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05/04/2011

C'est ça la fraternité imbécile et tendre des hommes

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« Car on est toujours le Pylade de quelque Achille, le Roland d'un Olivier quand on est jeune et ça dure longtemps cette jeunesse entre les hommes, c'est interminable, ça n'en finit pas de s'étirer parce qu'on ne veut pas qu'il meure ce temps des confidences et des fraternités ou l'on allait du même pas, ou l'on bavardait pendant des jours et des nuits de la même voix, ou l'on partageait tout, et même, ça arrivait, les filles. Ou l'on avait comme dit la chanson, un camarade. Et toujours pas de Carbo, de copain, de frère pour lui demander, sans en avoir l'air, d'une voix neutre, comme ça, en buvant un verre, ou en marchant épaule contre épaule, dans la rue : "Drôle d'histoire, non? Qu'est-ce que tu aurais fait à ma place?". A peu près sûr que Carbo aurait répondu par une plaisanterie et par une plaisanterie certainement énorme. On demande un conseil à son meilleur copain, quand on a l'âge d'un Valentin, en essayant tout de même de l'épater un peu, et l'autre évidemment, nous répond par une plaisanterie, un rire, un calembour. Ce n'est pas qu'il se dérobe, non, mais plutôt parce que ça fait partie d'un jeu très ancien et qu'il y a aussi dans l'énormité même que le copain nous balance, à froid ou en riant, peut-être une pudeur. Mais c'est très bien ainsi. Ca remet les pieds sur terre. Ca douche l'émotion et on se remet à être tranquillement un homme au lieu de s'envoler - ô pigeon vole et jeunesse aussi ! - en se prenant au moins pour un albatros. C'est à coup de bêtises échangées qu'on croit devenir de vrais hommes, c'est à dire rester des enfants. Et cela s'appelle la virilité alors que son vrai nom est si souvent la tendresse. Et si Valentin avait été blessé, et si on avait dû l'amputer d'une jambe, et s'il avait appris cette rude nouvelle à Carbo, celui-ci aurait écrit : "j'espère ma vieille que tu m'a gardé les ongles". Et voilà. Et c'est ça la fraternité imbécile et tendre des hommes. Mais personne ne le sait parce que les adolescents à la voix qui mue à voix basse, parce que les soldats, parce que les joueurs de boules qui s'engueulent sous les platannes, parce que les pêcheurs à la ligne qui se racontent leur dernière prise à gestes fabuleux, parce que les carabins, parce que les grands mômes qui s'envoient des tannées dans les salles de boxe, parce que les nemrod du café du commerce et des voyageurs, parce que Ballu, Ramur, Pérou, le lieutenant Valentin et même N'Doulou, parce que personne ne livre le secret. Mais il y a , dit-on, des femmes douces et rusées qui parfois le devinent. Et les mères, toujours. »

Jean Cau, Mon lieutenant

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03/04/2011

La Liberté Créatrice

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« La liberté a toujours été odieuse à tous les dogmatistes, à tous les intellectualistes, à tous ceux qui rêvent d'enfermer la société dans des cadres figés et qui ne tolèrent d'autre liberté que celle du bien – le bien décrété par leur "despotisme éclairé". Tous ces gens, fanatiques d'unité, supportent mal l'inévitable variété des êtres et des choses; ils voudraient tout résorber dans l'Un. Pourquoi, en effet, des patries? Pourquoi des langues diverses? Pourquoi des classes? Pourquoi des sexes? Pourquoi pas une seule humanité, une seule langue, un seul sexe, une association unique, sans guerres, sans antagonismes,sans luttes, dans la bienheureuse paix d'une idylle éternelle? Tout devrait être interchangeable, les races, les patries, les classes, les sexes. Mais voilà, il y a la liberté, c'est-à-dire la capacité à inventer du nouveau, de frayer hors des chemins battus, d'ouvrir de nouveaux horizons, d'errer aussi, de tomber, de trébucher, comme de monter et de marcher droit. Si nous ne parlons pas tous encore espéranto, c'est que nous sommes, malheureusement, des êtres libres, et qu'étant libres, il nous faut ces langues diverses où s'exprime la diversité de nos âmes nationales. Si nous ne formons pas encore une seule humanité, c'est encore et toujours parce que nous sommes libres et que les patries, comme les a très bien définies Georges Valois, ce sont "les formes diverses de l'expérience humaine". Si nous ne voulons pas nous laisser absorber tous par l'Etat, c'est encore et toujours parce que nous sommes libres, et qu'étant libres, nous formons des classes diverses invincibles à l'uniformité étatique. Si même il y a deux sexes, et si cette dualité est invincible à tous les féminismes du monde, c'est encore que nous sommes libres et que la diversité sexuelle était nécessaire à la formation du couple conjugal, organe de la Justice. Donc, partout et toujours, la liberté, "ce grand Juge et ce souverain Arbitre des destinées humaines", comme l'appelle Proudhon. »

Edouard Berth, Les méfaits des intellectuels

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02/04/2011

Principe

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« Il est indéniable que, à bien des égards, la déchéance des institutions traditionnelles est due à celle de leurs chefs de leurs représentants. Ce n'en est pas la seule cause : pour en arriver à une véritable dissolution et à une véritable involution, il a fallu qu'à cette déchéance s'ajoute la tactique de la substitution du principe à la personne, nouvel instrument de la guerre occulte : dès que le représentant de tel principe déterminé se montre indigne, ou on fait le procès du principe en lui-même en attaquant ce représentant, ou on étend la critique de la personne au principe; on n'en conclut pas que ce représentant n'est pas à la hauteur du principe et qu'il faut donc le remplacer par une autre personne, qui pourrait réellement le représenter, mais on en vient à dire que le principe est faux ou délétère et qu'il faut le remplacer par un autre.

Combien de fois une attaque contre tel ou tel aristocrate dégénéré, vaniteux ou corrompu, ne s'est-elle pas bien souvent transformée en une attaque contre le principe aristocratique lui-même et en un instrument démagogique ?
L'action subversive et hérétique de Luther, qui a pris pour prétexte la corruption des représentants de l'Eglise romaine, eut-elle un autre sens ?

Là encore, l'histoire est riche d'épisodes de ce genre, qui correspondent à autant de moments de la subversion mondiale. »

Julius Evola, Phénoménologie de la subversion

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31/03/2011

Pouvoir

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« On aimait l'or parce qu'il donnait le pouvoir et qu'avec le pouvoir on faisait de grandes choses. Maintenant on aime le pouvoir parce qu'il donne l'or et qu'avec cet or on en fait de petites. »

Henry de Montherlant, Le Maître de Santiago

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29/03/2011

Miroir mon beau miroir...

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« Le milieu traditionnel paysan ignore la glace, peut-être même la craint-il : elle est un peu sorcière. L’intérieur bourgeois au contraire, et ce qu’il en reste dans le mobilier actuel de série, multiplie les miroirs aux murs, sur les armoires, les dessertes, les buffet, les panneaux. Comme la source lumineuse, la glace est un lieu privilégié de la pièce. A ce titre, elle joue partout dans la domesticité aisée son rôle idéologique de redondance, de superfluité, de reflet : c’est un objet riche, où la pratique respectueuse d’elle-même de la personne bourgeoise trouve le privilège de multiplier son apparence et de jouer avec ses biens. Disons plus généralement que le miroir, objet d’ordre symbolique, non seulement reflète les traits de l’individu, mais accompagne dans son essor l’essor historique de la conscience individuelle. Il porte donc la sanction de tout un ordre social : ce n’est pas par hasard si le Siècle de Louis XIV se résume dans la Galerie des Glaces, et si, plus récemment, la prolifération de la glace d’appartement coïncide avec celle du pharisaïsme triomphant de la conscience bourgeoise, de Napoléon III au Modern Style. »

Jean BAUDRILLARD, Le système des objets, (1968)

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28/03/2011

Insurrection de l'Esprit !

