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21/09/2012

Le moi est prononcé

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« À partir du moment où l'on reconnaît que le monde ne poursuit aucune fin, Nietzsche propose d'admettre son innocence, d'affirmer qu'il ne relève pas du jugement puisqu'on ne peut le juger sur aucune intention, et de remplacer par conséquent tous les jugements de valeur par un seul oui, une adhésion entière et exaltée à ce monde. Ainsi, du désespoir absolu jaillira la joie infinie, de la servitude aveugle, la liberté sans merci. Etre libre, c'est justement abolir les fins. L'innocence du devenir, dès qu'on y consent, figure le maximum de li-berté. L'esprit libre aime ce qui est nécessaire. La pensée profonde de Nietzsche est que la nécessité des phénomènes, si elle est absolue, sans fissures, n'implique aucune sorte de contrainte. L'adhésion totale à une nécessité totale, telle est sa définition paradoxale de la liberté. La question 'libre de quoi ?' est alors remplacée par 'libre pour quoi ?' La liberté coïncide avec l'héroïsme. Elle est l'ascétisme du grand homme, 'l'arc le plus tendu qui soit'. Cette approbation supérieure, née de l'abondance et de la plénitude, est l'affirmation sans restrictions de la faute elle-même et de la souffrance, du mal et du meurtre, de tout ce que l'existence a de problématique et d'étrange. Elle naît d'une volonté arrêtée d'être ce que l'on est dans un monde qui soit ce qu'il est, 'Se considérer soi-même comme une fatalité, ne pas vouloir se faire autrement que l'on est...' Le moi est prononcé. »

Albert Camus, L'Homme Révolté

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20/09/2012

Contre ces doctrinaires qui se déclarent affranchis de toute règle et de tout scrupule

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« Si j'ai essayé de définir quelque chose, ce n'est rien d'autre, au contraire, que l'existence commune de l'histoire et de l'homme, la vie de tous les jours à édifier dans le plus de lumière possible, la lutte obstinée contre sa propre dégradation et celle des autres.
C'est aussi de l'idéalisme, et du pire, que de finir par surprendre toute action et toute vérité à un sens de l'histoire qui n'est pas inscrit dans les événements et qui, de toutes manières, suppose une fin my-thique. Serait-ce donc du réalisme que de prendre pour loi de l'histoi-re l'avenir, c'est-à-dire justement ce qui n'est pas encore l'histoire, et dont nous ne savons rien de ce qu'il sera ?

Il me semble au contraire que je plaide pour un vrai réalisme contre une mythologie à la fois illogique et meurtrière, et contre le nihilisme romantique, qu'il soit bourgeois ou prétendument révolutionnaire. Pour tout dire, loin d'être romantique, je crois à la nécessité d'une règle et d'un ordre. Je dis simplement qu'il ne peut s'agir de n'importe quelle règle. Et qu'il serait surprenant que la règle dont nous avons besoin nous fût donnée par cette société déréglée, ou, au contraire, par ces doctrinaires qui se déclarent affranchis de toute règle et de tout scrupule. »

Albert Camus, L'artiste et son temps, in Actuelles II - Chroniques, 1948-1953

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19/09/2012

Ce sont là des joies saines

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« Ce sont là des joies saines. Il faut bien croire qu'elles constituent l'idéal de ces jeunes gens puisque la plupart continuent cette vie pendant l'hiver et, tous les jours à midi, se mettent nus au soleil pour un déjeuner frugal. Non qu'ils aient lu les prêches ennuyeux des naturistes, ces protestants de la chair (il y a une systématique du corps qui est aussi exaspérante que celle de l'esprit). Mais c'est qu'ils sont « bien au soleil ». On ne mesurera jamais assez haut l'importance de cette coutume pour notre époque. Pour la première fois depuis deux mille ans, le corps a été mis nu sur des plages. Depuis vingt siècles, les hommes se sont attachés à rendre décentes l'insolence et la naïveté grecques, à diminuer la chair et compliquer l'habit. Aujourd'hui et par-dessus cette histoire, la course des jeunes gens sur les plages de la Méditerranée rejoint les gestes magnifiques des athlètes de Délos. Et à vivre ainsi près des corps et par le corps, on s'aperçoit qu'il a ses nuances, sa vie et, pour hasarder un non-sens, une psychologie, qui lui est propre. »

Albert Camus, L'été à Alger, in Noces

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18/09/2012

Le Fascisme et l'Antifascisme par Pier Paolo Pasolini

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J'ai choisi la justice pour rester fidèle à la terre

