26/12/2017
Je vais à la rencontre de mes origines et de mon éternité
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« Comme le chien loup de Jack London, je ne peux résister longtemps à l’appel de la forêt. Le besoin que j’ai d’elle s’enracine dans ma part animale autant que dans ma spiritualité. L’une n’allant pas sans l’autre. Je ne me "promène" pas en forêt. Marchant par les taillis et les futaies, je vais à la rencontre de mes origines et de mon éternité. Bien que domestiqué par l’homme, la forêt conserve son mystère. Il suffit pour cela d’attendre la chute du jour et les angoisses du cycle nocturne, domaine d’Artémis, la toujours jeune, dont les cheveux d’or s’ornent du croissant de lune. »
Dominique Venner, Dictionnaire amoureux de la chasse
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La promesse d’un nouveau départ
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« De Nietzsche, les penseurs de la révolution conservatrice ont retenu le défi du nihilisme ("la mort de Dieu"), auquel ils répondent par une nouvelle recherche de sens. Pour eux, la religiosité nationale et celle de l’action éternisent ce que le destin individuel a d’éphémère. Le mythe de l’éternel retour conforte une vision cyclique de l’histoire en opposition radicale avec la vision linéaire et finaliste issue du christianisme et qu’ont laïcisée les Lumières. Saisie dans cette structure mentale et dans sa signification astronomique de retour au point initial, le mot "révolution" prend une profondeur inhabituelle. Il ne signifie pas seulement rupture et bouleversement, mais retournement, achèvement d’un cycle historique. Il porte en lui la promesse d’un nouveau départ. Quant au conservatisme, contrairement à son acception française, il ne suggère ni l’immobilisme ni l’attachement à des formes caduques. Tout au contraire, dans l’esprit du romantisme allemand, il est la conscience du permanent et de l’essentiel, ce qui résiste au temps et qu’un choc révolutionnaire pourra libérer des formes périmées. Cette idée d’une révolution assurant le resurgissement d’un ordre fondamental porte en elle un grand dynamisme. Elle prend appui sur la conviction métaphysique que l’époque est celle d’un interrègne entre un ordre déjà mort et un autre à venir, une sorte de "point zéro", comme dira Jünger, à partir duquel tout devient possible. »
Dominique Venner, Ernst Jünger, un autre destin européen
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25/12/2017
Au-delà des idéologies
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« Assurément, cette défense de la civilisation française et des valeurs universelles qu’elle contient ne peut pas se faire si la France conserve les vieilles méthodes libérales et démocratiques ; contre le fascisme, la France doit accepter de subir "un minimum de fascisme", elle doit avoir recours aux méthodes qui ont permis à l’Allemagne et à l’Italie d’acquérir la force dont elles menacent maintenant les démocraties. Mais ce "minimum de fascisme" n’a rien de commun avec l’adhésion à la mystique totalitaire : il n’a de sens, au contraire, que pour résister efficacement aux conséquences de cette mystique. Le vrai, le seul problème de la France est de sortir d’un dilemme absurde dans lequel on prétend l’enfermer, et d’aller au-delà des idéologies qui tendent à se partager le monde. Au-delà et non pas en deçà : ce serait une erreur mortelle, sous prétexte de refuser à la fois le communisme et le fascisme, de revenir à cette démocratie bourgeoise dont, en dépit des apparences, les Français ne veulent plus. »
Paul Sérant, Les dissidents de l’Action française
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L’espèce de bourgeois la plus haïssable
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« La chrétienté fait l’Europe. La chrétienté est morte. L’Europe va crever, quoi de plus simple ? La démocratie sociale a exploité l’idée de justice, et n’a tenu aucune de ses promesses, sinon celle du service militaire obligatoire et de la Nation armée. La démocratie parlementaire, l’idée de droit. La démocratie impérialiste dissipe aujourd’hui à pleines mains l’idée de grandeur. La démocratie guerrière mobilise les enfants de sept ans, prostitue l’héroïsme et l’honneur. Les démocraties autoritaires entraîneront demain avec elles jusqu’au souvenir de ce qui fut la libre monarchie chrétienne. Je puis parler ainsi parce que je ne suis pas démocrate. Le démocrate, et particulièrement l’intellectuel démocrate, me paraît l’espèce de bourgeois la plus haïssable. Même chez les démocrates sincères, estimables, on retrouve cet inconscient qui rend insupportable la personne de M. Marc Sangnier. »
