, tirés un instant hors de l’eau ou de la terre, les flammes, semblables à des serpents de feu se réveillaient aussitôt et rien ne parvenait à arrêter la morsure de cette lèpre ardente. »

Curzio Malaparte, La peau

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26/01/2012

Restent un homme mort et un homme libre

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La conscience de son temps, Jean-Sol Partre, a écrit des enculades de l'ordre de celle qui suit. Après on se demande pourquoi le petit blanc occidental, sans culture et dépourvu de la moindre jugeotte se hait tant !

«  Abattre un Européen, c'est faire d'une pierre deux coups, supprimer en même temps un oppresseur et un opprimé ; restent un homme mort et un homme libre. »

Jean-Paul Sartre, Préface aux "Damnés de la Terre" de Franz Fanon

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Selon le discours en vogue, la France aurait toujours été un creuset de populations. Du point de vue historique, cette assertion est fausse.

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« Selon le discours en vogue, la France aurait toujours été un creuset de populations. Du point de vue historique, cette assertion est fausse. Du VIe au XIXe siècle, le fond du peuple français est demeuré le même. Au XIXe siècle apparaît une immigration saisonnière, les travailleurs retournant dans leur pays après leur labeur. La première grande vague migratoire a lieu après la Première Guerre mondiale. Elle est constituée d’ Italiens, d’Espagnols, de Polonais et de ressortissants d’autres nations de l’Est. Ceux-ci s’assimilent peu à peu, par le biais de l’école, du service militaire et de la guerre -certaines institutions exerçant une force intégratrice : l’Église catholique, les syndicats, et même le Parti communiste. A partir de 1946, la seconde vague migratoire vient d’Algérie. Sous la IVe République, contrairement à ce qui se répète, ce n’est pas le patronat qui fait venir cette main-d’œuvre : ce sont les pouvoirs publics, afin de trouver une issue à l’explosion démographique de la population musulmane d’outre-Méditerranée. Après 1962, l’Algérie indépendante, le flux migratoire reprend en vertu de la libre circulation stipulée par les accords d’Evian. Si l’immigration est officiellement interrompue en 1974, le regroupement familial, autorisé en 1975, accroît dans les faits le nombre d’arrivants. D’autres courants migratoires apparaissent, issus d’Afrique noire ou d’Asie. Et en vertu de la loi, tout enfant né en France de parents étrangers peut, à sa majorité, accéder à la nationalité française. »

Jean Sévilla, Le terrorisme intellectuel

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25/01/2012

Impétueuse jeunesse

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« Il n'est dans la vie qu'une jeunesse, et l'on passe le reste de ses jours à regretter, et rien au monde n'est plus merveilleux et plus émouvant. Parfois, les hommes nient le regret, nient la merveille et l'émotion. Et peut-être même sont-ils sincères, ont-ils fini par oublier. Ils n'empêcheront pas la merveille d'avoir été, d'avoir contenu tout ce qu'un corps humain peut supporter de plus exaltant sans se rompre. Ils n'empêcheront pas qu'aucune satisfaction du plaisir, de l'ambition, de la réussite, de l'amour ou de la vérité, vaille jamais dans notre souvenir quelques instants fragiles et naïfs. Si nous étions francs envers nous-mêmes, que de fois nous nous laisserions aller, nous mordrions notre paume ou notre poignet, les yeux fermés sur un soir d'été au bord de la mer brune, sur un couple qui danse dans les collines, une ville forte dans la montagne, sur une cour de lyçée, un jardin d'école, un toit, une rue brusque et surgissante, minutes magiques ensevelies. Si la trentième année est l'âge des erreurs parfois graves, c'est qu'on s'imagine pouvoir y prolonger encore ces minutes, c'est qu'on croit n'avoir pas encore changé, c'est qu'on les retient dans ses mains comme un sable, comme une eau, c'est que l'apparence physique, les circonstances, la proximité trop grande de la jeunesse nous dupent, et que nous croyons qu'il est encore temps. Alors que d'autres joies peuvent être les nôtres, mais plus celles-là. »

Robert Brasillach, Les sept couleurs

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24/01/2012

La solitude volontaire et la résistance à la contrainte extérieure

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« Péguy, Bernanos, Claudel. Si je rapproche ici ces noms, ce n'est pas parce qu'ils sont tous trois ce que l'on est convenu d'appeler des écrivains catholiques. Catholiques, ils le sont, chacun à sa manière, mais cela ne suffit pas, loin de là, à les définir. Si je les ai réunis, c'est d'abord parce que chacun d'eux a représenté, à diverses époques de ma vie, un formidable instrument d'émancipation intellectuelle. Ils m'ont aidé à me libérer de mon temps, à prendre des distances vis-à-vis de lui, et plus encore, vis-à-vis de moi-même. Quand le monde tout entier paraît s'affaisser sur son axe et que l'on se sent gagné par la lâche tentation de composer avec ce qu'il charrie de plus médiocre, alors Péguy, Bernanos et Claudel sont des recours. Ils nous arrachent à la vulgarité ambiante et bien souvent nous en protègent. Non que chacun d'entre eux n'ait eu, à l'occasion, ses faiblesses. Mais leurs erreurs n'ont jamais été inspirées par la complaisance à leur époque ; ils n'ont jamais emprunté leurs aveuglements à leurs contemporains. Leur marginalité fut à la fois un fait subi et une situation voulue. Subie, parce qu'elle est en effet pour partie liée à leur position d'écrivains catholiques. Voulue, parce qu'en érigeant l'ostracisme dont ils furent victimes en sécession délibérée, ils ont fait de ce défi à leur temps la source principale de leur inspiration. Les grandes oeuvres peuvent bien exprimer leur époque, elles n'en sont pas moins bâties sur la solitude volontaire et la résistance à la contrainte extérieure. »

Jacques Julliard, L'argent, Dieu et le diable - Péguy, Bernanos, Claudel face au monde moderne

