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01/09/2016

Un homme sans nom

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« Les hommes suivent leur pente. Le noble a été remplacé par le bourgeois, à qui succédera un homme sans nom, vague émanation du prolétaire et de l'agrégé. Nous serons gouvernés, ou plutôt supprimés par des gens entichés de technique. »

Jacques Chardonne, Le ciel de Nieflheim

 

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Un paradis qu'ils ne situaient nulle part

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« Ils versèrent encore des larmes sur leur bonté et sur l'ingratitude des hommes, entrecoupant leurs sanglots d'invocations à une justice obscure qui n'était ni celle de Dieu, ni celle des hommes : une justice à la mesure du monde nouveau qu'ils imaginaient à leur convenance. Sur la plaine, le silence était si parfait qu'ils pouvaient se croire seuls au monde, et ils le croyaient un peu. A force d'échanger des absolutions, d'affirmer l'innocence de leurs intentions, les deux hommes se sentaient pleinement rassurés. Au lieu de fuir un péril, il leur semblait au contraire marcher à la rencontre d'une promesse heureuse, d'un paradis qu'ils ne situaient nulle part, mais tout illuminé par leur bonté. »

Marcel Aymé, Trois faits divers

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Ils n'ont pas de mémoire. Ils se vantent et jacassent...

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« — Écoute, Petit d'Homme, dit l'Ours, — et sa voix gronda comme le tonnerre dans la nuit chaude. — Je t'ai appris toute la Loi de la Jungle pour tous les Peuples de la Jungle... sauf le Peuple Singe, qui vit dans les arbres. Ils n'ont pas de loi. Ils n'ont pas de patrie. Ils n'ont pas de langage à eux, mais se servent de mots volés, entendus par hasard lorsqu'ils écoutent et nous épient, là-haut, à l'affût dans les branches. Leur chemin n'est pas le nôtre. Ils n'ont pas de chefs. Ils n'ont pas de mémoire. Ils se vantent et jacassent, et se donnent pour un grand peuple prêt à faire de grandes choses dans la Jungle ; mais la chute d'une noix suffit à détourner leurs idées, ils rient, et tout est oublié. Nous autres de la Jungle, nous n'avons aucun rapport avec eux. Nous ne buvons pas où boivent les singes, nous n'allons pas où vont les singes, nous ne chassons pas où ils chassent, nous ne mourons pas où ils meurent.

(...)

— Le Peuple de la Jungle a banni leur nom de sa bouche et de sa pensée. Ils sont nombreux, méchants, malpropres, sans pudeur, et ils désirent, autant qu'ils sont capables de fixer un désir, que le Peuple de la Jungle fasse attention à eux... Mais nous ne faisons point attention à eux, même lorsqu'ils nous jettent des noix et du bois mort sur la tête. »

Rudyard Kipling, Le livre de la jungle

 

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29/08/2016

Dans le jour perdu

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« Il est déjà tard. Je ne ferai plus rien aujourd’hui. Je reste assis là, dans le jour perdu, vis-à-vis d’un coin de la glace. J’aperçois, dans le décor que la pénombre commence à envahir, le modelé de mon front, l’ovale de mon visage et, sous ma paupière clignante, mon regard par lequel j’entre en moi comme dans un tombeau. »

Henri Barbusse, L’enfer

 

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Miser sur nos périls

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« L'esprit, aussi bien que le corps, fait les frais de la “vie intense”. Maître dans l'art de penser contre soi, Nietzsche, Baudelaire et Dostoïevski nous ont appris à miser sur nos périls, à élargir la sphère de nos maux, à acquérir de l'existence par la division d'avec notre être. Et ce qui aux yeux du grand Chinois était symbole de déchéance, exercice d'imperfection, constitue pour nous l'unique modalité de nous posséder, d'entrer en contact avec nous-mêmes. »

Emil Cioran, La tentation d’exister

 

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Ma chambre...

