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16/03/2014

Aujourd’hui, les palais sont pleins de vers qui commandent et qui rampent

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« Aujourd’hui, les palais sont pleins de vers qui commandent et qui rampent. Des individus avides et gras parlent à notre place. Chaque Français semble avoir un ambassadeur sur la terre et cet ambassadeur est une tantouze ou un maquereau. (D’ailleurs, maquereau, ce n’est déjà pas si mal.) Dieu merci, nous avons la guerre pour insulter la paix. Et hier, nous nous moquions de la guerre en invoquant la paix, mais hier ne se laisse pas oublier et revient avec la marée. »

Roger Nimier, Les épées

 

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Nous sommes pris dans une alternative qui ne nous permet plus d’exister médiocrement

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« Quand nous parlons d’un temps dramatique, ce mot a un sens précis : il veut dire que nous sommes pris dans une alternative qui ne nous permet plus d’exister médiocrement ; il nous faut vivre plus puissamment, ou bien disparaître, nous surpasser ou nous abolir. (…) La tragédie essentielle n’est pas de savoir quels dangers nous menacent, mais de définir d’abord ce qu’ils menacent en nous, car il importerait assez peu que nous fussions détruits, si nous avions rendu cette destruction légitime en ne valant presque rien. »

Abel Bonnard, Les Modérés

 

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Les pauvres ne les intéressent que dans la mesure où on peut se réclamer d’eux en politique

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« Les millionnaires de gauche font semblant de s’apitoyer sur les pauvres des pays occidentaux et parlent des pauvres seulement pour attaquer le gouvernement. Les pauvres ne les intéressent que dans la mesure où on peut se réclamer d’eux en politique. Je pense au visage large et mou du chef de l’opposition socialise en France. Il s’en fiche des malheureux et des réprouvés et des emprisonnés et des opprimés qui vivent dans les pays socialistes, il n’a pas à s’encombrer de cela. Il n’en a pas besoin pour sa propagande, au contraire, ça lui nuirait.


(…)

Des penseurs prônent aujourd’hui le déclenchement des désirs, c’est la fête que l’on veut, la fête des désirs, quelle fête ? Comme fête collective de ce genre, je ne vois que le carnaval de saucisse et de bière qui a lieu tous les ans à Cologne, par exemple, et qui se dissipe le matin en laissant quelques cadavres sur les trottoirs.

Cette fête ou ces fêtes ne sont que désir de détruire. Les nazis parlaient de leurs fêtes. Au Mexique tous les chants sont tristes, sauf les chants révolutionnaires, révolutionnaires de n’importe quoi, contre n’importe quoi, gaieté de tuer.

(…)

Et pendant tout ce temps, les écrivains écrivent, moi-même j’écris. Romans d’amour, romans “philosophiques”, bricolages formalistes du nouveau roman, misère et honte que tout cela. (…) Il y a quelques temps, je rencontrai une des nouveaux romanciers du nouveau roman. Soljénitsyne venait de recevoir le prix Nobel. Au point de vue “moral”, me dit le bricoleur littéraire du nouveau roman, on a peut-être bien fait de donner le prix Nobel à Soljénitsyne, mais, me dit-il encore en souriant avec fatuité : ” Au point de vue littéraire, Soljénitsyne, ce n’est pas grand chose. ” Je ne lui répondis pas. Mais toute l’expression de son visage exprimait cette pensée : “C’est moi qui mériterais le prix parce que je suis plus grand que Soljénitsyne en littérature.” Le romancier du nouveau roman s’éloigna sans se rendre compte évidemment que tout ce qu’il écrivait c’était de la m…, mais ne soyons pas grossiers. »

Eugène Ionesco, Le Figaro littéraire, 1972 in "Antidotes"

 

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15/03/2014

Quelle différence, au fond, entre un national-socialisme et le socialisme dans un seul pays ?

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Un communiste et un SS tapent la causette... Staline et Hitler, même combat...

 

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« - Finalement, nos deux systèmes ne sont pas si différents. Dans le principe du moins.

- C’est là un propos curieux pour un communiste.
- Pas tant que ça, si vous y réfléchissez. Quelle différence, au fond, entre un national-socialisme et le socialisme dans un seul pays ?
- Dans ce cas, pourquoi sommes-nous engagés dans une telle lutte à mort ?
- C’est vous qui l’avez voulu, pas nous. Nous étions prêts à des accommodements. (…) Après tout, vous nous avez tout pris, même si ce n’était qu’en caricaturant (…). Je parle des concepts les plus chers à votre Weltanschauung.
- Dans quel sens l’entendez-vous ?
(…)
- Là où le Communisme vise une société sans classe, vous prêchez la Volksgemeinschaft, ce qui au fond est strictement la même chose, réduit à vos frontières. Là où Marx  voyait le prolétaire comme le porteur de la vérité, vous avez décidé que la soi-disant race allemande est une race prolétaire, incarnation du Bien et de la moralité ; en conséquence, à la lutte des classes, vous avez substitué la guerre prolétarienne allemande contre les Etats capitalistes. En économie aussi vos idées ne sont que des déformations de nos valeurs.
(…)
Parce que vous n’avez pas imité  le Marxisme, vous l’avez perverti. La substitution de la race à la classe, qui mène à votre racisme prolétaire, est un non-sens absurde.
- Pas plus que votre notion de la guerre des classes perpétuelles. Les classes sont une donnée historique ; elles sont apparues à un certain moment et disparaîtrons de même, en se fondant harmonieusement dans la Volksgemeinschaft au lieu de s’étriper. Tandis que la race est une donnée biologique, naturelle et donc incontournable.

Il leva la main  :

- Ecoutez, je n’insisterai pas là-dessus, car c’est une question de foi, et donc les démonstrations logiques, la raison, ne servent à rien. Mais vous pouvez au moins être d’accord avec moi sur un point :  même si l’analyse des catégories qui jouent est différentes, nos idéologies ont ceci de fondamental en commun, c’est qu’elles sont toutes deux essentiellement déterministes ; déterminisme racial pour vous, déterminisme économique pour nous, mais déterminisme quand même. Nous croyons tous deux que l’homme ne choisit pas librement son destin, mais qu’il lui est imposé par la nature ou l’histoire. Et nous en tirons tous les deux la conclusion qu’il existes des ennemis objectifs, que certaines catégories d’êtres humains peuvent et doivent légitimement être éliminées non pas pour ce qu’elles ont fait ou même pensé, mais pour ce qu’elles sont (…). Au fond, c’est la même chose ; nous récusons tous deux l’homo economicus des capitalistes, l’homme égoïste, individualiste, piégé dans son illusion de liberté, en faveur de l’homo faber : Not a  self-made man but a made man (…). Et cet homme à faire justifie la liquidation impitoyable de tout ce qui est inéducable, et justifie donc le NKVD et la Gestapo, jardiniers du corps social, qui arrachent les mauvaises herbes et forcent les bonnes à suivre leurs tuteurs. »

Jonathan Littell, Les Bienveillantes

 

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La France est atteinte par le cafard de l’agonie

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« Existe-t-il un peuple moins sentimental ? Le cœur du Français ne s’attendrit qu’aux compliments bien tournés. Sa vanité est immense ; au point que la flatter peut même le rendre sentimental. »

« Chez les Français, les instincts sont atteints, rongés, la base de l’âme, sapée. Ils furent jadis vigoureux – des croisades à Napoléon -, les siècles français de l’univers. Mais les temps qui viennent seront ceux d’un vaste désert ; le temps français sera lui-même le déploiement du vide. Jusqu’à l’irréparable extinction. La France est atteinte par le cafard de l’agonie. »

« Les héros homériques vivaient et mouraient ; les snobs de l’Occident discutaient du plaisir et de la douleur. Français des croisades, ils sont devenus Français de la cuisine et du bistrot : le bien-être et l’ennui. »

Emil Cioran, De la France

 

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Le monde est en agonie et rien ne le touche plus...

