04/04/2015
La religion juridique
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« Cousteau - (...) La pire engeance en prison ce sont les innocents. Car de deux choses l’une : ou bien ils sont vraiment innocents, et alors je me désintéresse de leur sort puisque ce ne sont pas des copains à nous, ou bien ils sont faussement innocents et c’est bien pire. Car ils sont entrés ainsi dans le jeu de l’ennemi, ils ont accepté l’échelle des valeurs de l’ennemi, et en en se proclamant innocents, ils admettent implicitement que les autres condamnations sont légitimes. La seule réaction honorable est de répudier ce mythe dégradant de l’innocence et de la culpabilité, et de n’accepter que des vainqueurs et des vaincus. Tout le reste n’est que fariboles et fumisteries.
Rebatet - Oui, il faudrait extirper du français la manie juridique, la religion juridique. Tous ces abrutis qui ont perpétuellement à la bouche : "J'ai le droit de... Il n'a pas le droit de..." Les rognes que je pique encore, quand j'entends ça ! Chaque fois, ici-même, les gars triqués, laminés par l'Injustice sont persuadés que je suis fou, que je fais un gag.
Cousteau - Peu importe ce que pensent ces pauvres types. Ce serait toute une éducation à refaire et nous n'avons pas le goût de nous atteler à cette besogne.
Rebatet - Ah ! foutre non !
Cousteau - C'est déjà bien beau d'accéder individuellement, égoïstement à un certain nombre de vérités et, pour ma part, l'envie m'a passé de faire partager ces vérités à mes contemporains. Quoiqu'on fasse, d'ailleurs, je ne crois pas qu'il soit possible d'arracher les masses à l'imposture juridique.
Rebatet - Les masses ont besoin d'illusions.
Cousteau - Elles ont besoin du mythe juridique comme elles ont besoin de métaphysique, et elles se fâchent dés qu'on prétend les ramener à la réalité. Les guignols qui administrent le simulacre de la justice le savent bien, d'ailleurs. Ils jouent de la naïveté populaire et ils jouent à coup sûr. L'essentiel est de na pas être dupe. »
Lucien Rebatet et Pierre-Antoine Cousteau, Dialogue de vaincus
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Ce qui nous distingue de l’anarchiste sentimental
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« Cousteau - Toi et moi, nous sommes étiquetés ‘fascistes’. Non sans raison, d’ailleurs ? Et nous avons fait tout ce qu’il fallait pour justifier cette réputation...
Rebatet - Jusqu’à et y compris la condamnation à mort...
Cousteau - Or pour le farfelu moyen – et même pour le farfelu supérieur – qu’est-ce qu’un fasciste ? C’est d’abord un énergumène éructant et botté, l’âme damnée de la plus noire réaction, le suppôt du sabre et du goupillon... Et de même qu’on attend d’un nihiliste qu’il ait des bombes dans sa poche, d’un socialiste qu’il ait les pieds sales et d’un séminariste qu’il soit boutonneux, on doit nous imaginer figés dans un garde-à-vous permanent devant les épinaleries déroulédiennes.
Rebatet - J’en connais en effet, sans aller les chercher très loin qui sont au garde-à-vous vingt-quatre heures sur vingt-quatre, mais ça n’est pas notre cas.
Cousteau - Je crois même que nous sommes parvenus à un degré d’anarchie assez sensationnel. Nous sommes beaucoup plus anarchistes que les anarchistes homologués qui sont en réalité de pauvres types d’un conformisme pénible. Car c’est bien la peine de se débarrasser des vieux mythes pour donner dans le mythe du progrès, dans le mythe de la société sans Etat.
Rebatet approuvait d’un hochement de tête :
Rebatet - Il n’est pas douteux que nous sommes plus affranchis que ces gars-là. Nos moindres propos l’attestent.
Cousteau - Alors comment expliques-tu qu’avec de pareils tempéraments, nous nous soyons honnêtement et délibérément imbriqués dans un système politique dont les conformismes auraient dû nous rebuter ? Et comment expliques-tu que cette contradiction ne nous inspire aucune gêne ?
