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10/02/2014

Ce qui peut faire échec au système, ce ne sont pas des alternatives positives, mais des singularités

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« Tout ce qui fait événement aujourd’hui, le fait contre cette universalité abstraite – y compris l’antagonisme de l’islam aux valeurs occidentales (c’est parce qu’il en est la contestation la plus véhémente qu’il est aujourd’hui l’ennemi numéro un). Qui peut faire échec au système mondial ? Certainement pas le système de l’antimondialisation, qui n’a pour objectif que de freiner la dérégulation. Ce qui peut faire échec au système, ce ne sont pas des alternatives positives, mais des singularités. Or celles-ci ne sont ni positives ni négatives. Elles ne sont pas une alternative, elles sont d’un autre ordre. Elles font échec à toute pensée unique et dominante, mais elles ne sont pas une contre-pensée unique – elles inventent leur jeu et leurs propres règles du jeu. Il ne s’agit donc pas d’un "choc de civilisations", mais d’un affrontement, presque anthropologique, entre une culture universelle indifférenciée et tout ce qui, dans quelque domaine que ce soit, garde quelque chose d’une altérité irréductible. »

Jean Baudrillard, La violence de la mondialisation in Le Monde Diplômatique - Novembre 2002

 

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09/02/2014

Ca n'existe pas, l'Amérique ! C'est un nom qu'on donne à une idée abstraite.

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Henri Miller et Anaïs Nin

 

« J'habite Villa Borghèse. Il n'y a pas une miette de saleté nulle part, ni une chaise déplacée. Nous y sommes tout seuls, et nous sommes morts. »

« Il vaut mieux garder l'Amérique ainsi, toujours à l'arrière-plan, une sorte de gravure carte postale, que l'on regarde dans ses moments de faiblesse. Comme ça, on imagine qu'elle est toujours là, à vous attendre, inchangée, intacte, vaste espace patriotique avec des vaches, des moutons et des hommes au coeur tendre, prêts à enculer tout ce qui se présente, homme, femme ou bête ! Ca n'existe pas, l'Amérique ! C'est un nom qu'on donne à une idée abstraite. »

Henri Miller, Tropique du Cancer

 

 

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Tout est dans l'individu

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« En art, il n'y a pas (au moins dans le sens scientifique) d'initiateur, de précurseur. Tout est dans l'individu, chaque individu recommence, pour son compte, la tentative artistique ou littéraire ; et les œuvres de ses prédécesseurs ne constituent pas, comme dans la science, une vérité acquise dont profite celui qui suit. Un écrivain de génie aujourd'hui a tout à faire. Il n'est pas beaucoup plus avancé qu'Homère. »

Marcel Proust, Contre Sainte-Beuve

 

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L'Art...

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« L’art beau n’est rien d’autre qu’un mode particulier, une manière propre de révéler à la conscience et d’exprimer le Divin, d’exprimer les intérêts les plus profonds de l’homme et les vérités les plus vastes de l’esprit. [...] L’art constitue le mode le plus élevé de notre conscience de l’absolu. »

Georg Wilhelm Friedrich Hegel, Esthétique

 

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08/02/2014

L’art de mourir ne s’apprend pas...

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« L’art de mourir ne s’apprend pas, car il ne comporte aucune règle, aucune technique, aucune norme. L’individu ressent dans son être même le caractère irrémédiable de l’agonie, au milieu de souffrances et de tensions sans limites. La plupart des gens n’ont pas conscience de la lente agonie qui se produit en eux ; ils ne connaissent que celle qui précède le passage définitif vers le néant. Seule cette agonie dernière présente, pensent-ils, d’importantes révélations sur l’existence. Au lieu de saisir la signification d’une agonie lente et révélatrice, ils espèrent tout de la fin. Mais la fin ne leur révélera pas grand-chose : ils s’éteindront tout aussi perplexes qu’ils auront vécu. »

Roger Nimier, Sur les cimes du désespoir

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Une fumée de soupirs

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« L'amour est une fumée de soupirs. Dégagé, c'est une flamme qui étincelle aux yeux des amants. Comprimé, c'est une mer qu'alimentent leurs larmes. Qu'est-ce encore ? La folie la plus raisonnable, une suffocante amertume, une vivifiante douceur ! »

