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04/02/2012

Dans un coin près du comptoir il y avait une silhouette de femme pétrie dans un bleu de Prusse qui vous saturait le sang

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« Ce qui lui plaisait dans ce bistrot, c'étaient les couleurs. Il y avait un bon peintre qui avait vécu par ici et qui avait laissé une trace heureuse. Ce peintre était fou de bleu et Constant aussi. Sans doute ce peintre avait-il touché ces murs au début de la guerre quand Paris était soudain devenu tout bleu, d'un bleu secret et délicat de solitude qui se complait doucement et chaudement en elle-même et qui nie avec un entêtement rusé et délicieusement absurde les traînées de froid et de rigueur qui s'approchent de tous les lointains. Ce peintre aimait sans doute le bleu auparavant, mais la circonstance lui avait enjoint de se repaître de sa préférence. Peut-être maintenant, s'il n'était pas mort, aimait-il une autre couleur ? Mais Constant qui n'était pas peintre aimerait toujours le bleu. Il haïssait le verre et mépriser le violet. Avec quelque complaisance pour le jaune, il appréciait le rouge dans la mesure où il se mariait, divorcée et se remarier avec le bleu. Il y avait aussi des terres de Sienne, des cobalts qui le nourrissait bien. Il était goinfre et aimait à se gaver. Il était amoureux des choses. Quelquefois il se disait qu'il aurait pu se passer des gens ; il savait pourtant que les choses ne vivent que par les gens et que jouer des choses est le dernier moyen de communiquer avec les gens : à travers les choses on échange des messages. Et c'est ainsi que lui, Constant, venait causer dans ce bistrot avec un type qui lui disait des paroles bleues comme on en entend pas de bouche à oreille.

Dans un coin près du comptoir il y avait une silhouette de femme pétrie dans un bleu de Prusse qui vous saturait le sang. La ligne ajoutait aux bienfaits de la couleur un autre bienfait. Cela faisait deux bienfaits en même temps : on n'avait pas se plaindre, on avait de quoi se réjouir profondément dans les entrailles de son ventre et de son imagination. Tout cela ne tombe pas du ciel, mais c'était doucement sué par la terre qui était sous ce quartier de bitume et de plâtras et sous ce bistrot de marchandage et de bavardage. Constant rigolait doucement en songeant au bon tour que la terre, la couleur bleue et un copain inconnu jouaient à tous ces idiots crasseux et gentils qui ne savaient pas qu'ils nageaient dans le bleu, dans le suc que le plus raffiné. Pourtant, de temps en temps l'un d'eux semblait une seconde se méfier, s'inquiéter et, interrompant une phrase, suspendant son verre, demeurait bouche bée devant une tâche, une éclaboussure de magie et de fascination. Constant connaissait bien la terre. Bien qu'il fût de Paris, il connaissait la terre. Il ne l'avait jamais ignorée ; il l'avait toujours soupçonné, devinée, décelée sous les quartiers. Il n'avait aimé rien tant que les travaux de voirie qui, tout d'un coup, fendaient le bitumes et l'asphalte, cassaient le ciment et autour des tuyaux faisaient resurgir la chair vive, non pas seulement cette matière rapportée et sableuse qui est tout de suite sous le pavé, mais plus en dessous, le terreau même. »

Pierre Drieu la Rochelle, Les Chiens de paille

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03/02/2012

Il conclut au conditionnel désespoir des millénaires

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« Le Christianisme lui donnait sa parole d’honneur de l’Éternité bienheureuse, mais à quel prix ! Il la comprenait, maintenant, cette fringale de supplices de toute son enfance ! C’était le pressentiment de la Face épouvantable de son Christ !... Face de crucifié et face de juge sur l’impassible fronton du Tétragramme !...
Les misérables se tordent et meurent depuis deux mille ans devant cette inexorable énigme de la Promesse d’un Règne de Dieu qu’il faut toujours demander et qui jamais n’arrive. "Quand telles choses commenceront, est-il dit, sachez que votre Rédemption approche". Et combien de centaines de millions d’êtres humains ont enduré la vie et la mort sans avoir rien vu commencer !
Marchenoir considérait cette levée d’innombrables bras perpétuellement inexaucés et il comprit que c’était là le plus énorme de tous les miracles. - Voilà dix-neuf siècles, pensa-t-il, que cela dure, cette demande sans réponse d’un Père qui règne in terra et qui délivre. Il faut que le genre humain soit terriblement constant pour ne s’être pas encore lassé et pour ne s’être pas assis dans la caverne de l’absolu désespoir !
Il conclut au conditionnel désespoir des millénaires. »

Léon Bloy, Le désespéré

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02/02/2012

Vivre une existence double !

