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11/02/2012

Notre société devrait susciter des résistants, des âmes fortes qui se démarquent d’elles, des visionnaires qui refusent le consensus et créent l’avenir

=--=Publié dans la Catégorie "Lectures"=--=

 

« Tu veux aimer et être aimé.
Si il est un idéal qui résiste à tous les doutes, c’est celui-là. Sache qu’il t’a déjà mis dans la bonne direction. Pourtant nous sommes tous spectateurs de l’amour gâché. Toi-même, peut-être as-tu déjà un passé d’amertume. Rien n’est perdu, l’amour ne fait que commencer ; cependant, il n’y parvient qu’en s’appuyant sur la vérité. Le christ nous rend capables de choisir la vérité et de vivre l’amour. Si tu veux aimer et être aimé, cherche le Christ.

Tu n’es pas le premier à chercher ; le Christ a commencé avant toi. Il t’a trouvé : le cherches-tu en retour ? Il t’aime tel que tu es. C’est ainsi, tu n’y pourras jamais rien : il ne te regarde qu’en t’aimant. Etre lucide sans amour, c’est le fait de cette créature splendide qui tourna mal en décidant de se détourner de son créateur. Ce jour-là, Lucifer devint Satan. Ne l’imitons pas : acceptons de nous regarder nous-mêmes qu’en nous aimant, à l’imitation de ce regard que le Christ a sur nous, éternellement et maintenant. […].

Pourquoi fais-tu la moue ? Oui, je suis un prêtre et je te parle comme un prêtre. Tes yeux me disent que tu me vois venir, que mon discours n’est qu’une fiche d’inscription à la "vocation", noyée dans quelques bons sentiments. Sur ce point, tu te trompes. Tu ne tarderas pas à découvrir que les paroles ensorceleuses ne sont pas mon genre. Je préfère te mettre devant la vérité de toi-même. Je ne suis pas un panneau publicitaire, je suis un miroir, le miroir de ton âme : tu n’y vois que toi. As-tu le cran de regarder, ou bien signes-tu l’échec de ta vie en détournant déjà les yeux ? Tu n’auras pas trop de ton existence pour rattraper cette erreur. Hésites-t-u ? Je le comprends, ces choses sont graves. As-tu peur ? Ce n’est pas le Christ qui t’effraie ; il ne procède jamais par la peur. Si tu as peur, c’est de toi-même. Le moment est venu d’affronter, de prendre tes responsabilités.

- Prendre mes responsabilités ? t’exclames-tu. Quel ennui ! je veux vivre. Quel discours d’adulte ! Je suis jeune, j’ai droit à l’insouciance.

- Tu es jeune, en effet, mais tu sais que l’insouciance te fuit déjà. Quelqu’un a dit que l’on est jamais aussi sérieux qu’à dix-sept ans… Dix-sept, vingt, vingt-cinq, et même trente, peu importe ; c’est l’âge des décisions. Toute ta vie va tenir à quelques décisions, à celles que tu prends maintenant et, j’insiste, à celles que tu ne prends pas. Si tu gâches ta jeunesse, tu gâches ce qui lui succédera ; si tu construis ta jeunesse, ta vie entière sera solide.

Permets-moi d’être encore plus féroce que tu ne l’es lorsque tu juges les adultes. Les trouves-tu si admirables ? Pourquoi si peu d’entre eux te donnent-ils envie d’être comme eux ? Cela vaut pour leur mariage, leurs idées, leurs réponses… Bien sur, entre ton idéal et leur vie, il y a les revers, les échecs, les deuils, ou bien le simple atterrissage dans la vie réelle. Il te faut accepter d’en tenir compte, car cela t’arrivera aussi ; mais, tout de même, ils sont bien médiocres, ces adultes. Même quand ils ont réussi, tu me dise qu’ils sont ternes ?. tu as raison, mais tu ignores pourquoi. Laisse-moi te le confier : s’ils sont ternes, c’est souvent parce qu’ils ont gâché leur jeunesse.

Après tout, un adulte n’est rien de plus qu’un jeune comme toi, mais qui est jeune depuis longtemps. Il n’a pas changé, il a vieilli, identique à lui-même, dans la ligne de sa jeunesse. Il était insouciant, avançait sans gravité, brulant son énergie dans la recherche des soirées, de la séduction, des conquêtes ; ne pensant qu’à l’argent à venir, ou qui lui manquerait, se cultivant un peu ou s’abrutissant au travail, remettant à plus tard le Christ, s’oubliant soi-même, oubliant les autres et la grisailles des jours dans les plaisirs déjà marqués par l’ennui. Il était jeune, ce la ne se voyait pas trop, mais tout était là. Ces joies factices ont continué, ou bien se sont faites plus modérées, mais ce vieux jeune n’est plus sage, il n’est que ralenti. Lui ont manqué Dieu, la vérité, l’amour ; une générosité active, un peu de panache.

Certains pensent qu’au moins, ils en ont bien profité. En effet, ils ont dilapidé leur cœur et leur corps. Tu me trouve rabat-joie, tu plaides pour faire la fête ? Fais-là ! Cependant, je ne ferais pas semblant de croire que tu heureux, je sais que tu ne l’es pas. Tu protestes :

- N’ai-je pas droit d’être un jeune normal ?

- Normal ! C’est donc cela que tu n’osais t’avouer : ce que tu cherches, c’est être comme les autres.

Même chez les jeunes chrétiens, qui vivent au nom d’un ailleurs, la tentation est quotidienne. Etre comme les autres, écouter les mêmes musiques (les trouves-tu belles ?), parler avec les même mots (facile, il y en si peu !), vivre et penser comme eux, n’est-ce pas formidable ?

