10/02/2020
Elisabeth Roudinesco : "Dolto, Foucault, Matzneff : on ne fait plus la différence entre pédophiles et penseurs"
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Propos recueillis par Eric Favereau
Avec l’affaire Matzneff ont ressurgi des propos de Françoise Dolto sur la pédophile et la violence conjugale. Des propos qui, hors de leur contexte, et même s’ils méritent la critique, alimentent, selon l’historienne, une «légende noire» autour de la psychanalyste et de la psychanalyse. Elle pointe aussi la responsabilité des représentants de la discipline, isolés dans leur forteresse, se posant en victimes d’un complot.
En 1979, la revue féministe Choisir la cause des femmes publie, dans le cadre d’un ensemble sur «les enfants en morceaux», un long entretien avec la psychanalyste Françoise Dolto. A l’occasion de l’affaire Vanessa Springora-Gabriel Matzneff, le Canard enchaîné a reproduit le 8 janvier de larges extraits de cet article. La psy pour enfants y tient des propos déroutants, pour ne pas dire révoltants. On l’interroge sur les femmes battues, elle répond : «C’est le mari qui doit être aidé et non la femme battue.» Sur l’inceste, elle lâche : «Dans l’inceste père-fille, la fille adore son père et est très contente de pouvoir narguer sa mère !» Propos ahurissants, qui le sont d’autant plus aujourd’hui. L’affaire Matzneff a aussi déclenché une mise en cause d’intellectuels de renom, dont Françoise Dolto, accusés de complaisance vis-à-vis de la pédophilie à l’époque, ce qui est inexact dans le cas de la célèbre psychanalyste. Elisabeth Roudinesco, historienne de la psychanalyse, revient sur cette violente polémique. Et tente de comprendre pourquoi le monde de la psychanalyse va si mal aujourd’hui.
-- Comment réagissez-vous à la polémique autour de certains textes de Françoise Dolto publiés dans le Canard enchaîné en janvier ?
Françoise Dolto tenait souvent des propos insensés, notamment quand elle a commencé à être célèbre et qu’elle répondait n’importe quoi à n’importe qui. Dans toutes les citations bien connues, recueillies depuis des lustres sur Internet, c’est toujours la même litanie : elle prend les enfants pour des adultes parce qu’elle leur reconnaît, à juste tire, un statut de sujet, confond l’inconscient avec le conscient et accumule des cas particuliers tirés de sa clinique, comme si elle s’adressait à un cercle d’initiés : les femmes battues désirent «inconsciemment» être battues, les enfants aiment séduire «inconsciemment» les adultes, notamment leurs pères, etc.
-- Cela s’appelle un dérapage, non ?
C’est plus grave qu’un dérapage, car le défaut majeur de ces propos, c’est de laisser croire à la puissance absolue de toute forme d’interprétation, fût-elle un délire du psychanalyste lui-même. Rien ne prouve en effet que toutes les femmes battues désirent «inconsciemment» être battues et que tous les enfants aiment «inconsciemment» séduire sexuellement des adultes. Et même si, au cours d’une cure, un tel constat peut être fait, en aucun cas on ne doit tirer d’un cas particulier une théorie générale, et en aucun cas on ne doit laisser un sujet en souffrance se complaire dans une telle situation. Surtout s’il s’agit d’un enfant qui n’est jamais consentant, quelle que soit la séduction qu’il puisse exercer sur un adulte.
Le problème, c’est que ces citations ne dépassent pas cinquante pages au regard d’une œuvre d’une trentaine de volumes. Et les attaques sont récurrentes. Cela permet d’occulter l’apport de Dolto dans le domaine de l’enfance. Le réductionnisme est toujours l’idéologie des imbéciles, que ceux-ci soient les adeptes d’une légende rose (Dolto a toujours raison, elle est géniale), ou les fanatiques d’une légende noire (elle est pédophile et vichyste).
-- Mais peut-on se contenter de cet argument ?
Evidemment non. Et c’est là qu’il faut critiquer la publication des œuvres posthumes de Dolto.
-- C’est-à-dire la censurer ?
Catherine Dolto, détentrice du droit moral sur les œuvres de sa mère, a écrit que celle-ci ne voulait pas que ses propos de 1979 soient reproduits car on lui faisait dire n’importe quoi : c’est exact. Mais pourquoi avoir laissé traîner, depuis trente-deux ans, toutes ces citations ? Pourquoi n’avoir jamais publié, avec des notes en bas de page, et de façon chronologique, la totalité des textes de Françoise Dolto ? Si cela avait été le cas, les citations auraient été replacées dans leur contexte, quitte à en faire une critique sévère. Depuis 1988, de nombreux livres, avec des passages insensés, ont été publiés dans le désordre et ils se sont vendus comme des best-sellers. Les adorateurs de Dolto vivent dans le culte évangélique de leur «sainte mamie», et face à l’adversité qui est rude, ils réagissent par l’indignation et le rejet de toute rationalité.
-- Ces propos de Dolto surgissent dans un contexte particulier, où la psychanalyse est profondément attaquée.
Oui, c’est un désastre. Dans une période où les ligues de vertu s’emploient à réviser les textes du passé, on ne fait plus la différence entre des pédophiles et des penseurs qui ont signé des pétitions favorables à la dépénalisation de l’homosexualité ou contre des lois abusives sur le détournement de mineurs. En bref, on met dans le même sac Dolto, Foucault, Matzneff, Deleuze, Cohn-Bendit : tous violeurs d’enfants.
-- Mais Lacan aussi pouvait avoir des propos insensés...
C’est différent. Françoise Dolto n’a pas la dimension intellectuelle de Lacan. Tous les deux formaient un couple fascinant, l’un avec la puissance conceptuelle, l’autre avec son génie clinique de l’enfance. Pour mettre fin à cette binarité - hagiographie d’un côté et démonologie de l’autre -, il faudrait une vraie biographie - comme celle que j’ai écrite sur Lacan en 1993 - et qui mette Dolto à sa vraie place de fondatrice de la psychanalyse de l’enfant en France, et en France seulement, et dont l’enseignement oral a fait merveille : fort heureusement, il y en a des traces, avec des transcriptions, des films et des émissions de radio. Mais elle n’a pas le statut de Melanie Klein ou de Donald Woods Winnicott, qui ont inventé de nouveaux concepts et dont les œuvres sont traduites et lues dans le monde entier, alors que Dolto est peu connue à l’étranger, notamment dans le monde anglophone.
La vie de Dolto est passionnante. Elle s’est arrachée, par la psychanalyse, à son milieu d’origine : l’extrême droite d’Action française. Il faut comparer son itinéraire à celui de Simone de Beauvoir et de bien d’autres femmes de sa génération qui ont su, par le travail et les études, se dégager de leur milieu.
-- Certes, mais c’est un coup porté encore sur la psychanalyse. Les propos de Dolto ne sont pas inventés par les médias…
Bien sûr qu’ils ne sont pas inventés, mais ils les ont manipulés de façon haineuse. Quant à la crise de la psychanalyse, dont l’enseignement est à l’agonie à l’université et a disparu des études de psychiatrie, les principaux responsables en sont les psychanalystes eux-mêmes, ceux de la génération née entre 1945 et 1965. Ils n’ont pas su combattre l’antifreudisme radical qui a explosé dans les années 90. Ils se sont isolés dans une forteresse sans changer ni leurs cursus ni leur conception binaire de l’histoire, se posant en victimes d’un complot de leurs ennemis, lesquels sont bien souvent stupides. Enfin, ils ont fait preuve d’une homophobie insupportable face aux changements de l’ordre familial. En 1999, réagissant au pacs, certains ont même dit que le mariage homosexuel était impossible car contraire au complexe d’Œdipe.
-- Mais pourquoi particulièrement les psychanalystes français ?
En effet, c’est un phénomène strictement français, même si le déclin existe ailleurs. Dans les autres pays, les psychanalystes vont beaucoup mieux qu’en France, ils se sont adaptés à la réalité, ont modifié leurs formations, n’ont pas méprisé les psychothérapies et ont fait preuve d’une vraie ouverture envers les historiens du domaine. Les psychanalystes français se sont pris pour supérieurs aux autres car ils pouvaient s’enorgueillir d’avoir eu Lacan, le dernier grand penseur du freudisme dont l’œuvre rayonne dans le monde entier et ne leur appartient plus du tout, comme celle de Freud d’ailleurs. A cet égard, les lacaniens idolâtres et les antilacaniens fanatiques se ressemblent : Lacan est leur objet fétiche.
-- Vous êtes bien sévère !
Non, je suis lucide. Les psychanalystes français ont fait de cette magnifique discipline une sorte de machine à tout interpréter : la politique, l’histoire, les événements, la subjectivité, etc. Et les médias adorent les convoquer pour fabriquer le profil psychologique de tel ou tel personnage célèbre (Macron, Sarkozy ou Strauss-Kahn), ce que j’ai appelé la psychologie de bazar.
-- Au passage, les analystes se sont braqués contre toute évaluation de leurs pratiques…
Si l’on veut évaluer les cures psychanalytiques à l’aune des principes de l’Inserm, cela ne va pas. Car on est dans le domaine de la subjectivité et le modèle diagnostic-traitement-guérison ne convient pas. Les comportementalistes ont eu le tort de croire que c’était possible et je leur souhaite bonne chance, ils vont droit dans le mur en se prenant pour des savants au même titre que les neurologues ou les biologistes
-- Mais qu’aurait-il fallu faire ?
Ranger la psychanalyse dans le domaine des sciences humaines, et certainement pas du côté d’une psychologie dite «scientifique». Il faut créer, comme partout dans le monde, des instituts privés pour former des psychanalystes en trois ans, après un cursus universitaire solide, et cesser de pratiquer des cures interminables, souvent silencieuses avec des interprétations qui ne tiennent pas debout. Il faut tirer la leçon des erreurs du passé et comprendre la formidable explosion des psychothérapies ainsi que la demande des patients qui, aujourd’hui, ne vont ni vers la psychanalyse ni vers le comportementalisme, mais vers le coaching, la méditation et autres thérapies qui n’ont rien de scientifique : soyez heureux dans un corps en bonne santé (happycratie), etc.
-- Quel avenir alors pour la psychanalyse ?
Ce qui va dominer, c’est la culture psychanalytique qui traverse l’art, la littérature, la philosophie. Freud est devenu un penseur incontournable dans le monde entier. Les débats entre historiens, philosophes et littéraires sont d’une grande richesse. Les cliniciens français doivent cesser d’être à la fois arrogants et déprimés.
-- Vous oubliez le bulldozer des neurosciences qui se prennent pour l’alpha et l’oméga de la raison…
C’est trop facile d’accuser les neurosciences. Pour autant, la croyance que tout est cérébral est une folie. Et pour un peu, les adeptes des neurosciences risquent d’être pris dans le même délire interprétatif que les psychanalystes. Il faut une triple approche pour traiter les maladies de l’âme : la chimie (psychotropes), l’environnement social, le psychisme (cure). Etre totalitaire, c’est aller vers l’échec.
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Dernier ouvrage paru : Dictionnaire amoureux de la psychanalyse, éd. Plon /Seuil (2017)
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SOURCE : Libération
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09/02/2020
Une collégienne
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Ce pays est de plus en plus à ramasser à la p'tite cuillère...
08:20 Publié dans Parenthèse | Lien permanent | Commentaires (0) | | del.icio.us | | Digg | Facebook
Audition devant la commission d’enquête sénatoriale
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Le mercredi 29 janvier 2020, Mohamed Louizi était auditionné par la "Commission d’enquête du Sénat sur les réponses apportées par les autorités publiques au développement de la radicalisation islamiste et les moyens de la combattre". Voici le compte-rendu de son audition [1]...
Mme Nathalie Delattre, présidente -- Nous recevons maintenant M. Mohamed Louizi, que je remercie d’avoir accepté notre invitation. Monsieur, vous avez publié plusieurs ouvrages et chroniques dans lesquels vous témoignez notamment de votre passage chez les Frères musulmans.
Ce groupe représenterait aujourd’hui en France plusieurs milliers de personnes et aurait pour objectif la prise du pouvoir. Certains des experts que nous avons auditionnés ont insisté sur le fait que ce projet n’avait aucune chance de se réaliser. D’autres ont pointé le risque qu’ils font peser sur les Français de confession musulmane en s’immisçant dans l’organisation de la religion, en particulier de ce que l’on appelle l’islam de France.
Votre témoignage sur ce que sont les Frères musulmans, sur leur mode de recrutement et sur leur influence, nous intéresse donc particulièrement.
Je rappelle qu’un faux témoignage devant notre commission d’enquête serait passible des peines prévues aux articles 434-13, 434-14 et 434-15 du code pénal. Je vous invite à prêter serment de dire toute la vérité, rien que la vérité.
Conformément à la procédure applicable aux commissions d’enquête, M. Mohamed Louizi prête serment.
M. Mohamed Louizi, essayiste -- Je vous remercie pour ce travail d’utilité publique que vous menez dans un moment crucial pour la République française. Le monde traverse une période très compliquée, tant sur le plan sécuritaire que climatique. J’estime que les questions démocratique et climatique sont à placer au même niveau.
Je suis arrivé en France en novembre 1999. J’avais alors 21 ans et je venais poursuivre mes études. J’ai été approché par les Frères musulmans au Maroc dès l’âge de 13 ans, un âge où l’on est facilement entraîné par les activités proposées à une jeunesse laissée pour compte. À l’époque, il n’y avait que la famille, l’école, la mosquée et la rue. Le week-end, nous étions dans la rue. Je ne suis pas issu d’une famille riche. Mon père était imprimeur, puis, après un accident de la vie, un licenciement abusif, il est devenu chauffeur de taxi à Casablanca.
Dans ce contexte, des gens ont cru intéressant de proposer à cette jeunesse des activités supposées les aider à ne pas tomber dans le décrochage scolaire ou la drogue. Il s’agissait de sport, de camps de vacances. Tout était gratuit. Cela commençait par un contact convivial dans un match, puis on nous proposait de boire ou de manger quelque chose, pour enfin nous inviter dans une mosquée du quartier.