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« Vivre une existence double ! Etre et paraître ! Les grands aventuriers affirment qu’ils y trouvent une intensité de plaisir nerveux qui triple la joie de vivre (…). Combien il doit être vif, le frisson de ces aventureux qui, tout en s’accommodant de leur milieu ordinaire, goûtent et réalisent les voluptés de deux ou trois vies morales différentes et contradictoires. »

Maurice Barrès, Du sang, de la volupté et de la mort

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01/02/2012

Le mépris de soi ne nous sauvera pas du bain de sang. L’habitude de la capitulation fera le reste.

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« (…) Voila pourquoi je pense que l’islamisation, totale ou partielle, est la réponse la plus probable à la question : "Que va-t-il se passer ?". Il va se passer que des pans entiers et sans cesse s’élargissant de la France et de l’Europe vont ressembler de moins en moins à la France et à l’Europe que nous avons connues (mais que de moins en moins d’individus auront connues, et que la déculturation générale leur permettra d’oublier, de méconnaître et de calomnier). En revanche des pans entiers et sans cesse s’élargissant de la France et de l’Europe ressembleront de plus en plus et ressemblent déjà à ce qui s’observe dans les contrées où l’Islam est traditionnellement implanté ; et tout particulièrement bien sûr, s’agissant de la France, dans celles de ces contrées, à prédominance arabe ou berbère, d’où sont originaires la plupart des populations transplantées. On peut le conclure très clairement de l’observation des zones où l’influence ou la présence "arabo-musulmane" (pour le dire très vite et bien sûr imparfaitement) sont déjà majoritaires : ce n’est pas le sol ni le "droit du sol" qui détermineront le type de société qui aura cours : c’est le type de population. »

« (…) Des villes comme Alger ou Gaza, des pays comme l’Algérie, la Tunisie, la Palestine, des scènes de rues comme celles qui s’observent à Ramallah ou La Mecque, des systèmes économiques et d’économie parallèle, des taux de chômage, , des répartitions de l’aide publique tels qu’en connaissent le Maroc ou la Jordanie, des modes de gouvernement comme ceux de la Syrie, de l’Egypte ou encore une fois de l’Algérie, peuvent sans doute nous donner une idée beaucoup plus juste de ce qui va advenir en France que l’étude attentive et docte du "modèle Danois" ou du "paradigme Blairien". »

« (…) Toutefois, au moins dans un premier temps, c’est sans doute au Liban que la situation ressemblera le plus, les politiques menées en France depuis trente ans et davantage paraissant avoir tendu scrupuleusement à la reconstitution assez scrupuleuse du type libanais de société (avec quelques éléments empruntés aussi à l’Irlande du nord et à l’ex Yougoslavie, ou évoquant l’Irak le plus contemporain). »

« (…) Y aura-t-il ou non une guerre civile ? S’il faut absolument répondre à la question, je dirais que je pencherais plutôt, très légèrement, pour la négative. L’effondrement moral, culturel, intellectuel, grammatical, spirituel, "religieux", que dis-je "hormonal", d’une des parties au conflit éventuel l’empêchera sans doute de se lancer dans une résolution aussi extrême que le conflit armé ; et l’engagera très fort à le fuir, même, quel que soit le prix à payer pour ce désistement. La déculturation systématique dont a fait l’objet cette partie là de la population (la plus anciennement sur place) lui enlèvera toute conscience d’avoir quelque chose à défendre. Et de fait il ne lui restera pour ainsi dire rien, sinon une liberté dont elle se dégoûtera volontiers, sachant trop bien lui devoir ce qu’elle est devenue et que non sans raison elle déteste, même si ses raisons de se détester elle-même ne sont pas les bonnes. Le mépris de soi ne nous sauvera pas du bain de sang. L’habitude de la capitulation fera le reste. »

Renaud Camus, Le communisme du XXIième siècle

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31/01/2012

Derrière l'horizon...

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« Quand il eut ainsi apaisé la tendresse de sa dernière heure, lui qui n'avait pas sur son glaive le signe du martyre divin qui ordonne même aux héros de se résigner et de souffrir, il saisit près de lui sa compagne, son espingole, chaude encore de tant de morts qu'elle avait données le matin même, et, toujours silencieux et sans qu'un mot ou un soupir vînt faire trembler ses lèvres, bronzées par la poudre de la cartouche, il appuya l'arme contre son mâle visage et poussa du pied la détente. Le coup partit. La forêt de Cérisy en répéta la détonation par éclats qui se succédèrent et rebondirent dans ses échos mugissants. Le soleil venait de disparaître. Ils étaient tombés tous deux à la même heure, l'un derrière la vie, l'autre derrière l'horizon. »

Jules Barbey d’Aurevilly, L'ensorcelée

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30/01/2012

Le disque éclatant du soleil qui montait, explosa derrière ses paupières

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« Isao aspira profondément et ferma les yeux en se caressant doucement l'estomac de la main gauche. Saisissant le couteau de la droite, il en appuya la pointe contre son corps et la guida vers le bon endroit du bout des doigts de l'autre main. Puis, d'un coup puissant du bras, il se plongea le couteau dans l'estomac. À l'instant où la lame tranchait dans les chairs, le disque éclatant du soleil qui montait, explosa derrière ses paupières. »