William Shakespeare, Roméo et Juliette

 

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Au coeur de la dissolution

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« Il est impossible que tout un fragment de l'univers soit si faible, si laid ; ou bien se prépare, au coeur de la dissolution, quelque chose de fort et d'inconnu que je dois découvrir et aimer. »

Pierre Drieu La Rochelle, Le jeune européen

 

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Le chemin du paradoxe

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« Le chemin du paradoxe est le chemin du vrai. Pour éprouver la Réalité, il faut la voir sur la corde raide. On ne juge bien des Vérités que lorsqu'elles se font acrobates. »

Oscar Wilde, Le Portrait de Dorian Gray

 

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07/02/2014

Nous allons t'imposer des limites... Nous allons exiger allégeance à une doctrine

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« Unter den Linden. Le solennel boulevard berlinois qui conduisait à la porte de Brandebourg, au Reichstag et aux étendues boisées du Tiergarten. Entrant dans cette large perspective, j'ai pris instinctivement à l'ouest. Comment ai-je su que j'allais dans cette direction ? En apercevant le Mur au loin, qui coupait brutalement le cours de l'avenue et bloquait la porte de Brandebourg dont le sommet apparaissait au-dessus. On entrevoyait aussi la coquille vide du Reichstag, abandonnée par la République fédérale quand elle était partie refonder ses institutions politiques dans le calme rationnel des environs de Bonn. Planté au centre du boulevard, j'ai contemplé longuement la réalité écrasante du Mur. De mes petites rues de Kreuzberg, on en arrivait facilement à le concevoir comme un simple signal de voie sans issue, une interférence désagréable, un gigantesque panneau , mais c'était le point de vue occidental. Ici, à l'est, sur l'artère la plus grandiose du Berlin historique, il faisait figure d'obscénité, d'aberration délibérée.  En bouchant Unter den Linden, les autorités est-allemandes déclaraient à leurs sujets et au reste du monde :   DEFENSE D'ENTRER.

Je m'étais toujours montré plus que sceptique devant l'anticommunisme primaire et la rhétorique des Reagan et consorts, tout comme devant le patriotisme revanchard professé par ladite , et les successeurs de l'effrayant sénateur McCarthy ne faisaient que m'horripiler. Pourtant je dois dire que là, devant cette face orientale du Mur...non, cela n'a pas été mon chemin de Damas et je n'ai pas pris aussitôt la résolution de voter pour un nouveau mandat de Ronald Reagan aux élections de novembre. Le cœur du problème se trouvait peut-être dans ma phobie de toute restriction spatiale ou mentale, ma crainte permanente de me retrouver prisonnier d'une existence que je n'aurais pas voulue. Et, à mes yeux, le Mur représentait le symbole de la détention. Ce béton et ces barbelés me disaient :

Nous allons t'imposer des limites. Nous allons exiger allégeance à une doctrine , à des règles auxquelles tu seras obligé de te plier. Si tu oses jouer au dissident, si tu tentes de réaliser le rêve chimérique de ne pas restreindre ton univers aux strictes frontières que nous matérialisons , si tu as l'audace de rendre publiques (ou même d'exprimer ) des pensées contraires à nos dogmes, nous serons impitoyables. »

Douglas Kennedy, Cet instant-là

 

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Au bout de quelques années nous sommes infidèles à ce que nous avons été

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« Nous désirons passionnément qu’il y ait une autre vie où nous serions pareils à ce que nous sommes ici-bas. Mais nous ne réfléchissons pas que, même sans attendre cette autre vie, dans celle-ci, au bout de quelques années nous sommes infidèles à ce que nous avons été, à ce que nous voulions rester immortellement. Même sans supposer que la mort nous modifiât plus que ces changements qui se produisent au cours de la vie, si dans cette autre vie nous rencontrions le moi que nous avons été, nous nous détournerions de nous comme de ces personnes avec qui on a été lié mais qu’on a pas vues depuis longtemps. (…). On rêve beaucoup du paradis, ou plutôt de nombreux paradis successifs, mais ce sont tous, bien avant qu’on ne meure, des paradis perdus, et où l’on se sentirait perdus. »