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« Coûte que coûte, je garderai la virginité de mon témoignage, en me préservant du crime de laisser inactive aucune des énergies que Dieu m'a données. Ironies, injures, défis, imprécations, réprobations, malédictions, lyrisme de fange ou de flammes, tout me sera bon de ce qui pourra rendre offensive ma colère !... Quel moyen me resterait-il autrement de n'être pas le dernier des hommes ? Le juge n'a qu'une manière de tomber au-dessous de son criminel, c'est de devenir prévaricateur, et tout écrivain véritable est certainement un juge.

Quelques-uns m'ont dit  : À quoi bon ? Le monde est en agonie et rien ne le touche plus. Peut-être. Mais, au fond du désert, il faudrait, quand même, rendre témoignage, ne fût-ce que pour l'honneur de la Vérité et pour l'édification des fauves, comme faisaient, autrefois, les anachorètes solitaires. »

Léon Bloy, Le Désespéré

 

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14/03/2014

Parce que c’est la terreur qu’ils veulent exercer

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« Ces phénomènes londoniens se manifestent aussi sur d’autres plans : un homme, un professeur, est entouré dans la rue par une quinzaine de petits voyous, tels de jeunes ss, entre quatorze et seize ans, qui l’insultent, lui crachent à la figure, urinent sur ses chaussures. A l’église pendant la nuit de Noël, ou au temple, une autre va faire ses besoins au pied ou sur les objets du culte. La désacralisation est envisageable, bien entendu. Les démystifications et démythifications peuvent aussi être pensées. C’est à débattre, comme on dit, et les profanations sont une tendance très profonde de la nature humaine dont tous les psychologues nous ont parlé. Comme à peu près partout à Londres les étudiants gueulent dans les universités. Mais alors pourquoi accepter, sans discernement les nouveaux testaments rouges, très rudimentaires, et pourquoi, si l’on exècre les rituels, se rendre aux cérémonies maoïstes avec la plus grande obéissance, sans le moindre esprit critique, en se levant rituellement et cérémonieusement pour saluer, chaque fois qu’il est prononcé, le nom du père monstrueux et tyran, alors qu’on abhorre les pères débonnaires ? Parce qu’ils sont débonnaires, justement. Parce que c’est la terreur que veulent inconsciemment ces gens, une terreur qu’ils veulent exercer mais qu’ils veulent aussi qu’on leur fasse subir, car on est masochiste. »

Eugène Ionesco, Le Figaro littéraire, 1969, in "Antidotes", Gallimard, 1977

 

 

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T'offrir des femmes

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« Nous sommes allongés l'un contre l'autre. Henry dit que je suis enroulée autour de lui, comme un chat. J'embrasse sa gorge, j'aperçois sa gorge comme sa chemise ouverte, je ne peux plus parler tant le désir me trouble. Je lui murmure à l'oreille d'une voix enrouée : " Je t'aime ", trois fois, sur un ton si étrange qu'il en est effrayé. " Je t'aime tant que je voudrais même t'offrir des femmes ! »

Anais Nin, Henry et June

 

 

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13/03/2014

Une élection inclusive...

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et

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 Pour rebondir à propos de ce qui s'est dit précédemment ici...

 

« Jérusalem n’est pas si différente d’Athènes quant à l’universel. L’opposition marquée fameusement par Léo Strauss est radicale. D’un côté, Athènes, le déploiement des forces humaines et la confiance dans ses forces culminant dans la libre enquête philosophique. De l’autre, Jérusalem, l’expérience de la majesté divine, le sentiment de sa petitesse et de son indignité, et le propos de faire de toute sa vie une obéissance continue à la loi divine. Tout cela est vrai. Mais Jérusalem est universaliste ; c’est ce qui différencie le judaïsme des autres civilisations non occidentales, et qui installe Jérusalem dans la quête occidentale de l’universel. Permettez-moi de citer le Deutéronome, lorsque Moïse déclare :