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« Je suis rentré dans ma chambre, – comme si, en vérité, j’en étais sorti, – étonné d’abord, toutes les idées brouillées, jusqu’à oublier qui je suis. Je m’assois sur mon lit, je réfléchis à la hâte, un peu tremblant, oppressé par l’avenir… Je domine et je possède cette chambre… Mon regard y entre. J’y suis présent. Tous ceux qui y seront, y seront, sans le savoir, avec moi. Je les verrai, je les entendrai, j’assisterai pleinement à eux comme si la porte était ouverte ! »

Henri Barbusse, L’enfer

 

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La vieille déchéance de notre pauvre nature

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« L’homme supérieur, incessamment tourmenté, déchiré, par l’opposition de l’idéal et du réel, sent mieux qu’un autre la grandeur humaine, et mieux qu’un autre la misère humaine. Il se sent plus fortement appelé vers la splendeur idéale, qui est notre fin à tous, et plus mortellement endommagé par la vieille déchéance de notre pauvre nature : il nous communique ces deux sentiments qu’il subit. Il allume en nous l’amour de l’être, et éveille en nous sans relâche la conscience de notre néant. »

Ernest Hello, L'homme

 

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20/08/2016

Dans l'ancien hôtel des apparatchiks soviétiques

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« À Smolensk, nous descendîmes dans l'ancien hôtel des apparatchiks soviétiques, le "Dniepr", resté dans son jus. Gardiennes d'étage peroxydées, décoration brejnévienne, lustres des années 1970, tuyauterie issue de l'industrie thermique : nous aimions ces atmosphères de guerre froide. J'avais 40 ans et j'étais nostalgique d'un monde que je n'avais pas connu. Je préférais ces ambiances à celle des hôtels standarisés dont le capitalisme à visage inhumain avait couvert nos centres-villes : ces établissements conçus par des commericaux qui jugeaient qu'une connexion wi-fi et un climatiseur fixé au-dessus d'une fenêtre vérouillée vallaient mieux que la conversation d'une babouchka et qu'une fenêtre ouverte sur un fleuve gelé. »

Sylvain Tesson, Bérézina

 

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À peine lui laissons-nous une chaise

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« La démocratie a tellement gagné tout ce qui vit que nous avons démocratisé Dieu. Comme pour les grands de ce monde, nous admettons qu'il n'est "pas fier", et finissons par admettre une sorte d'égalité de rapports ; on peut "faire copain"... Où est le temps où la crainte nous écrasait devant son "trône" ? À peine lui laissons-nous une chaise. Nous avons totalement perdu la révérence. Nous n'admettons plus — "intimement" — et je ne veux toucher ici qu'à l'intimité — que Dieu attende de nous une adoration prostrée et à forme de cour. Nous ne croyons plus à l'orgueil de Dieu. Nous Lui refusons de compter sur nos "devoirs", ce serait plutôt le contraire : nous sommes imbus, assez inconsciemment, il est vrai, des "devoirs" de Dieu envers nous ; s'il nous a créés, qu'il s'occupe de nous... Dieu, d'ailleurs, c'est le riche sur lequel tout le monde tape, qu'on surcharge d'impôts. Quand on aura ruiné Dieu, quelle gueule feront les purotins de l'âme. »

Jean de La Varende, Seigneur, tu m'as vaincu...

 

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Les garder sous contrôle...

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« Le travail physique épuisant, le soucis de la maison et des enfants, les querelles mesquines entre voisins, les films, le football, la bière et, surtout le jeu, formaient tout leur horizon et comblaient leur esprits. Les garder sous contrôle n'était pas difficile. »

George Orwell, 1984

 

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17/08/2016

Car on ne peut, à la fois, se fondre dans la jouissance de l’autre, s’identifier à lui, et se maintenir différent...