Les moyens d’approcher les cibles de l’islamisme sont divers : donner un peu d’argent, acheter des médicaments, un pantalon… Pour quelqu’un qui n’a jamais reçu de cadeau de sa vie, cela représente beaucoup.
Plus tard, on me dira que tous les jeunes qui sont en train de dealer de la drogue sont loin du droit chemin, de la voie du prophète, de l’exemple des compagnons. Les personnes qui me prennent en charge semblent avoir réussi socialement, ce sont des instituteurs, des commerçants.
Une fois cet attachement sentimental établi, on invite l’enfant à apprendre quelques versets du Coran. Chaque semaine, l’interprétation des textes prend plus de temps que la lecture des versets. Dans chaque quartier, des cellules se forment ainsi autour d’un instructeur et de quelques enfants. Puis nous partons en vacances au bord de la mer, gratuitement. Imaginez la joie d’un enfant qui n’a jamais quitté Casablanca !
La deuxième année, on nous apprend que le prophète a dit que celui qui guide quelqu’un vers le droit chemin aura une rétribution. On nous demande alors d’inviter un ami, de préférence un élève brillant.
La troisième année, on cible certains enfants de manière beaucoup plus assidue. On leur propose la lecture de certains livres, notamment de Qaradawi et d’Hassan al-Banna.
En 1996, la confrérie décide de proposer à quelques-uns - trois ou quatre sur une cinquantaine de personnes - de lui prêter allégeance. On flatte mon ego, on me propose de canaliser mon énergie dans un cadre un peu plus organisé. Tel fut le processus d’endoctrinement, en tout cas pour moi.
On prête allégeance comme dans une société secrète. Ce sont les Frères musulmans qui vous choisissent au terme d’un processus de cooptation. On est alors relié à une transcendance, à Dieu lui-même. Tous les droits et devoirs découlent de ce lien à Dieu. Parmi les piliers de l’allégeance, on compte l’obéissance, le djihad, l’effort. On exécute les ordres, sans chercher d’excuse ou de prétexte.
En outre, cette allégeance a pour conséquence de ne plus se sentir lié à sa patrie, pour moi à la nation marocaine. On appartient à quelque chose qui la transcende : l’Oumma islamique. Tant que je ne reçois pas d’ordre de ma direction, je n’ai aucune opinion sur les actions entreprises, ou les propos tenus par le roi du Maroc. Mais, lorsque le guide-suprême des Frères musulmans donne un ordre, même si celui-ci se trouve dans un autre pays comme l’Égypte, le Qatar ou encore en Turquie, sa parole est sacrée.
Je me souviens qu’en 1997/1998, Laurent Gerra devait se produire à Casablanca. Je ne le connaissais pas. Toutefois nous avons reçu l’ordre de boycotter son spectacle car les responsables des Frères musulmans au Maroc nous disaient qu’il est « juif et sioniste qui défend Israël ». Nous avons empêché l’organisation de ce spectacle. Nous avons exécuté cet ordre, sans réfléchir.
J’ai prêté ma première allégeance aux Frères musulmans marocains en 1996. Je suis arrivé en France en 1999, et moins d’une semaine après mon arrivée, j’ai été approché par les Frères musulmans, à savoir l’UOIF. De manière très concrète, du Maroc je suis arrivé en bus qui m’a posé à côté de la Gare Lille-Flandres le samedi soir. Le vendredi suivant j’ai fait la connaissance des Frères musulmans locaux dans une salle de prière qu’ils tenaient à la Cité scientifique à Villeneuve d’Ascq, au cœur de l’Université de Lille 1. L’imam était frère musulman. La connexion était faite. Je n’étais plus dépaysé.
Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteur -- Quand avez-vous quitté les Frères musulmans ?
M. Mohamed Louizi -- Le premier contact que j’ai eu avec les Frères musulmans en France date de novembre 1999. On m’a proposé dans l’année de rejoindre l’UOIF. Toutefois, je n’avais pas l’autorisation de mon responsable à Casablanca. J’ai dû attendre l’été, mon retour à Casablanca et l’obtention de son autorisation pour rejoindre cette organisation. J’ai prêté allégeance à l’UOIF l’année d’après, et y suis resté jusqu’en octobre 2006. J’étais président de l’association des étudiants musulmans de France-Lille ainsi que secrétaire administratif de l’association cultuelle de la mosquée de Villeneuve d’Ascq (AAEC) et vice-président chargé de la culture de son association culturelle (ACEV).
Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteur -- Qu’est-ce qui vous a fait quitter les Frères Musulmans ? À quelles difficultés avez-vous été confronté ?
M. Mohamed Louizi -- J’ai quitté les Frères musulmans principalement en raison d’une rupture idéologique et du concept de non-violence. Ce cheminement s’est fait entre 2004 et 2006. Le 4ème pilier de l’allégeance aux Frères musulmans est le djihad armé. On le retrouve dans « l’épitre des enseignements » écrite par Hassan Al-Banna et traduite en français par Médiacom, société frériste. Hassan Al-Banna consacre au djihad armé un chapitre entier dans ses épîtres : « L’épître du djihad » que j’ai traduite intégralement dans Pourquoi j’ai quitté les Frères musulmans. Or, au Maroc, la question de l’usage de la force pour opérer un changement de la société ne se posait pas. En effet, les Frères musulmans marocains, à la suite de l’assassinat d’un cadre socialiste, Omar Benjelloun, en 1975 et sous la pression étatique et populaire, ont été obligés de se prononcer en faveur de la solution pacifique, et de prendre leur distance avec la violence. Certes, certains éléments contredisent les discours, mais de manière générale, la question de la violence pour changer les choses au Maroc ne se pose pas. J’ai donc été étonné de découvrir en France, lors de l’étude de ces épîtres la place qu’occupe le djihad armé dans les esprits. Par ailleurs, je suis tombé sur un livre que j’avais ramené avec moi depuis le Maroc, écrit par un auteur syrien, Jawdat Saïd, intitulé Doctrine du premier fils d’Adam : la problématique de la violence dans l’action islamiste et publié, pour la première fois, en 1966. Ce livre prône la non-violence au sein du monde arabe. D’ailleurs son auteur est parfois surnommé « le Gandhi du monde arabe ». Les Frères musulmans ont combattu ce livre. Ils l’ont marginalisé. Mais l’année 1966 a également été marquée par l’exécution en Égypte de Sayyid Qutb, théoricien du djihad armé et auteur de Jalons sur la route, une référence pour les djihadistes. Le monde arabe était donc face à un choix : le recours au djihad armé ou la non-violence et le progrès. Nous avons débattu de ce sujet au sein de l’UOIF en 2003 et 2004, en vain.
Mme Sylvie Goy-Chavent -- Qui finance les Frères musulmans en France ? Quels moyens utiliser pour lutter efficacement contre leur propagande ? M. Mohamed Louizi -- Une petite partie de leur financement vient des membres ordinaires de la confrérie. Ils doivent en effet verser 2,5 % de leur salaire mensuel à la confrérie. Cela passe à 5 % lorsque vous vous élevez au sein de l’organisation. Enfin, lorsque vous êtes un moudjahidine, il n’y a plus de « plafond » de versement. La confrérie peut prendre l’ensemble de vos revenus. À cela s’ajoutent les sources de financement étrangères. Leurs provenances varient en fonction des décennies et sont plurielles. Ainsi, alors que les Émirats arabes unis combattent aujourd’hui les Frères musulmans, avant 2014, ils participaient à leur financement. Il en est de même pour l’Arabie Saoudite qui était également un financeur. Le Qatar a toujours aidé les Frères musulmans. Le livre de Christian Chesnot et Georges Malbrunot, intitulé Qatar Papers le montre. D’ailleurs, ils n’ont présenté dans leur livre qu’une petite partie de l’ensemble des documents qu’ils ont pu collecter. J’ai participé à la conception du projet de la mosquée de Villeneuve D’Ascq. Dans plusieurs articles de La Voix du Nord datant de cette période, le président de cette mosquée expliquait que celle-ci était financée à 100 % par des fidèles français : 80 % des fonds proviennent de fidèles du Nord, et 20 % de fidèles se trouvant sur le reste du territoire français. Or, le livre Qatar Papers montre que cette affirmation est fausse : quelques millions d’euros viennent de la Qatar Charity. Je pense également que le Koweït a participé de manière officieuse au financement des Frères musulmans en France.
Vous m’interrogiez sur les moyens de combattre leur propagande islamiste. J’ai publié chez Fondapol une note intitulée Libérer l’islam de l’islamisme, dans lequel je fais plusieurs propositions. Certaines sont symboliques comme la ratification par les imams d’une charte républicaine. Mais l’une des recommandations me tient particulièrement à cœur : la protection de la jeunesse. Il est anormal que les Frères musulmans soient financés par l’argent public pour payer les salaires d’un certain nombre d’établissements privés dits musulmans. Or, dans les faits on est en présence d’une école privée d’idéologie islamiste. J’ai en tête au moins trois établissements scolaires : le lycée Averroès à Lille, le lycée Ibn Khaldoun à Marseille et le lycée Al Kindi à Lyon. Xavier Bertrand vient de supprimer les subventions pour le collège-lycée Averroès (45 000 euros). C’est un premier pas. Mon avocat et moi-même avions essayé d’obtenir les résultats du rapport d’inspection de l’académie de Lille réalisée au lycée Averroès, en 2015. Personne n’y a accès.
Il me semble également important de renforcer la traçabilité et la surveillance des flux d’argent étrangers. En outre, en ce qui concerne le CFCM, il faut abolir la règle de la représentativité au mètre carré. Cela donne une prime à la construction de mosquées cathédrales - c’est-à-dire à ceux qui bénéficient de financements extérieurs - qui obtiennent ainsi plus de délégués.
Mme Nathalie Delattre, présidente -- Nous avons bien compris à votre parcours que le processus d’embrigadement était très individualisé. Vous-même avez exercé des responsabilités vis-à-vis de la jeunesse, des étudiants notamment, et fait preuve de prosélytisme. Avez-vous un ordre de grandeur du nombre de jeunes vers lesquels vous avez mené des actions prosélytes ? Depuis votre départ des Frères musulmans, avez-vous pu reprendre contact avec ces jeunes ? Comment arrivez-vous à faire prendre conscience de la dérive frériste ? Est-ce difficile ? Aviez-vous des objectifs de prosélytisme par an ?
M. Mohamed Louizi -- Nous n’avions pas d’objectifs chiffrés. Le but était de trouver la perle rare. Cela pouvait prendre deux ou trois ans. Nous pouvions approcher trois étudiants, comme dix étudiants. J’estime de 1 000 à 1 500 frères musulmans en Europe - je parle des membres de la confrérie ayant prêté allégeance, pas des sympathisants, dont presque 800 en France. Lorsque j’ai quitté la confrérie en 2006, nous étions à peu près 600.
Je vous ai indiqué le rôle qu’a joué le chapitre sur le djihad armé dans mon départ des Frères musulmans. Cette réflexion m’a animé pendant trois ans. L’élément déclencheur de mon départ a été un débat que j’ai organisé à l’université de Lille 1 sur le recours à la violence. Un intellectuel musulman syrien qui participait à ce débat a expliqué qu’en démocratie, l’État disposait d’un monopole de la violence, du recours à la force. Lorsqu’un citoyen a un problème, c’est vers l’État qu’il doit se tourner pour résoudre celui-ci. L’État doit garantir le droit. Or, les Frères musulmans n’ont pas d’attachement à l’État - mais à la Oumma islamique - et ne le reconnaît en tant qu’institution, ainsi que ses valeurs, que lorsque cela lui est favorable. Amar Lasfar et deux de ses lieutenants ont assisté à ce débat. Cette manifestation a illustré pour moi le double discours des Frères musulmans : le discours public prônant la non-violence et celui moins pacifiste tenu au sein de la confrérie.
Deux autres personnes ont quitté les Frères musulmans en même temps que moi. Je me suis alors rendu compte du fonctionnement sectaire de cette confrérie, et de la forte pression sociale et familiale qu’elle exerçait. Par exemple, on a exigé de ma femme qu’elle divorce au motif que j’étais devenu apostat. Cela signifie que les Frères musulmans considèrent leur idéologie égale à celle de l’islam. Pour eux, quitter les Frères musulmans revient à quitter l’islam. Heureusement que je vivais en France… À partir de ce moment-là, tout se referme autour de vous. Par exemple, sur les quelque trois cents numéros enregistrés dans le répertoire de mon téléphone, seuls deux étaient encore en contact avec moi.
En mars 2007, j’ai décidé d’ouvrir un blog intitulé « Ecrire sans censures ! ». Auparavant j’intervenais sur un forum un peu communautaire appelé mejliss.com. Je garde des captures d’écran témoignant d’un déversement de haine. Il était impossible de débattre avec ces personnes. Toutefois, je me suis dit qu’au nom de l’éthique - car j’avais entraîné des personnes vers les Frères musulmans -, je devais témoigner. J’ai écrit douze articles d’une série intitulée Mosquée dans la cité : réalités et espoirs. Je raconte l’intérieur de la confrérie, de la direction d’une mosquée - en prenant celle de Villeneuve d’Ascq en exemple -, les tractations idéologiques qui s’y passent et la production du discours. J’en conclus à chaque fois que cette idéologie est mortifère. De 2007 à 2015, j’ai publié 250 papiers de blog. Au soir du 7 janvier 2015, je vois Amar Lasfar indiquant sur CNews que l’islam est la religion de la paix. C’est peut-être vrai, mais ce n’est pas l’islam des Frères musulmans. J’ai décidé de changer ma manière d’expliquer. Au début, je m’attaquais à l’idéologie. Désormais, je donne des noms de personnes et d’associations, pour expliquer comment le réseau s’organise. Peut-être que ce réseau ne prendra jamais le pouvoir en France. Toutefois, cela n’est pas important pour lui : il suffit qu’il prenne le pouvoir de l’autre côté de la Méditerranée et qu’il forme un noyau dur ici en infiltrant des sociétés, des partis politiques, des entreprises, des associations, des clubs de sport… Cela suffit largement. Depuis 2015, aucun journal français n’a osé republier les caricatures de Mahomet. Demandons-nous pourquoi.
