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16/09/2013

Le fascisme isolé est sûrement un poison. Mais une certaine dose de fascisme circule dans toute société qui se porte bien...

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« Tenez, encore un qui, tout sincèrement démocrate qu’il est, a été remué par certains accents du fascisme, ceux qui correspondent d’ailleurs à une vérité humaine : fatigue du bavardage, de la discorde professionnelle, besoin de créer, de construire, désir d’être un chef, petit ou grand, mais qui a une tâche devant lui, et derrière lui une équipe solide. Vous savez, Jerphanion, le vieux syndicaliste que je suis, tout en condamnant le fascisme comme un énorme péril international, n’a jamais pu s’empêcher de reconnaître que certaines réactions fascistes sont normales et salubres. Le fascisme isolé est sûrement un poison. Mais une certaine dose de fascisme circule dans toute société qui se porte bien... Oui, mais essayez de dire cela à la tribune, ou même dans un journal de gauche ! On croira que vous êtes passé à l’ennemi, ce qui est exactement le contraire de la vérité. Ce n’est pas passer à l’ennemi que de lui chiper ce qu’il peut avoir de bien pour en faire profiter la bonne cause... Mais je m’égare. »

Jules Romains, Les Hommes de bonne volonté

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Immigration de peuplement...

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« Il faut s’arrêter un instant sur l’expression des adversaires de l’immigration, qui caractérisent celle-ci comme une immigration “de peuplement”. On s’accorde généralement à faire de 1974 un point de bascule quant à la nature de l’immigration, par l’effet du regroupement familial. On passa alors de l’immigration provisoire d’individus, dont les motifs étaient économiques ou de refuge (asile politique), à une immigration d’implantation. Si l’expression “immigration de peuplement” est plus juste encore que ceux qui l’emploient ne le croient, c’est parce qu’elle n’est pas seulement un phénomène quantitatif, mais un phénomène qualitatif : il s’agit effectivement de “faire peuple” à l’intérieur d’un peuple déjà existant. Ce phénomène, qui est loin d’être majoritaire, est en partie nouveau, ne se limite pas à la France, et crée de véritables diasporas à l’intérieur des pays d’accueils. C’est dans la mesure où les immigrés veulent conserver leur similitude avec le peuple du pays d’origine qu’ils refusent l’assimilation au peuple d’accueil, et cela parce qu’il est impossible d’être similaire à deux modèles contradictoires. Il est curieux que l’on déplore comme “populiste” l’attachement du peuple d’accueil à sa similitude, et que l’on encense l’attachement des immigrés à la similitude de leur peuple d’origine. »

Vincent Coussedière, Eloge du populisme

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14/09/2013

Les gens ne parlent de rien...

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« -- Les gens ne parlent de rien.

-- Allons donc, il faut bien qu’ils parlent de quelque chose !

-- Non, non, de rien. Ils citent toute une ribambelle de voitures, de vêtements ou de piscines et disent : “Super!” Mais ils disent tous la même chose et personne n’est jamais d’un avis différent. Et la plupart du temps, dans les cafés, ils se font raconter les mêmes histoires drôles par les joke-boxes, ou regardent défiler les motifs colorés sur les murs musicaux, des motifs abstraits, de simples taches de couleurs. Et les musées, y êtes-vous jamais allé ? Rien que de l’abstrait. C’est tout ce qu’il y a aujourd’hui. Mon oncle dit que c’était différent autrefois. Jadis il y avait des tableaux qui exprimaient des choses ou même représentaient des gens. »

Ray Bradbury, Fahrenheit 451

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13/09/2013

La solitude mortelle et irrationnelle est toujours couronnée

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« Un nouvel amour donne toujours de l’espoir, la solitude mortelle et irrationnelle est toujours couronnée ; cette chose que j’ai vue (cette horreur du vide reptilien) quand j’ai inspiré à fond l’iode mortelle de la mer, à Big Sur, est maintenant justifiée et sanctifiée, levée comme une urne sacrée vers le ciel, par le simple fait de se déshabiller, de faire aller les corps et les esprits dans les délices mélancoliques, inexprimables et frénétiques de l’amour. Ne laissez aucun vieux chnoque vous dire le contraire ; quand on pense que personne, dans ce vaste monde, n’ose jamais écrire l’histoire véritable de l’amour, on nous colle de la littérature, des drames à peine complets à cinquante pour cent. Quand on est allongé, bouche contre bouche, baiser contre baiser dans la nuit, la tête sur l’oreiller, rein contre rein, l’âme baignée d’une tendresse qui vous submerge et vous entraîne si loin des terribles abstractions mentales, on finit par se demander pourquoi les hommes ont fait de Dieu un être hostile à l’amour charnel. »

Jack Kerouac, Big Sur

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Je n’ai personne avec qui partager mon oui et mon non

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« L’Occident que j’aurais aimé n’existe plus ; l’Orient que j’aime n’existera bientôt plus, et j’ai pour lui la tendresse désespérée que j’aurais pour une jeune maîtresse que je saurais cancéreuse, et condamnée, me disant à chaque baiser que ce sera peut-être le dernier. Dans un mois, dans un an, l’Orient entier ressemblera à Beyrouth ou à Tel-Aviv, c’est la même chose, l’Orient entier aura été atteint par la laideur et la vulgarité de l’Occident moderne. L’ancien Japon est mort. L’ancienne Russie est morte. L’ancienne Chine est morte. L’ancien Thibet est mort. Demain, ce sera au tour de l’Orient arabe d’être tué par l’architecture, les mœurs et la pensée d’un Occident qui, libéral ou socialiste, marxiste ou capitaliste, noie la noblesse, la beauté et la poésie de la vie sous les flots irrémédiables d’un océan de merde grisâtre.

Blâmé ou loué, mais jamais compris, je n’ai personne avec qui partager mon oui et mon non. Je n’en souffre pas, car dès l’enfance j’ai su que je serais toujours marginal, solitaire, différent, mais j’éprouve au vif l’ennui que m’inspire un monde - la société européenne industrielle et petite-bourgeoise - dont je ne parle pas la langue, et qui n’entend pas la mienne. C’est parce que l’Occident est le point où le soleil se couche, le royaume de la nuit, du froid et de la mort, que, comme les autels de nos églises, je me tourne vers l’Orient, cette terre bénie où naissent les dieux et leur gracieux cortège de chimères enchanteresses, avec l’espoir que sa beauté condamnée durera aussi longtemps que moi et que je pourrai - jusqu’à l’instant où je m’embarquerai à mon tour sur la gondole funèbre vers la Venise ultime d’où l’on ne revient pas - y étancher ma soif de bonheur et mon goût du malheur qui sont, l’une et l’autre, inassouvissables. »

Gabriel Matzneff, Le carnet arabe

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Allégeance

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« Dans les rues de la ville il y a mon amour. Peu importe où il va dans le temps divisé. Il n'est plus mon amour, chacun peut lui parler. Il ne se souvient plus; qui au juste l'aima ?

