26/12/2011
Un roman pour la vie
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La parole est à ma douce Irina...
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J'ai lu "La Grève" (Atlas Shrugged) d'Ayn Rand, je voulais en faire un compte-rendu parce que c'est un roman à côté duquel on ne peut pas passer, et puis un ami m'a fait lire son compte-rendu de lecture.
Non par paresse (enfin, quoique...) mais surtout parce que je l'ai trouvé pertinent, je souhaiterais vous le faire partager (en attendant de me coller à mon propre compte-rendu que je mettrai en ligne dès que je le pourrai).
Histoire quand même de vous mettre l'eau à la bouche, de vous faire franchir le pas, et surtout de passer outre aux critiques de toute sorte concernant l'idéologie d'Ayn Rand.
Certes, son système de pensée est pleinement développé dans ce roman et ceux qui la connaissent et l'apprécient y trouveront leurs repères. Mais c'est aussi un roman, bien écrit (et dans ce cas extrêmement bien traduit) où les personnages sont tous hauts en couleurs (y compris ceux qu'on apprend à détester au fil de la lecture), le suspense est là du début à la fin, l'amour aussi (un côté un peu "soap" d'ailleurs, mais il faut remettre ça dans le contexte, n'oublions pas que ce roman a été écrit dans les années 50) et la philosophie d'Ayn Rand, qui ne peut laisser indifférent.
Bref, que de bons ingrédients qui ne vous feront pas regretter votre achat (pour ceux qui franchiront le pas !)
Merci Vincent.
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" La Grève, d’Ayn Rand, est-elle un roman à thèse, en ce sens qu’elle y illustrerait et y défendrait ses idées ? Oui. Mais le condamner pour ce seul motif aurait quelque chose d’absurde, comme si le roman et l’expression de conceptions philosophiques était incompatibles, et comme si tout grand roman n’était pas, en son fond, l’expression, explicite ou non, d’une vision du réel et de l’homme. À ce compte, il faudrait condamner tout Balzac et Zola, jeter Camus à la poubelle. Le vrai problème serait-il qu’elle n’y défend pas les « bonnes » thèses ? Écartons ces polémiques stériles. Et tentons de répondre à cette question de la manière la plus factuelle possible : La Grève est-elle, oui ou non, un bon roman ?
La charge critique de l’expression – en soi péjorative – de « roman à thèse » repose sur l’insinuation que le texte visé serait en réalité plus une thèse qu’un roman, le plaquage d’une narration artificielle sur une armature théorique préexistante qui constituerait le seul niveau de lecture pertinent. Un prétexte, en un mot, à l’expression plus ou moins directe des théories de l’auteur. Or, si Ayn Rand a des idées bien établies, si elle les exprime en certains endroits de manière explicite et si elles la poussent à recourir quelquefois à des facilités que l’on est en droit de regretter – ainsi les pseudo-défenseurs de l’intérêt général qu’elle met en scène sont l’incarnation d’une médiocrité intégrale, et j’aurais aimé qu’elle se donne une adversité plus consistante que ces fantoches –, ce serait réellement faire injure à son œuvre que de la réduire à ses seules dimensions théoriques. Si les déboires du réseau de chemin de fer transcontinental que dirige Dagny Taggart, une femme d’affaire dotée d’une force de caractère peu commune, semblent constituer de prime abord l’intrigue principale, le lecteur découvre progressivement qu’il n’en est rien. Elle n’est qu’une des nombreuses intrigues que contient ce roman luxuriant, qui toutes finissent par trouver leur unité et leur pleine signification avec la résolution de la question lancinante qui ponctue tout le texte : « Qui est John Galt ? » L’intérêt du lecteur est donc non seulement motivé par la curiosité qui le pousse à savoir comment Dagny Taggart et Hank Rearden, son partenaire sidérurgiste, vont résoudre les problèmes entrepreneuriaux qu’ils rencontrent, mais aussi par cette intrigue de type policière qui y est instillée. Roman industriel, roman policier, La Grève appartient aussi pour partie aux genres de la science et de la politique-fiction : ainsi, Hank Rearden est-il l’inventeur d’un métal révolutionnaire, le Rearden Metal, aux intrigants reflets bleu-vert, incomparablement plus léger et plus résistant que l’acier ; plus tard dans l’intrigue, il découvre avec Dagny, dans une usine abandonnée, les restes d’un moteur de type inédit, capable de produire une quantité d’énergie qui était jusque-là inconcevable ; tout cela sur fond de multiplication des républiques populaires et de tentatives de plus en plus poussées du gouvernement américain, au nom de l’« égalité des chances », pour régenter toute l’économie. Enfin, et ce serait manquer un aspect essentiel de La Grève que de ne pas en faire mention, ce roman est aussi un grand roman d’amour. Dagny, toute impitoyablement rationnelle qu’elle soit dans la conduite de ses affaires, n’est pas qu’un pur intellect. Elle est, au fil du roman, initiée à des sentiments de plus en plus élevé, fondé sur l’admiration qu’elle voue à ses partenaires et sur le partage de valeurs fondamentales – au premier chef, celle de l’amour de la vie –, qui s’incarne dans des relations charnelles passionnées, d’une très grande intensité. J’ai rarement lu des scènes érotiques aussi fortes et aussi bien menées. Même la description du désir masculin est d’une confondante précision. Dans ces pages, magnifiques, Ayn Rand parvient à chanter la quintessence de la vie comme peu d’autres auteurs l’ont réussi avant elle, et elle réussit dans ces instants de grâce à donner à son lecteur un avant-goût de ce vers quoi toute son œuvre tend : le paradis terrestre, ou plus précisément la restauration de la terre comme paradis.
Outre de véritables morceaux de bravoures littéraires, comme l’extraordinaire description du voyage qu’effectuent Hank et Dagny à bord de la motrice du train inaugurant la première ligne construite en Rearden Metal, j’ai particulièrement apprécié l’art consommé des dialogues – excellemment traduits par Sophie Bastide-Foltz – qui se manifeste dans toute cette œuvre. Appuyés sur des analyses psychologiques d’une rare finesse, qui insufflent une âme à des personnages dont on aurait pu craindre qu’ils soient totalement engoncés dans un manichéisme sans nuance, ils donnent lieu à des échanges d’une vigueur que j’ai rarement vues. Je n’y ai pas trouvé de scories, de ces phrases insipides que l’on rencontre dans de trop nombreux romans et qui n’ont pour seul but que de produire un « effet de réel » superflu et lassant. Toutes les répliques se tiennent, notamment grâce à une implacable exigence logique qui permet d’aller creuser les fissures des mots et de révéler les impostures que certains dissimulent. De fait, ces dialogues, sous une forme très vivante et souvent jubilatoire – les duels verbaux de Dagny et de Lillane, la redoutable et perverse épouse de Hank, sont un chef-d’œuvre du genre –, constituent une authentique enquête sur le langage lui-même, à travers la mise en contraste de deux manières de l’employer : celui, clair, précis, objectif, des entrepreneurs confrontés à des faits auxquels ils se doivent de faire face, et celui, sans substance, vague, pleins de doubles sens et de sous-entendus, truffé de grandes notions incantatoires devant lesquelles toute volonté devrait plier à l’instant, des « parasites » et des « pillards » – entendons des politiques et de ces entrepreneurs corrompus qui comptent plus sur la manipulation et l’intrigue pour conquérir le pouvoir et bâtir leur fortune que sur leur travail et leur compétence.
