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20/02/2014

Le plus grand péril qui menace l’Europe, disait Husserl, c’est la lassitude

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« C’est dans le sillage ouvert par Husserl, mais aussi par Heidegger, que le philosophe Tchèque Jan Patocka s’est à son tour penché sur l’ "héritage européen", notamment dans son séminaire de l’été 1973 sur "Platon et l’Europe". La naissance de l’Europe trouve selon lui son origine dans une conception de la vie comme "vie pour la liberté", et non comme vie bornée par l’horizon du bien-être et l’empire de la quotidienneté. Lui aussi affirme que c’est en Grèce qu’il faut rechercher la source aurorale de l' "humanité européenne", car la conception de la vie comme "vie pour la liberté" est liée tout à la fois à la philosophie, à la conscience historique et à l’émergence de la politique au sein de la cité, toutes trois se donnant à saisir d’emblée comme autant de remises en question.

La philosophie se distingue à la fois de la religion, dépositaire de réponses toutes faites aux questions ultimes, et de la simple accumulation des savoirs. Elle implique la prise de distance à l’égard de l’immédiateté quotidienne comme de la pure subjectivité, à l’égard de l’opinion reçue (doxa) comme de toute forme de sens donné par avance dans nos relations avec les choses et les êtres. Patocka affirme, lui aussi, que l’Europe est née d’un "penser questionnant", seule forme authentique de la vie réfléchie, et non d’une pensée technicienne. Il conclut que l’humanité authentique ne s’institue que par une lutte (polemos) de chacun contre soi-même, un débat pour se déprendre de la seule sphère des intérêts, de la production, de l’utilité et des exigences vitales (la simple "vie" par opposition à la "vie bonne"), car cette déprise est la condition nécessaire du vivre-ensemble dans un espace public et un monde commun. Il y aurait là une grande leçon à saisir, mais les Européens sont-ils encore capables de l’entendre ? Dans un monde qui change comme rarement il a changé, dans une époque où se met en place un nouvel ordre de la Terre, l’Europe ne sait visiblement plus ce qu’elle est, ni surtout ce qu’elle pourrait être. Le vide symbolique des motifs figurant sur les billets libellés en euros est révélateur de cette Europe sans identité : on n’y voit ni visages identifiables, ni paysages singuliers, ni lieux de mémoire ni personnalités. Seulement des ponts et des constructions, surgis de n’importe où et qui ne mènent nulle part.

"Le plus grand péril qui menace l’Europe, disait encore Husserl, c’est la lassitude". La perte d’énergie, la fatigue d’être soi. Le désir d’oubli de soi, non pour retrouver une innocence perdue, qui pourrait être la condition d’un nouveau départ, mais pour s’endormir plus aisément dans le "nihilisme bruyant", le "repli sur la sphère privée" et le "confort narcissique de la consommation". Pour Carl Schmitt, la figure de Hamlet représentait l’extrême difficulté qu’il y a à trancher, alors même que des questions existentielles sont en jeu. L’indécision résulte d’une inadéquation de la volonté à la réalité : lorsque la volonté est indécise, il n’y a plus avec le réel que la possibilité d’une rencontre. L’histoire, elle, continue à se déployer à l’échelle planétaire, de par son propre jeu ou sous l’effet de la volonté des autres. La politique, c’est l’histoire en action. Mais où est le grand dessein politique, qui pourrait réunir et donner des raisons d’espérer ?

Etre ou ne pas être ? L’Europe, aujourd’hui, c’est Hamlet. »

Robert de Herte, L’Europe, philosophiquement - Editorial "Eléments" (2007)

 

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19/02/2014

Il faut demeurer sans opinions, sans penchants et sans nous laisser ébranler

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« Il faut demeurer sans opinions, sans penchants et sans nous laisser ébranler, nous bornant à dire de chaque chose qu'elle n'est pas plus ceci que cela ou encore qu'elle est en même temps qu'elle n'est pas ou bien enfin ni qu'elle est ni qu'elle n'est pas. Pour peu que nous connaissions ces dispositions, dit Timon, nous connaîtrons d'abord l' "aphasie" (c'est-à-dire que nous n'affirmerons rien), ensuite l' "ataraxie" (c'est-à-dire que nous ne connaîtrons aucun trouble). »

Eusèbe de Césarée, Préparation évangélique, XIV, 18, 2

 

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Sans l’Impertinence, la Grâce ne ressemblerait-elle pas à une blonde trop fade, et sans la Grâce, l’Impertinence ne serait-elle pas une brune trop piquante ?