     Il cherche son pareil dans le voeu des regards. L'espace qu'il parcourt est ma fidélité. Il dessine l'espoir et léger l'éconduit. Il est prépondérant sans qu'il y prenne part.

     Je vis au fond de lui comme une épave heureuse. A son insu, ma solitude est son trésor. Dans le grand méridien où s'inscrit son essor, ma liberté le creuse.

     Dans les rues de la ville il y a mon amour. Peu importe où il va dans le temps divisé. Il n'est plus mon amour, chacun peut lui parler. Il ne se souvient plus ; qui au juste l'aima et l'éclaire de loin pour qu'il ne tombe pas ? »

René Char, Fureur et mystère

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12/09/2013

Nos paroles sont telles des brigades de sauveteurs

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« Nos paroles sont telles des brigades de sauveteurs qui jamais ne renoncent à leur quête, leur but est d'arracher des événements passés et des vies éteintes au trou noir de l'oubli et cela n'a rien d'une petite entreprise, mais il se peut aussi qu'elles glanent en chemin quelques réponses et qu'elles nous délivrent de l'endroit où nous nous tenons avant qu'il ne soit trop tard. Contentons-nous de cela pour l'instant, nous t'envoyons ces mots, ces brigades de sauveteurs désemparées et éparses. Elles sont incertaines de leur rôle, toutes les boussoles sont hors d'usage, les cartes de géographie déchirées ou obsolètes, mais réserve-leur tout de même bon accueil. Ensuite, nous verrons bien. »

Jón Kalman Stefánsson, Entre ciel et terre

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Il ne faut jamais bavasser avec l'ennemi

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« Il ne faut jamais bavasser avec l'ennemi, ni sur son terrain ni ailleurs : Dans le misérable temps où nous vivons, il faut s'attendre à ce que, si quelqu'un vous traite soudain d’œuf pourri ou de vipère lubrique, d'autres vous sollicitent aussitôt pour venir disserter sur les diverses tribunes à propos des oeufs pourris ou de la lubricité des vipères, donc de servir la soupe à l'ennemi en bavassant sur son terrain. »

Philippe Muray, Festivus Festivus

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Les noirs et les blancs...

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Cet extrait n'est pas destiné à ceux qui ne savent pas lire... c'est-à-dire qu'il n'est pas pour la très grande majorité des gens aujourd'hui...

 

« Les Noirs ont toujours eu beaucoup d’action sur les Blancs, là où les deux races se sont rencontrées. La chose nouvelle, c’est l’abdication de la race blanche ; c’est de la voir aujourd’hui tout entière s’éprendre des Noirs, chercher en eux des professeurs et des guides, les appeler où ils ne sont point, et donner ce coeur d’onyx au diamant des capitales modernes. Cet engouement s’explique par plus d’une raison. D’abord, au moment où une sinistre uniformité s’étend sur le monde, la dernière variété qui subsiste, quand toutes celles des costumes se sont évanouies, c’est la couleur de leurs peaux. Le Noir nous plaît parce que lui seul est encore, ostensiblement, autre que nous-­mêmes. Mais l’attrait qu’il exerce a des causes plus profondes. Las d’un verbiage incessant, excédés de vie sociale, acca­blés, alors même qu’ils sont personnelle­ment incultes, du poids de civilisation qui pèse sur eux, les Blancs, aujourd’hui, as­pirent à ne plus être des individus isolés, à retourner vers les origines, à se retrem­per dans une vie ingénue, où ils n’aient plus besoin de fabriquer leur bonheur. C’est alors que les Noirs les fascinent. Qu’il y ait beaucoup d’illusion dans l’idée qu’on se forme d’eux, cela ne fait pas de doute. Quoi que des savants, pour la com­modité de leurs études, aient pu décréter, les Sauvages ne sont rien moins que des primitifs. Ils ont eu beau se cacher sous leurs épaisses forêts, le temps, pour eux non plus, n’a pas passé vainement. Ils ont leur histoire informe. Ils sont vieux, eux aussi, quoiqu’autrement que nous, et leurs usages où nous voulons retrouver un reste des premiers âges ne sont souvent qu’un ramassis de superstitions décrépites. Les obligations qui ligotent les habitants des petites villes ne sont pas plus gênantes que toutes celles auxquelles un Sauvage est assujetti. Cependant il est bien vrai que ces Noirs ont gardé avec la nature des liens que les Blancs n’ont plus, et, en ce sens, l’attrait qu’ils exercent sur l’homme des villes est justifié. Dans les rapports qui s’établissent entre eux et nous, on peut distinguer deux tendances contraires. D’une part, il se trouve encore des gens, chimériques ou intéressés, dont, par malheur pour nous, le plus grand nombre est en France, pour tirer des idées du XVIIIe siècle une dernière fanfare : "Ap­prochez, frères noirs, tous les hommes se valent. C’est en vain que la nature a pris le soin de vous badigeonner d’une autre couleur que la nôtre, qu’elle vous a fait d’autres traits, et que la façon même dont vous avez usé des siècles qui nous ont été donnés aux uns comme aux autres atteste encore cette différence ; nous méprisons ces faibles indices pour vous convier à l’égalité. Venez vous as­seoir à notre festin, venez être nos pa­reils." Cependant une autre voix, sourde mais bien plus sincère, s’échappe en même temps de la race blanche : "Non, vous n’êtes pas comme nous, et bienheureux en cela, car vous avez part encore à des fêtes où nous ne sommes plus admis. Ne bougez pas d’où vous êtes. C’est nous qui redescendons vers vous, pour retrou­ver un bonheur qui ne soit plus gêné par la conscience". Ainsi, tandis que les Noirs montent vers les Blancs par le chemin des paroles, les Blancs descendent vers les Noirs par le chemin de la danse. Danser, en effet, c’est retrouver son corps, c’est se soustraire à la tyrannie de la tête, pour redescendre dans ses membres, c’est rendre à ces membres, que le cerveau a domestiqués, une vie libre, souple, dé­nouée, heureuse. Mais dans ces rappro­chements des deux races, l’une et l’autre sont trompées. Tandis que les Noirs croient en vain qu’ils se sont emparés de nos idées parce qu’ils nous en ont pris le vo­cabulaire, les Blancs qui veulent échap­per à leur esprit, pour se replonger dans quelque chose de frais et d’originel, ne font que se renier sans récompense. Il ne suffit pas de répudier la civilisation pour retrouver la sauvagerie. Il y a une sorte de désespoir dans l’effort que font tant de nos contemporains : pris et enfermés dans des villes dont les lumières hérissées repoussent le clair de lune, séparés par les machines du peuple des bêtes, traver­sés à chaque instant par des secousses électriques, disputés par mille besognes, sans jamais goûter la paix d’un travail réel, privés de repos, privés de si­lence, écrasés sous le poids des bibliothèques et les trésors des musées, ils rê­vent à la hutte et à la caverne, aux pre­miers trépignements, aux jouissances las­cives d’une vie informe. Mais ils fuient la conscience sans retrouver les instincts ; ils restent perdus et égarés entre la société et la nature ; ils errent hors des jardins et des parcs, sans rentrer dans la forêt primitive ; ils font la bête, enfin, sans re­devenir l’animal. Ces candidats à la sau­vagerie ne sont pas reçus. Ces danseurs et ces danseuses se trémoussent en vain, leur épilepsie mécanique ne veut plus rien dire. Tout finit dans une mystification où seul est certain l’abaissement de l’hu­manité. Les nègres ne nous volent pas ce que nous avons dans la tête, et nous ne leur dérobons point le secret de la vie du corps. Ils n’obtiennent pas ce que nous leur avons promis et nous ne leur prenons pas ce que nous leur avons envié. Le vrai triomphateur, ce n’est pas le Noir qui, dans une Sorbonne, obtient par son bavardage un diplôme fallacieux, c’est celui qui, béat, glorieux, au bruit de l’or­chestre, au milieu des danses, pose, comme la marque d’un maître, sa large main sur le dos d’une blonde asservie. »