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« La fusion progressive de populations jusqu’alors séparées par la distance géographique, ainsi que par des barrières linguistiques et culturelles, marquait la fin d’un monde qui fut celui des hommes pendant des centaines de millénaires, quand ils vivaient en petits groupes durablement séparés les uns des autres et qui évoluaient chacun de façon différente, tant sur le plan biologique que sur le plan culturel. Les bouleversements déclenchés par la civilisation industrielle en expansion, la rapidité accrue des moyens de transport et de communication ont abattu ces barrières. En même temps se sont taries les chances qu’elles offraient pour que s’élaborent et soient mises à l’épreuve de nouvelles combinaisons génétiques et des expériences culturelles. Or, on ne peut se dissimuler qu’en dépit de son urgente nécessité pratique et des fins morales élevées qu’elle assigne, la lutte contre toutes les formes de discrimination participe de ce même mouvement qui entraîne l’humanité vers une civilisation mondiale, destructrice de ces vieux particularismes auxquels revient l’honneur d’avoir créé les valeurs esthétiques et spirituelles qui donnent son prix à la vie et que nous recueillons précieusement dans les bibliothèques et dans les musées parce que nous nous sentons de moins en moins certains d’être capables d’en produire d’aussi évidentes.

Sans doute nous berçons-nous du rêve que l’égalité et la fraternité régneront un jour entre les hommes sans que soit compromise leur diversité. Mais si l’humanité ne se résigne pas à devenir la consommatrice stérile des seules valeurs qu’elle a su créer dans le passé, capable seulement de donner le jour à des ouvrages bâtards, à des inventions grossières et puériles, elle devra réapprendre que toute création véritable implique une certaine surdité à l’appel d’autres valeurs, pouvant aller jusqu’à leur refus, sinon même leur négation. Car on ne peut, à la fois, se fondre dans la jouissance de l’autre, s’identifier à lui, et se maintenir différent. Pleinement réussie, la communication intégrale avec l’autre condamne, à plus ou moins brève échéance, l’originalité de sa et de ma création. Les grandes époques créatrices furent celles où la communication était devenue suffisante pour que des partenaires éloignés se stimulent, sans être cependant assez fréquente et rapide pour que les obstacles indispensables entre les individus comme entre les groupes s’amenuisent au point que des échanges trop faciles égalisent et confondent leur diversité. »

Claude Levi-Strauss, Race et culture

 

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30/06/2016

Dantec Conservateur : "Du tueur en série comme microcosme de la Modernité"

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Le 19 juin 2007, à la Librairie Ville-Marie de Montréal, eut lieu une rencontre publique organisée par "Égards, revue de la résistance conservatrice" autour de l'oeuvre de Maurice G. Dantec. La soirée débuta avec une conférence du philosophe et essayiste québécois, Jean Renaud, qui évoqua l'oeuvre de Dantec. Le titre de son intervention : "Du tueur en série comme microcosme de la Modernité"...

 


Jean Renaud nous parle de l'oeuvre de Maurice G. Dantec

 


Réponse de Maurice G. Dantec à Jean Renaud

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L'amnésie bon marché de la commémoration symbolique

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« La destruction de l'Europe par elle-même, à travers sa population juive et l'ensemble des "anormaux" ne cadrant pas avec les principes hygiénistes de la seule fédération qu'elle fut en l'état de produire (quelle misère !), conduisit à l'amnésie bon marché de la commémoration symbolique, son bavardage incessant couvrait les hurlements épouvantables des enfants jetés vivants au brasier, il permettait de produire le spectacle du souvenir et nous épargnait le devoir de vérité. Du coup un révisionnisme général dévora lentement les sociétés de l'Occident, de l'intérieur, lentement, comme un acide. Il s'attaqua aux squelettes, aux muscles, aux organes de la pensée, il acheva l'oeuvre de destruction du nazisme en instituant l'idole remplaçante du communisme, puis celle-ci à son tour déboulonnée, on continua de translater la figure sur d'autres combinaisons idéologiques, toujours plus empoisonnées, qui conduisirent aux revendications micronationales, à l'écoloterrorisme, au fondamentalisme islamique, aux diverses formes du révisionnisme postmoderne, bref vers un désastre sans analyse, une catastrophe parcellaire et sans laboratoire de narration pour la décrypter et la projeter vers son devenir. »

