Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

01/07/2011

L'ennui

=--=Publié dans la Catégorie "Lectures"=--=

 

« Je me disais donc que le monde est dévoré par l'ennui. Naturellement, il faut un peu réflechir pour se rendre compte, ça ne se saisit pas tout de suite. C'est une espéce de poussière. Vous allez et venez sans la voir, vous la respirez, vous la mangez, vous la buvez, et elle est si fine, si ténue qu'elle ne craque même pas sous la dent. Mais que vous vous arrêtiez une seconde, la voilà qui recouvre votre visage, vos mains. Vous devez vous agiter sans cesse pour secouer cette pluie de cendres. Alors, le monde s'agite beaucoup.»

Georges Bernanos, Journal d'un curé de campagne

07:00 Publié dans Lectures | Lien permanent | Commentaires (0) | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

30/06/2011

La structure sociale légaliste

=--=Publié dans la Catégorie "Lectures"=--=

 

« La société occidentale s'est choisie l'organisation la plus appropriée à ses fins, une organisation que j'appellerais légaliste. Les limites des droits de l'homme et de ce qui est bon sont fixées par un système de lois ; ces limites sont très lâches. Les hommes à l'Ouest ont acquis une habileté considérable pour utiliser, interpréter et manipuler la loi, bien que paradoxalement les lois tendent à devenir bien trop compliquées à comprendre pour une personne moyenne sans l'aide d'un expert. Tout conflit est résolu par le recours à la lettre de la loi, qui est considérée comme le fin mot de tout. Si quelqu'un se place du point de vue légal, plus rien ne peut lui être opposé ; nul ne lui rappellera que cela pourrait n'en être pas moins illégitime. Impensable de parler de contrainte ou de renonciation à ces droits, ni de demander de sacrifice ou de geste désintéressé : cela paraîtrait absurde. On n'entend pour ainsi dire jamais parler de retenue volontaire : chacun lutte pour étendre ses droits jusqu'aux extrêmes limites des cadres légaux.

J'ai vécu toute ma vie sous un régime communiste, et je peux vous dire qu'une société sans référent légal objectif est particulièrement terrible. Mais une société basée sur la lettre de la loi, et n'allant pas plus loin, échoue à déployer à son avantage le large champ des possibilités humaines. La lettre de la loi est trop froide et formelle pour avoir une influence bénéfique sur la société. Quand la vie est tout entière tissée de relations légalistes, il s'en dégage une atmosphère de médiocrité spirituelle qui paralyse les élans les plus nobles de l'homme.

Et il sera tout simplement impossible de relever les défis de notre siècle menaçant armés des seules armes d'une structure sociale légaliste. »

Alexandre Soljenitsyne, Le Déclin du courage, Discours de Harvard, 8 juin 1978

07:00 Publié dans Lectures | Lien permanent | Commentaires (0) | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

29/06/2011

A la berlinoise

=--=Publié dans la Catégorie "Lectures"=--=

« Quand les chefs sont aussi bornés dans la présomption, aussi épais et aussi intellectuellement infantiles que leur garde du corps, cela ne peut que sombrer dans le ridicule. On vit des prophètes, venus parfois des grandes écoles – le plus souvent du corps de réserve de l’armée – régner sur une bonne dizaine de personne qu’ils faisaient défiler dans les rues en uniforme de fantaisie après les avoir harangués à la romaine ou à la berlinoise, en excommunier la moitié, soupçonner l’autre moitié d’hérésie et se retrouver seul en gardien sourcilleux de leur orthodoxie. Les exclus formaient des groupes dissidents ; et au sein de ces petites Eglises, le même jeu recommençait, engendrant une infinité de sectes, qui se détestaient et de sectaires qui se promettaient mutuellement la potence. Monarques sans sujets, dictateurs sans entourages, maître de partis sans troupes, ils toisaient le monde du haut de leur pyramide sans assise et ils rêvaient dans la solitude de leur caporalisme de sauver l’Europe et l’aryanité. »

Pol VANDROMME, L’Europe en chemise. L’extrême-droite dans l’entre-deux-guerres

07:00 Publié dans Lectures | Lien permanent | Commentaires (2) | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

28/06/2011

Ce n’est point une véritable vie que cette perpétuelle agitation des poussières individuelles modernes

=--=Publié dans la Catégorie "Lectures"=--=

« Non, ce n’est point du mouvement, ce n’est point du mouvement véritable, ce n’est point une véritable vie que cette perpétuelle agitation des poussières individuelles modernes ; ce n’est point une véritable vie que cette vaine, stérile, perpétuelle, poussiéreuse agitation ; ce n’est point du véritable travail ; ce n’est point une véritable égalité que cette uniformité d’inutilité miséreuse. »

Charles PEGUY, Par ce demi-clair matin, Gallimard, Pléiade, t. II

07:00 Publié dans Lectures | Lien permanent | Commentaires (0) | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

27/06/2011

Fossiles

=--=Publié dans la Catégorie "Lectures"=--=

« Les cathédrales considérées comme des fossiles endormis dans nos villes comme sous des sédiments tardifs. Mais nous sommes fort loin de déduire de ces proportions la vitalité qui se conjuguait avec elles et qui les a formées. Ce qui a vécu sous des apparences multicolores et ce qui les a crées, est plus loin de nous que les ammonites de la période crétacée ; et nous avons moins de peine à nous représenter un saurien d’après un os trouvé dans une carrière schisteuse. On pourrait également dire que les hommes d’aujourd’hui regardent ces œuvres comme un sourd voit les formes de violons ou de trompettes. »

Ernst Jünger, Jardins et routes

07:00 Publié dans Lectures | Lien permanent | Commentaires (0) | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

26/06/2011

Je crois à tout ce que la foule aujourd'hui nie

=--=Publié dans la Catégorie "Lectures"=--=


Jean Delville, auto-portrait

Crédo

Je crois à tout ce que la foule aujourd'hui nie
aux puissances du ciel et à l'humanité,
à tout ce qui se vêt de rêve ou de beauté,
à l'esprit éternel, à l'âme et au génie.

Je crois à l'amour pur et à la poésie,
à la calme sagesse, à la simple bonté;
puisque l'Idéal, seul, est la Réalité,
je crois à tout ce qui fait l'ordre et l'harmonie.

C'est qu'en moi, dans mon cœur de candide croyant,
je sens vivre à jamais une force divine.
Le doute n'atteint pas le dieu pur dans l'enfant.