La moindre des surprises que réserve La Grève n’est pas, en effet, la découverte qu’Ayn Rand n’y déploie pas une apologie inconditionnelle du dollar mais qu’elle y mène une vaste réflexion morale nettement plus subtile. « Faire de l’argent » n’est pas pour elle un but qui justifie tous les moyens. Le traitement qu’elle inflige au frère de Dagny, Jim, ou à l’un des concurrents de Hank, Orren Boyle, est sans ambiguïté sur ce point : ces personnages sans talent, ces hommes sans qualité, ne parviennent à leurs fins qu’en usant de basses manœuvres et en manipulant la notion d’« intérêt général » à leur profit. Leur sens de la justice sociale n’est qu’un paravent destiné à casser des concurrents plus talentueux qu’eux. Mais ces personnages sont encore bien plus que de simples figures d’hypocrites manipulateurs : ils incarnent l’anti-individu par excellence. Ainsi Jim n’est animé par aucune intériorité, par aucun désir, par aucun but personnel, si ce n’est celui d’être aimé inconditionnellement, sans raison, pour rien. Sa conception pervertie de l’amour, fondée sur son néant spirituel, est un nihilisme de fait. Elle se couple à l’idée qu’on ne peut aimer au sens plein que des êtres faibles et méprisables, sous prétexte qu’il n’y a aucun « mérite » à aimer quelqu’un pour ses qualités. Par conséquent, si jamais la personne sur laquelle il a jeté son dévolu se révèle moins nulle qu’il ne l’imaginait, il s’emploie sadiquement à la détruire. Jim n’est qu’un conformiste : il ne fait que désirer ce que tout le monde désire (l’amour, le succès, la reconnaissance sociale), en estimant – comme tout le monde – qu’il n’y a pas moins droit que ses voisins, et qu’il est donc fondé à s’emparer de ce qui lui est dû. À l’inverse, un individu authentique est d’abord une personne qui n’est pas engluée dans le mimétisme social, et donc, parce qu’elle est capable de nager à contre-courant, qui est le vecteur de la création et de l’innovation. Conséquent avec lui-même, cet individu assume l’entière responsabilité, sociale et financière, de cette attitude. Il est prêt à accepter, temporairement ou définitivement, la condition de paria, comme il est prêt à accepter la ruine et la pauvreté. Il estime que rien ne lui est dû tant qu’il n’a pas établi la preuve objective de ses qualités. Mais si la réussite survient, grâce à ses compétences personnelles et à sa volonté acharnée, il entend en contrepartie en recueillir le maximum de fruits. Gagner de l’argent, dans ce cadre, est la matérialisation du mérite personnel, la juste récompense de l’effort consenti. Le dollar est donc bien plus que le symbole d’une monnaie : il est le symbole d’un système de valeurs où la qualité des individus reçoit sa pleine récompense, et où les droits du créateur sur les produits de son intelligence sont pleinement reconnus – y compris les droits de ne pas l’exploiter ou de le détruire. Le capitalisme est donc préférable au collectivisme non parce qu’il est plus efficace que lui, mais parce qu’il est, fondamentalement, plus moral. Comment, en effet, être heureux, comment avoir confiance dans la vie et dans les autres si, du jour au lendemain, des apôtres de l’étatisme peuvent faire main basse sur vos biens et vous priver de toute perspective de progrès personnel ? Comment, alors, ne pas se sentir dépossédé de sa propre existence ? Rappelons que, née en Russie en 1905, Ayn Rand eut une connaissance de première main de ce que signifiait concrètement vivre sous un régime collectiviste totalitaire.
Certes, on pourrait reprocher à Ayn Rand d’avoir accentué l’aspect héroïque, presque surhumain, de ses principaux personnages : ils sont jeunes, beaux, supérieurement intelligents, et capables de maîtriser leurs passions même les plus violentes. Mais, outre que par ces aspects ils rattachent le texte, par-delà l’apothéose moderne du bon sens bourgeois et de la figure donquichottesque du raté magnifique, à la grande tradition de l’épopée classique, leur mentalité dénuée de toute complaisance, leurs propos d’apitoiement sur eux-mêmes lui confère une extraordinaire énergie. Si elle jette sur le monde un regard sans concession, Ayn Rand est tout sauf une cynique, et encore moins une désespérée. Dans La Grève le monde se nimbe d’un immense « c’est possible ». Et quel bien fou cela fait ! Cette mise en scène d’individus forts, animés par des idéaux exigeants dont ils assument personnellement les conséquences – au lieu de les faire subir aux autres sans le moindre scrupule –, a quelque chose de salvateur en ces temps de grisaille, de petitesse, de culpabilisation galopante et d’altruisme menteur. La prise en main de son existence, le refus d’une fatalité sourde, le désir de vivre réellement – c’est-à-dire, indissociablement avec l’intensité accrue de la vie, dans la connaissance rigoureuse du réel – sont des principes d’une incontestable valeur, dont l’expression aussi claire a quelque chose de soulageant : oui, il existe encore quelque chose de la grandeur humaine. Et l’effacement de l’individu n’est plus l’horizon indépassable du meilleur des mondes. Je n’ai plus besoin de disparaître pour que le monde devienne vivable : au contraire, pour perdurer il a besoin de moi.
Brillant, atypique, iconoclaste, La Grève est donc plus qu’un roman qui prend la doxa collectivo-humanitariste à contrepied : elle est la seule véritable épopée que le xxe siècle ait produite, et la preuve que la littérature peut encore exister sans devoir afficher de posture ironique, arborer des grimaces nihilistes, s’embourber dans des marigots kitsch. La foi en l’homme qui y est exprimée, précisément parce qu’elle donne l’impression d’être surannée, fournit aussi l’occasion d’un retour salutaire sur le prétendu « humanisme » dont nous faisons profession : quelle humanité aimons-nous vraiment, si cette figure d’homme rationnel, indépendant et respectueux de la liberté d’autrui nous rebute a priori à ce point ? Quand bien même on ne la partagerait pas de manière intégrale, cette vision énergique et positive de l’homme laisse, malgré ses outrances, le lecteur bienveillant sur un réel enthousiasme, un enthousiasme dont je gage qu’il puisse devenir, pour certains, un viatique pour longtemps."