Rebatet s’était tout à fait rouvert :
Rebatet - C’est intéressant ce que tu dis là. A première vue, ça me fait saigner le cœur. Ca me rappellera toujours ce que j’étais à vingt ans : le petit bonhomme le plus apte à franchir ce siècle sans le moindre accident. J’avais toutes mes idées sur la religion, l’éthique, la politique, j’avais décidé une fois pour toutes que je ne mettrais jamais le bout du petit doigt dans ces cloaques. Le qualificatif le plus répugnant que je pouvais appliquer à un être ou à une chose, c’était celui de social : un curé social, une atmosphère sociale...
A l’évocation de ce vocable, Cousteau eut une moue écœurée. Il allait lui aussi piétiner le social. Mais Rebatet ne se laissa pas interrompre.
Rebatet - ... L’activité la plus imbécile de l’homme, pour moi, c’était l’apostolat, quelque forme qu’il prît. La contamination progressive par autrui d’un petit type qui, dans son état premier, était d’une santé parfaite, les sacrifices aux préjugés, aux convenances, ça pourrait très bien être mon histoire… Et, tiens, il ne me déplairait pas de l’écrire sous cette forme, une espèce de conte antisartrien. Mais la réalité n’est tout de même pas aussi simple et consternante. Je l’espère, du moins.
Cousteau - Je t’arrête, cher Lucien. Ca n’est pas consternant du tout… Non seulement je ne regrette rien, mais je me félicite chaque jour d’avoir vécu cette aventure fasciste...
Rebatet - Même ici, même au bagne ?
Cousteau - Oui, même ici. Cette aventure fut magnifique et passionnante. Mon "engagement" – comme disent les francs-tireurs et partisans des Deux Magots – m’a conduit avec une sorte de fatalité à des expériences, à des sensations, à des satisfactions d’orgueil que j’eusse toujours ignorées sans cela et que les plus fortunés ne peuvent s’offrir. Rappelle-toi ce que Stendhal fait dire à Mathilde de la Mole de la peine de mort : "Il n’y a que cela qui ne s’achète pas".
Rebatet - Tu parles si je m’en souviens ! Tu ne sais donc pas que je l’avais écrit dans ma cellule pendant que nous étions aux chaînes…
Cousteau - Possible, mais comme nous étions forcés de rester chacun chez nous, tu me l’apprends... En tout cas, en ce qui concerne l’engagement, point de regret. Mais tout de même un peu de surprise. Car si à vingt ans tu t’étais décrassé des conventions civiques, morales et religieuses, à cet âge-là, moi aussi, je ne respectais plus grand-chose. Pas tout à fait de la même manière que toi, cependant. Tu étais plus anarchiste que moi. Je donnais – je m’en excuse – dans le gauchisme...
Rebatet - C’est une manière d’engagement...
Cousteau - Mais les négations l’emportaient de loin, chez moi, sur le zèle constructif. Mon socialisme restait vague. Par contre je savais très bien de quoi je ne voulais plus être dupe, sous aucun prétexte. Plus de sursum corda pour notre sainte mère l’Eglise, la Ligne Bleue des Vosges et la Propriété Bâtie. Et sais-tu, puisque nous en sommes aux confidences comment j’en avais eu la révélation : en lisant, à seize ans, L’Ile des Pingouins de cette vieille barbe d’Anatole France. Partir de là pour aboutir à Mein Kampf , c’est tout de même comique...
Rebatet - Moi ce sont les curés et L’Echo de Paris de la guerre de 1914-1918 qui m’ont rendu anarchiste. Quand je fréquentais les Juifs et les hommes de gauche, à mes débuts dans le journalisme, ils avaient tout de suite trouvé la formule pour concilier mes propos et mon appartenance à l’A.F. : j’étais pour eux un anarchiste de droite. Malgré tout, cette anarchie cohabitait avec une admiration très vive pour Mussolini. J’étais donc de droite pour la même raison que les barbeaux...