C’est nul.

Puisses-tu au moins, être un caractère. Juge par toi-même, donne le ton. Notre société devrait susciter des résistants, des âmes fortes qui se démarquent d’elles, des visionnaires qui refusent le consensus et créent l’avenir. L’Evangile devrait être l’arbitre de la vie sociale, et non sa honte.

Le moment est venu d’affronter, de prendre tes responsabilités. »

Thierry-Dominique Humbrecht, Lettre aux jeunes sur les vocations

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09/02/2012

L'univers visible, j'y manque d'air respirable

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« L'univers visible, celui qui est fils de l'instinct de conservation, me paraît étroit, m'est comme une prison exiguë contre les barreaux de laquelle vient en voletant heurter mon âme ; j'y manque d'air respirable. Mais, davantage et toujours davantage, je veux être moi, et sans cesser de l'être, être en outre autrui, intérioriser la totalité des choses visibles et invisibles, m'étendre à l'illimité de l'espace et me prolonger à l'infini du temps. N'être pas du tout et pour toujours, c'est comme si je n'étais pas ; ou au moins être tout moi, et l'être pour jamais. Et être tout moi, c'est être tous les autres. Tout ou rien ! »

Miguel de Unamuno, Le sentiment tragique de la vie

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08/02/2012

S'il était avéré qu'hérédité et culture fussent étroitement liées, on préférerait encore sacrifier la culture, par horreur de l'hérédité, antidémocratique par excellence dés lors qu'elle revêt la forme d'un privilège

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« (...) Que, de façon générale, et avec toutes les exceptions inviduelles qu'on voudra, au premier rang desquelles celles du génie, il faille deux ou trois générations pour faire un individu tout à fait accompli culturellement, voila bien, quoique c'ait été la conviction tranquille de presque tous les siècles avant les nötres et de la plupart des civilisations, le genre d'opinions qui ne sauraient en aucune façon être reçue parmi nous. S'il était avéré qu'hérédité et culture fussent étroitement liées, on préférerait encore sacrifier la culture, par horreur de l'hérédité, antidémocratique par excellence dés lors qu'elle revêt la forme d'un privilège. Or, c'est à peu prés ce qui est arrivé, car le lien est bel et bien attesté, comme en atteste à l'envie tout le vocabulaire métaphorique gravitant autour du mot "culture" : "héritage", "patrimoine", "transmission", etc. La culture est la culture des morts, des parents, des grands-parents, des aïeux, des ancêtres, du peuple, de la nation ; et même de cela qu'on ne peut même plus nommer, d'autant qu'il est convenu qu'elle n'existe pas,  "la race". Celle-là, il est significatif qu'elle soit interdite de séjour. Mais, à travers elle, entraîné dans sa chute et dans sa proscription, c'est tout ce qui relève de la lignée, de l'héritage, du patrimoine qui est visé ; et la culture, par voie de conséquence, qui est atteinte. »

Renaud Camus, La grande déculturation

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07/02/2012

La prolétarisation ambiante

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« (…) La prolétarisation ambiante, si sensible culturellement en tous les quartiers et toutes les sous-sections de l’énorme petite bourgeoisie centrale, fait de spectaculaires apparitions, à titre d’emblème, jusqu’au sein du pouvoir, par le biais du langage des ministres, dont plusieurs s’affranchissent délibérément de la contrainte, jusqu’alors à peu prés observée, au moins dans l’exercice de leurs fonctions, de l’usage d’un langage "tiers", et affichent leur soi mêmisme enthousiaste en donnant expressément leur unique souci d’être et de rester eux-mêmes (qu’on aurait pu croire, sinon tout à fait contraire à la dignité ministérielle, du moins parfaitement secondaire par rapport à elle) comme le motif ou la justification de leurs phrases relâchées ou de leurs mots orduriers. Sous sa forme culturelle (au sens si volontiers "contre culturel" du terme) elle se manifeste même au plus haut niveau de l’Etat, non seulement dans les amitiés affichées du président de la République avec les acteurs les plus en vue du cinéma populaire et commercial, dans son intimité chaleureuse avec le milieu qu’on eut appelé jadis de la télévision du samedi soir (mais c’est désormais samedi soir tous les soirs, à la télévision, et toute la journée), mais mêmes dans ses allocutions les plus solennelles, comme celle ou sous la coupole du Capitole, à Washington, il invoque Elvis Presley ou Marilyn Monroe afin de souligner les liens de sa génération (entraînée toute entière à sa suite en un mouvement rhétorique typique de l’impérialisme culturel petit-bourgeois) avec les Etats-Unis d’Amérique. Le tropisme culturel prolétarisant est ici d’autant plus manifeste qu’il se donne à voir et à entendre dans la bouche du chef d’Etat d’une vieille nation de haute et grande culture, bien sur, mais aussi d’un personnage dont on nous rappelle volontiers l’origine aristocratique, il est vrai peu frappante. »

Renaud Camus, La grande déculturation

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06/02/2012

Double Pensée

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« Winston laissa tomber ses bras et remplit lentement d’air ses poumons. Son esprit s’échappa vers le labyrinthe de la double-pensée. Connaître et ne pas connaître. En pleine conscience et avec une absolue bonne foi, émettre des mensonges soigneusement agencés. Retenir simultanément deux opinions qui s’annulent alors qu’on les sait contradictoires et croire à toutes deux. Employer la logique contre la logique. Répudier la morale alors qu’on se réclame d’elle. Croire en même temps que la démocratie est impossible et que le Parti est gardien de la démocratie. Oublier tout ce qu’il est nécessaire d’oublier, puis le rappeler à sa mémoire quand on en a besoin, pour l’oublier plus rapidement encore. Surtout, appliquer le même processus au processus lui-même. Là était l’ultime subtilité. Persuader consciemment l’inconscient, puis devenir ensuite inconscient de l’acte d’hypnose que l’on vient de perpétrer. La compréhension même du mot "double pensée" impliquait l’emploi de la double pensée. »