Et c'est parce que tout m'enchante et m'illumine,
que je ne sais point croire aux puissances de l'or,
et que je ne crois pas au néant de la mort !

Jean Delville, Les Splendeurs méconnues


L'ange des Splendeurs, 1894

 


Trésors de Satan, 1895

 

L'Artiste en dérive subit bien souvent de troublantes influences.

 

Lire en ligne, Les Splendeurs méconnues

16:11 Publié dans Lectures | Lien permanent | Commentaires (0) | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

Mais nous serons forts, mon âme

=--=Publié dans la Catégorie "Lectures"=--=

« Oui mon âme, tout cela que tu vois, c’est la vie, tout ce que tu examines en soupirant, c’est la vie. Restons nous deux, cent ans et plus, restons les bras sur la balustrade, le corps appuyé au bastingage, la prudence bien affûtée, restons et résignons-nous. Ne descendons pas dans cette mélopée, ne nous confondons pas à ce bruit d’âmes fausses, de cœurs mangés aux vers, d’esprits vénéneux. Oui, restons ensemble, toi au milieu de moi et moi autour de toi, toi souffrant et moi luttant. Fermons parfois les yeux, essayons de mettre entre la rue et nous, entre les autres et nous, des océans de lyrisme muet, des remparts bourrelés de coton hydrophile. Revenons à pas lents vers les souvenirs de l’école buissonnière, chuchotons tous deux à pas de loup des images glanées dans la lente adolescence. Mon âme, on nous a roulés dans la poussière des faux serments, on nous a promis non pas seulement des récompenses auxquelles nous ne tenions pas, mais des gentillesses, des " myosotis d’amour ". On nous a laissé croire qu’on souriait, qu’on nous aimait, que les mains qui se glissaient dans nos mains étaient propres et sans épines. O glissade des déceptions et des tortures! Il n’y eut jamais pour nous ni justes effusions ni paumes sincères. On voulut même nous séparer, et te briser au fond de moi, mon âme, comme un élixir dans une coquille.
J’ai vu mentir les bouches que j’aimais ; j’ai vu se fermer, pareils à des ponts-levis, les coeurs où logeait ma confiance ; j’ai surpris des mains dans mes poches, des regards dans ma vie intérieure ; j’ai perçu des chuchotements sur des lèvres qui ne m’avaient habitué qu’aux cris de l’affection. On a formé les faisceaux derrière mon dos, on m’a déclaré la guerre, on m’a volé jusqu’à des sourires, des poignées de main, des promesses. Rien, on ne nous a rien laissé, mon âme. Nous n’avons plus que la rue sous les yeux et le cimetière sous les pieds. Nous savons qu’on plaisante notre hymen désespéré. Nous entendons qu’on arrive avec des faux de sang et de fiel pour nous couper sous les pieds la dernière herbe afin de nous mieux montrer le sentier de la fosse.
Mais nous serons forts, mon âme. Je serai le boulon et toi l’écrou, et nous pourrons, mille et mille ans encore, nous approcher des vagues ; nous pourrons nous accouder à cette fenêtre de détresse. Et puis, dans le murmure de notre attente, un soir pathétique, quelque créature viendra. Nous la reconnaîtrons à sa pureté clandestine, nous la devinerons à sa fraîcheur de paroles. Elle viendra fermer nos yeux, croiser nos bras sur notre poitrine. Elle dira que notre amour, tout cet amour qu’on n’a pas vu, tout cet amour qu’on a piétiné, qu’on a meurtri, oui, que notre amour n’est plus que notre éternité.
Alors, mon âme, tandis que je serai allongé et déjà bruissant, tu iras t’accouder à la fenêtre, tu mettras tes beaux habits de sentinelle, et tu crieras, tu crieras de toutes tes forces. »

Léon-Paul Fargue, Haute Solitude

15:45 Publié dans Lectures | Lien permanent | Commentaires (0) | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

Pourquoi cette longue bataille mené par l’Eglise contre le plaisir ?

=--=Publié dans la Catégorie "Lectures"=--=

« Charles Maurras me disait un jour, "Depuis le stupide XIX eme siècle, le quatrième commandement a pris, aux yeux de l’Eglise, une place d'une importance vraiment disproportionnée." Pourquoi l’Eglise tient elle le sexe pour rival ? Veut elle donner asile à toux ceux que le sexe effraie ou déçoit ? »

« Pourquoi cette longue bataille mené par l’Eglise contre le plaisir (sexuel, sensuel, intellectuel même) ?
Il n’y a pas de puritanisme dans les Evangile et le misogynie de St Paul n’explique pas tout. Sans doute le plaisir sensuel, même sous les formes de la danse, du spectacle, des excès de table et de boisson ; apparut-il très tôt comme un rival. C’était une erreur. Les sens et la foi ont des domaines différents. Les sens ne peuvent pas combler le désir de l’absolu. Ce n’était pas de l’interdit jeté sur eux que la religion pouvait attendre sa victoire mais de la déception, de la satiété et de l’insatisfaction qui sont au bout du chemin. »

« Mes bons pères, Messieurs les prêtres des Eglises Chrétiennes, voici donc ce que vous venez de découvrir : la parole divine (a-t-on encore le droit de dire divine ?), la parole divine des Evangiles était bonne, mais elle a été empoisonnée tout prêt de la Source, détournée de son sens par les ratiocinateurs théologiens, par les serviteurs du pouvoir, par les démagogues de l’imagerie pieuse, par l’Eglise historique souillée de toutes les impureté temporelles. Sous la conduite de l’Eglise, le christianisme a dévié très tôt du bon chemin pour aller vers l’imbécillité, la servilités ou le fanatisme. Il a encensé et justifié toutes les tyrannies, il s’est fait tyran lui même, massacreur d’Ariens, de Musulmans, de Juifs, de Cathares, massacreur catholique de réformés , massacreur réformé de catholiques, inspirateur des Dragonnades, bénisseur des bouchers avides Cortès ou Pizarre, complice des commerçants, dispensateur d’opium au peuple, inventeur de faux dogmes, propagateur de toutes mystifications qui ont fait depuis 20 siècles le jeu des possédants et détourné les pauvres de la sainte révolte, fomentateur de guerre et briseur de grève. Vous avez découvert que quand même les créations qui ont fait sa gloire, même à Chartres, même à Cluny – pourquoi ce luxe ? - même à Cîteaux – pourquoi cet ascétisme mutilant ? - même avec St Vincent de Paul et cette charité qui n’est que la plus sournoise façon de refuser la justice, l’histoire de votre Eglise, l’histoire de votre foi n’avait été qu’une longue suite d’erreurs, ou plutôt une seul erreur, une énorme et scandaleuse erreur, la trahison systématique, l’inversion bimillénaire du vrai message évangélique et de ce jeune prophète, barbu comme notre jeunesse, qui fut sans doute crucifié, qui ne ressuscita sans doute pas, de cet annonciateur de Karl Marx venu un peu trop tôt.