Yukio Mishima, Chevaux échappés

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29/01/2012

La vie telle qu'elle se présente

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« Qu'importe mon livre ? [Voyage au bout de la nuit] Ce n'est pas de la littérature. Alors ? C'est de la vie, la vie telle qu'elle se présente. La misère humaine me bouleverse, qu'elle soit physique ou morale. Elle a toujours existé, d'accord ; mais dans le temps on l'offrait à un dieu, n'importe lequel. Aujourd'hui, dans le monde, il y a des millions de miséreux, et leur détresse ne va plus nulle part. Notre époque, d'ailleurs, est une époque de misère sans art, c'est pitoyable. L'homme est nu, dépouillé de tout, même de sa foi en lui. C'est ça, mon livre. [...] J'ai écrit comme je parle. Cette langue est mon instrument. Vous n'empêcheriez pas un grand musicien de jouer du cornet à piston. Eh bien ! je joue du cornet à piston. Et puis je suis du peuple, du vrai... »

Louis-Ferdinand Céline, Interview avec Pierre-Jean Launay, Paris-Soir, 10 novembre 1932

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28/01/2012

Il rappelait aussi que toutes les cultures ne se valent pas, et que l'art est une hiérarchie, une vibrante échelle, un faisceau de dures vérités et de merveilles

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« La littérature suppose une hiérarchie de l'inactuel : une échelle de valeurs, la verticalité, une puissance critique - tout le contraire de l'horizontalité d'un Occident mosaïfié par les minorités et rongé par le refus de toute forme d'autorité vécue comme oppressive tout en en appelant à la dictature d'un consensus universel.

Lorsque Saul Bellow demandait qu'on lui montrât le Proust des Papous et le Tolstoï des Zoulous, cette boutade était aussi une façon d'en revenir à la verticalité, à l'héritage commun de la civilisation universelle dans laquelle les Papous n'ont joué aucun rôle, sinon pour rappeler la différence entre état de nature et haute civilisation ; il rappelait aussi que toutes les cultures ne se valent pas, et que l'art est une hiérarchie, une vibrante échelle, un faisceau de dures vérités et de merveilles. »

Richard Millet, Désenchantement de la littérature

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Entrant dans une sorte de déréliction que nul discours politique ne pouvait apaiser

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« Je me rappelle que le moment où j'ai compris que la France était morte (ou appelée à devenir tout autre chose que ce qu'on m'avait appris qu'elle était depuis des siècles) eut lieu lorsque, enseignant et évoquant tel épisode de l'histoire de France, j'ai cessé de pouvoir dire "nous", sans rien trouver qui remplaçât ce signe d'appartenance heureuse, et dès lors entrant dans une sorte de déréliction que nul discours politique ne pouvait apaiser. »

Richard Millet, L'opprobre, Essai de démonologie

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27/01/2012

Les flammes, semblables à des serpents de feu se réveillaient aussitôt et rien ne parvenait à arrêter la morsure de cette lèpre ardente

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« Les bombes au phosphore avaient mis le feu à des quartiers entiers de cette ville, faisant un grand nombre de victimes. Jusque là, rien d’extraordinaire, même les Allemands sont mortels. Mais des milliers et des milliers de malheureux, ruisselant de phosphore ardent, dans l’espoir d’éteindre le feu qui les dévorait, s’étaient jetés dans les canaux qui traversent Hambourg en tous sens, dans le port, le fleuve, les étangs, dans les bassins des jardins publics ou s’étaient faits recouvrir de terre dans les tranchées creusées ça et là sur les places et dans les rues pour servir d’abri aux passants en cas de bombardement. Agrippés à la rive et aux barques, plongés dans l’eau jusqu’à la bouche, ou ensevelis dans la terre jusqu’au cou, ils attendaient que les autorités trouvassent un remède quelconque contre ce feu perfide. Car le phosphore est tel qu’il se colle à la peau tel une lèpre gluante, et ne brûle qu’au contact de l’air. Dès que ces malheureux sortaient un bras de la terre ou de l’eau, le bras s’enflammait comme une torche. Pour échapper au fléau, ces malheureux étaient contraints de rester immergés dans l’eau ou ensevelis dans la terre comme les damnés de Dante. Des équipes d’infirmiers allaient d’un damné à l’autre, distribuant boisson et nourriture, attachant avec des cordes les plus faibles au rivage, afin qu’ils ne s’abandonnent pas vaincus par la fatigue, et se noient ; ils essayaient tantôt un onguent, tantôt un autre, mais en vain, car tandis qu’ils enduisaient un bras, une jambe ou une épaule, tirés un instant hors de l’eau ou de la terre, les flammes, semblables à des serpents de feu se réveillaient aussitôt et rien ne parvenait à arrêter la morsure de cette lèpre ardente. »

Curzio Malaparte, La peau

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26/01/2012

Restent un homme mort et un homme libre

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La conscience de son temps, Jean-Sol Partre, a écrit des enculades de l'ordre de celle qui suit. Après on se demande pourquoi le petit blanc occidental, sans culture et dépourvu de la moindre jugeotte se hait tant !