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23/01/2012

L’immense majorité du troupeau consume sa poésie à espérer qu’il sera fonctionnaire

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« On se demande où mènent les fastidieuse études qu’on impose à la jeune bourgeoisie : elles mènent au café. Mobilier malpropre, service bruyant et familier, chaleur de gaz intolérable ! Comment demeurer là, sinon par veulerie ? C’est compromettre son hygiène morale plus fâcheusement qu’en aucun vice, puisqu’on n’y trouve ni passion, ni jouissance, mais seulement de mornes habitudes. Voilà pourtant le chenil des jeunes bacheliers qui sortent des internats pour s’adapter à la société moderne… A marcher, le fusil en main, auprès des camarades, dans les hautes herbes, avec du danger tout autour, on nouerait une amitié de frères d’armes. Si cette vie primitive n’existe plus, si l’homme désormais doit ignorer ce que mettent de nuances sur la nature les saisons et les heures diverses du soleil, certains jeunes gens du moins cherchent, dans des entreprises hardies, appropriées à leur époque, mais où ils payent de leur personne, à dépenser leur vigueur ; et ils échangent avec les associés de leurs risques une sorte d’estime… bien différente de celle qu’on prodigue à la respectabilité d’un chevalier de la Légion d’honneur.

Comme ils sont une minorité, ces oseurs ! L’immense majorité du troupeau consume sa poésie à espérer qu’il sera fonctionnaire. Cartonnant, cancanant et consommant, ces demi-mâles, ou plutôt ces molles créatures que l’administration s’est préparées comme elle les aime, attendent au café, dans un vil désoeuvrement, rien que leur nomination. »

Maurice Barrès, Les déracinés

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Mille brasiers d’un modernisme fracassant

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« L’américanophobie, on le sait, est un très vilain défaut ; mais l’allergie à l’Empire, ce que l’on pourrait appeler l’empirophobie, a peut-être de beaux jours devant elle. Serions-nous en train de nous ressaisir tandis qu’ils s’apprêtent à allumer, aux quatre coins de la planète, mille brasiers d’un modernisme fracassant dont ils espèrent bien qu’on leur demandera ensuite de les éteindre, et cela jusqu’à la consommation des temps ? »

Philippe Muray, Festivus Festivus

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21/01/2012

Nous disons non à tous les visages de la mort

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« Nous ne sommes ni de droite, ni de gauche, nous ne sommes même pas d’en haut, nous sommes de partout. Nous sommes las de mutiler l’homme ; que ce soit pour l’accabler comme à droite ou pour l’adorer comme à gauche, nous sommes las de le séparer de Dieu. Nous n’abandonnerons pas un atome de la vérité totale qui est la nôtre. Au nom de quoi nous attaque-t-on ? Nos adversaires sont-ils pour le peuple ? Nous le sommes. Pour la liberté ? Nous le sommes. Pour la race, pour l’Etat, pour la justice ? Nous sommes pour tout cela, mais pour chaque chose à sa place. On ne peut nous frapper qu’en nous arrachant nos propres membres. Nous sommes pour chaque partie, étant pour le tout. Nous ne voulons rien diviniser de la réalité humaine et sociale parce que nous avons déjà un Dieu ; nous ne voulons rien repousser non plus parce que tout est sorti de ce Dieu. Nous ne sommes contre rien. Ou plutôt, car le néant est agissant aujourd’hui, nous sommes contre le rien. Devant chaque idole, nous défendons la réalité que l’idole écrase. Sous quelque fard qu’ils se présentent, nous disons non à tous les visages de la mort. »

Gustave Thibon, Retour au réel

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20/01/2012

Le relativisme absolu conduit à un indifférentisme

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Jacques Dewitte

« Alors qu’il voyageait au Mexique et visitait des sites archéologiques amérindiens en compagnie d’un écrivain mexicain, le philosophe polonais Kolakowski en est venu à se demander "où sont les barbares ?". Sont-ils du coté des conquistadores, lesquels sont barbares parce qu’ils ont voulu détruire une culture extra-européenne ? Ou bien ne seraient-ce pas plutôt du coté de ces Européens qui, devenus indifférents à leur propre tradition, posent l’équivalence absolue de toutes les cultures ? Dans ce cas on devrait paradoxalement admettre que les conquistadores seraient non seulement les derniers Européens, mais les derniers non-barbares. Car le relativisme absolu conduit à un indifférentisme et à une dissolution de tout ce à quoi l’on peut adhérer en quelque manière.

Il s’agit d’une boutade permettant surtout de prendre en considération ce problème capital : jusqu’où peut on aller dans la remise en question critique de soi-même. Peut-on aller, sans contradiction, jusqu’à approuver, le cas échéant, la barbarie dans un souci de respect des "autres" et de leur "altérité". Il s’agit en effet de déjouer le piège dans lequel tombe le relativisme culturel en finissant par nier la différence même entre lui-même et ses ennemis.

Etre barbare, c’est être emprisonné dans son exclusivisme et son fanatisme. Si l’on est fier d’en être sorti, si l’on se pique d’avoir surmonté l’enfermement dans la clôture ethnocentrique, alors on ne peut s’interdire de condamner la barbarie éventuelle des autres.

Faute de quoi l’universalisme se contredit lui-même :

"Il se nie s’il est généreux au point de méconnaitre la différence entre l’universalisme et l’exclusivisme […] entre soi-même et la barbarie ; il se nie si, pour ne pas tomber dans la tentation de la barbarie, il donne aux autres le droit d’être barbare".

L’universalisme ne peut donc rester à l’intérieur de la culture qui l’a produit [la culture européenne] et s’arrêter aux frontières des autres cultures, par "respect de leur différence". S’il ne veut pas se nier lui-même, il ne peut pas ne pas impliquer un certain prosélytisme. "L’universalisme se paralyse lui-même s’il ne se croit pas universel, c'est-à-dire propre à être propagé partout".