Maurice G. Dantec, Le Théâtre des Opérations - Journal métaphysique et polémique 2000-2001 - Laboratoire de Catastrophe Générale

 

 

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L'unique issue pour les hommes libres

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« Il n'existe pas dans le monde deux hommes semblables, sauf au moyen du clonage réplicatif (naturel ou artificiel) ; nous sommes non seulement irréductiblement étrangers les uns aux autres ainsi qu'à nous-mêmes, mais l'unique issue pour les hommes libres est de toujours creuser cette distance. »

Maurice G. Dantec, Le Théâtre des Opérations - Journal métaphysique et polémique 2000-2001 - Laboratoire de Catastrophe Générale

 

 

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Son absolue légitimité à détruire le programme, et à écrire sa propre musique

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« L'Amour est désormais si impossible qu'il se permet d'effrayer pour quelques instants souvent cruciaux, ceux qui laissent sa béance s'ouvrir en eux, sa figure nous est devenue si étrangère que nous la confondons avec notre image, et lorsque soudain, au cas où par un obscur miracle son séisme viendrait à faire trembler nos certitudes, tout ce que la société a fait de nous crie au scandale et s'acharne à mettre en doute sa primauté, son absolue légitimité à détruire le programme, et à écrire sa propre musique.
Seule la solitude-liberté-souveraineté vous permet de vous confronter avec cette vérité et d'entreprendre son dépassement. »

Maurice G. Dantec, Le Théâtre des Opérations - Journal métaphysique et polémique 2000-2001 - Laboratoire de Catastrophe Générale

 

 

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28/06/2016

Le fantasme matriarcal à l'état pur

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« Le but — lorsque les Français l'exprimeront, ils apparaîtront dés lors clairement à toute la face du monde — est le suivant : supprimer l'ordre patriarcal sous la tutelle de Dieu et le remplacer par une démocratie égalitaire (le fantasme matriarcal à l'état pur) placée sous la maternelle vigilance d'une pléthore de déesses, la première d'entre toutes se nommant délicieusement déesse Raison.
Afin de ne pas choquer trop violemment le bas peuple déjà exténué par tant de crimes, on décida que Dieu désormais nationalisé grâce à son mariage avec Raison, s'intitulerait Être suprême. Autant dire président-directeur général du cosmos.
L'Etat démocratique et socialiste moderne se constitua sur ses bases, d'abord incertaines, puis prenant de la vigueur, il pondit des millions de lois en quelques dizaines de législatures, et à l'exception de quelques fulgurants progrès scientifiques, et de quelques aventures artistiques hautement géniales, l'époque appelée XX ème siècle ne laissera sans doute qu'un colossal tas de ferraille positiviste. »

Maurice G. Dantec, Le Théâtre des Opérations - Journal métaphysique et polémique 2000-2001 - Laboratoire de Catastrophe Générale

 

 

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Des humains dont la seule caractéristique commune est d'ordre biologique : notre génotype

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« L'Humanité, en tant qu'entité sociale, culturelle, économique, biopolitique, n'existe pas, ou n'a jamais existé ailleurs que dans la tête des "révolutionnaires" idéalistes, autant dire des névropathes totalitaires.

Ce qui existe, ce sont des humains. "Des humains dont la seule caractéristique commune est d'ordre biologique" : notre génotype, qui fait que nous appartenons tous, jusqu'à plus ample informé, à une seule et unique espèce, "homo sapiens sapiens". Pour le reste, tout nous sépare, nos langues, coutumes, histoires, mythes, religions, tout. »

Maurice G. Dantec, Le Théâtre des Opérations - Journal métaphysique et polémique 2000-2001 - Laboratoire de Catastrophe Générale

 

 

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27/06/2016

Ces éléphants qui se regroupent en horde

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Maurice G. Dantec est mort.

