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31/05/2012

C’est n’être nulle part que d’être partout

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« La mobilité perpétuelle des individus atomisés est l’aboutissement logique du mode de vie capitaliste, la condition anthropologique ultime sous laquelle sont censés pouvoir se réaliser l’adaptation parfaite de l’offre à la demande et l’"équilibre général" du Marché. Cette conjonction métaphysique d’une prescription religieuse (Lève toi et marche !) et d’un impératif policier (Circulez, il n’y a rien à voir !), trouve dans l’apologie moderne du "nomade" son habillage poétique le plus mensonger.

On sait bien, en effet, que la vie réelle des tribus nomades que l’histoire a connues, s’est toujours fondée sur des traditions profondément étrangères à cette passion moderne du déplacement compensatoire dont le "tourisme" (comme négation définitive du Voyage) est la forme la plus ridicule quoiqu’en même temps la plus destructrice pour l’humanité.

Bouygues et Attali auront beau s’agiter sans fin, leur pauvre univers personnel se situera donc toujours à des années-lumière de celui de Segalen ou de Stevenson. Sénèque avait, du reste, répondu par avance à tous ces agités du Marché : "C’est n’être nulle part que d’être partout. Ceux dont la vie se passe à voyager finissent par avoir des milliers d’hôtes et pas un seul ami. " (Lettres à Lucilius) »

Jean-Claude Michéa, Orwell éducateur

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30/05/2012

J’avais été bien content de trouver la patrie en danger. Le devoir, c’est quelquefois bien commode.

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« Il fallait redevenir Jean Dutourd. Fade perspective ! Je l’avais bien perdu de vue, celui-là ! Je l’avais en quelque sorte abandonné en 1942 sans beaucoup de regrets. Il ne m’apportait guère de satisfactions. Collé aux examens, sans le sou, tâtonnant dans les obscurités de l’adolescence, me raccrochant à une vocation d’écrivain qui se manifestait surtout par le dégoût de faire quoi que ce fût d’autre, j’avais été bien content de trouver la patrie en danger. Le devoir, c’est quelquefois bien commode. Il est écrit là-haut sans doute que je ferai tout au rebours des autres. Les jeunes gens, d’ordinaire, sollicitent des sursis pour avoir le temps de tailler leur place dans le monde. Moi, je demandais à la guerre un sursis à mon entrée dans le monde. Le désordre, qui effraye les personnes sérieuses et prévoyantes, me plaisait, à moi. Il était accueillant, il était chaleureux, il était créé tout spécialement pour moi. Je savais déjà, ou je sentais, à cette époque, que je ne pourrais jamais m’accommoder des catégories habituelles, que je serais incapable de me "faire une situation", que les règles sociales n’entreraient jamais dans ma tête ; elle y était aussi réfractaire qu’à la géométrie ou à l’algèbre. »

Jean Dutourd, Le demi-solde

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29/05/2012

Je suis chrétien, priez pour moi !

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« Il n’y a pas d’honneur à être français, nulle gloriole. Et qu’on veuille bien me permettre une fois de le dire, dans le même sens: il n’y a pas non plus d’honneur à être chrétien. Nous n’avons pas choisi.

"Je suis chrétien, révérez-moi!" s’écrient à l’envie les princes de prêtres, les scribes et les pharisiens. Il faudrait plutôt dire, humblement: "Je suis chrétien, priez pour moi !" Nous n’avons pas choisi.
Lorsqu’on a déjà tant de mal à être français, le moindre retour complaisant vers nous-mêmes, le plus furtif regard jeté sur l’abîme des siècles qui, à notre droite et à notre gauche, nous sépare des aïeux, risque de nous donner le vertige. Quoi! Nous sommes déjà si loin, si seuls ? Ils ne peuvent plus nos entendre, le cri d’angoisse que nous jetterions vers eux serait à l’instant pris sur nos lèvres, englouti. Et bien ne crions pas, serrons les dents. Gardons nous de mesurer la largeur de la route. Ce que nous tentons aujourd’hui, d’autres le firent, en leur temps, en leur lieu, et ils n’en savaient pas plus long que nous. »

Georges Bernanos, Nous autres français

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28/05/2012

Rien ne saurait cacher l’usure véloce

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« Comme toute l’organisation de la distribution des biens est liée à celle de la production et de l’État, on rogne sans gêne sur toute leur ration, de nourriture comme d’espace, en quantité et en qualité. Quoi que restant formellement des travailleurs et des consommateurs libres, ils ne peuvent s’adresser ailleurs, car c’est partout que l’on se moque d’eux.

Je ne tomberai pas dans l’erreur simplificatrice d’identifier entièrement la condition de ces salariés du premier rang à des formes antérieures d’oppression socio-économique. Tout d’abord parce que, si l’on met de côté leur surplus de fausse conscience et leur participation double ou triple à l’achat des pacotilles désolantes qui recouvrent la presque totalité du marché, on voit bien qu’ils ne font que partager la triste vie de la grande masse des salariés d’aujourd’hui. C’est d’ailleurs dans l’intention naïve de faire perdre de vue cette enrageante trivialité que beaucoup assurent qu’ils se sentent gênés de vivre parmi les délices alors que le dénuement accable des peuples lointains. Une autre raison de ne pas les confondre avec les malheureux du passé, c’est que leur statut spécifique comporte en lui-même des traits indiscutablement modernes. Pour la première fois dans l’histoire, voilà des agents économiques hautement spécialisés qui, en dehors de leur travail, doivent faire tout eux-mêmes. Ils conduisent eux-mêmes leur voiture, et commencent à pomper eux-mêmes leur essence, ils font eux-mêmes leurs achats ou ce qu’ils appellent de la cuisine, ils se servent eux-mêmes dans les supermarchés comme dans ce qui a remplacé les wagons-restaurants. Sans doute leur qualification très indirectement productive a-t-elle été vite acquise, mais ensuite, quand ils ont fourni leur quotient horaire de ce travail spécialisé, il leur faut faire de leurs mains tout le reste. Notre époque n’en est pas encore venue à dépasser la famille, l’argent, la division du travail. Et pourtant, on peut dire que, pour ceux-là, déjà, la réalité effective s’en est presque entièrement dissoute dans la simple dépossession. Ceux qui n’avaient jamais eu de proie l’ont lâchée pour l’ombre.

Le caractère illusoire des richesses que prétend distribuer la société actuelle, s’il n’avait pas été reconnu en toutes les autres matières, serait suffisamment démontré par cette seule observation que c’est la première fois qu’une système de tyrannie entretient aussi mal ses familiers, ses experts, ses bouffons. Serviteurs surmenés du vide, le vide les gratifie en monnaie à son effigie. Autrement dit, c’est la première fois que des pauvres croient faire partie d’une élite économique malgré l’évidence contraire.

