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16/01/2011

Prostitution au Veau d'Or

=--=Publié dans la Catégorie "Lectures"=--=

« Je l’ai dit depuis longtemps. Il y a le monde moderne. Ce monde moderne a fait à l’humanité des conditions telles, si entièrement et si absolument nouvelles, que tout ce que nous savons par l’histoire, tout ce que nous avons appris des humanités précédentes ne peut aucunement nous servir, ne peut pas nous faire avancer dans la connaissance du monde où nous vivons. Il n’y a pas de précédents. Pour la première fois dans l’histoire du monde les puissances spirituelles ont été toutes ensemble refoulées non point par les puissances matérielles mais par une seule puissance matérielle qui est la puissance de l’argent. Et pour être juste il faut même dire : Pour la première fois dans l’histoire du monde toutes les puissances spirituelles ensemble et du même mouvement et toutes les autres puissances matérielles ensemble et d’un même mouvement qui est le même ont été refoulées par une seule puissance matérielle qui est la puissance de l’argent. Pour la première fois dans l’histoire du monde toutes les puissances spirituelles ensemble et toutes les autres puissances matérielles ensemble et d’un seul mouvement et d’un même mouvement ont reculé sur la face de la terre. Et comme une immense ligne elles ont reculé sur toute la ligne. Pour la première fois dans l’histoire du monde l’argent est maître sans limitation et sans mesure.

Pour la première fois dans l’histoire du monde l’argent est seul en face de l’esprit. (Et même il est seul en face des autres matières.)

Pour la première fois dans l’histoire du monde l’argent est seul devant Dieu.

Il a ramassé en lui tout ce qu’il y avait de vénéneux dans le temporel, et à présent c’est fait. Par on ne sait quelle effrayante aventure, par on ne sait quelle aberration de mécanisme, par un décalage, par un dérèglement, par un monstrueux affolement de la mécanique ce qui ne devait servir qu’à l’échange a complètement envahi la valeur à échanger.

Il ne faut donc pas dire seulement que dans le monde moderne l’échelle des valeurs a été bouleversé. Il faut dire qu’elle a été anéantie, puisque l’appareil de mesure et d’échange et d’évaluation a envahi toute la valeur qu’il devait servir à mesurer, échanger, évaluer.

L’instrument est devenu la matière et l’objet et le monde.

C’est un cataclysme aussi nouveau, c’est un évènement aussi monstrueux, c’est un phénomène aussi frauduleux que si le calendrier se mettait à être l’année elle-même, l’année réelle, ( et c’est bien un peu ce qui arrive dans l’histoire) ; et si l’horloge se mettait à être le temps ; et si le mètre et ses centimètres se mettait à être le monde mesuré ; et si le nombre avec son arithmétique se mettait à être le monde compté.

De là est venue cette immense prostitution du monde moderne. Elle ne vient pas de la luxure. Elle n’en est pas digne. Elle vient de l’argent. Elle vient de cette universelle interchangeabilité.

Et notamment de cette avarice et de cette vénalité que nous avons vu qui étaient deux cas particuliers, (et peut-être et souvent le même), de cette universelle interchangeabilité.

Le monde moderne n’est pas universellement prostitutionnel par luxure. Il en est bien incapable. Il est universellement prostitutionnel parce qu’il est universellement interchangeable.

Il ne s’est pas procuré de la bassesse et de la turpitude avec son argent. Mais parce qu’il avait tout réduit en argent, il s’est trouvé que tout était bassesse et turpitude. »

Charles Péguy, "Note conjointe sur M. Descartes et la philosophie cartésienne", Œuvres en prose complètes, Gallimard, Bibliothèque de la Pléiade

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09/01/2011

Les arabes selon Ibn Khaldoun

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Ibn Khaldoun (1332-1406), déjà, avait très bien perçu le fond mental et psychologique du peuple dont il était issu. Il n'est pas inintéressant de découvrir, pour ceux qui ne les connaissent pas, ces passages tirés de son livre majeur, "Les Prolégomènes - Première partie", ici dans la traduction de W. Mac Guckin de Slane (1801-1878). L'avantage est que ces propos proviennent d'un philosophe musulman dont l'origine familiale provient du Yémen, ce qui m'évitera les accusations faciles de "racisme", etc... dont les tenants de la non pensée se sont fait les spécialistes.

« Nous avons déjà dit que les nations à demi sauvages ont tout ce qu’il faut pour conquérir et pour dominer. Ces peuples parviennent à soumettre les autres, parce qu’ils sont assez forts pour leur faire la guerre et que le reste des hommes les regarde comme des bêtes féroces. Tels sont les Arabes, les Zénata et les gens qui mènent le même genre de vie, savoir, les Kurdes, les Turcomans et les tribus voilées (les Almoravides) de la grande famille sanhadjienne. Ces races peu civilisées, ne possédant pas un territoire où elles puissent vivre dans l’abondance, n’ont rien qui les attache à leur pays natal ; aussi toutes les contrées, toutes les régions leur paraissent également bonnes. Ne se contentant pas de commander chez elles et de dominer sur les peuples voisins, elles franchissent les limites de leur territoire, afin d’envahir les pays lointains et d’en subjuguer les habitants. Que le lecteur se rappelle l’anecdote du khalife Omar. Aussitôt qu’il fut proclamé chef des musulmans, il se leva pour haranguer l’assemblée et pousser les vrais croyants à entreprendre la conquête de l’Irac. « Le Hidjaz, leur disait-il, n’est pas un lieu d’habitation ; il ne convient qu’à la nourriture des troupeaux ; sans eux, on ne saurait y vivre. Allons, vous autres qui, les derniers, avez émigré de la Mecque, pourquoi restez-vous si loin de ce que Dieu vous a promis ? Parcourez donc la terre ; Dieu a déclaré, dans son livre, qu’elle serait votre héritage. Il a dit : « Je le ferai afin d’élever votre religion au-dessus de toutes les autres, et cela malgré les infidèles. » (Coran, sour. IX, vers. 33.) Voyez encore les anciens Arabes, tels que les Tobba (du Yémen) et les Himyérites ; une fois, dit-on, ils passèrent du Yémen en Mauritanie et, une autre fois, en Irac et dans l’Inde. Hors de la race arabe, on ne trouve aucun peuple qui ait jamais fait de pareilles courses. Remarquez encore les peuples voilés (les Almoravides) ; voulant fonder un grand empire, ils envahirent la Mauritanie et étendirent leur domination depuis le premier climat jusqu’au cinquième ; d’un côté, ils voyaient leurs lieux de parcours toucher au pays des Noirs ; de l’autre, ils tenaient sous leurs ordres les royaumes (musulmans) de l’Espagne. Entre ces deux limites tout leur obéissait. Voilà ce dont les peuples à demi sauvages sont capables ; ils fondent des royaumes qui ont une étendue énorme, et ils font sentir leur autorité jusqu’à une grande distance du pays qui était le berceau de leur puissance.