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« Il est absurde de prétendre libérer ce monde par une révolution économique. L'organisation économique du monde est admirablement logique et cohérente, dès qu'on raisonne en économiste, c'est-à-dire sans tenir compte des valeurs morales impossibles à chiffrer. Pour venir à bout du système, il faudrait une révolution spirituelle analogue à celle d'il y a deux mille ans, je veux dire une nouvelle explosion des forces spirituelles dans le monde. Il faudrait d'abord et avant tout respiritualiser l'homme. Pour une telle tâche, il est temps, il est grandement temps de mobiliser en hâte, coûte que coûte, toutes les forces de l'esprit. Dieu veuille que ce mot d'ordre parte de mon pays aujourd'hui humilié, Dieu veuille que la France donne au monde ce message qu'il attend, et qui sonnera partout le signal de l'insurrection de l'Esprit ! »

Georges Bernanos, L'insurrection de l'Esprit


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Ce qui autrefois m’avait donné la première notion de l’existence

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« Il arriva donc que livré à la monotonie matérialiste de ce monde banal, seul en face du rythme inconnu et entraînant d’une vie en apparence complètement insensée et pourtant réglée par un mécanisme inexorable, je recourus d’abord à ce qui autrefois m’avait donné la première notion de l’existence, c'est-à-dire au livre. Avant de m’être mis en route comme le Persifal de la légende, je m’étais construis avec les livres une barrière contre les vicissitudes quotidiennes de mon éducation quelque peu difficile.
Et maintenant à cette heure où tout ce que je voyais et sentais me semblais si pâle et si incolore, l’étalage d’une librairie était pour moi comme un appel secret et pouvait éveiller en moi le désir ardent de ces visions immédiates et éblouissantes que les livres m’avaient toujours apportées avant que j’eusse essayé de suivre mon frère Simplizius Simplicissimus autrement qu’en imagination seulement.
Dans cet étalage se trouvait un peu renfoncé dans un coin et un peu poussiéreux, un livre : Des choses futures. Etrangement ému et attiré par ce titre, j’entrai dans la boutique et j’achetai le livre. Je remontai dans ma mansarde, j’allumai ma dernière grande bougie, je m’assis dans le vieux fauteuil de velours dont j’avais déjà brûlé un pied pour me chauffer, non sans avoir calé le meuble grinçant contre une caisse de grenades et, grelottant, je me mis à lire. Ma lecture se prolongea pendant la nuit entière. »

Ernst Von SALOMON, Les réprouvés (1931)

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27/03/2011

Le rôle civilisateur et héroïque de la femme

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« Toujours il avait eu de l’hostilité contre la conception chevaleresque du Moyen Age. Le Gentilhomme qui accomplit un exploit pour sa dame lui paraissait diminuer par là son exploit ; il était choqué par ces fadaises, et détestait l’état d’esprit qui place l’homme, l’homme fort et raisonnable, sous la suprématie de la déficience féminine. Son idéal était la vie antique, où la fleurette fut inconnue. Et voici que maintenant, sous le choc de la réalité, il s’apercevait que le cliché était vrai, - comme le sont sans doute, la plupart des clichés : pour obtenir l’admiration d’une femme, alors même qu’il n’était pas épris de cette femme, un homme décuplait sa valeur. Au petit pas, la chemise trempé de sueur, la main gracieusement sur la hanche, […] Alban, découvrait dans le campo sévillan le rôle civilisateur et héroïque de la femme. »

Henri de MONTHERLANT, Les Bestiaires, (1926)

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26/03/2011

Ce qui compte désormais est ce qui peut être compté

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« L'émergence de la bourgeoisie, son expansion et sa victoire finale marchent de pair avec l'émergence, la propagation et la victoire finale d'une nouvelle “idée”, l'idée que la croissance illimitée de la production et des forces productives est en fait le but central de la vie humaine. Cette “idée” est ce que j'appelle une signification imaginaire sociale. Lui correspondent de nouvelles attitudes, valeurs et normes, une nouvelle définition sociale de la réalité et de l'être, de ce qui compte et de ce qui ne compte pas. Brièvement parlant, ce qui compte désormais est ce qui peut être compté. »

Cornélius Castoriadis, Domaines de l'homme. Les carrefours du labyrinthe II 

 

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25/03/2011

Transcendere

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« En tant que traditionnalistes, nous ne pouvons que prendre parti pour ceux qui combattent la tyrannie de l'or, l'asservissement au capital et à la finance anonyme et apatride. Mais nous nous empressons de faire remarquer qu'on peut dépasser tout cela dans deux directions différentes et même opposées : en premier lieu en descendant encore plus bas que la classe bourgeoise, en lui retirant le pouvoir au nom de la simple masse, du "prolétariat", du "peuple", c'est à dire de cette entité démocratique insaisissable qu'a dénoncé Mussolini. Et c'est alors qu'on a le socialisme, le communisme, le marxisme, le soviétisme originel et toutes ces idéologies corruptrices dans lesquelles la "justice sociale" et, même, dans certains cas, "l'intérêt général de la nation" dissimulent uniquement une volonté tenace et sadique de lutte contre la hiérarchie et de nivellement. La seconde possibilité est de dépasser la bourgeoisie et l'oligarchie capitaliste en la transcendant.

Etymologiquement, le latin "transcendere" signifie dépasser par le haut – et non par le bas. S'élever, ici, c'est restaurer ces valeurs qui sont supérieures à l'or, au capital, à la terre brute et à la simple propriété, parce que ce sont des valeurs supra-éconolmiques, héroïques, aristocratiques. Ce sont donc les valeurs de cette classe, ou caste, qui, dans les hiérarchies traditionnelles, dominait toujours légitimement celle des marchands et celle des ténébreuses masses prolétariennes. Dans ce cas, tous les problèmes apparaissent sous un jour différent, y compris la question de la justice sociale. »

Julius Evola, Phénoménologie de la subversion

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24/03/2011

Tradition contre modernité

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« L'opposition entre les civilisations modernes et les civilisations traditionnelles peut s'exprimer comme suit : les civilisations modernes sont dévoratrices de l'espace, les civilisations traditionnelles furent dévoratrices du temps. Les premières donnent le vertige par leur fièvre de mouvement et de conquête de l'espace, génératrice d'un arsenal inépuisable de moyens mécaniques capables de réduire toutes les distances, de raccourcir tout intervalle, de contenir dans une sensation d'ubiquité tout ce qui est épars dans la multitude des lieux. Orgasme d'un désir de possession ; angoisse obscure devant tout ce qui est détaché, isolé, profond ou lointain ; impulsion à l'expansion, à la circulation, à l'association, désir de se retrouver en tous lieux - mais jamais en soi-même. La science et la technique, favorisées par cette impulsion existentielle irrationnelle, la renforcent à leur tour, la nourrissent, l'exaspèrent : échanges, communications, vitesses par delà le mur du son, radio, télévision, standardisation, cosmopolitisme, internationalisme, production illimitée, esprit américain, esprit "moderne". Rapidement le réseau s'étend, se renforce, se perfectionne. L'espace terrestre n'offre pratiquement plus de mystères. Les voies du sol, de l'eau, de l'éther sont ouvertes. Le regard humain a sondé les cieux les plus éloignés, l'infiniment grand et l'infiniment petit. On ne parle déjà plus d'autres terres, mais d'autres planètes. Sur notre ordre, l'action se produit, foudroyante, où nous voulons. Tumulte confus de mille voix qui se fondent peu à peu dans un rythme uniforme, atonal, impersonnel. Ce sont les derniers effets de ce qu'on a appelé la vocation "faustienne" de l'Occident, laquelle n'échappe pas au mythe révolutionnaire sous ses différents aspects, y compris l'aspect technocratique formulé dans le cadre d'un messianisme dégradé.
A l'inverse, les civilisations traditionnelles donnent le vertige par leur stabilité, leur identité, leur fermeté intangible et immuable au milieu du courant du temps et de l'histoire : si bien qu'elles furent capables d'exprimer jusqu'en des formes sensibles et tangibles comme un symbole de l'éternité. Elles furent des files, des éclairs dans le temps ; en elles agirent des forces qui consumaient le temps et l'histoire. »