Kolakowski évoque de manière frappante une situation concrète qui est plus actuelle que jamais, dans les pays européens ayant accueilli d’importantes populations musulmanes et où certaines organisations tentent de faire reconnaître la charia à l’encontre du droit européen : quelle attitude adopter face aux règles de la loi islamique qui prescrit notamment la lapidation pour la femme adultère (ou la flagellation pour les hommes), ou bien l’amputation de la main pour la fraude fiscale ?

"Si l’on dit, dans un cas pareil, "c’est la loi coranique, il faut respecter les autres traditions", on dit en fait : "ce serait terrible pour nous, mais c’est bon pour ces sauvages" ; par conséquent, ce qu’on exprime, c’est moins le respect que le mépris des autres traditions, et la phrase "toutes les cultures sont égales" est la moins propre à décrire cette attitude". »

Leszek Kolakowski, "Où sont les barbares ?", Le village introuvable, Bruxelles, Complexe, 1978, p. 110-111, commenté ici par Jacques Dewitte dans L’exception européenne. Ces mérites qui nous distinguent, Paris, Michalon, 2008, p. 34-35


Leszek KOLAKOWSKI

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18/01/2012

Sa vraie patrie n'est-elle pas quelque part du côté de la constellation d'Orion ?

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« Ce 28 octobre 2005, au parc de la Muette, rencontre, dans l'après-midi, avec Yves Adrien et Édouard Burgalat [note de Tomblands : vraisemblablement faut-il comprendre Bertrand Burgalat]. C'est un bien grand jour. Yves Adrien et moi nous nous surveillons, nous nous attendons depuis une trentaine d'années, sans que nous nous soyons, à ce jour, rencontrés. C'est le "noble voyageur", personnage hors du temps et des temps, "venu d'ailleurs", qui subit avec une indifférence affectée les stigmates transparents de son état de grâce, qui se trouve là, devant moi ; l'incroyable accomplissement, tout arrive. Un ange à double identité, noire et blanche, la blanche l'emportant de loin sur la noire qui, subtilement, ne sert que de faire-valoir. Cette ambiguïté est-elle autre chose qu'une étincelante voilure ?

Une grâce aristocratique le commande, impitoyablement ; selon un mot de Charles Dickens, elle "porte l'estampille du ciel", et sa soumission est la garantie de son excellence prédestinée. Une grâce aérienne commande à son être, à tout instant. Et c'est sans doute ce qui crée un certain malaise, une certaine peur. Sans cesse il impose à ce monde une présence étrangère, d'outre-monde. Qui sont ses étranges, ses mystérieuses protections occultes, qui parvienne tà le maintenir hors des atteintes des "centrales du Chaos" ? Un jour, on saura peut-être qui était Yves Adrien, mais ce sera trop tard, bien trop tard.

En attendant, il est chose certaine que les opérations confidentielles dont il a la charge en ce monde contribuent à rétablir en permanence les déficiences imposées à celui-ci par les ténèbres menant leurs jeux cachés. Sa vraie patrie n'est-elle pas quelque part du côté de la constellation d'Orion ? Ce qu'il faut savoir, c'est que les temps d'Orion reviennent, et ceux de ses anciennes zones d'influence religieuse et civilisationnelle ; et qu'il ne s'agit pas seulement de l'Égypte, mais aussi du cœur irradiant de l'Eurasie, de la "Grande Europe".

Yves Adrien m'a confié qu'il ne se séparait jamais d'une petite image de sainte Thérèse de Lisieux la représentant sur son lit de mort, les yeux clos, la bouche entrouverte, on dirait qu'elle respire encore ; le visage secrètement brûlé, comme taché par la grande fièvre de la mort ; au-dessous de l'image, une brève citation des écrits de la sainte : " ...ô mon Dieu, vous avez dépassé mon attente". La même image de Thérèse n'a pas un seul instant quitté, depuis une trentaine d'années et plus, ma table de chevet.

Nous autres, l'"armée clandestine" des dévots inconditionnels de sainte Thérèse de Lisieux, constituons actuellement une des armatures les plus sûres de l'Église, le visage de la petite sainte illuminant nos vies en profondeur, comme un vivant soleil de grâce. Comme une garantie de salut, de victoire d'avance acquise par sa veille toute-puissante. Je ne peux encore en être certain, mais il se peut que cette nuit même - la nuit du 8 au 9 novembre 2005 - sainte Thérèse de Lisieux m'ait enfin accordé son pardon. (ce mystérieux pardon serait-il à mettre en relation avec ma rencontre avec Yves Adrien ? Je me le demande.) »

Jean Parvulesco, Un Retour en Colchide

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17/01/2012

Ce qu’il nous faut, c’est un roi en haillons ! Un vagabond sublime ! Un délirant profond !

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« "Oubliez les Bourbon, les Orléans, toute cette racaille. Ils sont démocrates, ils font de l’informatique et vont skier l’hiver. Leur idéal, c’est l’inauguration des maternelles. La solution aujourd’hui c’est de révolutionner la monarchie et d’inventer un nouveau roi pour les mille ans à venir."
"Un nouveau roi ?"
"Parfaitement ! Ce qu’il nous faut, c’est un roi en haillons ! Un vagabond sublime ! Un délirant profond ! Un lumpen-roi avec une couronne taillée dans une boîte de conserve !"
"Une boite de conserve ?"
"Ha ha ! La République est une salope ! Elle nous a chié dans les bottes !" a gueulé Lucien.
"Ouais, mais on va le trouver où, le roi des vagabonds ?" a demandé Pierre-Henri.
"Ca c’est une bonne question !" a répondu Lucien en claquant à nouveau des doigts.
"Peut-être bien qu’il faudra aller le chercher dans les catacombes, les gars."
"Dans les catacombes ?"
"C’est ce que j’ai dit."

Il y a eu un autre silence. Pierre-Henri se grattait la tête.