George Orwell, 1984

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05/02/2012

Un enregistrement de Sheila ou Dalida

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« Qu’entre les riches et les pauvres la seule différence soit désormais l’argent entraîne, parmi plusieurs autres conséquences inattendues, une précarité sociale considérablement accrue des classes privilégiées elles-mêmes qui, de ce fait, n’ont plus le temps d’être des classes, justement, ni, partant, de remplir leur rôle social et culturel. Jadis, une famille qui avait appartenu un certain  temps à la classe privilégiée pouvait maintenir ce statut sur plusieurs générations même après l’effondrement de son niveau économique. La ruine, au temps de la noblesse, mais encore à l’époque bourgeoise, c’est-à-dire jusqu’au dernier tiers du siècle dernier, n’entraînait pas le déclassement social, ou seulement très lentement, parce que l’appartenance de classe n’était pas uniquement déterminée par le niveau de revenus mais aussi par le niveau culturel et la maîtrise plus ou moins grande de certains codes portant sur l’attitude, le vêtement et, au premier chef, sur le langage. En société déculturée, en revanche, ou post culturelle, ou néo culturelle –si l’on peut désigner par cette expression une société ou le mot "culture" a totalement changé de sens et ne désigne plus que les habitudes des uns et des autres, et tout spécialement les habitudes liées au loisir et au divertissement- , en société néo culturelle, donc, l’effondrement économique d’une famille entraîne ipso facto son effondrement social immédiat, ou du moins d’une génération à l’autre. Le rejeton d’une famille "distinguée" et cultivée peut très bien, s’il ne s’est pas intéressé à ses études, s’il n’était pas doué pour elles et s’il n’y a pas réussi, envisager très sérieusement, et même avec impatience et envie, d’être vendeur dans un magasin de chaussures ou chef de rang dans un restaurant ; et réclamer, s’il vient à mourir, qu’à son enterrement on fasse entendre un enregistrement de Sheila ou Dalida. »

Renaud Camus, La grande déculturation

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04/02/2012

Dans un coin près du comptoir il y avait une silhouette de femme pétrie dans un bleu de Prusse qui vous saturait le sang

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« Ce qui lui plaisait dans ce bistrot, c'étaient les couleurs. Il y avait un bon peintre qui avait vécu par ici et qui avait laissé une trace heureuse. Ce peintre était fou de bleu et Constant aussi. Sans doute ce peintre avait-il touché ces murs au début de la guerre quand Paris était soudain devenu tout bleu, d'un bleu secret et délicat de solitude qui se complait doucement et chaudement en elle-même et qui nie avec un entêtement rusé et délicieusement absurde les traînées de froid et de rigueur qui s'approchent de tous les lointains. Ce peintre aimait sans doute le bleu auparavant, mais la circonstance lui avait enjoint de se repaître de sa préférence. Peut-être maintenant, s'il n'était pas mort, aimait-il une autre couleur ? Mais Constant qui n'était pas peintre aimerait toujours le bleu. Il haïssait le verre et mépriser le violet. Avec quelque complaisance pour le jaune, il appréciait le rouge dans la mesure où il se mariait, divorcée et se remarier avec le bleu. Il y avait aussi des terres de Sienne, des cobalts qui le nourrissait bien. Il était goinfre et aimait à se gaver. Il était amoureux des choses. Quelquefois il se disait qu'il aurait pu se passer des gens ; il savait pourtant que les choses ne vivent que par les gens et que jouer des choses est le dernier moyen de communiquer avec les gens : à travers les choses on échange des messages. Et c'est ainsi que lui, Constant, venait causer dans ce bistrot avec un type qui lui disait des paroles bleues comme on en entend pas de bouche à oreille.

Dans un coin près du comptoir il y avait une silhouette de femme pétrie dans un bleu de Prusse qui vous saturait le sang. La ligne ajoutait aux bienfaits de la couleur un autre bienfait. Cela faisait deux bienfaits en même temps : on n'avait pas se plaindre, on avait de quoi se réjouir profondément dans les entrailles de son ventre et de son imagination. Tout cela ne tombe pas du ciel, mais c'était doucement sué par la terre qui était sous ce quartier de bitume et de plâtras et sous ce bistrot de marchandage et de bavardage. Constant rigolait doucement en songeant au bon tour que la terre, la couleur bleue et un copain inconnu jouaient à tous ces idiots crasseux et gentils qui ne savaient pas qu'ils nageaient dans le bleu, dans le suc que le plus raffiné. Pourtant, de temps en temps l'un d'eux semblait une seconde se méfier, s'inquiéter et, interrompant une phrase, suspendant son verre, demeurait bouche bée devant une tâche, une éclaboussure de magie et de fascination. Constant connaissait bien la terre. Bien qu'il fût de Paris, il connaissait la terre. Il ne l'avait jamais ignorée ; il l'avait toujours soupçonné, devinée, décelée sous les quartiers. Il n'avait aimé rien tant que les travaux de voirie qui, tout d'un coup, fendaient le bitumes et l'asphalte, cassaient le ciment et autour des tuyaux faisaient resurgir la chair vive, non pas seulement cette matière rapportée et sableuse qui est tout de suite sous le pavé, mais plus en dessous, le terreau même. »