«  Abattre un Européen, c'est faire d'une pierre deux coups, supprimer en même temps un oppresseur et un opprimé ; restent un homme mort et un homme libre. »

Jean-Paul Sartre, Préface aux "Damnés de la Terre" de Franz Fanon

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Selon le discours en vogue, la France aurait toujours été un creuset de populations. Du point de vue historique, cette assertion est fausse.

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« Selon le discours en vogue, la France aurait toujours été un creuset de populations. Du point de vue historique, cette assertion est fausse. Du VIe au XIXe siècle, le fond du peuple français est demeuré le même. Au XIXe siècle apparaît une immigration saisonnière, les travailleurs retournant dans leur pays après leur labeur. La première grande vague migratoire a lieu après la Première Guerre mondiale. Elle est constituée d’ Italiens, d’Espagnols, de Polonais et de ressortissants d’autres nations de l’Est. Ceux-ci s’assimilent peu à peu, par le biais de l’école, du service militaire et de la guerre -certaines institutions exerçant une force intégratrice : l’Église catholique, les syndicats, et même le Parti communiste. A partir de 1946, la seconde vague migratoire vient d’Algérie. Sous la IVe République, contrairement à ce qui se répète, ce n’est pas le patronat qui fait venir cette main-d’œuvre : ce sont les pouvoirs publics, afin de trouver une issue à l’explosion démographique de la population musulmane d’outre-Méditerranée. Après 1962, l’Algérie indépendante, le flux migratoire reprend en vertu de la libre circulation stipulée par les accords d’Evian. Si l’immigration est officiellement interrompue en 1974, le regroupement familial, autorisé en 1975, accroît dans les faits le nombre d’arrivants. D’autres courants migratoires apparaissent, issus d’Afrique noire ou d’Asie. Et en vertu de la loi, tout enfant né en France de parents étrangers peut, à sa majorité, accéder à la nationalité française. »

Jean Sévilla, Le terrorisme intellectuel

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25/01/2012

Impétueuse jeunesse

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« Il n'est dans la vie qu'une jeunesse, et l'on passe le reste de ses jours à regretter, et rien au monde n'est plus merveilleux et plus émouvant. Parfois, les hommes nient le regret, nient la merveille et l'émotion. Et peut-être même sont-ils sincères, ont-ils fini par oublier. Ils n'empêcheront pas la merveille d'avoir été, d'avoir contenu tout ce qu'un corps humain peut supporter de plus exaltant sans se rompre. Ils n'empêcheront pas qu'aucune satisfaction du plaisir, de l'ambition, de la réussite, de l'amour ou de la vérité, vaille jamais dans notre souvenir quelques instants fragiles et naïfs. Si nous étions francs envers nous-mêmes, que de fois nous nous laisserions aller, nous mordrions notre paume ou notre poignet, les yeux fermés sur un soir d'été au bord de la mer brune, sur un couple qui danse dans les collines, une ville forte dans la montagne, sur une cour de lyçée, un jardin d'école, un toit, une rue brusque et surgissante, minutes magiques ensevelies. Si la trentième année est l'âge des erreurs parfois graves, c'est qu'on s'imagine pouvoir y prolonger encore ces minutes, c'est qu'on croit n'avoir pas encore changé, c'est qu'on les retient dans ses mains comme un sable, comme une eau, c'est que l'apparence physique, les circonstances, la proximité trop grande de la jeunesse nous dupent, et que nous croyons qu'il est encore temps. Alors que d'autres joies peuvent être les nôtres, mais plus celles-là. »

Robert Brasillach, Les sept couleurs

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24/01/2012

La solitude volontaire et la résistance à la contrainte extérieure

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« Péguy, Bernanos, Claudel. Si je rapproche ici ces noms, ce n'est pas parce qu'ils sont tous trois ce que l'on est convenu d'appeler des écrivains catholiques. Catholiques, ils le sont, chacun à sa manière, mais cela ne suffit pas, loin de là, à les définir. Si je les ai réunis, c'est d'abord parce que chacun d'eux a représenté, à diverses époques de ma vie, un formidable instrument d'émancipation intellectuelle. Ils m'ont aidé à me libérer de mon temps, à prendre des distances vis-à-vis de lui, et plus encore, vis-à-vis de moi-même. Quand le monde tout entier paraît s'affaisser sur son axe et que l'on se sent gagné par la lâche tentation de composer avec ce qu'il charrie de plus médiocre, alors Péguy, Bernanos et Claudel sont des recours. Ils nous arrachent à la vulgarité ambiante et bien souvent nous en protègent. Non que chacun d'entre eux n'ait eu, à l'occasion, ses faiblesses. Mais leurs erreurs n'ont jamais été inspirées par la complaisance à leur époque ; ils n'ont jamais emprunté leurs aveuglements à leurs contemporains. Leur marginalité fut à la fois un fait subi et une situation voulue. Subie, parce qu'elle est en effet pour partie liée à leur position d'écrivains catholiques. Voulue, parce qu'en érigeant l'ostracisme dont ils furent victimes en sécession délibérée, ils ont fait de ce défi à leur temps la source principale de leur inspiration. Les grandes oeuvres peuvent bien exprimer leur époque, elles n'en sont pas moins bâties sur la solitude volontaire et la résistance à la contrainte extérieure. »