"Dans les catacombes" il a répété.
"Toute façon, on n’a pas le choix" a repris Lucien. "C’est une question de vie ou de mort." »

Olivier Maulin, Petit monarque et catacombes

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16/01/2012

L'évènement est l'ordinaire par excellence

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« A une société statistiquement envisagée, il n'arrive rien, sinon d'infimes et négligeables oscillations des courbes. C'est pour cette raison que malgré le caractère négligeable des variations, le journal télévisé peut présenter les statistiques des tués sur les routes, du chômage, du prix du baril, du niveau du CAC 40, etc, comme des évènements ; mais à qui donc arrivent-ils ? On comprend mieux que l'homme contemporain n'ait plus besoin de méditation symbolique, de création artistique, langagière, iconique: la réalité de la condition humaine - temporalité, incertitude, mortalité - qui les rendait nécessaires se trouve, dans ce fonctionnement social, parfaitement escamotée. Foucault montre bien ce qui, au niveau du rapport à l'évènement, distingue les techniques disciplinaires des techniques de contrôle : la discipline essaie de faire en sorte que l'évènement ne se produise pas ; le contrôle, au contraire, laisse arriver l'évènement : on ne peut pas empêcher l'évènement de se produire, mais on peut faire en sorte qu'il ne veuille rien dire, qu'il ne soit pas significatif, qu'il ne soit plus un évènement. On y parvient en abordant les choses d'un point de vue statistique : car alors, loin d'ébranler l'ordinaire, l'évènement est l'ordinaire par excellence, intégralement soumis à des lois. On fait donc en sorte que, s'il y a bien évènement, cet évènement n'arrive au fond à personne, sinon à ce "on" qui n'est qu'un personnage statistique.
Cette convergence, indiquée par Foucault, entre la statistique et le pouvoir laisse apparaître le mécanisme par lequel est prise en charge la temporalité de la vie humaine. Si l'évènement a lieu, mais ne le concerne plus, si le devenir suit son cours mais n'est plus le sien, alors l'individu est tout bonnement exproprié de la contingence de sa propre existence: sa vie reste bien ce pur quelconque sans rime ni raison, mais peu importe, il n'a plus d'effroi à en éprouver, puisque ce n'est plus sa vie, mais une vie panoptique intégrale, par là d'emblée justifiée dans sa contingence même, et dont celui qui était jadis sujet est devenu l'objet. La contingence des faits de l'existence est compensée par le caractère scientifique de leur occurrence, dont le sujet est expulsé.
Loin d'offrir la possibilité d'une symbolisation, la société intégrale, parce qu'elle transit le temps tout entier, qu'elle restitue ensuite par segments inertes, vidé de son événementialité, de son arrivée, laisse l'individu aux prises avec une contingence d'autant plus cruelle et sauvage qu'il ne peut s'y individuer, qu'elle ne s'offre pas comme expérience possible, qu'il ne peut pas composer avec l'évènement. La condition scientifique et biologique de l'existence humaine, réduite à celle de l'espèce aux prises avec un "environnement", a privé les évènements de leur possibilité de faire sens. Tout au plus est-ce bon ou mauvais pour la santé, qu'il s'agisse de la sienne propre ou de celle du "gros animal" social, comme disait déjà Platon. »

Cédric Lagandré, La société intégrale

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15/01/2012

La comédie gôchiste

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« Quand on est un bourgeois de gauche, on n’est pas un révolutionnaire mais on a une "sensibilité révolutionnaire". Cela signifie qu’on n’ira risquer ni sa peau, ni sa fortune pour la révolution prolétarienne, mais qu’on est toujours prêt à toutes les faiblesses, à toutes les compromissions, les lâchetés, pour avancer l’heure de son triomphe. Une telle disposition procure au sujet la flatteuse sensation qu’il a conscience du péril personnel où il se trouve engagé, mais qu’il se laisse déborder par son tempérament poétique. On fait généralement de ce genre d’imbéciles une grande réputation d’intelligence. (...) Tout écrivain, s’il veut être pris au sérieux, fût-il apparenté aux 200 familles, se doit d’avoir la fibre révolutionnaire. »

Marcel Aymé, Le confort intellectuel

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14/01/2012

La violence dans l’amitié a quelque chose de sain

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« La violence dans l’amitié a quelque chose de sain, de réconfortant. Cela équivaut, sur le plan de la pensée, à ces bagarres à coups de poing qui éclatent entre les jeunes gens. Après avoir cogné de tout leur cœur, les adversaires vont boire fraternellement un verre au café : leur amitié est sortie fortifiée de leur bataille ; elle s’accompagne d’une admiration nouvelle pour leurs muscles et leur courage. Ah, le délicieux sentiment que l’amitié ! D’un ami, que l’on a élu parce qu’on a trouvé en lui une conformité de pensée et de sentiments, parce qu’on l’a reconnu de même race que soi, un frère du cœur et de l’esprit, on accepte tout sans mettre en doute ses motifs. L’amitié est un sentiment viril : plus elle semble rude et impitoyable, plus elle est tendre au fond, et sourcilleuse, et attentive. C’est une âme de jeune mère dans un corps de rhinocéros. »

Jean Dutourd, L'âme sensible

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13/01/2012

Les amantes qui quittent notre vie

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« Les amantes qui quittent notre vie sont plus pathétiques que les mortes, car les amantes en allées sont celles que nous avons enterrées vivantes. »