Non seulement ils travaillent, ces malheureux spectateurs, mais personne ne travaille pour eux, et moins que personne les gens qu’ils paient, car leurs fournisseurs même se considèrent plutôt comme leurs contremaîtres, jugeant s’ils sont venus assez vaillamment au ramassage des ersatz qu’ils ont le devoir d’acheter. Rien ne saurait cacher l’usure véloce qui est intégrée dès la source, non seulement pour chaque objet matériel, mais jusque sur le plan juridique, dans leurs rares propriétés. De même qu’ils n’ont pas reçu d’héritage, ils n’en laisseront pas. »

Guy Debord, Texte extrait des premières minutes du film de Guy Debord et dit, en voix-off par lui, In girum imus nocte et consumimur igni

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27/05/2012

Un formidable instrument d’émancipation intellectuelle

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« Péguy, Bernanos, Claudel. Si je rapproche ici ces noms, ce n’est pas parce qu’ils sont tous trois ce que l’on est convenu d’appeler des écrivains catholiques. Catholiques, ils le sont, chacun à sa manière, mais cela ne suffit pas, loin de là, à les définir. Si je les ai réunis, c’est d’abord parce que chacun d’eux a représenté, à diverses époques de ma vie, un formidable instrument d’émancipation intellectuelle. Ils m’ont aidé à me libérer de mon temps, à prendre des distances vis-à-vis de lui, et plus encore, vis-à-vis de moi-même. Quand le monde tout entier paraît s’affaisser sur son axe et que l’on se sent gagné par la lâche tentation de composer avec ce qu’il charrie de plus médiocre, alors Péguy, Bernanos et Claudel sont des recours. Ils nous arrachent à la vulgarité ambiante et bien souvent nous en protègent. Non que chacun d’entre eux n’ait eu, à l’occasion, ses faiblesses. Mais leurs erreurs n’ont jamais été inspirées par la complaisance à leur époque ; ils n’ont jamais emprunté leurs aveuglements à leurs contemporains. Leur marginalité fut à la fois un fait subi et une situation voulue. Subie, parce qu’elle est en effet pour partie liée à leur position d’écrivains catholiques. Voulue, parce qu’en érigeant l’ostracisme dont ils furent victimes en sécession délibérée, ils ont fait de ce défi à leur temps la source principale de leur inspiration. Les grandes oeuvres peuvent bien exprimer leur époque, elles n’en sont pas moins bâties sur la solitude volontaire et la résistance à la contrainte extérieure. »

Jacques Julliard, L’argent, Dieu et le diable - Péguy, Bernanos, Claudel face au monde moderne

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26/05/2012

L’antiquité nous apprend que le malheur peut être auguste et que la vertu et le génie sont indépendants des viles couronnes que la fortune accorde ou refuse

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« On s’intéresse beaucoup à la jeunesse moderne, on se demande ce qu’elle pense, les plus naïfs vont jusqu’à le lui demander à elle-même. Beaucoup d’entre ces jeunes gens n’admirent que le succès, ils paraissent décidés à tout pour y parvenir, et c’est ce qui donne à certains d’entre eux un air cru, avide, aiguisé de petits fauves. A vrai dire, il ne faut pas s’effrayer outre mesure de ces dispositions : la force des choses, le plus souvent, a tôt fait de mater ces férocités enfantines. Mais ces idées se répandent, ces opinions tendent à abaisser de plus en plus le plafond qui pèse sur les esprits. Or l’éducation classique est opposée à d’aussi vils partis pris; elle nous apprend à juger les individus en eux-mêmes. Les grands hommes de Plutarque ont sans doute quelque chose de légèrement artificiel, d’un peu découpé. Mais qu’ils s’enfoncent dans l’exil, qu’ils meurent à la fin d’une de ces petites batailles antiques, où il semble qu’on aperçoive distinctement chaque combattant, ou que, sûrs d’avoir tout perdu, ils terminent volontairement leurs jours par un suicide héroïque, toujours la phrase qu’ils prononcent nous avertit que l’adversité n’est rien et qu’il importe seulement d’être magnanime. On peut reconnaître les belles époques à la distinction qu’elles ont su maintenir entre le succès et la grandeur. Par les exemples de son histoire et les vers de ses tragédies, l’antiquité unanime nous apprend que le malheur peut être auguste et que la vertu et le génie sont indépendants des viles couronnes que la fortune accorde ou refuse aux hommes. Jamais cette leçon ne sera venue plus à propos. »

Abel Bonnard, "La vie présente : les humanités" - Revue de Paris, année 30, tome 2, 1er mars 1923, p. 193-201

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25/05/2012

En révolte contre ces sentimentalités patriotiques sous lesquelles les gens finissaient par s’encroûter

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« Nous nous rassemblions. Heinz avait la tête fourmillante d’idées. Il avait été un jeune officier, quatre fois blessé et qui avait fait ses preuves dans des combats de corps de volontaires ; maintenant il était poète en secret et esthète avec affectation. Rempli d’une haine farouche contre toute sentimentalité, il avait l’habitude de couper court à tout accès de vague mélancolie par un seul mot de l’ironie la plus mordante. Une multitude de petits flacons de parfums traînaient sur sa table de nuit – mais il était aussi l’inventeur d’un nouvel explosif fabriqué avec les plus invraisemblables détritus. Il faisait des sonnets parfaits et tirait dans l’as de coeur à une distance de cinquante mètres.

Nous entrâmes tout deux dans dix-huit associations.

Partout où il y avait un jeune homme en révolte contre ces sentimentalités patriotiques sous lesquelles les gens finissaient par s’encroûter, contre les discours filandreux que débitaient infatigablement des vieillards vénérés et des coryphées à barbe blanche, nous allions à lui et nous le convertissions à notre cause. Nous recrutions ainsi des ouvriers, des étudiants, des écoliers, des jeunes commerçants, des fainéants et des gens qui savaient tout faire, des idéalistes ardents et des fanatiques du mépris. […] Nous fouillions les terrains qui nous étaient le plus éloignés.

Partout où se trouvait un garçon qui faisait preuve de courage, si stupide qu’en eût été la cause, nous l’approchions et toujours, nous constations qu’il était de notre race. La plupart du temps, nous nous reconnaissions au premier coup d’œil. […] Lorsque nous eûmes atteint le nombre de cinquante, Kern fit une courte apparition et arrêta le recrutement. Pour l’instant, cinquante hommes nous suffisaient largement. »

Ernst Von Salomon, Les Réprouvés

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24/05/2012

Ce n’est pas le soulèvement militaire franquiste de juillet 1936 qui est à l’origine de la destruction de la démocratie

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« Ce n’est pas le soulèvement militaire de juillet 1936 qui est à l’origine de la destruction de la démocratie. C’est parce que la légalité démocratique avait été détruite par le Front populaire que le soulèvement s’est produit. En 1936, personne ne croyait en la démocratie libérale telle qu’elle existe aujourd’hui en Espagne. Le mythe révolutionnaire partagé par toute la gauche était celui de la lutte armée. Les anarchistes et le parti communiste, un parti stalinien, ne croyaient certainement pas en la démocratie. L’immense majorité des socialistes et, notamment leur leader le plus significatif, Largo Caballero, le "Lénine espagnol", qui préconisait la dictature du prolétariat et le rapprochement avec les communistes, n’y croyait pas davantage. Les gauches républicaines du jacobin Azana qui s’étaient compromises dans le soulèvement socialiste de 1934, n’y croyaient pas plus. Quant aux monarchistes de Rénovation espagnole, aux carlistes, aux phalangistes et a majorité de la CEDA (Confédération espagnole des droites autonomes), ils n’y croyaient pas non plus.