 (...)

Le naturel farouche des Arabes en a fait une race de pillards et de brigands. Toutes les fois qu’ils peuvent enlever un butin sans courir un danger ou soutenir une lutte, ils n’hésitent pas à s’en emparer et à rentrer au plus vite dans la partie du désert où ils font paître leurs troupeaux. Jamais ils ne marchent contre un ennemi pour le combattre ouvertement, à moins que le soin de leur propre défense ne les y oblige.

(...)

Ces nomades y renouvellent leurs incursions, et, comme ils peuvent en parcourir toute l’étendue très facilement, ils s’y livrent au pillage et aux actes de dévastation, jusqu’à ce que les habitants se résignent à les accepter pour maîtres.

(...)

Les habitudes et les usages de la vie nomade ont fait des Arabes un peuple rude et farouche. La grossièreté des moeurs est devenue pour eux une seconde nature, un état dans lequel ils se complaisent, parce qu’il leur assure la liberté et l’indépendance. Une telle disposition s’oppose au progrès de la civilisation.

(...)

Si les Arabes ont besoin de pierres pour servir d’appuis à leurs marmites, ils dégradent les bâtiments afin de se les procurer ; s’il leur faut du bois pour en faire des piquets ou des soutiens de tente, ils détruisent les toits des maisons pour en avoir. Par la nature même de leur vie, ils sont hostiles à tout ce qui est édifice ; or, construire des édifices, c’est faire le premier pas dans la civilisation.

(...)

... par leur disposition naturelle, ils sont toujours prêts à enlever de force le bien d’autrui, à chercher les richesses les armes à la main et à piller sans mesure et sans retenue. Toutes les fois qu’ils jettent leurs regards sur un beau troupeau, sur un objet d’ameublement, sur un ustensile quelconque, ils l’enlèvent de force.Si, par la conquête d’une province par la fondation d’une dynastie, ils se sont mis en état d’assouvir leur rapacité, ils méprisent tous les règlements qui servent à protéger les propriétés et les richesses des habitants. Sous leur domination, la ruine envahit tout. Ils imposent aux gens de métier et aux artisans des corvées pour lesquelles ils ne jugent pas convenable d’offrir une rétribution. Or l’exercice des arts et des métiers est la véritable source de richesses, ainsi que nous le démontrerons plus tard. Si les professions manuelles rencontrent des entraves et cessent d’être profitables, on perd l’espoir du gain et l’on renonce au travail ; l’ordre établi se dérange et la civilisation recule. Ajoutons que les Arabes négligent tous les soins du gouvernement ; ils ne cherchent pas à empêcher les crimes ; ils ne veillent pas à la sûreté publique ; leur unique souci c’est de tirer de leurs sujets de l’argent, soit par la violence, soit par des avanies. Pourvu qu’ils parviennent à ce but, nul autre souci ne les occupe. Régulariser l’administration de l’État, pourvoir au bien-être du peuple soumis, et contenir les malfaiteurs sont des occupations auxquelles ils ne pensent même pas. Se conformant à l’usage qui a toujours existé chez eux, ils remplacent les peines corporelles par des amendes, afin d’en tirer profit et d’accroître leurs revenus. Or de simples amendes ne suffisent pas pour empêcher les crimes et pour réprimer les tentatives des malfaiteurs ; au contraire, elles encouragent les gens mal intentionnés, qui regardent une peine pécuniaire comme peu de chose, pourvu qu’ils accomplissent leurs projets criminels ; aussi les sujets d’une tribu arabe restent a peu près sans gouvernement, et un tel état de choses détruit également la population d’un pays et sa prospérité.

(...)

un Arabe, exerçant un commandement ne le céderait ni à son père, ni à son frère, ni au chef de sa famille. S’il y consentait, ce serait à contre-coeur et par égard pour les convenances ; aussi trouve-t-on chez les Arabes beaucoup de chefs et de gens revêtus d’une certaine autorité. Tous ces personnages s’occupent, les uns après les autres, à pressurer la race conquise et à la tyranniser. Cela suffit pour ruiner la civilisation.

(...)

Voyez tous les pays que les Arabes ont conquis depuis les siècles les plus reculés : la civilisation en a disparu, ainsi que la population ; le sol même paraît avoir changé de nature. Dans le Yémen, tous les centres de la population sont abandonnés, à l’exception de quelques grandes villes ; dans l’Irac arabe, il en est de même ; toutes les belles cultures dont les Perses l’avaient couvert ont cessé d’exister. De nos jours, la Syrie est ruinée ; l’Ifrîkiya et le Maghreb souffrent encore des dévastations commises par les Arabes. Au cinquième siècle de l’hégire, les Beni-Hilal et les Soleïm y firent irruption, et, pendant trois siècles et demi, ils ont continué à s’acharner sur ces pays ; aussi la dévastation et la solitude y règnent encore. Avant cette invasion, toute la région qui s’étend depuis le pays des Noirs jusqu’à la Méditerranée était bien habitée : les traces d’une ancienne civilisation, les débris de monuments et d’édifices, les ruines de villes et de villages sont là pour l’attester.