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« C’est ce qu’il importe de ne pas perdre de vue quand on juge Brummell. Il était avant tout un dandy, et il ne s’agit que de sa puissance. Singulière tyrannie qui ne révoltait pas ! ― Comme tous les dandys, il aimait encore mieux étonner que plaire : préférence très humaine, mais qui mène loin les hommes ; car le plus beau des étonnements, c’est l’épouvante. Sur cette pente, où s’arrêter ? Brummell le savait seul. Il versait à doser parfaitement égales la terreur et la sympathie, et il en composait le filtre magique de son influence. Son indolence ne lui permettait pas d’avoir de la verve, parce qu’avoir de la verve c’est se passionner ; se passionner, c’est tenir à quelque chose, et tenir à quelque chose, c’est se montrer inférieur ; mais de sang-froid il avait du trait, comme nous disons en France. Il était mordant dans sa conversation autant qu’Hazlitt dans ses écrits. Ses mots crucifiaient ; seulement, son impertinence avait trop d’ampleur pour se condenser et tenir dans des épigrammes. Des mots spirituels qui l’exprimaient, il la faisait passer dans ses actes, dans son attitude, son geste et le son de sa voix. Enfin, il la pratiquait avec cette incontestable supériorité qu’elle exige entre gens comme il faut pour être subie ; car elle touche à la grossièreté comme le sublime touche au ridicule et, si elle sort de la nuance, elle se perd. Génie toujours à moitié voilé, l’Impertinence n’a pas besoin du secours des mots pour apparaître ; sans appuyer, elle a une force bien autrement pénétrante que l’épigramme la plus brillamment rédigée. Quand elle existe, elle est le plus grand porte-respect qu’on puisse avoir contre la vanité des autres, si souvent hostile, comme elle est aussi le plus élégant manteau qui puisse cacher les infirmités qu’on sent en soi. À ceux qui l’ont, qu’est-il besoin d’autre chose ? N’a-t-elle pas plus fait pour la réputation de Talleyrand que cet esprit même ? Fille de la Légèreté et de l’Aplomb ― deux qualités qui semblent s’exclure ―, elle est aussi la sœur de la Grâce avec laquelle elle doit rester unie. Toutes deux s’embellissent de leur mutuel contraste. En effet, sans l’Impertinence, la Grâce ne ressemblerait-elle pas à une blonde trop fade, et sans la Grâce, l’Impertinence ne serait-elle pas une brune trop piquante ? Pour qu’elles soient bien ce qu’elles sont chacune, il convient de les entremêler. »

Jules Barbey d'Aurevilly, Du dandysme et de George Brummell

 

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18/02/2014

Comme il convient à un homme qui porte en lui quelque chose de supérieur au monde visible

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« Il arriva ainsi au comble de l’art qui donne la main au naturel. Seulement, ses moyens de faire effet étaient de plus haut parage, et c’est ce qu’on a trop, beaucoup trop oublié. On l’a considéré comme un être purement physique, et il était au contraire intellectuel jusque dans le genre de beauté qu’il possédait. En effet, il brillait bien moins par la correction des traits que par la physionomie. Il avait les cheveux presque roux, comme Alfieri, et une chute de cheval, dans une charge, avait altéré la ligne grecque de son profil. Son air de tête était plus beau que son visage, et sa contenance ― physionomie du corps ― l’emportait jusque sur la perfection de ses formes. Écoutons Lister : "Il n’était ni beau ni laid ; mais il y avait dans tout sa personne une expression de finesse et d’ironie concentrée, et dans ses yeux une incroyable pénétration." Quelquefois, ces yeux sagaces savaient se glacer d’indifférence sans mépris, comme il convient à un dandy consommé, à un homme qui porte en lui quelque chose de supérieur au monde visible. Sa voix magnifique faisait la langue anglaise aussi belle à l’oreille qu’elle l’est aux yeux et à la pensée. "Il n’affectait pas d’avoir la vue courte ; mais il pouvait prendre ― dit encore Lister ― quand les personnes qui étaient là n’avaient pas l’importance que sa vanité eût désirée, ce regard calme, mais errant, qui parcourt quelqu’un sans le reconnaître, qui ne se fixe ni ne se laisse fixer, que rien n’occupe et que rien n’égare." Tel était le beau George Bryan Brummell. Nous qui lui consacrons ces pages, nous l’avons vu dans sa vieillesse, et l’on reconnaissait ce qu’il avait été dans ses plus étincelantes années ; car l’expression n’est pas à la portée des rides, et un homme remarquable surtout par la physionomie est bien moins mortel qu’un autre homme. »

Jules Barbey d'Aurevilly, Du dandysme et de George Brummell

 