Pierre Drieu la Rochelle, Les Chiens de paille

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03/02/2012

Il conclut au conditionnel désespoir des millénaires

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« Le Christianisme lui donnait sa parole d’honneur de l’Éternité bienheureuse, mais à quel prix ! Il la comprenait, maintenant, cette fringale de supplices de toute son enfance ! C’était le pressentiment de la Face épouvantable de son Christ !... Face de crucifié et face de juge sur l’impassible fronton du Tétragramme !...
Les misérables se tordent et meurent depuis deux mille ans devant cette inexorable énigme de la Promesse d’un Règne de Dieu qu’il faut toujours demander et qui jamais n’arrive. "Quand telles choses commenceront, est-il dit, sachez que votre Rédemption approche". Et combien de centaines de millions d’êtres humains ont enduré la vie et la mort sans avoir rien vu commencer !
Marchenoir considérait cette levée d’innombrables bras perpétuellement inexaucés et il comprit que c’était là le plus énorme de tous les miracles. - Voilà dix-neuf siècles, pensa-t-il, que cela dure, cette demande sans réponse d’un Père qui règne in terra et qui délivre. Il faut que le genre humain soit terriblement constant pour ne s’être pas encore lassé et pour ne s’être pas assis dans la caverne de l’absolu désespoir !
Il conclut au conditionnel désespoir des millénaires. »

Léon Bloy, Le désespéré

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02/02/2012

Vivre une existence double !

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« Vivre une existence double ! Etre et paraître ! Les grands aventuriers affirment qu’ils y trouvent une intensité de plaisir nerveux qui triple la joie de vivre (…). Combien il doit être vif, le frisson de ces aventureux qui, tout en s’accommodant de leur milieu ordinaire, goûtent et réalisent les voluptés de deux ou trois vies morales différentes et contradictoires. »

Maurice Barrès, Du sang, de la volupté et de la mort

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01/02/2012

Le mépris de soi ne nous sauvera pas du bain de sang. L’habitude de la capitulation fera le reste.

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« (…) Voila pourquoi je pense que l’islamisation, totale ou partielle, est la réponse la plus probable à la question : "Que va-t-il se passer ?". Il va se passer que des pans entiers et sans cesse s’élargissant de la France et de l’Europe vont ressembler de moins en moins à la France et à l’Europe que nous avons connues (mais que de moins en moins d’individus auront connues, et que la déculturation générale leur permettra d’oublier, de méconnaître et de calomnier). En revanche des pans entiers et sans cesse s’élargissant de la France et de l’Europe ressembleront de plus en plus et ressemblent déjà à ce qui s’observe dans les contrées où l’Islam est traditionnellement implanté ; et tout particulièrement bien sûr, s’agissant de la France, dans celles de ces contrées, à prédominance arabe ou berbère, d’où sont originaires la plupart des populations transplantées. On peut le conclure très clairement de l’observation des zones où l’influence ou la présence "arabo-musulmane" (pour le dire très vite et bien sûr imparfaitement) sont déjà majoritaires : ce n’est pas le sol ni le "droit du sol" qui détermineront le type de société qui aura cours : c’est le type de population. »

« (…) Des villes comme Alger ou Gaza, des pays comme l’Algérie, la Tunisie, la Palestine, des scènes de rues comme celles qui s’observent à Ramallah ou La Mecque, des systèmes économiques et d’économie parallèle, des taux de chômage, , des répartitions de l’aide publique tels qu’en connaissent le Maroc ou la Jordanie, des modes de gouvernement comme ceux de la Syrie, de l’Egypte ou encore une fois de l’Algérie, peuvent sans doute nous donner une idée beaucoup plus juste de ce qui va advenir en France que l’étude attentive et docte du "modèle Danois" ou du "paradigme Blairien". »

« (…) Toutefois, au moins dans un premier temps, c’est sans doute au Liban que la situation ressemblera le plus, les politiques menées en France depuis trente ans et davantage paraissant avoir tendu scrupuleusement à la reconstitution assez scrupuleuse du type libanais de société (avec quelques éléments empruntés aussi à l’Irlande du nord et à l’ex Yougoslavie, ou évoquant l’Irak le plus contemporain). »

« (…) Y aura-t-il ou non une guerre civile ? S’il faut absolument répondre à la question, je dirais que je pencherais plutôt, très légèrement, pour la négative. L’effondrement moral, culturel, intellectuel, grammatical, spirituel, "religieux", que dis-je "hormonal", d’une des parties au conflit éventuel l’empêchera sans doute de se lancer dans une résolution aussi extrême que le conflit armé ; et l’engagera très fort à le fuir, même, quel que soit le prix à payer pour ce désistement. La déculturation systématique dont a fait l’objet cette partie là de la population (la plus anciennement sur place) lui enlèvera toute conscience d’avoir quelque chose à défendre. Et de fait il ne lui restera pour ainsi dire rien, sinon une liberté dont elle se dégoûtera volontiers, sachant trop bien lui devoir ce qu’elle est devenue et que non sans raison elle déteste, même si ses raisons de se détester elle-même ne sont pas les bonnes. Le mépris de soi ne nous sauvera pas du bain de sang. L’habitude de la capitulation fera le reste. »

Renaud Camus, Le communisme du XXIième siècle

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31/01/2012

Derrière l'horizon...