Mais, mes bons pères, messieurs les prêtres, cette Eglise. Fourvoyée depuis sa naissance, cette bimillénaire erreur devenu Eglise, c’est elle qui vous a appelés, c’est elle qui vous a donné son enseignement, c’est librement que vous avez choisi d’aller vers elle, c’est elle qui vous qualifie pour parler au monde, elle qui vous a donné vos fonctions, et les titres qui vous confère une autorité particulière. Si vous n’êtes pas de ceux qu’elle a mandaté, vous n’êtes rien, vous n’êtes rien que par elle.

Cet amoncellement, cette montagne de cruautés, de compromissions, d’hypocrisies, de complicité, cette montagne bimillénaire d’erreurs que vous dénoncez aujourd’hui, c’est la chaire d’où vous vous adressez au monde. Si votre Eglise est ce que vous dites, vous êtes vous même discrédité ou du moins sans crédit particulier. Votre parole est celle de n’importe qui. »

Thierry Maulnier

07:00 Publié dans Lectures | Lien permanent | Commentaires (0) | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

25/06/2011

Misérable et sans loi

=--=Publié dans la Catégorie "Lectures"=--=

« Une liberté destructrice et irresponsable s'est vue accorder un espace sans limite. Il s'avère que la société n'a plus que des défenses infimes à opposer à l'abîme de la décadence humaine, par exemple en ce qui concerne le mauvais usage de la liberté en matière de violence morale faites aux enfants, par des films tout pleins de pornographie, de crime, d'horreur. On considère que tout cela fait partie de la liberté, et peut être contrebalancé, en théorie, par le droit qu'ont ces mêmes enfants de ne pas regarder er de refuser ces spectacles. L'organisation légaliste de la vie a prouvé ainsi son incapacité à se défendre contre la corrosion du mal.

L'évolution s'est faite progressivement, mais il semble qu'elle ait eu pour point de départ la bienveillante conception humaniste selon laquelle l'homme, maître du monde, ne porte en lui aucun germe de mal, et tout ce que notre existence offre de vicié est simplement le fruit de systèmes sociaux erronés qu'il importe d'amender. Et pourtant, il est bien étrange de voir que le crime n'a pas disparu à l'Ouest, alors même que les meilleurs conditions de vie sociale semblent avoir été atteintes. Le crime est même bien plus présent que dans la société soviétique, misérable et sans loi. »

Alexandre Soljenitsyne, Le Déclin du courage, discours de Harvard, 8 juin 1978

06:55 Publié dans Lectures | Lien permanent | Commentaires (0) | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

24/06/2011

La démission est allée trop loin

=--=Publié dans la Catégorie "Lectures"=--=

« J’ai bien peur que non. Et cela pour plusieurs raisons. La toute première, c’est que la France n’est plus une société homogène et structurée. Le corps social du pays n’est plus sain. Qu’est ce qu’un corps social sain ? Une population qui sait conserver la mémoire du passé et des combats collectifs qui ont été menés. Ce n’est plus le cas de notre pays. La transmission ne se fait plus et les commémorations les plus solennelles font plutôt rire qu’autre chose. Qu’il s’agisse de la fête nationale, le 14 Juillet, ou du souvenir des deux guerres mondiales, le 11 novembre et le 8 mai, de la guerre d’Indochine, ou de celle d’Algérie, de moins en moins de Français se sentent concernés.
Je souhaite vivre encore dans une société française fière de ses racines et de sa spécificité. Et ce n’est pas une question de couleur de peau. C’est une question d’état d’esprit, d’attitude. Aujourd’hui, défendre l’identité française vous fait souvent suspecter d’être un suppôt du Front national, ce qui n’est absolument pas le cas en ce qui me concerne. J’ai du respect pour un Le Pen, tout comme pour Arlette Laguillier parce que tous deux sont adeptes de ma devise « Être et durer » !
La seule protection réellement efficace qui vaille, c’est de sortir la France de son inertie, de sa surdité et de son aveuglement.
Je ne cesse de l’écrire tout au long de ces pages, la France est entrée dans un processus de déliquescence. J’ai l’impression tenace que, si le cours des choses ne change pas radicalement, le pays va à sa perte. Qu’il est en voie de désagrégation et que ce n’est pas son identité seule qui est menacée, mais bel et bien jusqu’à son existence. Et je le répète, sans craindre de lasser le lecteur, la France va traverser une crise très profonde, à la fois politique, économique et surtout, morale.

C’est donc à un réarmement moral du pays que je veux appeler en rédigeant ces pages, afin de conjurer la menace qui risque de nous engloutir corps et biens. Je pourrais, sur les affaires, rédiger des livres entiers. Mais en résumé, que faut il retenir de ce constat ? Tout simplement que, pour sortir la France de sa torpeur, l’une des toutes premières conditions est de restaurer la morale publique dans le pays.
Morale publique sans laquelle rien ne peut être fait de durable, car les Français n’ont plus confiance dans les hommes qui les gouvernent actuellement. Ils les prennent pour des margoulins et croient que ces responsables politiques pensent d’abord à eux, avant de se soucier du bien commun et du sort de leurs concitoyens.
Nos dirigeants doivent être des gens propres, irréprochables, ce ne sera qu’à cette seule condition qu’on pourra au moins les écouter et les prendre au sérieux.
La démission est allée trop loin, dans tous les domaines, pour que la France n’ait pas besoin d’un choc salvateur, susceptible de lui permettre de retrouver sa vraie vocation. »

Général Bigeard, Adieu ma France

22:22 Publié dans Lectures | Lien permanent | Commentaires (0) | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

Redevenir la France

=--=Publié dans la Catégorie "Lectures"=--=

« Au vingtième siècle, l’Europe aura connu deux régimes résolument antichrétiens : le communisme soviétique et le nazisme allemand. Dans l’ordre du développement économique, du progrès social, de la baisse du taux de chômage, ces régimes obtinrent à leurs débuts de bons résultats, mais rapidement ils tournèrent l’un et l’autre au cauchemar et furent pour les populations qui les subirent une source d’effroyables malheurs, de souffrances indicibles. M. Lénine et M. Hitler devraient, me semble-t-il, nous avoir durablement vaccinés contre la tentation de construire une Europe sans le Christ, un monde dont la transcendance serait exclue, un monde horizontal où la puissance matérielle et la consommation seraient les seuls dieux sur les autels desquels les Européens seraient invités à offrir leurs sacrifices. L’Europe dont nous rêvons est l’Europe de saint Benoît de Nursie et de saint Serge de Radonège, l’Europe de Dante et de Dostoïevski. Pas une Europe qui transformerait les églises en garages, en porcheries, en musées de l’athéisme, et où l’unique religion serait celle du football et du loto.