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Ainsi, une des conséquences du dandysme, un des ses principaux caractères, est-il de produire toujours de l’imprévu

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« Ceci est presque aussi difficile à décrire qu’à définir. Les esprits qui ne voient les choses que par leur plus petit côté ont imaginé que le dandysme était surtout l’art de la mise, une heureuse et audacieuse dictature en fait de toilette et d’élégance extérieure. Très certainement c’est cela aussi ; mais c’est bien davantage. Le dandysme est toute une manière d’être, et l’on n’est que par le côté matériellement visible. C’est une manière d’être, entièrement composée de nuances, comme il arrive toujours dans les sociétés très vieilles et très civilisées, où la comédie devient si rare et où la convenance triomphe à peine de l’ennui.

Nulle part l’antagonisme des convenances et de l’ennui qu’elles engendrent ne s’est fait plus violemment sentir au fond des mœurs qu’en Angleterre, dans la société de la Bible et du Droit, et peut-être est-ce de ce combat à outrance, éternel, comme le duel de la Mort et du Péché dans Milton, qu’est venue l’originalité profonde de cette société puritaine, qui donne dans la fiction Clarisse Harlowe, et lady Byron dans la réalité. Le jour où la victoire sera décidée, il est à penser que la manière d’être qu’on appelle dandysme sera grandement modifiée, si elle existe encore ; car elle résulte de cet état de lutte sans fin entre la convenance et l’ennui.

Ainsi, une des conséquences du dandysme, un des ses principaux caractères ― pour mieux parler, son caractère le plus général ―, est-il de produire toujours de l’imprévu, ce à quoi l’esprit accoutumé au joug des règles ne peut pas s’attendre en bonne logique. L’excentricité, cet autre fruit du terroir anglais, le produit aussi, mais d’une autre manière, d’une façon effrénée, sauvage, aveugle. C’est une révolution individuelle contre l’ordre établi, quelquefois contre la nature : ici on touche à la folie. Le dandysme, au contraire, se joue de la règle et pourtant la respecte encore. Il en souffre et s’en venge tout en la subissant ; il s’en réclame quand il y échappe ; il la domine et en est dominé tour à tour : double et muable caractère ! Pour jouer ce jeu, il faut avoir à son service toutes les souplesses qui font la grâce, comme les nuances du prisme forment l’opale, en se réunissant. »

Jules Barbey d'Aurevilly, Du dandysme et de George Brummell

 

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La vanité a un univers moins étroit que celui de l’amour

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« Les sentiments ont leur destinée. Il en est contre lequel tout le monde est impitoyable : c’est la vanité. Les moralistes l’ont décriée dans leurs livres, même ceux qui ont le mieux montré quelle large place elle a dans nos âmes. Les gens du monde, qui sont aussi des moralistes à leur façon, puisque vingt fois par jour ils ont à juger la vie, ont répété la sentence portée par les livres contre ce sentiment, à les entendre, le dernier de tous.

On peut opprimer les choses comme les hommes. Cela est-il vrai, que la vanité soit le dernier sentiment dans la hiérarchie des sentiments de notre âme ? Et si elle est le dernier, si elle est à sa place, pourquoi la mépriser ?...

Mais est-elle-même le dernier ? Ce qui fait la valeur des sentiments, c’est leur importance sociale ; quoi donc, dans l’ordre des sentiments, peut être d’une utilité plus grande pour la société que cette recherche inquiète de l’approbation des autres ; que cette inextinguible soif des applaudissements de la galerie, qui, dans les grandes choses, s’appelle "amour de la gloire", et dans les petites, "vanité" ? Est-ce l’amour, l’amitié, l’orgueil ? L’amour dans ses mille nuances et ses nombreux dérivés, l’amitié et l’orgueil même partent d’une préférence pour une autre, ou plusieurs autres, ou soi, et cette préférence est exclusive. La vanité, elle, tient compte de tout. Si elle préfère parfois de certaines approbations, c’est son caractère et son honneur de souffrir quand une seule lui est refusée ; elle ne dort plus sur cette rose repliée. L’amour dit à l’être : tu es mon univers ; l’amitié : tu me suffis, et bien souvent : tu me consoles. Quant à l’orgueil, il est silencieux. Un homme d’un esprit éclatant disait : "C’est un roi solitaire, oisif et aveugle ; son diadème est sur ses yeux." La vanité a un univers moins étroit que celui de l’amour ; ce qui suffit à l’amitié n’est pas assez pour elle. C’est une reine aussi comme l’orgueil est roi ; mais elle est entourée, occupée, clairvoyante, et son diadème est placé là où il l’embellit davantage. »