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« Quand il eut ainsi apaisé la tendresse de sa dernière heure, lui qui n'avait pas sur son glaive le signe du martyre divin qui ordonne même aux héros de se résigner et de souffrir, il saisit près de lui sa compagne, son espingole, chaude encore de tant de morts qu'elle avait données le matin même, et, toujours silencieux et sans qu'un mot ou un soupir vînt faire trembler ses lèvres, bronzées par la poudre de la cartouche, il appuya l'arme contre son mâle visage et poussa du pied la détente. Le coup partit. La forêt de Cérisy en répéta la détonation par éclats qui se succédèrent et rebondirent dans ses échos mugissants. Le soleil venait de disparaître. Ils étaient tombés tous deux à la même heure, l'un derrière la vie, l'autre derrière l'horizon. »

Jules Barbey d’Aurevilly, L'ensorcelée

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30/01/2012

Le disque éclatant du soleil qui montait, explosa derrière ses paupières

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« Isao aspira profondément et ferma les yeux en se caressant doucement l'estomac de la main gauche. Saisissant le couteau de la droite, il en appuya la pointe contre son corps et la guida vers le bon endroit du bout des doigts de l'autre main. Puis, d'un coup puissant du bras, il se plongea le couteau dans l'estomac. À l'instant où la lame tranchait dans les chairs, le disque éclatant du soleil qui montait, explosa derrière ses paupières. »

Yukio Mishima, Chevaux échappés

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29/01/2012

La vie telle qu'elle se présente

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« Qu'importe mon livre ? [Voyage au bout de la nuit] Ce n'est pas de la littérature. Alors ? C'est de la vie, la vie telle qu'elle se présente. La misère humaine me bouleverse, qu'elle soit physique ou morale. Elle a toujours existé, d'accord ; mais dans le temps on l'offrait à un dieu, n'importe lequel. Aujourd'hui, dans le monde, il y a des millions de miséreux, et leur détresse ne va plus nulle part. Notre époque, d'ailleurs, est une époque de misère sans art, c'est pitoyable. L'homme est nu, dépouillé de tout, même de sa foi en lui. C'est ça, mon livre. [...] J'ai écrit comme je parle. Cette langue est mon instrument. Vous n'empêcheriez pas un grand musicien de jouer du cornet à piston. Eh bien ! je joue du cornet à piston. Et puis je suis du peuple, du vrai... »

Louis-Ferdinand Céline, Interview avec Pierre-Jean Launay, Paris-Soir, 10 novembre 1932

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28/01/2012

Il rappelait aussi que toutes les cultures ne se valent pas, et que l'art est une hiérarchie, une vibrante échelle, un faisceau de dures vérités et de merveilles

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« La littérature suppose une hiérarchie de l'inactuel : une échelle de valeurs, la verticalité, une puissance critique - tout le contraire de l'horizontalité d'un Occident mosaïfié par les minorités et rongé par le refus de toute forme d'autorité vécue comme oppressive tout en en appelant à la dictature d'un consensus universel.

Lorsque Saul Bellow demandait qu'on lui montrât le Proust des Papous et le Tolstoï des Zoulous, cette boutade était aussi une façon d'en revenir à la verticalité, à l'héritage commun de la civilisation universelle dans laquelle les Papous n'ont joué aucun rôle, sinon pour rappeler la différence entre état de nature et haute civilisation ; il rappelait aussi que toutes les cultures ne se valent pas, et que l'art est une hiérarchie, une vibrante échelle, un faisceau de dures vérités et de merveilles. »

Richard Millet, Désenchantement de la littérature

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Entrant dans une sorte de déréliction que nul discours politique ne pouvait apaiser

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« Je me rappelle que le moment où j'ai compris que la France était morte (ou appelée à devenir tout autre chose que ce qu'on m'avait appris qu'elle était depuis des siècles) eut lieu lorsque, enseignant et évoquant tel épisode de l'histoire de France, j'ai cessé de pouvoir dire "nous", sans rien trouver qui remplaçât ce signe d'appartenance heureuse, et dès lors entrant dans une sorte de déréliction que nul discours politique ne pouvait apaiser. »

Richard Millet, L'opprobre, Essai de démonologie

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27/01/2012

Les flammes, semblables à des serpents de feu se réveillaient aussitôt et rien ne parvenait à arrêter la morsure de cette lèpre ardente

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« Les bombes au phosphore avaient mis le feu à des quartiers entiers de cette ville, faisant un grand nombre de victimes. Jusque là, rien d’extraordinaire, même les Allemands sont mortels. Mais des milliers et des milliers de malheureux, ruisselant de phosphore ardent, dans l’espoir d’éteindre le feu qui les dévorait, s’étaient jetés dans les canaux qui traversent Hambourg en tous sens, dans le port, le fleuve, les étangs, dans les bassins des jardins publics ou s’étaient faits recouvrir de terre dans les tranchées creusées ça et là sur les places et dans les rues pour servir d’abri aux passants en cas de bombardement. Agrippés à la rive et aux barques, plongés dans l’eau jusqu’à la bouche, ou ensevelis dans la terre jusqu’au cou, ils attendaient que les autorités trouvassent un remède quelconque contre ce feu perfide. Car le phosphore est tel qu’il se colle à la peau tel une lèpre gluante, et ne brûle qu’au contact de l’air. Dès que ces malheureux sortaient un bras de la terre ou de l’eau, le bras s’enflammait comme une torche. Pour échapper au fléau, ces malheureux étaient contraints de rester immergés dans l’eau ou ensevelis dans la terre comme les damnés de Dante. Des équipes d’infirmiers allaient d’un damné à l’autre, distribuant boisson et nourriture, attachant avec des cordes les plus faibles au rivage, afin qu’ils ne s’abandonnent pas vaincus par la fatigue, et se noient ; ils essayaient tantôt un onguent, tantôt un autre, mais en vain, car tandis qu’ils enduisaient un bras, une jambe ou une épaule, tirés un instant hors de l’eau ou de la terre, les flammes, semblables à des serpents de feu se réveillaient aussitôt et rien ne parvenait à arrêter la morsure de cette lèpre ardente. »

Curzio Malaparte, La peau

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26/01/2012

Restent un homme mort et un homme libre

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La conscience de son temps, Jean-Sol Partre, a écrit des enculades de l'ordre de celle qui suit. Après on se demande pourquoi le petit blanc occidental, sans culture et dépourvu de la moindre jugeotte se hait tant !