(...)

les Arabes, ainsi que nous l’avons dit, sont naturellement portés à dépouiller les autres hommes : voilà leur grand souci. Quant aux soins qu’il faut donner au maintien du gouvernement et au bon ordre, ils ne s’en occupent pas. Quand ils subjuguent un peuple, ils ne pensent qu’à s’enrichir en dépouillant les vaincus ; jamais ils n’essayent de leur donner une bonne administration. Pour augmenter le revenu qu’ils tirent du pays conquis, ils remplacent ordinairement les peines corporelles par des amendes. Cette mesure ne saurait empêcher les délits ; bien au contraire, si un homme a des motifs assez forts pour se porter au crime, il ne se laissera pas arrêter par la crainte d’une amende, qui serait pour lui peu de chose en comparaison des avantages que l’accomplissement de son projet pourra lui procurer. Aussi, sous la domination des Arabes, les délits ne cessent d’augmenter ; la dévastation se propage partout ; les habitants, abandonnés, pour ainsi dire, à eux-mêmes, s’attaquent entre-eux et se pillent les uns les autres ; la prospérité du pays, ne pouvant plus se soutenir, ne tarde pas à tomber et à s’anéantir. Cela arrive toujours chez les peuples abandonnés à eux-mêmes. Toutes les causes que nous venons d’indiquer éloignent l’esprit arabe des soins qu’exige l’administration d’un État. Pour les décider à s’en occuper, il faut que l’influence de la religion change leur caractère et fasse disparaître leur insouciance. Ayant alors dans leurs coeurs un sentiment qui les contrôle, ils travaillent à maintenir leurs sujets dans l’ordre, en les contenant les uns par les autres. Voyez-les à l’époque où ils fondèrent un empire sous l’influence de l’islamisme : se conformant aux prescriptions de la loi divine, ils s’adonnèrent aux soins du gouvernement et mirent en oeuvre tous les moyens physiques et moraux qui pouvaient aider au progrès de la civilisation. Comme les (premiers) khalifes suivirent le même système, l’empire des Arabes acquit une puissance immense. Rostem, ayant vu les soldats musulmans se rassembler pour faire la prière, s’écria : "Voilà Omar qui me met au désespoir ; il enseigne aux chiens la civilisation !" »

 

 

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08/01/2011

Conserver

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« Le véritable esprit conservateur est autre chose. Il ne consiste pas à retourner en arrière, mais à remonter jusqu'à la source. Nous ne voulons pas répéter, mais renouveler. Et pour cela nous devons nous placer au centre même du jaillissement de l'histoire, c'est-à-dire au cœur de cette nature humaine et politique qui varie à l'infini dans ses manifestations, mais dont l'essence reste à jamais identique parce qu'elle se situe au-delà du temps. L'accident passe et se démode, l'être subsiste. Et si nous nous tournons souvent vers le passé, ce n'est pas par nostalgie de ce qui n'est plus, mais pour y découvrir, sous le flux des contingences, les linéaments d'une nécessité qui demeure. »

Gustave Thibon

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Soleil Couchant

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« Le dandysme apparaît surtout aux époques transitoires où la démocratie n'est pas encore toute-puissante, où l'aristocratie n'est que partiellement chancelante et avilie. Dans le trouble de ces époques quelques hommes déclassés, dégoûtés, désoeuvrés, mais tous riches de force native, peuvent concevoir le projet de fonder une espèce nouvelle d'aristocratie, d'autant plus difficile à rompre qu'elle sera basée sur les facultés les plus précieuses, les plus indestructibles, et sur les dons célestes que le travail et l'argent ne peuvent conférer. Le dandysme est le dernier éclat d'héroïsme dans les décadences; et le type du dandy retrouvé par le voyageur dans l'Amérique du Nord n'infirme en aucune façon cette idée: car rien n'empêche de supposer que les tribus que nous nommons sauvages soient les débris de grandes civilisations disparues. Le dandysme est un soleil couchant; comme l'astre qui décline, il est superbe, sans chaleur et plein de mélancolie. Mais, hélas! la marée montante de la démocratie, qui envahit tout et qui nivelle tout, noie jour à jour ces derniers représentants de l'orgueil humain et verse des flots d'oubli sur les traces de ces prodigieux mirmidons. »

Charles Baudelaire , "IX. Le Dandy", in Le peintre de la vie moderne

 

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06/01/2011

Engraissement

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« Je ne me lasserai pas de répéter qu’il y a des hommes qui se vantent d’aimer la liberté parce qu’ils en jouissent. Loin de vouloir lui sacrifier quoi que ce soit, ils entendent bien qu’elle leur épargne tout sacrifice, qu’elle leur permette de s’engraisser en paix, et même qu’elle facilite leur engraissement. »

Georges Bernanos, Le lendemain c’est vous

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04/01/2011

Stig Dagerman : Notre besoin de consolation est impossible à rassasier

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Grâce à l'excellent Richard Pinhas, j'ai découvert ce texte habité par une profonde mélancolie, de Stig Dagerman, que je vous invite à découvrir à votre tour si vous le souhaitez.

Notre besoin de consolation est impossible à rassasier  (1952) en fichier PDF...

 

Source d'hébergement...

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01/01/2011

Paul Verlaine : Femme et Chatte

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Elle jouait avec sa chatte,
Et c'était merveille de voir
La main blanche et la blanche patte
S'ébattre dans l'ombre du soir.

Elle cachait - la scélérate ! -
Sous ces mitaines de fil noir
Ses meurtriers ongles d'agate,
Coupants et clairs comme un rasoir.

L'autre aussi faisait la sucrée
Et rentrait sa griffe acérée,
Mais le diable n'y perdait rien...

Et dans le boudoir où, sonore,
Tintait son rire aérien,
Brillaient quatre points de phosphore.

Paul Verlaine

 

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28/12/2010

Hélie de Saint Marc : L'Honneur de Vivre

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A mon jeune Cousin NIKOLA...

 

« QUE DIRE A UN JEUNE DE 20 ANS »

« Quand on a connu tout et le contraire de tout,
quand on a beaucoup vécu et qu’on est au soir de sa vie,
on est tenté de ne rien lui dire,
sachant qu’à chaque génération suffit sa peine,
sachant aussi que la recherche, le doute, les remises en cause
font partie de la noblesse de l’existence.