Abel Bonnard, Océan et Brésil (1929)

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11/09/2013

Des fictions qui séparent la nation du réel

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« La France est le seul pays où la nation ait en permanence son gouvernement contre soi, le seul où une guerre sinistre et grotesque ait été déclarée à Dieu, le seul où l’ordre ne subsiste que par survivance, sans être jamais soutenu ni fortifié, le seul où l’enseignement officiel n’ait pas d’autre tâche que de détruire obstinément tout ce qu’il devrait conserver, et dérobe à la nation la connaissance de sa propre grandeur. La République est le seul régime où rien de sublime, ni seulement d’honnête, n’est donné en aliment à un peuple dont l’âme est à jeun ; c’est le seul régime qui, pressé de tous côtés par les choses, ne parle jamais un langage qui leur réponde, le seul où les problèmes les plus importants ne puissent pas être résolus, ni même posés, parce que l’intérêt du parti régnant entretient partout des fictions qui séparent la nation du réel. »

Abel Bonnard, Les Modérés

 

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10/09/2013

L’une après l’autre, les choses m’abandonnent

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« Ferrante -- Pour moi, tout est reprise, refrain, ritournelle. Je passe mes jours à recommencer ce que j’ai déjà fait, et à le recommencer moins bien. Il y a trente-cinq ans que je gouverne : c’est beaucoup trop. Ma fortune a vieilli. Je suis las de mon royaume. Je suis las de mes justices, et las de mes bienfaits ; j’en ai assez de faire plaisir à des indifférents. Cela où j’ai réussi, cela où j’ai échoué, aujourd’hui tout a pour moi le même goût. Et les hommes, eux aussi, me paraissent se ressembler par trop entre eux. Tous ces visages, ensemble, ne composent plus pour moi qu’un seul visage, aux yeux d’ombre, et qui me regarde avec curiosité. L’une après l’autre, les choses m’abandonnent ; elles s’éteignent, comme ces cierges qu’on éteint un à un, à intervalles réguliers, le jeudi saint, à l’office de la nuit, pour signifier les abandons successifs des amis du Christ. Et bientôt, à l’heure de la mort, le contentement de se dire, songeant à chacune d’elles : "Encore quelque chose que je ne regrette pas." »

Henry de Montherlant, La Reine morte

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09/09/2013

Les intel­lectuels doivent être, au moins morale­ment, élim­inés...

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« La Démocratie-chrétienne ne pou­vait que nour­rir un pro­fond et incur­able mépris pour la cul­ture : pour la petite-bourgeoisie (même dans ses aber­ra­tions “rouges”), la cul­ture est tou­jours “sous-culture”. Le pri­mat est à l’action. Qui pense est coupable. Les intel­lectuels, comme ils sont en pos­ses­sion de quelques vérités (même si elles sont con­tra­dic­toires) que la petite-bourgeoisie soupçonne d’être vraies, doivent être, au moins morale­ment, élim­inés. L’arrière garde démocrate-chrétienne pour­suit encore cette poli­tique obscu­ran­tiste qui lui a donné tant de sat­is­fac­tions déma­gogiques par le passé et qui est si inutile aujourd’hui que la fonc­tion anti­cul­turelle est assumée par les mass media (qui, toute­fois, font sem­blant d’admirer et de respecter la cul­ture). L’épigraphe de ce chapitre de l’histoire bour­geoise, Goer­ing l’a écrite une fois pour toutes: “Quand j’entends le mot cul­ture, je sors mon pis­to­let.” »

Pier Paolo Pasolini, Ecrits cor­saires

 

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Nécrologie des désenchantés de l’amour

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« Les désenchantés de l’amour
se tirent des balles dans le coeur.
De ma chambre j’entends les coups de feu.
Les bien-aimées se tordent de jouissance.
Oh que de matière pour les journaux.

Désenchantés mais photographiés,
ils ont écrit des lettres d’explication,
ils ont pris toutes les dispositions
pour le remords de leur bien-aimée.
Pan pan pan adieu, écoeurante.
Je m’en vais, tu restes, mais nous nous retrouverons
dans le ciel lumineux ou l’enfer tortueux.

Les médecins procèdent à l’autopsie
des désenchantés qui se sont tués.
Quels grands coeurs ils possédaient.
Des viscères immenses, des tripes sentimentales
et un estomac tout rempli de poésie...

Allons maintenant au cimetière
accompagner les corps des désenchantés
dûment mis en boîte
(passions de première et seconde classe).