Le centenaire de la loi de 1905 sur la séparation de l’Eglise et de l’Etat a donné lieu en France à de saugrenues manifestations d’anticléricalisme qui m’ont bien fait rigoler. S’ils se figurent que c’est en criant « A bas la calotte !» place de la République qu’ils vont exorciser le péril de l’impérialisme islamique (tiens, république, islamique, ça rime), nos bouffeurs de curés se fourrent le doigt dans l’œil jusqu’au coude.

Les églises sont vides, c’est un fait. Les chrétiens ont mieux à faire que d’y assister à la messe dominicale (les RTT, les week-end à Deauville ou à Marrakech, la belle vie, quoi). En revanche, les musulmans de France, qui eux ne vont pas au Club Med de Marrakech, réclament des mosquées et ont l’intention de les emplir. Ils les empliront, soyons-en sûrs, ce n’est qu’une question de temps. Pendant la guerre d’Algérie, j’ai vécu à Cherchell, l’antique Césarée. L’église avait été construite avec les pierres d’un temple païen consacré à la déesse Minerve. J’ai connu cette église pleine de fidèles, y compris de parachutistes qui s’y rendaient leur pistolet-mitrailleur en bandoulière. Deux ans après la signature des accords d’Evian, je suis retourné à Cherchell. L’église avait été transformée en mosquée.

Les Français sont, paraît-il, le peuple le plus déchristianisé d’Europe. Eh bien, si nos églises continuent de se dépeupler, elles seront métamorphosées en mosquées, cela ne fait pas un pli. Paris ou Cherchell, même combat. Là où notre Moyen-Âge a bâti la cathédrale Notre-Dame s’élevait un temple consacré à la déesse Isis. Un jour peut-être, comme l’église de Cherchell, comme la cathédrale d’Alger, comme Sainte-Sophie de Constantinople, Notre-Dame de Paris sera transformée en mosquée, et y célèbrera non un archevêque mais un mufti. Ce n’est pas de la science-fiction, c’est de l’histoire.

Et après tout, pourquoi pas ? Minerve, Isis, Jésus-Christ, Allah, les dieux se succèdent, mais l’essentiel n’est-il pas que le parfum des prières et de l’encens continue de s’élever vers le ciel ? Dans un de mes premiers livres, un bref récit intitulé Comme le feu mêlé d’aromates, j’écris : « J’appartiens aux quatre premiers siècles, quand Dionysos et le Ressuscité se disputent le cœur de l’homme » et j’y confesse « ma passion d’accorder Vénus et Jésus-Christ ». Hélas ! Dans la France d’aujourd’hui j’ai l’impression d’être un dinosaure, le survivant d’une espèce disparue, et d’y parler une langue qui n’est plus comprise par personne. Mes compatriotes ont dans une même abjecte dégoulinade renié les dieux du paganisme et le Dieu de l’Evangile, leur héritage gréco-romain et leur héritage chrétien. Tant pis pour eux. Ils ne lisent plus ni Plutarque ni les Pères de l’Eglise ? On leur fera lire Mahomet. Si nous sommes trop fatigués ou trop lâches pour sauvegarder notre foi, notre patrimoine spirituel, nos traditions, notre manière de vivre, eh bien ! de nouveaux dieux prendront la place des nôtres, c’est la règle, et nous n’aurons pas le droit de pleurnicher.

Ce que j’écris là des croyants, je le pense aussi des athées, car si ceux-là ne lisent plus saint Augustin, ceux-ci ne lisent pas davantage Lucrèce, et un prétendu agnostique qui n’a pas sur sa table de chevet le De rerum natura, ce maître livre de mon adolescence, ce compagnon de route de mon âge mûr, est à mes yeux indigne de vivre.

Pendant soixante-dix ans, les communistes soviétiques ont vidé les églises et empli les camps de concentration, tenté de lobotomiser la Russie. Aujourd’hui, pour le peuple russe et l’Eglise orthodoxe le martyre a pris fin. La Russie, retrouvant sa mémoire, a rendu son nom à Saint-Pétersbourg, a réédité Rozanov et Berdiaeff, a rebâti la cathédrale moscovite du Christ-Sauveur, a reçu la dépouille du général Dénikine. La Russie s’est réconciliée avec elle-même. Je souhaite ardemment que la France n’ait pas besoin de faire une expérience comparable à celle de la Loubianka et du Goulag pour rester (ou redevenir) la France. »

Gabriel Matzneff

Source

07:00 Publié dans Lectures | Lien permanent | Commentaires (1) | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