Vincent Morch
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Le désir de voir disparaître des types tels que moi
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« Quelle insanité ai-je proférée en constatant que ce pays n’est pas encore le Brésil ou Cuba mais une nation de race blanche avec des minorités étrangères ! Que l’émigration africaine soit, par exemple, un drame pour les immigrés comme pour les français de souche, qu’une immigration chrétienne soit préférable à une immigration musulmane, voilà qui ma parait relever du bon sens, tout comme le fait que la France ne doive pas se renier elle-même pour maintenir la paix civile menacée par ces minorités. Je me rappelle que le moment où j’ai compris que la France était morte (ou appelée à devenir tout autre chose que ce qu’on m’avait appris qu’elle était depuis des siècles) eut lieu lorsque, enseignant et évoquant tel épisode de l’histoire de France, j’ai cessé de pouvoir dire "nous", sans rien trouver qui remplaçât ce signe d’appartenance heureuse et, dès lors, entrant dans une sorte de déréliction que nul discours politique ne pouvait apaiser. La France que vous me proposez d’aimer, celle que vous me désignez comme la France de demain en me montrant ce groupe de jolies maghrébines et de jeunes noires habillées de manière provocante, cette France là m’est étrangère : pour reprendre votre langage pour le retourner contre vous qui me pensez "raciste" , je dirais que j’y vis dans un apartheid mental, moi que le destin muséal et multiculturel de ce pays horrifie, qui ne crois nullement au repli sur soi, qui ait été élevé dans le cosmopolitisme Beyrouthin. Mais je suis bien obligé de reconnaître que tout ce que j’aime est piétiné quotidiennement au nom du consensus antiraciste et par peur de déplaire à l’islam. C’est vous qui avez fait mourir ce pays en moi, bâtisseurs d’empires boursiers, gauchistes apostats et technocrates si inconséquents que vous avez laissé ce déliter cette langue qui, à elle seule, disait Joseph de Maistre, , définit une nation. George Orwell, lui, pour me référer à un auteur moins compromettant, disait que la dégradation d’une langue va de pair avec la décomposition politique. Qu’est-ce qui agitait donc l’angélique prêcheur qui me vantait la créolisation de la France ? Moins la haine de la France que son désir de voir disparaître des types tels que moi qui errent comme un loup sur les terres du passé, prétendait-il, alors que j’ai toujours été à la lisière, à l’orée, prêt à bondir dans le futur. »
Richard Millet, L’opprobre
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Il ne nous est acceptable que par ses femmes et ses mystiques
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« Là ou l’islam est soluble, c’est dans l’innombrable multiculturel des USA. Plaçons le dans une petite société fragile telle le Québec, il devient le vecteur même de sa destruction, révélant par là sa vérité : 300 000 musulmans sur quelques millions de Québécois déchristianisés et nous avons une problématique Libanaise. Si l’on excepte le moment dialectique de l’Empire ottoman, où, après son établissement, les autres religions ont été tolérées, force est de constater que depuis le VIIème siècle, l’islam ne fait que détruire les sociétés où il s’implante, et aujourd’hui plus que jamais, parce que, ayant digéré Mac Donald’s, Disney et Microsoft, il rencontre un vide spirituel sidéral. Il ne nous est acceptable que par ses femmes et ses mystiques - transactions qui ont lieu dans le secret des chambres ou de l’esprit, et qui m’empêchent de voir cet autre comme l’ennemi absolu. »
Richard Millet, L’opprobre
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25/12/2011
N’ayant que Dieu pour témoin de mes pensées, et auquel je puisse m’adresser, je déclare ici en sa présence, mes dernières volontés et mes sentiments.
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TESTAMENT DU ROI LOUIS XVI
Ecrit de sa main à la Tour du Temple le 25 décembre 1792
« Au nom de la très Sainte Trinité, du Père, du fils et du Saint Esprit. Aujourd’hui vingt-cinquième de décembre mil sept cent quatre vingt douze. Moi, Louis, XVIème du nom, Roi de France, étant depuis plus de quatre mois enfermé avec ma famille dans la Tour du Temple à Paris, par ceux qui étaient mes sujets, et privé de toute communication quelconque, même depuis le onze du courant avec ma famille. De plus impliqué dans un Procès dont il est impossible de prévoir l’issue à cause des passions des hommes, et dont on ne trouve aucun prétexte ni moyen dans aucune loi existante, n’ayant que Dieu pour témoin de mes pensées, et auquel je puisse m’adresser. Je déclare ici en sa présence, mes dernières volontés et mes sentiments.
Je laisse mon âme à Dieu mon créateur, et je le prie de la recevoir dans sa miséricorde, de ne pas la juger d’après ses mérites, mais par ceux de Notre Seigneur Jésus Christ qui s’est offert en sacrifice à Dieu son Père, pour nous autres hommes, quelque indignes que nous en fussions, et moi le premier.
Je meurs dans l’union de notre sainte Mère l’Église Catholique, Apostolique et Romaine, qui tient ses pouvoirs par une succession non interrompue de Saint Pierre auquel Jésus-Christ les avait confiés. Je crois fermement et je confesse tout ce qui est contenu dans le Symbole et les commandements de Dieu et de l’Église, les Sacrements et les Mystères tels que l’Église Catholique les enseigne et les a toujours enseignés. Je n’ai jamais prétendu me rendre juge dans les différentes manières d’expliquer les dogmes qui déchirent l’Église de Jésus-Christ, mais je m’en suis rapporté et rapporterai toujours, si Dieu m’accorde vie, aux décisions que les supérieurs Ecclésiastiques unis à la Sainte Église Catholique, donnent et donneront conformément à la discipline de l’Église suivie depuis Jésus-Christ. Je plains de tout mon coeur nos frères qui peuvent être dans l’erreur, mais je ne prétends pas les juger, et je ne les aime pas moins tous en Jésus-Christ suivant ce que la charité Chrétienne nous l’enseigne.
Je prie Dieu de me pardonner tous mes péchés, j’ai cherché à les connaître scrupuleusement, à les détester et à m’humilier en sa présence, ne pouvant me servir du Ministère d’un Prêtre Catholique. Je prie Dieu de recevoir la confession que je lui en ai faite, et surtout le repentir profond que j’ai d’avoir mis mon nom, (quoique cela fut contre ma volonté) à des actes qui peuvent être contraires à la discipline et à la croyance de l’Église Catholique à laquelle je suis toujours resté sincèrement uni de coeur. Je prie Dieu de recevoir la ferme résolution où je suis, s’il m’accorde vie, de me servir aussitôt que je le pourrai du Ministère d’un Prêtre Catholique, pour m’accuser de tous mes péchés, et recevoir le Sacrement de Pénitence.
Je prie tous ceux que je pourrais avoir offensés par inadvertance (car je ne me rappelle pas d’avoir fait sciemment aucune offense à personne), ou à ceux à qui j’aurais pu avoir donné de mauvais exemples ou des scandales, de me pardonner le mal qu’ils croient que je peux leur avoir fait.
Je prie tous ceux qui ont de la Charité d’unir leurs prières aux miennes, pour obtenir de Dieu le pardon de mes péchés.
Je pardonne de tout mon coeur à ceux qui se sont fait mes ennemis sans que je leur en aie donné aucun sujet, et je prie Dieu de leur pardonner, de même que ceux qui par un faux zèle, ou par un zèle mal entendu, m’ont fait beaucoup de mal.
Je recommande à Dieu, ma femme, mes enfants, ma Soeur, mes Tantes, mes Frères, et tous ceux qui me sont attachés par les liens du sang, ou par quelque autre manière que ce puisse être. Je prie Dieu particulièrement de jeter des yeux de miséricorde sur ma femme, mes enfants et ma soeur qui souffrent depuis longtemps avec moi, de les soutenir par sa grâce s’ils viennent à me perdre, et tant qu’ils resteront dans ce monde périssable.
Je recommande mes enfants à ma femme, je n’ai jamais douté de sa tendresse maternelle pour eux ; je lui recommande surtout d’en faire de bons Chrétiens et d’honnêtes hommes, de leur faire regarder les grandeurs de ce monde ci (s’ils sont condamnés à les éprouver) que comme des biens dangereux et périssables, et de tourner leurs regards vers la seule gloire solide et durable de l’Éternité. Je prie ma soeur de vouloir bien continuer sa tendresse à mes enfants, et de leur tenir lieu de mère, s’ils avaient le malheur de perdre la leur.
Je prie ma femme de me pardonner tous les maux qu’elle souffre pour moi, et les chagrins que je pourrais lui avoir donnés dans le cours de notre union, comme elle peut être sûre que je ne garde rien contre elle si elle croyait avoir quelque chose à se reprocher.
Je recommande bien vivement à mes enfants, après ce qu’ils doivent à Dieu qui doit marcher avant tout, de rester toujours unis entre eux, soumis et obéissants à leur mère, et reconnaissants de tous les soins et les peines qu’elle se donne pour eux, et en mémoire de moi. Je les prie de regarder ma soeur comme une seconde mère.