Les anarchistes se révoltèrent en 1931, en 1932 et en 1933. Les socialistes se soulevèrent contre le gouvernement de la République du radical Alejandro Lerroux, en octobre 1934, appuyé par toutes les gauches, ce soulèvement fut planifié par les socialistes comme une guerre civile pour instaurer la dictature du prolétariat. Dès son arrivée au pouvoir, le Front populaire ne cessa d’attaquer la légalité démocratique. Le résultat des élections de Février 1936 ne fut jamais publié officiellement. Plus de 30 sièges de droite furent invalidés. Le président de la République, Niceto Alcala Zamora fut destitué de manière illégale. La terreur s’imposa dans la rue, faisant plus de 300 morts en trois mois.

On aimerait que les nombreux "écrivains d’histoires", défenseurs des vieux mythes du Komintern, expliquent la réflexion lapidaire du libéral antifranquiste, Salvador de Madariaga : "Avec la rébellion de 1934, la gauche espagnole perdit jusqu’à l’ombre d’autorité morale pour condamner la rébellion de 1936". »

Arnaud Imatz, Espagne : la guerre des mémoires

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23/05/2012

A vrai dire, notre littérature est toute pénétrée de l’esprit antique, étant latine dans son fonds, et grecque à son faîte

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« Aujourd’hui, au contraire mille dangers menacent la pureté du langage; il s’enfle, il s’alourdit, il se gâte; il deviendra de moins en moins capable, si l’on n’y prend garde, d’exprimer des pensées fines ou fortes, d’être un instrument de beauté ou de vérité. Il est d’autant plus pressant de restaurer l’enseignement du latin. Non seulement, on y vérifie tout notre vocabulaire, mais l’esprit trouve dans cette étude une discipline admirable. Le latin, c’est la langue sans délire, qui passe du sillon à la route, du paysan au légionnaire et qui satisfait enfin son génie dans la rectitude abstraite du droit : idiome éminemment temporel, mâle parler de la puissance, mais d’une puissance qui veut être juste, et qui ne donne point d’ordre sans dicter des lois. Le grec, c’est bien autre chose. Rustique comme le latin, il est aussi maritime; propre à la dialectique la plus déliée, comme à la poésie la plus haute, il ne se prête pas moins à la verve la plus familière. Pour bien connaître les mots grecs, il faut les voir dans les comédies d’Aristophane, où ils ressemblent à ces pigeons qui marchent sur le fumier, picotent la bouse, et soudain, envolés, ne sont plus qu’une guirlande au haut du ciel. La raison ailée du grec est si libre et si joueuse qu’elle finit par sourire aux sophistes. La raison pédestre du latin ne les admet pas. Le français tient de l’un et de l’autre, lié au latin par une parenté positive et au grec par une parenté idéale. Dans l’oeuvre des grands écrivains où chacun de ces idiomes approche de sa perfection, le grec tend à devenir plus subtil, le latin plus dense, le français plus clair. Notre parler, plonge lui aussi, ses racines dans la vie rustique. Grec, latin, français, ce sont les trois langues du vin, mais l’ivresse grecque pousse à chanter, l’ivresse latine à agir, l’ivresse française à penser. Le français ne favorise que médiocrement l’imagination et la fantaisie, il se prête au sentiment dans la mesure où celui-ci veut se connaître; c’est le langage de la conscience, celui d’une raison persuasive, qui ne voudrait pas commander qu’elle n’eût aussi convaincu. Mais, pour qu’il garde ses qualités supérieures, il faut qu’il reste associé aux deux grandes langues antiques, qui le maintiennent à leur hauteur. L’étude des langues vivantes a mille avantages, mais ce n’est jamais qu’une excursion latérale, au lieu que celle du latin nous ramène à notre origine. Celle du grec n’est pas moins nécessaire, mais à un autre étage : c’est un luxe, si l’on veut, mais un luxe indispensable, pour achever dans l’exquis une éducation qui a commencé par le solide. A vrai dire, notre littérature est toute pénétrée de l’esprit antique, étant latine dans son fonds, et grecque à son faîte. On ne pourrait renoncer aux humanités sans rompre la continuité française. A partir de ce moment-là, ce ne serait plus la même France qui durerait, et qu’importe la persistance des noms, sans celle des choses? Tout le monde, aujourd’hui, voit plus ou moins clairement les dangers matériels dont nous sommes entourés. Mais il est des calamités plus redoutables encore, sur lesquelles il faut d’autant plus rester en éveil qu’elles ne font pas événement et ne changent pas le train ordinaire. Ce sont les grandes catastrophes silencieuses qui abaissent le plan de la vie, éteignent les activités supérieures et diminuent l’homme. »

Abel Bonnard, "La vie présente : les humanités" - Revue de Paris, année 30, tome 2, 1er mars 1923, p. 193-201

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22/05/2012

A trente ans l’espérance même de l’illusion n’existe pas

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« Ce n’est pas être vieux, sans doute, qu’avoir trente ans. C’est l’âge, simplement, où les plus simples records sont interdits aux plus vigoureux, l’âge que n’a jamais le plus grand champion de nage, le plus grand champion de course, l’âge où l’on ne peut plus apprendre le tennis. Aux garçons de vingt ans, dans leur ensemble, il est sûr que les hauts faits des champions sont également interdits. Mais chacun peut encore les espérer. A trente ans l’espérance même de l’illusion n’existe pas. »

Robert Brasillach, Les sept couleurs

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21/05/2012

Il faut qu'il y en ait certains qui atteignent à l'abîme

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« Le défaut de dieu signifie qu'aucun dieu ne rassemble plus, visiblement et clairement, les hommes et les choses sur soi, ordonnant ainsi, à partir d'un tel rassemblement, l'histoire du monde et le séjour humain en cette histoire. Mais encore pis s'annonce dans le défaut de dieu.Non seulement les dieux et le dieu se sont enfuis, mais la splendeur de la divinité s'est éteinte dans l'histoire du monde. Le temps de la nuit du monde est le temps de détresse, parce qu'il devient de plus en plus étroit. Il est même devenu si étroit qu'il n'est même plus capable de retenir le défaut de dieu comme défaut.
Avec ce défaut, c'est le fond du monde, son fondement même, qui fait défaut (…) Le fondement est le sol pour un enracinement et une prestance. L'âge auquel le fond fait défaut est suspendu dans l'abîme. A supposer qu'à ce temps de détresse un revirement soit encore réservé, ce revirement ne pourra survenir que si le monde vire de fond en comble, et cela signifie maintenant tout unimement : s'il vite à partir de l'abîme. Dans l'âge de la nuit du monde, l'abîme du monde doit être éprouvé et enduré. Or, pour cela, il faut qu'il y en ait certains qui atteignent à l'abîme. »

Martin Heidegger, "Pourquoi des poètes ?" - in "Chemins qui ne mènent nulle part"

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18/05/2012

L'amour, c'est l'occasion unique de mûrir, de prendre forme, de devenir soi-même un monde pour l'être aimé

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« Nous savons peu de choses, mais qu'il faille nous tenir au difficile, c'est là une certitude qui ne doit pas nous quitter. Il est bon d'être seul parce que la solitude est difficile. Qu'une chose soit difficile doit nous être une raison de plus de nous y tenir. Il est bon aussi d'aimer ; car l'amour est difficile. L'amour d'un être humain pour un autre, c'est peut-être l'épreuve la plus difficile pour chacun de nous, c'est le plus haut témoignage de nous-mêmes ; l'oeuvre suprême dont toutes les autres ne sont que les préparations. C'est pour cela que les êtres jeunes, neufs en toutes choses, ne savent pas encore aimer ; ils doivent apprendre. De toutes les forces de leur être, concentrées dans leur coeur qui bat anxieux et solitaire, ils apprennent à aimer. Tout apprentissage est un temps de clôture. Ainsi pour celui qui aime, l'amour n'est longtemps, et jusqu'au large de la vie, que solitude, solitude toujours plus intense et plus profonde. L'amour, ce n'est pas dés l'abord se donner, s'unir à un autre. Que serait l'union de deux êtres encore imprécis, inachevés, dépendants ?