«  Abattre un Européen, c'est faire d'une pierre deux coups, supprimer en même temps un oppresseur et un opprimé ; restent un homme mort et un homme libre. »

Jean-Paul Sartre, Préface aux "Damnés de la Terre" de Franz Fanon

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Selon le discours en vogue, la France aurait toujours été un creuset de populations. Du point de vue historique, cette assertion est fausse.

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« Selon le discours en vogue, la France aurait toujours été un creuset de populations. Du point de vue historique, cette assertion est fausse. Du VIe au XIXe siècle, le fond du peuple français est demeuré le même. Au XIXe siècle apparaît une immigration saisonnière, les travailleurs retournant dans leur pays après leur labeur. La première grande vague migratoire a lieu après la Première Guerre mondiale. Elle est constituée d’ Italiens, d’Espagnols, de Polonais et de ressortissants d’autres nations de l’Est. Ceux-ci s’assimilent peu à peu, par le biais de l’école, du service militaire et de la guerre -certaines institutions exerçant une force intégratrice : l’Église catholique, les syndicats, et même le Parti communiste. A partir de 1946, la seconde vague migratoire vient d’Algérie. Sous la IVe République, contrairement à ce qui se répète, ce n’est pas le patronat qui fait venir cette main-d’œuvre : ce sont les pouvoirs publics, afin de trouver une issue à l’explosion démographique de la population musulmane d’outre-Méditerranée. Après 1962, l’Algérie indépendante, le flux migratoire reprend en vertu de la libre circulation stipulée par les accords d’Evian. Si l’immigration est officiellement interrompue en 1974, le regroupement familial, autorisé en 1975, accroît dans les faits le nombre d’arrivants. D’autres courants migratoires apparaissent, issus d’Afrique noire ou d’Asie. Et en vertu de la loi, tout enfant né en France de parents étrangers peut, à sa majorité, accéder à la nationalité française. »

Jean Sévilla, Le terrorisme intellectuel

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25/01/2012

Impétueuse jeunesse

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« Il n'est dans la vie qu'une jeunesse, et l'on passe le reste de ses jours à regretter, et rien au monde n'est plus merveilleux et plus émouvant. Parfois, les hommes nient le regret, nient la merveille et l'émotion. Et peut-être même sont-ils sincères, ont-ils fini par oublier. Ils n'empêcheront pas la merveille d'avoir été, d'avoir contenu tout ce qu'un corps humain peut supporter de plus exaltant sans se rompre. Ils n'empêcheront pas qu'aucune satisfaction du plaisir, de l'ambition, de la réussite, de l'amour ou de la vérité, vaille jamais dans notre souvenir quelques instants fragiles et naïfs. Si nous étions francs envers nous-mêmes, que de fois nous nous laisserions aller, nous mordrions notre paume ou notre poignet, les yeux fermés sur un soir d'été au bord de la mer brune, sur un couple qui danse dans les collines, une ville forte dans la montagne, sur une cour de lyçée, un jardin d'école, un toit, une rue brusque et surgissante, minutes magiques ensevelies. Si la trentième année est l'âge des erreurs parfois graves, c'est qu'on s'imagine pouvoir y prolonger encore ces minutes, c'est qu'on croit n'avoir pas encore changé, c'est qu'on les retient dans ses mains comme un sable, comme une eau, c'est que l'apparence physique, les circonstances, la proximité trop grande de la jeunesse nous dupent, et que nous croyons qu'il est encore temps. Alors que d'autres joies peuvent être les nôtres, mais plus celles-là. »

Robert Brasillach, Les sept couleurs

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24/01/2012

La solitude volontaire et la résistance à la contrainte extérieure

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« Péguy, Bernanos, Claudel. Si je rapproche ici ces noms, ce n'est pas parce qu'ils sont tous trois ce que l'on est convenu d'appeler des écrivains catholiques. Catholiques, ils le sont, chacun à sa manière, mais cela ne suffit pas, loin de là, à les définir. Si je les ai réunis, c'est d'abord parce que chacun d'eux a représenté, à diverses époques de ma vie, un formidable instrument d'émancipation intellectuelle. Ils m'ont aidé à me libérer de mon temps, à prendre des distances vis-à-vis de lui, et plus encore, vis-à-vis de moi-même. Quand le monde tout entier paraît s'affaisser sur son axe et que l'on se sent gagné par la lâche tentation de composer avec ce qu'il charrie de plus médiocre, alors Péguy, Bernanos et Claudel sont des recours. Ils nous arrachent à la vulgarité ambiante et bien souvent nous en protègent. Non que chacun d'entre eux n'ait eu, à l'occasion, ses faiblesses. Mais leurs erreurs n'ont jamais été inspirées par la complaisance à leur époque ; ils n'ont jamais emprunté leurs aveuglements à leurs contemporains. Leur marginalité fut à la fois un fait subi et une situation voulue. Subie, parce qu'elle est en effet pour partie liée à leur position d'écrivains catholiques. Voulue, parce qu'en érigeant l'ostracisme dont ils furent victimes en sécession délibérée, ils ont fait de ce défi à leur temps la source principale de leur inspiration. Les grandes oeuvres peuvent bien exprimer leur époque, elles n'en sont pas moins bâties sur la solitude volontaire et la résistance à la contrainte extérieure. »

