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14/07/2011

L'épouvantable salope dont la France moderne fut engendrée

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« Ce soir, 14 juillet, s'achève enfin, dans les moites clartés lunaires de la plus délicieuse des nuits, la grande fête nationale de la République des Vaincus. Ah! c'est peu de chose, maintenant, cette allégresse de calendrier, et nous voilà terriblement loin des anachroniques frénésies de la première année! Ce début, - légendaire déjà! - de la plus crapuleuse des solennités républicaines, je m'en suis, aujourd'hui, trop facilement souvenu devant l'universel effort constipé d'un patriotisme, évidemment indéfécable, et d'un enthousiasme qui se déclarait lui-même désormais incombustible! La nuit avait eu beau se faire désirable comme une prostituée, et l'entremetteuse municipalité parisienne avait eu beau multiplier ses incitations murales à la joie parfaite, on s'embêtait manifestement. Les pisseux drapeaux des précédentes commémorations flottaient lamentablement sur de rares et fuligineux lampions, dont l'afflictive lueur offensait le masque poncif des Républiques en plâtre que la goujate piété de quelques fidèles avait clairsemées sous des frondaisons postiches. Comme toujours, de nobles arbres avaient été mutilés ou détruits, pour abriter, de leurs expirants feuillages, les soulographies sans convictions ou les sauteries en plein air achalandées par les putanats ambiants. Nulle invention, nulle fantaisie, nulle tentative de nouveauté, nulle infusion d'inédite jocrisserie dans cette imbécile apothéose de la Canaille. On avait été trop sublime, la première fois! Chaque acéphale avait tenu, alors, à se faire une tête pour honorer l'épouvantable salope dont la France moderne fut engendrée. La nation entière s'était ruée au pillage du trésor commun de la stupidité universelle. Mais, à présent, c'est bien fini, tout cela. on continue de célébrer l'anniversaire de la victoire de trois cent mille hommes sur quatre-vingts invalides, parce qu'on a de l'honneur et qu'on est fidèle aux grands souvenirs, et aussi, parce que c'est une occasion de débiter de la litharge et du pissat d'âne. On y tient, surtout, pour affirmer la royauté du Voyou qui peut, au moins ce jour-là, vautrer sa croupe sur les gazons, contaminer la Ville de ses excréments et terrifier les femmes de ses insolents pétards. Mais la foi est partie avec l'espérance de ne pas crever de faim sous une République dont l'affamante ignominie décourage jusqu'aux souteneurs austères qui lui ont livré le plus bel empire du monde. »

Léon BLOY, Le désespéré

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12/07/2011

Crise planétaire

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« Les symptômes d'une crise planétaire qui va s 'accélérant sont manifestes. On en a de tous côtés cherché le pourquoi. J'avance pour ma part l'explication suivante la crise s'enracine dans l'échec de l'entreprise moderne, à savoir la substitution de la machine à l'homme. Le grand projet s'est métamorphosé en un implacable procès d'asservissement du producteur et d'intoxication du consommateur. La relation de l'homme à l'outil est devenue une relation de l'outil à l'homme. Ici il faut savoir reconnaître l'échec. Cela fait une centaine d'années que nous essayons de faire travailler la machine pour l'homme et d'éduquer l'homme à servir la machine. On s'aperçoit maintenant que la machine ne "marche" pas, que l'homme ne saurait se conformer à ses exigences, se faire à vie son serviteur. Durant un siècle, l'humanité s'est livrée à une expérience fondée sur l'hypothèse suivante : l'outil peut remplacer l'esclave. Or il est manifeste qu'employé à de tels desseins, c'est l'outil qui de l'homme fait son esclave. La dictature du prolétariat et la civilisation des loisirs sont deux variantes politiques de la même domination par un outillage industriel en constante expansion. L'échec de cette grande aventure fait conclure à la fausseté de l'hypothèse. La solution de la crise exige une radicale volte-face : n'est qu'en renversant la structure profonde qui règle le rapport de l'homme à l'outil que nous pourrons nous donner des outils justes. L'outil juste répond à trois exigences : il est générateur d'efficience sans dégrader l'autonomie personnelle, il ne suscite ni esclaves ni maîtres, il élargit le rayon d'action personnel. L'homme a besoin d'un outil avec lequel travailler, non d'un outillage qui travaille à sa place. Il a besoin d'une technologie qui tire le meilleur parti de l'énergie et de l'imagination personnelles, non d'une technologie qui l'asservisse et le programme. »

Ivan Illich, La convivialité

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11/07/2011

Intensification

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Volé sur le Blog d'élite ILYS...

« Les vacances ne sont pas du tout une alternative à la congestion et à la promiscuité des villes et du travail. Au contraire : on cherche l’évasion dans une intensification des conditions de vie ordinaire, dans une aggravation délibérée : plus loin de la nature, plus près de l’artifice, de l’abstraction, de la pollution totale, stress, forcing, concentration, monotonie bien supérieur à la moyenne – tel est l’idéal de la distraction populaire. Personne ne songe à se retirer de l’aliénation, mais à s’y enfoncer jusqu’à l’extase. Ça, c’est les vacances. Et le bronzage joue comme preuve surnaturelle de cette acceptation des conditions de la vie normale.