Marcel Proust, La recherche du temps perdu vol. 4 – Sodome et Gomorrhe

 

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Ils ne craignent ni un coup de poing, ni un coup du sort

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« On a passé leur jeunesse à leur durcir la peau et le cœur. Ils ne craignent ni un coup de poing, ni un coup du sort. Ils considèrent l'exagération comme le pire des vices et la froideur comme un signe d'aristocratie. Quand ils sont très malheureux, ils mettent un masque d'humour. Quand ils sont très heureux, ils ne disent rien du tout. »

André Maurois, Les Silences du colonel Bramble

 

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06/02/2014

Des révoltés contre quoi ?

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« Le nom de Lois Cook était connut dans les salons les plus snobs. Et ceux qui se piquaient d'intellectualisme jetaient les titres de ses livres dans la conversation pour y briller. On les citait toujours avec une nuance de défi, comme si c'était un acte de courage. Mais c'était un courage sans danger, qui n'excitait jamais aucun antagonisme. Pour un auteur de livres qui ne se vendaient pas, son nom semblait étrangement fameux et respecté. Elle était le porte-parole d'une avant-garde d'intellectuels et de révoltés. Mais de révoltés contre quoi, Keating l'ignorait et préférait ne pas approfondir. »

Ayn Rand, La Source Vive

 

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La réaction n’est séduisante que dans l’anarchisme aristocratique

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« Cette race bénie des sceptiques, qui ne croient ni au progrès, ni à l’action, ni au sens de l’histoire, ni à aucune des chimères dont s’enivrent nos contemporains. La réaction n’est séduisante que dans l’anarchisme aristocratique ; lorsqu’elle se pique de réorganiser la société, elle devient aussi ennuyeuse que la gauche, et tombe dans les mêmes ornières. »

Gabriel Matzneff, L’archange aux pieds fourchus

 

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05/02/2014

Il vaut mieux avoir du luxe dans ses sentiments que sur ses habits

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« - Ne me parlez pas de cela ! répondit le vieux militaire. Vous ne pouvez pas savoir jusqu'où va mon mépris pour cette vie extérieure à laquelle tiennent la plupart des hommes. J'ai subitement été pris d'une maladie, le dégoût de l'humanité.
- Enfin, ajouta-t-il en faisant un geste plein d'enfantillage, il vaut mieux avoir du luxe dans ses sentiments que sur ses habits. Je ne crains, moi, le mépris de personne. »

Honoré de Balzac, Le Colonel Chabert

 

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Le temps passe en thés brûlants, en propos rares, en cigarettes, puis l'aube se lève...

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« Passé un certain degré de coriacité ou de misère, la vie parfois se réveille et cicatrise tout. Le temps passe, la déportation devient une forme de voyage et même, grâce à cette faculté presque terrifiante qu'a la mémoire de transformer l'horreur en courage, un voyage dont on reparle volontiers. Toutes les manières de voir le monde sont bonnes, pourvu qu'on en revienne. »

« Le temps passe en thés brûlants, en propos rares, en cigarettes, puis l'aube se lève, s'étend, les cailles et les perdrix s'en mêlent... et on s'empresse de couler cet instant souverain comme un corps mort au fond de sa mémoire, où on ira le chercher un jour. On s'étire, on fait quelques pas, pesant moins d'un kilo, et le mot "bonheur" paraît bien maigre et particulier pour décrire ce qui vous arrive. Finalement, ce qui constitue l'ossature de l'existence, ce n'est ni la famille, ni la carrière, ni ce que d'autres diront ou penseront de vous, mais quelques instants de cette nature, soulevés par une lévitation plus sereine encore que celle de l'amour, et que la vie nous distribue avec une parcimonie à la mesure de notre faible cœur. »

Nicolas Bouvier, L'usage du monde

 

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Heureusement d'ailleurs que le monde s'étend pour les faibles et les supporte...