L'amour, c'est l'occasion unique de mûrir, de prendre forme, de devenir soi-même un monde pour l'être aimé. C'est une haute exigence, une ambition sans limite, qui fait de celui qui aime un élu qu'appelle le large. Dans l'amour, quand il se présente, ce n'est que l'obligation de travailler à eux-mêmes que les êtres jeunes devraient voir. Se perdre dans un autre, se donner à un autre, toutes les façons de s'unir ne sont pas encore pour eux. Il leur faut d'abord thésauriser longtemps, accumuler beaucoup. Le don de soi-même est un achèvement : l'homme en est peut-être encore incapable. »

Rainer Maria Rilke, Lettres à un jeune poète

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17/05/2012

Aimer la distance

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« Il est bon d'être seul, parce que la solitude est difficile. Qu'une chose soit difficile doit nous être une raison de plus pour l'entreprendre. »

(...)

« Le partage total entre deux êtres est impossible et chaque fois que l'on pourrait croire qu'un tel partage a été réalisé, il s'agit d'un accord qui frustre l'un des partenaires, ou même tous les deux, de la possibilité de se développer pleinement.

Mais lorsque l'on a pris conscience de la distance infinie qu'il y aura toujours entre deux êtres humains, quels qu'ils soient, une merveilleuse "vie côte à côte" devient possible :

Il faudra que les deux partenaires deviennent capables d'aimer cette distance qui les sépare et grâce à laquelle chacun des deux aperçoit l'autre entier, découpé dans le ciel. »

Rainer Maria Rilke, Lettres à un jeune poète

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16/05/2012

Je suis rejeté, délaissé dans le présent. Le passé, j’essaie en vain de le rejoindre : je ne peux pas m’échapper.

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« Mes souvenirs sont comme les pistoles dans la bourse du diable: quand on l’ouvrit, on n’y trouva que des feuilles mortes. [...] J’ai beau fouiller le passé je n’en retire plus que des bribes d’images et je ne sais pas très bien ce qu’elles représentent, ni si ce sont des souvenirs ou des fictions. [...]

Il y a beaucoup de cas d’ailleurs où ces images ont disparu, il ne reste plus que des mots: je pourrais encore raconter les histoires, les raconter trop bien [...], mais ce ne sont plus que des carcasses. Il y est question d’un type qui fait ceci ou cela, mais ça n’est pas moi, je n’ai rien de commun avec lui. [...] je rêve sur des mots, voilà tout. [...]

Pour cent histoires mortes, il demeure tout de même une ou deux histoires vivantes. Celles-là, je les évoque avec précaution, quelquefois, pas trop souvent, de peur de les user. J’en pêche une, je revois le décor, les personnages, les attitudes. Tout à coup, je m’arrête : j’ai senti une usure, j’ai vu pointer un mot sous la trame des sensations.

Ce mot-là, je devine qu’il va bientôt prendre la place de plusieurs images que j’aime.

Aussitôt je m’arrête, je pense vite à autre chose ; je ne veux pas fatiguer mes souvenirs. En vain ; la prochaine fois que je les évoquerai, une bonne partie s’en sera figée. J’ébauche un vague mouvement pour me lever, pour aller chercher mes photos, dans la caisse que j’ai poussée sous ma table.

A quoi bon ? Ces aphrodisiaques n’ont plus guère d’effet sur ma mémoire.

L’autre jour, j’ai retrouvé sous un buvard une petite photo pâlie. Une femme souriait, près d’un bassin. J’ai contemplé un moment cette personne, sans la reconnaître. Puis au verso j’ai lu : Anny, Portsmouth, 7 avril 27. »

Jamais je n’ai eu si fort qu’aujourd’hui le sentiment d’être sans dimensions secrètes, limité à mon corps, aux pensées légères qui montent de lui comme des bulles.

Je construis mes souvenirs avec mon présent.

Je suis rejeté, délaissé dans le présent. Le passé, j’essaie en vain de le rejoindre : je ne peux pas m’échapper. »

Jean-Paul Sartre, La Nausée

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Conduisez vous en homme de bien et ne déshonorez jamais votre nom

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Août 1786, Château de Combourg : « Une lettre me rappelle à Combourg : j’arrive, je soupe avec ma famille ; monsieur mon père ne me dit pas un mot, ma mère soupire, Lucile parait consternée ; à dix heures, on se retire. J’interroge ma soeur, elle ne savait rien. Le lendemain à huit heures du matin, on m’envoie chercher. Je descends, mon père m’attendait dans son cabinet.

"Monsieur le chevalier, me dit-il, il faut renoncer à vos folies. Votre frère a obtenu pour vous un brevet de sous lieutenant au régiment de Navarre. Vous allez partir pour Rennes, et de là pour Cambrai. Voilà cent louis, ménagez-les. Je suis vieux et malade ; je n’ai pas longtemps à vivre. Conduisez vous en homme de bien et ne déshonorez jamais votre nom." »

Chateaubriand, Mémoires d’outre-tombe

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15/05/2012

Occident

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« (…) Pourquoi, en Eurasie, ce sont les sociétés européennes, plutôt que celles du croissant fertile [méditerranée orientale, Mésopotamie], de la Chine ou de l’Inde qui ont colonisé l’Amérique et l’Australie, ont prit la tête sur le plan technologique et sont devenues politiquement et économiquement dominantes dans le monde moderne ? Un historien vivant entre 8500 av JC et l’an 1450 de notre ère aurait certainement jugé la domination finale de l’Europe comme l’évolution la moins probable, parce qu’elle est restée pendant la majeure partie de ces 10 000 ans la plus arriérée de ces trois régions du Vieux Monde. De 8500 jusqu’à l’essor de la Grèce puis de l’Italie après 500 av JC, presque toutes les innovations majeures d’Eurasie occidentale –la domestication des animaux et des plantes, l’écriture, la métallurgie, les roues, les Etats, etc.- sont nées dans le croissant fertile ou tout près. Jusqu’à la prolifération des moulins à eau après l’an 900 environ, l’Europe à l’Ouest ou au nord des Alpes n’a rien apporté de très significatif à la technologie ou à la civilisation du Vieux Monde ; elle s’est plutôt contentée d’accueillir des innovations venues de la Méditerranée orientale et de la Chine. Même entre l’an 1000 et 1450, le flux de la science et de la technologie est allé surtout des sociétés islamiques –de l’Inde à l’Afrique du Nord- vers l’Europe, plutôt que dans le sens inverse. Au cours de ces mêmes siècles, c’est la Chine qui est demeurée en tête sur le plan de la technologie, après s’être lancée dans la production alimentaire presque aussitôt que le croissant fertile.

Mais alors, pourquoi le croissant fertile et la Chine ont-ils fini par perdre leurs milliers d’années d’avance sur une Europe qui avait pris un départ plus tardif ?

On peut, bien entendu, souligner les facteurs immédiats de l’essor de l’Europe : la formation d’une classe de marchands, le capitalisme, la protection des inventions par des brevets, l’absence du despotisme absolu et d’une fiscalité écrasante, et la tradition gréco judéo-chrétienne de recherche empirique et critique. Reste que, malgré toutes ces causes immédiates, il faut poser la question de la cause lointaine : pourquoi tous ces facteurs immédiats se sont-ils trouvés réunis en Europe, plutôt qu’en Chine ou dans le croissant fertile ? (…) »

Jared Diamond, De l’inégalité parmi les sociétés


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13/05/2012

Le soleil brille, la mer est bleue ; ceci ne change jamais, en temps de guerre comme en temps de paix

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« Le ciel était magnifiquement clair, la mer vaste et lumineuse s’étendait sous mes yeux. Un bateau de pêche avançait, traçant un sillage blanc sur l’indigo de la mer. Mais oui, s’il s’était agi d’une torpille et non d’un bateau de pêche, le sillage aurait signifié un acte de guerre. Dans un cas comme dans l’autre l’eau de la mer aurait le même mouvement et la même beauté. Cette pensée soudaine me saisit par sa fraîcheur éclatante comme si elle traçait un sillage immaculé dans l’indigo de mon cerveau. C’était ce même soleil qui brillait au-dessus de Pearl Harbor et c’était toujours cette même eau, froide, bleue, salée, qui traçait ses cercles quand une torpille touchait sa cible, les ondes identiques à celles que des physiciens avaient observées minutieusement jadis. Et ce spectacle devait être beau aux yeux de ceux qui combattaient avec courage dans leurs bombardiers. Non, c’était plutôt la lumière et la mer dont la beauté faisait irruption dans des cœurs d’où avait été chassée toute idée inutile, importune. Ils ne pourrons l’oublier jusqu’à la fin de leur vie. En l’imaginant, j’éprouvais une joie sans raison. Le soleil brille, la mer est bleue ; ceci ne change jamais, en temps de guerre comme en temps de paix. Répétant ces mots à la façon d’une prière, j’avais l’impression enfin de penser avec force. »

Kobayashi Hideo, Guerre et Paix

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11/05/2012

La foi n’est pas l’affirmation théorique de quelque chose d’incertain, elle est l’acceptation existentielle de quelque chose qui transcende l’expérience ordinaire

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« La foi n’est pas l’affirmation théorique de quelque chose d’incertain, elle est l’acceptation existentielle de quelque chose qui transcende l’expérience ordinaire. La foi n’est pas une opinion mais un état. Elle est l’état d’être saisi par la puissance de l’être qui transcende tout ce qui est et à laquelle participe tout ce qui est. Celui qui est saisi par cette puissance est capable de s’affirmer parce qu’il sait qu’il est affirmé par la puissance de l’être-même. [...]

La foi qui rend possible le courage du désespoir est l’acceptation de la puissance de l’être, même dans l’étreinte du non-être. Même dans le désespoir concernant le sens, l’être s’affirme lui-même à travers nous. L’acte d’accepter l’absence de sens est en lui-même un acte plein de sens : il est un acte de foi. Nous avons vu que celui qui possède le courage d’affirmer son être en dépit du destin et de la culpabilité de les a pas supprimés : il demeure sous leur menace et il subit leurs coups. Mais il accepte d’être accepté par la puissance de l’être-même à laquelle il participe et qui lui donne le courage d’assumer les angoisses du destin et de la culpabilité. Il en est de même de l’angoisse du doute et de l’absurde. La foi qui crée le courage de les intégrer n’a pas de contenu spécifique : c’est la foi, tout simplement, sans direction précise, absolue. Elle ne se définit pas, puisque tout ce qui se définit se dissout dans le doute et l’absurde. Néanmoins, même absolue, la foi est autre chose qu’un surgissement d’émotions subjectives ou une disposition sans fondement objectif. »

Paul Tillich, Le courage d’être

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10/05/2012

C'est l'histoire d'un mec...

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La Gauche a l'intelligence dans le fond des chaussettes avec même, parfois, lorsque elle a le tâlon trop délicat, l'ancéphalograme plat. Son Logiciel n'arrive pas encore à lire comme il se doit la réalité, à l'analyser et, surtout, à l'accepter avec tout le recul nécessaire. Voici un texte trouvé du côté de L'Horreur du Château, Blog dont le titre kafkaïen en dit assez long sur la vision de l'auteur. En tout cas ça dépote.

L'électorat FN, en particulier le jeune électorat FN, est en pleine mutation. Moi je n'ai pas voté FN. J'ai 47 ans et j'ai passé le cap de pas mal de désillusions en tout et surtout en politique. J'ai voté Sarkozy pour la deuxième fois et je l'assume sans état d'âme militant. Je ne suis militant de rien ni de personne et je passe ma vie à pratiquer une course de fond qui consiste à se désengager. Par contre je ne méprise pas les électeurs FN. Je comprends d'où ils parlent. Je saisis leur angoisse et j'entends leur appel.

L'électeur FN beauf et con, frontiste bas du plafond, il en existe encore quelques spécimens... mais sachez qu'ils sont de plus en plus rares et que leur profil de gros skinheads rêvant de tuer de l'arabe c'est, pour ainsi dire, presque terminé.

Le gros cons racistes, les fascistes qui assument de l'être, la violence crasse, la beaufitude dans toute sa splendeur, la crétinerie intellectuelle, le sexisme primaire, ça n'est plus du côté des Dupont la Joie qu'on les trouve, mais du côté de pauvres types comme Mohamed Merah. Il serait peut-être temps que les donneurs de leçons en vertu républicaine parviennent à le comprendre.

Car ce que le PS ne comprend pas l'amènera, forcément, à se réveiller un matin avec le cul en étoile de mer et la gueule de bois, ce qui, moi, me fera rire et me réjouira à coup sûr. On va bien s'amuser. Servez-vous encore un verre...

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Un électeur FN, normalement, c'est une personne âgée assez aisée, qui aimerait interdire le rock, la techno et toutes les musiques de "jeunes", qui vit dans un village paumé à la campagne et qui n'a jamais vu un Arabe de sa vie, une personne xénophobe pleine de préjugés qui regarde trop TF1. Ou bien c'est un pauvre gars inculte faisant partie de la frange la moins éduquée de la population, qui ne comprend pas le monde dans lequel il vit.

J'ai la vingtaine et quelques années, je vis avec à peine 500 euros par mois, j'écoute du métal et de l'électro en passant par du rap, j'ai passé tout mon secondaire dans une ZEP et j'ai habité dans une banlieue encore après mon bac, j'ai été élevé dans une gauche Canal plus et chez nous le bouton 1 de la télécommande est resté à l'état neuf. J'ai toujours eu d'excellentes notes au cours de ma scolarité, avec notamment un 20 sur 20 en histoire/géo pour mon bac blanc, et je suis des études supérieures en étant à quelques semaines d'un master avec mention Bien.
 