Rentré à la maison après une dure journée de labeur, je prends spontanément un de ses livres et je tombe directement, dés l'ouverture au hasard (mais est-ce, ici, un hasard ?) sur ce passage que j'avais souligné il y a 14 ans de cela lorsque je le lisais...

« En l'état actuel des choses, je ne donne pas dix ans à la France, allez... quinze, et conséquemment moins de vingt ans à la prétendue "Union européenne".

Ou les Français conduisent l'Europe à la Révolution fédérale-constituante qui lui est nécessaire, ou ils s'exileront d'eux-mêmes du processus métapolitique du XXI ème siècle. Cet exil se traduira entre autres choses par la désagrégation de l'Etat-nation dinosaurien, puis pas l'explosion armée des néonihilismes "révolutionnaires" qui se répandront comme une traînée de poudre dans tout l'espace "européen", comme au début du XX ème siècle ou à la fin du XVIII ème." »

Plus loin...

« Les "révolutionnaires" : ces éléphants qui se regroupent en horde pour briser quelque gracile porcelaine. »

Maurice G. Dantec, Le Théâtre des Opérations - Journal métaphysique et polémique 2000-2001 - Laboratoire de Catastrophe Générale

 

 

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24/06/2016

Une suite d'expériences unique en son genre

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« Car la vie de quelqu'un, même la plus humble, est un déroulement inédit et original d'une suite d'expériences unique en son genre. Le témoin ne peut donc juger qu'à la condition de rester témoin jusqu'au bout. Qui sait si la dernière minute ne viendra pas d'un seul coup dévaluer une vie apparemment honorable ou réhabiliter au contraire une vie exécrable ? »

Vladimir Jankélévitch, La Mort

 

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22/06/2016

La "dhimma"...

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« En 1976, étant correspondant du "Monde" en Égypte, je fus expédié au Liban pour remplacer provisoirement notre représentant local, Édouard Saâb, qui venait d’y être assassiné. On était alors au début de la longue guerre (1975-1990), non pas "civile", comme il est panurgiquement écrit partout, mais libano-palestinienne ou, pour être plus précis, maronito-islamique. Je constatai, en débarquant à Beyrouth-Ouest, que la totalité de la presse étrangère était installée en secteur "islamo-progressiste", comme répétait la doxa de l’époque, et ne mettait pratiquement jamais les pieds à Beyrouth-Est, en secteur "chrétien-conservateur"… Fidèle à l’enseignement d’Hubert Beuve-Méry, fondateur du "Monde", dont le maître-mot fut "Renvoyez les idées reçues à leurs auteurs !", je décidai d’aller voir ce qui se passait de l’autre côté de la ligne de démarcation séparant les deux Beyrouth. La première chose qui me frappa, ce fut les décalcomanies de Jésus, la Vierge ou saint-Maron, patron des catholiques maronites, apposées sur les armes des combattants. "Vous allez tuer au nom de Dieu ?", demandai-je à un jeune guerrier qui me regarda stupéfait, avant de rétorquer : "Quoi, vous venez d’Égypte, vous avez vu le sort des coptes et vous me posez une telle question ! Nous nous battons pour ne pas devenir comme les coptes, et avec l’aide de Dieu nous gagnerons !"