Julius Evola, L’Arc et la massue, 1968

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23/03/2011

Un ennemi de plus pour cette hideuse société qui nous rançonne

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« Il y avait de cela quelques années, il s'était croisé, rue de Rivoli, un soir, avec un galopin d'environ seize ans, un enfant pâlot et fûté, tentant de même qu'une fille. Il suçait péniblement une cigarette dont le papier crevait, percé par les bûches pointues du caporal. Tout en pestant, il frottait sur sa cuisse des allumettes de cuisine qui ne partaient point; il les usa toutes. Apercevant alors des Esseintes qui l'observait, il s'approcha, la main sur la visière de sa casquette et lui demanda poliment du feu. Des Esseintes lui offrit d'aromatiques cigarettes de dubèque, puis il entama la conversation et incita l'enfant à lui conter son histoire.
Elle était des plus simples, il s'appelait Auguste Langlois, travaillait chez un cartonnier, avait perdu sa mère et possédait un père qui le battait comme plâtre.
Des Esseintes l'écoutait pensif : - Viens boire dit-il. Et il l'emmena dans un café où il lui fit servir de violents punchs. - L'enfant buvait, sans dire mot. - Voyons, fit tout à coup des Esseintes, veux-tu t'amuser, ce soir ? c'est moi qui paye. Et il avait emmené le petit chez madame Laure, une dame qui tenait, rue Mosnier, au troisième, un assortiment de fleuristes, dans une série de pièces rouges, ornées de glaces rondes, meublées de canapés et de cuvettes.
Là, très ébahi, Auguste avait regardé, en pétrissant le drap de sa casquette, un bataillon de femmes dont les bouches peintes s'ouvrirent toutes ensemble - Ah le môme ! Tiens, il est gentil ! - Mais, dis donc, mon petit, tu n'as pas l'âge, avait ajouté une grande brune, aux yeux à fleur de tête, au nez busqué, qui remplissait chez Madame Laure l'indispensable rôle de la belle juive. Installé, presque chez lui, des Esseintes causait avec la patronne, à voix basse.
- N'aie donc pas peur, bêta, reprit-il, s'adressant à l'enfant. Allons, fais ton choix, je régale. Et il poussa doucement le gamin qui tomba sur un divan, entre deux femmes. Elles se serrèrent un peu, sur un signe de madame, enveloppant les genoux d'Auguste, avec leurs peignoirs lui mettant sous le nez leurs épaules poudrées d'un givre entêtant et tiède, et il ne bougeait plus, le sang aux joues, la bouche rêche, les yeux baissés, hasardant, en dessous, des regards curieux qui s'attachaient obstinément au haut des jambes.(...)
- Alors ce n'est pas pour ton compte que tu viens, ce soir, dit à des Esseintes madame Laure.
Mais où diable as-tu levé ce bambin ? reprit-elle, quand Auguste eut disparu, emmené par la belle juive.
- Dans la rue, ma chère.
- Tu n'es pourtant pas gris, murmura la vieille dame. Puis, après réflexion, elle ajouta, avec un sourire maternel : - Je comprends ; mâtin, dis-donc, il te les faut jeunes, à toi !
Des Esseintes haussa les épaules.
- Tu n'y es pas ; oh ! mais pas du tout, fit-il ; la vérité c'est que je tâche simplement de préparer un assassin.
Suis bien en effet mon raisonnement. Ce garçon est vierge et a atteint l'âge où le sang bouillonne ; il pourrait courir après les fillettes de son quartier, demeurer honnête, tout en s'amusant, avoir, en somme, sa petite part du monotone bonheur réservé aux pauvres. Au contraire, en l'amenant ici, au milieu d'un luxe qu'il ne soupçonnait même pas et qui se gravera forcément dans sa mémoire ; en lui offrant, tous les quinze jours, une telle aubaine, il prendra l'habitude de ces jouissances que ses moyens lui interdisent ; admettons qu'il faille trois mois pour qu'elles lui soient devenues absolument nécessaires - et, en les espaçant comme je le fais, je ne risque pas de le rassasier ; - eh bien, au bout de ces trois mois, je supprime la petite rente que je vais te verser d'avance pour cette bonne action, et alors il volera, afin de séjourner ici ; il fera les cent dix-neuf coups, pour se rouler sur ce divan et sous ce gaz !
En poussant les choses à l'extrême, il tuera, je l'espère, le monsieur qui apparaîtra mal à propos tandis qu'il tentera de forcer son secrétaire : - alors, mon but sera atteint, j'aurai contribué, dans la mesure de mes ressources, à créer un gredin, un ennemi de plus pour cette hideuse société qui nous rançonne. »

Joris-Karl Huysmans, A Rebours (1884)

 

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22/03/2011

Le refus de la diversité réelle

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« La menace principale, aujourd’hui, quelle est-elle ? Elle est la disparition progressive de la diversité du monde, le nivellement des personnes, la réduction de toutes les cultures à une "civilisation mondiale" bâtie sur ce qu’il y a de plus commun. Déjà, d’un bout à l’autre de la planète, on voit s’élever le même type de constructions, s’instaurer les mêmes habitudes mentales. De Holiday In en Howard Johnson, on voit se dessiner les contours d’un monde uniformément gris. J’ai beaucoup voyagé – sur plusieurs continents. La joie que l’on éprouve au cours d’un voyage, c’est de voire des modes de vie variés encore enracinés, c’est de voir vivre à leur rythme des peuples différents, d’une autre couleur de peau, d’une autre culture, d’une autre mentalité – et qui sont fiers de leur différence.
Je crois que cette diversité est la richesse du monde, et que l’égalitarisme est en train de la tuer. C’est pour cela qu’il importe, non seulement de "respecter les autres" - du bout des lèvres – mais de susciter partout le désir le plus légitime qui puisse être : le désir d’affirmer une personnalité à nulle autre pareille, de défendre un héritage, de se gouverner soi-même selon ce qu’on est. Et cela implique de lutter, de front, contre un pseudo-antiracisme négateur des différences, et contre un racisme menaçant, qui n’est lui aussi, que le refus de l’Autre – le refus de la diversité. »

Alain de BENOIST, Vu de Droite. Anthologie critique des idées contemporaines

 

 

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Cosmopolites

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« Défiez-vous de ces cosmopolites qui vont chercher loin dans leurs livres, des devoirs qu'ils dédaignent de remplir autour d'eux. Tel philosophe aime les Tartares, pour être dispensé d'aimer ses voisins. »

Jean-Jacques Rousseau, L'Emile

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13/03/2011

"L’islam face à la mort de Dieu"

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Schizophrénie des intellectuels musulmans.