23/06/2011

Le combat entre l’homme et Dieu

=--=Publié dans la Catégorie "Lectures"=--=


Pol Vandromme

« Le combat entre l’homme et Dieu. Quelle que soit la conviction que l’on professe – et pour notre part, nous ne cachons pas que nous sommes catholiques – on doit convenir que c’est un grand sujet et peut-être même le seul sujet vraiment essentiel. Les raisons que l’on a de croire, ou de ne pas croire, sont toujours des raisons décisives, en ce sens qu’elles nous engagent ou qu’elles nous révèlent en profondeur. Les rapports d’un écrivain avec la religion indiquent ce qu’il est et ce qu’il vaut : déterminant les fondements de sa conception de l’existence. Le gros de la littérature contemporaine est si vide et même, ajoutons-le franchement, si misérable parce que le souci religieux lui est étranger. Cette indifférence, cette inculture trahissent l’absence de vie intérieure. Quand nous disons : vie intérieure, cela ne signifie pas que nous entendons par là : vie mystique ou vie religieuse. Que l’on soit agnostique, et même tranquillement fortifié dans son agnosticisme, ce n’est pas cela qui nous étonne. Notre surprise, qui tourne à l’indignation, c’est que tant d’écrivains donnent l’impression qu’ils ne savent pas pourquoi ils le sont, et que cela ne les intéressent pas de le savoir. On dirait qu’ils n’ont jamais réfléchi à ce problème, qu’ils n’ont jamais éprouvé le besoin de l’aborder sérieusement. Nous espérons qu’on nous permettra de le dire : les cris de Nietzsche et de Rebatet sont peut-être préférables à ce silence sinistre qui pèse toujours plus lourdement sur la littérature moderne. Dieu est mort dans certaines âmes parce qu’elles ne se demandent plus s’il existe ou s’il pourrait exister. Les autres, qui répètent le lugubre blasphème, se heurtent quand même, et douloureusement, à une question qui compte. Le trouble qu’ils suscitent, le mal qu’ils peuvent faire – le bien aussi, car leurs œuvres agissent parfois à l’insu de leurs auteurs et dans le sens opposé à celui qu’ils espèrent : Nietzsche par exemple, n’a pas été pour tous ses lecteurs, un professeur d’incrédulité – ce n’est pas cela qui se trouve en cause ; mais leur qualité morale, leur richesse intérieure. Sur ce plan-là, l’incuriosité religieuse est une infirmité plus navrante, et un scandale plus suspect, que le déchainement antireligieux. »

Pol VANDROMME, Rebatet


Lucien Rebatet

 

Voir aussi cet article... chez JLK.

07:00 Publié dans Lectures | Lien permanent | Commentaires (0) | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

21/06/2011

Plus scélérate, plus vile que la noblesse dépouillée et que le clergé déchu

=--=Publié dans la Catégorie "Lectures"=--=

« Plus scélérate, plus vile que la noblesse dépouillée et que le clergé déchu, la bourgeoisie leur empruntait leur ostentation frivole, leur jactance caduque, qu'elle dégradait par son manque de savoir-vivre, leur volait leurs défauts qu'elle convertissait en d'hypocrites vices ; et, autoritaire et sournoise, basse et couarde, elle mitraillait sans pitié son éternelle et nécessaire dupe, la populace, qu'elle avait elle-même démuselée et apostée pour sauter à la gorge des vieilles castes ! [...] Une fois sa besogne terminée, la plèbe avait été, par mesure d'hygiène, saignée à blanc ; le bourgeois, rassuré, trônait, jovial, de par la force de son argent et la contagion de sa sottise. Le résultat de son avènement avait été l'écrasement de toute intelligence, la négation de toute probité, la mort de tout art [...] C'était le grand bagne de l'Amérique transporté sur notre continent ; c'était enfin l'immense, la profonde, l'incommensurable goujaterie du financier et du parvenu, rayonnant tel qu'un abject soleil, sur la ville idolâtre qui éjaculait, à plat ventre, d'impurs cantiques devant le tabernacle impies des banques ! »

Joris-Karl Huysmans, A rebours

07:00 Publié dans Lectures | Lien permanent | Commentaires (0) | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

20/06/2011

Corps sacrifiés

=--=Publié dans la Catégorie "Lectures"=--=

« Beaucoup plus que dans l'hygiène, c'est dans l'ascèse des "régimes" alimentaires que se lit la pulsion agressive envers le corps, pulsion "libérée" en même temps que le corps lui-même. Les sociétés anciennes avaient leurs pratiques rituelles de jeûne. Pratiques collectives liées à la célébration des fêtes (avant ou après –jeûne avant la communion- jeûne de l'Avent – Carême après le Mardi gras), elles avaient pour fonction de drainer et de résorber dans l'observance collective toute cette pulsion agressive diffuse envers le corps (toute l'ambivalence du rapport à la nourriture et à la "consommation"). Or, ces institutions diverses de jeûne et de mortification sont tombées en désuétude comme autant d'archaïsmes incompatibles avec la libération totale et démocratique du corps. Notre société de consommation ne supporte évidemment plus, elle exclut même par principe toute norme restrictive. Mais, libérant le corps dans toutes ses virtualités de satisfaction, elle a cru libérer un rapport harmonieux préexistant naturellement chez l'homme entre lui et son corps. Il se trouve qu'il y a là une erreur fantastique. Toute la pulsion agressive antagoniste libérée en même temps, et non canalisée désormais par les institutions sociales, reflue aujourd'hui au cœur même de la sollicitude universelle pour le corps. C'est elle qui anime la véritable entreprise d'autorépression qui affecte aujourd'hui un tiers des populations adultes des pays surdéveloppés (et 50 pour cent des femmes, enquête américaine : 300 adolescentes sur 446 suivent un régime). C'est une pulsion qui, au-delà des déterminations de la mode (encore une fois incontestables), alimente cet acharnement autodestructif irrépressible, irrationnel, où la beauté et l'élégance, qui étaient visés à l'origine, ne sont plus qu'alibi à un exercice disciplinaire quotidien, obsédant.

Le corps devient, dans un retournement total, cet objet menaçant qu'il faut surveiller, réduire, mortifier à des fins "esthétiques", les yeux fixés sur les modèles efflanqués, décharnés de Vogue, où l'on peut déchiffrer toute l'agressivité inverse d'une société d'abondance envers son propre triomphalisme du corps, toute la dénégation véhémentes de ses propres principes.

Cette conjonction de la beauté et de la répression dans le culte de la ligne, -où le corps, dans sa matérialité et dans sa sexualité, n'a au fond plus rien à voir, mais joue comme support de deux logiques tout à fait différentes de celle de la satisfaction : l'impératif de mode, principe d'organisation sociale, et l'impératif de mort, principe d'organisation psychique –cette conjonction est un des grands paradoxes de notre "civilisation". La mystique de la ligne, la fascination de la minceur ne jouent si profondément que parce que ce sont des formes de la violence, que parce que le corps y est proprement "sacrifié", à la fois figé dans sa perfection et violemment vivifié comme dans le sacrifice. Toutes les contradictions de cette société sont résumées là, au niveau du corps. »

Jean Baudrillard, La société de consommation

07:00 Publié dans Lectures | Lien permanent | Commentaires (0) | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

19/06/2011

Le règne des Médiocres

=--=Publié dans la Catégorie "Lectures"=--=

« De Gaulle et Georges Pompidou utilisaient près de 4000 mots différents. Valéry Giscard d'Estaing, convaincu par ses conseillers en communication de simplifier son vocabulaire pour être mieux compris, se replia sur 2000 mots. François Mitterrand affichait avec gourmandise sa culture. il va interrompre la décrue giscardienne et remonter à 4000 mots. Une parenthèse. Son successeur, Jacques Chirac, redescendra à 1500 mots. Ségolène Royal, dans son dernier ouvrage, se satisfait de quelque 350 mots, offrant en prime une syntaxe approximative. Nicolas Sarkozy se situe dans le même peloton des 300/400 mots et partage avec son adversaire de 2007 la même indifférence aux règles grammaticales »

Jean Bothorel, Chers Imposteurs

 

07:00 Publié dans Lectures | Lien permanent | Commentaires (0) | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

18/06/2011

Nous avons failli périr de la démission des consciences.