J’allai voir ensuite le jeune Béchir Gemayel, étoile montante des "fachos", pour Beyrouth-Ouest, et de la "résistance libanaise" pour Beyrouth-Est (et qui devait plus tard être élu président du Liban avant d’être assassiné) ; il donna raison à ses miliciens, précisant : "Nous combattons pour avoir le droit de continuer à sonner nos cloches ! Plutôt mourir que d’être dhimmi". Dhimmi en arabe, "protégé" ; dhimma : "protection", avec une nuance d’assujettissement, accordée par l’Islam depuis, croit-on, le "pacte" conclu entre des chrétiens et le calife Omar, l’un des premiers successeurs de Mahomet, pacte aussi appliqué aux autres "Gens du Livre" reconnus par l’Islam : zoroastriens, israélites et sabéens essentiellement. J’avais rencontré pour la première fois le terme "dhimma" dans les feuilles diffusées en Algérie nouvellement indépendante par ceux qu’on appellerait bientôt "intégristes" puis "islamistes" ou "djihadistes". Je me trouvais alors au service de l’administration algérienne en tant que "coopérant militaire", avant de devenir correspondant du "Monde" en Alger, où je suivis des cours d’Histoire islamique donnés par un universitaire musulman, selon lequel "on n’appliquait plus la dhimmitude nulle part au XXe siècle, sauf en Arabie"…

Je n’avais pas encore lu les ouvrages fondamentaux sur le sujet, dus à l’Egypto-levantin Jacques Tagher, au Libanais Antoine Fattal, au Palestinien de Suisse Sami Aldib, tous trois chrétiens d’Orient. Je n’avais pas non plus encore examiné in vivo la dhimmitude au quotidien. En Égypte, je fus peu aidé en cela par le mutisme des coptes, sans doute par honte vis-à-vis d’un chrétien "libre", et par crainte de représailles de la part de musulmans glosant haut et fort, eux, devant les Occidentaux, sur la "tolérance" de leur religion alors que nous, nous avions eu les Croisades, l’Inquisition, le Colonialisme, le Nazisme et tout le saint-frusquin… Aidés par une puissante cohorte d’intellos marxistes, huguenots, juifs, cathos de gauche, etc., ceux des mahométans songeant déjà à une Reconquista à l’envers de l’Europe latine, avaient vite compris qu’en culpabilisant leurs adversaires potentiels, ils les affaibliraient d’autant. La "cohorte", elle, comptait secrètement sur le pouvoir électoral des "masses musulmanes" — et ça continue sous nos yeux en France, Espagne, Belgique, etc. — pour installer durablement au gouvernement la gauche socialiste…

Ce furent, au Caire, au milieu de la décennie 1970, le père Georges Anaouati, fameux érudit dominicain égypto-levantin, conseilleur culturel de Jean Paul II, et un autre érudit oriental, Mirrit Boutros-Ghali, fondateur de la société d’archéologie copte, qui m’ouvrirent définitivement les yeux sur la terrible réalité de la dhimmitude. Désormais, en Orient, je passais une partie de mon temps à parcourir quartiers et villages mixtes où je touchai mille fois du doigt la condition de demi-citoyens des coptes et autre chrétiens, les discriminations quotidiennes dans la rue, aux champs, à l’école, dans l’administration, etc. C’est en outre parmi les coptes que je trouvai les pauvres des pauvres, même si la misère frappait aussi de nombreux musulmans. Comme je rapportais mes tristes constats à Anaouati, il me donna une sorte d’ordre : "Écrivez tout ça !". Et ce fut, en 1983, "Le Radeau de Mahomet", essai où je développais ce que j’avais déjà esquissé dans "Le Monde" sur la situation de la Chrétienté orientale. Si j’eus le soutien de mes supérieurs hiérarchiques type André Fontaine ou Michel Tatu, nombre de mes confrères, au "Monde" et ailleurs, au nom d’un “Islamo-progressisme” imaginaire, nièrent les faits que je rapportais…