Je recommande à mon fils, s’il avait le malheur de devenir Roi, de songer qu’il se doit tout entier au bonheur de ses concitoyens, qu’il doit oublier toute haine et tout ressentiment, et nommément tout ce qui a rapport aux malheurs et aux chagrins que j’éprouve. Qu’il ne peut faire le bonheur des Peuples qu’en régnant suivant les Lois, mais en même temps qu’un Roi ne peut les faire respecter, et faire le bien qui est dans son coeur, qu’autant qu’il a l’autorité nécessaire, et qu’autrement, étant lié dans ses opérations et n’inspirant point de respect, il est plus nuisible qu’utile.
Je recommande à mon fils d’avoir soin de toutes les personnes qui m’étaient attachées, autant que les circonstances où il se trouvera lui en donneront les facultés, de songer que c’est une dette sacrée que j’ai contractée envers les enfants ou les parents de ceux qui ont péri pour moi, et ensuite de ceux qui sont malheureux pour moi. Je sais qu’il y a plusieurs personnes de celles qui m’étaient attachées, qui ne se sont pas conduites envers moi comme elles le devaient, et qui ont même montré de l’ingratitude, mais je leur pardonne, (souvent, dans les moment de troubles et d’effervescence, on n’est pas le maître de soi) et je prie mon fils, s’il en trouve l’occasion, de ne songer qu’à leur malheur.
Je voudrais pouvoir témoigner ici ma reconnaissance à ceux qui m’ont montré un véritable attachement et désintéressé. D’un côté si j’étais sensiblement touché de l’ingratitude et de la déloyauté de gens à qui je n’avais jamais témoigné que des bontés, à eux et à leurs parents ou amis, de l’autre, j’ai eu de la consolation à voir l’attachement et l’intérêt gratuit que beaucoup de personnes m’ont montrés. Je les prie d’en recevoir tous mes remerciements ; dans la situation où sont encore les choses, je craindrais de les compromettre si je parlais plus explicitement, mais je recommande spécialement à mon fils de chercher les occasions de pouvoir les reconnaître.
Je croirais calomnier cependant les sentiments de la Nation, si je ne recommandais ouvertement à mon fils MM de Chamilly et Hue, que leur véritable attachement pour moi avait portés à s’enfermer avec moi dans ce triste séjour, et qui ont pensé en être les malheureuses victimes. Je lui recommande aussi Cléry des soins duquel j’ai eu tout lieu de me louer depuis qu’il est avec moi. Comme c’est lui qui est resté avec moi jusqu’à la fin, je prie MM de la Commune de lui remettre mes hardes, mes livres, ma montre, ma bourse, et les autres petits effets qui ont été déposés au Conseil de la Commune.
Je pardonne encore très volontiers à ceux qui me gardaient, les mauvais traitements et les gênes dont ils ont cru devoir user envers moi. J’ai trouvé quelques âmes sensibles et compatissantes, que celles-là jouissent dans leur coeur de la tranquillité que doit leur donner leur façon de penser.
Je prie MM de Malesherbes, Tronchet et de Sèze, de recevoir ici tous mes remerciements et l’expression de ma sensibilité pour tous les soins et les peines qu’ils se sont donnés pour moi.
Je finis en déclarant devant Dieu et prêt à paraître devant Lui, que je ne me reproche aucun des crimes qui sont avancés contre moi. »
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24/12/2011
Paul Celan : "Dans la lanière de prière blanche"
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« Le Seigneur de cette heure
était
une créature d’hiver, c’est
pour lui plaire
qu’est arrivé ce qui est arrivé –
ma bouche en grimpant s’est accrochée avec les dents, une fois encore
quand elle t’a cherchée, toi, trace de fumée,
là-haut,
silhouette de femme,
toi en voyage vers mes
pensées de feu dans le gravier noir
au-delà des mots de fission à travers
lesquels je t’ai vue marcher, haut
perchée sur tes jambes avec
ton opiniâtre tête aux lèvres
lourdes
sur le corps
tenu vivant par mes
mains
mortellement précises.
Dis à tes
doigts qui t’accompagnent
jusqu’aux gouffres, combien
je t’ai connue, combien je t’ai
poussée loin dans les profondeurs, où
mon rêve le plus amer
a de cœur couché avec toi, dans le lit
de mon inarrachable nom. »
Paul Celan, Renverse du souffle
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22/12/2011
L’opinion des foules tend donc à devenir de plus en plus le régulateur suprême de la politique
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« L’opinion des foules tend donc à devenir de plus en plus le régulateur suprême de la politique. Elle arrive aujourd’hui à imposer des alliances, comme nous l’avons vu pour l’alliance russe, presque exclusivement sortie d’un mouvement populaire.
C’est un symptôme bien curieux de voir de nos jours papes, rois et empereurs, se soumettre au mécanisme de l’interview, pour exposer leur pensée, sur un sujet donné, au jugement des foules. On a pu dire jadis que la politique n’était pas chose sentimentale. Pourrait-on le dire actuellement encore en la voyant prendre pour guide les impulsions de foules mobiles ignorant la raison, et dirigées seulement par le sentiment ?
Quant à la presse, autrefois directrice de l’opinion, elle a dû, comme les gouvernements, s’effacer devant le pouvoir des foules. Sa puissance certes est considérable, mais seulement parce qu’elle représente exclusivement le reflet des opinions populaires et leurs incessantes variations. Devenue simple agence d’information, elle renonce à imposer aucune idée, aucune doctrine. Elle suit tous les changements de la pensée publique, et les nécessités de la concurrence l’y obligent sous peine de perdre ses lecteurs. Les vieux organes solennels et influents d’autrefois, dont la précédente génération écoutait pieusement les oracles, ont disparu ou sont devenues feuilles d’informations encadrées de chroniques amusantes, de cancans mondains et de réclames financières. Quel serait aujourd’hui le journal assez riche pour permettre à ses rédacteurs des opinions personnelles, et quelle autorité ces opinions obtiendraient-elles prés de lecteurs demandant seulement à être renseignés ou amusés et qui, derrière chaque recommandation, entrevoient toujours le spéculateur ? La critique n’a même plus le pouvoir de lancer un livre ou une pièce de théâtre. Elle peut nuire mais non servir. Les journaux ont tellement conscience de l’inutilité de toute opinion personnelle, qu’ils ont généralement supprimé les critiques littéraires, se bornant à donner le titre du livre avec deux ou trois lignes de réclame, et dans vingt ans, il en sera probablement de même pour la critique théâtrale.
Epier l’opinion est devenue aujourd’hui la préoccupation essentielle de la presse et des gouvernements. Quel effet produira tel événement, tel projet législatif, tel discours, voilà ce qu’il faut savoir. Ce n’est pas facile car rien n’est plus mobile et plus changeant que la pensée des foules. On les voit accueillir avec des anathèmes ce qu’elles avaient acclamé la veille. »
Gustave Le Bon, Psychologie des foules, 1895
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21/12/2011
Nous autres français
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« "Nous autres français, par exemple, nous sommes Romains par la langue, Grecs par la civilisation, Juifs par la religion" écrit Renan dans "l'islam et la science". Soit. Et si cet assemblage était un miracle civilisationnel auquel rien ne pouvait s'ajouter sans le faire déchoir. »
Richard Millet, Fatigue du sens
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20/12/2011
Les femmes, ce sexe dur et froid
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« C’est Véronique qui m’a prêté ces Lettres à Casanova, et c’est également elle qui m’a apporté hier, à la piscine, le fragment d’un livre sur le maréchal de Richelieu paru en 1791, Véritable vie privée du maréchal de Richelieu, une plaquette parue au Mercure de France en 2004 et que j’ai commencé à lire ce matin.