Edgar Lee Masters, Autobiographie

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12/01/2012

Et ils glorifiaient le Bon Dieu qui les faisait riches

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« Cette conception (accordant le primat à la technique) a énormément facilité l’établissement du régime en justifiant les hideux profits de ses premiers bénéficiaires. Il y a cent cinquante ans, tous ces marchands de coton de Manchester — Mecque du capitalisme universel — qui faisaient travailler dans leurs usines, seize heures par jour, des enfants de douze ans que les contremaîtres devaient, la nuit venue, tenir éveillés à coups de baguette, couchaient tout de même avec la Bible sous leur oreiller. Lorsqu’il leur arrivait de penser à ces milliers de misérables que la spéculation sur les salaires condamnait à une mort lente et sûre, ils se disaient qu’on ne peut rien contre les lois du déterminisme économique voulues par la Sainte Providence, et ils glorifiaient le Bon Dieu qui les faisait riches…Les marchands de coton de Manchester sont morts depuis longtemps, mais le monde moderne ne peut les renier, car ils l’ont engendré matériellement et spirituellement. (…) Leur réalisme biblique, devenue athée, a maintenant des méthodes plus rationnelles. (…) La politique de production à outrance ménage aujourd’hui sa main-d’œuvre, mais la furie de spéculation qu’elle provoque déchaîne périodiquement des crises économiques ou des guerres qui jettent à la rue des millions de chômeurs, ou des millions de soldats au charnier… Oh ! je sais bien que des journalistes, peu respectueux de leur public, prétendent distinguer entre ces deux sortes de catastrophes, mettant les crises économiques au compte du Système, et les guerres à celui des dictateurs. Mais le déterminisme économique est aussi bon pour justifier les crises que les guerres, la destruction d’immenses stocks de produits alimentaires en vue seulement de maintenir les prix comme le sacrifice de troupeaux d’hommes. »

Georges Bernanos, La France contre les Robots

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11/01/2012

Un animal économique

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« Qu’il s’intitule capitaliste ou socialiste, ce monde s’est fondé sur une certaine conception de l’homme, commune aux économistes anglais du XVIIe siècle, comme à Marx ou à Lénine. On a dit parfois de l’homme qu’il était un animal religieux. Le système l’a défini une fois pour toutes un animal économique, non seulement l’esclave mais l’objet, la matière presque inerte, irresponsable, du déterminisme économique, et sans espoir de s’en affranchir, puisqu’il ne connaît d’autre mobile certain que l’intérêt, le profit. Rivé à lui-même par l’égoïsme, l’individu n’apparaît plus que comme une quantité négligeable, soumise à la loi des grands nombres ; on ne saurait prétendre l’employer que par masses, grâce à la connaissance des lois qui le régissent. Ainsi, le progrès n’est plus dans l’homme, il est dans la technique, dans le perfectionnement des méthodes capables de permettre une utilisation chaque jour plus efficace du matériel humain. »

Georges Bernanos, La France contre les Robots

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10/01/2012

Si belles-figures-pour-cortège-de-mariage

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« C'était merveille de voir leurs airs doucereusement contents de soi, leurs félicitations mutuelles, quand ils venaient de faire passer une motion toute niaise ou insane. Braves types à l'occasion, sales types à l'occasion, pauvres types toujours, il émanait d'eux, si compétents, si importants, si décorés, si belles-figures-pour-cortège-de-mariage, quelque chose de lourdement léger et d'ineffablement puéril. »

Henry de Montherlant, Le chaos et la nuit

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09/01/2012

Je suis optimiste quant à l’homme

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« De quel droit d’ailleurs un chrétien ou un marxiste m’accuserait-il par exemple de pessimisme... Ce n’est pas moi qui ai inventé la misère de la créature, ni les terribles formules de la malédiction divine. Ce n’est pas moi qui ai crié ce Nemo bonus, ni la damnation des enfants sans baptême. Ce n’est pas moi qui ai dit que l’homme était incapable de se sauver tout seul et que du fond de son abaissement il n’avait d’espérance que dans la grâce de Dieu. Quant au fameux optimisme marxiste ! Personne n’a poussé plus loin la méfiance à l’égard de l’homme et finalement les fatalités économiques de cet univers apparaissent plus terribles que les caprices divins.

Les chrétiens et les communistes me diront que leur optimisme est à plus longue portée, qu’il est supérieur à tout le reste et que Dieu ou l’histoire, selon les cas, sont les aboutissants satisfaisants de leur dialectique. J’ai le même raisonnement à faire. Si le christianisme est pessimiste quant à l’homme, il est optimiste quant à la destinée humaine. Eh bien ! je dirai que pessimiste quant à la destinée humaine, je suis optimiste quant à l’homme. Et non pas au nom d’un humanisme qui m’a toujours paru court, mais au nom d’une ignorance qui essaie de ne rien nier. »

Albert Camus, Ce texte est paru sous le titre Fragments d'un exposé fait au couvent des dominicains de Latour-Maubourg en 1948 dans : Albert Camus, Actuelles. Chroniques (1944-1948), Paris, Gallimard, 1950


Photo de mon pote Eric James Guillemain

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08/01/2012

L’amour de la France, aujourd’hui, ne saurait être qu’une longue tristesse

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Je vole, encore une fois sans hésiter, cet extrait  chez ILYS, mais cette fois à VAE VICTIS...

 

Je le vole parce que je me retrouve pas mal dans certains passages de Renaud Camus que je pourrais faire miens pleinement et que je souligne.