Abdennour Bidar, dans son livre "L’islam face à la mort de Dieu", cite Jean Jaurès : « Cette joie sublime d’amener tous les hommes à la plénitude de l’humanité. » Ce fut précisément l’argument principal du socialiste Jean Jaurès pour justifier la colonisation de la République Française sensée apporter les Lumières et l’émancipation aux peuples inférieurs.
Dans le même livre, Abdennour Bidar cite le philosophe musulman Mohamed Iqbal, fin connaisseur de la philosophie occidentale, poète important et initiateur de la partition pakistanaise qui allait donner naissance à ce pays, qui confessait : « Ma vie a été principalement consacrée à l’étude de la philosophie occidentale, et cette manière de penser est presque devenue chez moi une seconde nature. Je ne parviens pas à exprimer en ourdou ce qui est dans mon cœur. »

Je me demande ce qu’il penserait aujourd’hui, Mohamed Iqbal, de ce Pakistan en proie aux pires fléaux archaïques, avec ses zones tribales au sein desquels les seigneurs de guerre font la loi, appliquent la Sharia et vomissent, eux, tout ce que l’Occident a pu accoucher de lumineux. Il a rêvé, comme tout homme éclairé, d’une "individuation" possible du musulman, mais c’était sans compter sur le poids culturel et cultuel considérable qu’impose le monde islamique à sa Oumma. Car il y a une antinomie réelle entre la voie occidentale et la voie islamique quelle que soit la forme que prend cette dernière et cette antinomie est de taille. Abdennour Bidar cite d’ailleurs Carl Gustav Jung à ce sujet : « J’emploie l’expression d’individuation pour désigner le processus par lequel un individu devient un individu psychologique, c’est-à-dire une unité autonome et indivisible, une totalité. La voie de l’individuation signifie : tendre à devenir un être réellement individuel et dans la mesure où nous entendons par individualité la forme de notre unicité la plus intime, notre unicité dernière et irrévocable, il s’agit de la réalisation de son Soi dans ce qu’il a de plus personnel et de plus rebelle à toute comparaison. On pourrait donc traduire le mot d’ "individuation" par "réalisation de soi-même" ou "réalisation de son Soi". » (L’énergique psychique, in Ma vie)

La tentative de tous ces intellectuels étrangers à l’univers mental occidental et qui ont goûté à ses saveurs particulières est un essai intéressant, mais au final maladroit, de dépasser leur métaphysique traditionnelle et menacée par l’entropie. Ils sont parvenus à atteindre un niveau d’abstraction essentiel pour comprendre et saisir les postulats des penseurs qui ont éclairé l’Occident puis ont essayé de se servir des outils acquis dans leur confrontation à ce monde contraire pour repenser la Voie qui était la leur. Seulement à part y insuffler des constructions nouvelles, souvent poétiques et charmeuses, je n’ai pas le sentiment qu’ils soient arrivés à leurs inavouables fins : helléniser leur psychisme et faire accéder les personnes de leurs communautés à l’individuation dont parle Jung. C’est une différence fondamentale entre l’islam et l’Occident qui n’a pas fini de provoquer les controverses que vous devinez. Je puis certes me tromper dans la mesure où je ne suis aucunement un spécialiste en un domaine qui nécessiterait un travail méticuleux de comparaison, mais avec le peu de connaissances acquises en la matière je peux arguer qu’il y a là de quoi comprendre l’écart considérable qui existe entre le monde occidental et le monde musulman, et ce malgré l’existence d’hommes d’esprit comme Abdennour Bidar ou Mohamed Iqbal, sans parler des Rûmî, Hallaj ou Khayyam qui ont illuminé un passé islamique de leur intelligence en recueillant les foudres des muftis, imams et mollahs de leurs temps.

Le simple fait qu’à l’origine de notre Culture se trouve ce postulat théologique qui stipule que l’Homme serait fait à l’image de Dieu fonde, même aujourd’hui pour les non-croyants, ce fameux principe d’individuation évoqué par Jung comme base de notre développement individuel et commun. C’est l’irruption civilisationnelle qui est la nôtre et qui invite à la Singularité, à la distinction pas seulement dans le cadre des hiérarchies sociales, mais aussi des chemins spirituels et intellectuels qui ont porté l’Occident à la place qui est la sienne dans l’Histoire de l’humanité. Ainsi lorsque Iqbal postule que l’ego humain ne serait pas parvenu au faîte de lui-même, il cherche par le biais du Soufisme à atteindre à la même conception de l’Être Humain qu’au sein de notre Civilisation qui l’a fécondé pour lui faire tirer du Coran une herméneutique dont les tenants de l’islam conventionnel ne veulent pas entendre parler. Abdennour Bidar précise : « Hallaj a été supplicié à Bagdad en 922 pour s’être écrié "Je suis la Vérité créatrice". L’interprétation d’Iqbal manifeste toute la portée de ce qui fut considéré alors comme un attentat blasphématoire contre la transcendance de Dieu. Il montre que cette parole signifie non seulement que l’homme est devenu "partie de Dieu" ou "égal de Dieu" (ce qui est déjà insupportable pour l’orthodoxie religieuse), mais que la totalité du divin s’est trouvée littéralement aspirée et infusée en l’homme. Il y a là un résultat que même les maîtres soufis de Hallaj ne pouvaient accepter, et ce sont eux d’ailleurs qui le livrèrent au châtiment des autorités… Dans sa filiation, la conception iqbalienne de l’Ego ultime représente un renversement complet de la conception soufie classique, selon laquelle le saint accompli s’est "éteint" en Dieu et agit ensuite "par Dieu" en toutes choses. Ils nomment cela fana (extinction) et baqa (subsistance en Dieu et par Dieu). Le commentateur Javed Majeed a pu écrire à cet égard qu’Iqbal "bouleverse considérablement la notion soufi de fana ("extinction de l’homme en Dieu’’) puisqu’il la renverse en extinction de Dieu en l’homme". Tandis que le soufisme considère que l’individualité de l’homme devenu saint s’éteint dans la personnalité suprême de Dieu, Iqbal ose concevoir l’inverse : c’est dieu qui disparaît en l’homme, la personnalité divine qui passe toute entière dans l’individualité de l’homme. Le saint n’a donc pas perdu son Ego, mais il en jouit désormais comme plénitude absolue d’un Soi (Khûdî) qui est la totalité de ce que la religion populaire comme la métaphysique soufie classique appellent "l’être en Dieu".

(…)

La vie spirituelle chemine ainsi dans le sens de la découverte et de l’appropriation d’un degré suprême d’individuation. »