Jules Barbey d'Aurevilly, Du dandysme et de George Brummell

 

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Le fameux point d’intersection de Pascal

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« Ce qui fait le Dandy, c’est l’indépendance. Autrement, il y aurait une législation du Dandysme, et il n’ y en a pas. S’il y en avait, on serait Dandy en observant la loi. Serait Dandy qui voudrait… Malheureusement pour les petits jeunes gens, il n’en est pas tout à fait ainsi. Il y a, sans doute, en matière de Dandysme, quelques principes et quelques traditions ; mais tout cela est dominé par la fantaisie, et la fantaisie n’est permise qu’à ceux à qui elle sied et qui la consacrent, en l’exerçant. Tout Dandy est un "oseur", mais un oseur qui a du tact, qui s’arrête à temps et qui trouve, entre l’originalité et l’excentricité, le fameux point d’intersection de Pascal. »

Jules Barbey d'Aurevilly, Du dandysme et de George Brummell

 

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17/02/2014

Cha­cun de nous a une âme infin­i­ment dif­férente des autres âmes et dont la prove­nance est un mys­tère

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« Les cro­quants dont je suis ne savent rien ou presque rien au-delà de leurs aïeux immé­di­ats, pater­nels ou mater­nels ; mais les uns comme les autres ignorent invin­ci­ble­ment leur par­enté sur­na­turelle, et les gouttes d’un sang plus ou moins illus­tre dont se récla­ment les superbes ne con­stituent pour per­sonne l’IDENTITÉ.
Vous pou­vez savoir qui vous engen­dra, mais, sans une révéla­tion divine, com­ment pourriez-vous savoir qui vous a conçu ? Vous croyez être né d’un acte, vous êtes né d’une pen­sée. Toute généra­tion est sur­na­turelle. L’état civil dont vous êtes quelque­fois si fier ne sait absol­u­ment rien de votre âme et son reg­istre de néant ne peut men­tion­ner que votre corps cat­a­logué à l’avance pour le cimetière. S’il existe un arbre généalogique des âmes, les Anges seuls peu­vent être admis à le con­tem­pler. Les autres arbres ainsi dénom­més sont déce­vants et incer­tains. La généalo­gie des âmes ! Qui peut com­pren­dre cela ?

Vous êtes le fils ou le petit-fils d’un grand homme. Si vous n’êtes pas pré­cisé­ment un avor­ton, on vous dira que vous avez hérité de son âme, comme si ce lieu com­mun avait un sens. Cha­cun de nous a une âme infin­i­ment dif­férente des autres âmes et dont la prove­nance est un mys­tère. Elle vient d’en haut ou d’en bas, de très loin ou de très près, mais elle va où elle doit aller, infail­li­ble­ment. Il y a des êtres humains écrasés par leur âme qui paraît trop grande pour eux et il y en a une infinité qui ne la sen­tent même pas. Et cepen­dant ils n’ont que cela, les uns et les autres, et il n’est pas pos­si­ble d’y rien changer.
Ames de saints, âmes de poètes, âmes de bar­bares, âmes de pédants ou d’imbéciles, âmes de cent mille bour­reaux pour une seule âme de mar­tyr, âmes som­bres ou lumineuses, d’où venez vous et quelle Volonté inscrutable vous a réparties ?
Je sais bien que je suis né à telle époque, en un lieu déter­miné, et que j’ai un nom parmi les hommes. J’ai eu un père et une mère, j’ai eu des frères, des amis et des enne­mis. Tout cela est indu­bitable, mais j’ignore le nom de mon âme, j’ignore d’où elle est venue et, par con­séquent, je ne sais absol­u­ment pas qui je suis. Quand elle quit­tera mon corps, celui-ci tombera en pous­sière et les chères créa­tures qui me sur­vivront en pleu­rant, héri­tières de mon igno­rance, ne pour­ront me désigner dans leurs prières que par le nom d’emprunt qui servit à me séparer un peu des autres mor­tels. »

Léon Bloy, Médi­ta­tions d’un soli­taire

 

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Car l’espérance est un fruit alléchant qui ne rassasie pas