L’auteur, anonyme, écrit à propos d’une maîtresse du duc de Richelieu : "Son amant alors était tout pour elle ; le mari qu’elle avait tant aimé avait perdu les charmes qui l’embellissaient, le temps de la séduction était passé, et l’on sait qu’il ne peut revenir." Cette observation sur la manière dont, chez une femme, s’évanouit le désir est très fine, très juste. J’ai dès ma jeunesse été frappé par ce refroidissement sans remède qui fait qu’une femme qui, quelques semaines auparavant, se livrait dans mes bras aux plus voluptueuses folies refuse après la rupture de m’accorder ne fut-ce qu’un baiser. J’ai décrit cela dans Ivre du vin perdu, et je l’ai expérimenté des dizaines de fois. C’est une disposition spécifiquement féminine. Un homme, lui, n’agit pas de la sorte : revoyant une ex-maîtresse, même s’il ne l’aime plus, même s’il l’a oubliée, il peut, si cette femme est encore belle, éprouver pour elle une bouffée de désir, avoir envie de recoucher, ne serait-ce qu’une foi, avec elle.
Nous sommes faibles et tendres, prompts à nous enflammer, nous les hommes.
Les femmes, ce sexe dur et froid. »
Gabriel Matzneff, Carnets noirs
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17/12/2011
Novlangue
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« Quelques-uns des mots B avaient de fines subtilités de sens à peine intelligibles à ceux qui n’étaient pas familiarisés avec l’ensemble de la langue. Considérons, par exemple, cette phrase typique d’un article de fond du Times : Ancipenseur nesentventre Angsoc. La traduction la plus courte que l’on puisse donner de cette phrase en ancilangue est : "Ceux dont les idées furent formées avant la Révolution ne peuvent avoir une compréhension pleinement sentie des principes du Socialisme anglais."
Mais cela n’est pas une traduction exacte. Pour commencer, pour saisir dans son entier le sens de la phrase novlangue citée plus haut, il fallait avoir une idée claire de ce que signifiait angsoc. De plus, seule une personne possédant à fond l’angsoc pouvait apprécier toute la force du mot : sentventre (sentir par les entrailles) qui impliquait une acceptation aveugle, enthousiaste, difficile à imaginer aujourd’hui ; ou du mot ancipensée (pensée ancienne), qui était inextricablement mêlé à l’idée de perversité et de décadence.
Mais la fonction spéciale de certains mots novlangue comme ancipensée, n’était pas tellement d’exprimer des idées que d’en détruire. On avait étendu le sens de ces mots, nécessairement peu nombreux, jusqu’à ce qu’ils embrassent des séries entières de mots qui, leur sens étant suffisamment rendu par un seul terme compréhensible, pouvaient alors être effacés et oubliés. La plus grande difficulté à laquelle eurent à faire face les compilateurs du dictionnaire novlangue, ne fut pas d’inventer des mots nouveaux mais, les ayant inventés, de bien s’assurer de leur sens, c’est-à-dire de chercher quelles séries de mots ils supprimaient par leur existence.
Comme nous l’avons vu pour le mot libre, des mots qui avaient un sens hérétique étaient parfois conservés pour la commodité qu’ils présentaient, mais ils étaient épurés de toute signification indésirable.
D’innombrables mots comme : honneur, justice, moralité, internationalisme, démocratie, science, religion, avaient simplement cessé d’exister. Quelques mots-couvertures les englobaient et, en les englobant, les supprimaient.
Ainsi tous les mots groupés autour des concepts de liberté et d’égalité étaient contenus dans le seul mot penséecrime, tandis que tous les mots groupés autour des concepts d’objectivité et de rationalisme étaient contenus dans le seul mot ancipensée. Une plus grande précision était dangereuse. Ce qu’on demandait aux membres du Parti, c’était une vue analogue à celle des anciens Hébreux qui savaient – et ne savaient pas grand-chose d’autre – que toutes les nations autres que la leur adoraient de "faux dieux". Ils n’avaient pas besoin de savoir que ces dieux s’appelaient Baal, Osiris, Moloch, Ashtaroh et ainsi de suite... Moins ils les connaissaient, mieux cela valait pour leur orthodoxie. Ils connaissaient Jéhovah et les commandements de Jéhovah. Ils savaient, par conséquent, que tous les dieux qui avaient d’autres noms et d’autres attributs étaient de faux dieux.
En quelque sorte de la même façon, les membres du Parti savaient ce qui constituait une bonne conduite et, en des termes excessivement vagues et généraux, ils savaient quelles sortes d’écarts étaient possibles. Leur vie sexuelle, par exemple, était minutieusement réglée par les deux mots novlangue : crimesex (immoralité sexuelle) et biensex (chasteté).
Il n’y avait pas de mot, dans le vocabulaire B, qui fût idéologiquement neutre. Un grand nombre d’entre eux étaient des euphémismes. Des mots comme, par exemple : joiecamp (camp de travaux forcés) ou minipax (ministère de la Paix, c’est-à-dire ministère de la Guerre) signifiaient exactement le contraire de ce qu’ils paraissaient vouloir dire.
Il était rarement possible en novlangue de suivre une pensée non orthodoxe plus loin que la perception qu’elle était non orthodoxe. Au-delà de ce point, les mots n’existaient pas.
Le fait que le choix des mots fût très restreint y aidait aussi. Comparé au nôtre, le vocabulaire novlangue était minuscule. On imaginait constamment de nouveaux moyens de le réduire. Il différait, en vérité, de presque tous les autres en ceci qu’il s’appauvrissait chaque année au lieu de s’enrichir. Chaque réduction était un gain puisque, moins le choix est étendu, moindre est la tentation de réfléchir.
Prenons comme exemple un passage bien connu de la Déclaration de l’Indépendance :
"Nous tenons pour naturellement évidentes les vérités suivantes : Tous les hommes naissent égaux. Ils reçoivent du Créateur certains droits inaliénables, parmi lesquels sont le droit à la vie, le droit à la liberté et le droit à la recherche du bonheur. Pour préserver ces droits, des gouvernements sont constitués qui tiennent leur pouvoir du consentement des gouvernés. Lorsqu’une forme de gouvernement s’oppose à ces fins, le peuple a le droit de changer ce gouvernement ou de l’abolir et d’en instituer un nouveau."
Il aurait été absolument impossible de rendre ce passage en novlangue tout en conservant le sens originel. Pour arriver aussi près que possible de ce sens, il faudrait embrasser tout le passage d’un seul mot : crimepensée. »
George Orwell, Appendice à 1984, Les principes du Novlangue
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16/12/2011
Je ne pus résister à la tentation de lui glisser ma main entre les jambes
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« Quand Fillmore revint avec sa négresse, elle avait les yeux de braise. Je compris à la façon dont Fillmore la regardait qu’elle avait dû en mettre un sacré coup, et je commençais à me sentir en appétit moi aussi. Fillmore dût se rendre compte de mes sentiments, et quelle épreuve ce devait être pour un homme de rester la, rien qu’à regarder tout le temps, car brusquement il tira un billet de cent francs de sa poche et, le faisant claquer sur la table, il dit : « Ecoute, vieux, tu as probablement plus besoin de tirer un coup que nous tous. Prends ça et choisis celle que tu veux ! » Je ne sais pourquoi ce geste me le rendit plus cher que tout ce qu’il avait jamais pu faire pour moi, et il avait fait beaucoup ! J’acceptais l’argent dans l’esprit ou il m’était donné, et je fis promptement signe à la négresse de se préparer pour une autre passe. Cela mit la princesse encore plus en rage que n’importe quoi, sembla-t-il. Elle voulait savoir s’il n’y avait personne dans ce bordel d’assez bon pour nous, hormis la négresse ! Je lui répondis brutalement : « Non » Et c’était vrai –la négresse était la reine du harem. Il suffisait de la regarder pour se mettre à bander. Ses yeux semblaient nager dans le sperme. Elle était saoule de toutes les demandes qu’on lui faisait. Elle ne pouvait plus se tenir droite, du moins me le semblait-il. En montant l’étroit petit escalier tournant derrière elle, je ne pus résister à la tentation de lui glisser ma main entre les jambes : et ainsi, nous continuâmes à monter, elle se retournant pour me regarder avec un sourire joyeux, et tortillant un peu le cul lorsque cela la chatouillait trop fort. »
Henry Miller, Tropique du Cancer
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15/12/2011
Au combat la bête se fait jour
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« Au combat, qui dépouille l’homme de toute convention comme des loques rapiécées d’un mendiant, la bête se fait jour, monstre mystérieux resurgi des tréfonds de l’âme. Elle jaillit en dévorant geyser de flamme, irrésistible griserie qui enivre les masses, divinité trônant au dessus des armées. Lorsque toute pensée, lorsque tout acte se ramènent à une formule, il faut que les sentiments eux-mêmes régressent et se confondent, se conforment à l’effrayante simplicité du but : anéantir l’adversaire. Il n’en sera pas autrement tant qu’il y aura des hommes.