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« J'ai choisi la justice au contraire, pour rester fidèle à la terre. Je continue à croire que ce monde n'a pas de sens supérieur. Mais je sais que quelque chose en lui a du sens et c'est l'homme, parce qu'il est le seul être à exiger d'en avoir. Ce monde a du moins la vérité de l'hom-me et notre tâche est de lui donner ses raisons contre le destin lui-même. Et il n'a pas d'autres raisons que l'homme et c'est celui-ci qu'il faut sauver si l'on veut sauver l'idée qu'on se fait de la vie. Votre sourire et votre dédain me diront : qu'est-ce que sauver l'homme ? Mais je vous le crie de tout moi-même, c'est ne pas le mutiler et c'est donner ses chances à la justice qu'il est le seul à concevoir.
Voilà pourquoi nous sommes en lutte. Voilà pourquoi nous avons dû vous suivre d'abord dans un chemin dont nous ne voulions pas et au bout duquel nous avons, pour finir, trouvé la défaite. Car votre déses-poir faisait votre force. Dès l'instant où il est seul, pur, sûr de lui, im-pitoyable dans ses conséquences, le désespoir a une puissance sans merci. C'est celle qui nous a écrasés pendant que nous hésitions et que nous avions encore un regard sur des images heureuses. Nous pensions que le bonheur est la plus grande des conquêtes, celle qu'on fait contre le destin qui nous est impose. Même dans la défaite, ce regret ne nous quittait pas. » (Juillet 1944)

Albert Camus, Lettres à un ami allemand

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17/09/2012

L'Europe

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« Vous parlez de l'Europe mais la différence est que l'Europe, pour vous, est une propriété tandis que nous nous sentons dans sa dé-pendance. Vous n'avez parlé ainsi de l'Europe qu'à partir du jour où vous avez perdu l'Afrique. Cette sorte d'amour n'est pas la bonne. Cette terre où tant de siècles ont laissé leurs exemples n'est pour vous qu'une retraite forcée tandis qu'elle a toujours été notre meil-leur espoir. Votre trop soudaine passion est faite de dépit et de né-cessité. C'est un sentiment qui n'honore personne et vous compren-drez alors pourquoi aucun Européen digne de ce nom n'en a plus voulu.
Vous dites Europe, mais vous pensez terre à soldats, grenier à blé, industries domestiquées, intelligence dirigée. Vais-je trop loin ? Mais du moins je sais que lorsque vous dites Europe, même à vos meilleurs moments, lorsque vous vous laissez entraîner par vos propres menson-ges, vous ne pouvez vous empêcher de penser à une cohorte de nations dociles menée par une Allemagne de seigneurs, vers un avenir fa-buleux et ensanglanté. je voudrais que vous sentiez bien cette diffé-rence, l'Europe est pour vous cet espace cerclé de mers et de monta-gnes, coupé de barrages, fouillé de mines, couvert de moissons, où l'Al-lemagne joue une partie, dont son seul destin est l'enjeu. Mais elle est pour nous cette terre de l'esprit où depuis vingt siècles se poursuit la plus étonnante aventure de l'esprit humain. Elle est cette arène privi-légiée où la lutte de l'homme d'Occident contre le monde, contre les dieux, contre lui-même, atteint aujourd'hui son moment le plus boule-versé. Vous le voyez, il n'y a pas de commune mesure. » (Avril 1944)

Albert Camus, Lettres à un ami allemand

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16/09/2012

Votre défaite est inévitable

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« Car nous serons vainqueurs, vous n'en doutez pas. Mais nous serons vainqueurs grâce à cette défaite même, à ce long cheminement qui nous a fait trouver nos raisons, à cette souffrance dont nous avons senti l'injustice et tiré la leçon. Nous y avons appris le secret de toute victoire et si nous ne le perdons pas un jour, nous connaîtrons la victoire définitive. Nous y avons appris que contrairement à ce que nous pensions parfois, l'esprit ne peut rien contre l'épée, mais que l'esprit uni à l'épée est le vainqueur éternel de l'épée tirée pour elle-même. Voilà pourquoi nous avons accepté maintenant l'épée, après nous être assurés que l'esprit était avec nous. Il nous a fallu pour cela voir mourir et risquer de mourir, il nous a fallu la promenade matinale d'un ouvrier français marchant à la guillotine, dans les couloirs de sa prison, et exhortant ses camarades, de porte en porte, à montrer leur coura-ge. Il nous a fallu enfin, pour nous emparer de l'esprit, la torture de notre chair. On ne possède bien que ce qu'on a payé. Nous avons payé chèrement et nous paierons encore. Mais nous avons nos certitudes, nos raisons, [30] notre justice : votre défaite est inévitable. » (Juillet 1943)

Albert Camus, Lettres à un ami allemand

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15/09/2012

Et c'est pourquoi l'espoir ne me quitte pas

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« Mais je veux être clair avec vous. Je crois que la France a perdu sa puissance et son règne pour longtemps et qu'il lui faudra pendant longtemps une patience désespérée, une révolte attentive pour retrouver la part de prestige nécessaire à toute culture. Mais je crois qu'elle a perdu tout cela pour des raisons pures. Et c'est pourquoi l'espoir ne me quitte pas. Voilà tout le sens de ma lettre. Cet homme que vous avez plaint, il y a cinq ans, d'être si réticent à l'égard de son pays, c'est le même qui veut vous dire aujourd'hui, à vous et à tous ceux de notre âge en Europe et dans le monde : "J'appartiens à une nation admirable et persévérante qui, par-dessus son lot d'erreurs et de faiblesses, n'a pas laissé perdre l'idée qui fait toute sa grandeur et que son peuple toujours, ses élites quelquefois, cherchent sans cesse à formuler de mieux en mieux. J'appartiens à une nation qui depuis quatre ans a recommencé le parcours de toute son histoire et qui, dans les décombres, se prépare tranquillement, sûrement, à en refaire une autre et à courir sa chance dans un jeu où elle part sans atouts. Ce pays vaut que je l'aime du difficile et exigeant amour qui est le mien. Et je crois qu'il vaut bien maintenant qu'on lutte pour lui puisqu'il est digne d'un amour supérieur. Et je dis qu'au contraire votre nation n'a eu de ses fils que l'amour qu'elle méritait, et qui était aveugle. On n’est pas justifié par n'importe quel amour. C'est cela qui vous perd. Et vous qui étiez déjà vaincus dans vos plus grandes victoires, que sera-ce dans la défaite qui s'avance ?" » (Juillet 1943)