Jacques Julliard, L'argent, Dieu et le diable - Péguy, Bernanos, Claudel face au monde moderne

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23/01/2012

L’immense majorité du troupeau consume sa poésie à espérer qu’il sera fonctionnaire

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« On se demande où mènent les fastidieuse études qu’on impose à la jeune bourgeoisie : elles mènent au café. Mobilier malpropre, service bruyant et familier, chaleur de gaz intolérable ! Comment demeurer là, sinon par veulerie ? C’est compromettre son hygiène morale plus fâcheusement qu’en aucun vice, puisqu’on n’y trouve ni passion, ni jouissance, mais seulement de mornes habitudes. Voilà pourtant le chenil des jeunes bacheliers qui sortent des internats pour s’adapter à la société moderne… A marcher, le fusil en main, auprès des camarades, dans les hautes herbes, avec du danger tout autour, on nouerait une amitié de frères d’armes. Si cette vie primitive n’existe plus, si l’homme désormais doit ignorer ce que mettent de nuances sur la nature les saisons et les heures diverses du soleil, certains jeunes gens du moins cherchent, dans des entreprises hardies, appropriées à leur époque, mais où ils payent de leur personne, à dépenser leur vigueur ; et ils échangent avec les associés de leurs risques une sorte d’estime… bien différente de celle qu’on prodigue à la respectabilité d’un chevalier de la Légion d’honneur.

Comme ils sont une minorité, ces oseurs ! L’immense majorité du troupeau consume sa poésie à espérer qu’il sera fonctionnaire. Cartonnant, cancanant et consommant, ces demi-mâles, ou plutôt ces molles créatures que l’administration s’est préparées comme elle les aime, attendent au café, dans un vil désoeuvrement, rien que leur nomination. »

Maurice Barrès, Les déracinés

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Mille brasiers d’un modernisme fracassant

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« L’américanophobie, on le sait, est un très vilain défaut ; mais l’allergie à l’Empire, ce que l’on pourrait appeler l’empirophobie, a peut-être de beaux jours devant elle. Serions-nous en train de nous ressaisir tandis qu’ils s’apprêtent à allumer, aux quatre coins de la planète, mille brasiers d’un modernisme fracassant dont ils espèrent bien qu’on leur demandera ensuite de les éteindre, et cela jusqu’à la consommation des temps ? »

Philippe Muray, Festivus Festivus

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21/01/2012

Nous disons non à tous les visages de la mort

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« Nous ne sommes ni de droite, ni de gauche, nous ne sommes même pas d’en haut, nous sommes de partout. Nous sommes las de mutiler l’homme ; que ce soit pour l’accabler comme à droite ou pour l’adorer comme à gauche, nous sommes las de le séparer de Dieu. Nous n’abandonnerons pas un atome de la vérité totale qui est la nôtre. Au nom de quoi nous attaque-t-on ? Nos adversaires sont-ils pour le peuple ? Nous le sommes. Pour la liberté ? Nous le sommes. Pour la race, pour l’Etat, pour la justice ? Nous sommes pour tout cela, mais pour chaque chose à sa place. On ne peut nous frapper qu’en nous arrachant nos propres membres. Nous sommes pour chaque partie, étant pour le tout. Nous ne voulons rien diviniser de la réalité humaine et sociale parce que nous avons déjà un Dieu ; nous ne voulons rien repousser non plus parce que tout est sorti de ce Dieu. Nous ne sommes contre rien. Ou plutôt, car le néant est agissant aujourd’hui, nous sommes contre le rien. Devant chaque idole, nous défendons la réalité que l’idole écrase. Sous quelque fard qu’ils se présentent, nous disons non à tous les visages de la mort. »

Gustave Thibon, Retour au réel

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20/01/2012

Le relativisme absolu conduit à un indifférentisme

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Jacques Dewitte

« Alors qu’il voyageait au Mexique et visitait des sites archéologiques amérindiens en compagnie d’un écrivain mexicain, le philosophe polonais Kolakowski en est venu à se demander "où sont les barbares ?". Sont-ils du coté des conquistadores, lesquels sont barbares parce qu’ils ont voulu détruire une culture extra-européenne ? Ou bien ne seraient-ce pas plutôt du coté de ces Européens qui, devenus indifférents à leur propre tradition, posent l’équivalence absolue de toutes les cultures ? Dans ce cas on devrait paradoxalement admettre que les conquistadores seraient non seulement les derniers Européens, mais les derniers non-barbares. Car le relativisme absolu conduit à un indifférentisme et à une dissolution de tout ce à quoi l’on peut adhérer en quelque manière.