Pourtant, je ne veux pas me dérober,
et à ce jeune interlocuteur, je répondrai ceci,
en me souvenant de ce qu’écrivait un auteur contemporain :

"Il ne faut pas s’installer dans sa vérité
et vouloir l’asséner comme une certitude,
mais savoir l’offrir en tremblant comme un mystère".

A mon jeune interlocuteur,
je dirai donc que nous vivons une période difficile
où les bases de ce qu’on appelait la Morale
et qu’on appelle aujourd’hui l’Ethique,
sont remises constamment en cause,
en particulier dans les domaines du don de la vie,
de la manipulation de la vie,
de l’interruption de la vie.

Dans ces domaines,
de terribles questions nous attendent dans les décennies à venir.
Oui, nous vivons une période difficile
où l’individualisme systématique,
le profit à n’importe quel prix,
le matérialisme,
l’emportent sur les forces de l’esprit.

Oui, nous vivons une période difficile
où il est toujours question de droit et jamais de devoir
et où la responsabilité qui est l’once de tout destin,
tend à être occultée.

Mais je dirai à mon jeune interlocuteur que malgré tout cela,
il faut croire à la grandeur de l’aventure humaine.
Il faut savoir,
jusqu’au dernier jour,
jusqu’à la dernière heure,
rouler son propre rocher.
La vie est un combat
le métier d’homme est un rude métier.
Ceux qui vivent sont ceux qui se battent.

Il faut savoir
que rien n’est sûr,
que rien n’est facile,
que rien n’est donné,
que rien n’est gratuit.

Tout se conquiert, tout se mérite.
Si rien n’est sacrifié, rien n’est obtenu.

Je dirai à mon jeune interlocuteur
que pour ma très modeste part,
je crois que la vie est un don de Dieu
et qu’il faut savoir découvrir au-delà de ce qui apparaît 
comme l’absurdité du monde,
une signification à notre existence.

Je lui dirai
qu’il faut savoir trouver à travers les difficultés et les épreuves,
cette générosité,
cette noblesse,
cette miraculeuse et mystérieuse beauté éparse à travers le monde,
qu’il faut savoir découvrir ces étoiles,
qui nous guident où nous sommes plongés
au plus profond de la nuit
et le tremblement sacré des choses invisibles.

Je lui dirai
que tout homme est une exception,
qu’il a sa propre dignité
et qu’il faut savoir respecter cette dignité.

Je lui dirai
qu’envers et contre tous
il faut croire à son pays et en son avenir.

Enfin, je lui dirai
que de toutes les vertus,
la plus importante, parce qu’elle est la motrice de toutes les autres
et qu’elle est nécessaire à l’exercice des autres,
de toutes les vertus,
la plus importante me paraît être le courage, les courages,
et surtout celui dont on ne parle pas
et qui consiste à être fidèle à ses rêves de jeunesse.

Et pratiquer ce courage, ces courages,
c’est peut-être cela

"L’Honneur de Vivre" »
 

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« Les adolescents d’aujourd’hui ont peur d’employer des mots comme la fidélité, l’honneur, l’idéal ou le courage. Sans doute ont-ils l’impression que l’on joue avec ces valeurs – et que l’on joue avec eux. Ils savent que leurs aînés se sont abîmé les ailes. Je voudrais leur expliquer comment les valeurs de l’engagement ont été la clef de voûte de mon existence, comment je me suis brûlé à elles, et comment elles m’ont porté. Il serait criminel de dérouler devant eux un tapis rouge et de leur faire croire qu’il est facile d’agir. La noblesse du destin. humain, c’est aussi l’inquiétude, l’interrogation, les choix douloureux qui ne font ni vainqueur ni vaincu.

    Que dire à un cadet ? Peut-être, avec pudeur, lui glisser dans la paume de la main deux ou trois conseils : mettre en accord ses actes et ses convictions ; pouvoir se regarder dans la glace sans avoir à rougir de lui-même ; ne pas tricher, sans doute la plus difficile, pratiquer et tâcher de concilier le courage et la générosité ; rester un homme libre.

    J’ai toujours essayé de récupérer les débris de mon existence pour faire tenir debout mon être intérieur. Même en prison et réprouvé, j’ai cherché à être heureux.  

    Un ami m’a dit un jour : "tu as fait de mauvais choix, puisque tu as échoué". Je connais des réussites qui me font vomir. J’ai échoué, mais l’homme au fond de moi a été vivifié.  


    Je tiens le courage en haute estime car il me semble contenir toutes les autres vertus.  

    Je crains les êtres gonflés de certitudes. Ils me semblent tellement inconscients de la complexité des choses … Pour ma part, j’avance au milieu d’incertitudes. J’ai vécu trop d’épreuves pour me laisser prendre au miroir aux alouettes. 

Ai-je toujours été fidèle ? Ai-je toujours agi selon l’honneur ? J’ai essayé, sans jamais y parvenir entièrement, d’être digne des autres et de la vie. Je ne connais pas de vérité tranquille. Je veux ajouter de la vie aux années qui me restent, témoigner de tout ce qui dure, retrouver la vérité de l’enfant que j’ai été. Simplement essayer d’être un homme. »

Toute une vie

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« Il y a eu un avant : ce jeune homme bravache et courageux à sa manière, policé et ironique, tellement inconscient et adolescent que j’étais en ce matin de septembre où j’ai franchi les trois porches successifs du camp de Buchenwald. Il y a eu un après : ces peaux rasées, ces mains fouillant dans les poches à la recherche de miettes de pain absentes, ces petits pas hésitants, ces visages prématurément ridés, les regards de bêtes affolées… j’ai eu un moment de recul et d’effroi. »

 

« Avant mon séjour dans les camps de concentration, je pensais que le pire venait d’ailleurs. J’ai trouvé le pire chez les autres, mais aussi en moi. Ce n’est pas l’abandon des siens qui est le plus dure à vivre, mais la déchéance de l’homme en soi. C’est la tristesse des déportés. 

Nous n’avions plus de larmes. Les appels au secours dans la nuit restaient sans réponse. L’agonie et les cauchemars, le sifflement des poumons à bout de course, les excréments vidés dans les gamelles ou à même les châlits, tant certains étaient exténués, les corps purulents sans le moindre pansement faisaient partie de notre quotidien. Nous étions des sacs d’os prononçant à peine dix mots par jour.