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« La province est de langue hongroise. Les femmes y sont belles et portent le dimanche un costume d'une opulence mélancolique ; les hommes, petits, bavards, obligeants, fument de minces pipes à couvercle et vont encore à la messe en souliers à boucles d'argent. L'ambiance est capricieuse et triste. En un après-midi on est ensorcelé. »

« À mon retour, il s'est trouvé beaucoup de gens qui n'étaient pas partis, pour me dire qu'avec un peu de fantaisie et de concentration ils voyageaient tout aussi bien sans lever le cul de leur chaise. Je les crois volontiers. Ce sont des forts. Pas moi. J'ai trop besoin de cet appoint concret qu'est le déplacement dans l'espace. Heureusement d'ailleurs que le monde s'étend pour les faibles et les supporte, et quand le monde, comme certains soirs sur la route de Macédoine, c'est la lune à main gauche, les flots argentés de la Morava à main droite, et la perspective d'aller chercher derrière l'horizon un village où vivre les trois prochaines semaines, je suis bien aise de ne pouvoir m'en passer. »

Nicolas Bouvier, L'usage du monde

 

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04/02/2014

Des gens qui touchent au commerce...

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« C’est un fait que les bons livres de voyages – Voyez Polo, Bernier, Tavernier et Chardin – sont souvent écrits par des gens qui touchent au commerce. Vente, achat, bénéfice sont les premiers mots du vocabulaire international, l’âpreté mercantile évite à l’observateur ces engouements benêts qui vont bientôt fleurir dans la littérature quand les poètes se mettront à voyager. Avec un commerçant, pas d’envolées à craindre. »

Nicolas Bouvier, Chroniques japonaises

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Couvert de poussière...

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« Couvert de poussière, un piment à demi rongé dans la main droite, j'écoutais au fond de moi la journée s'effondrer joyeusement comme une falaise. »

Nicolas Bouvier, L'usage du monde

 

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Éternellement humain

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« L’âme humaine, déjà, est affreusement débile. Les connaissances auxquelles elle peut prétendre sont presque aussi limitées que les forces de notre corps. Elle entrevoit, mais elle n’étreint presque rien. Ses hypothèses, dont elle prétend faire des définitions éternelles avec une inlassables naïveté, se chevauchent, s’annihilent, se détruisent de siècle en siècle. La science humaine, celle du monde intérieur comme celle du monde extérieur, gagne un centimètre par génération, comme les sauteurs à la perche, quand il y a tout l’insondable de l’éther au-dessus d’elle. Une religion divine devrait élargir miraculeusement ces pauvres connaissances. Au seuil de cette religion, je m’aperçois qu’elle réduit encore ce piètre cercle. Et dans cette fameuse religion "révélée", comme dans toutes ses sœurs grouillant au fond de la nuit des temps, se disputant avec elle notre infime écorce terrestre, je reconnais les ornières, les charnières, les roueries ou les traces maladroites d’un labeur humain, rien qu’humain. Éternellement humain. Depuis les Pharaons, rois et dieux qui donnèrent une âme immortelle à leurs peuples en révolte parce qu’ils ne pouvaient plus garder seuls le privilège de l’éternité, jusqu’aux dernières confections des pages, le dogme de l’Immaculée-Conception, basé, disent les théologiens, sur des raisons de convenance (convenance ! N’est-ce pas admirable !), le dogme de l’infaillibilité pontificale, cette grossière manœuvre politicienne, tout vient de l’homme , et retournera à la même poussière que lui. »

Lucien Rebatet, Les deux étendards

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Je suis abasourdi par cette paix. Ou bien elle m’effraye.