Il s’agit d’une boutade permettant surtout de prendre en considération ce problème capital : jusqu’où peut on aller dans la remise en question critique de soi-même. Peut-on aller, sans contradiction, jusqu’à approuver, le cas échéant, la barbarie dans un souci de respect des "autres" et de leur "altérité". Il s’agit en effet de déjouer le piège dans lequel tombe le relativisme culturel en finissant par nier la différence même entre lui-même et ses ennemis.

Etre barbare, c’est être emprisonné dans son exclusivisme et son fanatisme. Si l’on est fier d’en être sorti, si l’on se pique d’avoir surmonté l’enfermement dans la clôture ethnocentrique, alors on ne peut s’interdire de condamner la barbarie éventuelle des autres.

Faute de quoi l’universalisme se contredit lui-même :

"Il se nie s’il est généreux au point de méconnaitre la différence entre l’universalisme et l’exclusivisme […] entre soi-même et la barbarie ; il se nie si, pour ne pas tomber dans la tentation de la barbarie, il donne aux autres le droit d’être barbare".

L’universalisme ne peut donc rester à l’intérieur de la culture qui l’a produit [la culture européenne] et s’arrêter aux frontières des autres cultures, par "respect de leur différence". S’il ne veut pas se nier lui-même, il ne peut pas ne pas impliquer un certain prosélytisme. "L’universalisme se paralyse lui-même s’il ne se croit pas universel, c'est-à-dire propre à être propagé partout".

Kolakowski évoque de manière frappante une situation concrète qui est plus actuelle que jamais, dans les pays européens ayant accueilli d’importantes populations musulmanes et où certaines organisations tentent de faire reconnaître la charia à l’encontre du droit européen : quelle attitude adopter face aux règles de la loi islamique qui prescrit notamment la lapidation pour la femme adultère (ou la flagellation pour les hommes), ou bien l’amputation de la main pour la fraude fiscale ?

"Si l’on dit, dans un cas pareil, "c’est la loi coranique, il faut respecter les autres traditions", on dit en fait : "ce serait terrible pour nous, mais c’est bon pour ces sauvages" ; par conséquent, ce qu’on exprime, c’est moins le respect que le mépris des autres traditions, et la phrase "toutes les cultures sont égales" est la moins propre à décrire cette attitude". »

Leszek Kolakowski, "Où sont les barbares ?", Le village introuvable, Bruxelles, Complexe, 1978, p. 110-111, commenté ici par Jacques Dewitte dans L’exception européenne. Ces mérites qui nous distinguent, Paris, Michalon, 2008, p. 34-35


Leszek KOLAKOWSKI

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18/01/2012

Sa vraie patrie n'est-elle pas quelque part du côté de la constellation d'Orion ?

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« Ce 28 octobre 2005, au parc de la Muette, rencontre, dans l'après-midi, avec Yves Adrien et Édouard Burgalat [note de Tomblands : vraisemblablement faut-il comprendre Bertrand Burgalat]. C'est un bien grand jour. Yves Adrien et moi nous nous surveillons, nous nous attendons depuis une trentaine d'années, sans que nous nous soyons, à ce jour, rencontrés. C'est le "noble voyageur", personnage hors du temps et des temps, "venu d'ailleurs", qui subit avec une indifférence affectée les stigmates transparents de son état de grâce, qui se trouve là, devant moi ; l'incroyable accomplissement, tout arrive. Un ange à double identité, noire et blanche, la blanche l'emportant de loin sur la noire qui, subtilement, ne sert que de faire-valoir. Cette ambiguïté est-elle autre chose qu'une étincelante voilure ?

Une grâce aristocratique le commande, impitoyablement ; selon un mot de Charles Dickens, elle "porte l'estampille du ciel", et sa soumission est la garantie de son excellence prédestinée. Une grâce aérienne commande à son être, à tout instant. Et c'est sans doute ce qui crée un certain malaise, une certaine peur. Sans cesse il impose à ce monde une présence étrangère, d'outre-monde. Qui sont ses étranges, ses mystérieuses protections occultes, qui parvienne tà le maintenir hors des atteintes des "centrales du Chaos" ? Un jour, on saura peut-être qui était Yves Adrien, mais ce sera trop tard, bien trop tard.

En attendant, il est chose certaine que les opérations confidentielles dont il a la charge en ce monde contribuent à rétablir en permanence les déficiences imposées à celui-ci par les ténèbres menant leurs jeux cachés. Sa vraie patrie n'est-elle pas quelque part du côté de la constellation d'Orion ? Ce qu'il faut savoir, c'est que les temps d'Orion reviennent, et ceux de ses anciennes zones d'influence religieuse et civilisationnelle ; et qu'il ne s'agit pas seulement de l'Égypte, mais aussi du cœur irradiant de l'Eurasie, de la "Grande Europe".