=--=Publié dans la Catégorie "Lectures"=--=

Pol Vandromme

« Il est bon qu’il y ait chez nous des socialistes, des communistes, des royalistes et des anarchistes, s’ils sont sincères – pourvu qu’on en ait fini avec les conservateurs. Il est bon qu’il y ait des croyants et des incroyants, des croyants pour servir le Bon Dieu, et des incroyants pour faire honte à ceux qui croient le servir en méprisant leur prochain, aux bigots fanatiques, aux gens d’Eglise ambitieux. Il est bon qu’il y ait des anarchistes pour cracher à la figure des lâches qui nourrissent l’abject espoir d’être, de la naissance à la mort, entretenu par l’Etat. L’union d’un grand peuple ressemble à l’équilibre d’un homme qui marche, elle se défait et se refait sans cesse. Allez de l’avant ! Vous n’avez à haïr que les traitres, à mépriser que l’imposture. A condition que vous restiez loyaux et sincères, le génie français se chargera de simplifier et de réconcilier pour vous. Que vos opinions diffèrent, qu’importe si vous restez d’accord sur l’honneur et la justice ? Nous avons failli périr non de la lutte des idées, mais de la démission des consciences. »

Georges BERNANOS, cité par Pol Vandromme, L’Europe en chemise. L’extrême-droite dans l’entre-deux-guerres


Georges Bernanos, passionné de moto

07:00 Publié dans Lectures | Lien permanent | Commentaires (4) | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

17/06/2011

Dans le danger des cimes

=--=Publié dans la Catégorie "Lectures"=--=

« Il y a de folie en tout cela, mais il y a aussi une flamme qui danse plus haut que toutes les petites "valeurs" de l'homme du commun. Par rapport à cette vie, la vie mondaine cosmopolitaine qui contamine la pureté des Dolomites par ses tennis, ses thés et son jazz, est dérisoire et malsaine.

Tout dans la vie moderne vise à étouffer le sens héroïque de la vie. Tout tend à la mécanisation, à l'embourgeoisement, à la grégarisation systématique et prudente d'êtres insatiables et dont aucun ne se suffit à lui-même. Des quatre castes sur lesquelles était fondée l'organisation rationnelle et intégrale de la société dans l'Orient ancient (les travailleurs, les marchands, les héros et ceux qui sont initiés à la sagesse), il ne reste plus aujourd'hui que les deux premières. Même la guerre, qui a été mécanisée et transformée en une science froide, n'est pas faite par des guerriers au sens ancien, classique et médiéval, mais par des soldats. Etouffée, la volonté héroïque cherche d'autres voies, d'autres issues, à travers le filet des intérêts pratiques, des passions et des convoitises, qui se resserre chaque jour davantage. L'enthousiasme que montrent nos contemporains pour le sport en est peut-être une manifestation déviée. La lutte avec les hauteurs et les précipices est tout de même l'expérience la plus pure et la plus belle, car elle n'est pas soumise à tout ce qui est mécanique et à tout ce qui affaiblit la relation directe, absolue, entre le moi et les choses.

La nature profonde de l'esprit qui se perçoit comme infini et libre, toujours au-delà de lui-même, au-delà de toute forme et de toute grandeur qu'il trouve en lui ou en dehors de lui, s'éveille et resplendit dans la "folie" de ceux qui, sans raison et sans but, escaladent des sommets et des crevasses avec une volonté inébranlable qui triomphe de la fatigue, de la peur, de la voix de l'instinct animal de prudence et de conservation.

Être livré à soi-même, sans aide, sans voix d'issue, avec sa force ou sa faiblesse, sans personne sur qui compter que soi-même - grimper de rocher en rocher, de prise en prise, inexorablement, pendant des heures - avec la sensation de l'altitude et du danger imminent, ennivrant, et avec la sensation de la solitude solaire ; la sensation d'une indicible libération et d'une respiration cosmique à la fin de l'escalade, lorsque la lutte est finie, l'angoisse est surmontée, et que s'ouvrent des horizons vertigineux qui s'étendent sur des centaines de kilomètres, alors que tout le reste est plus bas - en tout cela il y a réellement une catharsis, un éveil, une renaissance de quelque chose de transcendant et de divin. »

Julius Evola, Méditations du haut des cimes

07:00 Publié dans Lectures | Lien permanent | Commentaires (0) | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

16/06/2011

Une bonne leçon de réalisme

=--=Publié dans la Catégorie "Lectures"=--=

« La puberté, dit-on, est l’âge ingrat. Or, l’âge vraiment ingrat commence bien au-delà de la puberté, à dix-sept, à dix-huit ans plutôt. Un garçon de quinze ans est un enfant. On ne peut se choquer de ses insanités (actes et paroles). D’ailleurs il ne s’occupe ni d’idées, ni de morale, ni de politique, ni de femmes, et cela seul garantirait que sa bêtise est anodine. Un être humain qu’il est impossible de traiter d’imbécile, quel repos ! A partir de dix-huit ans, ce même garçon est la proie de prétentions, de jugements, de « pensées », d’« amour », le tout sur un fond d’ignorance exactement égal à celui de sa quinzième année. On commence de le prendre au sérieux, au moment qu’il ne mérite plus de l’être. Dans aucun de ses âges, l’homme ne contient autant de bêtises qu’entre dix-huit et vingt ans.

J’ajoute que ce qui précède se rapporte à la bourgeoisie. Il n’y pas d’âge ingrat chez les travailleurs. [...].