Albert Camus, Lettres à un ami allemand

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Dans un monde sans liberté

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« Le seul moyen d'affronter un monde sans liberté est de devenir si absolument libre qu'on fasse de sa propre existence un acte de révolte. »

Albert Camus, L'Homme révolté

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14/09/2012

Rétablir l'ordre...

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« Quand le monde nous semble vaciller sur ses bases, un regard jeté sur une fleur peut rétablir l'ordre. »

Ernst Jünger, La Cabane dans la vigne

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Sois fort, tu seras libre

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« Sois fort, tu seras libre ; accepte la souffrance
Qui grandit ton courage et t’épure ; sois roi
Du monde intérieur, et suis ta conscience,
Cet infaillible dieu que chacun porte en soi.

Espères-tu que ceux qui, par leur providence
Guident les sphères d’or, vont violer pour toi
L’ordre de l’univers ? Allons, souffre en silence,
Et tâche d’être un homme et d’accomplir ta loi.

Les grands dieux savent seuls si l’âme est immortelle ;
Mais le juste travaille à leur œuvre éternelle,
Fût-ce un jour, leur laissant le soin de l’avenir,

Sans rien leur envier, car lui, pour la justice
Il offre librement sa vie en sacrifice,
Tandis qu’un dieu ne peut ni souffrir ni mourir. »

Louis Ménard, "Stoïcisme", in "Rêveries d’un païen mystique"

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13/09/2012

Richard Millet, "Eloge Littéraire d'Anders Breivik"

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« Je voudrais néanmoins rappeler qu'une grande partie de ma réflexion vise à comprendre la concomitance du déclin de la littérature et la modification en profondeur de la population de la France et de l'Europe tout entière par une immigration extra-européenne massive et continue, avec pour éléments intimidants les bras armés du salafisme et du politiquement correct au sein d'un capitalisme mondialisé, c'est-à-dire le risque d'une destruction de l'Europe de culture humaniste, ou chrétienne, au nom même de l'"humanisme" dans sa version "multiculturelle". »

Richard Millet, dans son article, "Pourquoi me tuez-vous ?", publié le 12/09/2012 dans L'Express

 

« Therefore, reality must be suppressed. If the ideology has power, it uses its power to undertake this suppression. It forbids writing or speaking certain facts. Its goal is to prevent not only expression of thoughts that contradict what “must be true,” but thinking such thoughts. In the end, the result is inevitably the concentration camp, the gulag and the grave. »

Anders Breivik, 2083 : A European Declaration of Independence.PDF

 

"Et, avec le temps, l'aspect de cette chose sans nom devenait de plus en plus ignoble, débordante, genre crête de coq purpuracée et plus ou moins déchiquetée et pendante, et, avec la maladie, cela se mit à puruler et à répandre une odeur nauséabonde."

Blaise Cendrars, cité par : Yvette Bozon-Scalzitti, in "Blaise Cendrars", 1977

 

J'ai reçu, hier, mon exemplaire du dernier Richard Millet qui fait tant jaser, "Langue Fantôme" suivi des quelques 17 pages de l' "Eloge Littéraire d'Anders Breivik" qui a provoqué la levée de boucliers de toute la bien-pensance culturo-médiatique franchouillarde ces deux dernières semaines. La meute de la harpie Annie Ernaux exigeant, comme à son habitude, la tête des dissidents, car c'est bien de ça dont il s'agit.

Refermant l'opuscule court et nerveux de Millet je me suis dit : "Tout ça pour ça ?!?!"

Bon, expédions ce qui chagrine tout le monde. Les toutes premières lignes d' "Eloge Littéraire d'Anders Breivik" :

« Au moment d'entreprendre ce qui pourrait être un "Eloge Littéraire d'Anders Breivik", je voudrais qu'on garde à l'esprit que je n'approuve pas les actes commis par Breivik, le 22 juillet 2011, en Norvège. »

Ses détracteurs l'ont-ils lu ? J'en doute fortement. Mais là n'est pas mon propos. C'est d'autre chose que je désire vous entretenir.