"Je vous ai enseigné décrets et règles selon ce que m’a commandé Yahvé, mon Dieu, pour que vous agissiez ainsi au milieu du pays où vous allez entrer pour en prendre possession. Vous les observerez et vous les exécuterez ; car c’est votre sagesse et votre intelligence aux yeux des peuples qui entendront parler de tous ces décrets et diront: "Ce ne peut être qu’un peuple sage et intelligent, cette grande nation !" Quelle est en effet la grande nation qui ait des dieux aussi proches d’elle qu’est Yahvé, notre Dieu, toutes les fois que nous l’invoquons ? Et quelle est la grande nation qui ait des décrets et des règles aussi justes que toute cette Loi que je place devant vous aujourd’hui ?"

La Loi n’est pas donnée à Israël pour qu’il se l’approprie solitairement, mais pour que Sion soit "lumière pour les nations".

Jérusalem ne représente pas la particularité ou le particularisme. L’universalisme de Jérusalem est le sens même de l’élection d’Israël, Contrairement à ce que dira Spinoza avec une éclatante mauvaise foi, l’élection d’Israël ne sanctifie pas la particularité d’Israël, L’élection d’Israël noue l’alliance entre Dieu et les hommes pour le bien de toute l’humanité. Pour dire Jérusalem dans le langage d’Athènes, l’homme étant un animal politique, Dieu ne peut se faire connaître aux hommes qu’en formant au milieu d’eux, ou du milieu d’eux, un peuple qui soit Son peuple. Encore une fois, l’expérience d’Israël est le moyen de faire connaître à l’ensemble de l’humanité le créateur de 1’humanité. Israël est le médiateur entre l’humanité et son créateur. Qu’Israël ne soit pas toujours à la hauteur de sa vocation, on s’en doute, la Bible est d’ailleurs pour une grande part la chronique de ces manquements, mais cela ne change rien à la nature de la vocation d’Israël qui précisément fournit le critère pour apprécier ces manquements. La particularité d’Israël est en ce sens autre que la particularité des autres civilisations. C’est sans doute pour cette raison qu’Israël est toujours au cœur de la vie du monde. »

Pierre Manent, Le regard politique - Entretiens avec Bénédicte Delorme-Montini

 

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Un fragile équilibre

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« La civilisation occidentale est composée de deux éléments dont les racines sont en total désaccord. Nous appelons ces éléments (…) Jérusalem et Athènes ou, pour recourir à un langage non métaphorique, la Bible et la philosophie grecque. De nos jours, ce désaccord radical est souvent minimisé, pour une raison toute superficielle, toute l’histoire de l’Occident se présentant au premier abord comme une tentative de les harmoniser ou d’établir une synthèse entre elles. Une étude plus serrée montrera que ce qui s’est passé et continue de se passer en Occident depuis de nombreux siècles n’est pas tant une harmonisation qu’une tentative d’harmonisation. Or ces tentatives étaient condamnées à l’échec : chacune des deux racines du monde occidental ne tient pour nécessaire qu’une seule chose ; or ce que la Bible considère comme nécessaire, tel qu’elle le comprend, est incompatible avec ce que la philosophie grecque proclame comme nécessaire, tel qu’elle le comprend. Pour le dire très simplement et quelque peu crûment : la seule chose nécessaire pour la philosophie grecque est une vie sous le signe d’une compréhension autonome, la seule chose nécessaire selon la Bible est la vie sous le signe de l’amour serviteur. Les harmonisations et les synthèses sont possibles parce que la philosophie grecque ne peut utiliser l’amour serviteur que dans un but subalterne et la Bible la philosophie que comme servante. Dans les deux cas, tant l’amour que la philosophie se rebellent contre leur exploitation mutuelle. Par conséquent, le conflit entre eux est vraiment radical. »

Leo Strauss, "Progress or Return ?" dans Jewish Philosophie and the Crisis of Modernity, cité par Ami Bouganim dans "Athènes et Jérusalem"

 

Il me faut, ici, dire que c'est bien sur cette constante torsion que s'est construit l'Occident, entre Athènes et Jérusalem.