En Égypte, bien sûr, mais là où me conduisaient aussi d’autres reportages : Libye, Soudan, Yémen, Pakistan, Brunei, et même dans les soi-disant États "laïques" de Syrie, Irak ou Turquie, je découvrais peu à peu, la condition dhimmie : pas de mariage ni même de flirt avec une "vraie croyante" alors que tout mâle musulman a le droit d’épouser juives ou chrétiennes dont les enfants seront obligatoirement islamisés ; pour celles de ces épouses ayant conservé leur foi native, en cas de veuvage, aucun héritage ni aucune garde des enfants ; impossibilité pour les dhimmis d’accéder à certaines professions "délicates", comme la gynécologie ou bien à des postes politiques réellement importants : le célèbre Boutros Boutros-Ghali, au rôle diplomatique mondial, ne dépassa jamais chez lui le rang de "ministre d’État" qui, au Caire, équivaut à "secrétaire d’État". Le "laïc" Nasser aggrava encore la dhimmitude en interdisant aux chrétiens d’enseigner l’arabe, "langue du coran" ; en contrepartie, si on peut dire, il interdisit à ses coreligionnaires les manifestations festives trop bruyantes lors des conversions de coptes à l’Islam. Subsistèrent les milles mesquineries paperassières, légales ou non, imposées aux constructeurs de la moindre chapelle tandis que le gouvernement continuait à encourager l’édification de nouvelles mosquées. Sous Sadate les attentats antichrétiens se multiplièrent tandis que le pape copte qui avait eu le toupet de se plaindre était assigné à résidence… Lors du renversement du président islamiste élu, Morsi, en 2013, par le maréchal Sissi, des musulmans passèrent leurs nerfs en détruisant en deux jours plus de cent édifices chrétiens dans la vallée du Nil, soit plus que durant toute la conquête arabe de cette région en 639… »

Jean-Pierre Péroncel-Hugoz, La NRH, hors série n°12

Combattantes chrétiennes syriennes

 

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21/06/2016

Lorsqu’on est en plein dans la vie

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« Qui le dira ; surtout, qui le saura ? Il faut être posé comme moi au-dessus de l’humanité, il faut être à la fois parmi les êtres et disjoint d’eux, pour voir le sourire se changer en agonie, la joie devenir la satiété, et l’enlacement se décomposer. Car lorsqu’on est en plein dans la vie, on ne voit pas cela, et on n’en sait rien ; on passe aveuglément d’un extrême à un autre. Celui qui a crié ces deux cris que j’entends : "tout ! rien !" avait oublié le premier lorsqu’il a été emporté par le second. »

Henri Barbusse, L’enfer

 

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L’époque contemporaine est une agonie

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« Les groupements nationaux, unités de l’univers moderne, sont ce qu’ils sont, soit. Par la déformation grandissante, monstrueuse, du sentiment patriotique, l’humanité se tue, l’humanité se meurt, et l’époque contemporaine est une agonie. »

Henri Barbusse, L’enfer

 

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Je vieillis et je meurs, moi...

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« Vieillir, penser autrement, mourir. Je vieillis et je meurs, moi. J’ai mis longtemps à le comprendre, figure-toi. Je vieillis ; je ne suis pas vieille, mais je vieillis. J’ai déjà quelques cheveux blancs. Le premier cheveu blanc, quel coup ! Un jour, penchée à mon miroir, prête à sortir, j’ai vu sur ma tempe deux fils blancs. Ah ! c’est sérieux, cela ; c’est l’avertissement, net, en plein. »

Henri Barbusse, L’enfer

 

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19/06/2016

Ce que diront de nous les historiens futurs

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« Je rêve parfois de ce que diront de nous les historiens futurs. Une phrase leur suffira pour l’homme moderne : il forniquait et lisait des journaux. Après cette forte définition, le sujet sera, si j’ose dire, épuisé. »

Albert Camus, La Chute

 

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Convaincus de vos raisons, de votre sincérité, et de la gravité de vos peines

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« Les hommes ne sont convaincus de vos raisons, de votre sincérité, et de la gravité de vos peines, que par votre mort. Tant que vous êtes en vie, votre cas est douteux, vous n’avez droit qu’à leur scepticisme. »

Albert Camus, La Chute

 

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