Cousteau eut un sourire d’indulgence :
Cousteau - Je connais ta théorie : les barbeaux et les artistes ont besoin d’ordre pour prospérer.
Rebatet - Exprimé sous cette forme, c’est classique, c’est assez plat, et tout de même insuffisant. Il me semble que nous avons le droit de revendiquer notre aristocratie dont la marque est d’abord la liberté de l’esprit, ensuite l’horreur des mythes égalitaires, ce qui nous distingue de l’anarchiste sentimental, toujours plus ou moins nazaréen. Une certaine forme d’aristocratie cousinerait nécessairement avec l’anarchie. »
Lucien Rebatet et Pierre-Antoine Cousteau, Dialogue de vaincus
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03/04/2015
L’Europe perçue comme une communauté de peuples
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« Notre nationalisme, terme impropre encore une fois, était beaucoup plus qu’une doctrine de la nation ou de la préférence nationale. Il se voulait une vision du monde, une vision de l’homme européen moderne. Il se démarquait complètement du jacobinisme de l’État-nation. Il était ouvert sur l’Europe perçue comme une communauté de peuples. Il voulait s’enraciner dans les petites patries constitutives d’une "Europe aux cent drapeaux", pou reprendre l’expression de Yann Fouéré. Nous ne rêvions pas seulement d’une Europe de la jeunesse et des peuples, dont la préfiguration poétique était la chevalerie arthurienne. Nous imaginons cette Europe charpentée autour du noyeau de l’empire franc, un espace spirituel, politique et économique suffisamment assuré de soi pour ne craindre rien de l’extérieur. »
Dominique Venner, Le Coeur Rebelle
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Plus grands que nous n’étions
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« Regardant en arrière, je vois beaucoup de mes actions d’autrefois comme des folies, mais ces folies étaient saintes. Elles étaient dictées par des sentiments purs et droits. Elles venaient de ce qu’il y avait en nous de plus fort et de plus vrai. Elles nous ont fait plus grands que nous n’étions. »
Dominique Venner, Le Coeur Rebelle
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Tout est envahi par une espèce de moisissure
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« Au-delà de ce qu’il comporte de scandaleux, l’attentat, et précisément l’assassinat politique revêt une signification particulière qui explique son pouvoir de fascination. Dans le mécanisme apparemment tout-puissant du monde de la technique dominé par la rationalité mathématique, il réintroduit l’imprévu, une forme aberrante d’humanité en quelque sorte. Aussi haïssable soit-il, il constitue souvent l’ultime revanche du faible contre la puissance désespérante du "cours des choses". Pour qu’il brille comme un signal, il doit se détacher sur un fond moral strict. Ainsi en fut-il de l’assassinat de Rathenau dans l’Allemagne chaotique de 1922, par les lieutenants de marine Kern et Fischer. Acte immédiatement expié par leur propre mort. Ainsi en fut-il aussi pour le jeune justicier japonais, dont la geste romancée est contée par Mishima dans "Chevaux échappés".
"Celui-là seul peut engendrer qui est capable de tuer" écrit dans son Journal le comte Harry Kessler, six mois avant l’assassinat de son ami, Walther Rathenau. "Il est permis de tuer à celui qui est si convaincu de la qualité unique d’une femme ou d’une idée qu’il ne voit d’avenir qu’en elle. Tuer et engendrer sont complémentaires : il n’est permis d’engendrer qu’à celui-là seul qui peut aussi assassiner pour sa conviction sensuelle ou spirituelle. Mais la médiocrité du monde moderne découle sans doute du fait que nous n’avons plus la force d’engendrer ni celle de tuer ! C’est pourquoi tout est envahi par une espèce de moisissure, par la pouture de toutes sortes de compromis et de demis-mesures." »
Dominique Venner, Le Coeur Rebelle
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02/04/2015
Le sage évite autant d’être contredit que de contredire
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« XLIII. Parler comme le vulgaire, mais penser comme les sages.