Les désenchantés viennent après les enchantés,
sans coeur, sans tripes, sans amour.
Unique fortune, leurs dents en or
ne serviront pas de caution financière
et recouvertes de terre perdront leur brillant
tandis que les bien-aimées danseront une samba
féroce, violente, sur leur tombe. »

Carlos Drummond de Andrade, Marigot des âmes (Brejo das Almas)

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08/09/2013

Leur ambition les pousse à réclamer des places qu'ils ne peuvent pas remplir

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« Toutes les fois que j'ai entendu parler des gens de la politique parler d'un de ceux qui arrivent à s'y signaler par une absence de scrupules encore plus marquée que chez tous les autres, je ne leur ai jamais entendu dire que cet homme-là fut très corrompu ; ils disaient seulement qu'il était très intelligent. »

« Leur ambition les pousse à réclamer des places qu'ils ne peuvent pas remplir ; ils se démènent tant qu'ils n'y sont pas et s'évanouissent dès qu'ils y arrivent. »

« La mort les surprend en train de faire leur visage pour la postérité ; mais, s'étant trompés en tout, ils s'abusent encore par cette dernière espérance : il n'y aura pas de postérité pour ceux qui ont laissé s'abîmer un monde, car ce que nous appelons de ce nom, ce n'est que notre civilisation qui dure après nous. »

Abel Bonnard, Les Modérés

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Un atome peut tout dissoudre

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« Rien n'est indifférent, rien n'est impuissant dans l'univers ; un atome peut tout dissoudre, un atome peut tout sauver ! »

« Notre passé et notre avenir sont solidaires. Nous vivons dans notre race et notre race vit en nous. »

Gerard de Nerval, Aurélia

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Le monde nous échappe puisqu’il redevient lui-même

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« Au fond de toute beauté gît quelque chose d’inhumain et ces collines, la douceur du ciel, ces dessins d’arbres, voici qu’à la minute même, ils perdent le sens illusoire dont nous les revêtions, désormais plus lointains qu’un paradis perdu. L’hostilité primitive du monde, à travers les millénaires, remonte vers nous. Pour une seconde, nous ne le comprenons plus puisque pendant des siècles nous n’avons compris en lui que les figures et les dessins que préalablement nous y mettions, puisque désormais les forces nous manquent pour user de cet artifice. Le monde nous échappe puisqu’il redevient lui-même. Ces décors masqués par l’habitude redeviennent ce qu’ils sont. Ils s’éloignent de nous. De même qu’il est des jours où, sous le visage familier d’une femme, on retrouve comme une étrangère celle qu’on avait aimée il y a des mois ou des années, peut-être allons-nous désirer même ce qui nous rend soudain si seuls. Mais le temps n’est pas encore venu. Une seule chose : cette épaisseur et cette étrangeté du monde, c’est l’absurde. »

Albert_Camus, Le Mythe de Sisyphe

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07/09/2013

Dedans la Bouche des Femmes

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« Le premier cigare que je vis, car, dans une existence, il faut bien que ce jour ait lieu, c’était dans la bouche de mon père, pour une fête. Chez lui, le quotidien supposait le tabac gris roulé en craquant dans une feuille Riz-la-Croix ; le dimanche, il fumait des cigarettes papier maïs qui n’en finissaient pas de s’éteindre et qu’il fallait sans cesse rallumer dans des nuages âcres ; l’exceptionnel, quant à lui, appelait le cigarillo, peu coûteux, ou le cigare, mais vraiment lors des occasions somptueuses. Or, dans l’armoire à linge dont le tiroir du bas recelait des souvenirs de famille — antiques photographies et boucle de mes cheveux à l’époque bénie de ma blondeur —, il y avait une boîte en carton, rouge — je sais que ce fabricant, dont je tairai le nom par charité, vend aussi sa marchandise dans un emboîtage vert —, où se délitaient deux ou trois cigares plus secs qu’après un siècle de désert.

Bien évidemment j’avais goûté le tabac gris en volant une bouffée aspirée au mégot abandonné de mon père ; de même, j’avais subtilisé des gitanes fumées au lavoir de mon village, en attendant, entre deux quintes de toux, le passage d’une jolie Parisienne en vacances. Ignorant que ces cigares renvoyaient à une date mémorable, j’en avais prélevé un que, sans les précautions d’usage, j’avais fumé jusqu’à la moelle, ne reculant pas devant les inhalations dignes d’un citadin en vacances heureux et fier d’atteindre le sommet d’une montagne. Pâlissant, verdissant, vomissant, j’avais conclu à la nécessité d’être adulte pour avoir droit à ces combustions si viriles… Je sus plus tard que le fatal objet provenait des reliefs du repas de mariage de mes parents. Donc, une relique à tous points de vue…

Le temps passa, et l’on m’initia, dans un restaurant de Bordeaux, où j’étais venu préfacer le catalogue d’une exposition d’art contemporain. J’avais une trentaine d’années. La nuit fut brumeuse, épaisse, lourde, chargée, animée de songes bruns. Une autre fois, ce fut un ami — je le croyais tel, et il traversa mon existence en comète, avant de percuter gravement ma lucidité — qui leva mes réticences. Je n’y voyais qu’une occasion d’élargir mes plaisirs, de les diversifier, d’agrandir l’espace des possibles voluptueux. J’ignorais alors qu’il me faudrait côtoyer la tribu de ceux qui fument le cigare moins par hédonisme bien compris que par désir de signer une appartenance sociale — celle des décideurs du sort des autres qui brûle son module avec la même désinvolture et la même jubilation que s’il s’agissait du Décalogue.

J’en vins, après avoir tué le père, et réussi à fumer des cigares plus dignes de ce nom que ceux de son mariage — réjouissez-vous, psychanalystes —, à découvrir et isoler mes modules de prédilection — lanceros de cohiba et especial n° 2 de Montecristo. De sorte que, seul, dans mes nuits d’insomnie, un armagnac à la main, lisant de la poésie, écoutant Scarlatti ou le Padre Soler, je déguste mon cigare en solipsiste, en moine hédoniste, méditant au rythme du temps consumé. Par ailleurs, lorsque je doit être à Paris, j’ai plaisir à finir ma soirée ou à entamer ma nuit à la Maison du Havane où j’accompagne mon cigare d’un cocktail cubain qui repousse les limites du petit matin.

C’est dans ce lieu que mon inconscient m’a rattrapé, comme un lièvre qui double son ombre, par le refus mental d’un cigare à la bouche d’une femme. Elle avait une quarantaine d’années, connaissait le cœur de l’homme à ses côtés, car elle arborait ses bijoux, elle était maquillée comme Baudelaire aurait aimé qu’on le fût et comme je l’aimais, elle riait, entre deux bouffées. Elle était belle, mais son gros module entre les lèvres me semblait obscène, inconvenant, malvenu. Du moins, difficilement justifiable en public.