Si demain les choses venaient à se gâter davantage dans ce pays, d’une manière ou d’une autre, et je dis dans ce pays mais, au train où vont les choses ces derniers temps je pourrais dire au sein de l’Europe, il est évident que les grands perdants du clash qui s’en viendrait seraient, à n’en pas douter, ces quelques explorateurs musulmans qui osent défricher leur culture et leur tradition avec un esprit curieux et audacieux car il y a un réveil identitaire en ce moment sur ce continent, en Grande-Bretagne, en Italie, en Suisse, en Belgique, en Allemagne et même en France, ce pays qui a accouché avec la Révolution Française du prêt-à-penser délivré en kit dès 1789 et la terreur qui s’en est suivie. Un consensus perce tout juste la couche opaque des clivages politiques qui ont fait oublier un peu trop facilement et pendant trop longtemps aux divers militants de gauche comme de droite, et d’un extrême à l’autre, que bien qu’opposés sur la question de la manière à mettre en œuvre pour gérer les affaires de la Cité, ils étaient avant tout les habitants d’un même pays liés de façon organique pour les ressortissants de souche par des valeurs, une langue et un art de vivre et pour les immigrés, comme moi, ayant réussi leur « intégration » voire leur « assimilation » en s’enracinant respectueusement dans cette terre d’accueil et en en épousant l’Histoire, le sens et la vision. Ce consensus qui perce dit : « Ya basta ». Ça suffit. Les histoires de Bisounours nous racontant que tout le monde il est beau, tout le monde il est gentil, on en a jusqu’à la nausée. Nous voulons que la France reste le pays de Montaigne et de Rimbaud, des moralistes au grand style et des bals populaires, des sacrifiés de la Commune et des cathédrales lumineuses, des libertins licencieux et des surréalistes sublimes. Et non pas Dar al islam, Frankistan balkanisé et libanisé, cohortes de « dhimmis » rasant toute leur vie des murs. Je dis que ces musulmans vraiment modérés, trop rares (car je ne souscris pas à l’idée faussement répandue que « la grande majorité des musulmans en France » serait modérée), seraient les grands perdants car je ne pense pas que la tourmente prenne des gants quand il s’agit d’agir et il n’y a rien de pire en sanglante tripaille que les troubles sociaux quand, poussés à leur paroxysme (comme c’est de plus en plus le cas aujourd’hui), ils basculent dans la guerre civile. Chaque fois que les musulmans de France ont eu l’occasion de fermement montrer leur attachement à ce pays contre leurs co-religionaires dangereux et archaïques ils se sont faits discrets voire inexistants. Ce qui, par une vue d’ensemble, me semble être plutôt un assentiment aux vociférations hystériques et névrosées des imams et muftis agitant leurs menaces et dégueulant leurs fatwas contre tout ce que l’occident a de lumineux en comparaison à leur monde qui, politiquement, culturellement et socialement, est un désert.

Abdennour Bidar fait partie de ces hommes cherchant à faire accéder sa communauté à la modernité critique tout comme Senghor rêvait, secrètement, que l’Afrique noire tout en conservant son identité s’hellénise. Paradoxe des paradoxes, le concept de « négritude » doit beaucoup à Barrès et à la Grèce antique.

Abdennour Bidar dans "L’Islam face à la mort de Dieu", par son analyse de la pensée de Mohammed Iqbal fait référence à une conception de la foi musulmane qui n’a jamais existé que dans les cœurs des esprits libres qui ont tenté, tant bien que mal, de changer radicalement la conception étriquée et sclérosée de la réception littérale du Coran. Après la lecture du Coran, on est en droit de se demander comment les soufis ont pu s’y prendre, mais lorsque l’on sait, par exemple, que le soufisme indien a été fortement influencé par d’anciens Brahmanes convertis à l’islam et qui ont su utiliser les outils acquis par la pratique de leur religion initiale pour penser leur religion nouvelle, on comprend aussitôt pourquoi les tenants du salafisme, du wahabisme et autres saloperies totalitaires estiment que ce sont là des éléments étrangers à la Sharia et que, de ce fait, le soufisme ne peut être perçu que comme une hérésie sectaire et dangereuse pour l’établissement d’un éventuel Califat sensé apporter la Paix de Dieu par la soumission aux cinq piliers révélés par le prophète Mohammed. Mais Iqbal, dit Bidar, fait référence à Rûmi en personne :

« "Comme Roumi j’ai fait l’appel à la prière dans la Ka’aba/Et j’ai appris de lui les secrets de l’âme/Il était fait pour relever le défi du temps passé/Je suis fait pour relever le défi du temps présent."
Restons quelques instants sur cette vision d’Iqbal en muezzin de La Mecque.

Cette fonction de muezzin dans le lieu le plus saint de l’islam est une allusion symbolique à celui que le soufisme désigne comme le Qouth, le sage suprême d’une époque, "Chef" ou "Pôle spirituel de son temps". Qui est-il ? Quelle sagesse détient-il ? Selon les soufis, chaque époque a sa sagesse. Il faudrait même dire que pour eux chaque instant a sa sagesse. Ils se nomment d’ailleurs eux-mêmes les "fils de l’instant". Autrement dit, la sagesse n’est pas un savoir établi, un secret déposé quelque part et qui traverserait les âges sans varier. Pourquoi n’en est-il pas ainsi ? Parce que la sagesse est la connaissance de la façon dont l’absolu se manifeste dans le relatif, dont l’infini entre dans le fini, dont l’éternité entre dans le temps. Chaque époque, chaque culture, chaque individualité, chaque instant de chaque individualité, sont l’expression d’un nouveau visage de l’absolu — qui est donc à la fois toujours lui-même, et toujours autre que lui-même. Or c’est exactement de cela que le Qouth d’un temps est suprêmement conscient. Il voit l’absolu dans la moindre bribe de son existence et du monde. Il reconnaît l’intention du Soi créateur dans l’esprit et les formes de son temps. Les soufis disent qu’il est détenteur du Sirr (secret) de son époque et du Idhn (autorisation) de communiquer aux autres hommes ce qu’ils peuvent en recevoir. »

Et quel est le penseur qui a permis à Mohammed Iqbal de repenser sa religion ? La réponse est dans le titre du livre que Bidar a consacré à Iqbal : "L’Islam face à la mort de Dieu" : Friedrich Nietzsche.

A lire impérativement : MOHAMMAD IQBAL, A PROPOS DE NIETZSCHE

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03/03/2011

Peuple mou

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« Peuple mou, peuple de suicidés, à l'art triste, aux plaisirs noirs, malgré tant de dons du ciel et de la terre ; triomphe de la canaille, démagogie, "droit des poux de manger les lions", grèves, sociétés secrètes, élections truquées, déficits budgétaires, et ce palais : un claque-dent. »

Paul Morand, Lorenzaccio ou le retour du proscrit, in L'Europe galante, 1925

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23/02/2011

Robespierre, Hitler, Lénine

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I. La révolution. 

Marquant la naissance officielle de la modernité, c’est précisément la Révolution française qui a la première fait du massacre la conséquence rationnelle de l’énoncé d’un principe politique. La première tentative de génocide de l’histoire moderne eut la Vendée pour théâtre : 180 000 hommes, femmes, et enfants tués au seul motif d’être nés. Parlant des Vendéens, Couthon déclarait le 10 juin 1794 : « Il s’agit moins de punir que de les anéantir ». Vis-à-vis de leurs ennemis respectifs, réels ou supposés, les totalitarismes du XXè siècle ont réagi comme les révolutionnaire français : par la volonté d’extermination, avec toujours cette même idée que l’anéantissement de l’ennemi conditionne le salut du monde. Mais la Révolution française fut aussi la première à mobiliser les masses et à imposer à ses partisans politiques la rupture de tous leurs autres liens. La première également à parfaire le processus de destruction des corps intermédiaires, dans l’intention d’éliminer tout ce qui pouvait faire obstacle entre le pouvoir central et des individus atomisés. 

II. Le totalitarisme. 

Le fanatisme totalitaire, en même temps qu’il prolonge une intolérance de type proprement religieux, apparaît aussi comme profondément modelé par la modernité. Ce caractère moderne est visible d’emblée dans le communisme soviétique. Porté par l’optimisme radical de la théorie du progrès et par l’idée qu’il est possible de créer un homme nouveau qui règnera sur un monde transformé tel qu’il doit l’être, celui-ci adhère en effet pleinement au rationalisme et au scientisme des Lumières. On y retrouve l’affirmation prométhéenne qu’il n’y a pas de nature humaine, que le monde n’est qu’un objet de l’homme et que la terre entière peut être soumise au règne de la raison. La collectivisation, avec son corollaire obligé d’industrialisation, est elle-même éminemment moderne : la dékoulakisation vise avant tout à contraindre une classe paysanne « archaïque »à accepter les principes de la modernité. 