Jacques Julliard, L'argent, Dieu et le diable - Péguy, Bernanos, Claudel face au monde moderne

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23/01/2012

L’immense majorité du troupeau consume sa poésie à espérer qu’il sera fonctionnaire

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« On se demande où mènent les fastidieuse études qu’on impose à la jeune bourgeoisie : elles mènent au café. Mobilier malpropre, service bruyant et familier, chaleur de gaz intolérable ! Comment demeurer là, sinon par veulerie ? C’est compromettre son hygiène morale plus fâcheusement qu’en aucun vice, puisqu’on n’y trouve ni passion, ni jouissance, mais seulement de mornes habitudes. Voilà pourtant le chenil des jeunes bacheliers qui sortent des internats pour s’adapter à la société moderne… A marcher, le fusil en main, auprès des camarades, dans les hautes herbes, avec du danger tout autour, on nouerait une amitié de frères d’armes. Si cette vie primitive n’existe plus, si l’homme désormais doit ignorer ce que mettent de nuances sur la nature les saisons et les heures diverses du soleil, certains jeunes gens du moins cherchent, dans des entreprises hardies, appropriées à leur époque, mais où ils payent de leur personne, à dépenser leur vigueur ; et ils échangent avec les associés de leurs risques une sorte d’estime… bien différente de celle qu’on prodigue à la respectabilité d’un chevalier de la Légion d’honneur.

Comme ils sont une minorité, ces oseurs ! L’immense majorité du troupeau consume sa poésie à espérer qu’il sera fonctionnaire. Cartonnant, cancanant et consommant, ces demi-mâles, ou plutôt ces molles créatures que l’administration s’est préparées comme elle les aime, attendent au café, dans un vil désoeuvrement, rien que leur nomination. »

Maurice Barrès, Les déracinés

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Mille brasiers d’un modernisme fracassant

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« L’américanophobie, on le sait, est un très vilain défaut ; mais l’allergie à l’Empire, ce que l’on pourrait appeler l’empirophobie, a peut-être de beaux jours devant elle. Serions-nous en train de nous ressaisir tandis qu’ils s’apprêtent à allumer, aux quatre coins de la planète, mille brasiers d’un modernisme fracassant dont ils espèrent bien qu’on leur demandera ensuite de les éteindre, et cela jusqu’à la consommation des temps ? »

Philippe Muray, Festivus Festivus

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21/01/2012

Nous disons non à tous les visages de la mort

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« Nous ne sommes ni de droite, ni de gauche, nous ne sommes même pas d’en haut, nous sommes de partout. Nous sommes las de mutiler l’homme ; que ce soit pour l’accabler comme à droite ou pour l’adorer comme à gauche, nous sommes las de le séparer de Dieu. Nous n’abandonnerons pas un atome de la vérité totale qui est la nôtre. Au nom de quoi nous attaque-t-on ? Nos adversaires sont-ils pour le peuple ? Nous le sommes. Pour la liberté ? Nous le sommes. Pour la race, pour l’Etat, pour la justice ? Nous sommes pour tout cela, mais pour chaque chose à sa place. On ne peut nous frapper qu’en nous arrachant nos propres membres. Nous sommes pour chaque partie, étant pour le tout. Nous ne voulons rien diviniser de la réalité humaine et sociale parce que nous avons déjà un Dieu ; nous ne voulons rien repousser non plus parce que tout est sorti de ce Dieu. Nous ne sommes contre rien. Ou plutôt, car le néant est agissant aujourd’hui, nous sommes contre le rien. Devant chaque idole, nous défendons la réalité que l’idole écrase. Sous quelque fard qu’ils se présentent, nous disons non à tous les visages de la mort. »

Gustave Thibon, Retour au réel

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20/01/2012

Le relativisme absolu conduit à un indifférentisme

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Jacques Dewitte

« Alors qu’il voyageait au Mexique et visitait des sites archéologiques amérindiens en compagnie d’un écrivain mexicain, le philosophe polonais Kolakowski en est venu à se demander "où sont les barbares ?". Sont-ils du coté des conquistadores, lesquels sont barbares parce qu’ils ont voulu détruire une culture extra-européenne ? Ou bien ne seraient-ce pas plutôt du coté de ces Européens qui, devenus indifférents à leur propre tradition, posent l’équivalence absolue de toutes les cultures ? Dans ce cas on devrait paradoxalement admettre que les conquistadores seraient non seulement les derniers Européens, mais les derniers non-barbares. Car le relativisme absolu conduit à un indifférentisme et à une dissolution de tout ce à quoi l’on peut adhérer en quelque manière.

Il s’agit d’une boutade permettant surtout de prendre en considération ce problème capital : jusqu’où peut on aller dans la remise en question critique de soi-même. Peut-on aller, sans contradiction, jusqu’à approuver, le cas échéant, la barbarie dans un souci de respect des "autres" et de leur "altérité". Il s’agit en effet de déjouer le piège dans lequel tombe le relativisme culturel en finissant par nier la différence même entre lui-même et ses ennemis.