Son court essai pamphlétaire est, une fois encore, alourdi par ses postures anticapitalistes et anti-américaines que je n'hésiterais pas à qualifier de "primaires". Cela me surprend toujours de voir des écrivains brillants, et Richard Millet en est un, ne pas chercher à pousser un peu plus loin leurs analyses de la situation mondiale qui est la nôtre. Son analyse de la forme est juste, mais sa perception du fond de l'affaire manque de nuances et de subtilité.
Pour ma part, ni les USA, ni le Capitalisme ne sont à mettre en cause dans l'affaire de la mondialisation globalisante qui concourt à abattre les nations et les identités, mais bel et bien un fond mental qui travaille l'Humanité grosso modo depuis la Chute et l'Exil que des penseurs aussi divers que La Boétie (et ce qu'il dit de la servitude) ou Nietzsche (et ce qu'il dit de "La Mort de Dieu") ont su, au cours des siècles, mettre à jour. Un fond mental qui va en se perpétuant et en s'amplifiant le temps passant. Et je pourrais, bien entendu, mettre en avant les Ecrits Saints et Prophétiques qui soutiennent l'ossature de la Sainte Bible, mais je ne veux pas trop froisser les athées en série.
Ce processus de désagrégation générale travaille le monde entier, les USA comme le monde arabo-musulman compris et les sursauts identitaires ou autres qui président à tout cela sont des sursauts de part et d'autre à travers les cultures du monde, par réflexe, afin de tenter de dire "non" à cette déliquescence pour laquelle on ne parvient pas encore complètement à trouver les mots justes pour dire les maux qui la provoque, le tout mis en lumière par l'hypnose spectaculaire que Debord, Baudrillard ou Muray avaient analysé avec la lucidité qui était la leur. Des symptômes de quelque chose de bien plus profond qui échappe à presque tout le monde, à Richard Millet lui-même qui tient, pourtant, tête avec ses moyens au processus en cours.
Les terroristes musulmans comme certains hommes d'affaires font n'importe quoi, les uns pour préserver leur vieux mode de vie et, même, l'imposer au reste du monde, les autres pour briser toutes les entraves morales quant à la manière de générer de l'argent à des fins purement égoïstes sans soucis des conséquences. Sans oublier, surtout, l'Etat qui nous créé par désir d'apaisement social des monstres économiques comme les Subprimes afin d'offrir l'accession à la propriété à des catégories de personnes incapables de l'assumer financièrement... avec les conséquences que l'on sait pour la suite et qui permettent, dans la foulée, de tout mettre une nouvelle fois sur le dos de ce bon vieux Capitalisme, le bouc-émissaire idéal. Mais tout cela n'est rien. C'est pas grand-chose. C'est de l'ordre de l'épiphénomène si on se penche un peu dessus. Parties visibles du monstrueux iceberg.

Par contre, son texte court fait mouche en un autre domaine qui me semble imparable. Sur un plateau de télévision je l'ai entendu dire une fois que ce qui faisait la Grèce Antique c'est qu'Homère avait écrit "L'Iliade" ou "L'Odyssée", et ça, cela me semble juste et non négociable. Si les historiens, archéologues, philologues et anthropologues nous font accéder à des données quant à la manière de vivre et de propager leurs civilisations des populations anciennes ou présentes, ceux qui nous transmettent les symboles, les mythes et la Poiesis de ces peuples en question ce sont les écrivains. La Littérature. De "L'épopée de Gilgamesch"aux fulgurantes obsessions de Philip K. Dick, la Littérature dit ce qu'est le monde, ce qu'est la vie et participe même à son élaboration. Elle est, alors, victorieuse. Or, que constate Richard Millet ? Il constate que ce qu'on nomme "Littérature" aujourd'hui n'est plus qu'une longue agonie, une défaite, un refus de voir le monde tel qu'il est afin d'en tirer la substantifique moelle, mais une stratégie niaise et propagandiste contre des fantasmes et des fantômes (dont la fameuse "Extrême-Droite" mise à toutes les sauces), alors que la Littérature est un art bien plus délicat et complexe qui admet les ambiguïtés de l'âme humaine, les transformant en ingrédients nécessaires à son processus d'émergence, ne refusant pas de se servir d’un matériau difficile et tabou afin de provoquer un impact moral en posant des questions et en grattant les plaies que l'Humanité tend à oublier sous des couches épaisses de pansements qui, à la longue, ne font que puruler les blessures endormies.

Les auteurs d'aujourd'hui, dans leur très grande majorité, ne font que se tirer sur l'élastique, pardonnez-moi l'expression. Ils refusent de disséquer la réalité et de plonger leur nez dans la merde. A ce difficile travail sur le monde et sur soi ils préfèrent la berceuse prévisible des idéaux socialo-humanitaristes, enflés de posture anti-fasciste, car le fascisme est désormais dans absolument tout ce qui va contre leurs lénifiantes postures idéologiques. Ce que suggère Richard Millet, entre les lignes, c'est que ces écrivains ne sont écrivains que d'appellation. C'est le titre dont ils ont l'audace de s'affubler car ils écrivent des "succès", mais ils ne savent plus faire d'authentiques états des lieux et participent, de ce fait, à l'endormissement général avec leurs gros tirages éditoriaux et à la déliquescence sociétale, morale et identitaire des nations que plus personne, à part quelques valeureux franc-tireurs, n'ose interroger.

Et c'est là, à mon avis, que se trouve la véritable raison des Annie Ernaux, Tahar Ben Jelloun & co, de leur attaque contre Richard Millet. Inconsciemment ils ont très bien compris que c'est leur statut d'écrivain qu'il attaque avec un style qui leur manque, à eux, et ce malgré le fait que cet ironique "Eloge Littéraire d'Anders Breivik" ait été écrit rapidement, un peu maladroitement, mais avec l'angoisse au ventre quant à la vision que sa conscience lui donne du monde qui va vers le gouffre vers lequel il va.