Moi, raciste ? Il y a une quinzaine d'années encore lorsque j'allais à un repas avec mes parents, et que j'entendais des convives dire qu'ils n'aimaient pas les Arabes et qu'ils votaient Le Pen, je sortais discrètement de la pièce pour aller dehors cracher sur leur bagnole. Moi, raciste ? Mes potes au collège s'appelaient Abdelkader et Saïd et je vomissais avec eux les "fachos". Moi, raciste ? Au lycée j'ai signalé à la direction, qui m'emmerdait pour des broutilles, que des élèves néonazis se pointaient avec "Mein Kampf" au bahut.
 
Moi, je ne suis pas dans le "champ républicain" ? Je vous emmerde, la gauche. Je vous ai appartenu corps et âme assez longtemps pour avoir le droit de le dire, haut et fort. Je n'ai aucune leçon à recevoir de vous. Entre les deux tours de 2002 j'avais 15 ans et j'ai défilé contre Jean-Marie Le Pen. Qu'est-ce qui selon vous m'a rapproché de lui un peu plus tard ? Les paroles de "division" de Nicolas Sarkozy ? Il n'existait pas à l'époque. C'est la réalité qui m'a fait voter FN quand tout dans mon éducation, mes valeurs, mes préjugés me destinait au contraire. Ce qui crée la "division" dans ce pays ce ne sont pas les paroles des politiques, ces dernières ne sont que le reflet des aspirations qui viennent de la base, ce qui crée la "division" c'est la présence de plusieurs peuples distincts sur un même territoire, à force d'immigration massive sur des dizaines d'années, démarche irresponsable dans le meilleur des cas, diabolique dans le pire des cas. Sarkozy n'a fait que récupérer la colère qui couvait, il ne l'a en rien créée. 
 
Le mot "racaille" Nicolas Sarkozy ne l'a pas inventé, il l'a repris de la bouche de cette dame qui lui parlait à la fenêtre, parce qu'elle vit là-bas, elle. Ça vient d'en bas, c'est clair, la gauche ? C'est un "jeune" qui vous parle, vous aimez tellement ce mot, un jeune qui constate que la "division" c'est vous qui l'avez provoquée, encouragée, en important ici des populations qui nous étaient hostiles, par souvenir de la guerre d'Algérie, en les rendant encore plus hostiles avec le mouvement "antiraciste", avec votre "marche des beurs", en les appelant à revendiquer leurs origines tout en nous contraignant à avoir honte des nôtres, en apprenant à tous que tout ce qui était "de souche" était nazi, colon, ignoble à tout point de vue, en nous effaçant littéralement de votre "diversité", vous avez créé ce racisme dont vous ne parlez jamais, pourtant largement majoritaire dans les faits : le racisme de ceux qui nous appellent "les faces de craies".
 
Moi, raciste ? Je vous emmerde, tellement profondément, vous ne pouvez même pas l'imaginer. Votre "multiculturalisme" je l'ai pris en pleine gueule. Vous m'avez fait croire qu'ils étaient français, ceux-là même qui m'insultaient de "sale Français" quand c'était pas "sale Blanc". Plus jeune je recevais des stylos blancos au visage, et les insultes qui allaient avec. Je ne comprenais même pas ce que ça voulait dire. Je continuais à me prendre la tête avec des potes qui connaissaient le terrain encore mieux que moi et qui me disaient "Ils nous emmerdent les Arabes", je leur répondais "Attendez on les a colonisés quand-même ! C'est normal !". Je me souviens de cette petite blonde aux yeux bleus, en 4ème, qui vivait dans la cité entourant notre collège. Je l'aimais bien et elle aussi, mais un jour elle m'avait avoué, les larmes aux yeux, qu'elle ne pourrait pas sortir avec moi, que ça serait trop mal vu ici d'être avec un Blanc. Trop risqué pour elle.
 
Plus tard j'ai vécu dans un de ces quartiers, dans une autre ville. Je n'avais pas encore de voiture ni de permis, trop cher pour moi, alors je devais rentrer chez moi en bus le soir, sur cette ligne hautement fréquentée par les racailles. Une nuit je rentrais avec ma petite amie et un pote, nous nous sommes faits encercler dans ce bus, ils étaient une bonne quinzaine, ils ont commencé à toucher les cheveux de ma copine en rigolant, elle bouillonnait autant que moi, mais que faire, ils étaient trop nombreux, comme toujours. Elle s'est retournée et a bougé leurs mains violemment, "hey mais tiens ta femme toi" m'a dit un des gars, le ton est monté d'un cran et ils se rapprochaient, le chauffeur voyait mais n'a rien fait, on a réussi à descendre à l'arrêt suivant, sous les insultes, forcément. Quand les portes se refermaient j'ai dit "Vous étonnez pas après qu'on vote Sarkozy !", avant que mon pote n'ajoute "Ou pire.", et je me souviens lui avoir dit "Oh arrête, faut pas exagérer non plus...". "Faut pas exagérer", putain, même après ça je ne voulais pas "exagérer".
 
Ma copine ne disait rien mais pleurait de colère. Quelques mois après, cette fois je n'étais pas avec elle, elle s'était fait arracher son Ipod à un arrêt de bus. Et deux ou trois jours plus tard, alors qu'on était en ville, on a croisé le voleur avec des potes à lui, une dizaine, ils sont passés devant nous et ma copine m'a dit "C'est lui" en le fixant d'un regard noir malgré ses yeux bleus. Et lui a dit à ses potes "Wesh les cousins c'est elle !" en pointant du doigt ma copine, et en riant. Ils sont passés devant nous en prenant soin de bien ralentir pour nous montrer comme ils étaient fiers de leur impunité, de notre impuissance. Encore une fois, que faire, à un contre dix, et avec sa copine. Elle était déjà allée voir les flics avant, qui avaient "noté" sa plainte, bien sûr. Elle a encore pleuré des larmes de rage, en disant entre deux sanglots "Mais bon Dieu c'est pas possible que ça existe ça, pourquoi ça existe", alors que je la prenais dans mes bras.
 
Je vous emmerde, la gauche. Grâce à vous j'ai dû passer ma jeunesse à accepter les agressions au faciès, à admettre les humiliations quotidiennes, à subir des situations qui font penser à certains récits de braves gens pendant l'occupation. Devoir gérer les rues que l'on va emprunter pour éviter leurs bandes, établir des diversions, être sur le qui-vive à chaque instant, se priver de sortir parfois, élaborer des parcours dans l'espoir de rentrer vivants, baisser les yeux et fermer la bouche, est-ce que ça parle à l'un d'entre vous ? Et encore, je ne parle ici que des agressions, des risques physiques, pas de tout le reste, du moins évident, de cette époque où il n'y a plus de place pour moi, pour nous. 