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« L’espérance est une charmante jeune fille qui vous glisse entre les mains. Le ressouvenir est une belle vielle femme qui ne rend pourtant jamais service à l’instant où il faut. La reprise est une épouse aimée, dont on ne se lasse jamais ; car c’est du feu nouveau seulement qu’on se lasse. Du vieux, on ne se lasse jamais et, quand on l’a devant soi, on est heureux. Seul est vraiment heureux celui qui ne s’abuse pas lui-même dans l’illusion que la reprise apporterait du nouveau ; car, c’est alors qu’on s’en lasserait. Il appartient à la jeunesse d’espérer, à la jeunesse de se ressouvenir ; mais il faut du courage pour vouloir la reprise. Celui qui veut seulement espérer est lâche. Celui qui veut seulement se ressouvenir est voluptueux. Mais celui qui veut la reprise est viril ; et il est d’autant plus profondément homme qu’il a su plus énergiquement la prendre en charge. Par contre, celui qui ne saisit pas que la vie est une reprise, que la reprise est la beauté de la vie, s’est jugé lui-même ; il ne mérite pas mieux que ce qui va lui arriver : il périra. Car l’espérance est un fruit alléchant qui ne rassasie pas ; le ressouvenir est un piteux viatique, qui ne rassasie pas : mais la reprise est le pain quotidien, une bénédiction qui rassasie. »

Søren Kierkegaard, La Reprise

 

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Mais, d’un autre côté, il ne l’aimait pas, car il se contentait de languir après elle

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« Il commençait lui-même à se rendre compte du malentendu, et la jeune adorée lui était déjà presque un fardeau. Et pourtant, elle était l’aimée, la seule et unique qu’il eût aimée, la seule et unique qu’il voulût jamais aimer.
Mais, d’un autre côté, il ne l’aimait pas, car il se contentait de languir après elle. Pendant tout ce temps, se produisait en son for intérieur un remarquable changement. La verve poétique que s’éveillait à une échelle que jamais je n’aurais cru possible.
A cet instant, je compris tout et sans peine : la jeune fille n’était pas son aimée ; elle était l’occasion, pour le poétique, de s’éveiller en lui ; elle le rendait poète.
C’est pourquoi il ne pouvait aimer qu’elle, sans jamais l’oublier, sans jamais vouloir aimer quelqu’un d’autre ; et pourtant, il ne pouvait que languir après elle, continuellement.
Elle était embarquée avec lui, mêlée à tout l’essentiel de son être ; sa mémoire, en lui, serait éternellement neuve. Elle avait été beaucoup pour lui : elle l’avait rendu poète. Mais, par là même, elle avait signé son propre arrêt de mort. »

Søren Kierkegaard, La Reprise

 

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Dieu garde tout homme d’une fidélité pareille !

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« Rien, d’ailleurs, n’est plus séduisant, pour une jeune fille, que d’être aimée d’un homme à l’humeur sombre et enclin à la poésie. Si elle se montre tout juste assez égoïste pour s’imaginer qu’elle l’aime fidèlement en se cramponnant à lui au lieu de le lâcher, elle a, dans la vie, une tâche bien commode : elle jouit, d’un seul coup, de l’honneur et de la bonne conscience d’être fidèle et par-dessus le marché, de la quintessence de l’amour-passion, de tous le plus exquis ! Dieu garde tout homme d’une fidélité pareille ! »

Søren Kierkegaard, La Reprise

 

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16/02/2014

Seul, celui qui peut réellement aimer, lui seul est un homme

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« Or, seul, celui qui se tait arrive à ses fins. Seul, celui qui peut réellement aimer, lui seul est un homme. Seul, celui qui peut donner à son amour une expression quelle qu’elle soit, lui seul est un artiste. En un certain sens, il convenait peut-être que le jeune homme ne commençât point par là. C’est à peine, en effet, s’il avait supporté les affres de l’aventure ; déjà, dès le début, je m’étais quelque peu alarmé qu’il eût besoin d’un confident. Celui qui sait se taire découvre un alphabet avec autant de caractères que celui dont on se sert couramment. Il peut donc tout exprimer dans son parler hors-la-loi : nul soupir si profond qu’il n’y trouve un rire en réponse; nulle prière si indiscrète qu’il n’y trouve le trait d’esprit exauçant la demande. Pour lui, viendra l’instant, où il croira qu’il va perdre la raison. Ce n’est pourtant qu’un moment, quoique terrible. C’est comme la fièvre la nuit, entre onze heure et demie et minuit : à une heure, on travaille avec plus d’entrain que jamais. Si l’on endure cette folie, sans doue aura-t-on la victoire. »

Søren Kierkegaard, La Reprise

 

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“Maman, je voudrais être allemand."