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« Non que Breivik ait accompli le geste surréaliste le plus simple qui consiste, selon Breton, "revolver aux poings à descendre dans la rue et à tirer au hasard, tant qu’on peut, dans la foule" ; il n’a pas davantage pris Cioran au pied de la lettre à propos de ce désir d’extermination qu’inspire à tout homme sensé le fait de se trouver dans la rue. Deux énoncés, celui de Breton et celui de Cioran, dont on n’a pas assez remarqué qu’ils entrent en relation sur l’arrière-fond des guerres et des génocides du XXe siècle, avec l’écho de la condamnation par Adorno de la culture "après Auschwitz".
L’extermination comme motif littéraire : voilà l’injustifiable, et dont la question, posée indirectement (et sans doute involontairement) par Breivik à la surpopulation mondiale et au désastre écologique, redouble celles de la dénatalité européenne et de la rupture d’homogénéité de sociétés comme la norvégienne, la finlandaise, la suédoise, la danoise, la néerlandaise, tout pays ou ce qu’on appelle pudiquement les populistes sont entrés dans les gouvernements. Nous qui mesurons chaque jour l’inculture des indigènes tout comme l’abime qui nous sépare des populations extra-européennes installées sur notre sol, nous savons que c’est avant tout la langue qui en fait les frais, et avec elle la mémoire, le sang, l’identité. Donnerons-nous pour autant raison à Breivik, sous le prétexte que ses victimes n’étaient que de jeunes travaillistes, donc de futurs collaborateurs du nihilisme multiculturel ? Non : dans la perfection de l’écriture au fusil d’assaut, il y a quelque chose qui le mène au-delà du justifiable — ce qui pourrait être, néanmoins, une des définitions, restreintes, de la littérature, en même temps que la négation de celle-ci.
Le nombre, le multiculturalisme, l’horizontalité, le vertige de la fatigue ou de la perte du sens, ou encore ce que Renaud Camus appelle la "décivilisation", avec le "grand remplacement" qui en est le corollaire : voilà bien la défaite de la littérature. Et il est remarquable que, par-delà les considérations sur les nébuleuses d’une extrême droite dont on ne sait d’ailleurs pas tout à fait ce qu’elle est, sinon un fantasme du socialisme mondial, un journaliste du "Nouvel Observateur" ait noté, l’été 2011, que les célèbres auteurs de thrillers scandinaves n’avaient pas "prévu" Breivik, eux pourtant si prompts à dénoncer les prétendus complots néo- ou archéo-nazis menaçant ces sociétés dont on sait fort bien ce qui les ronge en réalité. Peut-être "expliquent"-ils Breivik. Ces écrivains, évidemment de gauche, ces vigilants, ces naïfs ne voient en général que ce qu’ils veulent voir ; les Davidsen, les NesbØ, les Mankell et le défunt auteur de "Millenium" sont aveugles, ou se crèvent les yeux, quand ils ne donnent pas dans la propagande, comme dans "Faux-Semblants", du Norvégien Kjell Ola Dahl, où Oslo est présentée comme capitale multiculturelle, avec ses immigrés extra-européens et ses quartiers bigarrés, si chers aux Bobos français : on y voit par exemple un commissaire de police, norvégien de souche, prendre le prénom de Mustafa pour épouser une immigrée musulmane, et une de ses collègue déambuler en s’émerveillant vers le quartier de Grobarlandslein : "Lena aimait se fondre dans la foule qui fourmillait entre les immeubles colorés, avec des apports d’architecture étrangère, comme le minaret dans Akerbergersvein. Seuls manquaient les appels à la prière du Muezzin pour compléter la touche exotique." Vision lénifiante d’un "exotisme" à domicile, derrière lequel on se refuse à considérer que le chant du Muezzin sonnerait la mort de la chrétienté, donc la fin de nos nations. Dans cette décadence, Breivik est sans doute ce que méritait la Norvège et ce qui attend nos sociétés qui ne cessent de s’aveugler pour mieux se renier, particulièrement la France et l’Angleterre ; loin d’être un ange exterminateur, ni une bête de l’Apocalypse, il est tout à la fois bourreau et victime, symptôme et impossible remède. Il est l’impossible même, dont la négativité s’est déchaînée dans le ciel spirituel de l’Europe.