Georges Bernanos, Les grands cimetières sous la Lune
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24/12/2017
Le sens aigu de l'altitude
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« Comme chez Nietzsche commande chez Thibon le sens aigu de l'altitude, le sens de l'idéal. "Si l'on me pressait sur ma conception de la morale, j'avouerais volontiers que la différence entre noble et bas me paraît plus essentielle que la différence entre bien et mal", dit-il. Et de l'être noble, il propose plusieurs figures : l'homme qui choisit "de s'immoler plutôt que de se satisfaire" ; celui qui garde "une certaine naïveté" au milieu des malins ; celui "que la souffrance rend tendre et que le bonheur fait prier" ; celui qui "ose à peine" et dont la noblesse se reconnaît "à l'hésitation et à la délicatesse avec lesquelles il cueille les joies qui s'offrent à lui". Mais pour tout résumer, l'homme dont la morale est la plus pure, "l'homme noble place la raison d'être de son existence et la source de ses actions dans une foi, un idéal, un code d'honneur qui surplombent infiniment son chétif moi. Sa manière de sentir, de juger et d'agir est tout imprégné par cette distance... il s'aime aussi, mais de loin. En toute chose il se traite de haut... les âmes nobles peuvent connaître des chutes mais non pas commettre des bassesses : elles peuvent tomber mais elles ne sont pas d'en bas". Le refus d'installer l'homme en bas est le critère du conflit moral bien placé. Il ne vise pas à entraver mais à faire monter l'homme. Et comment l'homme qui parle de monter n'aurait-il, en même temps que celui des hauteurs, le sens de la distance ?
Il faudrait opposer à ces visages de l'être noble les visages de l'être vil. On verrait partout que l'être vil manque du sens de la distance ou qu'un tel sens est chez lui dénaturé. Il traite les autres de haut mais non pas lui-même ; il "colle" à lui-même et il est "collant" avec les autres parce qu'il est incapable d'être leur "proche" ; ou bien il sépare, il tranche et juge car il est incapable de distinction ; en un mot il est d'en bas et c'est toujours être d'en bas qu'appeler cime, la hauteur où s'arrête notre effort.
Le conflit intérieur est lié à la conquête de l'homme intérieur. Nous pourrions apparement être des hommes très divers parce que les éléments qui nous composent sont divers. En fait, c'est l'illusion qui parle. Nous ne pouvons être que celui que nous sommes, et nous nous perdons dés lors que nous perdons celui que nous sommes. Quand même nous aurions gagné mille visages, si nous avons perdu le nôtre ou ne l'avons jamais trouvé, nous avons tout perdu. »
Christian Chabanis, Gustave Thibon
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Une loi étroite et sourcilleuse
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« Ce qu'il faut faire et ne pas faire : ainsi se résumait la conscience morale de beaucoup, et tout débat intérieur, toute vie intérieure quelquefois, se développaient entre ces deux pôles. Ce qu'il fallait faire et ne pas faire était régi par une loi étroite et sourcilleuse, qui tendait surtout à réprimer tout excès. Or si le conflit moral ainsi conçu est un aspect essentiel du conflit intérieur, le conflit intérieur le déborde largement.
"Si je me défie de la morale, dit Thibon, ce n'est pas parce que les hommes la pratiquent (elle est nécessaire à son niveau) ; c'est parce qu'ils s'en contentent : parce qu'ils s'en servent comme d'un paravent derrière lequel ils cultivent ce qu'il y a de plus immoral en eux — leur misérable satisfaction d'eux-mêmes et leur rage de juger les autres." Cette "morale des impurs" à qui "le mal fait envie" s'oppose à la "morale des purs" à qui "le mal fait pitié". Les uns regrettent le bien qu'ils font sous la contrainte, et même le mal qu'ils ne font pas ; les autres souffrent de ne pas faire assez de bien.