Vouloir aller contre le courant, c’est une chose où il est aussi impossible de réussir qu’il est aisé de s’exposer au danger ; il n’y a qu’un Socrate qui le pût entreprendre. La contradiction passe pour une offense, parce que c’est condamner le jugement d’autrui. Les mécontents se multiplient, tantôt à cause de la chose que l’on censure, tantôt à cause des partisans qu’elle avait. La vérité est connue de très peu de gens, les fausses opinions sont reçues de tout le reste du monde. Il ne faut pas juger d’un sage par les choses qu’il dit, attendu qu’alors il ne parle que par emprunt, c’est-à-dire par la voix commune, quoique son sentiment démente cette voix. Le sage évite autant d’être contredit que de contredire. Plus son jugement le porte à la censure, et plus il se garde de la publier. L’opinion est libre, elle ne peut ni ne doit être violentée. Le sage se retire dans le sanctuaire de son silence ; et, s’il se communique quelquefois, ce n’est qu’à peu de gens, et toujours à d’autres sages. »
Baltasar Gracián, L'Homme de Cour
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01/04/2015
Cette flamme incertaine au fond de nous
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« Si tout est leurre ou anéantissement, sauf cette flamme incertaine au fond de nous, qu’importe que ce soit pour ou dans telle catégorie qu’agissent les hommes. Il n’y a de prix que dans l’état qu’ils ont su donner à cette flamme, que dans l’énergie qu’ils ont pu produire. »
Lucien Rebatet, Les Deux Étendards
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30/03/2015
La haine n'est pas un bas sentiment
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« La haine n'est pas un bas sentiment, si l'on veut bien réfléchir qu'elle ramasse notre plus grande énergie dans une direction unique, et qu'ainsi, nécessairement, elle nous donne sur d'autres points d'admirables désintéressements. »
Maurice Barrès, Du Sang, de la volupté et de la mort
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La volonté suicidaire d'un peuple
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« Le tragique, pour Céline, est que cette langue en voie de disparition traduit, dans le renoncement et la résignation, la volonté suicidaire d'un peuple. Que veut-il dire lorsqu'il affirme : "Sévigné, Voltaire, La Bruyère, Saint-Simon, Chateaubriand, c'est un goût qui reste et une couleur absolue" ? Que plus rien n'a désormais de goût ni de couleur ? Que toutes les langues, ternes et insipides, finissent par se valoir ? Si bien que, pour obtenir le "rendu émotif intime", seule façon d'écrire encore en français selon Céline, mais pour combien de temps, outre le labeur accablant, il faut traiter l'Histoire en direct, se refuser aux romans historiques insignifiants, aux romans naturalistes arriérés dont les Français se bourrent. »
Philippe Sollers, Céline
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L'évangile moderne
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« L'humain n'aime pas son corps. Il l'adore éventuellement, mais il ne l'aime pas. Et comme il est censé aimer son prochain comme lui-même, s'il n'aime pas son propre corps, il n'aime pas non plus celui de son prochain. Nous voyons ici apparaître le mal souhaité au prochain. Ou comme j'aime dire : on fait de son proche un reproche. L'évangile moderne est : tu détesteras ton prochain comme toi-même. »
Philippe Sollers, Grand Beau Temps
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29/03/2015
Une invention des femmes
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« Je connais bien l'amour ; c'est un sentiment pour lequel je n'ai pas d'estime. D'ailleurs il n'existe pas dans la nature ; il est une invention des femmes. (…) A cette répugnance qu'ont certains hommes à être aimés, je vois plusieurs raisons :