Yves Adrien m'a confié qu'il ne se séparait jamais d'une petite image de sainte Thérèse de Lisieux la représentant sur son lit de mort, les yeux clos, la bouche entrouverte, on dirait qu'elle respire encore ; le visage secrètement brûlé, comme taché par la grande fièvre de la mort ; au-dessous de l'image, une brève citation des écrits de la sainte : " ...ô mon Dieu, vous avez dépassé mon attente". La même image de Thérèse n'a pas un seul instant quitté, depuis une trentaine d'années et plus, ma table de chevet.

Nous autres, l'"armée clandestine" des dévots inconditionnels de sainte Thérèse de Lisieux, constituons actuellement une des armatures les plus sûres de l'Église, le visage de la petite sainte illuminant nos vies en profondeur, comme un vivant soleil de grâce. Comme une garantie de salut, de victoire d'avance acquise par sa veille toute-puissante. Je ne peux encore en être certain, mais il se peut que cette nuit même - la nuit du 8 au 9 novembre 2005 - sainte Thérèse de Lisieux m'ait enfin accordé son pardon. (ce mystérieux pardon serait-il à mettre en relation avec ma rencontre avec Yves Adrien ? Je me le demande.) »

Jean Parvulesco, Un Retour en Colchide

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17/01/2012

Ce qu’il nous faut, c’est un roi en haillons ! Un vagabond sublime ! Un délirant profond !

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« "Oubliez les Bourbon, les Orléans, toute cette racaille. Ils sont démocrates, ils font de l’informatique et vont skier l’hiver. Leur idéal, c’est l’inauguration des maternelles. La solution aujourd’hui c’est de révolutionner la monarchie et d’inventer un nouveau roi pour les mille ans à venir."
"Un nouveau roi ?"
"Parfaitement ! Ce qu’il nous faut, c’est un roi en haillons ! Un vagabond sublime ! Un délirant profond ! Un lumpen-roi avec une couronne taillée dans une boîte de conserve !"
"Une boite de conserve ?"
"Ha ha ! La République est une salope ! Elle nous a chié dans les bottes !" a gueulé Lucien.
"Ouais, mais on va le trouver où, le roi des vagabonds ?" a demandé Pierre-Henri.
"Ca c’est une bonne question !" a répondu Lucien en claquant à nouveau des doigts.
"Peut-être bien qu’il faudra aller le chercher dans les catacombes, les gars."
"Dans les catacombes ?"
"C’est ce que j’ai dit."

Il y a eu un autre silence. Pierre-Henri se grattait la tête.

"Dans les catacombes" il a répété.
"Toute façon, on n’a pas le choix" a repris Lucien. "C’est une question de vie ou de mort." »

Olivier Maulin, Petit monarque et catacombes

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16/01/2012

L'évènement est l'ordinaire par excellence

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« A une société statistiquement envisagée, il n'arrive rien, sinon d'infimes et négligeables oscillations des courbes. C'est pour cette raison que malgré le caractère négligeable des variations, le journal télévisé peut présenter les statistiques des tués sur les routes, du chômage, du prix du baril, du niveau du CAC 40, etc, comme des évènements ; mais à qui donc arrivent-ils ? On comprend mieux que l'homme contemporain n'ait plus besoin de méditation symbolique, de création artistique, langagière, iconique: la réalité de la condition humaine - temporalité, incertitude, mortalité - qui les rendait nécessaires se trouve, dans ce fonctionnement social, parfaitement escamotée. Foucault montre bien ce qui, au niveau du rapport à l'évènement, distingue les techniques disciplinaires des techniques de contrôle : la discipline essaie de faire en sorte que l'évènement ne se produise pas ; le contrôle, au contraire, laisse arriver l'évènement : on ne peut pas empêcher l'évènement de se produire, mais on peut faire en sorte qu'il ne veuille rien dire, qu'il ne soit pas significatif, qu'il ne soit plus un évènement. On y parvient en abordant les choses d'un point de vue statistique : car alors, loin d'ébranler l'ordinaire, l'évènement est l'ordinaire par excellence, intégralement soumis à des lois. On fait donc en sorte que, s'il y a bien évènement, cet évènement n'arrive au fond à personne, sinon à ce "on" qui n'est qu'un personnage statistique.
Cette convergence, indiquée par Foucault, entre la statistique et le pouvoir laisse apparaître le mécanisme par lequel est prise en charge la temporalité de la vie humaine. Si l'évènement a lieu, mais ne le concerne plus, si le devenir suit son cours mais n'est plus le sien, alors l'individu est tout bonnement exproprié de la contingence de sa propre existence: sa vie reste bien ce pur quelconque sans rime ni raison, mais peu importe, il n'a plus d'effroi à en éprouver, puisque ce n'est plus sa vie, mais une vie panoptique intégrale, par là d'emblée justifiée dans sa contingence même, et dont celui qui était jadis sujet est devenu l'objet. La contingence des faits de l'existence est compensée par le caractère scientifique de leur occurrence, dont le sujet est expulsé.
Loin d'offrir la possibilité d'une symbolisation, la société intégrale, parce qu'elle transit le temps tout entier, qu'elle restitue ensuite par segments inertes, vidé de son événementialité, de son arrivée, laisse l'individu aux prises avec une contingence d'autant plus cruelle et sauvage qu'il ne peut s'y individuer, qu'elle ne s'offre pas comme expérience possible, qu'il ne peut pas composer avec l'évènement. La condition scientifique et biologique de l'existence humaine, réduite à celle de l'espèce aux prises avec un "environnement", a privé les évènements de leur possibilité de faire sens. Tout au plus est-ce bon ou mauvais pour la santé, qu'il s'agisse de la sienne propre ou de celle du "gros animal" social, comme disait déjà Platon. »