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« C’est alors qu’ils étaient arrivés, précédés de leurs motocyclistes qui roulaient lentement, les bras écartés, le buste droit. C’était au moment du déjeuner ; de toutes les maisons, on jaillissait pour les voir. Ils chantaient une mélodie rauque, coupée de longues interruptions,  où l’on entendait plus que le craquement rythmé de leurs bottes, et qui n’évoquait nulle joie, nul triomphe, mais seulement cette volonté d’avancer, de poursuivre, de pousser toujours plus loin, broyant les obstacles, vers une terre inconnue et promise -cette même volonté qu’exprimaient le mouvement de leurs bottes (comme s’ils écrasaient à chaque pas quelque chose), leurs regards raidis vers l’horizon, leurs fronts de rêveurs butés. Ils passaient, ils passaient, sans s’arrêter, verts et noirs, et s’effaçaient dans le poudroiement de la route sans qu’un seul d’entre eux eut jeté un regard à la foule subjuguée qui tapissait les murs comme une haie d’honneur. “Maman, je voudrais être allemand." "Tais-toi, tu dis des bêtises !" "Je voudrais tant être allemand, maman !" »

Jean-René Huguenin, La côte sauvage

 

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Les français avaient fait des églises et ils ne pouvaient plus les refaire ni rien de semblable : toute l’aventure de la vie était dans ce fait

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« Les français avaient fait des églises et ils ne pouvaient plus les refaire ni rien de semblable : toute l’aventure de la vie était dans ce fait, la terrible nécessité de la mort. Ce peuple avait vieilli, l’homme vieillit. Pour faire une église, dans le calcul, la raison de l’architecture, il y avait l’audace, le risque, l’affirmation créatrice de la foi. Il y avait l’arbre et à côté l’église. L’homme avait répondu par l’église au défi. Maintenant on ne faisait plus que des bâtiments administratifs ou des boîtes à loyer et des chalets de nécessité, ou de rares monuments qui répétaient faiblement les allures, les styles du temps de la jeunesse et de la création, du temps de l’amour répandu. Il y avait eu la raison française, ce jaillissement passionné, orgueilleux, furieux du XIIe siècle des épopées, des cathédrales, des philosophies chrétiennes, de la sculpture, des vitraux, des enluminures, des croisades. Les Français avaient été des soldats, des moines, des architectes, des peintres, des poètes, des maris et des pères. Ils avaient fait des enfants, ils avaient construit, ils avaient tué, ils avaient fait tuer. Ils s’étaient sacrifiés et avaient sacrifié.
Maintenant cela finissait. Ici, et en Europe. »

Pierre Drieu La Rochelle, Gilles

 

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Il pensait à Léon Bloy, à Paul Claudel, à Charles Péguy, à Bernanos, entre autres et au-dessus des autres...

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« Pour le mariage civil, cela s’était fait à Paris, avec des témoins de rencontre. Gilles n’avait pas voulu mêler ses amis à son opération. À cette occasion il ne s’était jamais senti si loin de leur incrédulité, de leur vacuité. En entrant chez le curé, il se dit : “je ne suis peut-être qu’un esthète, mais voilà une fantaisie qui me mène dans le seul lieu émouvant que j’ai connu, hors la guerre.” Il se rappelait les dernières conversations qu’il avait eues dans ce lieu avec Corentan, son enterrement. Tandis que commençait la brève cérémonie, Gilles se répéta le mot : esthète. A cette prudente accusation contre lui-même, il répondit en ces termes : “Je fais ce que je peux. Je ne puis pas mettre dans ces grands rites, que j’atteste en ce moment, plus d’éclat que ne me le permet la médiocrité des prêtres et des croyants de la stricte et morne observance. Ce n’est pas ma faute si tous les grands chrétiens de ces derniers temps, que j’aime et admire et qui m’ont enseigné, sont restés comme en marge de l’Église, suspects ou non, et n’ont pu lui communiquer leur souffle. Il pensait à Léon Bloy, à Paul Claudel, à Charles Péguy, à Bernanos, entre autres et au-dessus des autres. Ce n’est pas de ma faute si on est chrétiens, aujourd’hui, en dépit des trois quart et demi de l’Église, clercs ou laïcs. C’est déjà beau qu’à travers cet immense marasme des âmes j’aie pu arriver jusqu’ici. Qu’on ne me demande pas de dépouiller cet orgueil qui m’a soutenu sur le chemin plus qu’autre chose. Seigneur, c’est parce que j’ai beaucoup méprisé que je suis venu vers vous… Plus tard, sûrement vous saurez bien me rendre humble. Déjà, je commence à aimer un peu.”
Pauline à côté de lui était mortellement pâle. Au-dessus d’elle, la petite voûte ogivale, si pure, si délicatement forte lançait au milieu du siècle son défi perdu. »

Pierre Drieu La Rochelle, Gilles

 