La cause principale de la bêtise du jeune bourgeois, c’est le monde de fantômes intérieur où il vit. Dans la bourgeoisie, le garçon de dix-huit ans est plus éloigné des réalités que le gamin de quatorze. En France – non aux colonies, où il arrive que des imberbes de seize ans jouent un rôle de chef, - et en temps de paix, par quels moyens un « secondaire » de dix-huit à vingt ans peut-il combattre ses fantômes, en se posant comme homme, et en se connaissant tel qu’il est (l’une et l’autre de ces démarches impliquent l’action) ? Il en a deux : la maîtresse et le sport. La maîtresse, surtout la première maîtresse d’un jeune-homme, signifie d’ordinaire un abaissement de l’intelligence et du caractère. Un garçon, pour sa promotion à l’homme, n’aurait pourtant que la maîtresse, s’il n’y avait pas le sport : solution qui immunise un peu contre l’autre, et quelques fois même permet de s’en passer.

Le jeune animal idéaliste, disons mieux, le sublime imbécile que j’étais à dix-neuf ans se fit donner sur le plateau du Parc des Princes une bonne leçon de réalisme, avant de recevoir celle du front, une année plus tard. Voici X. qui m’est inférieur et voici Y. qui m’est supérieur. Tout cela sans contestation possible. Voici ce que je dois atteindre : ceci et non autre chose, et non au-delà. Voici un univers extrêmement net, et coupant, et pur, et intelligible, sous un ciel grandiosement vide, où je m’efforce jusqu’au bout de ce que je peux. [...].

Tel fut le monde auquel j’accédai en mai 1915, sortant de cet autre monde, confus et frénétique, claustré et démesuré – le monde de mon âme – où je me débattais à ce moment. Le mal de mon âge ingrat (du vrai), je ne dis pas qu’il en fut complètement estourbi : j’en ai trainé des séquelles jusqu’à la trentaine environ. Mais quand même il en avait reçu un bon coup. Première acquisition par le sport : tenir compte de la réalité. »

Henry de MONTHERLANT, Préface, Les Olympiques, (1938), Paris, Gallimard, Pléiade, 1959, p. 222-223.

07:00 Publié dans Lectures | Lien permanent | Commentaires (0) | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

15/06/2011

La guerre des Principes peut être aussi celle des Affaires

=--=Publié dans la Catégorie "Lectures"=--=

« Nous ne croyons ni au capitalisme qui crée la lutte des classes, ni au socialisme qui l’exploite ; ni aux présidents de conseil d’administration qui s’enrichissent du travail du peuple, ni aux politiciens qui se font une carrière de son ressentiment ; ni ceux qui paient les commissions, ni à ceux qui les touchent ; ni à l’égoïsme, ni à l’humanitarisme ; ni à la lâcheté, ni à l’arrivisme ; ni à la droite, ni à la gauche.

Nous ne disons pas que les mots de droite et de gauche n’ont plus de sens. Nous disons qu’ils en ont un encore, et qu’il faut le leur ôter. Car ils signifient la routine et l’utopie, la mort par la paralysie et la mort dans la décomposition, l’Argent et le Nombre. Tyrannies antagonistes peut-être, mais également haïssables et, par ailleurs, susceptibles de s’unir aux dépens des mystifiés. Car nous savons par expérience – et il est bon de le rappeler au moment où la droite et la gauche paraissent assez près de se rassembler autour du drapeau jacobin pour une nouvelle union sacrée à mille morts par jour – que nous savons que la guerre des Principes peut être aussi celle des Affaires, l’intérêt des munitionnaires s’accommoder assez bien de la libération des peuples opprimés. »

Thierry MAULNIER, Le seul combat possible, in Combat, Juillet 1936

07:00 Publié dans Lectures | Lien permanent | Commentaires (0) | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

14/06/2011

Dire

=--=Publié dans la Catégorie "Lectures"=--=

« Montrer sur la scène des monstres ou des meurtres, montrer du sang, montrer de brillants costumes ou des foules ou des batailles, tout cela est bon pour des primitifs, des romantiques ou des enfants. La grandeur et la gloire de l'homme sont d'avoir cessé de montrer parce qu'il a appris à dire. L'art le plus affiné et le plus complexe est nécessairement l'art où le langage - honneur des hommes, dit le poète - a la place éminente et le rôle royal. »

Thierry Maulnier, Racine


Thierry Maulnier, à gauche, en compagnie de Jacques Hébertot et André Malraux à l'occasion de l'adaptation de "La Condition Humaine" de Malraux, en pièce de théâtre par Thierry Maulnier, au THÉÂTRE HÉBERTOT en 1954.

07:00 Publié dans Lectures | Lien permanent | Commentaires (0) | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

13/06/2011

Les hommes tenus en laisse

=--=Publié dans la Catégorie "Lectures"=--=

« L'impudeur de Diogène ne se comprend pas du premier coup d'œil. Si elle semble s'expliquer, d'une part du point de vue de la philosophie de la nature [...], d'autre part son intérêt se trouve en réalité dans le domaine politique et sociologique. La honte est la chaîne sociale la plus intime qui nous attache aux normes générales du comportement avant toutes les règles concrètes de la conscience. Mais le philosophe de l'existence ne peut se déclarer satisfait de cette donnée première que sont les dressages sociaux de la honte. Il reprend le processus depuis le début ; les conventions sociales n'établissent pas ce dont l'homme devrait vraiment avoir honte, surtout parce que la société est elle-même suspecte de reposer sur des perversions et des irrationalités. Le kunique stig-matise donc un fait courant : les hommes sont tenus en laisse par les commandements profondément ancrés de la honte. [...]
En se masturbant publiquement, il commettait une impudicité par laquelle il se mettait en opposition avec les dressages politiques de la vertu de tous les systèmes. Cette masturbation était l'attaque frontale contre toute politique familiale, pièce centrale de tout conservatisme. Du fait que, comme la tradition le dit pudiquement, il s'est chanté à lui-même sa chanson nuptiale avec ses propres mains, il n'a pas subi la contrainte de contracter un mariage à cause de ses besoins sexuels. Par son exemple, Diogène enseignait la masturbation comme progrès culturel, il va sans dire, non pas comme rechute dans l'animalité. Selon le sage on doit en effet laisser vivre l'animal pour autant qu'il est la condition de l'homme. Le masturbateur joyeux (« Plût au ciel qu'il suffît également de se frotter le ventre pour apaiser sa faim ») rompt l'économie sexuelle conservatrice sans pertes vitales. L'indépendance sexuelle demeure une des conditions les plus importantes de l'émancipation. »