Ce matin, j’ai entendu les déclarations de Mme Belloubet disant qu’insulter une religion est une atteinte à la liberté de conscience. C’est incroyable. Les islamistes arrivent à pousser le politique, à le faire reculer sur ce qui fait la sève de la République. Cela devient problématique et dangereux. La France de 1999 et celle de 2020 n’est plus la même ; je le regrette.
Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteur -- Nous avons rappelé cet après-midi à la ministre qu’il n’y avait pas en France d’atteinte à la liberté de conscience lorsque l’on critique une religion. Votre parcours est intéressant. Vous avez écrit un livre intitulé La République chez elle, l’Islam chez lui. On peut le généraliser à toutes les religions. Le ministre de l’intérieur m’a indiqué cet après-midi, pour nuancer les propos de la ministre de la justice, que l’État devait protéger les religions. Je ne suis pas sûre que ce soit son rôle. L’État doit-il protéger les religions ? Ne doivent-elles pas se protéger seules ? Que pensez-vous de l’AMIF (Association musulmane pour l’islam de France) puisque le président de la République veut s’appuyer sur celle-ci pour bâtir un islam de France ? Cela fait plus de dix ans que l’État français a pris l’initiative d’organiser la religion musulmane. De manière provocante, le meilleur moyen ne serait-il pas de dire que l’État n’a pas à s’en occuper ? Pourquoi s’acharner à vouloir organiser un culte alors que l’on n’y arrive pas ?
M. Mohamed Louizi -- Mon premier livre est sous-titré « Retour éclairé vers un islam apolitique ». Qu’est-ce qu’un islam apolitique ? J’ai donc écrit un deuxième livre : Plaidoyer pour un islam apolitique, immersion dans l’histoire des guerres des islams. J’estime que c’est une chance que la République ne fasse rien et laisse aux croyants faire ce travail de critique, de sape des fondations de l’islam politique. L’État n’a pas à dire ce qui est la bonne ou la mauvaise foi. Cela ne le regarde pas. Si l’État veut intervenir dans la gestion, qu’il transforme le CFCM en un syndic de copropriété des murs et meubles des mosquées. Tout ce qui est foi, conception philosophique ou pratiques religieuses ne le regarde pas. Dans cet islam politique, tout le corpus politique est contraire à l’islam tel que je le comprends. Je pense aux mutilations génitales ou à la viande halal. En 2003, l’État a décliné un certain nombre de sujets comme le halal ou les carrés confessionnels dans les cimetières. Dans un islam apolitique, il n’y a pas de place pour un carré musulman. Comment des organisations islamistes peuvent-elles prôner le vivre-ensemble mais exiger, en même temps, de l’État le mourir-séparé ? Ce n’est pas qu’une question juridique. Il y a quelques jours, se tenait à l’Élysée le 30ème anniversaire de la signature par la France de la Convention internationale des droits de l’enfant. Comment peut-on accepter en 2020 que des pratiques religieuses ancestrales restent pratiquées comme l’excision et la circoncision ? Ce débat existe entre les intellectuels arabes et musulmans. Pourquoi en France n’aurait-on pas le droit d’aborder ces questions ? L’État n’a pas à s’immiscer dans les débats internes à la religion, dans la critique de la religion. Il faut que l’État rappelle la liberté de conscience. C’est son devoir, mais qu’il laisse les fidèles de la religion mener le combat d’idées nécessaires pour sortir cet islam ancestral de l’impasse. Notre foi n’a aucun problème avec la modernité, la science, avec l’autre ou avec l’universel. Elle se conjugue à tous les temps mais à condition qu’elle ne définisse pas la loi, le contenu des assiettes, ne délimite pas les carrés pour les musulmans et les non-musulmans, comme pour prolonger dans l’au-delà la division islamiste du monde entre Dãr al-Islam (domaine de l’islam), d’un côté, de Dãr al-Harb (domaine de la guerre), de l’autre.
La déclaration de Mme Belloubet s’inscrit dans un processus. Ce n’est pas une phrase sortie de son contexte. Je souhaite évoquer le document rédigé par l’institut Montaigne en juillet 2016 intitulé « L’islam français, le connaître et l’organiser ». Ce document n’a jamais été publié. Quand je l’ai rendu public, Hakim el-Karoui ne l’a pas contesté, au contraire, il a certifié son authenticité sur mon compte Twitter. Il explique en des termes clairs le projet de l’AMIF, qui vise aussi « l’aggiornamento de la loi 1905 », avant même l’élection du Président de la République. S’en suivra un premier rapport de l’institut Montaigne, en septembre 2016, intitulé « Un islam français est possible ». Puis, deux ans plus tard, en septembre 2018, un deuxième rapport « La Fabrique de l’islamisme ». Entre deux, Hakim El Karoui va publier en janvier 2018 son livre L’islam, une religion française. Tout cela participe à créer un mouvement comme s’ils bénéficiaient de l’aval de l’État pour agir. Or, ils n’ont aucune légitimité. C’est un think tank. Ce n’est pas une assemblée élue. Ils peuvent faire des propositions, mais encore faut-il qu’elles soient conformes au cadre constitutionnel, à l’histoire de la France, à l’avenir auquel nous aspirons tous. Or, ce n’est pas le cas. Dans mon livre La République chez elle, l’islam chez lui, j’explique les liens entre l’institut Montaigne et le Qatar, je reviens sur plusieurs points factuels, pour expliquer que le projet de l’AMIF est favorable à l’islam politique, et notamment aux Frères musulmans. On a demandé à un certain nombre de Frères musulmans de se détacher de la confrérie pour ne pas faire tâche d’huile. Je pense à Tareq Oubrou et Mohamed Bajrafil. On veut nous vendre ce projet comme une solution. Or, ce n’est pas une solution, mais un danger.
La réunion est close à 18 h 40.
[1] Ce compte rendu est accessible ici, sur le site du Sénat
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Source : Blog de Mohamed Louizi
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08/02/2020
Goutte d'Or : "Pourtant je suis de gauche, je suis vraiment de gauche"
=--=Publié dans la Catégorie "PARENTHÈSE"=--=
"Pourtant je suis de Gauche, je suis vraiment de Gauche..."
Mouaaaahaaaa ha ha ha ha !
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Laurent Obertone : "Sur les questions d'immigration et d'insécurité, l'opinion majoritaire se tait"
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04/02/2020
Affaire Mila : "Nous paierons cher cette lâcheté"
=--=Publié dans la Catégorie "PARENTHÈSE"=--=
Par Elisabeth Badinter, Elisabeth de Fontenay, Marcel Gauchet, Jacques Julliard, Jean-Pierre Le Goff
Le 18 janvier dernier, une adolescente de 16 ans, prénommée Mila, s'est filmée sur le réseau social Instagram en tenant ces propos : "Je déteste la religion, (...) le Coran, il n'y a que de la haine là-dedans, l'islam, c'est de la merde. (...) Il y a encore des gens qui vont s'exciter, je n'en ai clairement rien à foutre, je dis ce que je veux, ce que je pense. Votre religion, c'est de la merde, votre Dieu, je lui mets un doigt dans le trou du cul, merci, au revoir." On pourrait contextualiser, expliquer l'origine de cette saillie mais, à vrai dire, qu'importe. Concentrons-nous sur l'essentiel : on peut être en désaccord avec ce que dit la jeune fille, apprécier ou non son vocabulaire, rien de ce qu'elle dit n'est illégal.
Dix jours plus tôt, vendredi 10 janvier, l'humoriste Frédéric Fromet chantait, sur les ondes de France Inter : "Jésus, Jésus, Jésus est pédé (...) Du haut de la croix, plutôt que de l'avoir cloué, pourquoi pas l'avoir enculé ?" On pourrait également revenir sur les circonstances, l'intention, le bon ou le mauvais goût. De la même façon, concentrons-nous sur l'essentiel : rien de ce qu'il a chanté n'est illégal.
Que s'est-il passé depuis ? Dans le cas de Mila, une horde de harceleurs islamistes l'ont menacée sur Internet, jusqu'aux promesses de mort, révélant son identité et son adresse, obligeant la jeune fille à se déscolariser. Mais, en parallèle de l'enquête ouverte pour "menaces de mort, menace de commettre un crime, harcèlement", le parquet de Vienne a décidé d'ouvrir une autre enquête, celle-là visant l'adolescente du "chef de provocation à la haine raciale". Personne n'a songé à ouvrir ce genre d'enquête pour Frédéric Fromet.
Un inquiétant "deux poids, deux mesures"
Pas plus que la garde des Sceaux, Nicole Belloubet, ne s'est sentie obligée d'intervenir en expliquant, comme elle l'a dit à propos de l'affaire Mila que "l'insulte à la religion, c'est évidemment une atteinte à la liberté de conscience, c'est grave". Depuis, la ministre a reconnu une "expression maladroite", tout en persistant néanmoins dans la godille : "On peut critiquer les religions. Pas inciter à la haine." Comme s'il fallait tout de même accabler Mila. Et le parquet de Vienne a abandonné les charges contre l'adolescente, actant ce qui était évident dès le départ : critiquer une religion, même grossièrement, n'est pas inciter à la haine contre ceux qui la pratiquent. Incident clos ? Il nous semble pourtant important d'y revenir malgré tout. Ce qui s'est passé ces derniers jours est inédit et plante les jalons inquiétants d'un "deux poids, deux mesures" qui s'installe durablement dans notre nation.
Pourquoi, dès lors que la cible du blasphème est l'islam, tord-on nos principes républicains ? Pourquoi si peu s'émeuvent quand le délégué général du Conseil français du culte musulman, Abdallah Zekri, dit de Mila "qu'elle l'a bien cherché" (les menaces de mort) et qu'elle n'a qu'à assumer (d'être agressée, de ne plus aller à l'école, etc. ) ? Pourquoi, enfin, quand un amuseur public et adulte s'exprime sur une radio d'Etat pour dire à peu près la même chose qu'elle sur le Christ, on n'y voit pas à redire, grâce à la liberté d'expression concernant la critique des croyances ? La réponse est à aller chercher dans la lâcheté de la justice et de la politique, désormais obsédées par l'acrobatie du "en même temps" sur les sujets de liberté d'expression quand ils concernent l'islam. Nous paierons cher cette lâcheté.
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Source : L'Express
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03/02/2020
Le martyr des Chrétiens-Serbes du Kosovo et l'irrédentisme islamiste-ottoman dans les Balkans...
=--=Publié dans la Catégorie "PARENTHÈSE"=--=
Alexandre del Valle évoque le sort des Serbes du Kosovo et des Chrétiens des Balkans. Les Chrétiens-Serbes du Kosovo sonr victimes de persécutions depuis les années 1990.
Atlantico : Qui se soucie du sort des Serbes du Kosovo et des chrétiens des Balkans qui font face, depuis les guerres yougoslaves, à un double péril: le nationalisme kosovar "grand-albanais" et l'islamisme néo-ottoman. Quel média antiraciste, quel homme politique de gauche ou autre, habituellement si "vigilent" face à l'islamophobie, même imaginaire, dénoncent des persécutions christianophobes dont sont victimes depuis les années 1990 les chrétiens-serbes du Kosovo? Presque personne...
Alexandre del Valle : Depuis l'intervention occidentale aux côtés des séparatistes albanophones de l'UCK (hiver 1998-1999), les Serbes chrétiens-orthodoxes du Kosovo et en général les minorités (tziganes, slaves, etc) sont systématiquement persécutés dans le cadre d'un plan de purification ethno-religieuse dont les nations occidentales et l'ONU taisent le nom. Il est vrai que, comme l'antiracisme, qui fonctionne à sens unique, les Occidentaux - qui n'ont cessé d'accuser dans les années 1998-99 la Serbie et l'ex-Yougoslavie de Milosevic d'avoir commis des "génocides" en Bosnie et au Kosovo - ne peuvent difficilement admettre que des méchants serbes puissent "eux aussi" des victimes. Quand bien même le Tribunal pénal international de La Haye pour l'ex-Yougoslavie n'a pas pu prouver les accusations de plans génocidaires imputés à Slobodan Milosevic et en dépit du fait que 400 000 Serbes ont réellement été victimes de nettoyages ethniques et exils forcés (Krajina, Kosovo)... Inversement, les ultra-nationalistes musulmans-kosovars issus de l'UCK prônent ouvertement un projet de suppression de tout ce qui n'est pas albanophone, à commencer par les Serbes chrétiens-orthodoxes. En 2018, plusieurs événements ont amené le Kosovo au bord de la guerre civile. En mars 2018, le Directeur du bureau du Kosovo-Métochie, Marko Djurić, en visite officielle auprès des maires des communes serbes du Kosovo-Nord, fut kidnappé à Mitrovica puis molesté dans les rues de Priština par la police du Kosovo. En décembre, les autorités auto-proclamées de Priština ont déclaré un blocus commercial aux frontières avec la Serbie, provoquant des manques alimentaires importants dans la partie majoritairement serbe du Kosovo-Nord. Contrairement aux règles de l’OMC de liberté commerciale et à toutes les règles du droit international, les produits en provenance et/ou à destination de la Serbie ont été taxé à 100 %, provoquant ainsi un arrêt brutal des échanges et en cascade de nombreuses fermetures d’entreprises. En avril 2019, la police spéciale de l’Etat auto-proclamé du Kosovo a, sous prétexte de stopper une filière de trafiquants, mené une opération d’envergure à Mitrovica-Nord, Zvečan et Leposavić, trois communes serbes au nord du Kosovo. 16 policiers serbes ont été arrêtés et 2 membres russes de l’ONU. La police spéciale du Kosovo (ROSE) a terrorisé la population serbe en tirant sur des passants.