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« Ce village mort de chaleur ; ces champs où les épais rideaux d’arbres dissimulent tout labeur humain ; ces nuits sans une fente de lumière, ce silence, ou ces bruits si attendus qu’on ne les perçoit pas… Je suis abasourdi par cette paix. Ou bien elle m’effraye. Je suis au milieu de cette paix comme un malade dont l’angoisse redouble dans les ténèbres muettes de l’insomnie. Et les seuls remèdes possibles détruisent ma vie. À tous les coins de cette maison, une habitude m’attend, dans son pli qui n’a pas bougé. Et ces habitudes sont vice, détente, engourdissement, distractions insipides mais que l’on s’étonne de ne plus remâcher. »

Lucien Rebatet, Les deux étendards

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La proie d’un kaléidoscope infernal

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« Michel devenait la proie d’un kaléidoscope infernal. Le flot du rapide l’emportait, charrié avec une multitude incalculable d’images, de perceptions, de pensées débandées, qui s’entrechoquaient, se croisaient dans un éclair, au gré des plus imprévisibles caprices, pour composer d’autres pensées, d’autres images défaites avant même qu’il eût pu les nommer. Il cherchait éperdument quelque point stable où s’accrocher. Cet afflux monstrueux devenait aussi terrifiant que le néant des nuits les plus sinistres. Chaque effort pour l’arrêter, pour le définir, y déversait de nouveaux éléments, ajoutait à ce chaos roulant.  »

Lucien Rebatet, Les deux étendards

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03/02/2014

Je suis hanté par cette vie

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« Je ne me délivrerai pas, je suis hanté par cette vie. Je ne l’étreindrai jamais, je ne l’épouserai jamais. Je ne peux plus m’échapper des sordides tableaux que je forme. »

 

« Parfois quand je songe – je pense à eux sans cesse - aux chimères si fragiles, aux quiproquos si spécieux sur lesquels leur vie et leur avenir reposent, j’ai le sentiment insaisissable qu’une fêlure se produira un jour. Quand, comment, pourquoi, je l’ignore, je ne peux même rien imaginer. Et voilà pourtant ma seule perspective ! Je serais donc inconsciemment comme le chat qui épie pendant des jours, pendant des mois, l’instant où l’oiseau qui vole hors de toute atteinte tombera du ciel entre ses griffes. Quelles chances a-t-il que l’oiseau tombe ? S’il guette avec cette patience, c’est qu’il ne sait pas que les oiseaux ont des ailes. Je sais que leurs ailes, à eux, ne les portent qu’à travers de fallacieuses nuées. Mais je sais qu’ils ont des ailes. »

Lucien Rebatet, Les deux étendards

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Mon amour ne peut être qu’une plaie que je m’acharnerai à envenimer

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« Je me suis voué au malheur. Je me suis jeté à la poursuite d’une image, je veux la retenir, je ne le pourrai jamais. Cette image se glace, elle va devenir une idée, et je le saurai, et ce sera encore la pire de mes souffrances. Je souffre d’aimer Anne-Marie. Je souffrirais mille fois plus si cet amour s’en allait de moi. Je ne peux plus oublier, je ne veux pas oublier. Tout apaisement de ce mal me fait horreur. Un seul geste pour éloigner Anne-Marie de Régis ? Jamais je ne le ferai, ce serait la perdre pour toujours. Et cependant, je suis hanté par ce geste, je me maudirai si je ne l’accomplis pas. Mon amour ne peut être qu’une plaie que je m’acharnerai à envenimer. Et c’est pourtant cela que je préfère. Ah ! Cela est-il tenable sans que l’on en crève ? Si j’étais sur la pente d’un suicide obligatoire ? Chez ceux de mon espèce, la tête tue souvent. On le sait… Oui, voilà bien la conclusion la plus plausible : une lettre pour Anne-Marie, qui lui apprendrait tout, en même temps que ma mort. Mais quoi, tout ? Cette lettre, je ne pourrais en écrire aujourd’hui une seule feuille. Dans un mois j’en serai bien plus incapable encore. Alors, rien qu’une ligne : "Je vous aime, je me tue…" Juste de quoi avoir l’air absurde… Ah ! Quelle misère ! Et cet œil de l’analyste, abasourdi par le premier choc, mais qui chaque soir se réveille plus tôt, cet œil qui m’examine impitoyablement, qui ne se fermera pas une seconde ! Et pour rien, pour rien ! Pas même une page lisible accouchée par tous ces maux. Mon journal est imbécile, d’une platitude écœurante. Non jamais ces phrases éculées ne renfermeront l’aventure pour personne, même pas pour moi. Elle ne pourrait revivre que dans une œuvre belle. Comme j’en suis incapable ! Et je me suis dit artiste ! J’ai là entre les mains une matière sans prix, et je ne peux rien en fixer. Impossible ! On ne crée pas dans une telle douleur. Je perds pour jamais ce que j’ai éprouvé de plus bouleversant, de plus sublime de toute mon existence. Le reste, à quoi bon en parler ? Comment pourrais-je me satisfaire désormais de cette pitoyable littérature, y user des heures et des jours ? Pourquoi cette tromperie plutôt que n’importe quelle autre, que n’importe quel métier de crétin ? Une tempête mugit en moi. Je ne saurais l’écrire, je suis moi-même la tempête. C’est donc dit, je suis un des nouveaux infirmes que ce siècle fabrique. Nous avons perdu toute naïveté, appris à lire au fond de nous, appris à descendre au fond des abîmes d’où sourd la vie. Pourquoi ? Pour être encore plus cruellement témoins de notre impuissance. Anne-Marie m’aura révélé à moi-même pour me montrer la chimère de mon amour et celle de mon art.. Impossible d’être heureux, impossible de faire au moins quelque beauté avec mon malheur ! Mais n’est-ce point encore une tentation, une voie sournoise qu’a pris le démon de l’oubli pour m’éloigner d’elle ? Ah ! Je ne sais plus, je sombre, je suis dépassé, vaincu… Tout me ramène au néant… Il n’y a plus de sens à rien. Rien ne vaut plus la peine… Qu’est-ce que c’est, mais qu’est-ce que cette machine à néant qui fonctionne dans ma tête ? Où sont mes mots pour dire ça ? Je perds mes mots. Où est-ce que je vais ? Je tombe, je tombe. Je me vide. »