La pendaison, dans l’imagerie SS, représentait l’exemplarité, l’ordre implacable. La sentence était toujours exécutée avec solennité, devant tous les pyjamas rayés. Plus les SS étaient démonstratifs et moins nous étions impressionnés. Cela ne me faisait même plus d’effet. Arrivé à un tel stade, on ne pense plus. "Je vis encore cet instant", me disais-je, et puis cet autre. Ne pas avoir peur de la mort était le premier commandement du déporté. Sinon, il trébuchait aussitôt tant elle planait autour de nous."Un pendu, me disais-je, et puis cet autre".

Un homme nu, battu, humilié, reste un homme s’il garde sa propre dignité. Vivre, ce n’est pas exister à n’importe quel prix. Personne ne peut voler l’âme d’autrui si la victime n’y consent pas. La déportation m’a appris ce que pouvait être le sens d’une vie humaine : combattre pour sauvegarder ce filet d’esprit que nous recevons en naissant et que nous rendons en mourant.

Toute une vie

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« L’Histoire est un orage de fer, qui hache les hommes comme du bois sec. Après, il faut recueillir les cendres, comprendre, raconter. Les hommes croient trop souvent qu’ils peuvent s’affranchir de ce devoir - oublier serait si facile ! -, mais le passé finit tôt ou tard par revenir à la surface. C’est un poids dans la conscience, un fantôme insaisissable, qui empêche de vivre : il étend, jour après jour, une ombre sur l’avenir. Chaque fois que j’ai dû rencontrer les enfants de mes camarades morts en terre lointaine, j’ai pu sentir leur désarroi. J’ai correspondu avec nombre d’entre eux. J’essaie de retrouver dans ma mémoire des traces de présence, des gestes, des attitudes, un regard. Mais je me sens impuissant et démuni. Les mots sont pauvres quand il faut combler l’absence. Lorsqu’un ami mourait à nos côtés, nous pensions que la vie s’arrêtait net, comme un moteur d’avion qui cale en plein vol ou une plante qu’on arrache de la terre. En fait, une cruche se brisait : des larmes et des parfums se répandaient sur le sol, dont je sais aujourd’hui qu’ils coulent longtemps encore à l’intérieur des enfants. »

« Je me souviens d’une nuit en pays thaï, après un parachutage. L’ennemi avait décroché au bout d’une journée de combat. Nous étions éreintés. Je n’avais pas dormi plus de quatre heures en trois jours. Je suis tombé dans un sommeil sans rêve ni réveil. Quand je suis revenu à moi, le matin s’était levé. Une légère brume tapissait le sol, à la hauteur du mauvais bat-flanc sur lequel j’avais dormi. Immobile, j’ai ouvert les yeux. Des enfants, à demi nus, se sont approchés de moi. Ils m’ont dévisagé, avec de grands yeux étonnés, qui ne cillaient pas en rencontrant les miens. Ils m’apportaient un bol de soupe. Derrière eux, un énorme buffle, sorti tout droit de la préhistoire, avançait lentement, dodelinant de la tête, dédaigneux, comme s’il inspectait son domaine personnel. La joie déferlait en moi, en ondes puissantes. Je ne pouvais pas la contrôler. J’avais l’impression de naître à nouveau. C’était une joie d’une force animale - et pourtant tellement humaine. Un nouveau jour se levait. J’avais failli ne jamais le connaître. On avait voulu me tuer. J’avais sans doute tué d’autres hommes. De l’autre côté de la montagne, des soldats pleuraient leurs camarades, tués par ma faute. Des vies, peut-être admirables, s’étaient arrêtées. Des familles étaient endeuillées pour toujours. L’horreur de la guerre était passée, à laquelle ni moi ni eux ne pouvions rien. La vie suivait son cours éternel, sans se soucier de nous. »

Les sentinelles du Soir

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Hélie de Saint Marc

 

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02/11/2010

De l'origine et de la déviance idéologique du syndicalisme français

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Bénie soit La Crevette qui me remémore ce texte de Jean-François Revel que je connaissais déjà et que je reprends ici avec plaisir...