Les formes extérieures n’entrent pas en ligne de compte. Qu’à l’instant de s’affronter on déploie les griffes et montre les dents, qu’on brandisse des haches grossièrement taillées, qu’on bande des arcs de bois, ou qu’une technique subtile élève la destruction à la hauteur d’un art suprême, toujours arrive l’instant où l’on voit flamboyer, au blanc des yeux de l’adversaire, la rouge ivresse du sang. Toujours la charge haletante, l’approche ultime et désespérée suscite la même somme d’émotions, que le poing brandisse la massue taillée dans le bois où la grenade chargée d’explosif. Et toujours, dans l’arène où l’humanité porte sa cause afin de trancher dans le sang, qu’elle soit étroit défilé entre deux petits peuples montagnards, qu’elle soit le vaste front incurvé des batailles modernes, toute l’atrocité, tous les raffinements accumulés d’épouvante ne peuvent égaler l’horreur dont l’homme est submergé par l’apparition, l’espace de quelques secondes, de sa propre image surgie devant lui, tous les feux de la préhistoire sur son visage grimaçant. Car toute technique n’est que machine, que hasard, le projectile est aveugle et sans volonté ; l’homme, lui, c’est la volonté de tuer qui le pousse à travers les orages d’explosifs, de fer et d’acier, et lorsque deux hommes s’écrasent l’un sur l’autre dans le vertige de la lutte, c’est la collision de deux êtres dont un seul restera debout.
Car ces deux êtres se sont placés l’un l’autre dans une relation première, celle de la lutte pour l’existence dans toute sa nudité. Dans cette lutte, le plus faible va mordre la poussière, tandis que le vainqueur, l’arme raffermie dans ses poings, passe sur le corps qu’il vient d’abattre pour foncer plus avant dans la vie, plus avant dans la lutte. Et la clameur qu’un tel choc mêle à celle de l’ennemi est cri arraché à des cœurs qui voient luire devant eux les confins de l’éternité ; un cri depuis bien longtemps oublié dans le cours paisible de la culture, un cri fait de réminiscence, d’épouvante et de soif de sang. »
Ernst Jünger, La guerre comme expérience intérieure
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14/12/2011
De nouveaux Munich
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« Les générations actuelles sont les plus médiocres que la France ait jamais connues. On ne saurait les justifier qu'aux dépens de la France. Je préfère justifier la France à leurs dépens.
(...)
Il m'est indifférent de ne pas me trouver d'accord avec ces générations. Je crains plutôt d'elles de nouveaux Munich, elles ont Munich dans le sang. »
Georges Bernanos, Français, si vous saviez
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11/12/2011
On essaie d’en sourire ; on fait le philosophe. On en reste accablé.
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« L’effort de l’homme, l’objet où il met son point d’honneur, c’est d’agir à l’encontre de la nature ou de la raison. Le mâle est fait pour les amours courtes et multiples : on lui impose, dans le mariage, un amour unique et constant. L’enfant, naturellement, méprise ses parents et se désintéresse d’eux ; on lui impose de les respecter, de les aimer, de les nourrir, de se sacrifier pour eux s’il le faut, un demi-siècle durant. L’adolescent, dès l’âge de douze ans, ressent l’appel du plaisir ; on ne lui permet aucun moyen d’y répondre avant, mettons, dix-huit ans. La jeune fille doit être devenue femme à un certain âge : si elle y pourvoit sans la mairie, on la montre du doigt. L’homosexualité est la nature même : on la fait passer pour vice ou maladie ; elle mène à la prison, au bûcher.
Ce ne sont là que quelques exemples. Ajoutez les religions, toutes fondées sur la contre-nature et la contre-raison. Ajoutez les idéologies politiques et sociales, deux fois sur trois insanes, toujours grosses de catastrophes, le bon sens se vengeant d’avoir été outragé trop longtemps. Quoi d’étonnant si, dans ces conditions, l’humanité ne cesse de souffrir ? On naît sous cette cloche de superstitions et d’idées fausses, on y grandit, on y continue ; on se dit qu’on y mourra, que, pas un seul jour de sa vie, on n’aura vécu autrement que gouverné par des idées d’imbéciles et des mœurs de sauvages, enfreintes ou seulement dénoncées non sans risques. On y jette ses enfants, sans défenses, ou avec des défenses aussi dangereuses pour eux que le mal même. On se dit que cela a toujours été ainsi, que cela sera toujours ainsi, sur toute la surface de la terre. On essaie d’en sourire ; on fait le philosophe. On en reste accablé. »
Henry de Montherlant, Carnets. 1930-1944. 1957
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10/12/2011
Il ne peut rien omettre
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« [le poète] connaît seulement des phénomènes qui surgissent devant lui et dont il souffre tout en tirant son bonheur de cette souffrance. Il voit et sent. Sa perception du réel a l’accent du sentiment, son sentiment a la clairvoyance de la perception du réel. Il ne peut rien omettre. A aucun être, aucune chose, aucun fantôme, aucun spectre enfanté par l’esprit humain, il ne doit fermer les yeux. On dirait que ses yeux n’ont pas de paupières. Aucune pensée qui l’assiège, il ne doit la chasser comme si elle appartenait à l’ordre des choses. Car, dans son ordre des choses, toute chose doit s’ajuster. En lui tout doit et veut se réunir. C’est lui qui noue en lui les éléments du temps. C’est en lui qu’est le présent, ou il n’est nulle part. »
Hugo von Hofmannsthal, Le poète et l’époque présente
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09/12/2011
Des formulations qui nous aident à mourir et lèguent cependant quelque chose aux vivants
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« Il faut craindre que les formules trempées dans le solvant de la littérature ne retrouveront plus jamais leur densité ni leur réalisme. Il faudrait tendre vers des formulations qui englobent totalement le vécu (c’est-à-dire la catastrophe) ; des formulations qui nous aident à mourir et lèguent cependant quelque chose aux vivants. Si la littérature est en mesure de produire de telles formules, je veux bien, mais je considère de plus en plus que seul le témoignage en est capable, ou éventuellement une vie muette et informulée comme formulation. »
Imre Kertész, Le drapeau anglais
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08/12/2011
La tendance à s’élever devant se manifester comme caractère principal
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« De même que l’esprit chrétien se retire dans l’intérieur de la conscience, de même l’église est l’enceinte fermée de toutes parts où les fidèles se réunissent et viennent se recueillir intérieurement. C’est le lieu du recueillement de l’âme en elle-même, qui s’enferme aussi matériellement dans l’espace. Mais si, dans la méditation intérieure, l’âme chrétienne se retire en elle-même, elle s’élève, elle s’élève, en même temps, au dessus du fini ; et ceci détermine également le caractère de la maison de Dieu. L’architecture prend, dès lors, pour sa signification, indépendante de la conformité au but, l’élévation vers l’infini, caractère qu’elle tend à exprimer par les proportions de ses formes architectoniques. L’impression que l’art doit par conséquent chercher à produire est en opposition à l’aspect ouvert et serein du temple grec ; d’abord celle du calme de l’âme qui, détachée de la nature extérieure et du monde, se recueille en elle-même, ensuite, celle d’une majesté sublime qui s’élève, qui s’élance au delà des limites des sens. Si donc les édifices de l’architecture classique en général, s’étendent horizontalement, le caractère opposé des églises chrétiennes consiste à s’élever du sol et à s’élancer dans les airs.