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15/02/2014

La passion de l’amitié

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« Quand Gilles se retrouva seul ce soir là, il rêva longuement. Il rêva en frissonnant, à propos de Cyrille Galant, à ce qu’était l’amitié : très jeune, il avait cru cette passion plus forte que celle de l’amour. Il s’était écrié parfois : “l’amitié est plus sûre que l’amour.” Pourquoi avait-il prétendu cela ? A cause de ses émotions et de ses actions de la guerre. Il avait satisfait dans les tranchées plusieurs fois, et presque continuellement à de certaines périodes, un besoin poignant qu’il devait bien appeler la passion de l’amitié. Ce n’était point seulement l’instinct de conservation pressé par les circonstances jusqu’à devenir un réflexe de réciprocité, pas seulement l’instinct de la tribu ; non, il avait risqué sa vie avec plus de ferveur pour celui-ci que pour celui-là.
Qu’était-il advenu de ces amitiés ? La mort était passée, mais aussi la paix. Deux ou trois hommes avec qui il avait cru tout mettre en commun, n’avaient plus de lien apparent avec lui qu’une lettre de loin en loin ou une rencontre embarrassée. Le sentiment qui les avait unis se voyait impuissant devant la médiocrité des conditions que la paix telle qu’elle était comprise en France leur faisait, et ce sentiment se repliait, pudique. Ne restait-il donc rien de ces amitiés ? Il leur restait le rayonnement qui était passé dans l’éternel.
Mais, en fait, l’amitié ne durait pas. C’était cela qui décevait Gilles, c’était justement dans l’ordre de la durée qu’il avait cru que l’amitié pouvait surpasser l’amour. Or, il s’apercevait qu’il en était de l’amitié comme de l’amour. C’est une passion qui a la violence et la fragilité des autres passions. Et elle n’en a sans doute pas la puissance de renouvellement car il est plus facile de reflamber, à quarante ou à cinquante ans, dans l’amour que dans l’amitié. Il y a plus d’amertume et de découragement à l’intérieur d’un que d’un sexe de l’autre. L’amitié demande trop d’efforts et de sacrifices qui touchent à la substances même d’un homme qui menacent son originalité et sa nécessaire persévérance en soi-même. Un ami c’est une chance unique de connaître du monde autre chose que soi ; chance sur laquelle un esprit généreux se jette d’abord avec ivresse et que bientôt, en ayant assimilé quelque chose d’indicible, il rejette avec crainte et horreur. Au fond, l’amitié n’est possible que dans la jeunesse, où elle se confond avec la découverte de la vie et de l’amour, ou dans la guerre, ou dans la révolution qui n’est qu’une forme de la guerre, état extrême qui fait de l’homme un être détaché comme le jeune homme. »

Pierre Drieu La Rochelle, Gilles

 

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Saisir tous les bruits, tous les mystères, tous les accomplissements

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« Dès qu’il se rapprocha d’elle, il baigna dans une mer de douceur éperdue. Il était ému, apitoyé et effrayé comme s’il avait pris dans ses bras un nouveau-né. Une chair si tendre en proie à une confusion si embrouillée, un silence si oppressé car tout le poids de l’univers était soudain tombé sur ce faible sein. »

« Il s’arrêtait souvent au milieu d’une rue, au milieu d’une chambre, pour écouter. Écouter quoi ? Écouter tout. Il se sentait comme un ermite léger, furtif, solitaire, qui marche à pas invisibles dans la forêt, et qui se suspend pour saisir tous les bruits, tous les mystères, tous les accomplissements. »

Pierre Drieu La Rochelle, Gilles

 

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On ne peut jouir vraiment de la vie qu’en la risquant toute...

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« Cette idée qu’on ne peut jouir vraiment de la vie qu’en la risquant toute, tout de suite, dès vingt ans, dès qu’on est conscient, c’est formidable, c’est ce que je cherchais. Comme un imbécile, je n’avais pas su me formuler ça. »

Pierre Drieu La Rochelle, Gilles

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Rien ne résisterait à la violence de son appétit

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« Les fantassins et les artilleurs, déjà domestiqués, s’engouffraient avec leurs parents dans la bouche du métro. Lui était seul et prit un taxi. Où aller ? Il était seul, il était libre, il pouvait aller partout. Il ne pouvait aller nulle part, il n’avait pas d’argent. […] Seulement sa solde. Bah ! c’était au moins une soirée. Demain il verrait. Il avait des idées, et surtout une confiance passionnée : rien ne résisterait à la violence de son appétit. Il n’y résisterait peut-être pas lui-même. Mais les folies de l’arrière ne pouvaient être que de bien minces sottises : on serait toujours trop content de le renvoyer au front où un obus pouvait tout arranger. »