"Les premiers s'abstiennent du mal par impuissance ou lâcheté, ou sous la pression d'impératifs sociaux extérieurs à leur nature, et les seconds parce que l'appel d'un bien supérieur emplit leur âme. Ces deux morales, souligne Thibon, ne se rejoindront jamais et ceux qui obéissent à la première méconnaîtront et persécuteront jusqu'à la fin des siècles ceux qui vivent de la seconde."
Sa critique de la morale ne s'adresse donc pas à la morale elle-même mais à la morale impure qui doit être dépassée et remplacée. Non par l'immoralisme ou l'amoralisme, mais par la morale des purs dans laquelle s'inscrit le véritable conflit moral. Ici, "l'homme moral n'obéit pas à une consigne exotérique, il réalise, il épanouit sa nature", écrit Thibon.
[...]
Le véritable conflit moral développe la vertu positive de telle sorte qu'à la limite la vertu négative perd toute raison d'être. Il remplace l'inhibition par l'élan. Aime et fais ce que tu veux puisqu'en vérité si tu aimes, tu ne fais rien contre ton amour, tu ne fais rien que ton amour "plus vivant en toi que toi-même" ne veuille faire lui-même. Et si tu fais ce que tu ne veux pas, ce que ton amour ne veut pas, que ta souffrance téloigne alors de ton amour ! »
Christian Chabanis, Gustave Thibon
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23/12/2017
Nous sommes à bout de souffle...
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« Nous rêvons des germinations de demain à travers les effondrements et les pourritures qui nous entraînent. Nous sommes à bout de souffle, rien ne renaîtra plus de nous dans les formes que nous connaissons, la force de création ne reprendra en Europe qu’après de terribles dissolutions ; mais alors que le fleuve de notre civilisation est près de déboucher dans la mer qui noie tout, parcourant d’un trait le cycle récurrent des évaporations, des nuages et des pluies, notre imagination se rejette vers les sources d’où sortira le fleuve nouveau. Je rôde autour des abîmes parce que je sais que j’y retombe et que j’en ressortirais. »
Pierre Drieu la Rochelle, Une femme à sa fenêtre
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Un fleuve de sperme
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« Il n’y a plus de tiers-monde, voilà un mot inventé pour garder vos distances. Il y a le monde tout court, et ce monde-là sera submergé par la vie. Le tiers-monde n’est plus qu’un fleuve de sperme qui vient brusquement de changer de lit et coule vers l’occident. »
Jean Raspail, Le Camp des saints
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22/12/2017
Un nombre immense d'hommes naissent pour la servitude
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« On a beau faire, un nombre immense d'hommes naissent pour la servitude ; les philosophes des Lumières, qui les jugent libres, leur attribuent, par un excès de générosité, le caractère propre aux philosophes. La liberté n'est pas un besoin général et la plupart des êtres cherchent plutôt la sécurité : les faibles, les malades, les vieillards, les enfants et les femmes n'hésitent pas à préférer la dépendance, la liberté les intimide, quand elle ne les épouvante. Or la sécurité n'est pas bonne conseillère et si les hommes mariés et pères de famille sont les plus corruptibles d'entre les humains, c'est qu'ils ont charge d'âmes. Pour être libre, il faut toujours pouvoir mourir avant que l'on vous tue. La volonté de mort n'est-elle pas la condition de notre affranchissement ? et n'a-t-on pas cent fois prouvé que l'esclave est un homme qui, pour vivre, immola ses raisons de vivre et se contenta de végéter ? de végéter d'un semblant d'existence, pareille à quelque mort recommencée au jour le jour ? Rappelons ici que les tyrans ne seraient guère ce qu'ils sont, de n'avoir sous leurs pieds ces peuples désireux de se sentir foulés, le génie de la servitude étant le génie de l'espèce. »
Albert Caraco, Obéissance ou servitude
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Une civilisation unique dans l’histoire
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« Les peuples européens ont édifié une civilisation unique dans l’histoire. Son pouvoir créateur, malgré les millénaires, ne s’est pas tari. Ceux-là mêmes qui s’en déclarent ennemis reconnaissent implicitement son universalité. Entre un Orient traditionnel soumis aux règles métaphysiques et les nouvelles sociétés matérialistes, la civilisation européenne fait la synthèse des aspirations spirituelles et des nécessités matérielles. Alors que l’uniformité de la masse est proposée comme idéal partout dans le monde, elle exalte l’individualisme des forts, le triomphe de la qualité humaine sur la médiocrité. »
Dominique Venner, Pour une critique positive
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Des plaisirs fugitifs, épidermiques...