"On reconnaît ici la théorie selon laquelle seules les « luttes », les grèves, les occupations d’usines, voire les émeutes auraient permis le progrès social, qui n’aurait été obtenu que lorsqu’il était arraché aux propriétaires des moyens de production. Or il s’agit là d’une reconstruction de l’histoire par l’imagination marxiste. Des dizaines d’années avant l’apparition des premiers partis communistes et même des premiers théoriciens socialistes, ce sont les libéraux du dix-neuvième siècle qui ont posé, avant tout le monde, ce que l’on appelait alors la « question sociale » et qui y ont répondu en élaborant plusieurs des lois fondatrices du droit social moderne. C’est le libéral François Guizot, ministre du roi Louis-Philippe qui, en 1841, fit voter la première loi destinée à limiter le travail des enfants dans les usines. C’est Frédéric Bastiat, cet économiste de génie que l’on qualifierait aujourd’hui d’ultralibéral forcené ou effréné, c’est lui qui, en 1849, député à l’Assemblée législative intervint, le premier dans notre histoire, pour énoncer et demander que l’on reconnaisse le principe du droit de grève. C’est le libéral Émile Ollivier qui, en 1864, convainquit l’empereur Napoléon III d’abolir le délit de coalition (c'est-à-dire l’interdiction de faite aux ouvriers de se regrouper pour défendre leurs intérêts), ouvrant ainsi la voie au syndicalisme futur. C’est le libéral Pierre Waldeck-Rousseau qui, en 1884, au début de la Troisième République, fit voter la loi attribuant aux syndicats la personnalité civile. Est-il permis de souligner, tout en le rappelant, que les socialistes de l’époque, de par leur logique révolutionnaire (bien antérieure à l’apparition du moindre parti communiste) manifestaient une violente hostilité à l’égard de cette loi Waldeck-Rousseau ? Car, dissertait Jules Guesde, « sous couleur d’autoriser l’organisation professionnelle de notre classe ouvrière, la nouvelle loi n’a qu’un but : empêcher son organisation politique ». La suite, démentant ce perspicace pronostic, montrera, tout au contraire, que l’une devait favoriser l’autre. Ce sont les grands syndicats ouvriers qui servirent de socle et même de source de financement pendant longtemps au parti travailliste britannique, au parti démocrate américain, au parti socialiste allemand ainsi qu’aux divers partis socialistes réformistes de l’Europe scandinave. C’est aussi dans ces pays, en l’absence presque complète de tout aiguillon communiste, que surgirent et se perpétuèrent les syndicats ouvriers les plus puissants. C’est au contraire dans les pays, et notamment en France, où les partis communistes acquirent un poids politique important qu’ils affaiblirent le syndicalisme à force de l’idéologiser. On le sait, les adhérents syndicaux représentent en France un pourcentage infime de la population active. D’autre part, le syndicalisme français, quelle que soit l’idéologie de ses diverses centrales, en vint rapidement à ne plus défendre que des intérêts catégoriels, essentiellement ceux des agents de la fonction publique et des services publics, travailleurs déjà privilégiés par rapport aux salariés du secteur marchand. Il y a plusieurs décennies que les syndicats français ne remplissent plus les critères de la représentativité définis par la loi au début des années cinquante et en particulier le critère selon lequel un syndicat n’est légitime que s’il peut vivre des cotisations de ses adhérents. Les syndicats français, depuis belle lurette, ne subsistent que grâce aux subventions, directes ou indirectes, de l’Etat, c'est-à-dire grâce à de l’argent soustrait à des contribuables dont l’immense majorité n’est pas syndiquée. Le rôle d’aiguillon du progrès qu’auraient joué les partis communistes ne semblent pas démontrable. On peut même dire que dans bien des cas la présence dans le jeu politique d’un fort parti communiste a ralenti le progrès social au lieu de l’accélérer. Par exemple, à la fin des années cinquante et au début des années soixante, le PCF se mit en tête de défendre avec acharnement la théorie stupide de la « paupérisation absolue » de la classe ouvrière. Et cela au moment même où un décollage économique sans précédent dans l’histoire de France était en train, au contraire, de permettre à la classe ouvrière d’accéder à un niveau d’aisance auquel elle n’aurait même pas osé songer au moment du Front populaire, vingt ans auparavant. En fait, la seule paupérisation absolue de la classe ouvrière que le vingtième siècle nous ait donné l’occasion de contempler, s’est produite dans les pays communistes et seulement dans ces pays."

La grande parade, Jean-François Revel, p 51-52 éditions Plon-pocket , 2000

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12/10/2010

« Mon Rire est une Pensée »

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La Parole est à ma douce Irina...

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Les Belles Lettres ont fait paraître le 16 septembre dernier un volume de plus de 1800 pages, Essais, de Philippe Muray qui regroupe L’Empire du bien, Après l’histoire (tomes 1 et 2) et les quatre tomes des Exorcismes spirituels, le tout enrichi de trois précieux index (index des noms, index des œuvres et index hyperfestif).

Philippe Muray est un auteur que les Belles Lettres affectionnent tout particulièrement depuis 1990, date de parution de l’ouvrage La guerre contre les vandales.
Michel Desgranges, alors éditeur de Philippe Muray aux Belles Lettres, avait connu celui-ci en 1969 et tous deux devinrent rapidement amis.
Mais je laisse parler Michel Desgranges qui lui avait rendu un très bel hommage dans sa chronique du 10 mars 2006 :

« Lorsque je le connus, il avait déjà publié, chez Flammarion, à vingt ans, un premier roman, un roman d'adolescent qu'il expulsa de sa bibliographie et je l'en taquinais, lui disant que ce livre que je désignais sous le titre moqueur de "l'arrière de Suzon" existait malgré son déni, et qu'un jour quelque pensum de thésard l'écraserait de sémiologie. Dans les années soixante-dix, Philippe devint, un temps, sérieux comme le voulait l'époque, un sérieux qui le fit dériver dans la mouvance de Sollers et Tel quel; il publia Chant Plurielet Au coeur des Hachloums chez Gallimard, Jubila, au Seuil, que je n'ai jamais relus depuis qu'il me les offrit mais, que l'on gratte les scories de ce temps, et déjà se dévoile un écrivain majeur. Puis il y eut son Céline et, surtout, Le XIXe siècle à travers les âges, qui connut un véritable succès public ; le temps des errances et expérimentations était fini, et Muray était désormais seulement Muray.

Même si, adolescent, il envisagea d'être peintre, et renonça, il ne voulut jamais être qu'écrivain, non littérateur ou gendelettres – écrivain : un individu qui, chaque jour, reste enfermé chez lui durant un certain nombre d'heures pour exprimer par des mots appropriés ce qu'il a de meilleur à exprimer. Et qui, s'il parle des hommes et de ce qu'ils font, consacre aussi un certain nombre d'heures à s'informer sur cette activité humaine présente, et sur ce qu'elle fut jadis et naguère, et ce qu'il en fut dit. Cela s'appelle aussi un travail. Si ce travail a quelque qualité et quelque hauteur, il trouve des lecteurs, dont le nombre suffit pour encourager l'écrivain à le poursuivre. Mais non, sauf accident, à le faire vivre car l'écrivain, même aux goûts modestes, est un homme qui a besoin de nourriture, d'habits, de toit. Pour qui a de la fortune, ou un emploi qui lui laisse des loisirs, le souci ne se pose pas ; qui en est dépourvu se cherche alors une situation dans le domaine qu'il croit être le sien : la presse littéraire ou l'édition – il devient un professionnel des lettres, et consacre l'essentiel de son énergie à une stratégie d'entr'aide cauteleuse avec ses confrères du même trottoir : "j'écris un bon article sur ton livre et tu en feras écrire un ejusdem farinae sur le mien par un tel dont je sais qu'il te doit un service" ou "je publie avec une grosse avance ton roman (in petto : un roman de merde) et n'oublie pas que tu es juré d'un prix auquel je présente ma dernière œuvre" – rien de tout cela ne se dit à haute voix : cela va de soi. (Quoique... Un jour, Yves Berger, alors grand manitou littéraire de Grasset, m'invita à déjeuner pour me livrer cette confidence : "c'est désolant, Michel, mais nous ne pouvons plus publier que des auteurs qui peuvent nous rendre des services").