Et puis la honte s’abattit sur moi, comme lorsqu’une fraction de seconde, un infime moment, mais qui confine toujours à l’éternité tant il nous salit, on se retrouve avec une réaction épidermique du côté des misogynes, des racistes, des sexistes, des machistes, et de tous ceux qui jubilent de la pulsion de mort qui les sature et déborde. En thuriféraire d’une genre d’apartheid fumeux, j’étais dans la peau d’un homme qui imaginait le cigare réservé aux hommes, interdit aux femmes. De quoi élargir plus encore le sourire du psychanalyste…

Après ce travail de l’instinct animal, dès l’épiderme de la bête sollicité, loin derrière la réaction viscérale et le tropisme inconscient, j’ai désiré la raison et le jugement, bien sûr, pour tâcher de comprendre. L’équation cigare-masculin, signe tribal et volupté homosexuelle — au sens étymologique et large —, voilà qui devait triompher ? Je n’avais aucunement l’intention de consentir à ces clichés. Alors ? Alors il faut bien demander à la psychanalyse de quoi fouiller les entrailles et le ventre des parts maudites en chacun pour tâcher d’y voir un peu plus clair. Jubilez, freudiens !

Nul besoin d’être grand clerc pour constater que le cigare concerne vivement et directement les plaisirs de la zone buccale dont Freud raconte le détail. Or, une femme qui fait la demande d’un cigare pour apprendre à le fumer s’entendra presque toujours rétorquer que les panatellas lui conviendront à ravir : en face du désir féminin d’accéder au monde du havane, les hommes ne consentent, a priori, qu’aux formes les plus fines, les plus courtes et les moins complexes. Peut-on plus clairement entraver un désir et contrecarrer, voire refréner la volonté de plaisir manifestée alors par les femmes ? Parvient-on mieux à mettre en évidence le souci castrateur masculin devant la demande féminine d’ouvrir un continent voluptueux ? Faut-il conclure, en analyste effectuant d’instructifs glissements, que devant l’aspiration féminine à découvrir des voluptés qu’elle ignore, il faut répondre virilement en limitant au maximum le volume de l’objet convoité ?

Le cigare comme phallus, donc. Vraisemblablement phallus de substitution, occasion de sublimation, telle que l’entend la psychanalyse — dérivation sur une pratique socialement acceptable de pulsions qui, sinon, sur le même terrain, relèvent de l’inacceptable. Va pour l’oralité des femmes quand elle suppose le goût pris à la parole, mais méfiance, sinon interdiction, dès que l’alcool — au-delà des liqueurs — ou autre chose que la cigarette — pipe ou cigare — fait l’objet d’investissements nettement revendiqués ! Allons pour les petits cigares, les cigarillos, les modules courts et fins, mais qu’elles ne s’avisent pas de désirer des churchills ou des lonsdales…

Dedans la bouche d’une femme, le gros cigare paraît obscène ou insupportable pour la référence aux sublimations de l’hédonisme oral, mais aussi parce qu’il montre une femme active, décidant et voulant la consumation. Elle ne subit pas, mais choisit. Entre ses lèvres, le cigare devient pur objet de volupté, elle objective et chosifie le phallus masculin — de quoi susciter la résistance masculine des inconscients les mieux trempés. S’emparant volontairement et délibérément d’un cigare, la femme lui impose ses rythmes, ses cadences, ses aspirations, ses succions. Là où les hommes célèbrent leur homosexualité tribale utile pour faire le monde comme il va, les femmes montrent une triple volonté de domination, de puissance et d’ascendant non dissimulé sur le réel. Dès lors, comment ne pas effrayer les hommes ?

De quoi relèverait donc la réaction épidermique qui associe d’évidence le cigare et le monde masculin ? D’une ancestrale crainte de castration parente du vagin denté cher au cœur des surréalistes. Dans la bouche des femmes, tout comme dans leur ventre, les hommes craignent depuis toujours de perdre leur identité, leur forme, leur intégrité. Ont-ils d’ailleurs tellement tort ? Je ne sais. Toujours est-il que, réconcilié avec moi-même, moins craintif et peureux de ces ombres qui m’avaient naguère surpris à la vue du cigare de cette passante que j’eusse aimée, je me suis immédiatement surpris à désirer ces femmes-là, celles qui revendiquent l’action, le pouvoir, la puissance, l’empire sur le réel, pour qu’enfin, à égalité, nous puissions combattre, comme le supposent les jeux amoureux, la séduction et la passion, l’érotisme et le désir, afin de découvrir, ensemble, le plaisir des existences incandescentes. »

Michel Onfray, Dedans la Bouche des Femmes, in L'Archipel des Comètes

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06/09/2013

Un pays pétri de mollesse bourgeoise

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« Montherlant, guerrier dans l'âme, se sent un exilé dans son propre pays pétri de mollesse bourgeoise. Il est, comme Nietzsche, un "unzeitgemäß", écoeuré par la déliquescence de la société de consommation, cette ère de l'abondance à laquelle il reproche, paradoxalement, de ne pas pourvoir aux besoins véritables de l'homme : "Un homme qui a une vitalité normale se sent, parmi les français, d'une autre espèce : il pense constamment au rebours d'eux, réagit autrement qu'eux, parce qu'il brûle plus et plus vite qu'eux... Vivant au ton de la France telle qu'elle devrait être, et telle qu'elle fut sans doute par à-coups, il se sent en France un exilé." (Montherlant, "L'Equinoxe de Septembre")

Le plus grand reproche qu'il fait à l'éducation française contemporaine est de manquer d'agressivité, d'enseigner l'idéal falot du "coeur sur la main" et de la "bonne action". Dans un passage connu de "Solstice de Juin", se gaussant de la chanson des Saint-Cyriens, "qui sont, ès qualités, le ' nec plus ultra ' de l'agressivité française", il regrette que les fameux casoars aux cheveux blancs ne flottent que "gentiment", au lieu de le faire "fièrement" ou "noblement", ou même, à la rigueur, "gaiement" : "Gentiment ! Mimi-mimi ! Ce côté cocu du caractère français n'est pas très agréable à observer (...) Depuis combien de temps la France est-elle élevée dans la haine et le mépris de la force ? ' En France, tout ce qui est un peu fort fait scandale ', écrivait déjà Stendhal !" (Montherlant, "Le Solstice de Juin")

C'est à propos de ces français petit-format qu'un Anglais de l'époque coloniale observe qu' "ils ne sont pas des gens avec lesquels on puisse aller à la chasse au tigre". (Montherlant, "L'Equinoxe de Septembre")
Montherlant méprise ouvertement et continuellement cette "nation petite-bourgeoise, et qui adore le petit". Car on y "demande pas à un homme d'avoir de la valeur, ou seulement d'être un caractère : on lui demande d'être sympathique. L'époque le demande : être sympathique, cela veut dire être coulant, se prêter aux combines, réussir". (Montherlant, "L'Equinoxe de Septembre")