L'humilité d'un homme lucide qui ne se connait pas tant de beauté ni tant de valeur, et trouve qu'il y a quelque chose de ridicule à ce que ses moindres gestes, paroles, silences, etc., créent bonheur ou malheur. Quel injuste pouvoir on lui donne ! Je ne fais pas grand cas de quelqu'un qui ose penser tout haut "Elle m'aime", qui n'essaye pas au moins de diminuer la chose en disant : "Elle se monte la tête sur moi." Par quoi sans doute il rabaisse la femme, mais ne le fait que parce que d'abord il s'est rabaissé soi-même. (...) Un homme digne de ce nom méprise l'influence qu'il exerce, en quelque sens qu'elle s'exerce, et subit de devoir en exercer une, comme la rançon de sa tarentule de s'exprimer. »
Henry de Montherlant, Les jeunes filles
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Je suis tout seul
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« En quoi consiste l'acuité de la solitude ? Il est banal de dire que nous n'existons jamais au singulier. Nous sommes entourés d'êtres et de choses avec lesquels nous entretenons des relations. Par la vue, par le toucher, par la sympathie, par le travail en commun, nous sommes avec les autres. Toutes ces relations sont transitives : je touche un objet, je vois l'Autre. Mais je ne "suis" pas l'Autre. Je suis tout seul. C'est donc l'être en moi, le fait que j'existe, mon "exister" qui constitue l'élément absolument intransitif, quelque chose sans intentionalité, sans rapport. On peut tout échanger entre êtres sauf l'exister. Dans ce sens, être, c'est s'isoler par l'exister. Je suis monade en tant que je suis. C'est par l'exister que je suis sans portes ni fenêtres, et non pas par un contenu quelconque qui serait en moi incommunicable. S'il est incommunicable, c'est qu'il est enraciné dans mon être qui est ce qu'il y a de plus privé en moi. De sorte que tout élargissement de ma connaissance, de mes moyens de m'exprimer demeure sans effet sur ma relation avec l'exister, relation intérieure par excellence. »
Emmanuel Levinas, Le temps et l'autre
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Ce monde qui est présent pour moi maintenant
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« Ce monde qui est présent pour moi maintenant - et de même évidemment pour tout maintenant dans l'état de vigilance - a son horizon temporel infini dans les deux sens, son passé et son futur, connus et inconnus, immédiatement vivants ou privés de vie. Dans l'activité libre mise en jeu par l'expérience et qui fait accéder à l'intuition ce qui m'est présent, je peux poursuivre ces rapports au sein de la réalité qui m'environne immédiatement. Je peux changer de point de vue dans l'espace et dans le temps, porter le regard ici ou là, en avant et en arrière dans le temps ; je peux faire naître en moi des perceptions et des présentifications toujours neuves et plus ou moins claires ou riches de contenu, ou bien encore des images plus ou moins claires, par lesquelles je donne la richesse de l'intuition à tout ce qui est possible et peut être conjecturé dans les formes stables du monde spatial et temporel. »
Edmund Husserl, Idées directrices pour une phénoménologie
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Les hommes je les emmerde tous, ce qu’ils disent n’a aucun sens...
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« Le malheur en tout ceci c’est qu’il n’y a pas de "peuple" au sens touchant où vous l’entendez, il n’y a que des exploiteurs et des exploités, et chaque exploité ne demande qu’à devenir exploiteur. Il ne comprend pas autre chose. Le prolétariat héroïque égalitaire n’existe pas. C’est un songe creux, une FARIBOLE, d’où l’inutilité, la niaiserie absolue, écœurante de toutes ces imageries imbéciles, le prolétaire en cotte bleue, le héros de demain, et le méchant capitaliste repu à chaîne d’or. Ils sont aussi fumiers l’un que l’autre. Le prolétaire est un bourgeois qui n’a pas réussi. Rien de plus. Rien de moins. Rien de touchant à cela, une larmoyerie gâteuse et fourbe. C’est tout. Un prétexte à congrès, à prébendes, à paranoïsmes... L’essence ne change pas. On ne s’en occupe jamais, on bave dans l’abstrait. L’abstrait c’est facile, c’est le refuge de tous les fainéants. Qui ne travaille pas est pourri d’idées générales et généreuses. Ce qui est beaucoup plus difficile c’est de faire rentrer l’abstrait dans le concret.
Demandez-vous à Brueghel, à Villon, s’ils avaient des opinions politiques ?...