Un autre écrivain norvégien, Gunnar Staalesen, plus subtil lui, plus ironique, surtout, plus écrivain peut-être, car ancien philologue, a intitulé l’un de ses romans, dont le héros est un détective désenchanté : "la nuit tous les loups sont gris". Breivik est l’un de ces désenchantés devenu un loup solitaire et gris. Breivik a quelque chose de gris. C’est en cela qu’il aurait pu être écrivain. Le journaliste du "Nouvel Observateur", ayant constaté l’aveuglement des contemporains, croit trouver l’origine de Breivik dans le grand Knut Hamsun, dont on sait qu’il fut ouvertement nazi et fini ses jours à l’asile, comme Breivik y finira peut-être les siens. "La faim" reste un livre extraordinairement moderne et brûlant de ce qui dévore le narrateur, tout comme "Pan", merveilleux livre sur le désir. Le même journaliste va jusqu’à s’en prendre à l’ "Edda", c’est-à-dire au fondement de la culture scandinave, ce qui ferait de Breivik la réincarnation dérisoire du loup Fendrir, fils du dieu ase Loki et meurtrier du dieu Odin que Snorri Sturluson décrit "la gueule hirsute, la mâchoire inférieure contre la terre, la supérieure contre le ciel". On est bien là dans un autre délire, lequel sert néanmoins le Nouvel Ordre mondial : celui qui tend à taxer de fasciste toute interrogation sur la pureté, l’identité, l’origine, et qui, à bout d’arguments, finit par récuser ce que nous sommes : notre culture, par exemple, la "Chanson de Roland", bientôt effacée de notre héritage car décrétée politiquement incorrecte et raciste, comme l’ "Edda" des nordiques, et avec elle ce qui nous permet encore de nommer et que le Nouvel Ordre moral est en train d’éradiquer : la littérature. »

Richard Millet, Eloge littéraire d’Anders Breivik

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Voyez aussi...


L'ami XP chez ILYS


Blueberry, chez ILYS


Pierre Cormary sur le RING

 

Elisabeth Lévy sur CAUSEUR


Juan Asensio sur Le Stalker


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Pour ça, fallait y aller au couteau, comprends-tu ?

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« Comprendre ? Tu crois que je gueule mais que je ne comprends pas ? Il y a longtemps que j'ai compris qu'ils avaient honte de nous, qu'ils ne savaient plus où nous cacher ! Moi et mes gars, on l'a faite la guerre, on l'a gagnée ! C'est nous ! Moi et ma poignée de types, on a fait trembler des armées, t'entends, des armées qui nous voyaient partout, qui ne pensaient qu'à nous, qui n'avaient peur que de nous dès que s'allumait la première fusée !
Tuer un type, tout le monde pouvait le faire, mais en le tuant, loger la peur dans le crâne de dix mille autres, ça c'était notre boulot ! Pour ça, fallait y aller au couteau, comprends-tu ? C'est le couteau qui a gagné la guerre, pas le canon ! [...] On est peut-être trois mille, pas plus, à s'en être servi, sur tous les fronts. C'est ces trois mille-là les vainqueurs !... Et maintenant ces salauds qui nous les ont distribués, larges comme ça, nos couteaux de nettoyeurs, nous crient : "Cachez ça ! Ce n'est pas une arme française, la belle épée nickelée de nos pères !... Et puis, cachez vos mains avec, vos sales mains qui ont barboté dans le sang, alors que nous, on avaient des gants pour pointer nos télémètres !... Et pendant que vous y êtes, cachez-vous aussi, avec vos gueules et vos voyous ! Regardez le bourreau s'il se tient peinard ! Faites-en autant, ou gare !" »

Roger Vercel, Capitaine Conan

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12/09/2012

Car cela est bon pour ma force

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« Ma vie ! Ma vie ! Comme elle est belle ! Comme j’aime ma vie !

J’aime la poussière sur mes bottes, la poussière sur la force de mes jambes. Je puis marcher dans de l’eau, plonger dans de la terre éboulée ! J’aime mes mains moites, pas propres. Ma canne, sur la poignée où je m’appuie, est salie par ma sueur mâle.

Que la sueur noire coule sur mes joues ! Je veux être un objet de répulsion pour les femmes.

Malédiction sur leur faiblesse ! Malédiction sur tous les faibles ! Malédiction sur les choses de l’âme ! Mon casque qui me serre et me brûle me fait moins mal autour des tempes que ne me faisait mal la pensée bête. (Cher casque, cache mon front, mon esprit.)

Du jour où j’ai eu mon casque m’a envahi la joie de tuer.

Qu’il est doux, mon browning brillant ! Qu’il est doux, mon bras quand je vise, si mol, si souple, pas tendu ! Parfois, tandis que je marche, ma main se glisse dans l’étui, le touche avec un geste presque impur. Je veux tuer beaucoup d’ennemis, bien que je les estime. Demain, tuer sera défendu.

Mes bottes craquent quand je marche. Je frappe avec mon bâton sur mes bottes.

Je suis le fort, celui qu’on peut insulter sans qu’il réponde. Je suis le silencieux, celui qui dédaigne d’intervenir. Et l’on me permet tout, à cause de mon courage. Mes actes n’ont de limites que celles où vient buter ma force.

Demain, la guerre finira et de nouveau, esclave des Pâles.

Mon Dieu, si je dois rentrer parmi les Pâles, mon Dieu, donnez-moi la puissance. Tous les merveilleux passe-droits pour moi et pour ceux que j’aime. Toutes les injustices et l’arbitraire, pour moi, pour ceux qui me plaisent ou que j’aime,comme aujourd’hui dans l’atmosphère d’infraction sur la terre de ma liberté et de ma vertu !

Malédiction, ridicule sur l’esprit ! Écrasement sur la connaissance ! Toute la connaissance des siècles ne vaut pas ce dur poignet imberbe. Si je suis tué, mon sage ami, mon ami irréprochable, brise mon crâne et piétine mon cerveau sous le talon de ta jambe colossale !