Déjà, en 2004, la police des Nations Unies, présente sur place, déplorait que la plupart des violences sont dirigées contre la minorité ethnique serbe-chrétienne au Kosovo. Écoles incendiées, enlèvements, intimidations et meurtres contre les Serbes et les Roms (depuis l'été 1999, la campagne de violence avait alors contraint à l'exil 200 000 Serbes et des milliers de Roms de la province (cf rapport de Human Rights Watch d'août 1999, «Abus contre les Serbes et les Roms dans le Nouveau Kosovo»). Sans parler des 135 églises orthodoxes détruites et du pogrom antiserbe de mars 2004, lorsque 19 personnes furent été tuées et 34 églises orthodoxes serbes détruites sous le regard impassible de l’ONU et des soldats de l’OTAN sur place. Ainsi que l'a récemment confirmé un rapport officiel du Secrétariat d'Etat américain, peu soupçonnable d'amitiés philo-serbes, une attaque antiserbe a lieu tous les 2 jours au Kosovo. D'après Nicolas Mirkovic, président de l'association Ouest-Est, et auteur de l'essai Le Martyre du Kosovo... "Les Serbes du Kosovo continuent de vivre dans un climat de peur et d'insécurité totale. Il persiste une pression quotidienne contre les Serbes qui savent qu'il ne faudrait pas grand-chose pour qu'un nouveau pogrom soit organisé contre eux comme en 2004, (...). La montée du nationalisme albanais et la radicalisation de la communauté musulmane laissent craindre le pire pour les Serbes et autres minorités du Kosovo (...). Comme sous l'empire ottoman, les Serbes du Kosovo sont des citoyens de seconde zone. Officiellement ils sont protégés par la constitution, mais dans les faits il n'y a pas de justice pour eux." Parallèlement, afin d'imposer par la terreur une omertà sur les projets de purification ethnique des nationalistes kosovars, un important témoin albanophone, Nazim Rrustemi, qui s'apprêtait à révéler des détails accablants contre l'UCK au Tribunal international de la Haye relatif aux crimes contre les chrétiens serbes, officiellement "protégé", a été abattu par les ultra-nationalistes kosovars... Comment de nombreux leaders européens peuvent-ils encore oser prôner l'intégration dans l'Union européenne de cet Etat qui persécute ses minorités chrétiennes et avance un programme de conquête de plusieurs pays voisins au nom du projet irrédentiste de "Grande Albanie"?
Atlantico : Nécessaires rappels géopolitiques et historiques...
Alexandre del Valle : Le problème kosovar apparut au début du régime de Tito, croate et communiste, peu soucieux du sort des chrétiens qui voulait absolument minimiser l’influence des Serbes à la tête de la république fédérée la plus peuplée et de la capitale fédérale, Belgrade. La création de la région autonome du Kosovo constitua aux yeux des Serbes une aberration géo historique, car il s’agissait du berceau même du peuple serbe, où avait eu lieu la fameuse bataille du Kosovo Polje contre les envahisseurs turco-ottomans au XIVe siècle. Cette région, qui avait toujours été majoritairement serbophone, vit au fil des temps une très forte diminution de sa composante serbe. Ceci était lié, d'une part, à l’arrivée des migrants albanophones, puis, de l’autre, au fait que les Serbes quittèrent en masse le Kosovo - région économique très déprimée à l’époque de Tito - pour s’installer plus au Nord. Vers les années 1990, les Serbes, par ailleurs bien moins fertiles démographiquement que les Albanais, ne constituaient donc plus que 10% de la population du Kosovo, et ils étaient principalement concentrés au nord, autour de Mitrovica. Le mouvement séparatiste kosovar antiserbe, qui existait depuis la fin des années 1980, prônait la sécession et le rattachement à l’Albanie. (mythe de la « Grande Albanie »). En 1998 – 1999, ce séparatisme kosovar minoritairement terroriste-marxiste (UCK), prit la forme d’une insurrection armée plus large liée à la mafia albanaise et au terrorisme islamiste international. Il fut alors violemment étouffé par l’armée yougoslave, qui ne comptait déjà plus que la Serbie et le Monténégro. C'est alors que, décidé à réduire l’ex-Yougoslavie et son élément serbe-orthodoxe pro-russe à sa plus simple expression, l’Occident décida d’intervenir militairement pour changer le rapport de forces sur le terrain au profit des terroristes kosovars de l'UCK, devenus tout à coup des « combattants de la liberté » comme les moujahidines afghans jadis... En fait, les puissances atlantiques imposèrent par leur intervention armée - illégale sur le plan du droit international - une sécession de facto du Kosovo, également illégale - transformant ce dernier en un protectorat de l’OTAN, avec la deuxième plus grande base américaine de la région édifiée dans la foulé (Bondsteel). Ce faisant, les Occidentaux violèrent le principe fondateur de l’ordre international et des accords précités d’Helsinki sur lequel reposait jusqu’alors la sécurité européenne, à savoir l’inviolabilité des frontières reconnues internationalement. Dix ans plus tard, en 2008, les Kosovars organisèrent un référendum au cours duquel ils se prononcèrent massivement en faveur l’indépendance. L’Occident toléra appuya ce scrutin illégal du point de vue du droit international. L’indépendance du Kosovo fut reconnue par une grande partie des Etats-membres de l’Union européenne puis par les Etats-Unis, tandis que la Russie, l’Espagne, la Grèce, la Roumanie, la Slovaquie et Chypre, entre autres, en refusèrent de reconnaître l’Etat nouvellement né du Kosovo. Le Kosovo indépendant, donné en pâture à la mafia albanaise et aux islamistes néo-ottomans ou liés à l'Arabie saoudite ou d'autres pôles de l'OCI, qui se cachait derrière le paravent « révolutionnaire » de l’UCK, connut même depuis lors une émigration massive de sa population qui partit chercher du travail à l’étranger, preuve que la tutelle serbe n'était pas la cause de leur pauvreté. Comme jadis en Afghanistan, lorsque les Etats-Unis ont aidé des jihadistes face à l'Armée Rouge, le "dommage collatéral" de cette politique, qui visait à empêcher les Russes et leurs alliés d'accéder au mers chaudes puis à élargir ainsi l'OTAN toujours plus à l'Est, a été la montée du panislamisme (des pays du Golfe et de la Turquie néo-ottomane). Ces conséquences catastrophiques n'ont hélas jamais conduit les stratèges occidentaux à revoir leur copie, même si le jihadisme international a pu élire domicile dans les Balkans depuis les Accords de Dayton (Bosnie) et l'amputation du Kosovo au détriment de l'Etat souverain serbe (1998-2008). Le Kosovo est ainsi devenu la région d'Europe qui a fourni (par tête d'habitants) le plus de jihadistes en Syrie et en Irak... Des dizaines d'entre eux viennent d'ailleurs d'être rapatriées du Proche-Orient.
Atlantico : Le Kosovo/Bosnie : cibles du revanchisme islamiste et de l'irrédentisme ottoman...
Alexandre del Valle : Pour comprendre à quel point la création de cet Etat séparatiste sur les ruines de l'ex-Yougoslavie fut un drame pour les chrétiens serbes, il suffit de se souvenir des paroles de l'important cheik saoudien Mohammed Ben Abd El-Rahman Al-Arifi, imam à la mosquée de l’Académie de la Défense du roi Fahd (siteKalemat.org) : "Nous contrôlerons la terre du Vatican ; nous contrôlerons Rome et y introduirons l’islam. Si bien que les chrétiens, qui ont gravé des croix sur les torses des musulmans au Kosovo, en Bosnie et dans divers endroits du monde avant cela – devront nous payer la jiziya [taxe payée par les non-musulmans chrétiens et juifs sous la charià, nada] dans l’humiliation, ou se convertiront à l’islam…". Depuis le début des guerres yougoslaves, l'Arabie saoudite - premier donateur à la Bosnie (560 millions de dollars par an), a décidé de faire des Balkans (Kosovo, Albanie, Sandjak, Macédoine) et de la Bosnie en particulier, jugés trop laïcisés par les décennies de communisme et par le soufisme Bektâchî, le cœur de son programme d’islamisation en Europe. La diplomatie fondamentaliste du Royaume passe par l’Agence Islamique d’Aide ou la Haute Commission saoudienne d’aide et de Coopération. Depuis 1992, 150 mosquées ont été reconstruites ou édifiées avec son soutien. En septembre 2000, la Haute Commission a inauguré à Sarajevo la plus grande mosquée des Balkans, dédiée au roi Fahd Ibn Abdul Aziz. Située dans le quartier populaire d’Ali Pasino Polje, elle est devenue l’un des principaux centres de propagation du salafisme dans les Balkans. Depuis les années 1990, les fondations saoudiennes financent aussi la construction de mosquées au Kosovo et en Macédoine. 240 nouvelles mosquées ont surgi de la sorte au Kosovo et 300 en Macédoine, nouveau foyer de radicalisation albano-islamiste dans la région.
La Turquie s'intéresse également aux Balkans, notamment à la Bosnie, à la Macédoine au Kosovo, et aux minorités musulmans slaves ou turcophones de Bulgarie/Roumanie. Du fait que les minorités autochtones converties à l'islam ou les colons turcs étaient mieux lotis que les chrétiens à l'époque ottomane, ils s’identifient souvent à la Turquie. Et dans le cadre de son irrédentisme néo-ottoman, Erdoğan joue allègrement sur ce registre lorsqu’il se déplace dans les Balkans. D’un point de vue géopolitique, il s'agit d'une véritable provocation envers les Etats souverains de la région qui se sont libérés difficilement, entre le XIX ème et le XXème siècle, du joug turco-islamique qui avait transformé les chrétiens autochtones en parias humiliés, soumis et écrasés par les impôts et captures d’enfants (Devchirme/Janissaires). Depuis les guerres ex-yougoslaves des années 1990, et après l'éclosion de petits Etats ethno-confessionnels musulmans comme la Bosnie et le Kosovo, la Turquie réislamisée par Erbakan puis Erdogan se présente comme le « protecteur » des populations musulmanes est-européennes. Des fonds turcs conséquents sont ainsi alloués depuis des années à la reconstruction de monuments ottomans, de mosquées, de projets financiers, ceci afin de consolider sa présence de la Turquie dans la région. Couplé au soft power des productions cinématographiques, des coopérations scolaires, des envois de prédicateurs et du développement de l’enseignement du turc et des projets de développement économiques, cet activisme islamique turco-ottoman a contribué à redorer le blason de la Turquie et à faire d’Erdogan un véritable « néo-Sultan » des Balkans. Tout cet activisme turco-ottoman et panislamiste-conquérant, que les pays de l’OTAN ont encouragé depuis les années 1990, face aux Serbes, l'Union européenne le paiera bientôt très cher, notamment lorsque la Bosnie, l’Albanie, la Macédoine et le Kosovo rentreront dans l’Union européenne… Erdogan ou ses successeurs islamo-nationalistes turcs disposeront alors dans l’UE non plus seulement de diasporas-réserves d’électeurs turcs, mais d’Etat-clients islamiques ou réislamisés mis à disposition de la stratégie néo-ottomane d’Ankara et des lobbies panislamistes mondiaux …
Atlantico :En guise de conclusion...
Alexandre del Valle : Dans l'indifférence totale - ou la complicité passive - des pays de l'Alliance atlantique, 150 églises et monastères orthodoxes ont été détruits; 40 000 maisons brûlées ou plastiquées et 200 000 Serbes poussés à l'exil hors du Kosovo par les extrémistes albanophones dont les leaders, bien qu'ayant été inculpés pour crimes de guerre par le Tribunal Pénal international de La Haye pour l'ex-Yougoslavie, sont reçus par les grandes chancelleries occidentales. Comme le rappelle Alexis Troude, président du collectif pour la Paix au Kosovo et auteur de l'ouvrage Géopolitique de la Serbie, "depuis la mise sous tutelle internationale du Kosovo en 1999, ni la Mission d’interposition des Nations unies pour le Kosovo (MINUK) ni la Kosovo Force (KFOR) n’ont pu empêcher un processus de purification ethnique impulsé par les extrémistes albanais. Entre 1999 et 2008, sur les 235 000 Serbes, Tziganes, Goranis et Turcs chassés du Kosovo après les accords de Kumanovo, seuls 18 000 ont pu revenir dans leurs foyers. Plus grave, entre 1999 et 2004, 1197 non-Albanais ont été assassinés, et 2300 kidnappés". Troude déplore que plus un seul Serbe ne vit à Gnjilane, où ils étaient encore pourtant 8000 en 1999, et qu'ils sont à peine une quarantaine à Pristina, la capitale du Kosovo, contre 40 000 en 1999. Il précise que parallèlement aux attaques violentes, "le gouvernement de Pristina mène une politique d’albanisation culturelle, conduisant à un mono-ethnisme exclusiviste (...), le Ministère de l’Education de Pristina a imposé l’albanisation des cours du primaire en 2006. (...) Le multi-ethnisme promis par Bernard Kouchner, Haut représentant de l’ONU au Kosovo en 1999-2000, a donc laissé la place à une politique culturelle exclusiviste"...
Mais l'indifférence des Européens vis-à-vis des persécutions de chrétiens-orthodoxes serbes au Kosovo ou ailleurs n'a rien d'étonnant, puisque des pays comme la France, la Belgique, la Grande-Bretagne, la Suède ou l'Allemagne, qui subissent depuis des décennies une immigration islamique massive souvent hostile aux juifs, aux chrétiens et aux athées/apostats, renient de plus en plus leurs propres racines identitaires chrétiennes au profit d'un multiculturalisme, qui, comme au Kosovo, donne la part belle à l'islamisme conquérant dans tant de quartiers de non-droit et de non-Occident où juifs et chrétiens doivent raser les murs ou sont pris pour cibles. Outre le cas très médiatisé de Mila, la lycéenne LGBT menacée de mort par des musulmans assoiffés de haine en réaction à ses propos jugés blasphématoires, on peut parler du cas tout aussi inquiétant mais totalement ignoré de l'agression, le 14 janvier dernier, d'un chrétien-serbe, Lazar, du Lycée Marx Dormoy (18e arrt de Paris), par des "jeunes" voulant l'obliger à retirer sa croix au cou. Le jeune été balafré devant des témoins adultes et jeunes impassibles. Le CPE du collège a minimisé l’affaire et s'est moqué des parents exaspérés en se félicitant qu’aucune sanction ne serait prise contre les agresseurs à cause des grèves... Les parents de Lazar ont porté plainte en espérant, en vain, que justice sera faite. Des associations de défense des chrétiens persécutés ont proposé d'aider Lazar et sa famille, mais aucun média ni aucun politique ou autre lobby "antiracites" ne se sont mobilisés. Comment les dirigeants de nos sociétés occidentales devenues multiculturelles donc multi-conflictuelles pourraient-elles condamner la violence christianophobe islamique qu'ils tolèrent et exonèrent chez nous ?