On reconnaît bien là le Français moyen, pas celui de l'ère napoléonienne qui, nous dit Pierre Vial, "vivait au rythme des communiqués de la Grande Armée", mais celui de l'époque louis-philipparde (dont nous ne sommes pas sortis) qui vit "au rythme des cotations de bourse" (Pierre Vial, "L'Orléanisme n'est pas mort", in "Eléments n°: 44, Janvier 1983, pages 13-16). Son "style" c'est la "débrouille", les "trucs sympas" et l'attitude bonhomme qui permettent d'obtenir toutes sortes de gratifications en sus du menu ordinaire...
Il faut noter que Montherlant ne condamne pas cette attitude en soi : il ne propose autre chose (ce que ne fait pas le système éducatif français) qu'à ceux qui en sont capables et en éprouvent le besoin. Dans la "Lettre d'un Père à son Fils", il s'écrie : "Mais quoi ! N'avoir que des amis est une obligation de commerçant ; se faire des ennemis est une occupation d'aristocrate". (Montherlant, "Service inutile")

Il y aura, bien sûr, suffisamment de mamans bien intentionnées pour se récrier qu'on ne prêche pas ainsi aux jeunes l'amour de la mort. C'est juste, mais l'homme, lui, a autre chose à enseigner et à apprendre que le simple instinct de conservation. Dans "La Reine Morte", le roi Ferrante a ce mot : "Car les femmes disent toujours : ' Elever un enfant pour qu'il meure à la guerre ! ' Mais il y a pis encore : élever un enfant pour qu'il vive et se dégrade dans la vie". (Montherlant, "La Reine Morte")

La recherche de l'adversité (qui ne doit pas être confondu avec un tempérament irascible, une susceptibilité exagérée ou un amour vulgaire de la "bagarre") est une constante de l'oeuvre de Montherlant. L'un des principaux legs que nous ont transmis les Romains, précise-t-il, "est le sens, le goût, et comme ' l'attrait de l'adversité haute ', adversité qui finit par être le lot d'eux tous avec peu d'exceptions ; adolescent, je souhaitais presque l'adversité, ensemble pour la surmonter, pour y devenir pareil à eux, et parce qu'elle est encore une forme de bonheur, en vous forçant à accomplir plus d'humain..." (Montherlant, postface à "La Guerre Civile", citée dans "Nouvelle Ecole n°: 20, page 17)

Sur un ton comparable, Nietzsche a fustigé le "religion du coeur" et le "culte du bien-être" qui, obnubilés par un sentiment de piété aussi déplacé que bien intentionné, ignorent qu'il existe "une nécessité personnelle de malheur". Cette religion de la pitié méconnaît un trait fondamental de la psychologie, à savoir que bonheur et malheur grandissent ensemble ou restent petits ensemble. Et, nous déniant notre droit à la peur, aux privations, à la pauvreté, à la belle étoile, à l'evanture, aux risques, et aux méprises, on écarte de nous la possibilité de la joie de surmonter des obstacles, et de nous retrouver grandis de notre propre victoire.
Au lieu de la pitié ("Mitlied" = sym-pathie = con-doléance = com-passion), Nietzsche propose la "co-jubilation" ("Mitfreude"), la joie mutuelle qu'éprouvent les amis en apprenant leurs victoires respectives. (Nietzsche, "Le Gai Savoir")
Alain de Benoist, comme Montherlant, est lui aussi un héritier de Nietzsche dans cette quête des tensions et de l'adversité. Son douzième principe de "morale" est rédigé de la façon suivante : "Nietzsche : ' Qu'est-ce qui est noble ? -- Rechercher les situations où l'on a besoin d'attitudes. Abandonner le bonheur du grand nombre, ce bonheur qui est paix de l'âme, vertu, confort, mercantilisme à l'anglo-saxonne. Rechercher instinctivement les responsabilités lourdes. Savoir se faire partout des ennemis, au pis aller s'en faire un de soi-même". (Alain de Benoist, "Les idées à l'endroit")

La pitié, comme l'espérance, sont des solutions de facilité, des épanchements de coeurs perméables, incapables de se conserver entiers pour irriguer un grand dessein. Depuis l'antiquité les cultures indo-européennes ont été submergées par des marées d'ilotes et d'esclaves qui ont su profiter de cette terrible lacune, l'absence de coeurs durs, pour corrompre et amolir les empires qui étaient construits, précisément, sur une qualité d'hommes les excluant. C'est le sens de l'accusation portée par Montherlant contre la décadence dans "Le Treizième César" (1970) et "La Marée du Soir" (1972). C'est aussi le sens du terrible avertissement lancé par Jean Raspail dans son roman "Le Camp des Saints" (1971), où il dépeint un Occident lâche, succombant sous sa propre "morale", envahi par des peuples de couleur robustes et impitoyables. »

Jacques Marlaud, Chapitre "Montherlant : L'Être Homme", in "Le Renouveau païen dans la pensée française"

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J’admire au plus haut la naïveté sublime de cette foi

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« Je laisse aller ma chanson, en écrivant ces lignes, et rêve de François Pizarre, monstre de force brute devant l’infidèle et agneau devant son dieu. Il va mourir, tel César, percé de coups par des conspirateurs qui étaient ses amis. Il est seul et agonise comme une bête sur les dalles du palais mais, dans son cœur, il n’y a qu’un désespoir, il n’y a qu’une panique : il va mourir sans poser ses lèvres sur la croix que les hommes de Dieu tendent vers ceux qui s’en vont de ce monde. Que fait-il alors ? Il plonge sa main dans le sang qui coule de ses entrailles et, sur les dalles, toutes forces rassemblées, il trace une vaste croix de sang vers laquelle il rampe dans un dernier effort et sur laquelle il se couche. » Il meurt, apaisé, face contre le sol et crucifié sur cette rouge et divine souillure qu’il vient de tracer. J’admire au plus haut  la naïveté sublime de cette foi. »

Jean Cau, Le Chevalier, la Mort et le Diable

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Notre impuissance à posséder la vie...