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« J’affirme qu’un peuple hébété par des plaisirs fugitifs, épidermiques, obtenus sans le moindre effort intellectuel, j’affirme qu’un tel peuple se trouvera, quelque jour, incapable de mener à bien une œuvre de longue haleine et de s’élever, si peu que ce soit, par l’énergie de la pensée. »
Georges Duhamel, Scènes de la vie future
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21/12/2017
D’innombrables femmes frigides et des hommes impuissants
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« Mais en ce moment je ne vois qu’une immense augmentation des troubles de la vie amoureuse : d’innombrables femmes frigides et des hommes impuissants.
Qu’on ne me reproche pas d’exagérer les constations que j’ai pu faire qui ne sont qu’une petite partie des suites de la guerre mondiale ; mais elles parlent un langage indiscutable. Ce que je viens d’écrire est un condensé d’expériences. Je ne fais pas de philosophie. Je ne constate que des faits.
Les perspectives sont donc mauvaises pour l’avenir de l’Europe. L’avenir appartient au peuple qui aura des femmes fécondes ; on voit déjà que la fécondité slave est en train de détruire l’organisation et la civilisation germanique après l’avoir assimilée complètement. La race de civilisation supérieure est vaincue par l’inférieure à cause de sa fécondité. Les Français, tout en emportant la victoire sur d’autres nations, vont succomber. La lutte des sexes est d’une importance plus grande que le combat des nations. Plus une nation est civilisée, plus cette lutte est acharnée. Elle détruit les couches supérieures de la nation, mais elle nuit à la nation tout entière par la régression des naissances.
Sommes-nous capables de lutter contre ces phénomènes ? Avons-nous un moyen de rendre à la femme la volonté d’avoir des enfants ? J’ai répondu négativement à cette question dès le début.
La femme ne se révolte pas seulement contre le devoir de la maternité, mais elle dévalorise les sentiments maternels qui, pendant de longues époques étaient considérés comme la fleur des sentiments humains. »
Wilhelm Stekel, La femme frigide
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Tous les moments de l’humanité
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« Vivre dans un certain siècle et s’apercevoir qu’on était mieux fait pour un autre, cela ne doit pas désespérer, car ce malheur n’est point sans quelque remède. Nous atteignons par magie l’époque où nous ne nous sommes pas trouvés matériellement ; nous la saisissons par son art. Être cultivé, cela ne signifie pas autre chose que d’avoir le choix entre tous les moments de l’humanité et d’aller, à notre gré, de l’un à l’autre, comme un archipel, un navire heureux se promène d’île en île. Toute haute vie a ses évasions sereines. »
Abel Bonnard, Ce monde et moi
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20/12/2017
Vers les entrepôts de viande humaine
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« Nous ne pouvons pas empêcher que le siècle dans lequel nous vivons soit peuplé d'usines et de bureaux. Mais il nous appartient de mettre au-dessus de tout les conditions de vie que nous faisons aux hommes. Nous n'arrêterons pas le fleuve qui, chaque matin, coule vers les entrepôts de viande humaine. Mais nous pouvons le rendre moins morne. Nous pouvons surtout ne pas l'aggraver en ajoutant ou en laissant ajouter l'abrutissement collectif et la dépersonnalisation aux modes de vie que nous impose la production massive. »
Maurice Bardèche, Sparte et les sudistes
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Persister tenacement dans une activité inutile
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« La seule attitude digne d'un homme supérieur, c'est de persister tenacement dans une activité qu'il sait inutile, respecter une discipline qu'il sait stérile, et s'en tenir à des formes de pensée, philosophique, dont l'importance lui apparaît totalement nulle. »
Fernando Pessoa, Le livre de l'intranquillité
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Des cloportes hantent ces ruines, on y trouve des végétations inconnues...