Cet oubli du monde extérieur, des agitations et des intérêts de la vie, il doit être produit aussi par cet édifice fermé de toutes part. Adieu donc les portiques ouverts, les galeries qui mettent en communication avec le monde et la vie extérieure. Une place leur est réservée, mais avec une toute autre signification, dans l’intérieur même de l’édifice. De même la lumière du soleil est interceptée, ou ses rayons ne pénètrent qu’obscurcis par les peintures des vitraux nécessaires pour compléter le parfait isolement du dehors. Ce dont l’homme a besoin, ce n’est pas de ce qui lui est donné par la nature extérieure, mais d’un monde fait par lui et pour lui seul, approprié à sa méditation intérieure, à l’entretien de l’âme avec Dieu et avec elle-même.
Mais le caractère le plus général et le plus frappant que présente la maison de Dieu dans son ensemble et ses parties, c’est le libre esssor, l’élancement en pointes, formées, soit par des arcs brisés, soit par des lignes droites. Ce libre élancement qui domine tout et le rapprochement au sommet constituent ici le caractère essentiel d’où naissent, d’un côté, le triangle aigu, avec une base plus ou moins large ou étroite, d’autre part, l’ogive, qui fournissent les traits les plus frappants de l’architecture gothique...
L’ogive, dont les arcs semblent d’abord s’élever des pilliers en ligne droite, puis se courbent lentement et insensiblement, pour se réunir en se rapprochant du poids de la voûte placée au dessus, offre l’aspect d’une continuation véritable des pilliers eux-mêmes se recourbant en arcades. Les piliers et la voûte paraissent, par opposition avec les colonnes, former une seule et même chose, quoique les arcades s’appuient aussi sur les chapiteaux d’où elles s’élèvent.
La tendance à s’élever devant se manifester comme caractère principal, la hauteur des pilliers dépasse la largeur de leur base dans une mesure que l’oeil ne peut plus calculer. Les pilliers amincis deviennent sveltes, minces, élancés, et montent, à une hauteur telle que l’oeil ne peut saisir la dimension totale. Il erre ça et là, et s’élance lui-même en haut, jusqu’à ce qu’il atteigne la courbure doucement oblique des arcs qui finissent par se rejoindre, et là se repose; de même que l’âme, dans sa méditation, d’abord inquiète et troublée, s’élève graduellement de la terre vers le ciel, et ne trouve son repos que dans Dieu. »
Georg Wilhelm Friedrich Hegel, Esthétique, 3ème partie
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07/12/2011
Le pur plaisir d'exister
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« Les dieux existent donc, bien qu’ils n’aient aucune action sur le monde, ou plutôt parce qu’ils n’ont aucune action sur le monde, car c’est la condition même de leur perfection.
"Ce qui est bienheureux et immortel n’a pas lui-même de tracas et n’en cause à personne d’autre, en sorte qu’il n’est sujet ni aux colères ni à la bienveillance : car tout ce qui est de ce genre ne se trouve que dans ce qui est faible."
C’est là l’une des grandes intuitions d’Épicure : il ne se représente pas la divinité comme un pouvoir de créer, de dominer, d’imposer, sa volonté à des inférieurs, mais comme la perfection de l’être suprême : bonheur, indestructibilité, beauté, plaisir, tranquillité. Le philosophe trouve dans la représentation des dieux à la fois le plaisir émerveillé que l’on peut éprouver en admirant la beauté, et le réconfort que peut procurer la vision du modèle de la sagesse. Dans cette perspective, les dieux d’Épicure sont la projection et l’incarnation de l’idéal de vie épicurien. La vie des dieux consiste à jouir de leur propre perfection, du pur plaisir d’exister, sans besoin, sans trouble, dans la plus douce des sociétés. Leur beauté physique n’est autre que la beauté de la figure humaine. On pourrait penser avec quelque raison que ces dieux idéaux ne sont que des représentations imaginées par les hommes, et qu’ils ne doivent leur existence qu’aux hommes. Pourtant, Épicure semble bien les concevoir comme des réalités indépendantes, qui se maintiennent éternellement dans l’être parce qu’elles savent écarter ce qui pourrait les détruire et ce qui leur est étranger. Les dieux sont les amis des sages et les sages sont les amis des dieux. Pour les sages, le bien le plus haut, c’est de contempler la splendeur des dieux. Ils n’ont rien à leur demander, et pourtant ils les prient, d’une prière de louange : c’est à la perfection des dieux que leurs hommages s’adressent. On a pu parler à ce sujet de "pur amour", d’un amour qui n’exige rien en retour. »
Pierre Hadot, Qu'est-ce que la philosophie antique ? (1995)
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06/12/2011
L'horreur instinctive que ressent tout individu sensible devant la mécanisation progressive de la vie
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« Une bonne part de ce que nous appelons plaisir n'est rien d'autre qu'un effort pour détruire la conscience. Si l'on commençait par se demander : qu'est-ce que l'homme ? Quels sont ses besoins ? Comment peut-il le mieux s'exprimer ? On s'apercevrait que le fait de pouvoir éviter le travail et vivre toute sa vie à la lumière électrique et au son de la musique en boîte n'est pas une raison suffisante pour le faire. L'homme a besoin de chaleur, de vie sociale, de loisirs, de confort et de sécurité ; il a aussi besoin de solitude, de travail créatif et du sens du merveilleux. S'il en prenait conscience, il pourrait utiliser avec discernement les produits de la science et de l'industrie, en leur appliquant à tous le même critère : cela me rend-il plus humain ou moins humain ? Il comprendrait alors que le bonheur suprême ne réside pas dans le fait de pouvoir tout à la fois et dans un même lieu se détendre, se reposer, jouer au poker, boire et faire l'amour. Et l'horreur instinctive que ressent tout individu sensible devant la mécanisation progressive de la vie ne serait pas considérée comme un simple archaïsme sentimental, mais comme une réaction pleinement justifiée. Car l'homme ne reste humain qu'en ménageant dans sa vie une large place à la simplicité, alors que la plupart des inventions modernes –notamment le cinéma, la radio et l'avion- tendent à affaiblir sa conscience, à émousser sa curiosité et, de manière générale, à le faire régresser vers l'animalité. »
George Orwell, Tribune - 1946
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05/12/2011
L’impossibilité des tendances et des désirs à atteindre la cohésion, la convergence, l’unité
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« Les amorphes sont légion. J’entends, par là, ceux qui n’ont pas de forme qui leur soit propre ; ce sont des caractères acquis. En eux, rien d’inné ; rien qui ressemble à une vocation ; la nature les a faits plastiques a l’excès. Ils sont intégralement le produit des circonstances, de leur milieu et de l’éducation qu’ils ont reçue des hommes ou des choses. Un autre, ou a défaut de cet autre, le milieu social veut pour eux et agit pour eux. Ils ne sont pas une voix, mais un écho. Ils sont ceci ou cela, au gré des circonstances. Le hasard décide de leur métier, de leur mariage et du reste : une fois pris dans l’engrenage, ils font comme tout le monde [...] Les instables sont les déchets et les scories de la civilisation et on peut l’accuser a juste titre de les multiplier. Ils sont l’antithèse complète de notre définition, n’ayant ni unité ni permanence capricieux, changeant d’un instant a l’autre, tour a tour inertes et explosifs ; incertains et disproportionnés dans leurs réactions, agissant de la même manière dans des circonstances différentes et différemment dans des circonstances identiques ; ils sont l’indétermination absolue. Formes morbides, à degrés divers, qui expriment l’impossibilité des tendances et des désirs à atteindre la cohésion, la convergence, l’unité. »
Théodule Ribot, La Psychologie des Sentiments
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04/12/2011
L’espace de notre quotidienneté n’est pas "vu d’avion" mais vécu à ras de terre. Davantage, cette approche méconnaît le fait qu’un espace urbain ne peut ainsi être perçu d’un coup...