Etre barbare, c’est être emprisonné dans son exclusivisme et son fanatisme. Si l’on est fier d’en être sorti, si l’on se pique d’avoir surmonté l’enfermement dans la clôture ethnocentrique, alors on ne peut s’interdire de condamner la barbarie éventuelle des autres.

Faute de quoi l’universalisme se contredit lui-même :

"Il se nie s’il est généreux au point de méconnaitre la différence entre l’universalisme et l’exclusivisme […] entre soi-même et la barbarie ; il se nie si, pour ne pas tomber dans la tentation de la barbarie, il donne aux autres le droit d’être barbare".

L’universalisme ne peut donc rester à l’intérieur de la culture qui l’a produit [la culture européenne] et s’arrêter aux frontières des autres cultures, par "respect de leur différence". S’il ne veut pas se nier lui-même, il ne peut pas ne pas impliquer un certain prosélytisme. "L’universalisme se paralyse lui-même s’il ne se croit pas universel, c'est-à-dire propre à être propagé partout".

Kolakowski évoque de manière frappante une situation concrète qui est plus actuelle que jamais, dans les pays européens ayant accueilli d’importantes populations musulmanes et où certaines organisations tentent de faire reconnaître la charia à l’encontre du droit européen : quelle attitude adopter face aux règles de la loi islamique qui prescrit notamment la lapidation pour la femme adultère (ou la flagellation pour les hommes), ou bien l’amputation de la main pour la fraude fiscale ?

"Si l’on dit, dans un cas pareil, "c’est la loi coranique, il faut respecter les autres traditions", on dit en fait : "ce serait terrible pour nous, mais c’est bon pour ces sauvages" ; par conséquent, ce qu’on exprime, c’est moins le respect que le mépris des autres traditions, et la phrase "toutes les cultures sont égales" est la moins propre à décrire cette attitude". »

Leszek Kolakowski, "Où sont les barbares ?", Le village introuvable, Bruxelles, Complexe, 1978, p. 110-111, commenté ici par Jacques Dewitte dans L’exception européenne. Ces mérites qui nous distinguent, Paris, Michalon, 2008, p. 34-35


Leszek KOLAKOWSKI

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18/01/2012

Sa vraie patrie n'est-elle pas quelque part du côté de la constellation d'Orion ?

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« Ce 28 octobre 2005, au parc de la Muette, rencontre, dans l'après-midi, avec Yves Adrien et Édouard Burgalat [note de Tomblands : vraisemblablement faut-il comprendre Bertrand Burgalat]. C'est un bien grand jour. Yves Adrien et moi nous nous surveillons, nous nous attendons depuis une trentaine d'années, sans que nous nous soyons, à ce jour, rencontrés. C'est le "noble voyageur", personnage hors du temps et des temps, "venu d'ailleurs", qui subit avec une indifférence affectée les stigmates transparents de son état de grâce, qui se trouve là, devant moi ; l'incroyable accomplissement, tout arrive. Un ange à double identité, noire et blanche, la blanche l'emportant de loin sur la noire qui, subtilement, ne sert que de faire-valoir. Cette ambiguïté est-elle autre chose qu'une étincelante voilure ?

Une grâce aristocratique le commande, impitoyablement ; selon un mot de Charles Dickens, elle "porte l'estampille du ciel", et sa soumission est la garantie de son excellence prédestinée. Une grâce aérienne commande à son être, à tout instant. Et c'est sans doute ce qui crée un certain malaise, une certaine peur. Sans cesse il impose à ce monde une présence étrangère, d'outre-monde. Qui sont ses étranges, ses mystérieuses protections occultes, qui parvienne tà le maintenir hors des atteintes des "centrales du Chaos" ? Un jour, on saura peut-être qui était Yves Adrien, mais ce sera trop tard, bien trop tard.

En attendant, il est chose certaine que les opérations confidentielles dont il a la charge en ce monde contribuent à rétablir en permanence les déficiences imposées à celui-ci par les ténèbres menant leurs jeux cachés. Sa vraie patrie n'est-elle pas quelque part du côté de la constellation d'Orion ? Ce qu'il faut savoir, c'est que les temps d'Orion reviennent, et ceux de ses anciennes zones d'influence religieuse et civilisationnelle ; et qu'il ne s'agit pas seulement de l'Égypte, mais aussi du cœur irradiant de l'Eurasie, de la "Grande Europe".

Yves Adrien m'a confié qu'il ne se séparait jamais d'une petite image de sainte Thérèse de Lisieux la représentant sur son lit de mort, les yeux clos, la bouche entrouverte, on dirait qu'elle respire encore ; le visage secrètement brûlé, comme taché par la grande fièvre de la mort ; au-dessous de l'image, une brève citation des écrits de la sainte : " ...ô mon Dieu, vous avez dépassé mon attente". La même image de Thérèse n'a pas un seul instant quitté, depuis une trentaine d'années et plus, ma table de chevet.

Nous autres, l'"armée clandestine" des dévots inconditionnels de sainte Thérèse de Lisieux, constituons actuellement une des armatures les plus sûres de l'Église, le visage de la petite sainte illuminant nos vies en profondeur, comme un vivant soleil de grâce. Comme une garantie de salut, de victoire d'avance acquise par sa veille toute-puissante. Je ne peux encore en être certain, mais il se peut que cette nuit même - la nuit du 8 au 9 novembre 2005 - sainte Thérèse de Lisieux m'ait enfin accordé son pardon. (ce mystérieux pardon serait-il à mettre en relation avec ma rencontre avec Yves Adrien ? Je me le demande.) »

Jean Parvulesco, Un Retour en Colchide

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