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SOURCE : Atlantico
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28/01/2020
Mila, le délit de blasphème et la démission de la gauche
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par Valérie Toranian
Il y a des pays où les gens meurent parce qu’ils luttent contre les lois blasphématoires scélérates qui peuvent envoyer à la mort n’importe qui sur simple dénonciation. Au Pakistan, pays régi par une charia fondamentaliste qui punit de mort le blasphème, des juges, parfois, s’élèvent avec courage contre l’arbitraire et tentent de s’opposer à l’hystérie fondamentaliste. En France, pays de la Déclaration des droits de l’homme et de la loi de 1881, qui sacralise le respect de la liberté d’expression et le droit de critiquer la religion et les idéologies, certains, au sein de la justice, au nom d’un antiracisme dévoyé, sont en train de réintroduire tranquillement le crime de blasphème.
Au Pakistan, en 2018, dans l’affaire Asia Bibi, la Cour suprême a tenu bon : malgré une rue islamiste fondamentaliste déchaînée, elle avait finalement jugé que la jeune chrétienne, condamnée à la peine de mort pour blasphème en 2010, devait être acquittée. Pas au nom de la liberté d’expression puisque dans le droit pakistanais, le blasphème antimusulman est puni de la peine de mort. Mais parce que le dossier était tellement mince (la chrétienne aurait « souillé » le puits des musulmanes en y puisant un verre d’eau) que les juges ont dû classer l’affaire.
Réintroduction du délit de blasphème
Au Pakistan, défendre Asia Bibi peut vous coûter la vie. Dénoncer la loi anti-blasphème également. En 2011, le gouverneur de la région du Pendjab, Salman Taseer, avait été tué par son propre garde du corps pour avoir déclaré que « les lois du blasphème dans notre pays, c’est la loi de la jungle ». Ce garde du corps, jugé et condamné à mort, est devenu un martyr pour les fondamentalistes pakistanais. À l’appel du parti Tehreek-e-Labbaik Pakistan, TLP, (dont la doctrine prend sa source dans le soufisme, censé être le « courant pacifique » de l’islam…), des manifestations monstres ont paralysé le Pakistan pour protester contre l’acquittement d’Asia Bibi. L’influence du TLP, parti violent et radical qui appelle à l’assassinat des juges, ne cesse de grandir au sein de la population. Le 17 janvier 2020, le tribunal a très sévèrement sanctionné en première instance (55 années de prison chacun), 86 militants du TLP accusés de violences : le gouvernement redoute clairement une nouvelle guerre civile menée au nom de la surenchère islamiste.
Au même moment en France, la justice est en train de remettre en question la liberté d’expression et de réintroduire le délit de blasphème. Le parquet de Vienne, en Isère, a décidé d’ouvrir une enquête pour « incitation à la haine raciale » contre Mila, adolescente de 16 ans, cible d’insultes, d’intimidation et de menaces de mort pour avoir osé critiquer la religion en général et l’islam en particulier. Sur son compte Instagram consacré à sa passion pour le chant, Mila, dans un live avec ses abonnés le 19 janvier, avait évoqué ses préférences sexuelles (elle est ouvertement lesbienne), avait écrit : « moi aussi, les rebeus c’est pas mon style » et avait éconduit un dragueur lourd, qui ne l’avait pas supporté. Mila avait alors reçu une première vague d’insultes (« salope », « sale française », « sale gouine », « chiennasse », « inch’Allah tu meurs sale pute que tu es ».)
Mila, pour des raisons de sécurité, ne se rend plus à son lycée
Mila avait plus tard attaqué la religion en général. Le ton était monté d’un cran, les insultes aussi, notamment de la part d’individus se réclamant de l’islam. (« Pétasse, d’où tu dis ça notre dieu Allah c’est le seul et l’unique, j’espère tu vas brûler en enfer ») Mila avait clôturé la discussion par un message vidéo. « Je déteste la religion, […] le Coran il n’y a que de la haine là-dedans, l’islam c’est de la merde, c’est ce que je pense. […] Votre religion, c’est de la merde, votre Dieu, je lui mets un doigt dans le trou du cul, merci, au revoir. »
Dans un deuxième temps, ses propos vont être tronqués, sortis de leur contexte et relayés sur les réseaux sociaux, déclenchant une déferlante d’insultes et de menaces physiques. Avec appel au meurtre et divulgation d’informations personnelles. Depuis Mila, pour des raisons de sécurité, ne se rend plus à son lycée.
« C’est le retour du délit de blasphème, institutionnalisé par un parquet apeuré, soucieux de ne pas avoir l’air raciste. »
On peut certes déplorer le vocabulaire de Mila, outrancier et maladroit pour le moins, cependant le plus choquant dans cette affaire n’est pas la violence et la vulgarité générales mais la réaction du parquet de Vienne, qui représente l’État rappelons-le. Certes, il a ouvert une enquête pour « menaces de mort » après la plainte déposée par Mila, mais il en a surtout déposé une seconde pour « incitation à la haine raciale » contre la lycéenne qui a proféré des insultes envers la religion.
Un cadeau inespéré pour les islamistes
Dire « merde » à Dieu (ce qu’on a le droit de faire en France, merci Voltaire) serait donc désormais punissable ? On ne pourrait plus critiquer une religion sans prendre le risque d’être poursuivi par la loi ? C’est le retour du délit de blasphème, institutionnalisé par un parquet apeuré, soucieux de ne pas avoir l’air raciste. L’objectivité à la télévision, disait le grinçant cinéaste Jean-Luc Godard, c’est cinq minutes pour les juifs, cinq minutes pour les nazis. L’équilibre de la justice désormais c’est poursuivre ceux qui veulent tuer les « blasphémateurs » mais poursuivre aussi les « blasphémateurs » pour haine raciale. Comme si le blasphème pouvait être de nouveau questionné. Les temps ont changé. Désormais, tout est affaire de « point de vue ». Le relativisme triomphe. Et la justice ne veut pas « prendre parti ».
« C’est un peu comme avec les dessinateurs de Charlie : après tout, ils l’avaient bien cherché, à force de caricaturer le Prophète… »
Un cadeau inespéré pour les islamistes qui veulent depuis des années faire valoir le crime d’islamophobie en France. D’ailleurs Abdallah Zekri, délégué du Conseil français du culte musulman censé représenter un islam de tradition, a pris position dans une interview sur Sud Radio, d’une manière que n’auraient pas désavouée ses « rivaux » islamistes. « Je dis que cette fille, elle sait très bien ce qu’elle fait, a notamment déclaré celui qui dirige également l’Observatoire national contre l’islamophobie. Qui sème le vent récolte la tempête. » C’est un peu comme avec les dessinateurs de Charlie : après tout, ils l’avaient bien cherché, à force de caricaturer le Prophète…
Dans le droit français, le délit de blasphème n’existe pas. Les critiques, y compris les plus dures, portées au sujet d’une croyance relèvent de la liberté d’expression, consacrée par l’article 11 de la Déclaration des droits de l’homme et traduite dans la loi du 21 juillet 1881 sur la liberté de la presse.
Un risque réel
La loi Pleven, relative à la lutte contre le racisme, a prolongé celle de 1881 en instaurant les délits « d’injure, de diffamation et de provocation à la haine, à la violence ou à la discrimination en raison de l’appartenance ou de la non-appartenance à une race, une ethnie, une nation ou une religion ». Il est possible, en France, de s’en prendre à un culte, mais interdit d’insulter ses adeptes. « L’islam est une religion de merde » ou bien « Jésus est un pédé » (en référence à la chanson de l’humoriste Frédéric Fromet sur France Inter le 10 janvier dernier) ne sont pas punis par la loi. « Sale arabe », « sale juif », « sale musulman », « sale chrétien » sont punis par la loi. Insulter une religion ce n’est pas être raciste, comme le prétendent les islamistes qui hurlent à l’islamophobie.
« Le risque est réel de voir arriver, de façon tout à fait légale, un délit d’offense, qui, dans les faits, reviendrait à réinstaurer un délit de blasphème. D’autant que les voix républicaines pour s’y opposer sont rares. »
Certains juristes pointent cependant la frontière extrêmement fine entre l’offense à la religion et l’offense aux croyants, et s’inquiètent de la façon dont des associations pourraient « retourner » le droit en mettant en avant le respect de la sensibilité d’autrui et le principe de « blessure » personnelle, éléments de plus en plus pris en compte dans les procédures. Ils n’ont pas tort. Le risque est réel de voir arriver, de façon tout à fait légale, un délit d’offense, qui, dans les faits, reviendrait à réinstaurer un délit de blasphème. D’autant que les voix républicaines pour s’y opposer sont rares.
Où sont nos consciences de gauches ? Aux abonnés absents
Que dit la gauche, cette gauche qui s’est battue depuis des siècles pour la liberté d’expression, contre la mainmise de la religion, pour la laïcité, pour le droit des homosexuels ? Rien ou si peu. À part le Printemps républicain, par la voix d’Amine el-Khatmi, son président, et de Laurent Bouvet, qui ont immédiatement pointé ce retour à peine masqué du délit de blasphème ; à part les courageuses militantes républicaines à la pointe du combat anti-islamiste, Fatiha Boudjahlat et Zineb Rhazoui, entre autres, où sont nos consciences de gauche ? Aux abonnés absents.
Terrassées par la peur du délit imaginaire d’islamophobie ? Incapables de défendre leur héritage de liberté ? Trop occupées, comme la France insoumise, à séduire un électorat musulman qu’il ne faudrait pas contrarier surtout à quelques semaines des élections municipales ? Comme si les Français musulmans étaient tous devenus islamistes et revendiquaient le retour du délit de blasphème ! Quelle pitoyable et misérable essentialisation.
« Il y a la France où la lâcheté des “forces de progrès” est accablante ; où on remet en question nos principes pour faire plaisir à des islamistes, où les néo-féministes et les associations LGBT ne défendent pas Mila, victime d’insultes homophobes, parce qu’elle a eu le tort de critiquer l’islam. »
Il y a des pays où on rêve d’adopter les lois de la France, cette République qui protège la liberté de conscience, la liberté de croire et de ne pas croire, qui autorise la critique des religions. Qui permet à des lesbiennes de vivre librement leur sexualité. Il y a des pays où des militants, des démocrates, des juges, des homosexuels se font emprisonner ou assassiner. Et puis il y a la France où la lâcheté des « forces de progrès » est accablante ; où on remet en question nos principes pour faire plaisir à des islamistes, où les néo-féministes et les associations LGBT ne défendent pas Mila, victime d’insultes homophobes, parce qu’elle a eu le tort de critiquer l’islam. La gauche, après avoir laissé tomber le peuple, laisse tomber les principes et ouvre un boulevard au Rassemblement national, première force politique, hélas, à avoir soutenu Mila dans son droit irrespectueux à critiquer la religion.
Et cette démission est une honte.
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SOURCE : Revue des deux mondes
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21/01/2020
Eric Zemmour VS Alain Finkielkraut
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Djihadisme : « Si on arrive à sortir des postures, la société pourra répondre à ce défi »
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INTERVIEW Depuis 2014, Hugo Micheron étudie les mécanismes de radicalisation. Son ouvrage « LeJihadisme français » vient clore cinq années de recherche, de la Syrie aux quartiers, en passant par les prisons
Propos recueillis par Hélène Sergent
À 31 ans, Hugo Micheron publie son premier ouvrage, résultat de cinq années d'enquête sur les djihadistes français.
-- Âgé de 31 ans, le chercheur au sein de la chaire Moyen-Orient Méditerranée de l’Ecole normale supérieure et enseignant à Sciences po Paris, publie une remarquable enquête sur les dynamiques et trajectoires des djihadistes français.
-- Dans le cadre de sa thèse, Hugo Micheron a mené 80 entretiens depuis l’été 2015 dans quatre prisons françaises où sont incarcérés des militants djihadistes, condamnés ou en attente de leur procès.
-- Avec cet ouvrage, il pointe les erreurs d’interprétation qui ont entouré le phénomène pendant des années et pose un diagnostic aigu de la radicalisation islamiste en France ces vingt dernières années.
Comprendre, définir, expliquer. Alors que le procès de Mourad Fares, l’un des recruteurs les plus actifs de la mouvance djihadiste doit s'ouvrir ce lundi devant la cour d'assises spéciale de Paris, l’ouvrage du chercheur Hugo Micheron livre une précieuse grille de lecture au djihadisme français. Publié aux éditions Gallimard, Le jihadisme français, Quartiers, Syrie, Prisons offre une plongée éclairante au cœur d’un phénomène trop souvent caricaturé ou nié.
Pendant cinq ans, dans le cadre de sa thèse, ce chercheur de 31 ans, enseignant à Sciences po Paris, est allé à la rencontre de ces Français partis en Irak ou en Syrie pour rejoindre les rangs d’organisations terroristes. Hugo Micheron a accepté de répondre aux questions de 20 Minutes.
-- Comment avez-vous « choisi » les 80 détenus – prévenus ou condamnés – avec lesquels vous avez échangé en prison ?
Je n’ai pas fait de sélection, au contraire, j’ai laissé le terrain « se faire ». J’ai commencé par les voir en groupes de 12 personnes, et je ne savais pas à qui j’avais affaire. Je ne connaissais même pas leur nom, je n’avais surtout pas accès à la procédure les concernant. Tout ce que je savais, c’est qu’ils étaient tous concernés par le djihad syrien. J’échangeais pendant un après-midi sur un thème donné et je voyais les profils qui se dessinaient. A la fin de l’échange, je leur proposais de les voir individuellement s’ils étaient volontaires. La plupart ont accepté.
Comment se déroulaient ces entretiens ?