(…)

L’été on entend les chiens hurler le soir, on voit les insomniaques soigner leurs plantes verte en pleine nuit, on lit dans les yeux ternes et brûlants cette euphorie angoissée caractéristique des journées plus longues, du soleil implacable, de cette extraversion de la chaleur qui pousse à une jouissance physique pure et sans objet, et qui correspond pour beaucoup à une situation proche du suicide. Ceux qui restent dans la ville ont des airs de funambule. Ils savent qu’en l’absence des autres ils assurent l’intérim de la socialité, à peu près comme ils arrosent les géraniums de leur voisin en son absence – mais tous assument cependant un rôle historique et théâtral : les uns celui d’abandonner la cité vers on ne sait quel exode de plaisir, les autres celui de veiller sur le décor. En fait c’est un jeu de catastrophe. La ville joue son exode, elle se vide sans avoir été bombardée elle se livre à ses esclaves (les immigrés) dans une saturnale éphémère.

(…)

L’angoisse propre au loisir de la Côte. Trop de beautés naturelles artificiellement rassemblées. Trop de villas, trop de fleurs. Villegiatura, Nomenklatura : même combat. Même privilège artificiel, qu’il soit celui de la bureaucratie politique ou de la luxuriance du mode de vie. Nature pourrie par le loisir, expurgée de toute barbarie, écœurante de facilité – jour peut-être ce climat de rêve, cette canicule de luxe exploseront en un incendie de forêt définitif. »

Jean Baudrillard, Cool Memories I

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10/07/2011

L'homme ne se nourrit pas seulement de biens et de services

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« Je crois qu'il faut inverser radicalement les institutions industrielles, reconstruire la société de fond en comble. Pour être efficient et rencontrer les besoins humains qu'il détermine aussi, un nouveau système de production doit retrouver la dimension personnelle et communautaire. La personne, la cellule de base conjuguent de façon Optimale l'efficacité et l'autonomie : c'est seulement à leur échelle que se déterminera le besoin humain dont la production sociale est réalisable. Qu'il se déplace ou qu'il demeure, l'homme a besoin d'outils. Il en a besoin pour communiquer avec autrui comme pour se soigner. L'homme qui chemine et prend des simples n'est pas l'homme qui fait du cent sur l'autoroute et prend des antibiotiques. Mais chacun ne peut tout faire par soi et dépend de ce que lui fournit son milieu naturel et culturel. L'outil et donc la fourniture d'objets et de services varient d'une civilisation à l'autre.

L'homme ne se nourrit pas seulement de biens et de services, mais de la liberté de façonner les objets qui l'entourent, de leur donner forme à son goût, de s'en servir avec et pour les autres. Dans les pays riches, les prisonniers disposent souvent de plus de biens et de services que leur propre famille, mais ils n'ont pas voix au chapitre sur la façon dont les choses sont faites, ni droit de regard sur ce qu'on en fait. Dégradés au rang de consommateurs-usagers à l'état pur, ils sont privés de convivialité. J'entends par convivialité l'inverse de la productivité industrielle. Chacun de nous se définit par relation autrui et au milieu et par la structure profonde des outils qu'il utilise. Ces outils peuvent se ranger en une série continue avec, aux deux extrêmes, l'outil dominant et l'outil convivial. Le passage de la productivité à la convivialité est le passage de la répétition du manque à la spontanéité du don. La relation industrielle est réflexe conditionné, réponse stéréotypée de l'individu aux messages émis par un autre usager, qu'il ne connaîtra jamais, ou par un milieu artificiel, qu'il ne comprendra jamais. La relation conviviale, toujours neuve, est le fait de personnes qui participent à la création de la vie sociale. Passer de la productivité à la convivialité, c'est substituer à une valeur technique une valeur éthique, à une valeur matérialisée une valeur réalisée.

La convivialité est la liberté individuelle réalisée dans la relation de production au sein d'une société dotée d'outils efficaces. Lorsqu'une société, n'importe laquelle, refoule la convivialité en deçà d'un certain niveau, elle devient la proie du manque; car aucune hypertrophie de la productivité ne parviendra jamais à satisfaire les besoins créés et multipliés à l'envie. »

Ivan Illich, La Convivialité

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09/07/2011

Dans les lieux...

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« J'ai traîné bien des soirs dans les lieux. Je traîne tous les soirs de ma vie, chassé de ma chambre par la peur de mon œuvre, par le geste instinctif de retarder l'exil dans le meilleur de moi-même, par l'appétit d'ajouter encore au trésor sur lequel je croupirai plus tard comme un cadavre. Immonde humilité, faible lâcheté, probable désintéressement de moi-même en tant que bête à concours, bête mise à prix.

Autrefois, je restais dehors, je courais dans les rues pendant des heures comme sur les routes de la campagne, ne regardant même pas les hommes, n'ayant pas encore ce modeste besoin de l'amitié et de l'amour.

Ensuite, je suis allé où il y avait de la lumière, un entassement de camarades et de seins. Je m'en suis gorgé. Mais de cette éponge molle, à l'humidité profonde, je tire ma goutte. (...)

Je suis retourné aux Français pour voir les derniers rangs des familles, rongés par les divorces, les mariages d'argent, les maîtresses-dactylos, la pédérastie du cadet, la messe du dimanche, la Ruhr. Et en face d'eux les sociétaires comme des vicaires de paroisse d'embaucher à la ville, pour jouer les dernières marquises. Juifs qui peuvent être les conservateurs les mieux camphrés de tous les faux plis d'une tradition qu'on ne sait plus porter.