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« Les nouvelles agglomérations sont élaborées sur la planche à dessin et à partir de maquettes. Dans les deux cas, elles sont essentiellement présentées comme des images abstraites, des compositions géométriques, en relief ou non. Leur méthode d’engendrement occulte le fait qu’un espace urbain ne s’adresse pas à l’œil seulement mais concerne le corps tout entier et ne peut, sous peine de réduction, être traité dans le seul cadre d’une esthétique de la vision : l’espace de notre quotidienneté n’est pas "vu d’avion" mais vécu à ras de terre. Davantage, cette approche méconnaît le fait qu’un espace urbain ne peut ainsi être perçu d’un coup, mais seulement dans la successivité de séquences fragmentaires, au gré des temps et des parcours. »
Françoise Choay, "Production de la ville, esthétique urbaine et architecture", M. Roncayolo (dir.), La ville aujourd’hui. Mutations urbaines, décentralisation et crise du citadin
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03/12/2011
Cette tempête est ce que nous appelons le progrès
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« Il existe un tableau de Klee qui s’intitule « Angelus Novus ». il représente un ange qui semble s’éloigner de quelque chose qu’il fixe du regard. Ses yeux sont écarquillés, sa bouche ouverte, ses ailes déployées. C’est à cela que doit ressembler l’Ange de l’Histoire. Son visage est tourné vers le passé. Là nous apparaît une chaine d’événements, il ne voit, lui, qu’une seule et unique catastrophe, qui sans cesse amoncèle ruines sur ruines et les précipite à ses pieds. Il voudrait bien s’attarder, réveiller les morts et rassembler ce qui a été démembré. Mais du paradis souffle une tempête qui s’est prise dans ses ailes, si violemment que l’ange ne peut plus les refermer. Cette tempête le pousse irrésistiblement vers l’avenir auquel il tourne le dos, tandis que le monceau de ruines devant lui s’élève jusqu’au ciel. Cette tempête est ce que nous appelons le progrès. »
Walter Benjamin, Sur le concept d’histoire, Œuvres, vol III
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02/12/2011
Les habitants des côtes
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« Les habitants des côtes doivent avoir l’esprit moins étroit que les habitants de l’intérieur. La mer, qui renferme l’idée de l’infini est sous leurs yeux. Ils parlent sans cesse des dangers qu’elle fait naître, du courage avec lequel on les surmonte et des fortunes rapides qu’on fait par le commerce maritime. La conversation du matelot fatigué et rentré au port est moins bête que celle du notaire de Bourges . »
Stendhal, Mémoires d’un touriste
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30/11/2011
La vie devenait de plus en plus féroce
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« On en finit même avec la semaine, si bien réglée: à présent, on imposait "les cinq jours continus", les membres d’une même famille avaient des jours de repos différents, le dimanche commun à tous fut liquidé. Le temps s’était lancé dans une telle course "en avant" qu’il en avait perdu son visage, cessant pour ainsi dire d’être. La vie devenait de plus en plus féroce. »
Alexandre Soljenitsyne, Nos Jeunes
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29/11/2011
Les hommes étaient partout les mêmes et il les plaignait
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« Pendant les années qu’il avait passées dans les campas, Ivan Grigoriévitch avait appris à connaître les faiblesses humaines. Maintenant, il voyait qu’elles étaient fort nombreuses des deux côtés des barbelés. Les souffrances ne faisaient pas que purifier. La lutte pour obtenir une gorgée supplémentaire de soupe ou pour se faire exempter d’une corvée était féroce et les faibles s’abaissaient à un niveau pitoyable. Maintenant qu’il était en liberté, Ivan Grogorévitch cherchait à deviner comment tel ou tel personnage hautain et fort soigné dans sa mise raclerait de sa cuiller les écuelles vides des autres ou trotterait autour des cuisines à la recherche d’épluchures et de feuilles de chou pourries, à la façon d’un chacal...
Foulés, écrasés par la violence, la sous-alimentation, le froid, la privation de tabac, les hommes métamorphosés en chacals des camps, cherchant de leurs yeux hagards des miettes de pain et des mégots couverts de bave, éveillaient en lui la pitié.
Les hommes des camps l’aidaient à comprendre les hommes en liberté. Il discernait chez les uns et chez les autres une même faiblesse, une même cruauté et une même peur.
Les hommes étaient partout les mêmes et il les plaignait. »
Vassili Grossman, Tout passe
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28/11/2011
L’art de commander
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« Eh bien, Socrate, dit-il, les animaux apprennent à obéir par ces deux moyens : ils sont châtiés s’ils tentent de désobéir, ils sont bien traités s’ils montrent de la bonne volonté et de la docilité. Voici, par exemple, comment les poulains apprennent à obéir à ceux qui les dressent : lorsqu’ils sont dociles ils sont gratifiés de quelque friandise, lorsqu’ils se montrent indociles ils ont des désagréments jusqu’à ce qu’ils se plient à la volonté du dresseur. De même, les jeunes chiens qui sont si inférieurs à l’homme sous le rapport de l’intelligence et du langage apprennent pourtant de cette même façon à courir en rond, à faire la culbute et bien d’autres tours ; lorsqu’ils sont dociles, on leur donne quelque chose dont ils ont envie, s’ils ne font pas attention, on les châtie. Quant aux hommes, il est possible de les rendre plus obéissants rien qu’en usant de la parole, en leur montrant que leur intérêt est d’obéir ; pour les esclaves, la méthode d’éducation qui semble particulièrement convenir pour les bêtes est un très bon moyen pour leur apprendre à obéir. Si en flattant leurs appétits tu satisfais leur estomac, tu pourras en tirer beaucoup. Mais les natures qui ont de l’amour-propre sont aiguillonnées par les compliments : certaines natures ont soif de compliments, tout comme d’autres ont envie de nourriture ou de boisson. Tous ces procédés que j’emploie moi-même dans la pensée de rendre les gens plus dociles, je les enseigne à ceux dont je veux faire des régisseurs et je leur viens encore en aide de la façon suivante : je dois fournir à mes ouvriers des vêtements et des chaussures et je ne les fais pas faire tous pareils ; les uns sont moins bons, les autres meilleurs ; je puis ainsi récompenser les ouvriers les plus capables avec les meilleurs et donner les moins bons aux moins capables. Car je crois, Socrate, ajoutait-il, qu’il est tout à fait décourageant pour les bons ouvriers de voir que tout le travail est fait par eux, tandis que l’on traite tout comme eux ceux qui ne consentent ni à se donner de la peine, ni à courir un risque en cas de besoin. »
XENOPHON, Économique, XIII
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