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« Nous nous plaignons chaque jour de l'immoralité et nous ne daignons pas nous apercevoir que nous avons détruit nous-mêmes ou laissé détruire toute une partie des bases de la morale, qu'on les détruit encore chaque jour devant nous. Les pousses que nous avons plantées à la place des grands chênes abattus sont rabougries et se dessèchent. Et nous nous plaignons d'avancer dans un désert. C'est que nous avons reconstruit les ponts, les usines, les villes que les bombes avaient écrasés, mais non les valeurs morales que la guerre idéologique avait détruites. Dans ce domaine nous sommes encore devant un champ de ruines. Des cloportes hantent ces ruines, on y trouve des végétations inconnues, on y rencontre des visiteurs étranges. Le vide moral que nous avons créé n'est pas moins menaçant pour notre avenir que le vide géographique que nous avons laissé s'installer au coeur de l'Europe, mais nous ne le voyons pas. »
Maurice Bardèche, Sparte et les sudistes
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19/12/2017
Des visions et des bruits de fantômes
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« La torture, que l'on croyait reléguée dans un pittoresque Moyen-Âge, redeviendra une réalité ; la pullulation de l'humanité dévalorisera l'homme. Des moyens de communication massifs au service d'intérêts plus ou moins camouflés déverseront sur le monde, avec des visions et des bruits de fantômes, un opium du peuple plus insidieux qu'aucune religion n'a jamais été accusée d'en répandre. Une fausse abondance, dissimulant la croissante érosion des ressources, dispensera des nourritures de plus en plus frelatées et des divertissements de plus en plus grégaires, panem et circenses de sociétés se croyant libres. La vitesse, annulant les distances, annulera aussi la différence entre les lieux, traînant partout les pèlerins du plaisir vers les mêmes sons et lumières factices, les mêmes monuments aussi menacés. »
Marguerite Yourcenar, Archives du Nord
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18/12/2017
Les symptômes du grand rien
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« Tu n’avais rien d’un bandit, tu craignais l’argent des autres : tu étais un bourgeois visité par la grâce et rechignant, ce qui prouve que la grâce était authentique. Oui un chrétien, apparemment un chrétien, au fond pas du tout un chrétien. Car enfin quelle différence y a-t-il entre un païen et un chrétien. Guère. Une mince différence sur l’interprétation de la Nature. Le païen croit à la nature telle qu’elle se montre; le chrétien croit à la nature, mais selon l’envers qu’il lui suppose. Il croit que c’est un symbole, une étoffe tachée de symboles. Au jour de la vie éternelle il retourne l’étoffe et il a la réalité du monde : Dieu. Donc le païen et le chrétien ont l’ancienne croyance, croient à la réalité du monde. Tu ne croyais pas à la réalité du monde. Tu croyais à mille petites choses, mais pas au monde. Ces mille petites choses étaient les symptômes du grand rien. Tu étais superstitieux. Doux et cruel refuge des enfants révoltés et fidèles jusqu’à la mort à leur révolte : tu te prosternais devant un timbre-poste, un gant, un revolver. Un arbre ne te disait rien, mais une allumette était chargée de puissance. »
Pierre Drieu la Rochelle, Adieu à Gonzague
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17/12/2017
Le radium inépuisable
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« Les Sorbonnards sont férus des “sources”, ces regroupements saugrenus qui prétendent expliquer la création littéraire. Eh bien ! La bringue, la dèche, les dettes, le garni, les mauvaises fréquentations, les déménagements à la cloche de bois, les obsessions sexuelles, la drogue, le bordel, le pernod, la pédale, voilà quelques sources authentiques de la poésie, et, j'en suis bien fâché, de la poésie la plus grande, celle qui accède à l'inconnu, l'incantation, l'illumination du voyant, le radium inépuisable. »
Lucien Rebatet, Préface à l' "Anthologie de la poésie" de Christian de la Mazière
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Nous acceptons avec simplicité
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« En attendant la mort du siècle dans des supplices atroces, nous acceptons avec simplicité ce que nous donne encore la vie. »
Pierre Drieu la Rochelle, Histoires déplaisantes
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16/12/2017
Incarcéré à la Santé
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« Pour avoir défendu la mémoire de mon fils Philippe assassiné, j'ai été incarcéré à la Santé, à l'âge de soixante ans, dans une cellule de droit commun, avec mon ami et collaborateur Joseph Delest, le 13 juin 1927. […]
Nous étions logés dans une partie saine et aérée de la prison, mais auprès des assassins, de ceux qu'on appelle "les mains rouges”. […] Le matin nous avions, séparés de nous par deux séries de fenêtre et de grilles, dans une vision d'aquarium, les voleurs et les produits des rafles, sans linge ni cravate, sales comme des peignes […] Ils s'entretenaient de notre cas : “mon vieux çui qu'est là, c'est Daudet. C'est tout de même raide qu'il soit avec nous.