J’ai honte d’insister sur ces faits évidents… Je gagne ma croûte depuis l’âge de 12 ans (douze). Je n’ai pas vu les choses du dehors mais du dedans. On voudrait me faire oublier ce que j’ai vu, ce que je sais, me faire dire ce que je ne dis pas, penser à ma place. Je serais fort riche à présent si j’avais bien voulu renier un peu mes origines. Au lieu de me juger on devrait mieux me copier au lieu de baver ces platitudes – tant d’écrivains écriraient des choses enfin lisibles...
La fuite vers l’abstrait est la lâcheté même de l’artiste. Sa désertion. Le congrès est sa mort. La louange son collier, d’où qu’elle vienne. Je ne veux pas être le premier parmi les hommes. Je veux être le premier au boulot. Les hommes je les emmerde tous, ce qu’ils disent n’a aucun sens. Il faut se donner entièrement à la chose en soi, ni au peuple, ni au Crédit Lyonnais, à personne. »
Louis-Ferdinand Céline, Lettre à Elie Faure, in "Lettres" - Bibliothèque de la Pléiade
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Les seins de la femme
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« La beauté atteinte par les seins de la femme n'était-elle point la gloire la plus resplendissante de l'évolution de l'humanité ? »
Yasunari Kawabata, Les belles endormies
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Dans la même personne, simultanément, s’affrontent les pulsions les plus opposées, admirables ou haïssables
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« Toute guerre civile, toute lutte armée clandestine avec une systématisation des attentats, porte en elle une irrémédiable corrosion de l’âme. Elle libère en chacun la part obscure des pulsions de puissance, de haine, de meurtre. Et l’homme, de tous les animaux, est bien celui qui les pousse au plus loin. Il y trouve une jouissance qui précède et prolonge l’action. Pas d’illusion là-dessus. L’homme a peut-être perdu la plupart de ses instincts, comme disent les éthologues, mais il a conservé le goût du sang. Surtout quad ce goût se pimente de coups tordus et d’intrigues cruelles qu’autorisent le secret et l’impunité.Personne ou presque n’est à l’abri. La justification de toute violence au nom de fins supérieures fait sauter tous les freins. Quels secrets délices ! Plus d’interdits. La culture, l’éducation, la morale, la loi, tout est effacé. Contre l’ennemi, contre le traître supposé, contre le suspect, tout est permis, vraiment tout. Assouvissement de férocité. L’homme est bon, prétendent les humanistes. Cruel en fait et bien salaud. Altruiste et loyal, parfois compatissant, tendre et doux à l’occasion. Compliqué l’homme. Échappant à toute logique. Dans la même personne, simultanément, s’affrontent les pulsions les plus opposées, admirables ou haïssables. "Je te ferai flinguer !" Jouissance suprême. Détenir le pouvoir d’annuler d’un seul coup un rival, un quidam qui ne vous revient pas, un suspect. Toute l’histoire est remplie de cela à commencer par celle de la Résistance pendant la Seconde Guerre mondiale. Des actes d’un héroïsme pur se mêlent au déchainement d’instincts nocturnes légitimés par la sainteté supposée de la cause. »
Dominique Venner, Le Coeur Rebelle
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Nous étions une joyeuse horde barbare...