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« Si le signe de l'époque est la confusion, je vois à la base de cette confusion une rupture entre les choses, et les paroles, les idées, les signes qui en sont la représentation. On juge un civilisé à la façon dont il se comporte, et il pense comme il se comporte ; mais déjà sur le mot de civilisé il y a confusion ; pour tout le monde un civilisé cultivé est un homme renseigné sur des systèmes, et qui pense en systèmes, en formes, en signes, en représentations. Toutes nos idées sur la vie sont à reprendre à une époque où rien n'adhère plus à la vie. Et cette pénible scission est cause que les choses se vengent, et la poésie qui n'est plus en nous et que nous ne parvenons plus à retrouver dans les choses ressort, tout à coup, par le mauvais côté des choses ; et jamais on n'aura vu tant de crimes, dont la bizarrerie gratuite ne s'explique que par notre impuissance à posséder la vie. »

Antonin Artaud, Le Théâtre et son double

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05/09/2013

Vitalité du Capitalisme

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« Selon le mot célèbre, il est des morts qu'il faut qu'on tue. Et il y a aussi ces gens qu'un personnage de théâtre tuait et qui se portaient assez bien.
Tel est le cas du capitalisme. Avait-on assez annoncé qu'il se mourait, qu'il était mort ? "Vieillard, va-t-en donner mesure au fossoyeur." On le traitait comme un cadavre. On répétait le classique jam foetet "il pue déjà". Il y a peu de temps encore, dans un congrès socialiste, un orateur s'écria superbement : "Nous n'aurons même pas besoin de le renverser. Il tombe tout seul. Il s'éboule."

Au fond, cette idée était de celles que Karl Marx appelait avec mépris "petites bourgeoises". Elle se composait d'un mélange d'esprit catastrophique, de pessimisme et de panique. Elle était inspirée par la "crise". Tout le monde sait que le gros public, moutonnier, n'achète jamais en baisse. Il suffit qu'une valeur descende à la Bourse pour qu'il la croie perdue. Il croit bon tout ce qui monte. Il ne connaît pas de milieu entre la hausse illimitée et la chute verticale et sans remède.

Quand l'homme de la rue a vu fondre les bénéfices, diminuer ou disparaître les dividendes, il s'est naturellement imaginé que c'était fini, que la prospérité ne reviendrait jamais, que le système touchait à sa fin. Le capitaliste qui désespère de son titre n'est pas dans un état d'esprit différent de celui du socialiste qui attend "l'éboulement" et la "lutte finale".


Cependant, toutes les entreprises n'ont pas sombré. Tous les grands trusts ne se sont pas effondrés. Il y a des affaires qui ont tenu bon. Et même les cours remontent. Ils ont souvent doublé en un an. Le capitalisme n'est-il donc pas mort ? Non, petit bonhomme vit toujours.

Il n'en est pas à ses premières alertes. Qu'on le demande plutôt à ces "deux cents familles" que le Rassemblement populaire dénonce comme une puissance affreuse et féodale, sans d'ailleurs les désigner une par une. On le regrette. Ce serait bien mieux s'il les nommait. On verrait qu'il n'en est pas une seule, pourvu qu'elle soit un peu ancienne, qui n'ait connu dans son histoire des moments où elle a paru tout près de la ruine. Et, sans parler des disparues, les plus puissantes ont été parfois les plus menacées. Elles n'ont pas oublié qu'elles ont souvent tremblé sur leurs bases.

Le capitalisme ne "s'éboule" pas pour la raison qu"il s'est toujours éboulé. Il est fait d'une suite de destructions et de constructions. L'inimitable dandy, le Brummel de notre temps, Boni de Castellane, enseignait aux gens de son monde "l'art d'être pauvre". Il y a aussi un art non seulement d'être riche mais d'être capitaliste, art qui consiste à savoir d'abord que les richesses ne sont pas éternelles, qu'elles sont fragiles et ensuite qu'elles se reforment sans cesse, dans d'autres conditions, rarement d'ailleurs entre les mêmes mains.


Imaginez un peu ce que les contemporains de la révolution française ont pu penser de l'avenir du capitalisme. Si le mot, alors, n'était pas employé, la chose existait. Si les valeurs mobilières n'étaient ni aussi nombreuses ni aussi répandues qu'aujourd'hui, elles étaient fort loin d'être inconnues. La haute, moyenne et petite bourgeoisie vit s'entrouvrir l'abîme, lorsque furent anéanties ces actions de la Compagnie des Indes, qui figuraient, comme on dirait aujourd'hui, dans les portefeuilles les mieux composés. La modeste dot que Mme de Chateaubriand avait apportée à son illustre époux consistait en rentes sur le clergé qui passaient pour être d'une solidité à toute épreuve et qui étaient en effet supérieurement gagées. Seulement le gage s'évanouit et, un jour, le futur auteur des Mémoires d'outre-tombe reçut pour toute compensation un lot d'assignats, qu'il eût, par surcroît, le malheur d'oublier dans un fiacre.

Il y eut pourtant des affaires qui survécurent à la tourmente révolutionnaire et aux mesures, d'un communisme incontestable, qui furent prises alors. Saint-Gobain, qui remonte au XVIIème siècle, vit toujours, après des hauts et des bas. Cependant un officier d'artillerie, qui s'appelait Choderlos de Laclos, l'auteur fameux des Liaisons dangereuses, recommandait à sa femme, au cas où il viendrait à disparaître, de ne se défaire, sous aucun prétexte, de ses "charbons d'Anzin" dont il possédait des parts. Moraliste et psychologue, Laclos avait confiance dans l'avenir du capitalisme.

Ce sont des choses qu'on se rappelle avec un certain plaisir philosophique. Nous ne mentionnerons pas non plus sans une douce et paisible ironie qu'au début de ce siècle, un journal financier très sage, très pondéré, archibourgeois et archiprudent avait organisé un concours parmi ses lecteurs non moins graves que lui pour les inviter à désigner les deux meilleures valeurs du monde. La majorité des suffrages s'était portée sur l'action des Chemins de fer du Nord et sur l'action de la Banque de Paris et des Pays-Bas. Assurément ce n'est pas le résultat que le même genre de plébiscite donnerait aujourd'hui. Qui se hasarderait à décerner cette palme et à nommer le phénix des valeurs ?

Mais les valeurs mobilières sont comme les feuilles, les fleurs et les oiseaux. Elles tombent, s'envolent et renaissent. Elles sont aussi comme les livres et les chansons qui ont leur destin. Enfin, elles sont faites surtout pour les villes, où l'on oublie vite.

A la campagne, la mémoire est plus longue. L'expérience compte plus et profite mieux. Le capitalisme est un mot abstrait qui n'offre pas beaucoup de sens. On sait ce que c'est que la propriété sous sa forme la plus visible et la plus tangible qui est la propriété foncière, la seule que l'on croie vraiment solide. Pourtant, celle-là même qui est au "soleil", on la sait sujette aux fluctuations et aux accidents. Il est encore des vieillards qui se souviennent de la crise agricole de 1892-1893. Alors les terres se louaient à vil prix. Parfois elles étaient abandonnées. Les propriétaires purent se croire ruinés. Et les prétendants prenaient la fuite lorsqu'ils apprenaient que la dot consistait en fermes.