 

Moi, raciste ? Je vous emmerde de tout mon être. Je n'ai jamais eu de peurs irrationnelles, j'ai tout pesé et jugé sur le terrain. Je n'ai pas de préjugés, je n'ai que des post-jugés. Tout votre vocabulaire est à foutre aux ordures, toute votre artillerie lourde et votre chantage permanent n'ont plus aucun effet sur moi, comme sur des millions d'autres, c'est de la pluie sur un imperméable. Tout ce qui me définit aujourd'hui c'est la réalité qui me l'a appris. Je ne suis pas le fils d'Hitler mais celui des jeunesses antiracistes. Je suis le fils de votre matrice. Je suis le fruit de l'éducation nationale et de la FCPE, des cours d'éducation civique qui finissaient tard le soir, il faisait déjà nuit, et qu'on n'était plus que 4 dans la classe car c'était ramadan. Je suis Libé et le Canard Enchaîné. Je suis de Caunes et Garcia, Nulle Part Ailleurs, Siné et le professeur Choron, Polac et Ardisson, CNN International et Jules-Édouard Moustic. Je suis une rédaction du brevet des collèges dans laquelle j'incendiais l'Etat autoritaire français qui selon moi avait tué Coluche. Je suis l'enfant de Desproges et Nina Hagen, de Robespierre et Ras l'Front. Je suis le rejeton de la culture. Je suis les Sex Pistols et The Clash, je suis Alliance Ethnik et NTM, j'ai appris à marcher dans le salon près de statuettes africaines, mon univers est coloré, je suis le mélange, fruit d'un Breton et d'une Italienne, je suis le hip hop celtique à la con de Manau. Je suis tout sauf la Tradition moisie, je suis le résultat des nouvelles technologies et de Katsumi, je suis aussi l'art et je joue de la guitare depuis mes cinq printemps, je suis le zapping, Karl Zero et les Guignols de l'Info, Jack Lang et Mitterrand. 
 
Vous m'avez fait, puis abandonné, je suis votre propre créature qui vous a échappé. Je suis l'archétype du garçon vif et intelligent, hostile d'instinct aux réactionnaires, je suis à mille lieues des conservateurs de tout bord et c'est précisément pour ça que je suis à mille lieues de vous, de vos slogans éculés et de vos poncifs périmés. Et je ne suis pas seul, il y a une autre jeunesse en France que vous ne voulez pas voir, qui ne vous intéresse pas, une jeunesse que vous n'excusez jamais, que vous n'écoutez jamais, que vous méprisez toujours, une jeunesse pleine d'énergie et de talent, d'envie et d'amour, une jeunesse qui ne brûle rien sinon de désir de changement, de vrai changement, elle est là dans la rue et dans les concerts, elle n'est pas honteuse elle veut simplement vivre, et vous ne la ferez plus taire avec vos mensonges et votre haine. Je suis le seul palestinien colonisé dont vous vous foutez. Je suis le seul type de Français qui n'a pas droit à votre "tolérance". Je suis celui qui fait s'effondrer toute votre propagande, vos réflexes usagés, comme le World Trade Center ou l'immeuble à la fin de Fight Club. C'est votre monde qui m'a fait, qui m'a conçu, je suis immunisé contre la culpabilité, vos anathèmes ne marchent plus. Je ne suis que la dernière conséquence de votre racisme contre tout ce qui ressemble, de près ou de loin, à un Européen. Je suis une erreur dans votre système, je suis votre électeur FN. 
 
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Il avait rêvé que le monde entier était condamné à devenir la victime d’un fléau inouï

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« Il resta à l’hôpital pendant toute la fin du Carême et la Semaine Sainte. Déjà convalescent, il se souvint de ses rêves du temps où il était couché fiévreux et délirant. Il avait rêvé que le monde entier était condamné à devenir la victime d’un fléau inouï et effrayant qui venait d’Asie et envahissait l’Europe. Tous devaient y succomber, excepté certains élus, fort peu nombreux. Des trichines d’une espèce nouvelle avaient fait leur apparition ; c’étaient des vers microscopiques qui s’insinuaient dans l’organisme de l’homme, mais ces êtres étaient des esprits pourvus d’intelligence et de volonté. Les gens qui les avaient ingérés devenaient immédiatement possédés et déments. Mais jamais personne ne s’était considéré comme aussi intelligent et aussi infaillible que les gens qui étaient contaminés. Jamais ils n’avaient considéré comme plus infaillibles leurs jugements, leurs déductions scientifiques, leurs convictions et leurs croyances morales. Des villages, des villes, des peuples entiers étaient infectés et succombaient à la folie.
Tous étaient dans l’inquiétude et ne se comprenaient plus entre eux ; chacun pensait que lui seul était porteur de la vérité et chacun se tourmentait à la vue de l’erreur des autres, se frappait la poitrine, versait des larmes et se tordait les bras. On ne savait plus comment juger ; on ne pouvait plus s’entendre sur le point de savoir où était le mal et où était le bien. On ne savait plus qui accuser ni qui justifier. Les gens s’entretuaient, en proie à une haine mutuelle inexplicable. Ils se rassemblaient en armées entières ; mais à peine en campagne, ces armées se disloquaient, les rangs se rompaient, les guerriers se jetaient les uns sur les autres, se taillaient en pièces, se pourfendaient, se mordaient et se dévoraient. Le tocsin sonnait sans interruption dans les villes ; on appelait, mais personne ne savait qui appelait et pour quelle raison, et tous étaient dans une grande inquiétude. Les métiers les plus ordinaires furent abandonnés parce que chacun offrait ses idées, ses réformes et que l’on ne parvenait pas à s’entendre ; l’agriculture fut délaissée. Par endroits, les gens se rassemblaient en groupes, convenaient quelque chose tous ensemble, juraient de ne pas se séparer mais immédiatement après, ils entreprenaient de faire autre chose que ce qu’ils s’étaient proposé de faire, ils se mettaient à s’accuser entre eux, se battaient et s’égorgeaient. Des incendies s’allumèrent, la famine apparut. Le fléau croissait en intensité et s’étendait de plus en plus. Tout et tous périrent. Seuls, de toute l’humanité, quelques hommes purent se sauver, c’étaient les purs, les élus, destinés à engendrer une nouvelle humanité et une nouvelle vie, à renouveler et à purifier la terre : niais personne n’avait jamais vu ces hommes, personne n’avait même entendu leur parole ni leur voix. »

Fiodor Mikhaïlovitch Dostoïevski, Crime et Châtiment

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09/05/2012

Une société qui réduirait la raison à un simple calcul

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« Naturellement, à partir du moment où l’on reconnaît que le système capitaliste porte en lui — comme la nuée l’orage — le bouleversement perpétuel des conditions existantes, un certain nombre de conséquences indésirables ou iconoclastes ne peuvent manquer de se présenter. Sous ce rapport, l’un des passages les plus dérangeants de "La Culture du narcissisme" demeure, de toute évidence, celui où Lasch développe l’idée que le génie spécifique de Sade — l’une des vaches sacrées de l’intelligentsia de gauche — serait d’être parvenu, « d’une manière étrange », à anticiper dès la fin du XVIIIe siècle toutes les implications morales et culturelles de l’hypothèse capitaliste, telle qu’elle avait été formulée pour la première fois par Adam Smith, il est vrai dans un tout autre esprit. « Sade — écrit ainsi Lasch — imaginait une utopie sexuelle où chacun avait le droit de posséder n’importe qui ; des êtres humains, réduits à leurs organes sexuels, deviennent alors rigoureusement anonymes et interchangeables. Sa société idéale réaffirmait ainsi le principe capitaliste selon lequel hommes et femmes ne sont, en dernière analyse, que des objets d’échange. Elle incorporait également et poussait jusqu’à une surprenante et nouvelle conclusion la découverte de Hobbes, qui affirmait que la destruction du paternalisme et la subordination de toutes les relations sociales aux lois du marché avaient balayé les dernières restrictions à la guerre de tous contre tous, ainsi que les illusions apaisantes qui masquaient celle-ci. Dans l’état d’anarchie qui en résultait, le plaisir devenait la seule activité vitale, comme Sade fut le premier à le comprendre — un plaisir qui se confond avec le viol, le meurtre et l’agression sans freins. Dans une société qui réduirait la raison à un simple calcul, celle-ci ne saurait imposer aucune limite à la poursuite du plaisir, ni à la satisfaction immédiate de n’importe quel désir, aussi pervers, fou, criminel ou simplement immoral qu’il fût. En effet, comment condamner le crime ou la cruauté, sinon à partir de normes ou de critères qui trouvent leurs origines dans la religion, la compassion ou dans une conception de la raison qui rejette des pratiques purement instrumentales ? Or, aucune de ces formes de pensée ou de sentiment n’a de place logique dans une société fondée sur la production de marchandises. »