Les détenus condamnés étaient plus détendus, il y avait une vraie liberté de ton. Comme les instructions sont longues pour ce type d’affaires, ils étaient en prison depuis plusieurs années et avaient plus de recul que ceux en attente de leur procès. J’en ai également vu certains qui, trois semaines plus tôt, combattaient à Raqqa. Mais c’était très intéressant puisqu’ils étaient beaucoup plus imbibés de l’expérience syrienne. Certains me disaient clairement « je ne veux pas parler de ce qui s’est passé en Syrie », du coup, on abordait plutôt leur parcours en amont.
Globalement, de façon assez surprenante, je n’ai pas eu de difficultés à conduire ces entretiens. Après, il y a des logiques d’instrumentalisation énormes avec ce public. Certains vont chercher à embellir la réalité, à se faire passer pour des repentis, mais ça ne m’importait pas. Je ne suis ni juge, ni flic. Qu’ils mentent ou pas, ce n’était pas ça qui m’intéressait dans l’entretien. Ce que je voulais, c’était voir les trajectoires, les dynamiques.
-- Comment expliquer que certaines zones géographiques aient été plus touchées que d’autres par le djihadisme et la radicalisation ?
Il existe une géographie du djihadisme français, une histoire, un contexte, un passé qu’on peut retracer dans des lieux précis. Dix à quinze zones en France ont été touchées et elles ont toutes en commun non pas d’être situées en banlieue ou marginalisées économiquement, mais d’avoir été investies par des militants djihadistes historiques. Soit des anciens du djihad afghan ou bosniaque, soit des anciens du Groupement islamique armé (GIA) algérien. Ces individus ne sont pas allés n’importe où, ils ont eux-mêmes identifié les quartiers dans lesquels ils se sont implantés. Ça a été le cas à Toulouse : les premiers salafistes vont apparaître dans le sillage des Frères musulmans et des tablighis à la fin des années 1990. Ils vont miser alors sur un groupe de dix personnes, très très à la marge, c’est le groupe des frères Clain. Dix ans plus tard, ils fédéreront autour d’eux plus d’une centaine de personnes. C’est ce mécanisme qu’on observe aussi à Trappes, à Roubaix, à Strasbourg, à Nice. On parle d’environnements restreints, identifiés et identifiables au sein de certaines villes, quartiers voire une barre d’immeubles, et ils fonctionnent comme des militants.
-- C’est-à-dire ?
Très vite, ils mettent en place des petites structures pour mailler le territoire. C’est pour ça que la logique d’approche de la justice qui l’analyse en termes de filière est en partie décousue de la réalité. Quand la justice condamne des membres de ce qu’on a appelé la filière « d’Artigat I » en 2007, elle considère que le problème du djihadisme à Toulouse est réglé. Or ces gens-là ont formé des relais sur place pendant six ans dans les quartiers du Mirail et aux Izards. Ils récupèrent leurs stands dans les marchés à leur place, montent des associations de loi 1901, font venir des prédicateurs de Belgique, etc. C’est ce qui explique que d’une dizaine d’individus autour des Clain on passe, dix ans plus tard, à 200-300 personnes. Et c’est dans ces 300 personnes qu’on va trouver, entre autres, Mohamed Merah.
-- Plusieurs profils se dessinent parmi ces djihadistes français : les pionniers, les cadres, les opportunistes… Qu’est-ce qui les lie et les différencie ?
Les dynamiques djihadistes françaises se sont connectées avec les dynamiques de la crise syrienne en trois temps, trois vagues de départs. La première se produit à partir de l’été 2012 et amène en Syrie ceux que j’appelle « les pionniers ». Ce sont les « vieux de la vieille », actifs depuis dix ans et à la tête d’entreprises de prédication. Ils ont des rôles très structurants dans la mouvance djihadiste française. Ils sont déjà en lien avec les organisations djihadistes syro-irakiennes, donc très vite intégrés dans les commandements à leur arrivée. C’est le cas de Jean-Michel Clain, qui est rapidement nommé émir. Contrairement à ce que pensait une bonne partie de la hiérarchie policière à l’époque, ils n’y vont pas pour mourir mais pour construire un Etat, l’« Etat islamique ».
La deuxième vague commence à prendre forme en 2013. Il s’agit en réalité du second cercle des pionniers, leur engagement djihadiste est plus récent, mais préalable. Ce sont les cadres de la mouvance. Ils sont rarement arabophones, ne sont pas en contact direct avec la hiérarchie des organisations terroristes et dépendent des pionniers pour leur intégration en Syrie et en Irak. Ils vont se retrouver là-bas au pire moment pour eux, c’est-à-dire au moment des luttes fratricides entre groupes djihadistes, entre Al-Nosra, affilié à Al-Qaida, et Daesh qui est en train de s’imposer comme une organisation autonome. A la fin de l’année 2013, 90 % des Français sur place ont fait leur choix et ont basculé chez Daesh. C’est dans cette vague qu’on va trouver les premiers revenants.
Enfin, la troisième vague regroupe tous ceux qui ont rejoint la Syrie à partir de 2014. A ce moment-là, Daesh s’est imposé comme un pseudo-califat, dispose d’un territoire et fait désormais appel à n’importe qui, aux jeunes convertis, aux « dangereux », et aux femmes qui étaient, jusque-là, les grandes absentes.
-- Quelle a été, selon vous, la plus lourde erreur des pouvoirs publics français dans l’appréhension de ce phénomène ?
J’en vois trois. La première, c’est l’affaire Merah. Réduire les meurtres de Toulouse et Montauban à un vulgaire fait divers, alors que c’était l’aboutissement de quinze ans de dynamique salafiste dans la région, c’était mettre un voile sur la réalité. On a perdu du temps à cause de ça. Il faudra attendre les attentats de 2015 pour qu’on prenne conscience que Merah, c’était autre chose qu’un loup solitaire.
La deuxième erreur, c’est de ne pas avoir compris le sens de ces départs en Syrie. Jusqu’en 2015, on considère que ces individus – souvent réduits à des idiots, ce qu’ils n’étaient pas – partent se faire tuer. On ne prend pas au sérieux ce qu’ils disent, à savoir fonder un « Etat islamique ». On n’a pas pris au sérieux leur engagement.
La dernière erreur, ça a été de considérer que, pendant cinq ans, il suffisait de s’en remettre à des interprétations rapides du phénomène, sans avoir besoin de renouveler la connaissance. En tant que citoyen, je trouve ça inquiétant qu’il ait fallu attendre cinq ans pour qu’un livre sorte sur le sujet. J’en suis très heureux, mais ça montre aussi le vide qui existe sur ce sujet et notre cécité collective.
-- Quels sont les écueils à éviter absolument et à anticiper selon vous si l’on souhaite endiguer le djihadisme français ?
On n’aura pas forcément de seconde chance. Le nombre de personnes impliquées dans ces réseaux djihadistes a été multiplié par 100 entre la guerre en Bosnie dans les années 1990 et le djihad en Syrie en 2015. Si on continue sur ces mêmes dynamiques, on va au-devant de grosses déconvenues. En revanche, si on prend au sérieux ces dynamiques, si on arrive à mener un débat serein, c’est-à-dire à s’approprier le savoir, à sortir du déni généralisé qui nourrit l’hystérisation, si on arrive à sortir de ces postures et qu’on élargit le débat, alors la société française aura la capacité de répondre à ce défi. Mais ce serait faux de croire que tout ça ne relève que du ressort de l’Etat, que ce n’est qu’une question sécuritaire. Ces territoires ont été travaillés de l’intérieur par des militants. C’est aussi une responsabilité de la société civile.
-- La ministre de la Justice, Nicole Belloubet, a récemment plaidé dans Libération pour le rapatriement des djihadistes français détenus en Irak et en Syrie. La position du Quai d’Orsay, elle, reste ferme : ils doivent être jugés sur place. Cette stratégie vous semble-t-elle la plus adéquate ?
C’est une question extrêmement complexe. Quand on voit la difficulté à gérer un djihadiste en détention, en rajouter plusieurs dizaines n’apparaît pas forcément comme la meilleure des choses. Mais laisser les djihadistes dans les prisons kurdes, dans l’une des zones les plus instables du monde où ils courent le risque de passer entre les mains de Bachar al-Assad, ce n’est pas mieux. Le régime syrien a une longue tradition d’instrumentalisation des réseaux djihadistes. Les maintenir là-bas, c’est confier un levier de chantage énorme à ce régime sur l’ensemble de l’Europe et plus particulièrement de la France. La position des gouvernements successifs consistait à gagner du temps, à penser que les Kurdes pouvaient faire le travail. Ce temporaire qui dure ne pourra pas durer éternellement et il va falloir se pencher sur le sujet.
-- Un député LR a interpellé à l’Assemblée nationale la garde des Sceaux à ce sujet. L’élu a cité un passage de votre ouvrage pour s’opposer au rapatriement de ces djihadistes. Qu’en pensez-vous ?
Ce genre de procédé participe de la logique de récupération politique prisée d’individus qui ne savent pas de quoi ils parlent. Ce risque de récupération existe et je le savais avant de me lancer dans ce travail. La recherche est restée extrêmement pudique sur le djihadisme et n’a rien osé documenter en partie pour cette raison. Résultat : le diagnostic n’a pas été posé. Ce livre existe justement parce que je voulais casser la machine à fantasmes. A la place de ces élus, je ne claironnerais pas trop fort, parce que cet ouvrage n’est glorieux pour personne, y compris pour les responsables politiques.
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"La désinstruction nationale: une non-assistance à une jeunesse en danger"
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FIGAROVOX/ENTRETIEN - Le professeur de philosophie René Chiche dénonce la responsabilité des institutions éducatives qui ont façonné, à travers des réformes incessantes, une école française qui n’instruit plus.
Par MARGUERITE RICHELME
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René Chiche est professeur agrégé de philosophie au lycée, vice-président d’Action & Démocratie, représentant CFE-CGC et membre du Conseil supérieur de l’éducation. Il vient de publier La désinstruction nationale (éditions Ovadia, 2019).
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FIGAROVOX -- Qu’est-ce que la désinstruction nationale que vous dénoncez dans votre ouvrage ?
René CHICHE -- Il fut un temps, pas très lointain d’ailleurs, où l’on quittait l’école en sachant convenablement lire et écrire, c’est-à-dire où l’école instruisait. On entre aujourd’hui à l’université en sachant à peine lire et en ne sachant pas du tout écrire. C’est un fait. Et cela est proprement stupéfiant. Comment peut-on tolérer que des générations entières passent une quinzaine d’années sur les bancs de l’école et parviennent jusqu’aux portes du supérieur en maniant leur propre langue comme s’il s’agissait d’une langue étrangère? Ce n’est d’ailleurs même pas assez dire pour qualifier le charabia dans lequel sont écrites la plupart des copies que je lis. Il y a toujours eu un petit nombre de très mauvaises copies comme de très bonnes mais désormais les copies indigentes à tout point de vue constituent la grande majorité des copies, au point qu’on juge bonnes des copies qui étaient hier seulement médiocres.
Pour qu’on comprenne bien que je ne suis pas en train de hurler à la catastrophe à cause de quelques fautes d’orthographe ou de quelques perles qu’il est si facile d’exhiber mais dont on ne peut en réalité tirer aucune conclusion, j’ai pris la peine de donner un échantillon représentatif de ces copies dans le premier chapitre, lui-même intitulé «bac à l’oréat» parce que c’est ainsi que je l’ai vu écrit une fois sur l’en-tête d’une copie d’examen. J’aurais pu en remplir dix volumes. Ceux qui liront cet échantillon comprendront alors immédiatement ce qu’est la «désinstruction»: lorsque l’institution censée prendre soin de l’esprit des jeunes gens les laisse dans un tel état de quasi-illettrisme tout en leur promettant «la réussite» matin, midi et soir, je crois que ce néologisme n’est même pas assez fort pour décrire ce qui est de la non-assistance à jeunesse en danger, affamée de lettres et de culture que l’école renonce à transmettre parce qu’un grand nombre des acteurs considère que ce sont des vieilleries inutiles. L’école n’instruit plus et laisse l’esprit en jachère.
Le problème, ou plutôt le scandale, est qu’on a interdit de dévoiler la réalité aussi bien que l’ampleur de cette désinstruction. Tous ceux qui osent soulever un coin du voile se font immédiatement rappeler à l’ordre par quelque colonel de pensée veillant à l’orthodoxie en la matière. «Les jeunes de maintenant savent d’autres choses», dit-on. Ils ont «d’autres compétences». Ah bon? Parce que la dextérité dans la manipulation du clavier virtuel serait une «compétence»? L’aptitude à baragouiner la langue de Shakespeare compenserait l’incapacité à manier passablement celle de Molière? Bien sûr que non! Ce sont des fadaises, et j’ai écrit ce petit livre pour qu’on cesse une bonne fois de nous les servir et qu’on ait enfin le courage de regarder la réalité en face. La langue est l’instrument de toute connaissance, y compris et surtout l’instrument de la connaissance de soi. On ne peut rien savoir vraiment quand le moyen de la compréhension n’est pas maîtrisé. À défaut de savoir, on apprend par cœur des cours auxquels on ne comprend strictement rien, comme je le relate par des anecdotes dont j’aurais pu là encore remplir plusieurs volumes. Or, entre croire et savoir, il faut choisir.
FIGAROVOX -- Quand penser devient de plus en plus difficile pour les élèves (par manque de mots, de concepts), quelles sont les conséquences à venir pour ces futurs citoyens ?
René CHICHE -- Penser n’est pas difficile pour les élèves, penser est interdit. Vous savez, penser est difficile et le demeure, même pour des penseurs professionnels! Car «penser, c’est dire non!»: non à la première idée qui se présente, non à la facilité, non à l’habitude et ainsi de suite. Il ne s’agit donc pas que penser devienne facile. Il est si facile de se contenter d’à-peu-près. Or savoir à peu près lire, c’est en réalité ne pas savoir lire. Et ainsi du reste: penser approximativement, c’est adhérer à un discours et réagir à des mots comme un taureau devant le chiffon rouge.
C’est croire, et non penser. On n’apprend à penser qu’en grande compagnie. Alors oui, on doit s’inquiéter des conséquences politiques de la désinstruction, parce qu’en République, l’école est d’abord instituée non pour procurer un métier ou je ne sais quel savoir-faire mais pour qu’il y ait des citoyens dignes de ce nom, capables de juger et de critiquer. Oui, il faut s’inquiéter de ce que deviendront des élèves qui n’ont presque rien lu, qui ne connaissent Montesquieu ou Montaigne que de nom, à qui l’on apprend, en croyant bien faire, à décrypter les «fake news» pendant des heures où l’on renonce à leur apprendre les subtilités de leur propre langue. Il faut s’inquiéter du devenir de ceux que l’on a privés d’heures de français au cours desquelles ils auraient acquis la maîtrise de la langue en puisant à la source et que l’on préfère faire débattre de tout et de rien sous couvert d’un prétendu «enseignement moral et civique» qui est une forme de dressage, quand on ne va pas jusqu’à faire commenter des «tweets» en classe !
Mais la formation du citoyen n’est pas seulement intellectuelle, elle est aussi morale, et de ce point de vue encore, l’école renonce. Presque personne n’ose déplaire. Il faut non seulement aimer mais faire aimer la difficulté si l’on veut penser et se tenir debout, puisque c’est la difficulté surmontée qui fait progresser. Mais on fait tout le contraire: on cherche à intéresser au lieu d’instruire et l’on traite l’élève en consommateur, allant jusqu’à dévoyer la pédagogie pour la mettre au service de la paresse et de la désinstruction. Songez par exemple que le Code de l’éducation lui-même a banni le mot «instruction» de la loi et que la noble tâche de l’école n’est plus d’instruire, comme le voulait Condorcet, mais de garantir (oui, garantir!) la «réussite»! La belle affaire! On réclamera bientôt la réussite par pétition !
D’ailleurs on le fait déjà. On oublie toutefois que la réussite présuppose le travail, l’effort et même l’échec, duquel on apprend à se relever par persévérance, et c’est cela qui est formateur. Les professeurs sont aux premières loges de ce triste spectacle et ne cessent de dénoncer et déplorer ce fonctionnement absurde auquel tous cependant consentent ou se résignent. Un élève qui a des difficultés passera tout de même dans la classe supérieure, où ses difficultés grossiront et ainsi de suite jusqu’à ce qu’elles deviennent des lacunes qui paraîtront insurmontables. On ne lui fera pas trop remontrance, de peur de le traumatiser. Il parviendra jusqu’en Terminale en ne sachant pas écrire. Il se trouve enfin des gens, même parmi les professeurs, ceux que j’appelle les militants de la désinstruction, pour justifier ce passage automatique d’un niveau à l’autre. Ils ont d’ailleurs supprimé la notion même de niveau et l’ont fait remplacer par celle de «cycle» en prétextant qu’il fallait respecter les «rythmes» d’apprentissage: voilà, entre autres choses, comment des élèves arrivent jusqu’au baccalauréat non seulement en ne sachant pas s’exprimer avec clarté mais en n’ayant parfois jamais travaillé.
FIGAROVOX -- Face aux «pédagogistes», existe-t-il encore des enseignants fidèles à un enseignement classique, historiquement républicain ?
René CHICHE -- On ne devrait pas qualifier de «pédagogistes» ceux qui s’emploient à détourner la pédagogie de sa vocation, qui n’est pas de s’adapter mais bien d’élever. Il y a en effet une poignée de militants de la désinstruction, y compris dans le corps enseignant, mais ce qui est en cause, c’est le fonctionnement de l’institution plutôt que le rôle et la responsabilité de tel ou tel. Les «pédagogistes» sont avant tout des carriéristes. Quand on aime son métier, on le fait et on ne passe pas son temps à en parler. L’artiste puissant, dit Alain, ne parle guère.
Dans un chapitre intitulé «Les boutons de manchettes», j’explique et décris assez crûment la façon dont le professeur que vous qualifiez de «classique», c’est-à-dire «à l’ancienne» (manière de parler à la fois révélatrice et dramatique), est aujourd’hui menacé par ceux qui étaient auparavant chargés de le protéger, chefs d’établissement aussi bien qu’inspecteurs. Il faut aller sur le terrain pour observer comment les choses se passent. Les chefs d’établissement sont poussés à se prendre pour des «managers» et, pour se faire bien voir de leur propre hiérarchie, ont tendance à inciter les professeurs à faire de même. On voit ainsi proliférer une nouvelle espèce d’enseignants prompts à faire des «projets», à faire parler d’eux, à faire les intéressants. La plupart du temps, ces «projets» sont affligeants. Mais, voyez-vous, un professeur qui fait simplement son travail, qui ne fait pas de bruit, qui ne cherche pas à faire parler de lui dans le journal de la commune, est considéré par sa hiérarchie comme un mauvais professeur, voire un encombrant que l’on attend de pouvoir remplacer par un enseignant (j’emploie ce mot à dessein pour le distinguer de celui de professeur) docile, recruté par contrat, taillable et corvéable à merci.
On parle désormais de «l’équipe» pédagogique comme de «la communauté éducative»! Il y a cependant toujours des professeurs, de vrais hussards noirs, et en réalité ils le sont encore presque tous, et cela en vertu de leur mode de recrutement. Car un professeur est avant tout un intellectuel. C’est sans doute la raison profonde pour laquelle, si on veut en finir avec les hussards et les remplacer par des animateurs ou de simples assistants dans le face-à-face entre l’élève et l’écran auquel certains voudraient que ressemble dorénavant l’enseignement, on cherchera d’abord à réformer le mode de recrutement et le concours, qui fait encore la part belle à la maîtrise d’un champ disciplinaire. L’autorité morale du professeur a pour fondement son autorité intellectuelle. Et depuis toujours ceux qui font profession de penser ont pour ennemis jurés, à leur corps défendant, tous ceux qui mettent l’administration des choses au-dessus du gouvernement des hommes et du soin que l’on doit à l’esprit.
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20/01/2020
Débat sur le Féminisme en 1975
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Dans l'émission Radioscopie en 1975, Jaques Chancel reçoit Jacqueline de Romilly, Nicole de Hautecloque et Jean Cau pour débattre de la question du féminisme. Interventions remarquables...
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19/01/2020
"Affaire Matzneff, un théâtre de la terreur et de l'absurde" par Slobodan Despot
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12/01/2020
Julius Evola répondant aux questions de Dominique de Roux - 1971
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05/01/2020
Vanessa Springora : "Le Consentement"... à propos de l'Ogre Matzneff...
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04/01/2020
Gabriel Matzneff : "Elle tente de faire de moi un pervers, un prédateur"
=--=Publié dans la Catégorie "PARENTHÈSE"=--=
Dans un long texte envoyé à L'Express, Gabriel Matzneff répond à Vanessa Springora, qui publie ce jour "Le Consentement", livre dans lequel elle accuse l'écrivain d'avoir abusé de sa jeunesse.
Le lundi 23 décembre, L'Express a, le premier, publié une enquête fouillée sur ce qui allait devenir "l'affaire Matzneff", saluant la parution d'un livre aujourd'hui même, Le Consentement (Grasset) dans lequel Vanessa Springora raconte son expérience d'ancienne amante de l'écrivain qu'elle accuse d'avoir abusé de sa jeunesse. Elle avait 13 ans lorsqu'ils se sont rencontrés, lui en avait 50. Depuis, la polémique n'a cessé de rebondir : sur la pédophilie, la complaisance de certains milieux intellectuels, le changement d'époque. Hormis deux brefs SMS, Gabriel Matzneff ne s'était pas exprimé jusqu'à présent. L'Express, qui n'a pas ménagé l'écrivain dans ses enquêtes, estime que toute personne mise en cause a le droit de répondre et publie donc en intégralité le long texte qu'il nous a fait parvenir. Il va de soi que cette publication ne vaut pas caution. L'écrivain n'y fait aucun mea culpa ni ne demande le pardon, mais livre le récit de sa liaison avec la jeune fille. Nul doute que cette réponse suscitera de multiples réactions et commentaires.
La rédaction de L'Express
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" À Dieu, Vanessa
En 1997, j'ai publié un essai intitulé De la Rupture qui, j'en eus conscience dès la remise du manuscrit à l'éditeur, constitue mon testament spirituel.
Dans la vie, tout est rupture, depuis le cri primal du nouveau-né jusqu'à l'ultime soupir de l'agonisant. Ce petit livre, tel le baume miraculeux que le jeune d'Artagnan, au premier chapitre des Trois mousquetaires, reçoit des mains de sa mère, est un viatique.
À la fin de l'ouvrage, figure un appendice où je donne quelques modèles de lettres de rupture : six lettres écrites par un homme ; treize écrites par une femme.
Les masculines sont des lettres que j'ai écrites, moi : avant de les poster, les jugeant bien troussées, je pris la précaution de les photocopier, me disant que je pourrais un jour les utiliser dans un livre. Ce qui advint.
Les féminines sont des lettres que j'ai reçues, moi. Je les ai transcrites, telles quelles, respectant jusqu'à la ponctuation, parfois originale, de mes jeunes amantes.
Dans ces dix-neuf lettres, les prénoms des auteurs et des destinataires sont fantaisistes : je les ai dénichés dans une table onomastique des saints et saintes de l'Église orthodoxe : Aldegonde, Agathon, Bathilde, Callistrate, etc. Il y en a ainsi trente-huit, tous charmants, qui devraient donner de bonnes idées à mes lectrices dans l'attente d'un bébé.
"Une des plus attachantes figures que les muses m'aient inspirées"
La lettre de rupture sur laquelle se clôt le livre, est adressée à un certain Samuel ; elle est signée Salomée. L'autrice (je préfère autrice, utilisé par Brantôme et la marquise de Sévigné, au plat auteure suggéré par une mode que j'espère sans lendemain) est la jeune fille qui m'inspira le personnage d'Allegra dans un roman publié en 1988, Harrison Plaza. Ce roman est un enfant auquel je suis affectionné de manière toute spéciale, et Allegra une des plus attachantes figures féminines que les muses m'aient inspirées.
Cette lettre de rupture, la voici. Une lettre de rupture, certes, mais aussi une bouleversante lettre d'amour ; une lettre qui témoigne de la beauté de l'âme de cette jeune fille ; de la conscience qu'elle avait de la force de l'amour qui nous unissait. Une lettre qui prouve que parfois la rupture est l'exact antipode du reniement :
[Gabriel Matzneff avait inséré ici la lettre de rupture intégrale écrite par Vanessa Springora. A la demande de Vanessa Springora au nom du "respect d'une correspondance privée ", L'Express a décidé de la retirer.]
Cette jeune fille baptisée Salomée dans De la Rupture, Allegra dans Harrison Plaza et moi, nous nous revîmes plusieurs fois après que j'ai reçu le 6 janvier 1988 cette lettre de rupture, et chaque fois ce furent des retrouvailles tendres, complices.
Le 20 avril 1988, je lui écris :
"*, mon cher amour, pour la première fois depuis ce terrible mercredi 6 janvier, je respire librement. Hier, mon amour, tu as ôté la pierre qui pesait si lourdement sur ma poitrine. Notre conversation, ta sublime lettre, ta tendre et diaphane présence tandis que je signais [Harrison Plaza] au salon du livre, grâce à toi je ressuscite."
De fait, nos retrouvailles à ce salon du livre de Paris, quatre mois après sa décision de rompre, sont particulièrement douces. Les photos que Sylva Maubec y prend de nous côte à côte en témoignent, et plus encore la lettre d'Allegra-Salomée que j'évoque dans le paragraphe ci-devant.
Un ou deux ans après, Vanessa (car tel est le prénom d'Allegra-Salomée) entre avec des copines dans un café du boulevard Saint-Germain, nous y voit attablés, Christian Giudicelli et moi. Aussitôt, un sourire éclairant son joli visage, elle s'élance vers nous, fait la bise à Christian, pose sur mes lèvres un baiser.
Des années plus tard, désirant réunir dans un recueil, Super flumina Babylonis, certains des poèmes que nos amours m'avaient inspirés, je la priai (car sitôt écrits, je lui postais ces poèmes et n'en avais plus de traces) de m'en envoyer la photocopie, elle le fit illico, avec joie.
"Ce livre, je ne le lirai pas"
Aujourd'hui, j'apprends que Vanessa publie un livre sur nous. Non pas un livre à l'image de ce qu'ensemble nous vécûmes, mais un livre où, m'affirment ceux qui l'ont lu, elle trace de moi un portrait dénigreur, hostile, viré au noir, destiné à me nuire, à me détruire ; où, utilisant un pesant vocabulaire psychanalytique, elle tente de faire de moi un pervers, un manipulateur, un prédateur, un salaud. Un livre dont le but est de me précipiter dans le chaudron maudit où ces derniers temps furent jetés le photographe Hamilton, les cinéastes Woody Allen et Roman Polanski.
Je reçois cette stupéfiante nouvelle comme un coup de poignard dans le coeur. "C'est moi qui l'ai tuée, ma Carmen, ma Carmen adorée !" Nietzsche tenait le cri final de Don José dans la Carmen de Bizet pour le plus beau des cris de l'amour. Attendre trente-deux ans pour me poignarder en plein coeur, une preuve d'éternel amour ? Soit, mais j'avoue, à Don José, préférer mon Allegra et ma Salomée.
Ce livre, je ne le lirai pas. S'il contient ce que l'on me dit qu'il contient, il me ferait trop de mal ; et même si son ton est mesuré, nostalgique, je préfère me contenter des dizaines de lettres d'amour fou que Vanessa m'a écrites, de ses photos, de mes adorables souvenirs.
Je ne le lirai pas et n'y répondrai pas pour la raison simple que j'y ai déjà répondu. Non pas trente-deux ans après, mais à l'époque même de nos passionnées amours, dans le journal intime que je tenais au jour le jour, un journal véridique où chaque page, chaque ligne, chaque mot est l'expression immédiate, à chaud, de ce que nous vivions, Vanessa et moi. Ce journal, c'est La Prunelle de mes yeux, paru chez Gallimard en 1993, puis dans la collection de poche Folio. Un journal intime que confirment, corroborent les dizaines et dizaines de lettres que nous échangeâmes. Les miennes, elle les a peut-être déchirées, mais les siennes, je les conserve précieusement, et si la nécessité de les publier échoyait ces lettres montreraient que La Prunelle de mes yeux est l'authentique, exact récit de ce que furent nos amours.
Si je n'avais pas été écrivain, Vanessa n'aurait ni eu envie de rompre, ni rompu. Nous avions vaincu les divers obstacles qui se dressaient contre nous : l'hostilité de son entourage, les lettres de dénonciation à la brigade des mineurs, la maladie qui nous frappa, elle en 1986, moi en 1987 ; nous étions parvenus à un bonheur auquel rien ni personne ne s'opposait. Ce fut alors - environ dix-sept mois après nos premiers baisers - que la lecture de certains de mes livres se mit à infuser dans le coeur de ma jeune amante un douloureux rejet de mon peccamineux passé ; une irrépressible détestation de mes ex, de ce que j'avais vécu avant elle.
"Vanessa eut tort de rompre"
Je feuillette La Prunelle de mes yeux. Le samedi 17 juillet 1987, elle me lance : "Je hais ton passé, tu es le premier homme que j'aime, je t'en voudrai toute ma vie d'avoir aimé des femmes avant moi." Cependant, car c'est une fille intelligente, elle a aussi des éclairs de lucidité où elle éprouve toute l'extravagance de cette jalousie de mon passé, sa destructrice stérilité. Le 2 novembre de la même année, séjournant à Londres, elle m'écrit :
"Ton amour pour moi est un soleil qui brille et éclaire, tout ce que nous avons vécu ensemble depuis notre premier baiser est et restera l'aventure la plus merveilleuse qu'un homme et une femme puissent vivre l'un par l'autre ! Mon cher amour, mon adorable amant, je t'aime comme jamais plus je ne pourrai aimer qui que ce soit. C'est toi qui me fais vivre, qui es ma source. Lorsque je suis près de toi, je ressuscite, Gabriel, amour-de-ma-vie , bientôt je serai de retour et nous serons à nouveau réunis."
Dans cette même lettre, à propos de sa jalousie, de ses colères, elle observe que c'est "de la divagation, des idioties" dues à des "crises passagères", à "une perte de contact avec la réalité", à "un long vertige". Et elle ajoute : "Vraiment, tu ne dois surtout pas en croire un mot."
Deux mois plus tard, elle m'écrivait sa lettre de rupture. Lettre d'une beauté, d'une force inouïes, mais jusqu'à ma mort je persisterai à croire que Vanessa eut tort de rompre ; qu'elle rompit pour des chimères de son imagination ; que nous aurions pu et dû vivre encore plusieurs années de fécond bonheur ; que cette fatale décision fut la raison de la difficulté d'être qu'elle éprouvera, si j'ai bien compris, dans les années qui suivront notre rupture.
Par amour pour elle, j'avais dès nos premiers baisers mis fin à mon vagabondage amoureux, j'étais devenu le plus fidèle et irréprochable des amants. En revanche, ce que Dieu lui-même n'aurait pu accomplir, c'était que mon passé cessât d'être. Il existait, comme existe le passé de chacun de nous, et il l'était avec d'autant plus de force que je l'avais gravé sur le papier. Un poème recueilli dans Super flumina Babylonis exprime cette dure réalité. Voici ses premiers vers :
Tel, chez Dürer, le chevalier
Que flanquent la mort et le diable,
J'avance dans la vie
Escorté, précédé même, par les mots que j'ai écrits.
Mes livres sont ma condamnation,
Mes érinyes implacables,
Mes éternels geôliers :
Prison de papier,
Dont jamais je ne m'évaderai.
Vanessa mon amour,
Je hais ces pages qui te font douter de moi,
Qui emplissent de larmes tes yeux si clairs.
La suite, Vanessa l'a décrite dans sa bouleversante lettre de rupture : durant le dernier mois de 1987, sa douleur, son trouble ne cessèrent de s'augmenter. Nos amis communs, Roger Vrigny, Christian Giucidelli, Claude Verdier, Cioran et sa compagne Simone Boué tentaient de la rassurer, s'efforçaient de la convaincre que je l'aimais à la folie, qu'elle n'avait sur ce point aucune inquiétude à avoir. Sans succès. Notre amour s'était dans son esprit irrémédiablement transformé en un amour vampire qui la rongeait de l'intérieur, je ne fais que reprendre les mots si terriblement justes de sa magnifique lettre d'adieu.
Nous fûmes donc punis, chassés du paradis, par ma faute. La faute de mon passé. La faute, Vanessa, d'avoir avant notre rencontre, publié des livres qui te blessèrent, te tourmentèrent ; qui après de si longs mois de bonheur, de passion, t'empêchèrent de continuer à vivre nos amours dans la paix et la bienheureuse insouciance.
Ta décision de rompre nous rendit, toi et moi, très malheureux. Chacun de nous poursuivit sa propre route. Cependant, je demeurais convaincu qu'après ma mort tu écrirais quelque chose de beau, de tendre sur nous ; sur l'exceptionnel amour qu'ensemble nous vécûmes. Je ne mérite pas l'affreux portrait que - ceux qui ont lu ton livre s'accordent hélas sur ce point - tu publies de moi en ce début d'année 2020. Non, je ne le mérite pas, ce n'est pas moi, ce n'est pas ce que nous avons ensemble vécu, et tu le sais.
Que Dieu ait pitié de nous ; qu'Il te protège mieux que je n'ai été capable de te protéger. Je garderai toujours, brûlant dans ma mémoire et mon coeur tel un cierge devant l'icône du Christ, une image lumineuse de toi.
Gabriel Matzneff
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13/12/2019
Éric Zemmour : "Nous devrions nous allier au groupe de Visegrád pour protéger notre identité"
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12/12/2019
Eric Zemmour VS Nicolas Baverez sur l'état de droit, la démocratie, l'OTAN...
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11/12/2019
La conscience, avec Père Philippe Dautais
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09/12/2019
Dans le Cœur de l'Ayahuasca
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08/12/2019
L'Ayahuasca
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07/12/2019
Père Philippe Dautais : Le Salut
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06/12/2019
Eric Zemmour, Céline Pina : le peuple, le droit du sol, etc...
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« L’impact positif de l’immigration sur le financement des retraites n’a jamais été démontré »...
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FIGAROVOX/ENTRETIEN - Jean-Paul Delevoye a estimé vendredi 29 novembre à Créteil « qu’il faudra 50 millions » d’immigrés supplémentaires « pour équilibrer la population active en 2050, en Europe ». Pour Yves Mamou, l’immigration a au contraire déstabilisé les systèmes sociaux de nombreux pays européens.
Par Paul Sugy
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Yves Mamou est un ancien journaliste du Monde. Il a également collaboré au Canard Enchaîné, à Libération et à La Tribune. Il est l’auteur de nombreux ouvrages dont Hezbollah, dernier acte (éd. Plein jour, 2013) et Le Grand abandon. Les élites françaises et l’islamisme (éd. L’Artilleur, 2018)
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Yves MAMOU -- Cela fait trente qu’il existe un puissant courant d’immigration continue en France et en Europe, en provenance du Maghreb et de l’Afrique subsaharienne. À ma connaissance, aucune étude n’a jamais montré l’impact positif de cette vague d’immigration sur le financement des caisses de retraite. Les bénéfices économiques de l’immigration, c’est toujours au futur qu’on nous les annonce.
L’idée que les migrants sont et seront de plus en plus nécessaires pour payer les retraites des populations européennes qui ne font plus d’enfants et vivent trop longtemps, est un mensonge qui a la peau dure. L’époque est finie où l’industrie avait besoin de toujours plus de main-d’œuvre déqualifiée pour les chaînes de montage, les ateliers textiles et les usines de jouets. Il faut aller se promener dans les usines automobiles pour constater le grand silence généré par la robotisation à outrance de la fabrication des voitures. L’immigration ne sert plus aujourd’hui qu’à maintenir des salaires bas en France et en Europe dans un certain nombre de secteurs clés pour la bourgeoisie urbaine : la restauration, le bâtiment et les travaux publics, les services à la personne, le nettoyage, la sécurité, la santé et les soins aux personnes âgées. Ce sont des métiers faiblement rémunérés et qui génèrent peu de cotisations sociales. De plus, dans certains secteurs comme la restauration, le travail clandestin est très fréquent. Et cette immigration qui suscite de plus en plus d’inquiétude n’apporte rien à des retraites dont chaque gouvernement entreprend de raboter le montant au nom de la décroissance démographique.
FIGAROVOX -- En est-il de même dans les autres pays européens ?
Yves MAMOU -- L’Allemagne qui contrairement à la France est une société de plein-emploi, a en 2015 accueilli 1,5 million de « réfugiés » en provenance de Syrie, d’Irak, d’Afghanistan, d’Erythrée ou de Somalie. Trois ans après, en 2018, un migrant sur cinq seulement - 300 000 - disposait d’un emploi. Et ces emplois n’ont aucune valeur ajoutée, ils se situent dans l’aide aux personnes âgées ou le service aux personnes. La Suède, autre société de plein-emploi, a aujourd’hui un taux de chômage de 7,4 % qui la classe au 28e rang de l’Union européenne, en raison d’un fort taux d’immigration (qui concerne principalement des personnes déqualifiées). En Suède, si l’on en croit un rapport de l’Association suédoise des collectivités locales et des régions (SKL), une municipalité sur quatre et une région sur trois - la Suède compte 290 municipalités et 21 régions - ont été en déficit en 2018. Environ 110 municipalités envisagent à nouveau, un déficit en 2019. Et ces déficits sont essentiellement dus aux dépenses pour l’aide sociale aux migrants.
FIGAROVOX -- On évoque les bénéfices à venir de l’immigration, mais pas les coûts immédiats liés à ce même courant migratoire ?
Yves MAMOU -- Exactement. Aujourd’hui, la France est le pays de l’Union européenne qui subit la plus forte pression migratoire. Or les réfugiés génèrent, si l’on en croit Michel Aubouin, ancien préfet et ancien directeur d’administration centrale au ministère de l’intérieur, un coût très élevé (de l’ordre de 4 à 5 milliards d’euros par an pour 2018).
L’hébergement et les allocations représentent environ 1,5 milliard d’euros. Un tiers (500 millions) va directement dans la poche des demandeurs d’asile qui attendent que leur dossier soit traité, et le reste est constitué par les dépenses liées à l’hébergement (500 à 600 millions d’euros) de ces migrants. À ces dépenses d’allocations et d’hébergement, il faut ajouter les frais de fonctionnement accrus des administrations chargées de gérer l’asile: OFPRA, CNDE, OFII et guichets de préfecture. L’Aide Médicale d’État (AME) est coûteuse également: les clandestins ne sont pas seulement rémunérés et hébergés, ils sont également soignés quand ils apportent la preuve qu’ils résident depuis plus de trois mois en France. Elle coûte aujourd’hui un milliard d’euros.
Enfin, dans la masse des clandestins, une sous-population mérite d’être distinguée, celle des mineurs non-accompagnés. Depuis 2015, des gamins de 12 à 18 ans, venus généralement du Maroc et d’autres pays d’Afrique du Nord, se multiplient sur le territoire national, vivant en bandes, subsistant de rapines, semant la terreur sur la population locale. Combien sont-ils? Selon La Dépêche du Midi, «certaines estimations parlent de 50 000». Sans papiers, mutiques sur leur pays d’origine, ces jeunes sont difficiles à expulser. Aujourd’hui, 40 000 d’entre eux seraient pris en charge par les collectivités locales au titre de l’Aide sociale à l’enfance contre 25 000 en 2017 et 13 000 en 2016. Sachant que le coût annuel d’une prise en charge, prévue dans le cadre de l’Aide sociale à l’enfance (ASE), atteindrait 50 000 euros par an, la facture devrait frôler les 2 milliards d’euros à la fin de l’année.
FIGAROVOX -- Le discours de Jean-Paul Delevoye réduit l’immigration à une question économique…
Yves MAMOU -- Oui, ce qui est grave car l’immigration de masse fait disparaître les identités des peuples d’Europe : une « identité européenne » nouvelle doit ensuite émerger. Je ne vois pas quel bien peut surgir du fait de couper les peuples européens de leur histoire et à les mélanger avec d’autres qui n’ont pas la même histoire. Il y aura peut-être un jour un consommateur européen multi-ethnique et multi-culturel, mais l’Europe n’aura pas gagné pour autant une identité nouvelle, plus dynamique, plus créatrice et élargie à l’échelle d’un continent. En tout cas, on n’en voit pas les prémices.
FIGAROVOX -- Que pensez-vous de la suite de son intervention, dans laquelle Jean-Paul Delevoye reproche aux peuples européens d’avoir fait des juifs hier et des musulmans aujourd’hui leurs « bouc émissaires » ?
Yves MAMOU -- Il quitte le discours économique et endosse le discours victimaire des islamistes et des islamo-gauchistes, à savoir que les musulmans d’aujourd’hui sont comme les juifs des années 30 et qu’ils sont victimes d’un racisme qui bloque leur intégration en France et en Europe. Il faudrait expliquer aux politiques que cette idéologie omniprésente ne convainc plus personne, que l’islam n’apitoie personne en Europe et que les violences des islamistes effraient un nombre croissant de citoyens français et européens. Il faudrait faire lire à M. Delevoye les milliers de tweets et de SMS orduriers et haineux que reçoit quotidiennement Zineb El Rhazoui, survivante du massacre de Charlie Hebdo. Peut-être alors comprendrait-il où se situe la violence. Elle n’est pas chez les « islamophobes » qui à ma connaissance n’ont tué personne en Europe. En revanche, rien qu’en France, les islamistes ont tué plusieurs centaines de personnes.
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05/12/2019
Sud Radio - Débat sur la Grève
18:32 Publié dans Parenthèse | Lien permanent | Commentaires (0) | | del.icio.us | | Digg | Facebook