Cédric Lagandré, La société intégrale

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15/01/2012

La comédie gôchiste

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« Quand on est un bourgeois de gauche, on n’est pas un révolutionnaire mais on a une "sensibilité révolutionnaire". Cela signifie qu’on n’ira risquer ni sa peau, ni sa fortune pour la révolution prolétarienne, mais qu’on est toujours prêt à toutes les faiblesses, à toutes les compromissions, les lâchetés, pour avancer l’heure de son triomphe. Une telle disposition procure au sujet la flatteuse sensation qu’il a conscience du péril personnel où il se trouve engagé, mais qu’il se laisse déborder par son tempérament poétique. On fait généralement de ce genre d’imbéciles une grande réputation d’intelligence. (...) Tout écrivain, s’il veut être pris au sérieux, fût-il apparenté aux 200 familles, se doit d’avoir la fibre révolutionnaire. »

Marcel Aymé, Le confort intellectuel

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14/01/2012

La violence dans l’amitié a quelque chose de sain

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« La violence dans l’amitié a quelque chose de sain, de réconfortant. Cela équivaut, sur le plan de la pensée, à ces bagarres à coups de poing qui éclatent entre les jeunes gens. Après avoir cogné de tout leur cœur, les adversaires vont boire fraternellement un verre au café : leur amitié est sortie fortifiée de leur bataille ; elle s’accompagne d’une admiration nouvelle pour leurs muscles et leur courage. Ah, le délicieux sentiment que l’amitié ! D’un ami, que l’on a élu parce qu’on a trouvé en lui une conformité de pensée et de sentiments, parce qu’on l’a reconnu de même race que soi, un frère du cœur et de l’esprit, on accepte tout sans mettre en doute ses motifs. L’amitié est un sentiment viril : plus elle semble rude et impitoyable, plus elle est tendre au fond, et sourcilleuse, et attentive. C’est une âme de jeune mère dans un corps de rhinocéros. »

Jean Dutourd, L'âme sensible

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13/01/2012

Les amantes qui quittent notre vie

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« Les amantes qui quittent notre vie sont plus pathétiques que les mortes, car les amantes en allées sont celles que nous avons enterrées vivantes. »

Edgar Lee Masters, Autobiographie

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12/01/2012

Et ils glorifiaient le Bon Dieu qui les faisait riches

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« Cette conception (accordant le primat à la technique) a énormément facilité l’établissement du régime en justifiant les hideux profits de ses premiers bénéficiaires. Il y a cent cinquante ans, tous ces marchands de coton de Manchester — Mecque du capitalisme universel — qui faisaient travailler dans leurs usines, seize heures par jour, des enfants de douze ans que les contremaîtres devaient, la nuit venue, tenir éveillés à coups de baguette, couchaient tout de même avec la Bible sous leur oreiller. Lorsqu’il leur arrivait de penser à ces milliers de misérables que la spéculation sur les salaires condamnait à une mort lente et sûre, ils se disaient qu’on ne peut rien contre les lois du déterminisme économique voulues par la Sainte Providence, et ils glorifiaient le Bon Dieu qui les faisait riches…Les marchands de coton de Manchester sont morts depuis longtemps, mais le monde moderne ne peut les renier, car ils l’ont engendré matériellement et spirituellement. (…) Leur réalisme biblique, devenue athée, a maintenant des méthodes plus rationnelles. (…) La politique de production à outrance ménage aujourd’hui sa main-d’œuvre, mais la furie de spéculation qu’elle provoque déchaîne périodiquement des crises économiques ou des guerres qui jettent à la rue des millions de chômeurs, ou des millions de soldats au charnier… Oh ! je sais bien que des journalistes, peu respectueux de leur public, prétendent distinguer entre ces deux sortes de catastrophes, mettant les crises économiques au compte du Système, et les guerres à celui des dictateurs. Mais le déterminisme économique est aussi bon pour justifier les crises que les guerres, la destruction d’immenses stocks de produits alimentaires en vue seulement de maintenir les prix comme le sacrifice de troupeaux d’hommes. »

Georges Bernanos, La France contre les Robots

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