Peter Sloterdijk, Critique de la raison cynique, trad H. Hildenbrand, Christian Bourgois, 1987

07:00 Publié dans Lectures | Lien permanent | Commentaires (0) | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

12/06/2011

Il s’opère ainsi je ne sais quel odieux mélange entre les idées de bassesse et de pouvoir, d’indignité et de succès, d’utilité et de déshonneur

=--=Publié dans la Catégorie "Lectures"=--=

 

« Dans la démocratie, les simples citoyens voient un homme qui sort de leurs rangs et qui parvient en peu d’années à la richesse et à la puissance ; ce spectacle excite leur surprise et leur envie ; ils recherchent comment celui qui était hier leur égal est aujourd’hui revêtu du droit de les diriger. Attribuer son élévation à ses talents ou à ses vertus est incommode, car c’est avouer qu’eux-mêmes sont moins vertueux ou moins habiles que lui. Ils en placent donc la principale cause dans quelques uns de ses vices, et souvent ils ont raison de le faire. Il s’opère ainsi je ne sais quel odieux mélange entre les idées de bassesse et de pouvoir, d’indignité et de succès, d’utilité et de déshonneur. »

Alexis de Tocqueville, De la démocratie en Amérique

 

22:11 Publié dans Lectures | Lien permanent | Commentaires (0) | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

Le Peuple ?

=--=Publié dans la Catégorie "Lectures"=--=

 

« Et le peuple ? dira-t-on. Le penseur ou l'historien qui emploie ce mot sans ironie se disqualifie. Le "peuple", on sait trop bien à quoi il est destiné : subir les événements, et les fantaisies des gouvernements, en se prêtant à des desseins qui l'infirment et l'accablent. Toute expérience politique, si "avancée" fût-elle, se déroule à ses dépens, se dirige contre lui : il porte les stigmates de l'esclavage par arrêt divin ou diabolique. Inutile de s'apitoyer sur lui : sa cause est sans ressource. Nations et empires se forment par sa complaisance aux iniquités dont il est l'objet. Point de chef d'Etat, ni de conquérant qui ne le méprise ; mais il accepte ce mépris, et en vit. Cesserait-il d'être veule ou victime, faillirait-il à ses destinées, que la société s'évanouirait, et, avec elle, l'histoire tout court. Ne soyons pas trop optimistes : rien ne lui permet d'envisager une si belle éventualité. Tel qu'il est, il représente une invitation au despotisme. Il supporte ses épreuves, par il les sollicite, et ne se révolte contre elles que pour courir vers de nouvelles, plus atroces que les anciennes. La révolution étant son seul luxe, il s'y précipite, non pas tant pour en retirer quelques bénéfices ou améliorer son sort, que pour acquérir lui aussi le droit d'être insolent, avantage qui le console de des déconvenues habituelles, mais qu'il perd aussitôt qu'on abolit les privilèges du désordre. Aucun régime n'assurant son salut, il s'accommode de tous et d'aucun. Et, depuis le Déluge jusqu'au Jugement, tout ce à quoi il peut prétendre, c'est de remplir honnêtement sa mission de vaincu. »

E. M. Cioran, Histoire et Utopie

 

16:07 Publié dans Lectures | Lien permanent | Commentaires (0) | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

11/06/2011

Une société totale ne laisse aucune issue.

=--=Publié dans la Catégorie "Lectures"=--=

« Et ainsi la maison sans éléctricité ni téléphone dans la campagne même la mieux périclitante et dépeuplée et retournée à la friche qu'on trouverait sous les arbres, ne serait pas, avec son jardin que peuple une "petite gent ailée", dont le chant, qui est une manifestation d'allégresse et une sorte de rire, nous charmerait de sa vivacité; ne serait plus maintenant un dehors à la société organisée; ne serait pas un tranquille séjour, une thébaïde, une solitude écartée du monde; mais toujours séquestrée par son réseau logistique, surveillée par ses ordinateurs administratifs qui apprennent tout et n'oublient rien, précisément cartographiée par les satellites-espions à haute résolution qui déchiffrent le titre du livre laissé sur la chaise longue (Le Parfait Pécheur à la ligne); dont l'apparent silence loin du survoltage des conglomérats urbains y vibrerait pourtant de signaux électro-magnétiques troublant nos organes d'une impalpable éléctricité comme des appareils sous tension, et même dans la paix nocturne des vieux murs ce grésillement inaudible d'ondes radio dans l'air ambiant dérangerait notre principe sensible quand on voudrait lire ou réfléchir, ou ne rien faire; mais là encore sous des pluies chargées de pesticides, où les radio-éléments se déposent en rosée matinale ainsi qu'ailleurs, où il faut un engin à moteur pour aller se ravitailler au magasin géant. C'est par définition: une société totale ne laisse aucune issue. »

Baudouin de Bodinat, La vie sur terre - Reflexions sur le peu d'avenir que contient le temps où nous sommes, Tome Second

07:00 Publié dans Lectures | Lien permanent | Commentaires (1) | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

10/06/2011

Hommes de masse

=--=Publié dans la Catégorie "Lectures"=--=

 

« L'homme est ce qu'il mange... on produit des hommes de masse en leur faisant consommer des marchandises de masse - ce qui signifie en même temps que le consommateur de marchandises de masse collabore en consommant à la production des hommes de masse...
Devant chaque poste de télévision, tout le monde est d'une certaine manière occupé et employé comme travailleur à domicile. Un travailleur à domicile d'un genre tout à fait particulier. Car c'est en consommant la marchandise de masse, -c'est-à-dire ses loisirs- qu'il accomplit sa tâche, qui consiste à se transformer lui-même en homme de masse. Alors que le travailleur à domicile classique fabriquait des produits pour s'assurer un minimum de biens de consommation et de loisirs, celui d'aujourd'hui consomme au cours de ses loisirs un maximum de produit, pour, ce faisant, collaborer à la production des hommes de masse. Le processus tourne lui-même au paradoxe puisque le travailleur a domicile, au lieu d'être rémunéré pour sa collaboration, doit au contraire lui-même la payer, c'est-à-dire payer les moyens de production dont l'usage fait de lui un homme de masse... Il paie donc pour se vendre. Sa propre servitude, celle-là même qu'il contribue à produire, il doit l'acquérir en l'achetant puisqu'elle est, elle aussi, devenue une marchandise. »

Günther Anders, L'obsolescence de l'homme

21:45 Publié dans Lectures | Lien permanent | Commentaires (0) | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook