11/01/2017
La principale menace n'est pas le terrorisme mais la sécession culturelle de l'islam de France
=--=Publié dans la Catégorie "PARENTHÈSE"=--=
FIGAROVOX/GRAND ENTRETIEN - Deux ans après le massacre de Charlie Hebdo, le magazine Causeur a enquêté sur les «Molenbeek» français. Pour Elisabeth Lévy, « Les Français, y compris musulmans, veulent que l'islam s'adapte à la République, pas le contraire ».
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Le dernier numéro de Causeur s'intitule, «Au coin de la rue la charia». En photo, une femme entièrement voilée. Pourquoi cette couverture choc? Ne cédez-vous pas à une forme de sensationnalisme ?
Elisabeth Lévy : Ce serait sensationnel si ce n'était pas réel! Or, cette photo n'est pas un montage, elle a été prise à Paris il y a quelques années et depuis, ce genre de présence fantomatique est devenu encore plus courant dans certains quartiers, lisez Rue Jean-Pierre Timbaud, de Géraldine Smith. Et si on peut voir cela dans le centre de la capitale, imaginez ce qui se passe dans nombre de nos banlieues, la loi des Frères devient la règle. Comme le montre notre reportage à Sevran, effectué dans la foulée de celui de France 2, les femmes sont amenées à se cacher toujours plus, et, finalement, à limiter leur présence dans l'espace public au strict minimum, soit par conviction, soit pour avoir la paix. Nous n'avons pas choisi une image violente, qui suscite la peur, mais une image devenue banale. Et ce qui fait peur, c'est qu'elle soit banale.
Peut-être, mais les femmes voilées ne menacent pas la sécurité publique...
Elisabeth Lévy : Oui, mais vous vous trompez lourdement en postulant que nous avons d'abord un problème de sécurité. S'il nous fallait seulement neutraliser quelques milliers de djihadistes violents, on y arriverait. Mais il n'y a pas un mur étanche entre l'islamisme pacifique et l'islamisme violent. Et aussi douloureuses soient les pertes que nous inflige le terrorisme islamiste, ce n'est pas lui qui menace à long terme la cohésion et l'existence même de notre pays, c'est la sécession culturelle dans laquelle est engagée une partie de l'islam de France et d'Europe. Le problème n'est pas seulement l'arbre mais la forêt dans laquelle il a grandi, cette contre-société islamiste qui s'est constituée au fil des ans, vit dans un entre-soi que brisent seulement les impératifs du travail et voue une hostilité croissante au mode de vie majoritaire. Pendant ce temps, le président nous complimente comme si nous étions des enfants, pour être restés bien gentils les uns avec les autres. Admettez que c'est un peu court.
Ce n'est pas une infime minorité mais une fraction notable des musulmans français qui n'habitent plus mentalement le même temps et le même espace que nous.
Après tout François Hollande a raison de se féliciter que la France soit restée unie...
Elisabeth Lévy : Eh bien pendant que François Hollande se félicite, que d'autres proclament que nous ne céderons pas et que d'autres encore font la chasse aux islamophobes, un nombre croissant de quartiers passent sous la férule d'une idéologie séparatiste érigeant une barrière entre purs et impurs, fidèles et kouffars, putes et soumises, des enfants juifs sont exfiltrés de l'école publique (pour leur sécurité, bien sûr), des collégiennes condamnées au jogging informe, des lycéens obligés d'observer le ramadan ou de faire semblant, des populations entières contraintes de se soumettre à la loi des Frères, au nom de la solidarité entre musulmans supposée prévaloir sur toute autre allégeance. Sans oublier les caricatures qu'on n'ose plus publier, les vérités qu'on n'ose plus dire, les libertés qu'on n'ose plus exercer. Or, ce que nous avons découvert, c'est que cette emprise s'exerce non seulement dans certains territoires mais aussi dans certains milieux comme le foot amateur, dans certaines entreprises: permettez-moi d'attirer votre attention sur l'enquête passionnante qu'Olivier Prévôt, auteur et critique cinéma de Causeur décédé le 25 décembre, consacre à la RATP. On y voit comment l'heureuse politique des grands frères, assaisonnée de lamento victimaire, a permis d'installer les salafistes dans la place. Et le jour même où notre numéro paraissait, on apprenait de Jean-Claude Lagarde que la fermeture de PSA à Aulnay avait été en partie due à la volonté d'échapper aux revendications islamistes.
N'exagérez-vous pas l'ampleur du problème ? Tout cela est très impressionniste…
Elisabeth Lévy : Les témoignages de professeurs enseignant dans les «territoires perdus de la République» sur l'antisémitisme, le sexisme et l'homophobie d'un grand nombre de leurs élèves, en 2002, n'étaient pas impressionnistes. Ceux que nous publions sur la RATP, les stades, l'exclusion des femmes non plus. Pas impressionnistes non plus, les travaux de Kepel ou ceux du chercheur Tarik Yildiz que nous interrogeons dans ce numéro. D'ailleurs, quand bien même ils le seraient, si autant d'impressions convergent, cela doit avoir un sens, non? Même la sociologie découvre la lune après avoir déployé toute son énergie à dénoncer le doigt, tout comme ces prétendus savants et autres idiots utiles de l'islam politique qui répétaient que le problème ne venait pas de l'antisémitisme mais de ceux qui le dénonçaient, pas du séparatisme musulman mais du racisme français, pas de l'islam mais de l'islamophobie. Le soir du 7 janvier 2015, après l'attentat de Charlie Hebdo, Edwy Plenel et Laurent Joffrin expliquaient que le problème de la France s'appelait Finkielkraut, Zemmour ou Houellebecq.
D'accord, mais les éditos de Plenel ou Joffrin ne sauraient constituer une anti-preuve…
Elisabeth Lévy : Si cela ne vous suffit pas, en deux ans on a publié plus de témoignages, d'enquêtes, de reportages, d'études, de sondages sur l'islam radical et ses diverses manifestations, que durant les treize années précédentes. Le tableau d'ensemble est de moins en moins conjectural et de plus en plus effrayant. Ce n'est pas une infime minorité mais une fraction notable (entre un quart et un tiers selon les critères retenus) des musulmans français qui n'habitent plus mentalement le même temps et le même espace que nous. Beaucoup d'autres musulmans sont les premiers surpris et l'effroi de certains responsables comme Tareq Oubrou, Kabtane et d'autres, qui ont pourtant constitué la première génération islamiste, n'est pas feint, devant le monstre qu'ils ont enfanté ou laissé prospérer - une jeunesse en colère née dans un pays qu'elle dit exécrer et qui divise le monde entre «eux» et «nous», le «eux» comprenant l'essentiel de ses compatriotes. Alors non, je ne crois pas que nous exagérions le problème.
Ainsi a-t-on recruté les barbus dans des structures locales associatives ou parapubliques, qui leur ont permis de quadriller les quartiers avec des animateurs acquis à la cause.
Comment en est-on arrivé là ?
Elisabeth Lévy : Difficile de résumer l'incroyable accumulation de bons sentiments dévoyés, de complaisances intéressées, de lâchetés inavouées, d'aveuglement volontaire et d'une énorme dose d'imbécillité à visée électoraliste, qui a permis à cet islam de s'implanter, souvent avec l'aide de l'argent public. Il faut remonter au tournant idéologique des années 1980. La droite ayant ouvert les vannes à l'immigration de masse, la gauche, se trouvant fort dépourvue quand la bise individualiste et libérale fut venue, recycla alors les immigrés en damnés de la terre avec l'antiracisme en guise de lutte des classes et l'exaltation des différences comme mantra. Ces excellentes intentions antiracistes ont finalement empêché les nouveaux arrivants de s'assimiler et même de s'intégrer. La mise en musique de ces sottises idéologiques a été réalisée par un clientélisme local parfaitement œcuménique sur le plan politique, qui assignait les descendants d'immigrés à leur culture d'origine puisque c'est cette assignation qui permettait d'obtenir leurs voix. Ainsi a-t-on recruté les barbus dans des structures locales associatives ou parapubliques, qui leur ont permis de quadriller les quartiers avec des animateurs acquis à la cause. Ensuite, la pression a fait le reste. Selon le vieil adage, les plus gênés s'en vont et une fois qu'on est entre musulmans ou presque, la conception la plus étroite c'est-à-dire celle qui permet le plus facilement au croyant d'enquiquiner ses contemporains s'impose à tous.
En somme, c'est arrivé sans que personne ne le veuille ?
Elisabeth Lévy : Je ne dirais pas tout-à-fait cela. Chez beaucoup, l'idéologie a agi comme un voile qui les empêchait de voir ce qui se passait: la jeunesse immigrée était victime des Dupond Lajoie et autres beaufs franchouillards, quand elle sombrait dans la délinquance c'était bien normal à cause du racisme si répandu. Mais d'autres n'ont pas l'excuse de l'inconscience ou de l'aveuglement. Il y a en France un parti de l'islam, que Finkielkraut appelle justement le parti de l'Autre, qui s'est prêté à toutes sortes d'accommodements avec «les Frères», représentants de la «religion des pauvres», comme disait Emmanuel Todd, non pas par cynisme électoral mais parce qu'il comprend, dans le fond, que seul l'islam pourrait effectivement le débarrasser de ce peuple qui vote de plus en plus mal et demeure, on se demande pourquoi, rétif aux séductions très relatives du multiculturalisme réel. Ramadan, les Frères musulmans de l'UOIF, et plus encore leurs alliés de l'islamo-gauche, comme Edwy Plenel ou Clémentine Autain et pas mal d'autres ont clairement encouragé la sécession que j'ai évoquée en lui fournissant des visages présentables, une panoplie idéologique de légitimation et des relais médiatiques. Et ce sont les mêmes qui ont seriné aux jeunes nés sur notre sol que nous étions coupables de tout et eux responsables de rien. On ne saura jamais à quel point ce discours victimaire a contribué à faire haïr la France par des Français.
Il y a tout juste deux ans, les attentats de Paris contre la rédaction de Charlie Hebdo puis l'Hypercacher ensanglantaient la France. Depuis rien n'a changé ?
Elisabeth Lévy : Si évidemment ! Maintenant non seulement tout le monde voit mais on a le droit de dire. Même dans Le Monde, qui a publié cette semaine une excellente enquête sur Stains où l'imam, très républicain, n'a pas vu que sa mosquée était un vivier de recrutement pour l'EI. Et même à France Télévision où on a pu voir au 20 heures de David Pujadas, le reportage sur Sevran dans lequel on voit un patron de bistrot lancer «Ici, c'est le bled!» (comprenez qu'il est normal qu'on n'y voie pas les femmes). Aujourd'hui, seule une minorité continue à nier le problème et à radoter sur les méchants islamophobes qui sont à l'origine de tout le mal. Même la lutte sacrée contre le populisme fait de moins en moins recette. Quoi qu'on pense du FN, il est difficile de prétendre qu'il est plus dangereux pour la République que l'islam radical.
Les propos de Vincent Peillon qui compare les musulmans aux juifs des années 30 laissent penser que l'influence politique des islamo-gauchistes n'a jamais été aussi grande…
Elisabeth Lévy : Ah bon, expliquez-moi en quoi. Ce qui prouverait que cette influence est grande, c'est que Vincent Peillon gagne la primaire - et l'élection présidentielle. On n'en est pas là et quelque chose me dit au contraire qu'il risque de payer fort son ânerie historique et politique. Reste une aberration que je ne m'explique pas. Sauf à croire que les électeurs de gauche vivent dans un monde enchanté protégé de tous les maux de l'époque, je ne comprends pas que les candidats à la primaire cherchent à flatter une fibre multiculti qui est plutôt chancelante, même chez les meilleurs croyants. Et s'il semble que Manuel Valls conserve un certain socle électoral, je suis convaincue que la fermeté qu'on lui prête face à cet islam y est pour beaucoup.
Sur le plan intellectuel, certaines digues ont sauté. En revanche, sur le plan politique, c'est toujours le règne de l'impuissance …
Elisabeth Lévy : Sur le plan intellectuel, il est urgent d'améliorer notre connaissance objective des faits et d'y réfléchir calmement, sans minimiser ni exagérer. L'enquête CNRS/CEVIPOF en chantier ainsi que d'autres travaux devraient nous y aider. Seulement, plus on sait qu'il faut agir, moins on sait comment agir. En effet, les enjeux sécuritaires sont infiniment moins complexes que les fractures culturelles et idéologiques. On peut traquer des criminels, couper leurs sources d'approvisionnement et de financement, les juger, les condamner ou les abattre. On peut combattre les discours de haine, en tout cas quand ils sont tenus publiquement, même si c'est plus compliqué et en grande partie vain. En revanche, on ne sait pas comment lutter contre les idées fausses qui s'emparent de certains esprits. Ou plutôt on sait que c'est une guerre de trente ans qu'il faudrait mener sans relâche sur tous les fronts où se fabrique l'esprit public: école, université, médias, justice. Tout en s'employant par ailleurs à réduire le plus possible des flux migratoires que plus personne n'est aujourd'hui en état d'accueillir, ni les issus-de ni les de-souche.
Surtout, ne laissons pas tomber ceux et surtout celles qui, dans les quartiers, refusent de céder.
Vous écrivez, "on ne saurait tout attendre des gouvernants ou de la loi". Mais les Français victimes de cette terreur lente, souvent les plus pauvres, attendent que l'Etat les protège...
Elisabeth Lévy : Il ne vous a pas échappé que nous entrons en campagne électorale? Par ailleurs, il paraît que nous vivons dans le monde merveilleux des réseaux sociaux et de la participation citoyenne. Alors, que la majorité silencieuse profite de ces quelques mois où on va la courtiser pour faire savoir à ceux qui briguent ses faveurs ce qu'elle veut - en l'occurrence rester un peuple, un peuple, divers, et même chatoyant, accueillant aux individus, mais qui n'entend pas accueillir un autre peuple, poursuivant un autre projet, et encore moins un contre-peuple poursuivant un contre-projet. Les Français, y compris musulmans, veulent que l'islam s'adapte à la République, pas le contraire.
Vous expliquez que la reconquête des territoires perdus ne se fera pas par la force. Mais le recours à l'autorité de l'Etat et du politique, y compris en prenant le risque de nouvelles émeutes, n'est-il pas le meilleur moyen d'éviter à terme la guerre civile que certains redoutent ?
Elisabeth Lévy : Quand la sécession prend des formes violentes, l'Etat doit répliquer par la force et, de mon point de vue, en faisant un tout petit peu moins de chichis - d'ailleurs c'est déjà le cas avec l'assouplissement des règles de tir pour les policiers. Je ne vois pas aujourd'hui de foyers d'émeutes tels que vous semblez les décrire, mais si des événements du type de 2005 devaient se reproduire, j'espère que la réaction serait rapide et ferme. Cependant, pour l'essentiel, la sécession qui met la République au défi est en apparence, sinon pacifique, du moins non-violente. C'est dans les esprits qu'il faut mener la reconquête des territoires perdus - ce qui veut dire à la dure, sans céder sur ce que nous sommes, pas par la force. Nous ne gagnerons pas cette guerre si la majorité silencieuse des musulmans ne choisit pas bruyamment la loi de la République contre celle des «Frères» et la majorité silencieuse le restera tant qu'elle aura plus peur du jugement des siens que besoin de l'approbation de ses concitoyens. Surtout, ne laissons pas tomber ceux et surtout celles qui, dans les quartiers, refusent de céder. Salman Rushdie dit que, si la fatwa contre lui était prononcée aujourd'hui, il serait beaucoup moins soutenu qu'à l'époque. Je veux croire qu'il se trompe et que nous sommes collectivement déterminés à résister, calmement mais fermement, à l'emprise islamiste. Faute de quoi, dans quelques décennies, on recensera les quartiers de France où il est permis de se promener en mini-jupe et de s'embrasser dans la rue.
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"Si on ne ralentit pas l'immigration, ce sera la soumission ou la guerre civile"...
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Alain Finkielkraut, Interview
Alain Finkielkraut a conservé toute la capacité d’indignation de sa jeunesse. Et une certaine propension à l’inquiétude. Le philosophe et essayiste français, membre de l’Académie française, est habité par une subtile nostalgie pour un passé qui n’est plus.
Respecté à travers le monde bien que parfois contesté en France, Alain Finkielkraut ne cesse d’égrener et d’analyser les menaces qui mettent aujourd’hui en péril les équilibres des sociétés européennes. Il le fait en cherchant méticuleusement les mots justes, dans un effort de lecture de la réalité qui semble lui paraître à la fois essentiel et très douloureux.
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De nombreux intellectuels rejettent la théorie de Samuel Huntington se basant sur le présupposé "choc des civilisations". Le font-ils parce qu’ils la considèrent infondée d’un point de vue historico-scientifique ou parce qu’elle est si intrinsèquement en contraste avec leur vision d’une société égalitaire et pacifiée ?
Alain Finkielkraut - De nombreux intellectuels européens sont encore hantés par l’histoire du vingtième siècle et particulièrement par la Seconde Guerre mondiale. La religion qu’ils professent est la religion de l’humanité. Par peur de réveiller les vieux démons, ils refusent de prendre en compte la division de l’humanité en civilisations. Or, le multiculturalisme qui est souvent proposé aujourd’hui n’est que le simple métissage des musiques et des cuisines. On célèbre d’un côté le multiculturalisme et de l’autre on ne prend plus les cultures au sérieux.
L’identité, lue à travers le prisme de la culture, n’est donc pas morte ?
Alain Finkielkraut - Le grand penseur polonais Czesław Miłosz, dans son livre "Une autre Europe", déclarait que le XXe siècle, pris de panique devant les sottises des nationalistes et des racistes, s’est efforcé de combler les abîmes du temps par des statistiques de production et quelques noms de systèmes politico-économiques. C’est exactement ce qui se passe aujourd’hui. Pourtant, comme l’a précisé Huntington, l’individu n’est pas seulement la somme de ses besoins et de ses désirs. L’homo oeconomicus n’est pas une définition qui peut expliquer la nature humaine dans sa complexité.
Vous avez déclaré qu’"une société multiculturelle est une société multiconflictuelle". Une nation, aujourd’hui, n’est-elle pas condamnée à l’ouverture ?
Alain Finkielkraut - Je n’aime pas l’idée qu’une nation soit condamnée à quoi que ce soit: c’est la preuve qu’elle n’est plus maîtresse de son destin. Prenons le cas français. La France a choisi la voie de l’assimilation. Elle voulait offrir aux nouveaux arrivants la possibilité de s’imprégner de l’histoire et de la culture nationales, pas les fondre dans le même moule. Or, cette assimilation est remise en question par un nombre grandissant d’immigrés et d’enfants d’immigrés qui s’insurgent contre la civilisation française.
Le résultat: la société crispée et violente et le séparatisme culturel croissant d’aujourd’hui. Les Français autochtones des classes moyennes ou pauvres se sentent devenir minoritaires. Ils ne se sentent plus chez eux. Je ne sais pas si une société multiculturelle est toujours multiconflictuelle mais je ne peux qu’être inquiet de la fragmentation et de la dislocation du tissu social, en France comme dans d’autres pays européens.
Le Brexit et la victoire de Donald Trump soulignent-ils une intolérance croissante d’une partie des opinions publiques occidentales vis-à-vis de la mondialisation ?
Alain Finkielkraut - Il faut distinguer les deux phénomènes. Certes, dans les deux cas, on a à faire à la colère des peuples contre l’abolition des frontières et une mondialisation qui ne tient pas ses promesses et qui, au contraire, fait beaucoup de dégâts. Les Britanniques ont voulu, face à une Europe à la fois tatillonne et lointaine, retrouver la maîtrise de leur destin. C’est tout à fait compréhensible et légitime puisque l’Union européenne ne se soucie absolument pas de perpétuer la civilisation européenne telle qu’elle a été façonnée par la diversité de ses nations. L’Union est fondée sur la détestation de toute forme de nationalisme, c’est une Europe des normes, des procédures et du marché. Les Britanniques ne sont pas anti-européens mais veulent que l’Europe et la Grande-Bretagne restent elles-mêmes.
Et dans le cas des États-Unis ?
Alain Finkielkraut - Les Américains qui ont voté pour Trump ont toutes les raisons d’exprimer leur fureur. La majorité blanche se sent devenir inéluctablement minoritaire; des régions entières se désindustrialisent et les gagnants de la mondialisation ont vis-à-vis des perdants, aux États-Unis comme en Grande-Bretagne, une attitude stupidement arrogante. La différence est que Trump, celui qui a su canaliser ce désespoir, est un pitre, un histrion, un homme violent et pulsionnel. Avec le prétexte de combattre le politiquement correct, il combat le tact, la nuance, la complexité, le savoir, la civilisation elle-même. C’est un très dangereux démagogue.
Pourquoi la victoire de Trump a été si difficile à prévoir ?
Alain Finkielkraut - Je ne partage absolument pas la jubilation de ceux qui se réjouissent de la déconfiture des grands médias dans leurs prévisions erronées de ces élections. Les journalistes qui n’ont pas su prévoir la victoire de Trump ne méprisaient pas nécessairement les électeurs qui ont voté pour lui mais ne pouvaient pas imaginer qu’un homme aussi grossier et brutal puisse être élu Président des États-Unis.
Comment expliquer alors ce succès inattendu ?
Alain Finkielkraut - Une telle élection ne pouvait être possible qu’au temps où triomphent les jeux vidéos et la téléréalité. Elle est, pour parler comme Régis Debray, l’une des conséquences du passage de la graphosphère à la vidéosphère et même à la numérosphère. Aujourd’hui la seule chose que l’on puisse espérer est que Trump soit entouré de conseillers qui le calment et l’empêchent de mettre en pratique son programme politique complètement délirant.
L’Italie et la Grèce, pour des raisons essentiellement géographiques, sont en train de porter le poids des récentes vagues migratoires alors que plusieurs pays de l’Union refusent la répartition des migrants selon le système de quotas établi. Que faire ?
Alain Finkielkraut - C’est une question extrêmement délicate. Il faut absolument ralentir l’immigration et se donner même pour objectif de l’arrêter. Certes, le droit d’asile doit continuer d’être appliqué mais l’immigration économique ne doit plus être favorisée de quelque façon que ce soit. Sinon nous avons deux avenirs possibles: la soumission, pour parler comme Houellebecq, ou la guerre civile. Il faut un ressaisissement de l’Europe. Elle se pensait comme une sorte de processus en expansion indéfini, elle doit maintenant tracer ses frontières et savoir les défendre.
Peut-on raisonnablement espérer en Europe une intégration des communautés musulmanes qui soit entière, pacifique et pleinement égalitaire ?
Alain Finkielkraut - On peut l’espérer mais à condition que les règles du jeu soient fixées de la manière la plus claire. Il faut demander aux musulmans d’accepter l’apostasie, c’est-à-dire le droit pour chaque musulman de changer de religion ou de ne plus en avoir du tout, et leur demander, dans le même cadre, d’admettre le mariage avec des non-musulmans. Si ces conditions sont respectées, la preuve sera faite de la volonté des musulmans de vivre dans les sociétés européennes en acceptant leurs principes et leurs règles.
Vous ne cessez de déclarer qu’une École laïque et la formation qu’elle doit offrir sont les vrais instruments d’une pleine intégration. Pourquoi en êtes-vous si convaincu ?
Alain Finkielkraut - Je ne suis convaincu de rien parce que l’École française par exemple s’effondre. L’École, qui m’a permis d’assimiler une partie de la culture française, a révoqué cette promesse et aujourd’hui, loin d’assimiler les nouveaux arrivants, elle désassimile tout le monde. La seule chose que les membres de la nation partagent est la culture de masse, ce n’est plus la culture nationale. Et actuellement rien ne semble remplacer l’École dans sa tâche de transmission de l’héritage national, ou plutôt le rien la remplace.
Croyez-vous que l’Occident, après avoir influencé pendant des siècles le reste du monde avec sa vision, sa technique et sa volonté de puissance est en train de s’engager sur la pente descendante de son histoire ?
Alain Finkielkraut - Il est clair que l’Occident aujourd’hui bat en retraite et qu’il est de plus en plus contesté. Une minorité au sein de l’Islam pense que, l’Islam ayant été à l’origine une religion conquérante, l’heure est venue aujourd’hui de la reconquête. Et cet islamisme joue sur le sentiment de culpabilité d’un Occident naguère encore colonialiste et impérialiste. Ce que je vois se développer en France est un islamo-gauchisme qui ne promet rien de bon.
À quels espoirs se rattacher pour l’avenir ?
Alain Finkielkraut - L’espoir ne peut venir que d’un diagnostic lucide. Ce qui est particulièrement désespérant c’est l’aveuglement, le déni. Or, quand on ne sait pas faire face à une réalité inquiétante et déconcertante, celle-ci se développe et les seules incarnations de l’opposition, comme le montre le cas de Trump, sont des tribuns populistes eux-mêmes dangereux et inquiétants.
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27/12/2016
La domination masculine n'existe pas...
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26/12/2016
10 siècles de frontières françaises...
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23/12/2016
Tournée Générale...
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Alain Soral entre dans un bistrot , au bout du bar il avise un mec avec une Kippa sur la tête. Alors il annonce très fort à la cantonade : "Tournée générale... sauf pour le Juif !"
Quand tout le monde a reçu sa consommation le Juif le regarde avec un grand sourire et lui dit : "Merci beaucoup !"
Cette réaction a pour effet d’énerver Alain Soral qui répète plus fort encore : "Re-tournée générale sauf pour le Juif !"
On sert tout le monde à nouveau et le Juif remercie avec encore plus d’ostentation.
Alain Soral se penche alors vers le barman et lui demande : "Il est con ou quoi ce mec ? Chaque fois il me remercie !
-- Normal, répond le barman, c’est lui le patron !!!"
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04/12/2016
Le réchauffement de la planète, une escroquerie
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21/11/2016
Truffaut - Godard, scénario d'une rupture
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Il y a plein de coupures de Publicité... mais c'est le prix à payer pour voir le déroulement de cette confrontation sublime...
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11/09/2016
15 Years...
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« Le 11 Septembre a été l’actualisation d’une schize - sans doute terminale - dans l’histoire humaine. Voici la première guerre mondiale CIVILE. Des appareils civils frappent des tours civiles, des civils détournent des avions remplis de civils pour accomplir leur "mission" purement "symbolique". C’est l’évacuation du militaire hors de la sphère de la guerre, c’est non pas le choc des civilisations, mais leur disjonction absolue, car "synthétique", "globale". »
Maurice G. Dantec - 15 novembre 2007
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23/08/2016
Faux Départ
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Enfin, un reportage dense et précis sur les expériences de mort imminente. Un peu plus d'une heure vingt...
intéressant.
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22/08/2016
L'islam est le plus grave dé posé à l'Europe
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L'Europe peut-elle rester la même dès lors que sa population se modifie ? L'introduction massive de l'islam sur le Vieux Continent est-elle sans conséquence ? A ces questions, le journaliste américain Christopher Caldwell répond par la néga tive dans un livre choc. Rencontre avec un esprit libre.
L'homme n'est pas un excité, un boutefeu, un prêcheur de croisade. De manières policées, cet Américain presque quinquagénaire, diplômé de Harvard, appartient à un milieu social nourri de références culturelles européennes. De passage à Paris, il s'exprime d'une voix douce, en pesant ses mots et dans un français châtié. Journaliste, spécialiste des affaires politiques du Vieux Continent, Christopher Caldwell est éditorialiste au Financial Times et rédacteur au Weekly Standard et au New York Times Magazine.
En 2009, il publiait aux Etats-Unis un livre choc : Reflections on the Revolution in Europe: Immigration, Islam and the West. Voici cet ouvrage traduit en français, avec un titre légèrement adapté : Une révolution sous nos yeux. Comment l'islam va transformer la France et l'Europe. La préface de cette édition est signée de la démographe Michèle Tribalat, une spécialiste de l'immigration. « Les Français, et les Européens en général, écrit-elle, doivent lire ce livre car c'est d'eux qu'il est question et jamais on ne leur a parlé comme le fait Christopher Caldwell. »
Est-ce pour cette raison que plusieurs grandes maisons d'édition ont d'abord refusé de publier l'ouvrage ? Décrivant la progression de l'immigration dans tous les pays européens, spécifiquement de l'immigration musulmane, l'auteur pose une question résumée par le sous-titre de l'édition américaine : « L'Europe peut-elle rester la même avec en son sein des peuples différents ? » Question cruciale, que le politiquement correct à la française voudrait enterrer. Il faut donc se féliciter qu'un esprit libre, venu du Nouveau Monde, apporte sa contribution à un débat essentiel pour notre avenir.
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-- Comment avez-vous été amené à vous pencher sur la question de l'immigration en Europe ?
Christopher Caldwell -- Né en Nouvelle-Angleterre en 1962, j'appartiens à une génération où 80 % des bons éléments apprenaient le français au lycée, les autres étudiant l'allemand ou l'espagnol. Même si les Etats-Unis étaient le pays le plus puissant du monde, notre éducation était liée à l'Europe, dont la prééminence culturelle était reconnue. J'ai toujours voulu être écrivain. Si j'ai publié quelques romans, ce n'était pas vraiment ma vocation. Je suis devenu journaliste et, dès ce moment, les questions touchant à l'immigration et à la confrontation des cultures m'ont intéressé. L'immigration, quelles que soient les circonstances historiques, produit toujours des conflits économiques, sociaux ou culturels, or le journalisme se nourrit de conflits. J'avais idée d'écrire un livre sur Tijuana. Située à la frontière des Etats-Unis et du Mexique, cette localité était un village il y a soixante-dix ans ; aujourd'hui, c'est une métropole de 3 millions d'habitants, ville-frontière dont la population change tout le temps. Mais mes recherches en vue de ce projet m'ont donné envie d'écrire sur l'Europe, que je connais mieux que le Mexique ou même que la Californie. J'ai donc publié des articles sur l'immigration en Europe, et je pense que j'ai été parmi les premiers à le faire. C'était à la fin des années 1990, et par conséquent avant le 11 Septembre. Après le choc de 2001, les journaux américains ont été nombreux à me commander des articles sur l'immigration en France, en Grande-Bretagne, en Allemagne ou en Italie. En enquêtant sur place, j'ai découvert qu'il y avait des problèmes communs à tous les pays européens confrontés au phénomène migratoire. Afin d'aborder le sujet de manière globale, j'ai décidé alors d'écrire un livre.
-- En quoi le phénomène migratoire en Europe concerne-t-il les Américains ?
Christopher Caldwell -- Aux Etats-Unis, nous connaissons aussi le phénomène de l'immigration. Si certains le considèrent comme un problème, ce n'est pas mon cas. La grande vague migratoire, au cours des dernières décennies, est surgie du Mexique, d'Amérique centrale ou d'Amérique du Sud. Ces migrants étaient porteurs de la culture catholique latino-américaine. Or cette culture n'est pas étrangère aux Etats-Unis, pays qui compte depuis l'origine une forte minorité catholique. Les gens qui viennent d'Amérique du Sud sont très pauvres, mais leurs références et leurs façons de vivre sont à peu près similaires à celles des Siciliens, dont descendent la grande majorité des citoyens italo-américains. C'est une culture fondée sur la solidarité familiale, avec des taux de divorce beaucoup plus bas que les nôtres, sur une grande piété et sur des valeurs morales affirmées. Pour la société américaine, une telle population n'est pas un problème : c'est au contraire un atout. Avec nos immigrés, nous n'avons donc pas un problème culturel comme vous.
Le débat européen sur l'immigration tourne autour de la distinction entre l'assimilation et l'intégration. Chez nous, nous avons une bonne tradition d'assimilation. Il y a cependant une chose qui ne s'assimile jamais : c'est la religion. Tout le monde, aux Etats-Unis, a la religion de la mère de la mère de sa mère. On peut avoir une ascendance irlandaise lointaine, mais on reste un catholique irlandais. Ce n'est pas une difficulté dans un pays qui possède tous les éléments pour faire vivre ensemble les protestants, les catholiques et les juifs. Toutefois, il ne va pas de soi que les religions puissent coexister. Donc cette question de la croyance religieuse est une vraie question en Europe, car l'islam est une culture religieuse qui veut structurer la société. Est-ce compatible avec la tradition européenne ? Vous me demandez en quoi l'immigration en Europe concerne les Américains. Ce n'est pas pour en tirer des leçons pour les Etats-Unis, car la situation est très différente. En fait, les Américains s'y intéressent pour des raisons géostratégiques : leur interrogation porte sur les populations non assimilées de l'Europe, vues comme des sources potentielles de terrorisme ou d'antiaméricanisme. Personnellement, ce n'est pas là que se situe ma préoccupation. Mon livre s'attache à réfléchir aux conséquences de l'immigration d'origine musulmane sur la société européenne en tant que telle.
-- L'Islam représente une anthropologie différente de celle de la civilisation judéo-chrétienne. N'est-ce pas là que commence la difficulté ?
Christopher Caldwell -- C'est une bonne question, mais ce n'est pas la mienne. Je ne cherche nullement à démontrer la valeur comparée de la culture occidentale ou de la culture islamo-arabe. Mon objectif est le suivant. Dans une démocratie, il faut partager des règles. Or deux cultures incarnant des visions différentes du monde ont du mal à s'accorder sur de telles règles. Cela ne veut pas dire qu'il est impossible d'y parvenir, mais que c'est difficile. Je crois que l'Islam et le monde chrétien représentent des visions différentes de la société. Est-ce circonstanciel ? Verrons-nous un jour un féminisme musulman ? Je ne sais pas. Ce que je sais, aujourd'hui, c'est que la conception occidentale de la femme ne s'accorde pas avec la conception arabo-musulmane de la femme.
-- Votre livre traite de l'ensemble de l'Europe. Mais n'y a-t-il pas des situations dissemblables selon les pays ?
Christopher Caldwell -- Je me suis concentré sur les pays où j'ai effectué des reportages et que je pense connaître assez bien : la France, l'Allemagne, l'Italie, la Grande-Bretagne, le Danemark, l'Espagne, les Pays-Bas, la Suède. Certes, selon les pays que j'ai étudiés, des différences sont perceptibles dans les rapports entre la société d'accueil et la population immigrée. Cependant, ce sont les mêmes problèmes qui reviennent d'une manière ou d'une autre. Pour commencer, l'inté gration des immigrés s'apparente globalement à un échec. Et les mêmes questions sont posées partout : les taux de chômage et de délinquance supérieurs à la moyenne dans les quartiers peuplés de migrants, les reven dications concernant les prescriptions alimentaires islamiques, les demandes de séparation des sexes à l'hôpi tal ou dans les activités sportives, la recherche d'inter locuteurs musulmans modérés... Quand on voyage d'un pays européen à l'autre, comme je l'ai fait pendant plusieurs années, on entend les mêmes préoccupations, les mêmes mots, et jusqu'aux mêmes blagues.
-- Aux lecteurs français, votre livre paraîtra d'une grande liberté de ton, parce qu'ici, ce sujet ne se manie qu'avec la plus grande prudence...
Christopher Caldwell -- Je sais que chez vous, ce thème est entouré de tabous et de non-dits. Mais je suis journaliste, et le plus grand service que puisse rendre un journaliste est d'ouvrir un débat. Si l'on cherche une différence entre pays européens quant au traitement de l'immigration, elle est précisément là : en France, la parole est verrouillée, contrairement à la Grande-Bretagne, à l'Italie ou à l'Allemagne. Pierre-André Taguieff a raison quand il évoque l'idéologie de l'« immigrationnisme ». Chez vous, il est presque illégal d'avoir une réflexion négative sur un phénomène qui, comme tout fait de société, ne devrait pas échapper à l'esprit critique. Ce que mon regard peut apporter, en tant qu'étranger, c'est un peu de distance. Citoyen américain, c'est de l'extérieur et sans passion personnelle que j'observe la société européenne.
Les Etats-Unis, comparativement à l'Europe, sont un pays jeune. Mais notre histoire nous a confrontés au choc interethnique. Ce qui m'inquiète pour vous, c'est que la situation européenne commence à ressembler au problème racial qui a longtemps empoisonné la vie américaine. Cela ne veut pas dire qu'il n'existe aucune solution pour l'Europe, ni que deux groupes ethniques ne peuvent pas travailler ensemble pour bâtir quelque chose qui soit mutuellement satisfaisant. Mais il faut avoir conscience que l'Europe fait désormais face à un problème durable. Chez nous, il a duré trois cent cinquante ans... Je pense que les enjeux de ce problème sont encore plus grands que ne le pensent les Européens. La conclusion de votre livre est peu optimiste. Entre une culture qui doute d'elle-même et une culture forte, écrivez-vous, c'est la culture forte qui va l'emporter...
Ce que je voulais montrer à la fin de mon livre, c'était qu'une culture religieuse forte et un système contractuel basé sur la tolérance sont difficiles à concilier parce que, dans une telle rencontre, c'est toujours le côté qui ne veut pas négocier qui a l'avantage. Une religion qui ne doute pas de soi et qui prétend structurer toute l'organisation sociale, comme l'islam, n'est pas prête à transiger.
-- Qu'attendez-vous de l'édition française de votre ouvrage ?
Christopher Caldwell -- Je suis journaliste et écrivain. Ce n'est pas un livre politique. Les problèmes que je décris ont évidemment une dimension politique, mais mon ouvrage n'est pas un manifeste politique, encore moins une déclaration de guerre à l'islam. C'est une description, un état des lieux, dans toutes ses facettes, de ce que je considère comme le plus grave défi posé à l'Europe.
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« Une révolution sous nos yeux. Comment l'islam va transformer la France et l'Europe », de Christopher Caldwell, préface de Michèle Tribalat, Editions du Toucan, Traduit de l'anglais (Etats-Unis) par Johan Frederik Hel Guedj.
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De Vienne à Bruxelles, une jeunesse musulmane
L'Autriche est un pays propice à l'étude du différentiel de croissance de la population entre autochtones et nouveaux arrivants. C'est l'un des rares pays à forte immigration non-européenne qui recueille la religion lors des recensements. L'indicateur conjoncturel de fécondité des catholiques y est de 1,32 enfant par femme. Il est de 1,21 enfant chez les protestantes et de 0,86 chez les femmes sans religion. Cet indicateur est de 2,34 chez les musulmanes. Les écarts peuvent paraître modestes, mais leurs effets vont s'accentuer au fil du temps. Selon quatre démographes de l'Institut viennois de la démographie, d'ici le milieu du siècle, l'islam pourrait être la religion majoritaire chez les Autrichiens de moins de 15 ans. En Belgique, la communauté belgo-marocaine, relativement bien intégrée, affiche un indicateur conjoncturel de fécondité deux fois et demie plus élevé que celui des Belges autochtones. A Bruxelles, où le quart des habitants sont des citoyens étrangers et où plus de la moitié des enfants nés en 2006 étaient nés de musulmans (56 %), les sept prénoms de garçons les plus courants parmi ces nouveau-nés étaient Mohamed, Adam, Rayan, Ayoub, Mehdi, Amine et Hamza.
A Duisbourg, en Rhénanie, un minaret de 34m de haut
L'établissement d'institutions religieuses est une étape habituelle, prévisible de la vie immigrée, mais les autochtones qui habitent l'ouest d'Amsterdam, de Munich et Cologne - qui ont tous assisté à de vraies batailles rangées autour de la construction de mosquées - ne voyaient pas les choses du même oeil. Le complexe de la mosquée de Duisbourg/Marxloh, le plus grand d'Allemagne, rencontra lui aussi de la résistance, alors même qu'il s'agissait d'un établissement religieux moderne, un modèle, avec ses fidèles appartenant à la moyenne bourgeoisie et ses millions d'euros de financement de l'Union européenne et des pouvoirs locaux. La demande d'autorisation de la mosquée pour l'édification d'un minaret de trente-quatre mètres de haut fut approuvée, mais celle d'un muezzin (l'appel à la prière) une fois par semaine fut d'emblée rejetée. La chaîne de télévision ZDF diffusa des déclarations à sensation selon lesquelles les Allemands devaient maintenant parler turc quand ils vaquaient à leurs occupations quotidiennes dans Marxloh. Cette grande mosquée destinée à faire entrer la communauté turque de Duisbourg dans l'ère moderne provoqua plus de craintes qu'aucune des quarante-quatre autres mosquées de la ville auparavant, même celles qui se trouvaient abritées dans des garages, des sous-sols ou des ruelles - et certaines d'entre elles étaient pourtant dirigées par des musulmans purs et durs. La raison en est évidente : la grande mosquée signifiait que l'islam était arrivé en Allemagne pour y rester.
Pour l'heure, l'avantage est à l'Islam
Le problème fondamental de l'Europe avec l'islam, et avec l'immigration en général, c'est qu'en Europe, les communautés les plus fortes ne sont, culturellement parlant, pas du tout européennes. Malgré la grande variété de mesures prises pour le résoudre - multiculturalisme en Hollande, laïcité en France, laisser-faire en Grande-Bretagne, pointillisme constitutionnel en Allemagne -, ce problème existe dans tous les pays européens. C'est avec l'islam et l'immigration que l'Europe a un problème et non avec l'usage impropre de certains moyens mis en place pour le traiter. L'islam est une religion magnifique qui a aussi été, parfois, au cours des siècles, une culture brillante et généreuse. Mais malgré toutes les protestations du contraire, ce n'est en aucun cas la religion ou la culture de l'Europe.
Il est sûr que l'Europe sortira changée de sa confrontation avec l'islam. Il est bien moins sûr que ce dernier se révèle assimilable. L'Europe se retrouve à devoir disputer à l'islam l'allégeance de ses nouveaux arrivants. Pour l'heure, l'islam est en meilleure position pour l'emporter à la fois démographiquement, c'est une évidence, et philosophiquement, même si cet avantage paraît moins net. En effet, en de telles circonstances, des mots comme « majorité » et « minorité » ont peu de sens. Quand une culture peu sûre d'elle, malléable et relativiste, rencontre une culture ancrée, confiante et renforcée par des doctrines communes, c'est généralement la première qui change pour s'adapter à la seconde.
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Par Jean Sévilla pour Le Figaro
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Le Coran questionné
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Avec Sami Awad Aldeeb Abu-Sahlieh, traducteur et commentateur en plusieurs langues du Coran. Chrétien arabe d'origine palestinienne et de nationalité suisse, Sami Awad Aldeeb Abu-Sahlieh est licencié et docteur en droit de l'Université de Fribourg, diplômé en sciences politiques de l'Institut universitaire de hautes études internationales de Genève, responsable du droit musulman et arabe à l'Institut suisse de droit comparé à Lausanne depuis 1980 et professeur invité aux Facultés de droit d'Aix-en-Provence et de Palerme.
Sa traduction française, parue en version bilingue aux éditions de l'Aire (Vevey, Suisse), suit l'ordre chronologique des révélations du Coran et se veut aussi fidèle que possible au texte arabe. Par souci de clarté et de pédagogie, elle indique aussi les variantes les plus importantes du Coran ainsi que les versets abrogés et ceux qui les abrogent. Enfin elle renvoie aux écrits juifs et chrétiens, tant reconnus qu'apocryphes, pour mieux comprendre leur influence sur le livre sacré des musulmans.
29 minutes pour y voir un peu clair...
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21/08/2016
Ces Allemands qui quittent l'Allemagne pour fuir les migrants...
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Comme on dit, de par chez moi, dans ma Cité : "Spéciale Dédicace à mon poto Larkens ! Yo !"
L'Europe de l'Ouest peut marcher sur la tête... c'est la Mittel Europa qui sauvera tout le continent...
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C'est à l'Islam de s'adapter...
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03/08/2016
La Taqiya ou le concept coranique qui permet aux musulmans radicaux de dissimuler leurs véritables croyances
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Historiquement, cette pratique devait permettre aux musulmans de survivre et de conserver leurs convictions dans des régions où ils étaient minoritaires, qu'il s'agisse des morisques qui vivaient dans la très chrétienne Espagne ou des chiites en terre d'islam, alors que le sunnisme est majoritaire.
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Atlantico : Utilisée à plusieurs reprises pour planifier des attentats, la Taqiya est un concept du djihad. Comment cela permet-il à nos agresseurs entre deux assauts ?
Annie Laurent : La Taqiya est effectivement une technique visant à dissimuler un djihadiste entre deux attentats.
C'est une évidence. C'est une pratique de tapis qui consiste à revêtir un masque de modernité pour mieux se mêler à la foule. Ainsi, le djihadiste fera semblant de vivre comme tout le monde, ira danser et boire, s'habillera comme la plupart des gens… C'est une tactique qui implique de faire tapis, de se dissimuler.
C'est une stratégie qu'on a constaté à Montauban mais également à Toulouse : après les attentats et pendant l'enquête, l'ensemble des proches et le voisinage tendaient à dire que rien ne laissait soupçonner une radicalisation, des projets terroristes… Extérieurement, les djihadistes donnaient unanimement le sentiment d'être bien intégrés. A Saint-Denis, par exemple, on entend dire que les djihadistes mangeaient des pizzas. C'est un procédé utilisé régulièrement pour planifier des attentats sans être repéré et qui permet, si la cause le justifie, d'enfreindre la loi islamique et les prescriptions concernant l'alimentation notamment. La fin justifie les moyens. Cela ne signifie bien évidemment pas que chaque musulman qui s'est intégré se cache et complote un attentat, loin de là. Mais on ne peut malheureusement découvrir qu'après coup qu'un djihadiste se cachait derrière une façade occidentalisée.
Atlantico : Comment peut-on définir la taqiya et que dit le Coran sur ce sujet ?
Annie Laurent : L’islam interdit formellement aux musulmans de renoncer à leur religion, sous peine de châtiments divins et de malédictions éternelles (cf. Coran 2, 217 ; 3, 87 ; 4, 115 et 16, 106). Les musulmans ne peuvent donc en principe dissimuler leur identité religieuse et travestir leurs croyances. Cependant, le Coran et la Tradition prophétique (Sunna) ouvrent la voie à des dérogations quant au caractère absolu de la croyance dans le Dieu de l’islam et surtout quant à l’obligation de son attestation publique, ainsi qu’à l’observance du culte ou de la loi islamique (charia). De tout temps et selon des formes variées, des oulémas (docteurs de la Loi) ont légitimé la pratique de la taqiya (dissimulation) que l’on appelle aussi ketman (secret ou restriction mentale). Ces agissements se sont manifestés en diverses circonstances historiques et retrouvent une certaine actualité de nos jours.
Le Coran contient deux passages sur lesquels s’appuient les théoriciens de la taqiya. Ils correspondent à deux types de situations particulières.
- "Celui qui renie Dieu après avoir eu foi en Lui – excepté celui qui a subi la contrainte et dont le cœur reste paisible en sa foi -, ceux dont la poitrine s’est ouverte à l’impiété, sur ceux-là tomberont le courroux de Dieu et un tourment terrible" (16, 106). Dans ce verset, pour notre sujet, c’est l’incise qui compte (italique). La taqiya est donc autorisée en cas de contrainte extérieure, quelle qu’en soit la forme : persécution, menace sur la vie, absence de liberté religieuse (de conscience et de culte), etc.
- "Que les croyants ne prennent pas pour alliés des infidèles au lieu de croyants. Quiconque le fait contredit la religion d’Allah, à moins que vous ne cherchiez à vous protéger d’eux. Allah vous met en garde à l’égard de Lui-même. Et c’est à Allah le retour. Dis : Que vous cachiez ce qui est dans vos poitrines ou bien que vous le divulguiez, Allah le sait. Il connaît tout ce qui est dans les cieux et sur la terre. Allah est omnipotent" (3, 28-29).
Deux membres de phrases (italique) sont importants. Comme ailleurs dans le Coran, Dieu recommande ici aux musulmans (eux seuls sont qualifiés de "croyants") de ne pas entretenir de relations d’amitié ou de sujétion avec les non-musulmans (cf. 3, 118 ; 5, 51 ; 9, 23 ; 60, 13), mais il autorise des dérogations au principe lorsque le fait de s’opposer à ces derniers les met en danger. La sécurité ou le besoin de se faire accepter priment alors sur l’affirmation de la religion.
En fait, dans ces situations, ce qui compte c’est l’intention du musulman ou la réalité intime de sa croyance. Peu importe alors la profession de foi publique puisque Dieu connaît les dispositions des cœurs et les pensées. Telles sont les sources qui fondent la doctrine de la dissimulation, en matière de religion et de tout ce qui peut lui être connexe. La validité du recours à la taqiya a été confirmée et précisée par les oulémas (docteurs de la Loi) dès les débuts de l’islam, notamment par Tabarî (m. 923).
Il en résulte qu’un musulman peut abjurer extérieurement ses croyances, professer publiquement une autre religion, accepter d’être réputé non-musulman ou renoncer aux exigences cultuelles et législatives conformes à l’islam, tout cela s’il se trouve dans des conditions qu’il estime être de contrainte justifiant une telle attitude. Si l’on veut comparer avec la position chrétienne sur ce sujet, il convient de se référer à une parole de Jésus-Christ dans l’Evangile : "Qui veut sauver sa vie la perdra, mais qui perdra sa vie à cause de moi et de l’Evangile la sauvera" (Mc 8, 35).
Atlantico : Quelles en sont les applications historiques et contemporaines ?
Annie Laurent : La taqiya a toujours existé dans l’Oumma (la Communauté des musulmans), mais elle s’est d’abord surtout développée en milieu chiite, ceci pour des raisons de nécessité, suite à la "Grande discorde" (Fitna) qui a engendré au VIIè siècle le clivage avec l’islam sunnite.
Dans le chiisme :
Depuis cette rupture, les sunnites ont le plus souvent gouverné l’Oumma. Dans ces périodes, les chiites, minoritaires, ont recouru à lataqiya pour défendre leur identité, souvent niée par l’autorité qui les assimilait au sunnisme, ou pour échapper aux persécutions.
Les imams chiites ont justifié, et même conceptualisé, cette pratique, qui a dès lors été comprise comme une obligation de conscience, donc comme faisant partie de la religion. Tous les traités chiites contiennent un chapitre spécial, intitulé "Livre de la taqiya".
Selon Sami Aldeeb Abou-Sahlieh, professeur de droit islamique à l’Université de Lausanne, la tradition chiite rapporte trois cents récits dans ce sens. En voici un aperçu. "La dissimulation fait partie de ma religion et de la religion de mes ancêtres" ; "Si tu agis par dissimulation, ils ne pourront rien contre toi. La dissimulation sera une forteresse pour toi et servira de digue entre toi et les ennemis de Dieu qu’ils ne pourront jamais percer. Si tu dis que celui qui abandonne la dissimulation est comme celui qui abandonne la prière, alors tu dis la vérité" ;"La dissimulation est le meilleur des actes du croyant parce qu’elle sert à le sauvegarder et à sauvegarder ses frères des impies" (Cf. Le secret entre droit et religion, 2004, diffusion Internet).
Henri Lammens (1862-1937), jésuite belge, orientaliste arabisant de renom établi au Liban, a écrit à ce sujet : "Parmi les adversaires de ses croyances, il [le chiite] peut parler et se conduire comme s’il était un des leurs. En agissant de la sorte, en prêtant, s’il le faut, des faux témoignages et des faux serments, quand l’intérêt de la communauté l’exige, ou simplement un avantage personnel, il croit obéir à l’ordre de l’imam suprême."
Et de commenter :"Inutile de relever les conséquences morales de cette théorie, de cette loi du secret, laquelle entretient et légitime une perpétuelle équivoque et rend les chiites impénétrables" (L’Islam, croyances et institutions, Imprimerie catholique, Beyrouth, 1943, p. 190-191 ; livre réédité en France aux éditions du Trident).
A l’instar des chiites, les adeptes de confessions dissidentes du chiisme (alaouites, alévis, druzes, ismaéliens) ressortissants d’un califat ou d’un Etat sunnite, parce que minoritaires, ésotériques, considérés comme hérétiques et donc maltraités pour ces motifs, ont le devoir de pratiquer la taqiya pour se protéger, en tant qu’individus et communautés. On retrouve cette situation chez les bahaïs dans la République islamique d’Iran, chiite.
Ces minorités recourent par ailleurs à la taqiya lorsqu’elles ont besoin de légitimer une position dominante qu’elles ont pu acquérir. Ainsi, quand Hafez El-Assad (père de Bachar, l’actuel président syrien), membre de la communauté alaouite, s’est emparé du pouvoir à Damas, en 1970, il a multiplié les gestes destinés à se faire passer pour un musulman orthodoxe aux yeux du monde sunnite (prière rituelle à la Mosquée des Omeyyades à Damas, fatoua de l’imam libanais chiite Moussa Sadr reconnaissant l’appartenance des alaouites à l’islam, construction d’une mosquée à Qardaha, le village natal des Assad, alors que traditionnellement les alaouites ne prient pas dans des mosquées, etc.).La taqiya existe donc en milieu islamique, et pas seulement en contexte non-musulman.
Dans le sunnisme :
Les musulmans sunnites ne rejettent pas la taqiya, mais elle n’est pour eux qu’une permission. Ils s’appuient sur des enseignements dispensés par certains de leurs oulémas, tel que celui-ci :"El-Chawkani dit que celui qui devient mécréant sous la menace de mort ne commet point de péché si son cœur est tranquille dans la foi" (S.-A. Abou-Sahlieh, op. cit.). La taqiya a été observée légitimement par les Morisques vivant sous un pouvoir chrétien en Andalousie. Ainsi, en 1504, le mufti Ahmed Ibn Jumaïra publia une fatoua (avis juridique) donnant des consignes précises à ce sujet. Si les chrétiens obligeaient les musulmans à injurier Mahomet, ils devaient le faire en pensant que cette parole était prononcée par Satan. S’ils étaient obligés de boire du vin ou de manger du porc, ils pouvaient le faire mais en sachant que c’était un acte impur et à condition de le condamner mentalement.
S’ils étaient forcés de renier leur foi, ils devaient essayer d’être évasifs ; si on les pressait, ils devaient intérieurement nier ce qu’on les obligeait à dire. De nos jours, les musulmans sont présents sur tous les continents. Vivant en dehors de leurs territoires traditionnels, ils sont donc sur des "terres de mécréance" (Dar el-Kufr) où il leur est permis, voire recommandé, de pratiquer la taqiya, mais sous une autre forme, à titre individuel ou collectif. Il s’agit de s’adapter extérieurement au contexte en respectant les lois, principes et habitudes des pays concernés tant que les circonstances ne sont pas favorables à l’instauration de l’islam comme religion dominante et à la pleine application de la charia.
Atlantico : Quand on aborde le sujet de la Taqiya, on entend régulièrement le terme "esquive". De quoi s’agit-il ?
Annie Laurent : L’esquive consiste à utiliser un vocabulaire qui plaît aux Occidentaux pour décrire l’islam comme une religion inoffensive, apportant "la paix, la tolérance et l’amour". Certaines personnalités musulmanes profitent de l’ignorance de leurs interlocuteurs non musulmans pour faire passer des messages tronqués quant à l’enseignement véritable de l’islam, en particulier sur certains sujets sensibles (violence, liberté de conscience, droits de l’homme, statut de la femme, respect des non-musulmans, égalité entre les hommes, etc.). Ces personnalités utilisent dans ce but les tribunes qui leur sont ouvertes dans la presse ou même les rencontres de dialogue interreligieux. Il s’agit en fait de rassurer les non-musulmans quant aux valeurs libérales et pacifiques de l’islam, en présentant des comportements moralement inacceptables comme des dérives, des déformations, voire des trahisons de la religion. On peut comparer cette attitude avec la parole du Christ : "Que votre langage soit : “Oui ? oui”, “Non ? non” "(Mt 5, 37).
Il faut enfin souligner que, face aux horreurs commises par des djihadistes, dont souffrent également d’autres fidèles de l’islam, certains intellectuels, dirigeants politiques et responsables religieux musulmans dénoncent aujourd’hui l’utilisation de la taqiya, demandant un examen lucide des textes sacrés sur lesquels se fondent les adeptes de la violence.
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SOURCE : ATLANTICO
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Sainte-Rita : cette gauche qui regarde les églises tomber
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FIGAROVOX/HUMEUR - L'évacuation musclée par douze cars de CRS de l'église Sainte-Rita à Paris, promise à destruction, n'était certainement pas une manière de faire quelques jours après le martyr du père Hamel, remarque Eloïse Lenesley.
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Eloïse Lenesley est journaliste. Elle collabore notamment à Causeur.
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En ce matin nuageux de juillet, les belles paroles de François Hollande résonnent comme une insulte à la clairvoyance: « Attaquer une église, tuer un prêtre, c'est profaner la République », confiait-il quelques jours plus tôt, après le sauvage assassinat du père Jacques Hamel. Et démolir la paroisse Sainte-Rita, nichée dans le 15e arrondissement, pour y construire des logements privés et sociaux, avec un parking en bonus, qu'est-ce donc ? Violenter un abbé et ses ouailles pour les jeter dehors en plein messe, qu'est-ce donc ?
Les recours juridiques, la lutte des riverains, le soutien actif de la municipalité LR du 15e, s'ils ont pu retarder l'échéance, ne sont, pour l'heure, pas parvenus à vaincre l'inexorable: la cause de Sainte-Rita semble bel et bien désespérée. Pas moins de douze cars de CRS ont débarqué pour massacrer la porte à la tronçonneuse, puis expulser les occupants protégeant l'édifice, depuis des mois, de l'épée de Damoclès qui plane au-dessus de sa voûte de béton, première du genre à avoir été érigée en France. Elle n'aura hélas pas suffi à justifier une classification « bâtiment remarquable » qui l'aurait sauvée des pelleteuses.
Sur place, Olivier Rigaud, conseiller délégué chargé de l'habitat, exceptionnellement cintré de l'écharpe du maire, nous explique avoir assisté à « l'évacuation violente », au cours de laquelle le prêtre et plusieurs paroissiens ont été «traînés par terre» et où «des élus ont été malmenés». Le procédé a de quoi choquer. « J'ai été prévenu à la dernière minute, hier soir à 21h00 par la préfecture qui a manifestement attendu que je sois absent et en congés », précise le député-maire du 15e Philippe Goujon, scandalisé, qui estime, de plus, que la police a autre chose à faire en cette période d'état d'urgence. En outre, c'est le directeur de cabinet du préfet, et non le préfet lui-même, qui l'a contacté. Pas très classe. « J'ai eu honte de voir traîner un prêtre au sol, interrompre une messe, j'ai honte pour mon pays », ajoute le député Frédéric Lefebvre. De son côté, la gauche pratique la politique de l'autruche, s'appuyant sur une décision de justice confirmée par le Conseil d'État, à la demande du propriétaire, l'association des Chapelles Catholiques et Apostoliques, et du promoteur.
Quid des revendications des riverains, farouchement opposés à la destruction, et des efforts constants de Philippe Goujon pour trouver un repreneur susceptible de perpétuer ce lieu de culte? Frédéric Lefebvre dénonce « une volonté manifeste de saborder toute tentative de reprise de l'église ». Pourtant, des orthodoxes ou des coptes égyptiens, entre autres, seraient intéressés. Une partie de la classe politique et médiatique de gauche s'ingénie à discréditer les défenseurs de la petite église en insistant sur le profil « catho tradi d'extrême-droite » de ses « squatteurs », et s'empressant d'oublier que bon nombre d'habitants de l'arrondissement, croyants ou pas, voient d'un très mauvais œil qu'une église néogothique datant de 1900 soit rasée. Le fait que des groupuscules radicaux se révèlent particulièrement mobilisés sur le terrain ne saurait ternir la noblesse de la bataille, celle qui veille à la sauvegarde d'un patrimoine culturel de plus en plus menacé par les idéologies et les basses manœuvres électorales ambiantes. Église gallicane, échappant au cadre de la loi de 1905, et non reconnue comme monument historique, célèbre pour les bénédictions pittoresques qu'elle accorde aux animaux chaque année, Sainte-Rita ne pourra compter que sur la pugnacité de ses partisans pour rester debout.
Au moment où la France s'émeut du martyr de Jacques Hamel, où Manuel Valls parle de financer les mosquées et la formation des imams, où Bernard Cazeneuve rêve de concordat, où François Hollande prétend adresser sa compassion aux chrétiens et honore de sa présence la messe de Notre-Dame - lui qui avait royalement snobé celle de l'intronisation du Pape François en 2013 -, on ne comprend pas que des églises soient abandonnées à leur triste sort et démolies, évacuées avec brutalité par les forces publiques, rayées de l'Histoire, broyées en tas de gravats, dans une indifférence qui tutoie le cynisme. On ne pouvait tomber plus mal.
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Source : Le Figaro
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02/08/2016
Taxer le halal : une mesure "ni possible, ni souhaitable"
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Des politiques proposent l'instauration d'une "taxe halal" pour financer le culte musulman en France, un système calqué sur le modèle juif. Mais selon Florence Bergeaud-Blackler, chargée de recherche au CNRS, "on ne peut pas faire avec le halal ce que l'on fait avec le cacher".
Comment financer le culte musulman en France sans qu'il ne dépende de pays étrangers? C'est la question qui agite le débat public alors que Manuel Valls a plaidé pour la fondation d'un "nouveau pacte avec l'islam de France" après l'attentat de Saint-Etienne-du-Rouvray. Une des idées soutenue par le président du Conseil français du culte musulman (CFCM) et des politiques de droite comme de gauche, comme Nathalie Kosciusko-Morizet, François Bayrou ou encore Benoît Hamon: instaurer une "taxe halal".
Florence Bergeaud-Blackler, chargée de recherche au CNRS et à l'Institut de recherche et d'étude sur le monde arabe et musulman (IREMAM), explique à L'Express la complexité de la création d'une telle taxe.
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Instaurer une taxe halal" pour financer le culte musulman est-elle une idée neuve ?
Florence Bergeaud-Blackler - Non, Charles Pasqua est le premier à préconiser une taxe sur l'abattage en 1992. Dominique de Villepin avait ensuite proposé qu'elle finance la Fondation des oeuvres de l'islam en France (FOIF) qu'il a instituée. Mais ces propositions n'ont pas été suivies d'effets car les acteurs religieux et économiques n'y sont pas favorables.
Y a-t-il des exemples de mise en place d'une telle taxe dans d'autres religions ?
Florence Bergeaud-Blackler - L'idée d'un financement par la vente de viande halal est calquée sur le modèle juif de la cacheroute : un pourcentage est prélevé sur la vente de viande issue d'un abattage rituel. Il est redistribué pour payer les frais de contrôle et de certification et pour financer le culte israélite, aujourd'hui à hauteur de 30%.
Mais pour des raisons de procédures, économiques et historiques, on ne peut pas le faire avec le halal ce que l'on fait avec le cacher. La cacheroute est un système religieux multiséculaire très codifié de mise à mort de l'animal et de contrôle de la carcasse. L'Etat français a accordé un monopole de certification au consistoire israélite de Paris en 1971 parce que le principe d'une organisation centralisée de la cacheroute était déjà actée depuis 1806, sous le Concordat. Le marché du halal a, lui, été construit dans les années 1980 par des entreprises privées, selon des considérations marchandes et économiques, et, secondairement, religieuses. De plus, nous ne sommes plus sous régime concordataire.
Chez les juifs, les certifications cacher sont attachées à des autorités rabbiniques alors que les certificats halal sont vendus par des entreprises commerciales qui n'ont pas à rendre compte à une autorité religieuse. Car il ne faut pas confondre des agences commerciales de certification halal qui peuvent être créées par n'importe qui, un musulman ou même un non musulman, et l'agrément ministériel pour l'habilitation des sacrificateurs qui a été accordé par l'Etat à trois grandes mosquées (celles de Paris, d'Evry et de Lyon).
L'agrément permet seulement d'homologuer le personnel d'abattage et rapporte bien moins d'argent que la certification, qui est un véritable business détenu par une petite dizaine d'agences halal qui vendent ces certifications et décident elles-mêmes du cahier des charges du halal et des modalités de contrôle d'un marché estimé à 5,5 milliards.
Cette piste de financement ne vous paraît donc pas praticable et souhaitable ?
Florence Bergeaud-Blackler - Elle ne me paraît ni possible, ni souhaitable dans un Etat laïque. Instaurer une taxe sur ces agences privées de certification induirait une concurrence déloyale. Et à qui serait reversée cette taxe, comment serait-elle redistribuée, sur quelles bases? Les industriels de la filière viande y sont opposés car ils estiment qu'ils n'ont pas à rémunérer une mosquée puisqu'ils paient déjà des agences de certification halal.
Cela appuyerait ce mouvement consumériste religieux et l'extension du périmètre du halal. Surtout si comme Nathalie Kosciusko Morizet le propose, tous les produits labellisés halal sont taxés, c'est-à-dire aliments, cosmétiques, ou même hôtels halal. On oublie qu'il y a seulement vingt ans beaucoup de musulmans qui s'appuyaient sur un verset coranique estimaient qu'à l'exception du porc, toutes les viandes étaient licites aux musulmans.
Et puis il y a un problème de cohérence. Ces jours-ci, on entend surtout le gouvernement dire "on s'en occupe mais c'est à vous de le faire". Mais ce n'est pas à l'Etat, qui ne peut légalement pas lever cette taxe, de s'occuper des affaires religieuses. Enfin, si l'objectif de cette taxe est d'éviter les financements étrangers, je ne vois pas en quoi l'augmentation des financements français dissuadera les mécènes étrangers de verser de l'argent aux religieux par un moyen ou un autre.
Mais pourquoi cette idée apparaît comme un serpent de mer depuis des années ?
Florence Bergeaud-Blackler - Le président actuel du CFCM, Anouar Kbibech, soutient cette idée qui séduit les politiques car ils la voient comme une solution miracle. Mais cette taxe semble surtout être une des dernières ficelles pour tenir un discours volontariste politiquement audible sur l'islam.
Alors comment financer le culte musulman en France ?
Florence Bergeaud-Blackler - La première chose est de savoir de combien d'argent a besoin l'islam en France. Aujourd'hui, il n'existe aucune étude sur le sujet même si l'on sait que dans certaines régions, confrontées à un accroissement de la population, il y a de vrais besoins de construction de mosquées par exemple. Mais c'est aux musulmans de se mettre d'accord. L'Etat essaye de forcer cette organisation depuis au moins vingt ans, sans succès. Il négocie avec des représentants des pays d'origine des populations musulmanes, et même si des efforts sont faits pour élargir le panel, je pense que l'Etat devrait se tenir à l'écart de telles initiatives et s'en tenir à faire respecter la loi. On n'a pas démontré que l'islam a un problème d'argent, mais il est avéré que les discours idéologiques et politiques prononcés dans certaines mosquées sont hors la loi. Le financement est en réalité un faux débat. Les vraies questions sont d'ordre idéologique, de la formation des imams et de l'éducation.
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SOURCE : L'EXPRESS
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Islam et christianisme : les impasses du dialogue interreligieux
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Cet article (qu'il faut lire attentivement) date de Janvier dernier... mais il faut enfoncer le clou...
FIGAROVOX/GRAND ENTRETIEN - L'islamologue François Jourdan revient sur les différences spécifiques qui distinguent l'islam du christianisme. Il déplore un déni de réalité ambiant qui masque les problèmes à résoudre dans le dialogue avec la religion musulmane.
Le père François Jourdan est islamologue et théologien eudiste.
Il est l'auteur de Islam et Christianisme, comprendre les différences de fond , paru en novembre 2015 aux éditions du Toucan.
LE FIGARO. - Votre livre Islam et christianisme - comprendre les différences de fond se penche sur une étude approfondie des conditions dans lesquelles pourraient s'amorcer un dialogue islamo-chrétien reposant sur des fondations solides. Quels en sont les principaux dysfonctionnements à l'heure actuelle ?
François JOURDAN. - Nous ne sommes pas prêts au vrai dialogue, ni l'islam très figé depuis de nombreux siècles et manquant fondamentalement de liberté, ni le christianisme dans son retard de compréhension doctrinale de l'islam par rapport au christianisme et dans son complexe d'ancien colonisateur. L'ignorance mutuelle est grande, même si on croit savoir: tous les mots ont un autre sens dans leur cohérence religieuse spécifique. L'islamologie est en déclin dans l'Université et dans les Eglises chrétiennes. Le laïcisme français (excès de laïcité) est handicapé pour comprendre les religions. Alors on se contente d'expédients géopolitiques (histoire et sociologie de l'islam), et affectifs (empathie sympathique, diplomatie, langage politiquement correct). Il y a une sorte de maladie psychologique dans laquelle nous sommes installés depuis environ 1980, après les indépendances et le Concile de Vatican II qui avaient ouvert une attitude vraiment nouvelle sur une géopolitique défavorable depuis les débuts de l'islam avec les conquêtes arabe et turque, la course barbaresque séculaire en mer méditerranée, les croisades et la colonisation.
LE FIGARO. - Sur quoi repose la perplexité des Français vis-à-vis de l'islam ?
François JOURDAN. - Sur l'ignorance et la perception subconsciente qu'on joue un jeu sans se le dire. On ne dit pas les choses, ou Œ est dit et les Ÿ restent cachés et ressortiront plus tard en déstabilisant tout ce qui a été dit auparavant; les mots ont tous un autre sens pour l'autre. Par exemple le mot prophète (nabî en hébreu biblique et en arabe coranique) ; or le prophétisme biblique actif n'est pas du tout de même nature que le coranique passif devant Dieu. Les erreurs comme sur Abraham qui serait le premier monothéiste et donc le père d'un prétendu abrahamisme commun au judaïsme, au christianisme et à l'islam ; alors que, pour les musulmans, le premier monothéiste de l'histoire est Adam. Mais chut! Il ne faut pas le dire! Pourtant l'islam est foncièrement adamique, «la religion de toujours», et non pas abrahamique puisque l'islam ignore totalement l'Alliance biblique faite avec Abraham et qui est la trame de l'histoire du Salut pour les juifs et les chrétiens où Dieu est Sauveur. En islam Dieu n'est pas sauveur. L'islam n'est pas une religion biblique. Et on se doit de le respecter comme tel, comme il se veut être… et en tenir compte pour la compréhension mutuelle que l'on prétend aujourd'hui afficher haut et fort pour se flatter d'être ouvert.
LE FIGARO. - L'Andalousie de l'Espagne musulmane présentée comme le modèle parfait de la coexistence pacifique entre chrétiens et musulmans, les très riches heures de la civilisation arabo-islamique sont pour vous autant d'exemples historiques dévoyés. Comment, et dans quel but ?
François JOURDAN. - Les conquérants musulmans sont arrivés sur des terres de vieilles et hautes civilisations (égyptienne, mésopotamienne, grecque antique, byzantine, latine) ; avec le temps, ils s'y sont mis et ont poursuivis les efforts précédents notamment par la diffusion due à leurs empires arabe et turc ; mais souvent cela n'a pas été très fécond par manque de liberté fondamentale. Les grands Avicenne et Averroès sont morts en disgrâce. L'école rationnalisant des Mu'tazilites (IXe siècle) a été rejetée. Cela s'est grippé notamment au XIe siècle et consacré par la «fermeture des portes de l'ijtihâd», c'est-à-dire de la réinterprétation. S'il y a eu une période relativement tolérante sous ‘Abd al Rahmân III en Andalousie, on oublie les persécutions contre les chrétiens avant, et après par les dynasties berbères almoravides et almohades, y compris contre les juifs et les musulmans eux-mêmes. Là encore les dés sont pipés: on exagère à dessein un certain passé culturel qu'on a besoin d'idéaliser aujourd'hui pour faire bonne figure.
LE FIGARO. - Estimez-vous, à l'instar de Rémi Brague, que souvent, les chrétiens, par paresse intellectuelle, appliquent à l'islam des schémas de pensée chrétiens, ce qui les mène à le comprendre comme une sorte de christianisme, l'exotisme en plus ?
François JOURDAN. - L'ignorance dont je parlais, masquée, fait qu'on se laisse berner par les apparences constamment trompeuses avec l'islam qui est un syncrétisme d'éléments païens (les djinns, la Ka‘ba), manichéens (prophétisme gnostique refaçonné hors de l'histoire réelle, avec Manî le ‘sceau des prophètes'), juifs (Noé, Abraham, Moïse, David, Jésus… mais devenus musulmans avant la lettre et ne fonctionnant pas du tout pareil: Salomon est prophète et parle avec les fourmis…), et chrétiens (Jésus a un autre nom ‘Îsâ, n'est ni mort ni ressuscité, mais parle au berceau et donne vie aux oiseaux d'argile…). La phonétique des noms fait croire qu'il s'agit de la même chose. Sans parler des axes profonds de la vision coranique de Dieu et du monde: Dieu pesant qui surplombe et gère tout, sans laisser de place réelle et autonome à ce qui n'est pas Lui (problème fondamental de manque d'altérité dû à l'hyper-transcendance divine sans l'Alliance biblique). Alors si nous avons ‘le même Dieu' chacun le voit à sa façon et, pour se rassurer, croit que l'autre le voit pareil… C'est l'incompréhension totale et la récupération permanente dans les relations mutuelles (sans le dire bien sûr: il faudrait oser décoder).
Si l'on reconnaît parfois quelques différences pour paraître lucide, on est la plupart du temps (et sans le dire) sur une tout autre planète mais on se rassure mutuellement qu'on fait du ‘dialogue' et qu'on peut donc dormir tranquilles.
LE FIGARO. - Une fois que le concile Vatican II a «ouvert les portes de l'altérité et du dialogue», écrivez-vous «on s'est installé dans le dialogue superficiel, le dialogue de salon, faussement consensuel.» Comment se manifeste ce consensualisme sur l'islam ?
François JOURDAN. - Par l'ignorance, ou par les connaissances vues de loin et à bon compte: c'est la facilité. Alors on fait accréditer que l'islam est ‘abrahamique', que ‘nous avons la même foi', que nous sommes les religions ‘du Livre', et que nous avons le ‘même' Dieu, que l'on peut prier avec les ‘mêmes' mots, que le chrétien lui aussi doit reconnaître que Muhammad est «prophète» et au sens fort ‘comme les prophètes bibliques' et que le Coran est ‘révélé' pour lui au sens fort «comme la Bible» alors qu'il fait pourtant tomber 4/5e de la doctrine chrétienne… Et nous nous découvrons, par ce forcing déshonnête, que «nous avons beaucoup de points communs»! C'est indéfendable.
LE FIGARO. - Pour maintenir le «vivre-ensemble» et sauvegarder un calme relationnel entre islam et christianisme ou entre islam et République, se contente-t-on d'approximations ?
François JOURDAN. - Ces approximations sont des erreurs importantes. On entretient la confusion qui arrange tout le monde: les musulmans et les non-musulmans. C'est du pacifisme: on masque les réalités de nos différences qui sont bien plus conséquentes que ce qu'on n'ose en dire, et tout cela par peur de nos différences. On croit à bon compte que nous sommes proches et que donc on peut vivre en paix, alors qu'en fait on n'a pas besoin d'avoir des choses en commun pour être en dialogue. Ce forcing est l'expression inavouée d'une peur de l'inconnu de l'autre (et du retard inavoué de connaissance que nous avons de lui et de son chemin). Par exemple, la liberté religieuse, droit de l'homme fondamental, devra remettre en cause la charia (organisation islamique de la vie, notamment en société) . Il va bien falloir en parler un jour entre nous. On en a peur: ce n'est pas «politiquement correct». Donc ça risque de se résoudre par le rapport de force démographique… et la violence future dans la société française. Bien sûr on n'est plus dans cette période ancienne, mais la charia est coranique, et l'islam doit supplanter toutes les autres religions (Coran 48,28; 3,19.85; et 2,286 récité dans les jardins du Vatican devant le Pape François et Shimon Pérès en juin 2014). D'ailleurs Boumédienne, Kadhafi, et Erdogan l'ont déclaré sans ambages.
LE FIGARO. - Vous citez des propos de Tariq Ramadan, qui déclarait: «L'islam n'est pas une religion comme le judaïsme ou le christianisme. L'islam investit le champ social. Il ajoute à ce qui est proprement religieux les éléments du mode de vie, de la civilisation et de la culture. Ce caractère englobant est caractéristique de l'islam.» L'islam est-il compatible avec la laïcité ?
François JOURDAN. - Cette définition est celle de la charia, c'est-à-dire que l'islam, comme Dieu, doit être victorieux et gérer le monde dans toutes ses dimensions. L'islam est globalisant. Les musulmans de Chine ou du sud des Philippines veulent faire leur Etat islamique… Ce n'est pas une dérive, mais c'est la cohérence profonde du Coran. C'est incompatible avec la liberté religieuse réelle. On le voit bien avec les musulmans qui voudraient quitter l'islam pour une autre religion ou être sans religion: dans leur propre pays islamique, c'est redoutable. De même, trois versets du Coran (60,10; 2,221; 5,5) obligent l'homme non musulman à se convertir à l'islam pour épouser une femme musulmane, y compris en France, pour que ses enfants soient musulmans. Bien sûr tout le monde n'est pas forcément pratiquant, et donc c'est une question de négociation avec pressions, y compris en France où personne ne dit rien. On a peur. Or aujourd'hui, il faut dire clairement qu'on ne peut plus bâtir une société d'une seule religion, chrétienne, juive, islamique, bouddhiste… ou athée. Cette phase de l'histoire humaine est désormais dépassée par la liberté religieuse et les droits de l'Homme. La laïcité exige non pas l'interdiction mais la discrétion de toutes les religions dans l'espace public car les autres citoyens ont le droit d'avoir un autre chemin de vie. Ce n'est pas la tendance coranique où l'islam ne se considère pas comme les autres religions et doit dominer (2,193; 3,10.110.116; 9,29.33).
LE FIGARO. - La couverture du numéro spécial de Charlie Hebdo commémorant les attentats du 7 janvier, tiré à un million d'exemplaires représente un Dieu en sandales, la tête ornée de l'œil de la Providence, et armé d'une kalachnikov. Il est désigné comme «l'assassin [qui] court toujours»… Que révèle cette une qui semble viser, par les symboles employés, davantage la religion chrétienne que l'islam ?
François JOURDAN. - Il y a là un tour de passe-passe inavoué. Ne pouvant plus braver la violence islamique, Charlie s'en prend à la référence chrétienne pour parler de Dieu en islam. Représenter Dieu serait, pour l'islam, un horrible blasphème qui enflammerait à nouveau le monde musulman. Ils ont donc choisi de montrer un Dieu chrétien complètement déformé (car en fait pour les chrétiens, le Père a envoyé le Fils en risquant historiquement le rejet et la mort blasphématoire en croix: le Dieu chrétien n'est pas assassin, bien au contraire). Mais il faudrait que les biblistes chrétiens et juifs montrent, plus qu'ils ne le font, que la violence de Dieu dans l'Ancien Testament n'est que celle des hommes mise sur le dos de Dieu pour exprimer, par anthropomorphismes et images, que Dieu est fort contre le mal. Les chrétiens savent que Dieu est amour (1Jn 4,8.16), qu'amour et tout amour. La manipulation est toujours facile, même au nom de la liberté.
LE FIGARO. - Toutes les religions ont-elles le même rapport à la violence quand le sacré est profané ?
François JOURDAN. - Toutes les civilisations ont légitimé la violence, de manières diverses. Donc personne n'a à faire le malin sur ce sujet ni à donner de leçon. Il demeure cependant que les cohérences doctrinales des religions sont variées. Chacune voit ‘l'Ultime' (comme dans le bouddhisme sans Dieu), le divin, le sacré, Dieu, donnant sens à tout le reste: vision du monde, des autres et de soi-même, et le traitement de la violence en fait partie. C'est leur chemin de référence. Muhammad, objectivement fondateur historique de l'islam, a été chef religieux, politique et militaire: le prophète armé, reconnu comme le «beau modèle» par Dieu (33,21) ; et Dieu «prescrit» la violence dans le Coran (2,216.246) et y incite (8,17; 9,5.14.29.73.111.123; 33,61; 47,35; 48,29; 61,4; 66,9…), le Coran fait par Dieu et descendu du ciel par dictée céleste, étant considéré par les musulmans comme la référence achevée de la révélation; les biographies islamiques du fondateur de l'islam témoignent de son usage de la violence, y compris de la décapitation de plus de 700 juifs en mars 627 à Médine. Et nos amis de l'islam le justifient.
Et selon la règle ultra classique de l'abrogation (2,106), ce sont les versets les derniers qui abrogent ceux qui seraient contraires ; or les derniers sont les intolérants quand Muhammad est chef politique et militaire. Ce n'est pas une dérive. Quand, avec St Augustin, le christianisme a suivi le juriste et penseur romain païen Cicéron (mort en 43 avant Jésus-Christ) sur l'élaboration de la guerre juste («faire justement une guerre juste» disait-il), il n'a pas suivi l'esprit du Christ. Gandhi, lisant le Sermon sur la Montagne de Jésus (Mt 5-7), a très bien vu et compris, mieux que bien des chrétiens, que Dieu est non-violent et qu'il faut développer, désormais dans l'histoire, d'autres manières dignes de l'homme pour résoudre nos conflits. Car il s'agit bien de se défendre, mais la fin ne justifie pas les moyens, surtout ceux de demain qui seront toujours plus terriblement destructeurs. Mais les chrétiens qui ont l'Evangile dans les mains ne l'ont pas encore vraiment vu. Ces dérives viennent bien des hommes mais non de Dieu qui au contraire les pousse bien plus loin pour leur propre bonheur sur la terre. Pour en juger, il faut distinguer entre les dérives (il y en a partout), et les chemins de référence de chaque religion: leur vision de Dieu ou de l'Ultime. Au lieu de faire lâchement l'autruche, les non-musulmans devraient donc par la force de la vérité («satyagraha» de Gandhi), aider les musulmans, gravement bridés dans leur liberté (sans les juger car ils sont nés dans ce système contraignant), à voir ces choses qui sont cachées aujourd'hui par la majorité ‘pensante' cherchant la facilité et à garder sa place. Le déni de réalité ambiant dominant est du pacifisme qui masque les problèmes à résoudre, lesquels vont durcir, grossir et exploseront plus fort dans l'avenir devant nous. Il est là le vrai dialogue de paix et de salut contre la violence, l'aide que l'on se doit entre frères vivant ensemble sur la même terre.
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Par Eléonore de Vulpillières, pour Le Figaro
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30/06/2016
Dantec Conservateur : "Du tueur en série comme microcosme de la Modernité"
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et
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Le 19 juin 2007, à la Librairie Ville-Marie de Montréal, eut lieu une rencontre publique organisée par "Égards, revue de la résistance conservatrice" autour de l'oeuvre de Maurice G. Dantec. La soirée débuta avec une conférence du philosophe et essayiste québécois, Jean Renaud, qui évoqua l'oeuvre de Dantec. Le titre de son intervention : "Du tueur en série comme microcosme de la Modernité"...
Jean Renaud nous parle de l'oeuvre de Maurice G. Dantec
Réponse de Maurice G. Dantec à Jean Renaud
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10/05/2016
Le Communisme ? C'était mieux avant...
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02/05/2016
Les cinq plus grands regrets émis avant de mourir...
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17/03/2016
Eric Zemmour : "Et si on changeait le nom de notre pays ?"
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03/03/2016
Le Schisme de 1054
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Brillantes interventions de Goran Sekulovski, entre autre lorsqu'il explique la différence entre Théologie Divine (La vie de la Trinité par elle-même) et Economie Divine (l'Intervention Divine dans le monde), à propos du "Filioque"... et Marie-Helene Congourdeau qui avoue, presque en chuchotant, que ce sont les occidentaux qui ont rajouté quelque chose au Crédo, et non pas les orientaux qui auraient enlevé quelque chose...
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18/02/2016
LA QUATRIÈME GUERRE MONDIALE NOUS EST DÉCLARÉE : ENTRETIEN AVEC MAURICE G. DANTEC
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Nous sommes heureux, à Égards, de retrouver Maurice G. Dantec pour un entretien autour de quelques-uns de ses thèmes de prédilection : la géopolitique, la pathologie islamiste, l’histoire militaire, la littérature, l’eschatologie chrétienne. L’écrivain nous rappelle des vérités, certaines lumineuses et d’autres plus sombres.
Patrick Dionne
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JEAN-PHILIPPE MARTINI : Maurice G. Dantec, il y a une quinzaine d’années, dans le Théâtre des opérations et le Laboratoire de catastrophe générale – des œuvres qui méritent en passant d’être relues –, vous décriviez déjà une France en crise, vous annonciez déjà la conflagration européenne. Selon vous, y aura-t-il d’autres attentats jihadistes en France, mais cette fois-ci organisés par des éléments hétérodoxes en sous-traitance ?
MAURICE G. DANTEC : Votre question est à la fois simple et complexe. D’abord, il est vrai que ce qui s’est passé en France en novembre dernier, je l’avais prédit. Je ne suis pas un mystique visionnaire : il suffisait de lire le monde tel qu’il était pour comprendre que ce nazisme islamique, qui se configure de manière claire et précise aujourd’hui, constituait une menace bien réelle. Il suffisait simplement d’être à l’écoute de ce monde de merde (excusez-moi), il y a quinze et même vingt ans. Mon expérience en Bosnie-Herzégovine m’a aussi beaucoup ouvert les yeux à ce sujet. Ce qui m’a valu à l’époque des épithètes fort désagréables et des ennuis éditoriaux sur lesquels je ne reviendrai pas. Ensuite, est-ce qu’il y aura d’autres attentats ? Encore une fois, je ne suis pas devin, mais c’est évident qu’il y en aura d’autres. Pourquoi en France ? Parce que, comme on dit sur le ton de la blague : la France et l’Algérie se sont séparées en 1962, mais c’est la France qui a eu la garde des enfants. Je n’exclus pas non plus cette idée : la France est la fille aînée de l’Église. Ébranler un symbole si fort, qui a longtemps été une réalité vivante, ça paye, stratégiquement (le terrorisme, à la fin, n’est peut-être que l’art de briser les images et de renverser les symboles). Donc, cette communauté arabo-musulmane qui n’est pas entièrement (Dieu soit loué!) pieds et poings liés aux États islamiques ou au califat sunnite est aussi, malheureusement, un vivier potentiel à l’intérieur des frontières françaises ou même canadiennes. C’est-à-dire que même si l’État islamique est vaincu un jour militairement, politico-militairement – par la seule, la dernière puissance mondiale, la Russie –, je crois que ces réseaux demeureront actifs sur le sol français et sur le sol canadien. Le fanatique ne prend jamais de vacances. Et ce qui est plus grave, c’est qu’il a toujours une descendance. Le monde tel qu’il se dessine en ce début du XXIe siècle est un monde très dangereux, sans doute plus dangereux que le fut le XXe. Pourquoi ? Parce qu’au XXe siècle au moins, les «camps» étaient relativement définis, si vous voyez ce que je veux dire… Avec le psychopathe du Tyrol d’un côté et le paranoïaque soviétique de l’autre.
JEAN-PHILIPPE MARTINI : L’utopie islamiste se répand un peu partout dans le monde. Il y aurait même une internationalisation de la «cause» qui se déploie sous divers drapeaux et à plusieurs niveaux. L’infrastructure des Frères musulmans semble s’être incrustée définitivement en Europe et en Amérique du Nord. Y a-t-il un manque d’intelligence ou de volonté de nos dirigeants pour réfréner ces «pulsions» islamistes ?
MAURICE G. DANTEC : Depuis 1947, la plupart des gouvernements européens (ou de souche européenne en Amérique du Nord) soutiennent – à part le Parti républicain aux États-Unis, ce qui n’est pas un hasard, puisque les États-Unis ont été conçu comme un «Nouvel Israël» par les pionniers –, soutiennent, donc, les Arabo-musulmans contre vents et marée. Comme je l’écris dans mon recueil d’aphorismes à paraître, Courts-circuits, la figure du «prolétaire» qui a disparu en Occident, a été remplacée par le «bon Palestinien». Depuis 1947, quand même !, soit deux ans après Auschwitz, les gouvernements européens (ou euro-américains) appuient sans discussion la «cause arabe» contre l’État d’Israël. Ce n’est donc pas un hasard si cet antisémitisme, latent depuis la Révolution française en Europe, se camoufle sous l’appellation «antisionisme». Il a suffi que les Juifs, par la force des armes, il faut bien le rappeler, arrachent leur terre ancestrale – la Terre d’Israël ! – à ce qui n’était pas encore le Hamas. Je nomme le Hamas : on peut parler des Frères musulmans, de la République théocratique chiite, du califat sunnite, tout ça en fin de compte, c’est la même chose.
JEAN-PHILIPPE MARTINI : Le nazisme a été dévastateur en Europe. Le communisme, sous ses différentes dénominations (maoïstes, trotskistes, etc.), a été une effroyable imposture totalitaire sur plusieurs continents. L’islamisme qui se dresse et se braque contre l’Occident sera-t-il vaincu un jour ?
MAURICE G. DANTEC : Ah! Évidemment, moi, en tant que chrétien, je crois que les bons gagnent à la fin. Mais cette fin, c’est quand ? Ce n’est pas prévisible. Seul Dieu le sait précisément, la Sainte Trinité le sait. Au moment où l’on se parle, on n’est pas là-haut. C’est quand on est là-haut que l’on sait. On ne peut pas non plus manipuler l’Histoire humaine de là-haut. Dieu nous a fait libres. Ça, c’est une constante du christianisme, qu’on ne retrouve pas dans l’islam. Dieu nous a fait libres… Ça veut dire quoi ? Que la liberté – qui a d’ailleurs la même étymologie que le mot «livre» (c’est peut-être pour cette raison que les écrivains comme moi se mobilisent quand on attaque la liberté) –, que la liberté, c’est aussi l’impossibilité de prévoir. Nous ne pouvons pas prévoir l’heure de notre mort ni même à quoi ressemblera la prochaine minute de notre vie. Et heureusement, heureusement ! La vie serait intolérable si nous savions à l’avance tout ce qui va nous arriver. C’est vrai également pour l’écriture. On ne peut pas écrire décemment, je crois, si le livre est pré-écrit. Le livre est une forme de vie: c’est la vie des formes qui sont à l’intérieur. Soit la première phrase se déplie en toute liberté et l’œuvre surgit, soit le storyboard est tout tracé et le bouquin est mort-né.
JEAN-PHILIPPE MARTINI : Des commentateurs un peu cyniques prétendent qu’il faudrait, sur les fronts syrien et irakien, s’allier temporairement au Hezbollah pour venir à bout de Daesh. Pensez-vous que ce type de compromis soit nécessaire pour vaincre Daesh ?
MAURICE G. DANTEC : Ce qui se passe est très curieux. Depuis 1947, et plus encore depuis 1979, depuis la Révolution iranienne, les Arabo-musulmans, chiites comme sunnites, ont joué avec le feu. Et maintenant c’est le feu qui joue avec eux. Le Hezbollah, par rapport à l’État islamique ou à Al-Qaïda, c’est de la rigolade. En dépit des apparences, les Iraniens, les Syriens et une bonne partie du Proche-Orient sont obligés d’essayer de contrôler ce qui est devenu incontrôlable : l’État islamique ou le nouveau califat. Pourquoi ? Parce que leur propre régime est déstabilisé. Il ne s’agit pas de jouer aux anges (bien qu’un Ange exterminateur réglerait bien des problèmes), mais d’être réaliste. Dans ce monde réel, même s’il devient de plus en plus… virtuel, il faut prendre en compte ce qui se passe. Le Hezbollah, même s’il commet des attentats au Liban et ailleurs, représente une sorte de force d’inertie. Les pays sont encore des pays, c’est encore le règne des nations, qui sont obligées de prendre le taureau par les cornes, de se positionner clairement, de frapper frontalement.
JEAN-PHILIPPE MARTINI : Quand on tue au nom du Jihad, à Jérusalem, à Rome ou à Paris, n’est-ce pas toujours la même idéologie qui est à l’œuvre, bien que ces attentats soient perpétrés par des groupes distincts ?
MAURICE G. DANTEC : Oui. Et ces groupes soi-disant distincts, le nouveau califat ou même le nouvel Al-Qaïda, se cachent sous des appellations diverses, non contrôlées. Le monde à venir va être celui d’une confrontation plus ou moins générale, parce que le Jihad est inscrit en toutes lettres comme une valeur coranique. Je me permets une petite parenthèse. Tous ces braves gens qui interviennent dans les débats radiophoniques, télévisés, qui écrivent dans la presse sur le Coran, qui font comme M. Thomas Mulcair des réflexions sur le niqab, n’ont pas lu le Coran. Ils parlent sans savoir.
PATRICK DIONNE : C’est l’ignorance universelle, gratuite et obligatoire.
MAURICE G. DANTEC : Exactement. Si vous voulez parler du nazisme, vous lisez Mein Kampf, si vous voulez parler du marxisme-léninisme, vous lisez Le Capital de Marx et Que Faire ? de Lénine. Staline, au moins, ne se prenait pas pour un écrivain. Staline à la limite est beaucoup plus respectable que bien des gouvernants occidentaux actuels. Parce que lui, il a foutu la pile à Hitler, au prix de vingt-cinq millions de morts. Il ne faudrait pas l’oublier. Près de vingt-cinq millions de soviétiques ont été «sacrifiés» pour que les petits Européens qui collaboraient avec la tapette du Tyrol restent en vie. Staline a livré une «Guerre Totale» à Hitler, mais pas au nom du communisme. Il faut se rappeler qu’au moment où les nazis envahissent la Russie, et que Staline se dresse contre eux, il ne se réfère pas au bolchévisme, ni non plus à la «Sainte Russie», évidemment, mais à la «Grande Russie» ! Par comparaison, que font réellement Justin Trudeau ou François Hollande contre les fanatiques du Jihad ?
PATRICK DIONNE : La guerre a subi des mutations terribles au cours du XXe siècle. En ce XXIe siècle, elle est protéiforme, et comme coincée entre pacifisme et militarisme. Est-ce que vous voyez un lien entre la mutation de la guerre et la virtualisation du monde ?
MAURICE G. DANTEC : La réponse est contenue dans votre question. «Militarisme» c’est une idéologie, il y a un «isme». «Pacifisme», c’est une idéologie, il y a un «isme». Par contre, les affaires militaires existent depuis que l’homme est homme. La paix aussi existe depuis que l’homme est homme. Ce qu’on observe aujourd’hui, c’est effectivement l’émergence, ou plutôt la concrétisation finale du terrorisme, qui est bien une idéologie depuis l’époque de la Terreur, celle qui a été initiée par la Révolution française (que le diable l’emporte!) en 1792. Le terrorisme engendre à son tour un climat extrêmement absurde et en même temps terrible où la guerre n’est plus un acte mais une idéologie. Et où la paix n’est plus un acte mais une idéologie.
PATRICK DIONNE : Le pacifisme et le militarisme ne sont-ils pas des falsifications de la paix et de la force, des vertus dégradées, qui renaissent sous forme de simulacres ?
MAURICE G. DANTEC : Bien dit. Sous forme de simulacres. Comme l’affirmait Philip K. Dick, dans son roman Simulacres.
PATRICK DIONNE : Philip K. Dick, on le sait, est une de vos influences majeures. Vous êtes de la même communauté d’esprit, et vos œuvres respectives creusent par moment les mêmes questions, dont celle-ci : à quoi ressemblerait le monde, l’univers, si les nazis avaient gagné la Deuxième Guerre mondiale ? Dans votre roman Métacortex, vous soutenez même que les nazis l’ont gagné, la Deuxième Guerre mondiale...
MAURICE G. DANTEC : En réalité, les nazis ont perdu la guerre, mais ils ont gagné le monde. C’est la grande leçon du XXe et de ce XXIe siècle qui commence. Ils ont perdu la guerre, c’est un fait objectif. Mais comme le dit aussi Dick de manière fort juste, le problème n’est pas tant que ce monde soit faux, c’est que ce n’est pas le bon.
JEAN-PHILIPPE MARTINI : Récemment, la tenue d’une allocution de Tariq Ramadan dans une communauté protestante en plein cœur du centre-ville de Montréal, l’Église Unie St-James, a fait beaucoup jaser. Qu’en pensez-vous, sachant que nombres de groupes protestants qui se targuent d’ouverture et de «progressisme» ne sont peut-être pas au courant que ce monsieur travaille en collaboration étroite avec un centre d’études islamiques idéologiquement orienté situé au Qatar, le Centre de Recherche sur la Législation Islamique et l’Éthique ?
MAURICE G. DANTEC : Le fait que Tariq Ramadan soit présent lors d’une réunion de cette «Église Unie», une Église protestante, n’est pas un hasard. Le protestantisme, à l’origine, c’est une hérésie, qui a fondé la modernité dans ce qu’elle a de pire. L’islam, lui, n’a pas fondé la modernité, c’est presque l’inverse. C’est une hérésie qui veut rester à son état primitif de l’âge 600. Alors que ces gens-là se congratulent mutuellement, ce n’est pas vraiment fait pour m’étonner. Ce monde 2.0, comme je l’appelle, n’est pas enthousiasmant, c’est le moins que l’on puisse dire.
PATRICK DIONNE : Je soulèverais deux autres points, si vous le permettez. D’une part, Tariq Ramadan, c’est un peu la marionnette des furieux, une sorte de Bonhomme Carnaval de l’islamisme, qu’on promène partout en Amérique pour rassurer les inquiets et bourrer les imbéciles: l’islam est une religion de tendresse, miséricordieuse, raffinée, tolérante, etc., vous connaissez le refrain… Ramadan joue ce rôle de marionnette très consciemment. Sa stratégie est simple, banale même: présenter de l’islam un visage séduisant. D’autre part, ce n’est effectivement pas un hasard s’il parade avec les protestants (quoique des universités et des théologiens catholiques, comme l’Université Notre-Dame, comme Gregory Baum, l’invitent à prononcer des conférences et font son éloge). Vous l’avez très bien dit : l’islam et le protestantisme sont deux hérésies. Une de leur caractéristique commune, c’est ce mépris de la raison, de l’intelligence. Une sorte de haine de l’esprit les fonde, les habite et les dévore. On peut parler, avec Jean Renaud, d’une conjonction des fidéismes. Qui sont évidemment faits pour copuler ensemble.
MAURICE G. DANTEC : Je n’aurais pas mieux dit. Vraiment.
JEAN-PHILIPPE MARTINI : Même si globalement l’Église Unie du Canada est en décadence numérique, pourquoi aucun dirigeant de cette communauté n’informe le public sur la proximité de Tariq Ramadan avec le controversé Youssef Al-Qaradawi? Est-ce par paresse ou par lâcheté ?
MAURICE G. DANTEC : C’est peut-être par calcul. Il est évident que l’Église Unie du Canada n’a pas intérêt, vis-à-vis de ses ouailles et de l’opinion publique, à faire savoir qu’elle est un tapis rouge pour un monsieur comme Tariq Ramadan et son complice… Youssef Al-Qaradawi.
Dans l'ordre habituel : 2e, Youssef Al-Qaradawi, 4e, Tariq Ramadan, 6e, Yusuf Islam (Cat Stevens)
PATRICK DIONNE : Je vois plutôt de la bêtise dans cette affaire. Il ne faut jamais sous-estimer la bêtise. L’imbécillité des clercs, abyssale, ne date pas d’hier, et elle est plus prononcée encore dans les Églises protestantes, parce qu’il n’y a pas de Magistère ni de Tradition. Voici d’ailleurs l’enseigne que l’Église Unie a suspendu à sa porte: «L’Église Unie St-James vous invite à vous joindre à sa famille spirituelle ouverte à tous et à toutes. Notre communauté comprend des personnes de tous âges, orientations sexuelles ou de diverses origines culturelles et linguistiques.» Quel besoin une Église chrétienne a-t-elle de préciser cela ?
JEAN-PHILIPPE MARTINI : Avez-vous quelque chose à dire aux chrétiens du Moyen-Orient ? Spécialement à ceux qui se trouvent dans les zones à risque de Daesh ?
MAURICE G. DANTEC : Ne cherchez pas à convertir, soyez chrétiens simplement par votre présence. C’est important la présence. La présence réelle dans l’eucharistie et la présence réelle par votre vie, par votre engagement, à votre échelle. C’est ça qui compte. Je constate que l’Église catholique est en progrès dans certains pays, il faut s’en réjouir puisque c’est l’Église catholique qui fondera la grande Église œcuménique, avec les orthodoxes et peut-être avec des protestants qui rompront avec cette hérésie, et nous rejoindrons dans une grande Église tri-unitaire.
PATRICK DIONNE : Vous évoquiez tout à l’heure votre recueil d’aphorismes: Courts-circuits. Pourquoi l’aphorisme ? C’est contraire à tout ce que vous avez fait jusqu’à présent.
MAURICE G. DANTEC : Il y en avait dans le Théâtre des opérations.
PATRICK DIONNE : Mais c’était un journal.
MAURICE G. DANTEC : C’était un «journal» entre guillemets… Courts-circuits, en effet, n’est pas un journal. Le fait que j’aie perdu la vision de mon œil gauche me place devant une sorte d’obligation de concision. Je ne peux plus écrire comme avant, des romans, des ouvrages de trois cents pages. Je dois composer avec ce que je suis maintenant. Et puis j’ai cinquante-six ans… Donc, dans la journée, après votre départ par exemple, il me viendra une dizaine d’aphorismes, ce que j’appelle des commandos verbaux. Des commandos verbaux, ça peut être une poésie de quelques lignes, ou quelque chose de plus «long» qu’un simple aphorisme. Un commentaire sur un événement politique, une élection, une lecture, sur ce qui se passe avec l’islam, etc.
PATRICK DIONNE : Y a-t-il un rapport entre la maladie, ou du moins entre une constitution chétive, et l’aphorisme? Je pense à des hommes qui avaient une santé très fragile, Pascal, Lichtenberg, Nietzsche, qui ont pratiqué l’aphorisme, l’ont porté à des sommets. J’en lis un des vôtres: «L’islam est comme la vie, une maladie mortelle transmise par vos parents.»
MAURICE G. DANTEC : Bien voilà, c’est un exemple. Comme toute littérature vraie, ses origines et sa finalité restent mystérieuses. Heureusement, encore une fois. Si nous savions tout à l’avance, ce serait d’une tristesse absolue. C’est comme la vie.
PATRICK DIONNE : Ce serait l’enfer…
MAURICE G. DANTEC : Ce serait effectivement ça l’enfer. Non pas une sorte de néant, mais une pseudo-vie éternelle où tout est su, connu, réglé à l’avance. Quelle horreur !
PATRICK DIONNE : Donc, vos prochains romans seront concis…
MAURICE G. DANTEC : C’est le cas d’À l’Ouest du crépuscule…
PATRICK DIONNE : En quoi consiste l’intrigue ?
MAURICE G. DANTEC : C’est un techno-western que je situe en 1903, une grande année pour le XXe siècle et pour celui qui suit. Pourquoi ? Parce que c’est à la fois l’invention de la Harley-Davidson, le premier vol des frères Wright et la naissance d’Hollywood. En fait, ce roman techno-western, c’est le voyage d’un héros nommé Wayne Duncan Bannerville, qui vient du Yukon, qui s’est enrichi, qui est plein d’or, mais qui a le désir de changer de vie. Son or, il s’en sert pour voyager. C’est un voyage Nord-Sud et Est-Ouest. De Détroit à New York et de New York au Texas. Et du Texas à la Californie. Une traversée violente du continent américain, avec des éléments empruntés à toutes les époques: J. Edgar Hoover sera là, vingt ans en avance. C’est un roman! Je ne fais pas comme James Ellroy, des fictions-documentaires. Ce qui m’intéresse, c’est la fiction du XXe siècle, ses vérités et ses mensonges, en particulier ce moment où l’Ouest disparaît et où le western apparaît.
PATRICK DIONNE : Maurice G. Dantec, merci pour cet entretien.
MAURICE G. DANTEC : C’est moi qui vous remercie.
par Patrick Dionne et Jean-Philippe Martini
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La vraie question c’est : "Qu’est-ce qu’être français ?", non pas : "Qui est français ?"
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Boulevard Voltaire : La question identitaire, souvent évacuée du débat politique, n’en finit plus de hanter les esprits. Mais quid de la définition de cette dernière ? Quelle est la part de la culture, de l’ethnie ou de la religion ?
Alain de Benoist : À une époque où, comme le dit Alain Finkielkraut, un nombre croissant de Français sont « cloués au pilori médiatique parce qu’ils réclament le droit à la continuité historique », on parle en effet de plus en plus d’identité – et ce n’est pas bon signe. Quand l’identité va de soi, personne ne se pose la question de savoir en quoi elle consiste. Quand on commence à le faire, c’est que l’identité est sérieusement dégradée ou déjà perdue.
Il ne faut jamais oublier que l’identité n’est pas ce qui ne change jamais, mais ce qui définit notre façon de changer tout en restant nous-mêmes. Souvenons-nous aussi que l’identité d’un individu a toujours plusieurs facettes : identité nationale certes, mais aussi identité linguistique et culturelle, identité professionnelle, identité sexuelle, identité religieuse, identité politique ou philosophique, etc. Celle de ces facettes que nous tenons pour la plus déterminante, et qui détermine de qui nous nous sentons le plus proche (si je suis de gauche, me sens-je plus proche d’un Français de droite ou d’un Allemand de gauche ? Si je suis chrétien, me sens-je plus proche d’un Français athée ou d’un catholique sénégalais ?), n’est évidemment pas la même pour tout le monde.
Autre point capital : l’identité n’est jamais une donnée immédiate, elle ne se manifeste que par la médiation d’une culture. Or, une culture ne vaut que par sa créativité, faute de quoi elle n’est qu’une tradition postiche. Comme l’écrit le philosophe Philippe Forget, « un peuple n’exprime pas son génie parce qu’il est doté d’une identité, mais il manifeste une identité parce que son génie l’active […] Un peuple s’affirme par l’excellence de ce qu’il fait, par l’éclat de ses formes de vie, bien plus que par sa conformation obstinée à un seul modèle d’être. » Au cours de son histoire, la France n’a elle-même cessé de changer, mais elle est restée la France parce qu’à chaque étape de cette trajectoire, le peuple français a su renaître à lui-même à partir de sa manière d’être. Restituer de l’identité ne signifie donc pas reproduire le même contenu ou s’en remettre à la réception passive de formes héritées. Une histoire qui se réduit à la mémoire ou au culte du passé traduit un génie qui dégénère. Si l’identité se ramène à une incantation, au petit musée portatif des grands événements et des héros du passé, elle devient inévitablement résiduelle, fossile, voire tout simplement fantasmée.
Boulevard Voltaire : À propos, vous êtes favorable à la déchéance de la nationalité ?
Alain de Benoist : Dans les circonstances actuelles, certainement pas. Les discussions de ces dernières semaines l’ont bien montré : déchoir de leur nationalité des gens qu’on ne peut expulser n’a aucun sens. Plutôt que de s’interroger sur la façon d’enlever la nationalité française à ceux qui la possèdent, on ferait mieux de débattre de la façon dont elle doit être attribuée.
Boulevard Voltaire : Et la sortie de Nadine Morano, citant (approximativement) de Gaulle pour dire que la France est une « nation de race blanche » ?
Alain de Benoist : De Gaulle est mort depuis bientôt un demi-siècle. Nadine Morano aurait été plus crédible si elle avait parlé au passé.
Boulevard Voltaire : Mais, en fin de compte, c’est quoi, être français ?
Alain de Benoist : J’ai déjà eu l’occasion de vous le dire lors de précédents entretiens. La bonne question est : « Qu’est-ce qu’être français ? », et non pas : « Qui est français ? » Me dire Français n’explicite pas le style qui me définit comme tel. En toute rigueur, est Français celui possède une carte d’identité de citoyen français. Vous me direz, bien sûr, que beaucoup de « Français de papiers » ne se sentent pas du tout français. Sans doute, mais c’est tout aussi vrai de nombre de « Français de souche », dont l’identité nationale n’est tout simplement pas la composante de leur identité qui leur paraît la plus importante. Au demeurant, on peut être Français et n’aimer ni l’île Saint-Louis, ni le mont Saint-Michel, ni Jeanne d’Arc, ni Georges Brassens, ni le camembert ! On peut être Français sans se sentir tenu d’aimer la France. On peut être Français et préférer l’Irlande à la France. Et on a aussi le droit d’être misanthrope ! Les Français qui ne sont pas républicains, enfin, ne sont pas moins français que ceux qui ne sont pas royalistes. Être Français, ce n’est pas adhérer à des principes ni à des valeurs (fussent-elles « républicaines »), mais reconnaître une appartenance qui s’inscrit ou est appelée à s’inscrire dans l’Histoire.
Le problème ne commence que lorsque l’on fait primer sur l’appartenance nationale une autre appartenance, nationale ou communautaire, censée rendre la première caduque ou inopérante. C’est le cas de certains immigrés qui, bien que détenteurs de la nationalité française, se sentent en fait Algériens, Syriens ou Sénégalais. Mais c’est aussi le cas des nationalistes corses qui, à tort ou à raison, affirment qu’il existe un peuple corse distinct du peuple français – et une nation corse distincte de la nation française – et qui ne se considèrent donc français qu’administrativement. Dans ce dernier cas, cependant, la distinction de la citoyenneté et de la nationalité, synonymes dans la tradition française mais disjointes dans bien d’autres pays, pourrait permettre de résoudre le problème (les Corses deviendraient des citoyens français de nationalité corse). Cela vaut aussi pour nos compatriotes ultramarins, dont Marion Maréchal-Le Pen rappelait récemment, à juste titre, qu’ils étaient Français avant que les Savoyards et les Niçois ne le deviennent.
Entretien réalisé par Nicolas Gauthier
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17/02/2016
Test ADN
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Un test ADN bouleverse l’histoire du premier homme et remet en cause la théorie de l’évolution
Entre 2003 et 2011, à l’issue de l’étude d’une base de données ADN regroupant plus de 6000 individus à travers le monde, les généticiens Wells puis Cruciani ont conclu que les hommes vivant sur Terre aujourd’hui descendaient tous du même ancêtre : un homo sapiens vivant sur le continent africain il y a 60 000 à 140 000 ans. Il est surnommé « l’Adam Y-chromosomique », (pour celui qui a donné son chromosome Y à tous les hommes modernes) ou plus simplement « l’Adam génétique ».
La même observation a pu être faite pour les femmes à partir des mitochondries des cellules, ainsi, la première femme connue à ce jour (soit leur plus ancien ancêtre commun) est nommée « l’Ève mitochondriale ». Les scientifiques s’accordent à dire que l’apparition de l’homme sur Terre remonterait à 200 000 ans environ.
Pourtant, en 2013, l’étude de l’ADN d’Albert Perry, un homme d’origine afro américaine qui vivait en Caroline du Sud, est venue bouleverser cette quasi certitude du monde scientifique. En effet, l’analyse de son ADN révèle tout d’abord que son chromosome Y n’est pas lié à l’Adam génétique, mais fait partie d’une autre lignée plus ancienne. Cette lignée remonterait à 340 000 ans, soit bien avant l’apparition supposée de l’homme sur Terre !
Michael Hummer, généticien, a une explication à cette extraordinaire découverte : une lignée « archaïque » aurait survécu de nombreuses années au lieu de s’éteindre comme c’est couramment admis, jusqu’à coexister aux côtés de l’homo sapiens. Des croisements de ces deux lignées auraient permis la transmission du chromosome Y d’Albert Perry.
Une thèse appuyée par la récente découverte, en 2011, d’un crâne primitif à Iwo Eleru au Niger. Bien qu’il fut daté à environ 13 000 ans, les os du crâne présentaient des caractéristiques bien plus primitives ; ce qui suggère encore une fois que les descendants primitifs africains ne se sont pas éteints pour donner naissance à l’homme moderne, mais que les deux espèces auraient cohabité et se seraient reproduites.
Ces découvertes ne sont pas les premières à remettre en question la théorie de l’évolution selon Darwin, qui prône une évolution linéaire faite de mutations hasardeuses et de sélections naturelles. Selon M.-P. Schützenberger, célèbre mathématicien féru de sciences, l’évolution telle que la présente le darwinisme a de nombreuses failles, car la seule existence de l’ADN ne suffit pas à expliquer l’évolution de l’homme depuis le primate :« [Le darwinisme est] tout à fait incapable de donner une explication convaincante de l’émergence quasi simultanée des nombreux systèmes biologiques qui distinguent l’homme des singes supérieurs : la bipédie […], une main beaucoup plus habile, avec des empreintes digitales qui lui confèrent un tact beaucoup plus fin ; les modifications du pharynx permettant la phonation […]. Il est très singulier que ces dons se soient développés simultanément, pour le plus grand bénéfice des primates que nous sommes.»
Les conclusions de l’étude du chromosome Y d’Albert Perry résonnent avec les travaux du docteur en génétique Georgia Purdom, qui affirmait l’existence d’un couple originel, ascendant de l’humanité tout entière, comme écrit dans la Genèse.
À ce jour, l’évolution du vivant est bien loin d’avoir livré tous ses secrets. La laminine, cette protéine qui permet à toutes les cellules de se tenir entre elles, présente un enjeu crucial dans la compréhension du développement du cancer, fait peut-être partie de l’équation.
Élodie Crépin
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