Philippe n'avait ni fortune ni emploi à loisirs rétribués et, même si son œuvre lui ouvrait déjà les portes du milieu (au sens d'Albert Simonin) intello-littéraire, sa simple honnêteté, et un élémentaire respect de soi, lui interdisaient d'être un atome, ou une étoile, d'un univers de compromissions constantes, de trahisons et de jalousies, de mensonges et de flatteries hypocrites... Ce qu'il décida fut digne : il fit le choix d'écrire discrètement plus de cent romans policiers populaires assez bêtas et plutôt rigolos (nous nous en amusions souvent) vendus à plusieurs dizaines de millions d'exemplaires (et je pense que tout Français a lu Philippe sans le savoir...) ; cela ne fut pas sans lui coûter de peine, cela lui permit d'être ce qu'il voulait être : un écrivain authentiquement libre. C'est sans hésiter que je révèle ainsi non pas tout, mais l'essentiel, du secret du discret Muray avare de détails, car pour moi qui sais combien il lui eût été, socialement, facile d'être l'une des vedettes médiatiques de la France des lettres, ce choix montre l'honneur de l'homme ; si lui n'en parlait pas, ce n'est pas par quelque honte, mais parce qu'il avait la conviction, fortement exprimée dans son œuvre, que tout individu a le droit fondamental de ne dire sur lui-même que ce qu'il estime pertinent de dire.

Ces dernières années, ce monde que Philippe exécrait finit par le reconnaître, pour les raisons mêmes et de la manière même qu'il a si finement disséquées : il devint de plus en plus régulièrement cité, commenté, exploité par ceux qu'il crucifiait, en partie parce que son talent s'imposait, surtout parce qu'il est dans la nature de ce misérable univers (le vide est un avaleur ...) de s'approprier un opposant – cela lui valut une sorte de reconnaissance qui ne le souilla pas ni ne le fléchit, et il ne se soucia guère que lui fut accolé le cliché de misanthrope réactionnaire. D'autant qu'il n'était ni l'un ni l'autre. Détester une société – la nôtre en l'occurrence – n'est pas exclure d'aimer les hommes ni d'en rencontrer ; Philippe refusait les pitreries et exhibitions médiatiques, mais il avait une vie sociale tout à fait normale — j'entends : dans la norme de tout être humain qu'il soit plombier ou universitaire — et pour de banales raisons d'affinités ou de circonstances, ses relations se trouvaient surtout dans les milieux dits littéraires. C'est à ce misanthrope qui savait fréquenter du monde sans en être prisonnier que je dois d'avoir connu Jean-Edern Hallier (et je vécus avec ce dernier une étonnante et longue comédie picaresque qu'il faudra bien que je conte un jour ), Milan Kundera (et ce fut l'aventure de L'atelier du Roman) et bien d'autres rencontres précieuses. (Sur les rapports de Philippe avec Hallier, cf. son texte sur L'idiot international dans Moderne contre moderne. Quant à réactionnaire... Admirateur inconditionnel de Balzac (à ce propos : il faudra bien voir que la série des Exorcismes spirituelssont la Comédie humaine de la fin et du début de deux millénaires), Philippe ne militait pourtant pas pour le trône et l'autel ; il ne militait d'ailleurs pour rien : il montrait ce qu'était le monde devenu, mais ne demandait pas le retour à un fantasmé ordre aboli ; je n'en dirai pas plus : toute son œuvre est là pour nier l'absurde étiquette.

Retour à la fin des années 80. Après Sollers, Philippe se laissa enjôler par un autre paon, celui-ci alliant miraculeusement l'absence de tout don pour l'écriture à une ignorance encyclopédique, Bernard-Henri Lévy. Et donc furent édités par la bouffonne maison Grasset deux livres de Philippe, Postérité, son premier grand roman (où ses biographes comprendront son refus d'avoir des enfants), et cet essai qui est une merveille d'intelligence, de style, et de compréhension du génie, La gloire de Rubens. Il reçut pour cela d'appréciables à-valoir, et comprit trop tard qu'ils signifiaient qu'on l'achetait, non qu'on voulût vendre ses œuvres. 
Ainsi sommes-nous faits : la sûreté de nos jugements sur l'humanité guide peu notre conduite avec les hommes que nous côtoyons, mais Philippe finit par admettre ce qu'il savait et, — sans éclats, trop bien élevé, je l'ai dit, pour les criailleries rancunières — il se sépara des pipole germanopratins, qui le haïssaient et le craignaient pour être l'écrivain qu'ils ne pouvaient être.

En 1991, je publiai son Empire du Bien où il ridiculisait la domination étouffante des cordicoles. Puis j'ai publié huit autres livres de Philippe, dont On ferme, son roman le plus puissant et le plus maîtrisé. Que fut, pour son éditeur, l'auteur ? Un auteur parfait. Jamais entre nous ne se tint une discussion sur ce qui pollue usuellement les relations auteur/éditeur , les questions d'argent — nous avions une fois conclu un contrat, identiquement renouvelé durant quatorze ans de titre en titre, et cela suffisait pour que le sujet fût clos ; jamais non plus il ne se plaignît, comme tant d'autres, que son nouveau livre ne fût pas en pile dans telle librairie, où ne fît pas le titre de Une des media ni ne téléphonait quotidiennement pour connaître ses ventes du jour ; il écrivait, me remettait un manuscrit typographiquement irréprochable, demandait qu'il fût édité sans fautes et sous la présentation qu'il avait conçue ; ses seuls reproches vinrent de l'étrange incapacité de nos fournisseurs à imprimer ses couvertures de la couleur exacte qu'il avait choisie et indiquée sur le nuancier Pentone — c'étaient des reproches justes.