 

« La mélancolie “historique” est bien la dernière dont j’eusse cru, enfant, que je puisse être un jour affecté. Eussé-je vécu dans un pays heureux, dans un pays vivant une phase heureuse de son histoire, je ne m’en fusse probablement même pas aperçu, je n’eusse pas songé à m’en réjouir. Je me serais dit que les destins individuels sont tout ce qui compte, que l’important est de faire sa vie en y mettant autant de talent et d’énergie qu’on le peut, que la tâche essentielle est de construire son bonheur individuel ou à tout le moins son destin. De même, je n’eusse probablement même pas songé à être français. Ce n’est pas ma pente naturelle. Je suis aussi peu chauvin qu’il est possible, j’aime autant ou plus les arts, les cultures et les paysages d’autres nations que ceux de la mienne et, si un choix objectif m’avait été offert, j’eusse sans douté préféré être anglais, ou écossais, les tempérament nationaux d’outre-Manche, si différents qu’ils soient l’un de l’autre, me semblant mieux accordés au mien que celui de cette rive-ci. N’empêche : qu’on prétende m’empêcher d’être français, ou qu’on veuille me forcer à l’être d’une façon aussi totalement déculturée, affadie, désolante que celle qui a cours aujourd’hui parmi nous, cela m’a donné le goût et la conscience de l’être vraiment, ne serait-ce que par dignité, ou par esprit de contradiction, ce qui est souvent la même chose. Et ce goût ne pouvait être qu’un goût mélancolique, cette conscience une conscience malheureuse. Comme l’amour des paysages et l’amour de la langue, l’amour de la France, aujourd’hui, ne saurait être qu’une longue tristesse. Être citoyen d’un pays qui meurt, et qui meurt aussi salement, aussi bêtement, aussi bassement, je ne sais pas comment on pourrait ne pas en souffrir.
Des deux catastrophes qui se sont abattues en même temps sur mon pays, l’effondrement de sa culture par l’effet de l’égalitarisme social, du prétendu “enseignement de masse” et de la dictature de la petite bourgeoisie, et d’autre part la dissolution d’un peuple au profit d’un autre ou de plusieurs autres, sur le territoire national, je ne sais pas laquelle m’affecte davantage. À la vérité elles ne sont guère séparables. L’une était la condition de l’autre. L’autre était seule à même de parachever l’une. »

Renaud Camus, La Campagne de France

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Ne voyez-vous pas que le véritable but du Novlangue est de restreindre les limites de la pensée ?

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« Ne voyez-vous pas que le véritable but du Novlangue est de restreindre les limites de la pensée ? A la fin nous rendrons littéralement impossible le crime par la pensée car il n'y aura plus de mots pour l'exprimer. Tous les concepts nécessaires seront exprimés chacun exactement par un seul mot dont le sens sera délimité. Toutes les significations subsidiaires seront supprimées et oubliées. (...) Le processus continuera encore longtemps après que vous et moi nous serons morts. Chaque année, de moins en moins de mots, et le champ de la conscience de plus en plus restreint. Il n'y a plus, dès maintenant, c'est certain, d'excuse ou de raison au crime par la pensée. C'est simplement une question de discipline personnelle, de maîtrise de soi-même. Mais même cette discipline sera inutile en fin de compte. La Révolution sera complète quand le langage sera parfait. (...) Vous est-il jamais arrivé de penser, Winston, qu'en l'année 2050, au plus tard, il n'y aura pas un seul être humain vivant capable de comprendre une conversation comme celle que nous tenons maintenant ? »

George Orwell, 1984

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07/01/2012

La foi n’est pas de l’ordre de l’avoir mais de l’ordre de l’être

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« En 1815, alors âgé de vingt-sept ans, résidant à Dresde, Arthur Schopenhauer a une conversation avec le poète Ludwig Tieck, de quinze ans son aîné. A un moment de la discussion Tieck se met à parler de Dieu. Schopenhauer, comme piqué par une tarentule, se lève d’un bond et avec un ricanement goguenard lui lance : "Quoi ? Vous avez besoin d’un Dieu ? "

A l’instar de l’oncle Arthur, je ne ressens pas un permanent besoin de Dieu, du terrible Dieu barbu cher aux monothéistes. En revanche, j’ai besoin de la dimension divine et sacrée de l’existence, j’ai besoin du Christ et de son Eglise. Certes, il y a d’autres dieux auxquels, en bon disciple d’Epicure, je suis affectionné, en premier lieu Vénus et Bacchus, Venere e Baccho, et je vous rappelle par parenthèse que le grand poème à la gloire de l’athéisme de mon cher Lucrèce, le De rerum natura, s’ouvre par une prière à la plus enchanteresse des divinités :

Aeneadum genetrix, hominum diuomque voluptas, Alma Venus…


Néanmoins, n’étant pas un contemporain de Pétrone, ni même de Julien l’Apostat, vivant en 2006 après Jésus-Christ, ayant dans mon enfance été baptisé au sein de l’Eglise orthodoxe, lorsque je dépose des fleurs sur un autel, c’est naturellement un autel de mon Eglise que je choisis.

Ai-je ou n’ai-je pas la foi ? Cela dépend des moments, et d’ailleurs c’est une question de médiocre intérêt. On ne peut pas dire "J’ai la foi", comme on dit "J’ai un compte en banque" ou "J’ai la Légion d’honneur" ou "J’ai la vérole". La foi n’est pas de l’ordre de l’avoir mais de l’ordre de l’être ; elle ne relève pas de la certitude mais de la quête, et nous n’avons besoin d’avoir estampillé "croyant" sur nos fronts pour que dans nos accès de désespoir vienne spontanément sur nos lèvres le cri du Psalmiste : De profundis clamavi ad te, Domine ; Domine exaudi vocem meam. Si affranchis du Christ que nous soyons, les clous de la croix nous retiennent à lui. Sur les champs de bataille, dans les hôpitaux, dans les prisons, il n’y a qu’un sang qui coule sur la terre, et c’est le sien. Toute souffrance nous est une eau baptismale. Nous pouvons être sceptiques, libertins, athées : chacune de nos nuits d’angoisse nous transporte au Jardin de Gethsémani.

Si Dieu n’existe pas, tant pis pour lui. Même si rien de ce qu’enseigne l’Eglise ne s’avérait, je ne regretterais pas d’avoir crié "Christ est ressuscité !" dans la nuit de Pâques, d’avoir donné le triple baiser de Pâques à mes jolies voisines. La religion est un des éléments poétiques de mon existence, j’en aime la folie, j’en aime la sensualité, et même si elle n’était en définitive qu’une illusion, qu’un magique passe-temps, elle me donne tant de plaisir que j’aurais eu raison de vivre comme je vis.