Jean-Claude Michéa, Préface à "La culture du narcissisme" de Christopher Lasch


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08/05/2012

Partout la transformation est à l’ordre du jour

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« Partout la transformation est à l’ordre du jour, notamment chez ceux qu’on on appelle aux Etats-Unis, les néo-conservateurs. Le besoin de stabilité n’a plus droit de cité. Cette disposition d’âme se terre dans l’inavouable et la doctrine particulière qui s’en inspire est devenue un repoussoir universel. Si le conservatisme subsiste en effet, c’est à titre non de credo mais de péché. Péché qui consiste, pour la gauche, dans la défense des privilèges ; pour la droite, dans la défense des avantages acquis et pour l’individu hypermoderne, de droite comme de gauche, dans le goût des convenances, des formes ou pire encore, des uniformes. (…) On aurait tort cependant de déduire de cette disparition que le conformisme est mort et que les défenseurs du statu-quo ont quitté la scène. Ils se bousculent au contraire, et ils triomphent. Qu’est-ce, en effet, que le statu-quo, de nos jours, sinon la mobilité perpétuelle ? Le progrès n’est plus un arrachement à la tradition, il est notre tradition même. Il ne résulte plus d’une décision, il vit sa vie, automatique et autonome. Il n’est plus maitrisé, il est compulsif. Il n’est plus prométhéen, il est irrépressible. Nous sommes soumis à la loi du changement comme nos ancêtres pouvaient l’être à la loi immuable. En tous domaines ou presque, l’obsolescence a eu raison de la permanence. »

Alain Finkielkraut, Nous autres, modernes

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07/05/2012

Le temps viendra, alors tu connaîtras la vie de guerrier

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« Dors, mon bébé, mon joli
Dodo, fais dodo !
La lune regarde sans bruit
Dans ton berceau
Je te dirai des contes de fée
Et te chanterai de petites chansons
Mais tu dois dormir, tes petits yeux fermés,
Dodo, fais dodo.

Le temps viendra, alors tu connaîtras la vie de guerrier,
Tu mettras hardiment le pied à l'étrier
Et prendras le fusil
La couverture de selle pour ton cheval de bataille
Je la coudrai en soie pour toi
Dors maintenant, mon cher petit,
Dodo, fais dodo.

Tu ressembleras à un héros
Et seras un Cosaque dans l'âme
Je me hâterai de t'accompagner
Tu me diras adieu de la main.
Combien d'amères larmes silencieuses
Je verserai cette nuit-là !
Dors, mon ange, calmement, doucement
Dodo, fais dodo !

Je mourrai de langueur
J'attendrai inconsolable
Je prierai toute la journée
Et la nuit, je ferai de la divination
Je penserai que tu as des ennuis
Au loin, en terre étrangère.
Dors maintenant, tant que tu ne connais pas les peines
Dodo, fais dodo.

Je te donnerai une petite icône sainte
Pour ton chemin
Et quand tu prieras Dieu,
Tu la mettras bien devant toi.
Quand tu te prépareras pour un dangereux combat
Je te prie de te rappeler ta mère
Dors, mon bébé, mon joli
Dodo, fais dodo. »

Mikhaïl Lermontov, Berceuse cosaque

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Faire partie des vaincus a au moins un avantage

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« Faire partie des vaincus a au moins un avantage. On n’y trouve pas ces accommodants et ces intrigants qui foisonnent dans les parages des vainqueurs, et rarement cette fièvre de paraître qui est une maladie mortelle pour l’être humain. Par nécessité, les hommes et les femmes que l’Histoire a reniés sont souvent obligés de se tenir à la pointe d’eux-mêmes. »

Hélie de Saint-Marc, Les sentinelles du soir

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06/05/2012

Dans l’histoire ce n’est pas l’idéalisme, la bonté ou la moralité qui règnent

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« Du peu que nous pouvons connaître des événements du futur, une chose est certaine : les forces du mouvement du futur ne seront rien d’autre que celles du passé : la volonté du plus fort, les instincts vitaux, la race, la volonté de posséder, et le pouvoir.

Il y a une immense différence, que la plupart des gens ne comprendront jamais, entre voir l’histoire future comme elle sera et la voir comme on aimerait qu’elle soit. La paix est un souhait, la guerre est un fait, et l’histoire n’a jamais prêté attention aux désirs et aux idéaux humains.

Parler de la paix dans le monde s’entend aujourd’hui seulement parmi les peuples blancs, et pas parmi les races de couleur, beaucoup plus nombreuses. Quand des penseurs individuels et des idéalistes parlent de paix, comme ils l’ont fait depuis des temps immémoriaux, l’effet est négligeable. Mais quand des peuples entiers deviennent pacifistes, c’est un symptôme de sénilité. Les races fortes et jeunes ne sont pas pacifistes. Adopter une telle position, c’est abandonner le futur, car l’idéal pacifiste est une condition terminale qui est contraire aux faits de base de l’existence. Aussi longtemps que l’homme continuera à évoluer, il y aura des guerres.

Le pacifisme signifie laisser les non-pacifistes prendre le contrôle. Le pacifisme restera un idéal, la guerre un fait. Même si le monde était unifié sous une seule autorité, il y aurait toujours des guerres, qu’on nommerait des rébellions : distinction purement verbale. Si les races blanches sont décidées à ne plus jamais faire la guerre, les races de couleur agiront différemment et deviendront les maîtresses du monde.

L’abondance des naissances dans les populations primitives est un phénomène naturel, dont l’existence même ne peut être remise en question, quels que soient ses avantages ou ses désavantages. Lorsque les raisons de s’interroger sur l’existence de la vie entrent dans la conscience humaine, la vie elle-même est déjà remise en question.

Dans l’histoire ce n’est pas l’idéalisme, la bonté ou la moralité qui règnent — leur royaume n’est pas de ce monde — mais plutôt la résolution, l’énergie, la présence d’esprit, et l’aptitude pratique. On ne peut pas effacer ce fait avec des lamentations et des jugements moraux. C’est la manière dont l’homme est fait ; c’est la manière dont la vie est faite, c’est la manière dont l’histoire est faite. »

Oswald Spengler, Années décisives

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