Lucien Rebatet, Les deux étendards

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02/02/2014

Les sentiments les plus rares sont aussi les plus fugitifs

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« Quel remède trouver à cette fatalité humaine ? Les sentiments les plus rares, les seuls dignes qu’on bâtisse sur eux toute une vie, les seuls dignes d’être enchâssés au fond de nous pour l’éternité sont aussi les plus fugitifs, ceux qui ont le plus abominablement à pâtir de l’ordure quotidienne. Il faudrait prendre les miens dévotement, délicatement, les enfermer dans un lieu délicieux, ténébreux et solitaire, et rester dans leur contemplation jusqu’à la mort. »

Lucien Rebatet, Les deux étendards

 

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Il est aisé de se dire citoyen du monde, quand on n’est citoyen de nulle part

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« J’ignore ce que pourrait être l’amour de la France, si l’on n’aimait pas les Français. C’est à la vie de ce peuple, à ce qu’il fut, à ce qu’il peut être encore, à son génie, que je tiens. On le presse de toutes parts ; on l’attaque, on le nie. Français d’hier ou de la veille, soudain transplantés du Nord et de l’Orient dans les faubourgs de Paris, ils n’ont pas conscience du mal qu’ils font au pays qui les accueille. Ils y campent encore et se donnent le droit de juger impudemment ce qu’il faut garder ou non de l’œuvre de vingt siècles : ils n’y sont pour rien, que pour l’avantage qu’ils en retirent ; et ils se permettent pourtant d’en avoir un avis. Qu’ils en aient un, soit ; mais qu’ils l’expriment, non ; et s’ils veulent le faire prévaloir par la violence, ils passent la mesure. Ils ne sont pas du peuple, et ils parlent pour lui. A peine sont-ils de la plèbe, cette lie confuse que tous les flots du hasard, des migrations, de la misère poussent dans les immenses capitales. Il faut du temps à la plèbe, pour devenir peuple : il faut bien des ans, sinon des siècles, pour faire un citoyen. Il est aisé de se dire citoyen du monde, quand on n’est citoyen de nulle part. Un peuple n’est pas une racaille qui ne vit, misérable, que pour ne pas mourir de faim, et dont toute l’âme est dans le ventre. Une nation est un esprit. On le reçoit de la terre et du ciel, en naissant ; on ne l’échange pas contre un autre, comme un billet de banque. »

André Suarès, Plèbe et peuple

 

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