J'ai digéré les dîners, que je payais d'ailleurs à des amis qui n'en auguraient rien de bon, dans les petits théâtres qui sentent la truffe et le bidet parfumé. C'est là qu'on voit le mieux se mêler les putains et les honnêtes femmes et la veulerie détendre les moustaches des gardes municipaux. »

Drieu La Rochelle, L'Œil mort, in Quelques écrits "farfelus", Confessions, L'Herne 2007. Vie des Lettres (et des Arts), volume XV, 1924

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07/07/2011

La fierté d'être un homme

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« La satisfaction du devoir accompli. La fierté d'être un homme : de tous les temps, le mâle a combattu pour le tribu, la femme et l'enfant. La considération des chefs, des camarades : au combat, l'homme se montre à nu. Il n'y a plus de grande gueule, de guerrier de caserne, de salon ou d'antichambre. »

Raoul Monclar, Catéchisme du combat

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06/07/2011

Les "listes noires", l'étouffement par le silence remplacent le camp de concentration

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« Dans les régimes dits "libéraux", le conformisme, si marqué soit-il, est d'une toute autre nature. Il ne renvoie pas à une doctrine officielle appuyée sur un bras séculier ; il est insinuant et diffus. Ce conformisme constitue, lui aussi, une censure ; mais cette censure ne ferme pas les journaux, ne condamne pas les "dissidents" à la prison, à l'exil ou à l'hôpital psychiatrique. Marcuse a parlé à ce propos de "tolérance répressive". En fait, le conformisme dans les régimes "libéraux", qui ne saurait être confondu avec le conformisme totalitaire, se caractérise par trois traits.
Il s'en tient à l'implicite et préfère présenter ses dogmes comme des évidences "scientifiques", comme on le voit par l'exemple des diverses idéologies qui ont cours dans l'ordre pédagogique ou économique.
En deuxième lieu, la défense du conformisme n'est pas directement assumée par l'Etat. Les "listes noires", l'étouffement par le silence remplacent le camp de concentration.
En troisième lieu, la censure du point de vue cognitif constitue moins un mécanisme de répression qu'un mécanisme d'inhibition. Elle appauvrit le champ des possibles parmi lesquels notre esprit pourrait exercer sa capacité d'élection. Elle ne nous interdit pas telle pensée, elle nous détourne de nous y arrêter. Elle surveille plus qu'elle ne punit. Comme elle n'est pas strictement centralisée, elle procède par addition de biais cumulatifs, qui produisent un consensus sur des "croyances négatives" plutôt que sur des "croyances dogmatiques". »

Raymond Boudon et François Bourricaud, Dictionnaire critique de la sociologie

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05/07/2011

Souveraineté

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« La solitude n’est donc pas seulement un désespoir et un abandon,mais aussi une virilité, une fierté et une souveraineté. »

Emmanuel Levinas, Le Temps et l’Autre

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Toute l'île venait à moi comme une femme

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« Je t'ai dit avoir été heureux sous les Tropiques. C'est violemment vrai. Pendant deux ans en Polynésie, j'ai mal dormi de joie, j'ai eu des réveils à pleurer d'ivresse du jour qui montait. Les dieux du jouir savent seuls combien ce réveil est annonciateur du jour et révélateur du bonheur continu que ne dose pas le jour. J'ai senti de l'allégresse couler dans mes muscles ; j'ai découvert Nietzsche ; je tenais mon oeuvre ; j'étais libre, convalescent, frais et sensuellement assez bien entraîné. J'avais de petits départs, de petits déchirements, de grandes retrouvées fondantes. Toute l'île venait à moi comme une femme. Et j'avais précisément, de la femme, là-bas, des dons que les pays complets ne donnent plus. »

Victor Segalen, Lettre à Henry Manceron

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L'image médiatique...

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« L'image médiatique... est toujours une représentation de cette vie: quelqu'un en train de parler, ou le fulgurant tir du gauche de l'ailier qui propulse le ballon au fond des filets. Qu'en cet ultime contact avec la vie, le projet de celle-ci soit de se démettre de soi, c'est à tout le moins de ne rien faire, c'est ce que démontre l'existence médiatique en tant que telle, une existence par le moyen des médias, où il s'agit de vivre non pas de sa propre vie mais de celle d'un autre, qui raconte, s'agite, frappe, se dénude ou fait l'amour à votre place. Parce que les instincts subsistent chez les téléspectateurs, inélaborés, dans leur manifestation la plus fruste -la force comme violence, l'amour comme érotisme, l'érotisme comme pornographie - et parce qu'il ne s'agit même pas pour ces instincts réduits à leur plus simple expression de s'actualiser pour de bon mais seulement d'obtenir quelque dérivatif imaginaire, parce que l'existence médiatique en général est cet assouvissement imaginaire, alors la télévision trouve son achèvement et sa vérité dans le voyeurisme, dans le scoop du siècle: l'assassinat collectif, par bandes de voyous interposées, d'imbéciles spectateurs d'un match de football, assassinat sur le mode spectaculaire de l'enfoncement, de la compression, de l'écrasement, de l'étouffement, du piétinement, de l'asphyxie. Horrible spectacle que cette vie renversée, foulée aux pieds, écrabouillée, aplatie, niée! Mais cette négation de la vie n'est pas différente de celle qui préside chaque jour au rassemblement de millions d'êtres humains devant leur petit écran, l'horreur de cette négation pas différente de celle du spectacle dont il leur fut donné de se repaître ce soir-là: en lui, c'est la vérité de l'existence médiatique, c'est leur propre vérité qui brilla un instant devant leur yeux hallucinés »

Michel HenryLa Barbarie

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03/07/2011

Aiguiser ses propres exigences

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« Ce qui importe n'est pas que nous vivions mais qu'il redevienne possible de mener dans le monde une vie de grand style et selon de grands critères.
On y contribue en aiguisant ses propres exigences. »

Ernst Jünger, Le Travailleur

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02/07/2011

L'Europe a décliné dans le moment où elle a douté d'elle-même, de sa vocation et de son droit.

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« La civilisation européenne s'écroule et on ne la remplace par rien, voilà la vérité. A la place de ces immenses épargnes accumulées de civilisation, d'humanités, de spiritualité, de sainteté, on offre de déposer un chèque sans provision, signé d'un nom inconnu, puisqu'il est celui d'une créature encore à venir. Nous refusons de rendre l'Europe. Et d'ailleurs on ne nous demande pas de la rendre, on nous demande de la liquider. Nous refusons de liquider l'Europe. Le temps de liquider l'Europe n'est pas venu, s'il doit jamais venir. Il est vrai que le déclin de l'Europe ne date pas d'hier, nous le savons. Mais nous savons aussi que le déclin de l'Europe a marqué le déclin de la civilisation universelle. L'Europe a décliné dans le moment où elle a douté d'elle-même, de sa vocation et de son droit. »

Georges Bernanos, L'Esprit Européen - 1946

 

 

« Dès que je prends la plume, ce qui se lève tout de suite en moi, c’est mon enfance, mon enfance si ordinaire, qui ressemble à toutes les autres, et dont pourtant je tire tout ce que j’écris comme une source inépuisable de rêves. »

Georges Bernanos, Correspondance inédite, t. II, Combat pour la liberté

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01/07/2011

L'ennui

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« Je me disais donc que le monde est dévoré par l'ennui. Naturellement, il faut un peu réflechir pour se rendre compte, ça ne se saisit pas tout de suite. C'est une espéce de poussière. Vous allez et venez sans la voir, vous la respirez, vous la mangez, vous la buvez, et elle est si fine, si ténue qu'elle ne craque même pas sous la dent. Mais que vous vous arrêtiez une seconde, la voilà qui recouvre votre visage, vos mains. Vous devez vous agiter sans cesse pour secouer cette pluie de cendres. Alors, le monde s'agite beaucoup.»

Georges Bernanos, Journal d'un curé de campagne

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30/06/2011

La structure sociale légaliste

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« La société occidentale s'est choisie l'organisation la plus appropriée à ses fins, une organisation que j'appellerais légaliste. Les limites des droits de l'homme et de ce qui est bon sont fixées par un système de lois ; ces limites sont très lâches. Les hommes à l'Ouest ont acquis une habileté considérable pour utiliser, interpréter et manipuler la loi, bien que paradoxalement les lois tendent à devenir bien trop compliquées à comprendre pour une personne moyenne sans l'aide d'un expert. Tout conflit est résolu par le recours à la lettre de la loi, qui est considérée comme le fin mot de tout. Si quelqu'un se place du point de vue légal, plus rien ne peut lui être opposé ; nul ne lui rappellera que cela pourrait n'en être pas moins illégitime. Impensable de parler de contrainte ou de renonciation à ces droits, ni de demander de sacrifice ou de geste désintéressé : cela paraîtrait absurde. On n'entend pour ainsi dire jamais parler de retenue volontaire : chacun lutte pour étendre ses droits jusqu'aux extrêmes limites des cadres légaux.

J'ai vécu toute ma vie sous un régime communiste, et je peux vous dire qu'une société sans référent légal objectif est particulièrement terrible. Mais une société basée sur la lettre de la loi, et n'allant pas plus loin, échoue à déployer à son avantage le large champ des possibilités humaines. La lettre de la loi est trop froide et formelle pour avoir une influence bénéfique sur la société. Quand la vie est tout entière tissée de relations légalistes, il s'en dégage une atmosphère de médiocrité spirituelle qui paralyse les élans les plus nobles de l'homme.

Et il sera tout simplement impossible de relever les défis de notre siècle menaçant armés des seules armes d'une structure sociale légaliste. »

Alexandre Soljenitsyne, Le Déclin du courage, Discours de Harvard, 8 juin 1978

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29/06/2011

A la berlinoise

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« Quand les chefs sont aussi bornés dans la présomption, aussi épais et aussi intellectuellement infantiles que leur garde du corps, cela ne peut que sombrer dans le ridicule. On vit des prophètes, venus parfois des grandes écoles – le plus souvent du corps de réserve de l’armée – régner sur une bonne dizaine de personne qu’ils faisaient défiler dans les rues en uniforme de fantaisie après les avoir harangués à la romaine ou à la berlinoise, en excommunier la moitié, soupçonner l’autre moitié d’hérésie et se retrouver seul en gardien sourcilleux de leur orthodoxie. Les exclus formaient des groupes dissidents ; et au sein de ces petites Eglises, le même jeu recommençait, engendrant une infinité de sectes, qui se détestaient et de sectaires qui se promettaient mutuellement la potence. Monarques sans sujets, dictateurs sans entourages, maître de partis sans troupes, ils toisaient le monde du haut de leur pyramide sans assise et ils rêvaient dans la solitude de leur caporalisme de sauver l’Europe et l’aryanité. »

Pol VANDROMME, L’Europe en chemise. L’extrême-droite dans l’entre-deux-guerres

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28/06/2011

Ce n’est point une véritable vie que cette perpétuelle agitation des poussières individuelles modernes

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« Non, ce n’est point du mouvement, ce n’est point du mouvement véritable, ce n’est point une véritable vie que cette perpétuelle agitation des poussières individuelles modernes ; ce n’est point une véritable vie que cette vaine, stérile, perpétuelle, poussiéreuse agitation ; ce n’est point du véritable travail ; ce n’est point une véritable égalité que cette uniformité d’inutilité miséreuse. »

Charles PEGUY, Par ce demi-clair matin, Gallimard, Pléiade, t. II

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27/06/2011

Fossiles

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« Les cathédrales considérées comme des fossiles endormis dans nos villes comme sous des sédiments tardifs. Mais nous sommes fort loin de déduire de ces proportions la vitalité qui se conjuguait avec elles et qui les a formées. Ce qui a vécu sous des apparences multicolores et ce qui les a crées, est plus loin de nous que les ammonites de la période crétacée ; et nous avons moins de peine à nous représenter un saurien d’après un os trouvé dans une carrière schisteuse. On pourrait également dire que les hommes d’aujourd’hui regardent ces œuvres comme un sourd voit les formes de violons ou de trompettes. »

Ernst Jünger, Jardins et routes

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26/06/2011

Je crois à tout ce que la foule aujourd'hui nie

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Jean Delville, auto-portrait

Crédo

Je crois à tout ce que la foule aujourd'hui nie
aux puissances du ciel et à l'humanité,
à tout ce qui se vêt de rêve ou de beauté,
à l'esprit éternel, à l'âme et au génie.

Je crois à l'amour pur et à la poésie,
à la calme sagesse, à la simple bonté;
puisque l'Idéal, seul, est la Réalité,
je crois à tout ce qui fait l'ordre et l'harmonie.

C'est qu'en moi, dans mon cœur de candide croyant,
je sens vivre à jamais une force divine.
Le doute n'atteint pas le dieu pur dans l'enfant.

Et c'est parce que tout m'enchante et m'illumine,
que je ne sais point croire aux puissances de l'or,
et que je ne crois pas au néant de la mort !

Jean Delville, Les Splendeurs méconnues


L'ange des Splendeurs, 1894

 


Trésors de Satan, 1895

 

L'Artiste en dérive subit bien souvent de troublantes influences.

 

Lire en ligne, Les Splendeurs méconnues

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Mais nous serons forts, mon âme

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« Oui mon âme, tout cela que tu vois, c’est la vie, tout ce que tu examines en soupirant, c’est la vie. Restons nous deux, cent ans et plus, restons les bras sur la balustrade, le corps appuyé au bastingage, la prudence bien affûtée, restons et résignons-nous. Ne descendons pas dans cette mélopée, ne nous confondons pas à ce bruit d’âmes fausses, de cœurs mangés aux vers, d’esprits vénéneux. Oui, restons ensemble, toi au milieu de moi et moi autour de toi, toi souffrant et moi luttant. Fermons parfois les yeux, essayons de mettre entre la rue et nous, entre les autres et nous, des océans de lyrisme muet, des remparts bourrelés de coton hydrophile. Revenons à pas lents vers les souvenirs de l’école buissonnière, chuchotons tous deux à pas de loup des images glanées dans la lente adolescence. Mon âme, on nous a roulés dans la poussière des faux serments, on nous a promis non pas seulement des récompenses auxquelles nous ne tenions pas, mais des gentillesses, des " myosotis d’amour ". On nous a laissé croire qu’on souriait, qu’on nous aimait, que les mains qui se glissaient dans nos mains étaient propres et sans épines. O glissade des déceptions et des tortures! Il n’y eut jamais pour nous ni justes effusions ni paumes sincères. On voulut même nous séparer, et te briser au fond de moi, mon âme, comme un élixir dans une coquille.
J’ai vu mentir les bouches que j’aimais ; j’ai vu se fermer, pareils à des ponts-levis, les coeurs où logeait ma confiance ; j’ai surpris des mains dans mes poches, des regards dans ma vie intérieure ; j’ai perçu des chuchotements sur des lèvres qui ne m’avaient habitué qu’aux cris de l’affection. On a formé les faisceaux derrière mon dos, on m’a déclaré la guerre, on m’a volé jusqu’à des sourires, des poignées de main, des promesses. Rien, on ne nous a rien laissé, mon âme. Nous n’avons plus que la rue sous les yeux et le cimetière sous les pieds. Nous savons qu’on plaisante notre hymen désespéré. Nous entendons qu’on arrive avec des faux de sang et de fiel pour nous couper sous les pieds la dernière herbe afin de nous mieux montrer le sentier de la fosse.
Mais nous serons forts, mon âme. Je serai le boulon et toi l’écrou, et nous pourrons, mille et mille ans encore, nous approcher des vagues ; nous pourrons nous accouder à cette fenêtre de détresse. Et puis, dans le murmure de notre attente, un soir pathétique, quelque créature viendra. Nous la reconnaîtrons à sa pureté clandestine, nous la devinerons à sa fraîcheur de paroles. Elle viendra fermer nos yeux, croiser nos bras sur notre poitrine. Elle dira que notre amour, tout cet amour qu’on n’a pas vu, tout cet amour qu’on a piétiné, qu’on a meurtri, oui, que notre amour n’est plus que notre éternité.
Alors, mon âme, tandis que je serai allongé et déjà bruissant, tu iras t’accouder à la fenêtre, tu mettras tes beaux habits de sentinelle, et tu crieras, tu crieras de toutes tes forces. »

Léon-Paul Fargue, Haute Solitude

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Pourquoi cette longue bataille mené par l’Eglise contre le plaisir ?

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« Charles Maurras me disait un jour, "Depuis le stupide XIX eme siècle, le quatrième commandement a pris, aux yeux de l’Eglise, une place d'une importance vraiment disproportionnée." Pourquoi l’Eglise tient elle le sexe pour rival ? Veut elle donner asile à toux ceux que le sexe effraie ou déçoit ? »

« Pourquoi cette longue bataille mené par l’Eglise contre le plaisir (sexuel, sensuel, intellectuel même) ?
Il n’y a pas de puritanisme dans les Evangile et le misogynie de St Paul n’explique pas tout. Sans doute le plaisir sensuel, même sous les formes de la danse, du spectacle, des excès de table et de boisson ; apparut-il très tôt comme un rival. C’était une erreur. Les sens et la foi ont des domaines différents. Les sens ne peuvent pas combler le désir de l’absolu. Ce n’était pas de l’interdit jeté sur eux que la religion pouvait attendre sa victoire mais de la déception, de la satiété et de l’insatisfaction qui sont au bout du chemin. »

« Mes bons pères, Messieurs les prêtres des Eglises Chrétiennes, voici donc ce que vous venez de découvrir : la parole divine (a-t-on encore le droit de dire divine ?), la parole divine des Evangiles était bonne, mais elle a été empoisonnée tout prêt de la Source, détournée de son sens par les ratiocinateurs théologiens, par les serviteurs du pouvoir, par les démagogues de l’imagerie pieuse, par l’Eglise historique souillée de toutes les impureté temporelles. Sous la conduite de l’Eglise, le christianisme a dévié très tôt du bon chemin pour aller vers l’imbécillité, la servilités ou le fanatisme. Il a encensé et justifié toutes les tyrannies, il s’est fait tyran lui même, massacreur d’Ariens, de Musulmans, de Juifs, de Cathares, massacreur catholique de réformés , massacreur réformé de catholiques, inspirateur des Dragonnades, bénisseur des bouchers avides Cortès ou Pizarre, complice des commerçants, dispensateur d’opium au peuple, inventeur de faux dogmes, propagateur de toutes mystifications qui ont fait depuis 20 siècles le jeu des possédants et détourné les pauvres de la sainte révolte, fomentateur de guerre et briseur de grève. Vous avez découvert que quand même les créations qui ont fait sa gloire, même à Chartres, même à Cluny – pourquoi ce luxe ? - même à Cîteaux – pourquoi cet ascétisme mutilant ? - même avec St Vincent de Paul et cette charité qui n’est que la plus sournoise façon de refuser la justice, l’histoire de votre Eglise, l’histoire de votre foi n’avait été qu’une longue suite d’erreurs, ou plutôt une seul erreur, une énorme et scandaleuse erreur, la trahison systématique, l’inversion bimillénaire du vrai message évangélique et de ce jeune prophète, barbu comme notre jeunesse, qui fut sans doute crucifié, qui ne ressuscita sans doute pas, de cet annonciateur de Karl Marx venu un peu trop tôt.

Mais, mes bons pères, messieurs les prêtres, cette Eglise. Fourvoyée depuis sa naissance, cette bimillénaire erreur devenu Eglise, c’est elle qui vous a appelés, c’est elle qui vous a donné son enseignement, c’est librement que vous avez choisi d’aller vers elle, c’est elle qui vous qualifie pour parler au monde, elle qui vous a donné vos fonctions, et les titres qui vous confère une autorité particulière. Si vous n’êtes pas de ceux qu’elle a mandaté, vous n’êtes rien, vous n’êtes rien que par elle.

Cet amoncellement, cette montagne de cruautés, de compromissions, d’hypocrisies, de complicité, cette montagne bimillénaire d’erreurs que vous dénoncez aujourd’hui, c’est la chaire d’où vous vous adressez au monde. Si votre Eglise est ce que vous dites, vous êtes vous même discrédité ou du moins sans crédit particulier. Votre parole est celle de n’importe qui. »

Thierry Maulnier

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25/06/2011

Misérable et sans loi

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« Une liberté destructrice et irresponsable s'est vue accorder un espace sans limite. Il s'avère que la société n'a plus que des défenses infimes à opposer à l'abîme de la décadence humaine, par exemple en ce qui concerne le mauvais usage de la liberté en matière de violence morale faites aux enfants, par des films tout pleins de pornographie, de crime, d'horreur. On considère que tout cela fait partie de la liberté, et peut être contrebalancé, en théorie, par le droit qu'ont ces mêmes enfants de ne pas regarder er de refuser ces spectacles. L'organisation légaliste de la vie a prouvé ainsi son incapacité à se défendre contre la corrosion du mal.

L'évolution s'est faite progressivement, mais il semble qu'elle ait eu pour point de départ la bienveillante conception humaniste selon laquelle l'homme, maître du monde, ne porte en lui aucun germe de mal, et tout ce que notre existence offre de vicié est simplement le fruit de systèmes sociaux erronés qu'il importe d'amender. Et pourtant, il est bien étrange de voir que le crime n'a pas disparu à l'Ouest, alors même que les meilleurs conditions de vie sociale semblent avoir été atteintes. Le crime est même bien plus présent que dans la société soviétique, misérable et sans loi. »

Alexandre Soljenitsyne, Le Déclin du courage, discours de Harvard, 8 juin 1978

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24/06/2011

La démission est allée trop loin

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« J’ai bien peur que non. Et cela pour plusieurs raisons. La toute première, c’est que la France n’est plus une société homogène et structurée. Le corps social du pays n’est plus sain. Qu’est ce qu’un corps social sain ? Une population qui sait conserver la mémoire du passé et des combats collectifs qui ont été menés. Ce n’est plus le cas de notre pays. La transmission ne se fait plus et les commémorations les plus solennelles font plutôt rire qu’autre chose. Qu’il s’agisse de la fête nationale, le 14 Juillet, ou du souvenir des deux guerres mondiales, le 11 novembre et le 8 mai, de la guerre d’Indochine, ou de celle d’Algérie, de moins en moins de Français se sentent concernés.
Je souhaite vivre encore dans une société française fière de ses racines et de sa spécificité. Et ce n’est pas une question de couleur de peau. C’est une question d’état d’esprit, d’attitude. Aujourd’hui, défendre l’identité française vous fait souvent suspecter d’être un suppôt du Front national, ce qui n’est absolument pas le cas en ce qui me concerne. J’ai du respect pour un Le Pen, tout comme pour Arlette Laguillier parce que tous deux sont adeptes de ma devise « Être et durer » !
La seule protection réellement efficace qui vaille, c’est de sortir la France de son inertie, de sa surdité et de son aveuglement.
Je ne cesse de l’écrire tout au long de ces pages, la France est entrée dans un processus de déliquescence. J’ai l’impression tenace que, si le cours des choses ne change pas radicalement, le pays va à sa perte. Qu’il est en voie de désagrégation et que ce n’est pas son identité seule qui est menacée, mais bel et bien jusqu’à son existence. Et je le répète, sans craindre de lasser le lecteur, la France va traverser une crise très profonde, à la fois politique, économique et surtout, morale.

C’est donc à un réarmement moral du pays que je veux appeler en rédigeant ces pages, afin de conjurer la menace qui risque de nous engloutir corps et biens. Je pourrais, sur les affaires, rédiger des livres entiers. Mais en résumé, que faut il retenir de ce constat ? Tout simplement que, pour sortir la France de sa torpeur, l’une des toutes premières conditions est de restaurer la morale publique dans le pays.
Morale publique sans laquelle rien ne peut être fait de durable, car les Français n’ont plus confiance dans les hommes qui les gouvernent actuellement. Ils les prennent pour des margoulins et croient que ces responsables politiques pensent d’abord à eux, avant de se soucier du bien commun et du sort de leurs concitoyens.
Nos dirigeants doivent être des gens propres, irréprochables, ce ne sera qu’à cette seule condition qu’on pourra au moins les écouter et les prendre au sérieux.
La démission est allée trop loin, dans tous les domaines, pour que la France n’ait pas besoin d’un choc salvateur, susceptible de lui permettre de retrouver sa vraie vocation. »

Général Bigeard, Adieu ma France

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Redevenir la France

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« Au vingtième siècle, l’Europe aura connu deux régimes résolument antichrétiens : le communisme soviétique et le nazisme allemand. Dans l’ordre du développement économique, du progrès social, de la baisse du taux de chômage, ces régimes obtinrent à leurs débuts de bons résultats, mais rapidement ils tournèrent l’un et l’autre au cauchemar et furent pour les populations qui les subirent une source d’effroyables malheurs, de souffrances indicibles. M. Lénine et M. Hitler devraient, me semble-t-il, nous avoir durablement vaccinés contre la tentation de construire une Europe sans le Christ, un monde dont la transcendance serait exclue, un monde horizontal où la puissance matérielle et la consommation seraient les seuls dieux sur les autels desquels les Européens seraient invités à offrir leurs sacrifices. L’Europe dont nous rêvons est l’Europe de saint Benoît de Nursie et de saint Serge de Radonège, l’Europe de Dante et de Dostoïevski. Pas une Europe qui transformerait les églises en garages, en porcheries, en musées de l’athéisme, et où l’unique religion serait celle du football et du loto.

Le centenaire de la loi de 1905 sur la séparation de l’Eglise et de l’Etat a donné lieu en France à de saugrenues manifestations d’anticléricalisme qui m’ont bien fait rigoler. S’ils se figurent que c’est en criant « A bas la calotte !» place de la République qu’ils vont exorciser le péril de l’impérialisme islamique (tiens, république, islamique, ça rime), nos bouffeurs de curés se fourrent le doigt dans l’œil jusqu’au coude.

Les églises sont vides, c’est un fait. Les chrétiens ont mieux à faire que d’y assister à la messe dominicale (les RTT, les week-end à Deauville ou à Marrakech, la belle vie, quoi). En revanche, les musulmans de France, qui eux ne vont pas au Club Med de Marrakech, réclament des mosquées et ont l’intention de les emplir. Ils les empliront, soyons-en sûrs, ce n’est qu’une question de temps. Pendant la guerre d’Algérie, j’ai vécu à Cherchell, l’antique Césarée. L’église avait été construite avec les pierres d’un temple païen consacré à la déesse Minerve. J’ai connu cette église pleine de fidèles, y compris de parachutistes qui s’y rendaient leur pistolet-mitrailleur en bandoulière. Deux ans après la signature des accords d’Evian, je suis retourné à Cherchell. L’église avait été transformée en mosquée.

Les Français sont, paraît-il, le peuple le plus déchristianisé d’Europe. Eh bien, si nos églises continuent de se dépeupler, elles seront métamorphosées en mosquées, cela ne fait pas un pli. Paris ou Cherchell, même combat. Là où notre Moyen-Âge a bâti la cathédrale Notre-Dame s’élevait un temple consacré à la déesse Isis. Un jour peut-être, comme l’église de Cherchell, comme la cathédrale d’Alger, comme Sainte-Sophie de Constantinople, Notre-Dame de Paris sera transformée en mosquée, et y célèbrera non un archevêque mais un mufti. Ce n’est pas de la science-fiction, c’est de l’histoire.

Et après tout, pourquoi pas ? Minerve, Isis, Jésus-Christ, Allah, les dieux se succèdent, mais l’essentiel n’est-il pas que le parfum des prières et de l’encens continue de s’élever vers le ciel ? Dans un de mes premiers livres, un bref récit intitulé Comme le feu mêlé d’aromates, j’écris : « J’appartiens aux quatre premiers siècles, quand Dionysos et le Ressuscité se disputent le cœur de l’homme » et j’y confesse « ma passion d’accorder Vénus et Jésus-Christ ». Hélas ! Dans la France d’aujourd’hui j’ai l’impression d’être un dinosaure, le survivant d’une espèce disparue, et d’y parler une langue qui n’est plus comprise par personne. Mes compatriotes ont dans une même abjecte dégoulinade renié les dieux du paganisme et le Dieu de l’Evangile, leur héritage gréco-romain et leur héritage chrétien. Tant pis pour eux. Ils ne lisent plus ni Plutarque ni les Pères de l’Eglise ? On leur fera lire Mahomet. Si nous sommes trop fatigués ou trop lâches pour sauvegarder notre foi, notre patrimoine spirituel, nos traditions, notre manière de vivre, eh bien ! de nouveaux dieux prendront la place des nôtres, c’est la règle, et nous n’aurons pas le droit de pleurnicher.