Mais cette modernité est également présente dans le nazisme […]. Derrière un archaïsme de façade et une idéologie officielle qui n’a d’ailleurs jamais été véritablement unifiée, le régime hitlérien s’est largement employé à parfaire la modernisation de l’Allemagne. Il a, comme le communisme, importé massivement les méthodes du taylorisme et du fordisme – la différence étant que l’URSS n’est jamais sortie de la pénurie, tandis que la société allemande a déjà connu sous le IIIè Reich un début de consommation de masse –, rationalisé la production, donné à la technique une place de premier rang, favorisé le développement des grandes villes. Il se réclamait d’une mystique de «  la terre et du sang », mais il a largement contribué à liquider la paysannerie allemande. Il chantait les vertus de la femme au foyer, mais il l’a mise massivement au travail. 

L’Ecole de Francfort n’avait pas tort, de ce point de vue, de considérer que le nazisme n’aurait pas été possible sans le rationalisme des Lumières, qu’il prétendait pourtant combattre. La prééminence de la technique, la domination toujours plus grande du monde par l’homme et le règne de la subjectivité bourgeoise constituent selon T. Adorno et M. Horkheimer, un ensemble indissociable de la compréhension du système concentrationnaire. Le totalitarisme ne peut en effet apparaître que lorsque la connaissance a été identifiée à la « calculabilité du monde » et qu’on été supprimées toutes les structures « opaques » qui faisaient auparavant obstacle à la marche irrésistible vers la maîtrise totale. Dès 1939, Horkheimer écrivait que « l’ordre né en 1789 comme une route vers le progrès portait avec lui la tendance au nazisme ». Il ajoutait que le nazisme « est la vérité de la société moderne » et que le combattre « en référence à la pensée libérale revient à s’appuyer sur ce qui lui a permis de l’emporter ». 

III. Aujourd'hui. 

        Le marché, la technique et la communication affirment aujourd’hui, avec d’autres méthodes, ce que les Etats, les idéologies et les armées affirmaient hier : la légitimité de la domination complète du monde. La fantasme de transparence et la maîtrise totale à l’œuvre dans les systèmes totalitaires est lui aussi toujours là. La société libérale continue à réduire l’homme à l’état d’objet en réifiant les rapports sociaux, en transformant les citoyens-consommateurs en esclaves de la marchandise, en ramenant toute valeur aux critères de l’utilité marchande. L’économique a repris aujourd’hui la prétention du politique à détenir la vérité ultime sur les affaires humaines. 

On constate aussi que, dans les sociétés libérales, la normalisation n’a pas disparu, mais changé de forme. La censure par le marché a remplacé la censure politique. Les dissidents ne sont plus déportés ni fusillés, mais marginalisés, maintenus à l’écart ou réduits au silence. La publicité a relayé la propagande, et le conformisme prend la forme de la pensée unique. « L’égalisation des conditions » dont Tocqueville craignait qu’elle ne fasse surgir un nouveau despotisme, engendre mécaniquement la standardisation des goûts, des sentiments, des mœurs. Les habitudes de consommation façonnent de manière de plus en plus uniforme les comportements sociaux. Les modes de vies singuliers disparaissent peu à peu. 

A. de Benoist, Communisme et nazisme. 25 réflexions sur le totalitarisme, Paris, Le Labyrinthe, 1998, pp. 117-122 et 139.

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16/02/2011

Les 14 commandements de Charles J. Sykes à l'attention des jeunes branleurs...

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Trouvé chez la charmante Crevette. D'après mon ex-camarade vénitien, Eric qui vit aux USA, les élèves de France devraient apprendre ce qui suit par coeur. Mouaiff ! Leurs parents devraient peut-être le faire avant eux... tout cela me semble bien difficile. Au début je me suis dit : "on voit l'écart monumental qui existe entre la Gauche américaine et la Gôche  française". Ben oui, sur la toile ces "commandements" sont attribués à Bill Gates...  Bill Gates a soutenu Obama lors des dernières élections américaines. Il a certes déjà donné du pognon aussi bien aux démocrates qu'aux républicains, mais sans doute est-ce par esprit démocratique. En tout cas, en créateur et entrepreneur, il sait ce qu'est la réalité et c'est bien à celle-ci que nous sommes sensés préparer nos jolies têtes blondes au lieu de leur parler des "35h00", de bosser moins et de réclamer plus, de la retraite à 60 ans, et toutes ces conneries sociétales qui nous pétrifient sur place, nous interdisent d'avancer. Bonne bourre les malandrins. Bon... je ne sais pas d'où provient ce "Hoax", car c'en est un... mais ça n'est pas très grave car cela ne change rien aux propos qui sont tenus. Ces "11 commandements" qui circulent sur la toile sont, en fait, tirés des "50 règles" de Charles J. Sykes qui a écrit, entre autre, des articles pour "American Thinker". Merci à Scalp de me l'avoir signalé. Après une courte recherche (je ne me suis pas encore transformé en "spécialiste de Charles J. Sykes), il s'avère que ces "11 commandements" sont tirés d'un livre intitulé : "50 Rules kids won't learn in school", au sein duquel Charles J. Sykes nous apprend que l'enseignement politiquement correct de l'école n'est pas assez formateur. Autrement dit, nos jolies petites têtes blondes (ou rousses ou brunes, je suis pas raciste) ne sont pas prêtes à affronter la réalité comme il se doit. Déjà des esclaves avant que d'être adultes. Life is sweet. 

Qu'importe, je reproduis ici les "commandements" en question, car ils valent la peine d'être lus et j'y ajoute 3 autres "commandements" qui ne figuraient pas dans la liste chopée chez la Crevette qu'après enquête j'ai trouvé sur la toile. Enjoy !

 

Règlement 1 : La vie est injuste, habituez vous !

 

Règlement 2 : Le monde se fout de votre amour-propre. Le monde s'attendra à ce que vous accomplissiez quelque chose AVANT que vous ne vous félicitiez vous-même.

 

Règlement 3 : Vous ne gagnerez pas $60,000 l'an en sortant de l'école. Vous ne serez pas vice-président avec cellulaire fourni avant d'avoir gagné ces deux privilèges.

 

Règlement 4 : Si vous croyez que votre professeur est dur avec vous, attendez d'avoir un patron.

 

Règlement 5 : Travailler dans une friterie n'est pas s'abaisser, vos grands-parents avaient un mot différent pour ça : ils appelaient ça une opportunité.

 

Règlement 6 : Si vous gaffez, CE N'EST PAS LA FAUTE DE VOS PARENTS, arrêtez de chialer et apprenez de vos erreurs.

 

Règlement 7 : Avant que vous naissiez, vos parents n'étaient pas aussi ennuyeux qu'ils le sont maintenant, ils sont devenus comme ça en payant vos factures, en nettoyant vos vêtements et à vous entendre raconter combien bons et cools vous vous croyez. Ainsi, avant de sauver les forêts tropicales des parasites de la génération de vos parents, commencez donc par faire le ménage dans la garde-robe de votre propre chambre.

 

Règlement 8 : Votre école s'est peut-être débarrassée du système gagnant-perdant, mais PAS LA VIE. Dans certaines écoles, on a aboli les notes de passage et on vous donne autant de chances que vous voulez d'obtenir la bonne réponse. Ceci ne ressemble d'aucune façon à la vraie vie.

 

Règlement 9 : La vie n'est pas divisée en semestres. L'été n'est pas une période de congé et très peu d'employeurs sont disposés à vous aider à VOUS TROUVER, faites ça sur votre propre temps.

 

Règlement 10 : La télévision n'est pas la vraie vie. Dans la vraie vie, les gens quittent le café et vont travailler.