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Le christianisme n'est pas une "religion", ni une "confession" selon l'acceptation moderne de ces mots

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« Le christianisme n'est pas une "religion", ni une "confession" selon l'acceptation moderne de ces mots ; c'est à dire qu'il n'est pas un système de vérités spéculatives et dogmatiques que l'on admet et confesse, un ensemble de préceptes moraux que l'on observe et reconnaît pour le moins. Sans doute le christianisme possède-t-il ses dogmes et sa loi morale, mais celà n'épuise point sa nature. (...) Saint Paul résume et condense tout le christianisme, tout "l'Evangile" dans le mot "Mysterium". Pour l'Apôtre cette expression ne signifie pas seulement un enseignement caché et mystérieux des choses divines. (...) Ce "Mysterium" peut être dans le seul mot "Christus" (Colossiens 2 : 2), désignant à la fois la personne du sauveur et son corps mystique qui est l'Eglise. »

Odon Casel, Le mystère du culte dans le christianisme

 

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Tout ce qui nous a quittés sans rien nous dire de son secret...

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« C’est tout ce que nous aurions voulu faire et n’avons pas fait,
Ce qui a voulu prendre la parole et n’a pas trouvé les mots qu’il fallait,
Tout ce qui nous a quittés sans rien nous dire de son secret,
Ce que nous pouvons toucher et même creuser par le fer sans jamais l’atteindre,
Ce qui est devenu vagues et encore vagues parce qu’il se cherche sans se trouver,
Ce qui est devenu écume pour ne pas mourir tout à fait,
Ce qui est devenu sillage de quelques secondes par goût fondamental de l’éternel,
Ce qui avance dans les profondeurs et ne montera jamais à la surface,
Ce qui avance à la surface et redoute les profondeurs,
Tout cela et bien plus encore. »

Jules Supervielle, La Mer, in "Oublieuse Mémoire"

 

 

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12/03/2014

L'homme ne peut monter que vers quelque chose de plus haut que soi

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« Religion nécessaire : d'abord l'homme ne peut monter que vers quelque chose de plus haut que soi ; et ensuite l'homme appartient à une patrie mais ne peut s'y abîmer, l'homme appartient à l'humanité mais il s'en dégage. C'est le sublime du christianisme que d'accomplir la personne humaine au-dessus de toutes choses où elle s'est employée. L'homme ne peut s'accomplir qu'en Dieu. »

Abel Bonnard, Ce monde et moi

 

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Une relation avec ce qui se dérobe à jamais

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« La différence des sexes n’est pas non plus la dualité de deux termes complémentaires, car deux termes complémentaires supposent un tout préexistant. Or, dire que la dualité sexuelle suppose un tout, c’est d’avance poser l’amour comme fusion. Le pathétique de l’amour consiste dans une dualité insurmontable des êtres. C’est une relation avec ce qui se dérobe à jamais. La relation ne neutralise pas ipso facto l’altérité, mais la conserve. Le pathétique de la volupté est dans le fait d’être deux. L’autre en tant qu’autre n’est pas ici un objet qui devient nôtre ou qui devient nous; il se retire au contraire dans son mystère. »

Emmanuel Lévinas, Le Temps et l'autre

 

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11/03/2014

Une femme tombée entre les mains des psychanalystes devient définitivement impropre à tout usage

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« Véronique était en "analyse", comme on dit ; aujourd’hui, je regrette de l’avoir rencontrée. Plus généralement, il n’y a rien à tirer des femmes en analyse. Une femme tombée entre les mains des psychanalystes devient définitivement impropre à tout usage, je l’ai maintes fois constaté. Ce phénomène ne doit pas être considéré comme un effet secondaire de la psychanalyse, mais bel et bien comme son but principal. Sous couvert de reconstruction du moi, les psychanalystes procèdent en réalité à une scandaleuse destruction de l’être humain. Innocence, générosité, pureté… tout cela est rapidement broyé entre leurs mains grossières. Les psychanalystes, grassement rémunérés, prétentieux et stupides, anéantissent définitivement chez leurs soi-disant patientes toute aptitude à l’amour, aussi bien mental que physique ; ils se comportent en fait en véritables ennemis de l’humanité. Impitoyable école d’égoïsme, la psychanalyse s’attaque avec le plus grand cynisme à de braves filles un peu paumées pour les transformer en d’ignobles pétasses, d’un égocentrisme délirant, qui ne peuvent plus susciter qu’un légitime dégoût. Il ne faut accorder aucune confiance, en aucun cas, à une femme passée entre les mains des psychanalystes. Mesquinerie, égoïsme, sottise arrogante, absence complète de sens moral, incapacité chronique d’aimer : voilà le portrait exhaustif d’une femme "analysée". »

Michel Houellebecq, Extension du domaine de la lutte

 

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Marguerite Yourcenar : Mishima ou la Vision du Vide

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 et

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Laisser entrer l’air saturé de puanteur

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« Je me rappelais l’histoire d’un autre homme politique que l’on m’avait rapportée. Traversant un jour, en limousine climatisée, les rues d’un pays particulièrement pauvre, il avait murmuré : "Quel bonheur de ne pas faire partie de l’humanité grouillante et misérable !"

Si j’avais été dans cette voiture, j’aurais ouvert la fenêtre pour laisser entrer l’air saturé de puanteur, car j’ai fait moi aussi partie de l’humanité grouillante et misérable qui se jette sur un chaudron d’eau sale pour calmer sa faim. J’ai avancé sous les coups de brutes et de droits communs reconvertis en kapos. J’ai oublié mon nom à force de souffrir. Mais, dans cette misère, j’ai rencontré des êtres humains dont la grandeur était sans doute insoupçonnable à travers le carreau d’une limousine ou dans les dorures d’un bureau ministériel.

Je pensais à d’autres hommes que j’avais connus durant mon existence au ras du sol de l’Histoire, puissants au sens fort du terme, grands par leur noblesse, leur don d’eux-mêmes, le sacrifice qu’ils avaient accompli, alors que certains savaient à peine écrire.

Des silhouettes marchaient à mes côtés, comme un peuple d’ombres. Ce couple de résistants du Sud-Ouest qui m’avait accueilli un soir durant l’Occupation, elle douce et tremblante, lui inquiet, fort, d’un courage pur. Chaumelle ou Prudhomme, mes amis de Buchenwald, hommes simples mais d’une vérité sans artifice, partageant en secret leur ration avec leurs camarades. Mon compagnon de tunnel, brigand letton sans scrupule et pourtant capable de porter à bout de bras un jeune Français inconnu, titubant, promis à une mort certaine. Eggerl, mon ordonnance au Vietnam, fauché par une rafale parce qu’il affrontait le feu au moindre de mes gestes. L’adjudant Bonnin, déchiqueté par le souffle d’une mine, qui pensait encore à ses hommes.

Ils ont été les véritables puissants des mondes où j’ai vécu. »

Hélie de Saint Marc, Les sentinelles du soir

 

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10/03/2014

Peuple qui lève la tête

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« Quelques saints marchent en tète. Et le grand cortège des pécheurs suit derrière. Ainsi est faite ma chrétienté.
C'est ainsi qu'on obtient les grandes processions.
Quelques pasteurs marchent devant. Et le grand trou- peau suit derrière. Ainsi est fait le cortège de ma chrétienté.

Comme leur liberté a été créée à l'image et à la ressemblance de ma liberté, dit Dieu,
Comme leur liberté est le rellet de ma liberté.
Ainsi j'aime à trouver en eux comme une certaine gratuité
Qui soit comme un lellet de la gratuité de ma grâce,
Qui soit comme créée à l'image et à la ressemblance de la gratuité de ma grâce.

J'aime qu'en un sens ils prient non seulement librement mais comme gratuitement.
J'aime qu'ils tombent à genoux non seulement libre- ment mais comme gratuitement.

J'aime qu'ils se donnent et qu'ils donnent leur cteur et qu'ils se remettent et qu'ils s'apportent et qu'ils estiment non seulement librement mais comme gratuitement.
J'aime qu'ils aiment enfin, dit Dieu, non seulement librement mais comme gratuitement.
Or pour cela, dit Dieu, avec mes Français je suis bien seirvi.
C'est un peuple qui est venu au monde la main ouverte et le Coeur libéral.
Il donne, il sait donner. Il est naturellement gratuit.
Quand il donne, il ne vend pas, celui-là, et il ne prête pas à la petite semaine.
Il donne pour rien. Autrement est-ce donner.
Il aime pour rien. Autrement est-ce aimer.
Il ne me propose point toujours des marchés généralement honteux.
Peuple libre, peuple gratuit, et non plus seulement peuple jardinier.
Peuple gratuit, peuple gracieux.
Peuple de barons français, peuple qui lève la tête, peuple qui sais parler aux grands
Et par conséquent à moi le Très-Grand. Ceux qui baissent toujours la tête
On ne voit pas qu'ils baissent aussi la tête
A l'Offertoire et à l'Elévation du Corps de mon Fils.
Mais ces Français qui lèvent toujours la tête,
Qui ont toujours la tête droite
Et haute.
Quand dans une église cent cinquante ou deux cents rangées de Français à genoux
Baissent la tête ensemble en même temps trois fois aux trois coups de la sonnette
Pour Toffrande et Toffertoire
Et pour la consécration et pour Télévation du corps de mon fils,
Ça se voit, qu'ils baissent la tête et tout le monde comprend
Que ça en vaut la peine,
Que c'est un instant solennel et le plus grand mystère et le plus grand instant qu'il y ait dans le monde. »

Charles Péguy, Le Mystère des Saints Innocents

 

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Pour être seul contre tous

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« Ne croyez point ceux qui vous diront que la jeunesse est faîtes pour s'amuser : la jeunesse n'est point faites pour le plaisir, elle est faites pour l'héroïsme. c’est vrai, il faut de l’héroïsme à un jeune homme pour résister aux tentations qui l’entourent, pour croire tout seul à une doctrine méprisée, pour oser faire face sans reculer d’un pouce à l’argument, au blasphème, à la raillerie qui remplissent les livres, les rues et les journaux, pour résister à sa famille et à ses amis, pour être seul contre tous, pour être fidèle contre tous. Mais "prenez courage, j’ai vaincu le monde". Ne croyez pas que vous serez diminué, vous serez au contraire merveilleusement augmenté. C’est par la vertu que l’on est un homme. la chasteté vous rendra vigoureux, prompt, alerte, pénétrant, clair comme un coup de trompette et tout splendide comme le soleil du matin. la vie vous paraîtra pleine de saveur et de sérieux, le monde de sens et de beauté. »

Paul Claudel, Lettre à Jacques Rivière

 

 

 

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Dire la vérité toute entière

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« Le scandale n'est pas de dire la vérité, c'est de ne pas la dire toute entière, d'y introduire un mensonge par omission qui la laisse intacte au dehors, mais lui ronge, ainsi qu'un cancer, le coeur et les entrailles. »

Georges Bernanos, Scandale de la vérité

 

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09/03/2014

Qui n'est capable de rien d'éternel

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« Celui-là est sans foi, qui n'est capable de rien d'éternel. »

« Il est bon d'avoir à soi quelque chose pour le donner. »

« l y a une chose plus triste à perdre que la vie, c'est la raison de vivre, Plus triste que de perdre ses biens, c'est de perdre son espérance, Plus amère que d'être déçu, et c'est d'être exaucé. »

Paul Claudel, L'Otage

 

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Des pénitences de détente

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« Que vos pénitences soient des pénitences de détente, malheureux enfants, et des contritions de rémission et de remise en mes mains et de démission. (De démission de vous). Vous êtes ainsi, je vous connais. Vous ferez tout pour moi, excepté ce peu d’abandonnement qui est tout pour moi. Soyez donc comme un homme qui est dans un bateau sur la rivière et qui ne rame pas tout le temps et qui quelquefois se laisse aller au fil de l’eau. »

Charles Péguy, Le mystère des Saints Innocents

 

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08/03/2014

L’Europe, aujourd’hui, c’est Hamlet

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« "Le plus grand péril qui menace l’Europe, disait encore Husserl, c’est la lassitude." La perte d’énergie, la fatigue d’être soi. Le désir d’oubli de soi, non pour retrouver une innocence perdue qui pourrait être la condition d’un nouveau départ, mais pour s’endormir plus aisément dans le nihilisme bruyant, le repli sur la sphère privée et le confort narcissique de la consommation. Pour Carl Schmidt, la figure de Hamlet représentait l’extrême difficulté qu’il y a à trancher, alors même que des questions existentielles sont en jeu. L’indécision résulte d’une inadéquation de la volonté à la réalité : lorsque la volonté est indécise, il n’y a plus avec le réel que la possibilité d’une rencontre. L’histoire, elle, continue à se déployer à l’échelle planétaire, de par son propre jeu ou sous l’effet de la volonté des autres. La politique, c’est l’histoire en action. Mais où est le grand dessein politique, qui pourrait réunir et donner des raisons d’espérer. Etre ou ne pas être ? L’Europe, aujourd’hui, c’est Hamlet. »

Alain de Benoist, Editorial "Eléments" été 2007

 

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Les mêmes tendances sont à l'oeuvre dans le monde entier...

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« Dans une mesure inquiétante, les classes privilégiées -les 20% les plus riches de la population, pour prendre une définition large- ont su se rendre indépendantes non seulement des grandes villes industrielles en pleine déconfiture mais des services publics en général. Elles envoient leurs enfants dans des écoles privées, elles s'assurent contre les problèmes de santé en adhérant à des plans financés par les entreprises où elles travaillent et elles embauchent des vigiles privés pour se protéger contre la violence croissante qui s'en prend à elles. Elles se sont effectivement sorties de la vie commune. Les mêmes tendances sont à l'oeuvre dans le monde entier. En europe, les référendums qui se sont tenus sur la question de l'unification ont révélé une faille profonde et qui va en s'élargissant entre le monde politique et les membres plus humbles de la société qui redoutent que la CEE ne soit dominée par des bureaucrates et des techniciens dépourvus de tout sentiment d'identité ou d'appartenance nationale. Une Europe gouvernée de Bruxelles sera de leur point de vue de moins en moins sensible au contrôle des peuples. Le langage international de l'argent parlera plus fort que les dialectes locaux. Ce sont ces peurs qui sont sous-jacentes à la résurgence des particularités ethniques en Europe, tandis que le déclin de l'Etat-nation affaiblit la seule autorité capable de maintenir le couvercle sur les rivalités ethniques. Par réaction, la renaissance du tribalisme renforce le cosmopolitisme chez les élites. »

Cristopher Lasch, La révolte des élites

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Bantoustans européens...

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« Les Français de souche européenne qui naissent aujourd’hui mourront dans une France au profil majoritairement africain et asiatique. La perspective pour l’Europe apparaît désormais de manière claire : à la fin du siècle [XXIème], les européens seront devenus minoritaires sur la partie européenne du continent eurasiatique. Comme ils ne sont pas les Etats-Unis, une nation fondée sur une idéologie puissante capable de fabriquer des américains à partir d’origines ethniques différentes, ils seront incapables d’assimiler les populations extra-européennes à leur civilisation.

Les Européens n’ont donc qu’un seul choix pour éviter à leurs enfants un avenir de minorité, semblable à celui des blancs d’Afrique du Sud, repliés sur leurs bantoustans blancs : repasser le film de l’immigration à l’envers et relancer la natalité européenne. Cela implique un changement profond des politiques menées jusqu’à présent en Europe par des générations politiques fatiguées de porter le lourd fardeau de l’Homme blanc. »

Aymeric Chauprade, La Nouvelle Revue d'Histoire, Janvier-Février 2006

 

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