Mon cerveau ? Mais je n’en ai plus. J’ai vomi mon cerveau mou. Sans cœur et sans cerveau, l’amphioxus humain ! Sans cœur et sans cerveau, mais dis un nom quand j’agonise et debout je me reconstitue ; mort, je ferai sauter mon cercueil pour aller vers ce que je désire.

Malédiction, écume sur la tendresse ! Que nos cuirs sentent mauvais, que la terre colle dans nos oreilles, que rien ne soit plaisant sur la chair austère et drue. Nous voulons cela ! Malédiction sur ce qui plaît.

Mais si je rencontre une femme, je la terrasse et la rejette, car cela est bon pour ma force.

O bonheur lâché ! O bonheur crié dans sa chevelure ! Dieu, si j’ai jamais autant d’amour que j’aurai porté de bonheur, éclatée sera ma poitrine, et ce qui sert de ciel autour du monde !

La force sort de moi comme la sueur, hors l’épaule de la femme baisée. Vent entre mes doigts sans bagues, et la sainte stérilité des paumes, et le libre sang natal, libre comme la libre mer, et mes bottes qui craquent quand je marche sous ma vie et mon jarret garçonnier !

Je me moque de la Vérité ! Dérision sur la Vérité ! C’est pour ma patrie que je me bats. Si demain m’était démontré que ma patrie n’est pas la lumière, mais le boisseau qui cache la lumière, je ne m’en batterais pas moins pour ma patrie. Je me bats pour ma patrie et pour ma joie. Dérision sur ceux que choque ma joie !

Ma vie ! ma vie ! Comme elle est belle ! J’aime ma vie. »

Henry de Montherlant, Chant de la grande vie de vache

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11/09/2012

Vivre

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« Sur les raisons et les origines de ma souffrance, de ma mélancolie, de mon ensorcellement j’aurais pu dire les choses les plus ingénieuses et les plus sensées, la mécanique m’en était limpide. Mais ce dont j’avais le plus besoin, une soif si désespérée, ce n’était pas savoir et comprendre, c’était vivre, agir, m’élancer, sauter dans le vide. »

Hermann Hesse, Le loup des steppes

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Tout le monde ment...

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« Les contes de fées n'existent que dans les contes de fées... La vérité est plus décevante... La vérité est toujours décevante, c'est pourquoi tout le monde ment... »

Frédéric Beigbeder, L'amour dure trois ans

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10/09/2012

L'ennui

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« Désirer sans même pouvoir imaginer ce qu'on pourrait bien désirer, attendre sans avoir rien à attendre, tel est l'ennui »

Nicolas Grimaldi, Traité des solitudes

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Epurement...

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« Notre vie devrait être un constant épurement dont le but serait de trouver l’essence même de la vie. »

Louis Calaferte, Carnets VII - Etapes

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Les limites du bonheur

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« Les enfants, tout comme les amants, ont le pressentiment des limites du bonheur. »

Emil Michel Cioran, Des larmes et des saints



Photo volée chez Caroline

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09/09/2012

Kiss my ass

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«  Faites-moi des grimaces dans le dos tant que vous voudrez ; mon cul vous contemple. »

Gustave Flaubert, Lettre à Louise Colet - 28 Juin 1853

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La prudence...

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« La Prudence est une riche et laide vieille fille à qui l'incapacité fait la cour. »

William Blake, Le mariage du Ciel et de l'Enfer

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08/09/2012

La Vertu

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« Que le robuste jeune homme, par une rude discipline, apprenne à subir sans se plaindre l’étroite pauvreté ; que, cavalier redoutable, il harcelle de sa lance les Parthes indomptés.

Qu’il vive toujours en plein air et au milieu des choses alarmantes. Que la femme du tyran ennemi, que la vierge fiancée, le regardant du haut des tours assiégées,

Soupire : — Hélas ! Puisse mon royal époux, ignorant les combats, éviter le choc de ce lion terrible qu’une fureur sanglante emporte à travers le carnage !

Il est doux et beau de mourir pour la patrie. La Mort poursuit le fuyard et n’épargne ni les jarrets, ni le dos timide d’une lâche jeunesse.

La Vertu ignore les honteux affronts, elle brille d’honneurs immaculés ; elle ne prend ni ne dépose les haches au gré du souffle populaire.

La Vertu, fermant le ciel à ceux qui ont mérité de ne point mourir, y monte par des voies inconnues ; elle fuit avec dédain, d’une aile rapide, les vulgaires multitudes et la terre fangeuse.

Une sûre récompense est aussi réservée au silence fidèle. J’interdirai à celui qui aura révélé les mystères de Cérès d’habiter sous les mêmes poutres et de monter sur la même nef fragile que moi.