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« Je conserve toujours, profondément imprimé dans ma mémoire, un chaos de sensations éparses d’une netteté fantastique : la guerre. Un cri. Des cris, beaucoup de cris, d’appels. La pluie, le froid de l’aube. Le méchant claquement des balles. Des odeurs de bois brûlé, de mort, de poudre; de fleurs aussi, un peu écoeurantes comme les cadavres. Des sonneries de clairon désespérées. Des regards, des yeux… De petites lâchetés. Des joies, de terribles joies et de brusques désespoirs sans larmes. Des silences. Des cigarettes partagées. La terre dans laquelle on s’enfonce, son odeur. Des insectes aux cuirasses bleutées comme l’acier des armes et des mouches. L’abominable bourdonnement des mouches. Nous étions une joyeuse horde barbare, nous défendions le royaume des Trois Forêts mais nous aurions aussi bien combattu pour le diable dans notre désir agressif d’être vainqueurs. Nous avions les mains rouges de sang, nous étions implacables, cruels, indifférents à la souffrance et à la mort. Nous vivions et nos âmes chantaient. Nous étions fous. Tant d’excès dévora notre énergie et la fin de la campagne, comme une vague se retire, nous abandonna sur le sable blanc de la victoire, assommés, mornes, sourdement heureux d’être vivants, seuls, perdus dans le brouillard d’une étrange et vague tristesse. »
Pierre Schoendoerffer, L’Adieu au Roi
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27/03/2015
Un survivant
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« L'humanité, une fois détruite ou simplement éteinte, on peut se figurer un survivant, l'unique, qui errerait sur la terre, sans même avoir à qui se livrer... »
Emil M. Cioran, De l'inconvénient d'être né
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Louise Villedieu, putain à cinq francs
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« Tous les imbéciles de la Bourgeoisie qui prononcent sans cesse les mots : immoral, immoralité, moralité dans l’art et autres bêtises me font penser à Louise Villedieu, putain à cinq francs, qui, m’accompagnant une fois au Louvre, où elle n’était jamais allée, se mit à rougir, à se couvrir le visage, et, me tirant à chaque instant par la manche, me demandait devant les statues et les tableaux immortels comment on pouvait étaler publiquement de pareilles indécences. »
Charles Baudelaire, Oeuvres Posthumes
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Deux postulations simultanées
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« Il y a chez tout homme, à toute heure, deux postulations simultanées : l’une vers Dieu, l’autre vers Satan. La postulation vers Dieu – ou spiritualité – est un désir de monter en grade ; la postulation vers Satan – ou animalité – est une joie de descendre. »
Charles Baudelaire, Fusées
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Seigneur, je n’aime pas beaucoup les hommes que vous avez faits
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« Seigneur, je n’aime pas beaucoup les hommes que vous avez faits. Comment se fait-il, Seigneur, que pour croire en vous il faille fuir les hommes que vous avez faits ? Pourquoi ma foi croît-elle selon une solitude ? Pourquoi la compagnie des fils m’éloigne-t-elle du Père ? C’est lorsque je suis seul que je me sens le plus proche de vous, Seigneur. Oui, les gens m’éloignent de vous, tel n’était pas votre dessein pourtant, vous vouliez que tous les hommes s’unissent pour vous aimer, et voyez : plus nous sommes nombreux, et plus nous nous éloignons de vous. Vous n’êtes pas fait pour les foules, Seigneur. La foule n’a point d’âme. L’âme est trop farouche pour se montrer à la foule. Dès que l’on est plus de deux, l’on n’a plus d’âme. L’âme se refuse. Elle ne se donne qu’à un seul, elle ne se prostitue pas. »
Jean-René Huguenin, Journal (3 décembre 1955)
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Il n’est pas simplement question de morale
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« Le paganisme et le christianisme me plaisent dans leur imbrication, leur mélange (...) Mon christianisme ne perd jamais de vue le monde sensible, la célébration du monde, il n’est pas simplement question de morale. La seule préoccupation morale est un rétrécissement et une réduction (…) J’ai grandi dans cette conscience que la religion chrétienne s’adossait à un avant. A Rumengol, près de mon village natal du Faou, j’admirais les retables baroques, la verrière qui raconte l’édification du sanctuaire sur les vestiges d’un lieu de culte druidique et je sentais la présence de l forêt toute proche, lambeau de la primitive Brocéliande. Il n’y a pour moi aucune incompatibilité entre ces mondes, mon christianisme celtique se nourrit du génie du lieu, de tout ce qui l’a devancé (...) Le substrat de la création appelle la célébration. »