- Mais Voltaire aussi a été emprisonné, mon vieux…
- Mais on ne lui avait pas tué son gosse, comme à Daudet.
- Ça c'est vrai.
C'est gens-là ont plus d'âme que des jurés de Cour d'Assises ou que des conseillers à la Cour de Cassation. »
Léon Daudet, Paris Vécu
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15/12/2017
Kali Yuga
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« Selon la tradition cosmologique hindoue, nous approchons à présent de la fin du Kali Yuga (l'Age de Fer), qui est le dernier et le plus négatif des quatre cycles yugiques de l'évolution. Chaque yuga est comme la saison d'une année super-cosmique, encore plus grande que l'année cosmique de la succession des équinoxes. Lorsque la Terre arriva à son actuelle phase de manifestation et que le premier yuga commença (‘Satya’ Yuga, signifiant 'pureté’), l'humanité sortait à peine de son état originel d'innocence quasi-divine. Ce fut l'Age d'Or originel. Comme le temps s'écoulait, la planète tomba sous l'influence d'une spirale descendante négative, et la qualité de la vie dans chaque yuga successif s'éloigna de plus en plus de la connaissance de la vérité et de la Loi naturelle (en d'autres mots, la 'Réalité’). Dans le second yuga, le Treta Yuga (l'Age d'Argent), la conscience spirituelle diminua d'un quart et pendant le temps du Dvapara Yuga (l'Age du Cuivre) la négativité atteignit 50%.
Pendant le Kali Yuga la vibration est devenue très obscure et l'humanité travaille contre des conditions difficiles. Le sens de la justice a diminué jusqu'à un maigre quart de sa force originelle. Pendant notre histoire actuelle nous avons créé, et nous avons libéré tous les maux de la Boîte de Pandore. Il n'est pas étonnant que la race humaine connaisse une époque si difficile. Mais le moment du tournant est maintenant arrivé, et l'aube répand encore une fois sa lumière sur une planète confuse et ignorante. Le Vishnu Purana, l'un des plus anciens textes sacrés de l'Inde, dit à propos du Kali Yuga : "Les chefs qui régneront sur la Terre seront violents et s'empareront des biens de leurs sujets … Ceux qui sont paysans ou commerçants devront abandonner leur métier et vivront comme des serviteurs. Les chefs, par les impôts, voleront et déposséderont leurs sujets et mettront fin à la propriété privée. Les valeurs morales et le règne de la loi s'affaibliront de jour en jour jusqu'à ce que le monde soit complètement perverti et l'incroyance l'emportera parmi les hommes."
Il existe beaucoup d'autres allusions à la division du temps. Par exemple, dans la Bible, le rêve de Nabbuchanedzar (Daniel 2 : 31-45) fut celui d'une image brillante et terrible, avec une tête en or fin, un torse en argent, des hanches en cuivre, et des jambes en fer. Les pieds et les orteils étaient en fer mêlé à de l'argile. Cette image fut détruite par une pierre, faite par des mains non-humaines, qui réduisit les pieds en poussière, et les débris volèrent dans l'air. Bien que le prophète Daniel ait interprété les différents métaux comme les empires du monde qui succédèrent à Babylone, le rêve avait aussi une signification plus cosmique. Il représente les grands yugas. Les jambes de fer sont l'Age de Fer ou Kali Yuga, qui se termine à la fin de son cycle par la présente et instable civilisation, symbolisée par les pieds de fer et d'argile. Le prophète interpréta la pierre comme étant le véritable Royaume de Dieu qui remplacerait les autres civilisations, comme vrai et éternel Royaume. »
René Guénon, La Crise du Monde moderne
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Dormition...
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« Mise au tombeau de notre destinée ? En dépit d’apparences sinistres, mon intime conviction me conduit à rectifier aussitôt cette pensée. Tout ce que l’étude historique m’a appris, ce que je sais aussi des trésors d’énergie masqués, m’incitent à penser que l’Europe, en tant que communauté millénaire de peuples, de culture et de civilisation, n’est pas morte, bien qu’elle ait semblé se suicider. Blessée au coeur entre 1914 et 1945 par les dévastations d’une nouvelle guerre de Trente Ans, puis par sa soumission aux utopies et aux systèmes des vainqueurs, elle est entrée en dormition.
Bien des fois dans ses écrits, Jünger a fait allusion au destin comme à une évidence se passant d’explication, ainsi que d’autres évoquent Allah, Dieu, la Providence ou l’Histoire. (…)
Dans l’Iliade, Homère dit que les Dieux, eux-mêmes, sont soumis au Destin. L’épisode est conté au chant XXII lorsqu’il s’agit de trancher du sort d’Hector face au glaive d’Achille. Le Destin figure ici les forces mystérieuses qui s’imposent aux hommes et même aux dieux, sans que la raison humaine puisse les expliquer. Ce n’est pas la Providence des chrétiens, puisque celle-ci résulte d’un plan divin qui se veut intelligible, au moins pour l’Eglise. C’est en revanche, un autre nom pour la fatalité. Pour répondre à cette dernière, les stoïciens et, de façon différente Nietzsche, parlent d’amor fati, l’amour du destin, l’approbation de ce qui est, parce qu’on a pas le choix, rien d’autre en dehors du réel. Approbation contestée par toute une part de la tradition Européenne qui, depuis l’Iliade, a magnifié le refus de la fatalité. Citons le fragment du chant XXII qui suit la décision des Dieux. Poursuivi par Achille, Hector se sent soudain abandonné : "Hélas, point de doute, les Dieux m’appellent à la mort. Et voici maintenant le Destin qui me tient. Eh bien non, je n’entends pas mourir sans lutte ni gloire. Il dit et il tire le glaive aigu pendu à son flanc, le glaive grand et fort ; puis, se ramassant, il prend son élan tel l’aigle de haut vol qui s’en va vers la plaine. Tel s’élance Hector."
L’essentiel est dit. Hector est l’incarnation du courage tragique, d’une insurrection contre l’arrêt du Destin qu’il sait pourtant inexorable. Tout est perdu mais au moins peut-il combattre et mourir en beauté.
(…) Et le lecteur méditatif songera que la tentation est forte, pour l’Européen lucide de se réfugier dans la posture de l’anarque. Ayant été privé de son rôle d’acteur historique, il s’est replié sur la position du spectateur froid et distancié. L’allégorie est limpide. L’immense catastrophe des deux guerres mondiales a rejeté les Européens hors de l’histoire pour plusieurs générations. Les excès de la brutalité les ont brisés pour longtemps. Comme les Achéens après la guerre de Troie, un certain nihilisme de la volonté, grandeur et malédiction des Européens, les a fait entrer en dormition. A la façon d’Ulysse, il leur faudra longtemps naviguer, souffrir et beaucoup apprendre avant de reconquérir leur patrie perdue, celle de leur âme et de leur tradition. »
Dominique Venner, Ernst Jünger, un autre destin européen
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14/12/2017
L’Europe déboussolée de l’après guerre
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« Après 1945, les Européens ont cessé d’être eux-mêmes et sont comme entrés en dormition. Les horreurs des guerres passées, dont ils n’étaient pas seuls responsables, furent ressenties comme une condamnation de leur civilisation, d’autant que les vainqueurs s’ingénièrent à les en convaincre. Sans en avoir toujours conscience, les Européens ont vécu longtemps sous l’ombre portée des puissances victorieuses, se partageant entre soviétophiles et américanophiles.