Je n’ai pas de goût pour la scolastique, pour la théologie des preuves de l’existence de Dieu chère à saint Anselme et à Descartes. Du christianisme conceptuel, abstrait, qui souvent réduit la folie de l’Evangile et son souffle libérateur à une morale sexuelle restrictive, je dirais ce que le grand acteur comique italien Toto dit des femmes trop maigres : "Les péchés de la chair se font avec la chair, non avec les os", i peccati della carne si fanno con la carne, non con le ossa.

Ce que j’aime, c’est la chair de l’Eglise, c’est le Verbe qui se fait chair, c’est le mystère de l’Incarnation. J’aime entrer dans une église, faire mon signe de croix, allumer un cierge, le placer devant l’icône de la fête du jour, baiser l’icône, puis me plonger dans le fleuve liturgique, me laisser bercer par la beauté des chants, le hiératique ballet des prêtres, le parfum de l’encens, la sublimité des prières ; participer à la mystagogie de tout mon cœur, de tout mon corps par des signes de croix, des enclins, des prosternations ; enfin m’approcher du calice, communier au Corps et au Sang du Christ.

Les deux seules réalités à travers lesquelles nous puissions pressentir, entrevoir la dimension divine de l’existence sont l’amour et la beauté. Ce sont cette beauté et cet amour que nous recevons lorsque nous participons aux mystères de l’Eglise, échappant ainsi aux limites que nous tracent notre égoïsme et notre orgueil. En communiant au Corps et au Sang du Christ j’acquiers les moyens de devenir cet homme total, appelé à la déification, dont nous parle l’Evangile. Après la communion, le chœur chante : "Nous avons vu la vraie Lumière, nous avons reçu l’Esprit céleste", et cette prière de l’Eglise orthodoxe est un écho direct de l’hymne qu’après les agapes du culte de la déesse phrygienne Cybèle chantaient les fidèles : "J’ai mangé dans le tambourin, j’ai bu dans la cymbale, je suis devenu myste d’Attis". L’abbé de Saint-Cyran, le réformateur de Port-Royal, écrit que lorsque nous revenons de la table eucharistique nous devrions rugir comme des lions.

Sur les autels du Christ comme sur ceux de Vénus et de Bacchus, la théorie, on s’en fout : seule compte la pratique. Chacun de nous a rencontré au moins une fois dans sa vie un zozo (ou une zozotte car la bêtise est bisexuelle) qui se déclare fièrement "catholique non pratiquant". Un "catholique non pratiquant", c’est un théoricien de l’amour qui ne baise pas, un distingué œnologue qui ne boit pas de vin, un fana de foot qui regarde tous les matchs à la télé mais ne tape jamais dans un ballon. Le "catholique non pratiquant" est le digne rejeton de ce christianisme désincarné, cérébral que j’évoque ci-devant. Les "catholiques non pratiquants" sont à la religion ce que les érotomanes d’encrier qui écrivent des livres cochons mais qui ont une vie amoureuse misérable sont à la littérature : du pipi de chat.

Dans certaines églises orthodoxes, sous le Christ Pantocrator de la coupole est placée une vaste couronne de fer forgé où sont enchâssées des icônes. Les icônes représentent les fêtes de l’année liturgique, la couronne de fer la roue du temps, et les chrétiens orthodoxes, qu’ils soient prêtres ou laïcs, qu’ils vivent dans le monde ou qu’ils aient revêtu l’habit monastique, vivent au rythme de ce cycle liturgique. Ceux d’entre vous qui ont lu mon dernier roman, "Voici venir le Fiancé", y ont vu l’importance que revêt pour nous, orthodoxes, le carême pascal, que nous appelons le grand carême, et dont l’esprit est avec justesse exprimé par Nietzsche lorsqu’il écrit que la formule de la grandeur de l’homme n’est pas sum, mais sursum.

Les réjouissances du mardi gras n’ont de sens que parce qu’elles précèdent les austérités du mercredi des cendres. Les crétins de touristes qui vont à Venise se déguiser pendant le carnaval mais qui ensuite n’observent pas les règles du carême pascal ont du fromage blanc dans le ciboulot. Comment se fait-il qu’en France les orthodoxes et les mahométans soient les seuls à observer cette féconde et vivifiante invitation à la maîtrise et au dépassement de soi que constitue le carême ? D’une manière générale, pourquoi les catholiques et les protestants semblent-ils honteux de leurs traditions, impatients de jeter à la poubelle tout ce qui fait le charme du christianisme ?

J’adore Paris, mais si Paris se montre trop souvent une ville grise, grognonne, ennuyeuse, c’est parce que les Parisiens ont perdu ce rythme liturgique des fêtes. Nous sommes le 1er décembre. Si vous allez à Naples le 8 décembre, jour de l’Immacolata, ou à Manille le 25 décembre, jour de la Nativité, vous serez enveloppés par la joie et la ferveur de centaines de milliers de gens, et même si vous n’êtes pas chrétiens vous vous sentirez éclairés, stimulés par cette ferveur et par cette joie. Rien de tel à Paris où l’année s’écoule de manière uniforme, où les églises sont vides, où la Pentecôte n’est plus la fête de l’Esprit-Saint, mais un long week-end où l’on se tue en voiture sur les autoroutes, où, le vendredi saint, les bourgeois qui se tapent des entrecôtes à la Coupole ou chez Lipp ne le font pas dans un élan de révolte antichrétienne, qui serait un signe d’énergie vitale, mais tout simplement parce que ces braves gens ne savent même plus que ce jour-là on jeûne, on ne va pas au restaurant mais à l’église participer à la mort et à l’ensevelissement du Christ.