 

Règlement 11 : Soyez gentils avec les 'nerds', il y a de bonnes chances que vous en ayez un pour patron.

 

Règlement 12 : Fumer ne vous donnera pas l'air "cool". Il vous donnera l'air con. La prochaine fois que vous êtes de sortie, regardez un gamin de 11 ans avec un mégot dans la bouche. C'est ce à quoi vous ressemblez devant n'importe quelle personne de plus de vingt ans. Et c'est du pareil au même lorsqu'il s'agit de vous "exprimer" avec des cheveux violets et/ou des piercings.

Règle n ° 13 : Vous n'êtes pas immortels. (Voir l'article n ° 12.) Si vous avez l'impression que vivre vite, mourir jeune et laisser un beau cadavre est romantique, vous n'avez manifestement pas vu récemment un de vos semblables refroidi.

Règle n ° 14 : Profitez de tout ça tant que vous pouvez. Bien sûr, les parents sont une douleur, l'école est ennuyeuse, et la vie est déprimante. Mais un jour, vous vous rendrez compte combien c'était merveilleux d'être un enfant. Peut-être devriez-vous commencer dès maintenant. Vous êtes les bienvenus.

 

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13/02/2011

Les cieux nous vomissent

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Céline, au milieu de ses vociférations à l'égard des juifs et des francs-maçons, dans son dernier pamphlet mis à l'index, "Les beaux draps", soudain vous fait tomber de ces phrases qui sauvent un peu son âme de sa dérive hasardeuse, perles précieuses dans un égout puant :

"Une telle connerie dépasse l'homme. Une hébétude si fantastique démasque un instinct de mort, une pesanteur au charnier, une perversion mutilante que rien ne saurait expliquer, sinon que les temps sont venus, que le Diable nous appréhende, que le Destin s'accomplit.

Nous crevons d'être sans légende, sans mystère, sans grandeur. Les cieux nous vomissent."

Louis-Ferdinand CÉLINE, Les Beaux Draps

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10/02/2011

Luther antisémite

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Bon, pendant qu'on y est, interdisons le Protestantisme !

« Le diable avec son groin angélique, dévore ce qui est secrété des ouvertures orales et anales des Juifs ; ceci est en effet son plat favori, dont il se gave comme une truie derrière la haie. »

Martin Luther, Vom Schem Hamphoras und das Geschlecht Christi, 1543 

 

« Tout d'abord, mettre le feu à leurs synagogues ou écoles et enterrer ou couvrir de saleté tout ce qui ne brûlera pas, de façon que personne ne puisse jamais revoir une de leurs pierres ou leur cendre.

En second, je conseille que leurs maisons soient rasées et détruites.

En trois, je conseille que tous leurs livres de prières et écrits talmudiques, qui servent à apprendre une telle idolâtrie, leurs mensonges, leurs malédictions et leurs blasphèmes, leur soient retirés.

En quatre, je conseille que leurs rabbins aient l'interdiction d'enseigner sous peine de perdre la vie.

En cinq, je conseille que les sauf-conduits sur les grands chemins soient abolis complètement pour les Juifs.

En six, je conseille que l'usure leur soit interdite, et que toutes les liquidités et trésors d'or et d'argent leur soient confisqués…de tel argent ne doit pas être utilisé…de la [manière] suivante… Si un Juif se convertit sincèrement, on doit lui remettre.

En sept, je recommande que l'on mette un fléau, une hache, une houe, une pelle, une quenouille ou un fuseau entre les mains des jeunes et forts Juifs ou Juives et qu'on les laisse gagner leur pain à la sueur de leur front. Car ce n'est pas juste qu'ils doivent nous laisser trimer à la sueur de nos faces, nous les damnés Goyim, tandis qu'eux, le peuple élu, passent leur temps à fainéanter devant leur poêle, faisant bombance et pétant, et en plus de tout cela, faisant des fanfaronnades blasphématoires de leur seigneurie contre les Chrétiens, à l'aide de notre sueur. Non, nous devons expulser ces fripons paresseux par le fond de leur pantalon. 

Si nous voulons laver nos mains du blasphème des Juifs et ne pas partager leur culpabilité, nous devons nous séparer d'eux. Ils doivent être conduits hors de notre pays" et "nous devons les conduire comme des chiens enragés. »

 

Martin Luther, Von den Jüden und iren Lügen, 1543 

 

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03/02/2011

Action par la Mort...

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« Par destruction de ces rêves ultimes, j'entends la perception de deux vérités cachées: à savoir que la fleur de mensonge dont rêve l'homme d'action n'est autre qu'une fleur artificielle; et, d'autre part, que la mort étayée par le mensonge dont rêve l'art ne confère d'aucune manière de faveurs spéciales. En bref, le double cheminement vous coupe d'un quelconque salut par le rêve: les deux secrets qui n'avaient aucune vocation à être ainsi confrontés se connaissent l'un l'autre. Unis dans un seul corps, il faut accepter sans faillir.L'effondrement des principes ultimes de la vie et de la mort.
Peut-être voudra-t-on s'enquérir s'il est possible à chacun de vivre cette dualité en pratique. Heureusement, il est extrêmement rare que la dualité revête sa forme absolue; c'est l'espèce d'idéal dont la réalisation signifierait sa fin immédiate. Car le secret de cette dualité ultime, intimement discordante, est, bien qu'elle puisse sans cesse hypothéquer l'avenir sous forme d'une vague appréhension, qu'elle ne sera jamais mise à l'épreuve qu'à l'instant de la mort. Alors, juste au moment où le double idéal sans salut est sur le point de se réaliser, celui dont l'esprit est préoccupé de cette dualité devra trahir l'idéal de part ou d'autre. Puisque c'était la vie qui le tenait lié à l'impitoyable perception de cet idéal, il va trahir cette perception une fois parvenu face à la mort. Sinon, la mort lui serait insupportable. »

Yukio Mishima, Le Soleil et l'Acier

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30/01/2011

L'extase brève et fugitive

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« L'extase brève et fugitive de l'acte amoureux, sa flambée passagère dans l'ardeur du désir, son extinction rapide, c'était pour lui le fond de toute expérience humaine, c'était devenu le symbole de toutes les joies et de toutes les souffrances de la vie. Il pouvait s'abandonner à cette détresse, à ce frisson en présence des choses qui passent avec la même passion qu'à l'amour ; et cette mélancolie, elle aussi, était de l'amour, elle aussi était de la volupté. Tout comme la jouissance d'amour, à l'instant le plus délicieux de son épanouissement suprême, est sûre de décroître l'instant d'après et de disparaître dans la mort, de même la solitude de l'âme et l'abandon à la mélancolie sont sûrs de faire place soudain au désir, à une nouvelle adhésion à la vie et à sa face lumineuse. La mort et la volupté ne font qu'un. La Mère de la vie ; on pouvait dire aussi que c'était la tombe, la putréfaction. »

Herman Hesse, Narcisse et Goldmund 

 

 

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29/01/2011

Le Bourgeoisisme

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« Le bourgeoisisme lui-même, en tant qu'état humain qui subsiste à perpétuité, n'est pas autre chose qu'une aspiration à la moyenne entre les innombrables extrêmes et antipodes de l'humanité. Prenons pour exemple une de ces paires de contrastes telle que le saint et le débauché, et notre comparaison deviendra immédiatement intelligible. L'homme a la possibilité de s'abandonner entièrement à l'esprit, à la tentative de pénétration du divin, à l'idéal de la sainteté. Il a également la possibilité inverse de s'abandonner entièrement à la vie de l'instinct, aux convoitises de ses sens, et de concentrer tout son désir sur le gain de la jouissance immédiate. La première voie mène à la sainteté, au martyre de l'esprit, à l'absorption en Dieu. La seconde mène à la débauche, au martyre des sens, à l'absorption en la putrescence. Le bourgeois, lui, cherche à garder le milieu modéré entre ces deux extrêmes. Jamais il ne s'absorbera, de s'abandonnera ni à la luxure ni à l'ascétisme ; jamais il de sera un martyr, jamais il ne consentira à son abolition : son idéal, tout opposé, est la conservation du moi ; il n'aspire ni à la sainteté, ni à son contraire, il ne supporte pas l'absolu, il veut bien servir Dieu, mais aussi le plaisir ; il tient à être vertueux, mais en même temps à avoir ses aises. Bref, il cherche à s'installer entre les extrêmes, dans la zone tempérée, sans orage ni tempêtes violentes, et il y réussit, mais au dépens de cette intensité de vie et de sentiment que donne une existence orientée vers l'extrême et l'absolu. On ne peut vivre intensément qu'aux dépens du moi. Le bourgeois, précisément, n'apprécie rien autant que le moi (un moi qui n'existe, il est vrai, qu'à l'état rudimentaire). Ainsi, au détriment de l'intensité, il obtient la conservation et la sécurité ; au lieu de la folie en Dieu, il récolte la tranquillité de la conscience ; au lieu de la volupté, le confort ; au lieu de la liberté, l'aisance ; au lieu de l'ardeur mortelle, une température agréable. Le bourgeois, de par sa nature, est un être doué d'une faible vitalité, craintif, effrayé de tout abandon, facile à gouverner. C'est pourquoi, à la place de la puissance, il a mis la majorité ; à la place de la force, la loi ; à la place de la responsabilité, le droit de vote. »

Herman Hesse, Le Loup des Steppes 

 

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24/01/2011

Merline

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Il est une anecdote qui raconte comment Ernst Jünger, officier en poste à Paris durant l'occupation de la seconde guerre mondiale, alors qu'il est dans une librairie voit entrer un juif, l'étoile jaune sur le coeur. Il s'avance vers lui, se découvre la tête, se met presque au garde à vous et, s'inclinant, présente ses excuses à l'homme en question pour le mal que son pays a fait au peuple mosaïque.

Grâce à Hoplite  je découvre ce texte de Jünger, tiré de son "Premier Journal Parisien", et il me faut vous le communiquer d'urgence pour faire résonance avec mon billet d'hier à propos du génial et maudit écrivain. Je savais déjà, via Philippe Sollers, que Jünger n'avait pas aimé sa rencontre avec Louis-Ferdinand Céline, mais ici nous avons accès directement à sa réflexion première concernant le personnage.

« L'après midi à l'Institut Allemand, rue Saint Dominique. Là, entre autres personnes, Merline [Céline], grand, osseux, robuste, un peu lourdaud, mais alerte dans la discussion ou plutôt dans le monologue ; Il y a, chez lui, ce regard des maniaques, tourné en dedans qui brille comme au fond d'un trou. Pour ce regard, aussi, plus rien n'existe ni à droite ni à gauche ; on a l'impression que l'homme fonce vers un but inconnu. "J'ai constamment la mort à mes côtés" - et, disant cela, il semble montrer du doigt, à côté de son fauteuil, un petit chien qui serait couché là.

Il dit combien il est surpris, stupéfait, que nous, soldats, nous ne fusillions pas, ne pendions pas, n'exterminions pas les Juifs- il est stupéfait que quelqu'un disposant d'une baïonnette n'en fasse pas un usage illimité ; « Si les bolcheviques étaient à Paris, ils vous feraient voir comment on s'y prend ; ils vous montreraient comment on épure la population, quartier par quartier, maison par maison. Si je portais la baïonnette, je saurais ce que j'ai à faire. » J'ai appris quelque chose, à l'écouter parler ainsi deux heures durant, car il exprimait de toutes évidences la monstrueuse puissance du nihilisme. Ces hommes là n'entendent qu'une mélodie, mais singulièrement insistante ; Ils sont comme des machines de fer qui continuent leur chemin jusqu'à ce qu'on les brise.

Il est curieux d'entendre de tels esprits parler de la science, par exemple de la biologie. Ils utilisent tout cela comme auraient fait les hommes de l'âge de pierre ; c'est pour eux uniquement un moyen de tuer les autres. La joie de ces gens-là, aujourd'hui ne tient pas au fait qu'ils ont une idée. Des idées ils en avaient déjà beaucoup ; ce qu'ils désirent ardemment, c'est occuper des bastions d'où pouvoir ouvrir le feu sur de grandes masses d'hommes, et répandre la terreur. Qu'ils y parviennent et ils suspendent tout travail cérébral, qu'elles qu'aient été leurs théories au cours de leur ascension. Ils s'abandonnent alors au plaisir de tuer ; et c'était cela, cet instinct du massacre en masse qui, dés le début, les poussait en avant, de façon ténébreuse et confuse.

Aux époques ou l'on pouvait encore mettre la croyance à l'épreuve, de telles natures étaient plus vite identifiées. De nos jours, elles vont de l'avant sous le capuchon des idées. Quant à celles-ci, elles sont ce qu'on voudra ; il suffit, pour s'en rendre compte, de voir comme on rejette ces guenilles, une fois le but atteint.

On a annoncé aujourd'hui l'entrée en guerre du Japon. Peut-être l'année 1942 verra-t-elle un nombre d'hommes plus élevé que jamais passer ensemble les portes de l'Hadès. »

Ernst Jünger, Premier journal parisien

 

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16/01/2011

Morte époque

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« Trois éléments partageaient donc la vie qui s'offrait alors aux jeunes gens : derrière eux un passé à jamais détruit, s'agitant encore sur ses ruines, avec tous les fossiles des siècles de l'absolutisme ; devant eux l'aurore d'un immense horizon, les premières clartés de l'avenir ; et entre ces deux mondes ... quelque chose de semblable à l'Océan qui sépare le vieux continent de la jeune Amérique, je ne sais quoi de vague et flottant, une mer houleuse et pleine de naufrages, traversée de temps en temps par quelque blanche voile lointaine ou par quelque navire soufflant une lourde vapeur ; le siècle présent, en un mot, qui sépare le passé de l'avenir, qui n'est ni l'un ni l'autre et qui ressemble à tous deux à la fois, et où l'on ne sait, à chaque pas qu'on fait, si l'on marche sur une semence ou sur un débris.
Voilà dans quel chaos il fallut choisir alors ; voilà ce qui se présentait à des enfants pleins de force et d'audace, fils de l'Empire et petits-fils de la Révolution.
Or, du passé ils n'en voulaient plus, car la foi en rien ne se donne ; l'avenir, ils l'aimaient, mais quoi ! comme Pygmalion Galatée : c'était pour eux comme une amante de marbre, et ils attendaient qu'elle s'animât, que le sang colorât ses veines.
Il leur restait donc le présent, l'esprit du siècle, ange du crépuscule qui n'est ni la nuit ni le jour ; ils le trouvèrent assis sur un sac de chaux plein d'ossements, serré dans le manteau des égoïstes, et grelottant d'un froid terrible. L'angoisse de la mort leur entra dans l'âme à la vue de ce spectre moitié momie et moitié foetus ; ils s'en approchèrent comme le voyageur à qui l'on montre à Strasbourg la fille d'un vieux comte de Sarverden, embaumée dans sa parure de fiancée : ce squelette enfantin fait frémir, car ses mains fluettes et livides portent l'anneau des épousées, et sa tête tombe en poussière au milieu des fleurs d'oranger. »

Alfred de Musset, La confession d'un enfant du siècle, 1836

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