Souvent Diespiter oublié joint l’innocent au coupable. Le Châtiment au pied boiteux abandonne rarement la trace du scélérat qui fuit. »

Horace, Ode II - À la jeune romaine

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Il est bon aussi d'aimer

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« Il est bon aussi d’aimer ; car l’amour est difficile. L’amour d’un être humain pour un autre, c’est peut-être l’épreuve la plus difficile pour chacun de nous, c’est le plus haut témoignage de nous-même ; l’œuvre suprême dont toutes les autres ne sont que les préparations. C’est pour cela que les êtres jeunes, neufs en toutes choses, ne savent pas encore aimer ; ils doivent apprendre. De toutes les forces de leur être, concentrées dans leur cœur qui bat anxieux et solitaire, ils apprennent à aimer. Tout apprentissage est un temps de clôture. Ainsi pour celui qui aime, l’amour n’est longtemps, et jusqu’au large de la vie, que solitude, solitude toujours plus intense et plus profonde. L’amour ce n’est pas dès l’abord se donner, s’unir à un autre. (Que serait l’union de deux êtres encore imprécis, inachevés, dépendants ?) L’amour, c’est l’occasion unique de mûrir, de prendre forme, de devenir soi-même un monde pour l’amour de l’être aimé. C’est une haute exigence, une ambition sans limite, qui fait de celui qui aime un élu qu’appelle le large. Dans l’amour, quand il se présente, ce n’est que l’obligation de travailler à eux-mêmes que les êtres jeunes devraient voir (zu horchen und zu hämmern Tag und Nacht). Se perdre dans un autre, se donner à un autre, toutes les façons de s’unir ne sont pas encore pour eux. Il leur faut d’abord thésauriser longtemps, accumuler beaucoup. Le don de soi- même est un achèvement : l’homme en est peut- être encore incapable.

Là est l’erreur si fréquente et si grave des jeunes. Ils se précipitent l’un vers l’autre, quand l’amour fond sur eux, car il est dans leur nature de ne pas savoir attendre. Ils se déversent, alors que leur âme n’est qu’ébauche, trouble et désordre. Mais quoi ? Que peut faire la vie de cet enchevêtrement de matériaux gâchés qu’ils appellent leur union et qu’ils voudraient même appeler leur bonheur ? – Et quel lendemain ? Chacun se perd lui-même pour l’amour de l’autre, et perd l’autre aussi et tous ceux qui auraient pu venir encore. Et chacun perd le sens du large et les moyens de le gagner, chacun échange les va-et-vient des choses du silence, pleins de promesses, contre un désarroi stérile d’où ne peuvent sortir que dégoût, pauvreté, désillusion. Il ne lui reste plus qu’à trouver un refuge dans une de ces multiples conventions qui s’élèvent partout comme des abris le long d’un chemin périlleux. Nulle région humaine n’est aussi riche de conventions que celle-là. Canots, bouées, ceintures de sauvetage, la société offre là tous les moyens d’échapper. Enclins à ne voir dans l’amour qu’un plaisir, les hommes l’ont rendu d’accès facile, bon marché, sans risques, comme un plaisir de foire. Combien d’êtres jeunes ne savent pas aimer, combien se bornent à se livrer comme on le fait couramment (bien sûr, la moyenne en restera toujours là) et qui ploient sous leur erreur ! Ils cherchent par leurs propres moyens à rendre vivable et fécond l’état dans lequel ils sont tombés. Leur nature leur dit bien que les choses de l’amour, moins encore que d’autres, importantes aussi, ne peuvent être résolues suivant tel ou tel principe, valant dans tous les cas. Ils sentent bien que c’est là une question qui se pose d’être à être, et qu’il y faut, pour chaque cas, une réponse unique, étroitement personnelle. Mais comment, s’ils se sont déjà confondus, dans la précipitation de leur étreinte, s’ils ont perdu ce qui leur est propre, trouveraient-ils en eux-mêmes un chemin pour échapper à cet abîme où a sombré leur solitude ? »

Rainer Maria Rilke, Lettres à un jeune poète

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07/09/2012

La volupté de la chair

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« La volupté de la chair est une chose de la vie des sens au même titre que le regard pur, que la pure saveur d’un beau fruit sur notre langue, elle est une expérience sans limites qui nous est donnée, une connaissance de tout l’univers, la connaissance même dans sa plénitude et sa splendeur. Le mal n’est pas dans cette expérience, mais en ceci que le plus grand nombre en mésusent, proprement la galvaudent. Elle n’est pour eux qu’un excitant, une distraction dans les moments fatigués de leur vie, et non une concentration de leur être vers les sommets. Les hommes ont, du manger aussi, fait autre chose ; indigence d’un côté, pléthore de l’autre, ont troublé la clarté de ce besoin. Ainsi ont été troublés tous les besoins simples et profonds, par lesquels la vie se renouvelle. Mais chacun, pour soi-même, peut les clarifier et les vivre clairement. Sinon tous, du moins l’homme de solitude. Il est donné à celui-là de reconnaître que toute beauté, chez les animaux comme chez les plantes, est une forme durable et nue de l’amour et du désir. »

Rainer Maria Rilke, Lettres à un jeune poète

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Alors tout nous deviendra familier et fidèle

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« Nous n’avons aucune raison de nous méfier du monde, car il ne nous est pas contraire. S’il y est des frayeurs, ce sont les nôtres : s’il y est des abîmes, ce sont nos abîmes ; s’il y est des dangers, nous devons nous efforcer de les aimer. Si nous construisons notre vie sur ce principe qu’il nous faut aller toujours au plus difficile, alors tout ce qui nous paraît encore aujourd’hui étranger nous deviendra familier et fidèle. »

Rainer Maria Rilke, Lettres à un jeune poète

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