Nous avons connu au vingtième siècle deux régimes résolument antichrétiens : le communisme soviétique et le nazisme allemand. J’espère qu’aucun Européen n’a envie de revivre une expérience de ce genre. Il n’y a rien de pire qu’un peuple dépossédé de son héritage esthétique et spirituel ; rien de plus mortifère qu’une nation lobotomisée, sans racines et sans mémoire ; rien de plus sinistre qu’une église transformée en garage, en porcherie ou en musée. Je préfère mille fois un temple de Minerve ou de Mithra transformé en église, une église transformée en mosquée, à un autel déserté devant lequel ne s’élèvent plus ni l’encens ni les prières.

Sur le mont Palatin, dans le temple consacré à la Pierre noire d’Emèse, Héliogabale – mon cher Héliogabale proclamé empereur à quatorze ans, assassiné à dix-huit, auquel j’ai dédié l’un de mes livres – a célébré le mariage du dieu syrien Baal, dont il était le grand pontife, avec la déesse carthaginoise Tanit ; et dans ce lieu où il avait rassemblé divers emblèmes des cultes romains, il souhaitait réunir les autres cultes existants, le juif, le samaritain, le chrétien, confondre en une même adoration tous les visages du divin. L’empereur adolescent régna hélas trop courtement pour pouvoir accomplir son vœu, mais celui-ci demeure en nous comme une espérance inachevée. Emplissons les églises et les temples! Vive Vénus, reine de Cnide et de Paphos, vive Bacchus, dieu de la jeunesse doux comme le miel, vive le Christ ressuscité ! Evviva Venere ! Evviva Baccho ! Evviva Cristo ! »

Gabriel Matzneff, Emplissons les églises ! (Chronique du 01/12/2006)

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06/01/2012

Il existe des rapports secrets entre toutes les puissantes façons d'exister

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« Les hommes politiques qui sont aujourd'hui aux premières places ne sont en réalité que les gagnants d'une partie où il s'agit de se nantir du mieux qu'on peut ; ce sont des hommes qui ont réussi. Le pire mal n'est pas qu'ils passent leurs temps dans des intrigues qui n'ont rien de beau, c'est que, vivant de la sorte, ils n'en restent pas moins chargés de dire au peuple tous les grands mots qui glorifient un idéal. Mais parlant ainsi sans autorité, ils dégoûtent les gens de ce que ces mots représentent. Alors, au contraire, ceux des hommes qui étaient élévés au-dessus de tous les autres sentaient qu'ils n'étaient grands que par les choses qui vivaient en eux. Chargés de tous les insignes du pouvoir matériel, ils croyaient cependant à des supériorités plus pures qui dépassaient la leur et, parfois, ils les exaltaient eux-mêmes. Deux ans à peine après la mort de François (d'Assise), Grégoire IX le canonisa. »

« Il est bien vrai qu'en tout temps l'homme apporte à la vie les mêmes instincts. La seule affaire est de savoir ce que les hommes de chaque époque ont ajouté à ce fonds commun, et s'ils ont contenu et discipliné ces instincts, ou s'ils se sont bornés à les laisser libres. »

« Il existe en effet, des rapports secrets entre toutes les puissantes façons d'exister. Elles s'appellent, se provoquent, se sollicitent. Alors même qu'elles semblent s'opposer, elles se répondent. »

« Ce n'est pas dans les époques de mollesse que se manifestent les plus purs types de douceur. Le monde moderne se croit violent, mais il se vante, il n'est que grossier. Si la violence s'y produisait hardiment, peut-être verrait-on paraître des caractères opposés, pour lui donner la réplique. »

« L'homme moderne a pris toutes ses précautions contre le sublime. Il en était autrement au moyen âge ; les hommes y attendaient perpétuellement quelqu'un qui les dépassât. Celà les exposait à bien des erreurs et bien des risques, mais il y avait des portes ouvertes là où, maintenant, il y a des portes fermées. »

Abel Bonnard, Saint François d'Assise

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05/01/2012

Qu’est-ce que j’en ai à foutre du communisme ?

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« Voilà un mois, mon agent Maxim Lieber m’a refusé une nouvelle sous prétexte qu’elle était ironiquement pro-catholique. Je n’ai vraiment pas eu conscience du moindre préjugé en écrivant cette histoire. Tout cela m’est venu aisément et naturellement. Le style en est bon. Lieber me l’a dit. Il a même ajouté que c’était une excellente nouvelle et qu’il réussirait sans aucun doute à la vendre. Je suis encore fou de rage à l’idée qu’un agent, un simple agent, un foutu marxiste, un putain de corniaud de marxiste, rejette une nouvelle parce qu’elle ne correspond pas à ses caprices du moment. C’est la troisième fois que cela m’arrive. Je suis sûr que vous ne m’auriez pas fait une chose pareille; je me rappelle beaucoup de textes que vous avez publiés qui n’étaient pas en harmonie avec vos principes.

Une nouvelle est nouvelle ; si elle est bonne, elle doit être imprimée. Mais sous prétexte qu’une nouvelle a un thème catholique, il n’y a pas de raison pour qu’un putain d’agent à la con -- censé s’occuper de textes littéraires et non de propagande -- la refuse. J’en ai ma claque de ce bonhomme ; mieux, je vais lui faire la peau à la première occasion. Qu’est-ce que j’en ai à foutre du communisme ? Ils peuvent bien me coller le dos au mur et me fusiller; ce n’est pas pour ça que j’adhérerai au marxisme de pacotille d’une coterie imbécile de diplômés d’Harvard qui -parce qu’ils n’ont rien dans les tripes- gobent et défendent des principes auxquels ils pigent que dalle. »

John Fante, (Fante/Mencken-Correspondance)

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04/01/2012

La Politique selon Dave Mustain

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« Pour moi, les choses sont assez simples. Je veux pouvoir porter une arme ; écouter la musique que je veux ; manger, boire et être heureux ; et ne faire de mal à personne (sauf, bien entendu, si c'est de la légitime défense). C'est un résumé du Sermon sur la Montagne : traite autrui comme tu voudrais qu'il te traite. »

Dave Mustain, Splendeur et misère d'une icône trash

 

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