Ce que j’écris là des croyants, je le pense aussi des athées, car si ceux-là ne lisent plus saint Augustin, ceux-ci ne lisent pas davantage Lucrèce, et un prétendu agnostique qui n’a pas sur sa table de chevet le De rerum natura, ce maître livre de mon adolescence, ce compagnon de route de mon âge mûr, est à mes yeux indigne de vivre.

Pendant soixante-dix ans, les communistes soviétiques ont vidé les églises et empli les camps de concentration, tenté de lobotomiser la Russie. Aujourd’hui, pour le peuple russe et l’Eglise orthodoxe le martyre a pris fin. La Russie, retrouvant sa mémoire, a rendu son nom à Saint-Pétersbourg, a réédité Rozanov et Berdiaeff, a rebâti la cathédrale moscovite du Christ-Sauveur, a reçu la dépouille du général Dénikine. La Russie s’est réconciliée avec elle-même. Je souhaite ardemment que la France n’ait pas besoin de faire une expérience comparable à celle de la Loubianka et du Goulag pour rester (ou redevenir) la France. »

Gabriel Matzneff

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23/06/2011

Le combat entre l’homme et Dieu

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Pol Vandromme

« Le combat entre l’homme et Dieu. Quelle que soit la conviction que l’on professe – et pour notre part, nous ne cachons pas que nous sommes catholiques – on doit convenir que c’est un grand sujet et peut-être même le seul sujet vraiment essentiel. Les raisons que l’on a de croire, ou de ne pas croire, sont toujours des raisons décisives, en ce sens qu’elles nous engagent ou qu’elles nous révèlent en profondeur. Les rapports d’un écrivain avec la religion indiquent ce qu’il est et ce qu’il vaut : déterminant les fondements de sa conception de l’existence. Le gros de la littérature contemporaine est si vide et même, ajoutons-le franchement, si misérable parce que le souci religieux lui est étranger. Cette indifférence, cette inculture trahissent l’absence de vie intérieure. Quand nous disons : vie intérieure, cela ne signifie pas que nous entendons par là : vie mystique ou vie religieuse. Que l’on soit agnostique, et même tranquillement fortifié dans son agnosticisme, ce n’est pas cela qui nous étonne. Notre surprise, qui tourne à l’indignation, c’est que tant d’écrivains donnent l’impression qu’ils ne savent pas pourquoi ils le sont, et que cela ne les intéressent pas de le savoir. On dirait qu’ils n’ont jamais réfléchi à ce problème, qu’ils n’ont jamais éprouvé le besoin de l’aborder sérieusement. Nous espérons qu’on nous permettra de le dire : les cris de Nietzsche et de Rebatet sont peut-être préférables à ce silence sinistre qui pèse toujours plus lourdement sur la littérature moderne. Dieu est mort dans certaines âmes parce qu’elles ne se demandent plus s’il existe ou s’il pourrait exister. Les autres, qui répètent le lugubre blasphème, se heurtent quand même, et douloureusement, à une question qui compte. Le trouble qu’ils suscitent, le mal qu’ils peuvent faire – le bien aussi, car leurs œuvres agissent parfois à l’insu de leurs auteurs et dans le sens opposé à celui qu’ils espèrent : Nietzsche par exemple, n’a pas été pour tous ses lecteurs, un professeur d’incrédulité – ce n’est pas cela qui se trouve en cause ; mais leur qualité morale, leur richesse intérieure. Sur ce plan-là, l’incuriosité religieuse est une infirmité plus navrante, et un scandale plus suspect, que le déchainement antireligieux. »

Pol VANDROMME, Rebatet


Lucien Rebatet

 

Voir aussi cet article... chez JLK.

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21/06/2011

Plus scélérate, plus vile que la noblesse dépouillée et que le clergé déchu

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« Plus scélérate, plus vile que la noblesse dépouillée et que le clergé déchu, la bourgeoisie leur empruntait leur ostentation frivole, leur jactance caduque, qu'elle dégradait par son manque de savoir-vivre, leur volait leurs défauts qu'elle convertissait en d'hypocrites vices ; et, autoritaire et sournoise, basse et couarde, elle mitraillait sans pitié son éternelle et nécessaire dupe, la populace, qu'elle avait elle-même démuselée et apostée pour sauter à la gorge des vieilles castes ! [...] Une fois sa besogne terminée, la plèbe avait été, par mesure d'hygiène, saignée à blanc ; le bourgeois, rassuré, trônait, jovial, de par la force de son argent et la contagion de sa sottise. Le résultat de son avènement avait été l'écrasement de toute intelligence, la négation de toute probité, la mort de tout art [...] C'était le grand bagne de l'Amérique transporté sur notre continent ; c'était enfin l'immense, la profonde, l'incommensurable goujaterie du financier et du parvenu, rayonnant tel qu'un abject soleil, sur la ville idolâtre qui éjaculait, à plat ventre, d'impurs cantiques devant le tabernacle impies des banques ! »

Joris-Karl Huysmans, A rebours

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