Pierre Drieu la Rochelle, Gilles

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14/02/2014

La condition funèbre des renaissances

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« C’était l’hiver. Il y était allé en voiture. Qui ne connaît pas la campagne l’hiver ne connaît pas la campagne, et ne connaît pas la vie. Traversant les vastes étendues dépouillées, les villages tapis, l’homme des villes est brusquement mis en face de l’austère réalité contre laquelle les villes sont construites et fermées. Le dur revers des saisons lui est révélé, le moment sombre et pénible des métamorphoses, la condition funèbre des renaissances. Alors, il voit que la vie se nourrit de la mort, que la jeunesse sort de la méditation la plus froide et la plus désespérée et que la beauté est le produit de la claustration et de la patience. »

Pierre Drieu La Rochelle, Gilles

 

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La Souche

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« Le déjeuner fut copieux, trop copieux. D’abord cela alla fort bien. Gilles reparla de la guerre, Carentan parla du Canada. Ils avaient beaucoup vu et beaucoup vécu. Les gens qui ont agi ne peuvent pas se chamailler beaucoup.
- Tu me vois en propagandiste! Tu sais ce que je leur ai dit à ces braves Canadiens : il y a encore des Français, des être de chair et de sang, et d’âme, qui ne sont pas faits uniquement de livres et de journeaux. C’est au nom de ces Français-là que je viens vous appeler… A part ça, c’est drôle de voir des Français sur qui n’est pas passé 1789, ni le XVIIe, ni même la Renaissance et la Réforme, c’est du Français tout cru, tout vif.
- Oui, mais ils sont américanisés.
- Oh! bien sûr, ils commencent… Je leur ai parlé des paysans d’ici, massacrés au front par centaines de mille.
Je leur ai dit : "Vous descendez de ces paysans-là, vous ne pouvez pas laisser arracher la souche." »

Pierre Drieu La Rochelle, Gilles

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Un homme de gauche

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« Il vérifiait sur le costume de M. Clérences qu’il était un homme de gauche. Clérences avait prévu cela depuis quelque temps : il s’était fait un costume merveilleux de frime. “La démocratie a remplacé le bon Dieu, mais Tartuffe est toujours costumé de noir”, s’était exclamé à un congrès radical un vieux journaliste. En effet, à cinquante mètres, Clérences paraissait habillé comme le bedeau d’une paroisse pauvre, gros croquenots, complet noir de coupe mesquine, chemise blanche à col mou, minuscule petite cravate noire réduisant le faste à sa plus simple expression, cheveux coupés en brosse. De plus près, on voyait que l’étoffe noire était une profonde cheviote anglaise, la chemise du shantung le plus rare et le croquenot taillé et cousu par un cordonnier de milliardaires. Enfin, Gilles avait découvert dans un transport d’amusement que le modèle de la cravate avait été fourni par un des Fratellini »

Pierre Drieu La Rochelle, Gilles

 

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Snob...

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« - Êtes vous snob, Gambier ?
- Si c’est espérer que les gens intelligents deviennent gracieux et que les gens gracieux deviennent intelligents, alors je suis snob.
L’autre avait rétorqué :
- Vous ne l’êtes pas. Moi je le suis parce que je crois que que dans dix salons cette transmutation se fait tous les jours. »

Pierre Drieu La Rochelle, Gilles

 

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13/02/2014

Man Machine

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« Ça fonctionne partout, tantôt sans arrêt, tantôt discontinu. Ça respire, ça chauffe, ça mange. Ça chie, ça baise. Quelle erreur d’avoir dit le ça. Partout ce sont des machines, pas du tout métaphoriquement : des machines de machines, avec leurs couplages, leurs connexions. Une machine-organe est branchée sur une machine-source : l’une émet un flux, que l’autre coupe. Le sein est une machine qui produit du lait et la bouche, une machine couplée sur celle-là. C’est ainsi que l’on est tous bricoleurs ; chacun ses petites machines. »

Gilles Deleuze et Félix Guattari, L’Anti-Œdipe, capitalisme et schizophrénie

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A mesure que diminue la liberté économique et politique, la liberté sexuelle a tendance à s’accroître en compensation

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« A mesure que diminue la liberté économique et politique, la liberté sexuelle a tendance à s’accroître en compensation. Et le dictateur (à moins qu’il n’ait besoin de chair à canon et de familles pour coloniser les territoires vides ou conquis) fera bien d’encourager cette liberté-là. Conjointement avec la liberté de se livrer aux songes en plein jour sous l’influence des drogues, du cinéma et de la radio, elle contribuera à réconcilier ses sujets avec la servitude qui sera leur sort. »

Aldous Huxley, Le Meilleur des mondes, Préface de l’édition de 1946

 

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