Philippe Le Guillou, in Magazine Eléments n°154
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26/03/2015
La sauvagerie était sans doute une explication suffisante
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« On retrouvait son christianisme dans ce goût des extrêmes : d’un coté les aventures, le hasard, la pauvreté, les poulovers à col roulé, les gros mots, une atmosphère d’ivresse et de génie ; de l’autre, l’élégance, la perfection, la fadeur qui empestent, endorment les beaux quartiers. Après tout; nul besoin peut-être d’invoquer le christianisme ; la sauvagerie était sans doute une explication suffisante. Le Christ et le dieu des Iroquois travaillaient ensemble, pour une fois. »
Roger Nimier, Les Enfants Tristes
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Une restauration des autres facultés de l’homme
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« C’est l’avènement de l’automatisation qui, en quelques décennies, probablement videra les usines et libérera l’humanité de son fardeau le plus ancien et le plus naturel, le fardeau du travail, l’asservissement à la nécessité. Là encore, c’est un aspect fondamental de la condition humaine qui est en jeu, mais la révolte, le désir d’être délivré des peines du labeur, ne sont pas modernes, ils sont aussi vieux que l’histoire. Le fait même d’être affranchi du travail n’est pas nouveau non plus ; il comptait jadis parmi les privilèges les plus solidement établis de la minorité. A cet égard, il semblerait que l’on s’est simplement servi du progrès scientifique et technique pour accomplir ce dont toutes les époques avaient rêvé sans jamais pouvoir y parvenir.
Cela n’est vrai, toutefois qu’en apparence. L’époque moderne s’accompagne de la glorification théorique du travail et elle arrive en fait à transformer la société tout entière en une société de travailleurs. Le souhait se réalise donc, comme dans les contes de fées, au moment où il ne peut que mystifier. C’est une société de travailleurs que l’on va délivrer des chaînes du travail, et cette société ne sait plus rien des activités plus hautes et plus enrichissantes pour lesquelles il vaudrait la peine de gagner cette liberté. Dans cette société qui est égalitaire, car c’est ainsi que le travail fait vivre ensemble les hommes, il ne reste plus de classe, plus d’aristocratie politique ou spirituelle, qui puisse provoquer une restauration des autres facultés de l’homme. Même les présidents, les rois, les premiers ministres voient dans leurs fonctions des emplois nécessaires à la vie de la société, et parmi les intellectuels il ne reste que quelques solitaires pour considérer ce qu’ils font comme des œuvres et non comme des moyens de gagner leur vie. Ce que nous avons devant nous, c’est la perspective d’une société de travailleurs sans travail, c’est-à-dire privés de la seule activité qui leur reste. On ne peut rien imaginer de pire. »
Hannah Arendt, Condition de l’homme moderne
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Redoutable aux faibles et inaccessible à la pitié
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« Déesse de la sylve et de la nuit, dea silvarum, comme la nomme Ovide, portant dans ses cheveux d’or un croissant de lune, Diane-Artémis est toujours accompagnée d’un cerf ou de biches. Elle est à la fois la protectrice de la nature sauvage et l’incarnation de la chasse. Deux fonctions complémentaires dont la juxtaposition antique est constante. Contrairement à Aphrodite, Artémis n’est pas associée à l’amour et à la fécondité. Elle est en revanche la déesse des enfantements, la protectrice des femmes enceintes, des femelles pleines, des enfants vigoureux, des jeunes animaux, et pour tout dire, de la vie avant les souillures de l’âge. Son image s’accorde avec l’idée que les Anciens se faisaient de la nature. Ils ne la voyaient pas à la façon doucereuse de Jean-Jacques Rousseau ou des promeneurs du dimanche. Ils la savaient redoutable aux faibles et inaccessible à la pitié. C’est par la force que Diane-Artémis défend sa pudeur et sa virginité, c’est-à-dire le royaume inviolable de la sauvagerie. Elle tuait férocement tous les mortels qui l’offensaient ou négligeaient ses rites […] La pudeur et la virginité d’Artémis sont une allégorie des interdits qui protègent la nature. La vengeance de la dea silvarum est celle de l’ordre du monde mis en péril par une pulsion excessive, l’hubris, la démesure. »
Dominique Venner, Dictionnaire amoureux de la chasse
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