Il y a douze ou quinze ans, au moment du grand engouement pour la terre valeur réelle, les anciens, au fond des provinces, hochaient la tête. Ils disaient que ça ne durerait pas. Et ils n'imposaient à leurs fermiers que des baux raisonnables, ils refusaient de les mettre au coefficient 7 ou 5 en faisant cette prophétie : " A quoi cela nous servira-t-il, puisque ce sont des prix que, tôt ou tard, ils ne pourront pas payer ?"

Telle est la sagesse du capitalisme rural lequel est essentiellement traditionnel et modéré et, pour cela même, éternel. Il sait que les peupliers ne montent pas jusqu'au ciel, que les chênes ne plongent pas leurs racines jusqu'au centre de la terre, que rien ne va jamais ni de plus en plus ni de moins en moins, que les catastrophes sont souvent individuelles, bien rarement collectives et totales et que ceux qui les attendent ressemblent à ces hommes qui redoutaient l'an mil et s'abstenaient de fonder et de travailler, tandis que les plus sensés, au lieu de penser à la fin du monde, continuaient leurs petites affaires. »

Jacques Bainville, Paru le 10 février 1936, lendemain de sa mort, dans le journal "L'Eclair de Montpellier", cet article est le dernier de Jacques Bainville...

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04/09/2013

J'appelle classique ce qui est sain, et romantique ce qui est malade

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« J'appelle classique ce qui est sain, et romantique ce qui est malade. Ainsi les Nibelungen sont classiques comme l'est Homère : tous deux sont sains et forts. Si la plupart des oeuvres modernes sont romantiques, ce n'est pas parce qu'elles sont modernes, mais parce qu'elles sont faibles, informes et malades ; et si ce qui est antique est classique, ce n'est pas parce que c'est ancien, mais parce que c'est robuste, frais, joyeux et sain. En distinguant, selon ces caractères, le classique et le romantique, nous saurons à quoi nous en tenir. »

Johann Wolfgang von Goethe à J. P. Eckermann, 2 avril 1829 ; in "Conversations avec Goethe"

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Téléchargez en deux fichiers PDF le livre de J. P. Eckermann, "Conversations avec Goethe" via le site de Maxence Caron :

*Conversations avec Goethe - Tome I.PDF

*Conversations avec Goethe - Tome II.PDF

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L’expansion de l’Occident a aussi été facilitée par la supériorité de son organisation

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« L’expansion de l’Occident a aussi été facilitée par la supériorité de son organisation, de sa discipline, de l’entraînement de ses troupes, de ses armes, de ses moyens de transport, de sa logistique, de ses soins médicaux, tout cela étant la résultante de son leadership dans la révolution industrielle. L’Occident a vaincu le monde non parce que ses idées, ses valeurs, sa religion étaient supérieures (rares ont été les membres d’autres civilisations à se convertir), mais plutôt par sa supériorité à utiliser la violence organisée. Les Occidentaux l’oublient souvent, mais les non-Occidentaux jamais.

Les civilisations puissantes sont universelles : les civilisations faibles sont particularistes. La confiance en soi grandissante de l’Extrême-Orient a fait émerger un universalisme asiatique comparable à celui qui était caractéristique de l’Occident. "Les valeurs asiatiques sont des valeurs universelles. Les valeurs européennes sont des valeurs européennes" a déclaré le Premier ministre Mahatir aux chefs de gouvernement européens en 1996. Qui plus est, une sorte d’ "occidentalisme" asiatique dépeint l’Occident de la même façon, uniforme et négative, que l’orientalisme asiatique avait, naguère, de présenter l’Orient. Pour les Extrêmes-Orientaux, la prospérité économique est une preuve de supériorité morale. Si l’Inde supplante un jour l’Extrême-Orient comme zone connaissant le développement le plus rapide au monde, on débattra de la supériorité de la culture hindoue, de la contribution du système des castes au développement économique et du fait que c’est en retournant à ses racines et en abandonnant l’héritage occidental moribond laissé par l’impérialisme britannique que l’Inde a finalement réussi à trouver sa place parmi les civilisations majeures. L’affirmation culturelle suit la réussite matérielle : la puissance dure engendre la puissance douce. »

Samuel P. Huntington, Le Choc des civilisations

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03/09/2013

De grands yeux étonnés, qui ne cillaient pas en rencontrant les miens

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Hélie Denoix de Saint Marc, assis, le premier à droite...

« Je me souviens d’une nuit en pays thaï, après un parachutage. L’ennemi avait décroché au bout d’une journée de combat. Nous étions éreintés. Je n’avais pas dormi plus de quatre heures en trois jours. Je suis tombé dans un sommeil sans rêve ni réveil. Quand je suis revenu à moi, le matin s’était levé. Une légère brume tapissait le sol, à la hauteur du mauvais bat-flanc sur lequel j’avais dormi. Immobile, j’ai ouvert les yeux. Des enfants, à demi nus, se sont approchés de moi. Ils m’ont dévisagé, avec de grands yeux étonnés, qui ne cillaient pas en rencontrant les miens. Ils m’apportaient un bol de soupe. Derrière eux, un énorme buffle, sorti tout droit de la préhistoire, avançait lentement, dodelinant de la tête, dédaigneux, comme s’il inspectait son domaine personnel. La joie déferlait en moi, en ondes puissantes. Je ne pouvais pas la contrôler. J’avais l’impression de naître à nouveau. C’était une joie d’une force animale - et pourtant tellement humaine. Un nouveau jour se levait. J’avais failli ne jamais le connaître. On avait voulu me tuer. J’avais sans doute tué d’autres hommes. De l’autre côté de la montagne, des soldats pleuraient leurs camarades, tués par ma faute. Des vies, peut-être admirables, s’étaient arrêtées. Des familles étaient endeuillées pour toujours. L’horreur de la guerre était passée, à laquelle ni moi ni eux ne pouvions rien. La vie suivait son cours éternel, sans se soucier de nous. »

Hélie de Saint Marc, Les sentinelles du Soir

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02/09/2013

Il était mûr pour l'isolement

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« Tel qu'un ermite, il était mûr pour l'isolement, harassé par la vie, n'attendant plus rien d'elle ; tel qu'un moine aussi il était accablé d'une lassitude immense, d'un besoin de recueillement, d'un désir de ne plus rien avoir de commun avec les profanes qui étaient, pour lui, les utilitaires et les imbéciles.
En résumé, bien qu'il n'éprouvât aucune vocation pour l'état de grâce, il se sentait une réelle sympathie pour ces gens enfermés dans des monastères, persécutés par une haineuse société qui ne leur pardonne ni le juste mépris qu'ils ont pour elle, ni la volonté qu'ils affirment de racheter, d'expier, par un long silence, le dévergondage toujours croissant de ses conversations saugrenues ou niaises. »

Joris-Karl Huysmans, À rebours

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