Peu avant de mettre en œuvre son projet et d’en mourir, le colonel Claus von Stauffenberg, organisateur de l’attentat contre Hitler du 20 juillet 1944, avait consigné par écrit les espérances des conjurés :
"Nous voulons un ordre nouveau qui garantisse le droit et la justice, dans lequel l’état s’appuie sur chacun ; mais nous rejetons la mensongère notion d’égalité et nous nous inclinons devant la hiérarchie naturelle. Nous voulons un peuple qui, enraciné dans la terre de sa patrie, , demeure proche des forces de la nature, un peuple qui, libre et fier, dominant les bas instincts de l’envie et de la jalousie, trouve son bonheur et sa satisfaction dans le cadre établi de son activité. Nous voulons des dirigeants qui, provenant de toutes les couches de la société, et liés aux forces divines, s’imposent par leur sens moral, leur discipline, et leur esprit de sacrifice."
La philosophie nationale conservatrice de ce programme de la résistance Allemande était aux antipodes de ce que les vainqueurs imposeront à l’Europe déboussolée de l’après guerre : l’anti fascisme et le matérialisme bureaucratique pour les uns, la religion du marché et la version Américaine des droits de l’homme pour les autres. »
Dominique Venner, Le siècle de 1914
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"Comme ça la barre !"
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« Le cargo grec "Île de Naxos", capitaine Notaras, naviguant de Colombo à Marseille par le canal de Suez avec un chargement de bois précieux, et ayant franchi le dixième parallèle à mi-chemin entre Ceylan et Socotra, rencontra sur sa route un premier naufragé qui sembla retrouver la vie à l’approche du navire, levant faiblement le bras au dessus de l’eau en signe d’appel. La mer était plate, le vent nul. Le capitaine fit stopper le navire et donna l’ordre de mettre un canot à la mer. C’est alors que l’officier de quart, examinant le malheureux à la jumelle, repéra soudain tout autour du survivant de très nombreux cadavres flottant juste au-dessous de la surface de l’eau. Le capitaine saisit à son tour ses jumelles et découvrit droit devant lui, presqu’à perte de vue sur la mer, un océan de corps flottant ou à peine immergés selon qu’ils vivaient ou non. "Les hommes du Gange !" dit-il. Il rappela le canot qu’on débordait déjà des portemanteaux et fit remettre en route, arrière lente, tandis que l’homme voyant le navire s’éloigner, fermait les yeux sans un cri et se laissait couler. "Capitaine !" dit l’officier du quart, "allez-vous les abandonner ?" C’était un tout jeune homme, pâle d’émotion, au bord des larmes. "Vous connaissez les ordres", répondit le capitaine Notaras, "ils sont formels. Et si j’embarque tous ces gens là, qu’est-ce que nous en ferons, je vous le demande ? Moi je transporte du bois, c’est tout. Je ne suis pas chargé de favoriser l’envahissement de l’Europe." Cette fois le petit officier pleurait franchement : "vous les condamnez à mort, capitaine ! Vous n’en avez pas le droit !" "Ah ! Vous croyez !" dit le capitaine, "eh bien vous vous trompez !" Et plaçant le levier du chadburn sur "en avant toute" il ajouta dans le téléphone-machine : "donnez moi le maximum de tours, s’il vous plait !" Au timonier, il jeta un ordre : "comme ça, la barre, et si tu modifies ta route d’un seul demi-degré, je te flanque aux fers pour mutinerie en haute mer !"
"Comme ça la barre !" cela voulait dire : droit devant. Et droit devant, sous la proue du navire lancé à pleine vitesse, commençait le champ marin de fleurs noires aux pétales blancs, morts et vivants balancés par la houle comme une cressonnière humaine. A vingt-cinq nœuds, le cargo grec "Île de Naxos", par la volonté de son capitaine et la passivité coupable de son équipage, perpétra en cinq minutes un milliers d’assassinats. Hormis les actes de guerre, ce fut probablement le plus grand crime de l’histoire du monde jamais commis par un seul homme. Un crime que le capitaine Notaras considérait justement, à tort ou à raison, comme un acte de guerre, probablement commandé par le nom qu’il portait et le souvenir qui s’y rattachait. »
Jean Raspail, Le camp des saints
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