À la fin du siècle dernier, je l'ai dit, il fut peu à peu intégré à la catégorie socio-culturelle des penseurs-qui-comptent, et son nom était mécaniquement cité dans des listes de bons ou de méchants salués ou conspués par l'intelligentsia, sans la moindre relation de sens avec ses écrits ; heureusement, il se trouva aussi des romanciers et des essayistes, de la génération suivant celle des incultes histrions soixante-huitards terrifiés par la concurrence du talent, qui surent le lire vraiment, comprendre que sa dénonciation de l'envie du pénal et des malfaisantes lubies d'homo festivus décrivent mieux notre société que tout opus de sociologue mondain, et qui, ni jaloux ni envieux, lui accordèrent sans crainte sa place – la première, pour la lucidité, le style, la verve. Il y eut pourtant un rejet. À la place d'un essai, dont nous avions décidé ensemble du thème, et qui devait être une charge contre une grotesque et éphémère fureur médiatique, Philippe me demanda de publier un recueil de poèmes, que lui-même appelait vers de mirliton, précédés d'une préface dans laquelle il règle férocement son compte à la poésie. Cette préface, pourtant substantielle en pages, en savoir intelligent et en densité critique, fut ignorée ; libraires et critiques virent seulement que des lignes n'atteignaient pas la marge – c'était donc de la poésie, qui ne se vend pas (certains commerçants nous retournèrent même le livre, refusant de l'exposer) et dont on ne parle pas (et les media n'en parlèrent pas). Le recueil est Minimum respect— et je remercie François Taillandier de lui avoir rendu justice dans son article sur Philippe ; je n'écrirai pas que c'est mon livre préféré (j'aime également toutes les pages et toutes les phrases de Philippe), même si j'ai pour lui la coutumière tendresse éprouvée pour tout être disgracié/négligé, je dirai seulement que sous cette forme parodique se trouve ce que Philippe a écrit de plus radicalement violent, et, peut-être, de plus réjouissant.

À la mi-février, Philippe m'envoya un disque ; il y récite – chante ? – sur une entraînante et adéquate musique d'Alexandre Josso, treize poèmes de Minimum respect ; il aimait ce projet, il l'a accompli avec sérieux, et en même temps une distance amusée, c'est donc un disque gai – mais en ce jour, à l'écouter, ce n'est pas de la gaieté que je ressens (et, "gaieté", c'est le nom de la rue parisienne où il écrivait...).

Philippe n'était ni un pamphlétaire ni un polémiste ; il était, dans le sens jadis appliqué à Diderot ou Voltaire, un philosophe, projetant la lumière du sens sur un monde d'imposture ; il avait choisi de le faire en provoquant le rire plutôt que l'ennui et de ce choix, qui n'obérait en rien la cohérence et la profondeur de sa pensée, est née une œuvre majeure et unique. Et ce contempteur de la société était un amoureux de la vie et des hommes. »

"Message bien reçu
Et bienvenu
Je ne suis pas déçu
D'être venu"
(Minimum respect)

Michel Desgranges

 

Je remercie quant à moi les Belles Lettres de m’avoir fait connaître Philippe Muray un peu avant tout le monde. Muray qui, dans les années 90 passait quasiment inaperçu, fait aujourd’hui la « une » des journaux, ironique quand on sait que certains journalistes ne le portaient pas vraiment dans leur cœur…

Sébastien Lapaque, dans Le Figaro littéraire :

« On s’étonne évidemment de ce triomphe posthume. Tour à tour et à jets continus, Philippe Muray s’est moqué des féministes, des homosexuels, des avant-gardes, des antiracistes, des jeunes, des antifascistes, de la techno, de Halloween, de la Coupe du monde de football, de l’an 2000 et de tout ce qui pouvait se dire subversif, dérangeant, iconoclaste ou provocateur. Dans la guimauve où nous nous dépêtrons, ce mauvais esprit est un peu « segmentant ». De son vivant, l’écrivain a d’ailleurs souvent eu affaire aux agents de la circulation idéologique. Depuis l’époque glorieuse de L’Idiot international jusqu’à la campagne de Daniel Lindenberg contre les « nouveaux révolutionnaires », il a régulièrement été victime de la loi des suspects. Maintenant qu’il est mort, ses ennemis ont rangé leur fusil, persuadés que le fait de lui survivre leur donnait raison.
Lisez, diffusez l’œuvre de Philippe Muray. »

Merci également à Fabrice Luchini qui lit Muray sans relâche au Théatre de l’Atelier depuis mai 2010 et qui diffuse avec talent la verve et le style de celui qui disait : « Mon rire est une pensée. »

Essais de Philippe Muray figure dans les 10 meilleures ventes d’essais en France.
Chaque soir au théâtre de l’Atelier, se vend une trentaine d’exemplaires des Essais.
Et pour finir, une émouvante anecdote : Anne Sefrioui (la compagne de Philippe Muray) a retrouvé sur la tombe de son compagnon un billet de spectacle qui avait été déposé sous une pierre. Muray fait donc des adeptes et même des apôtres.

« Lisez, diffusez l’œuvre de Philippe Muray ».

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02/09/2010

Free United States Of America

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Pendant que la rentrée sociale s'annonce déjà difficile, ce 2 septembre, pendant que l'islamisation rampante de ce pays nous conduit vers des soubresauts que nos bobos bienveillants se refusent à considérer, et bien entendu, pendant que tout le monde crache sur les USA, ce Grand Satan qui n'est qu'un lieu de perdition consumériste, d'écrasement du faible par le fort (à croire que ni en France ni en Arabie Saoudite le faible ne se fait écraser par aucun puissant... puisque, comme vous le savez, la Justice Divine règne chez nous comme chez les Saoud et que seuls les américains, ces salauds, sont des brutes épaisses et égoïstes), aux USA justement, lentement mais sûrement, s'organise la seule résistance qui vaille et qui est celle du bon sens, de la volonté saine et du conservatisme, vous savez cette notion face à laquelle nos chers déconstructionnistes Gôchistes ne savent sortir que des points godwin.

Comme j'ai repris le travail et que j'ai eu une semaine difficile, je viens juste de découvrir ce fabuleux texte sur le site de Nicomaque, l'époux de LA Crevette. L'ami XP l'a repris sur ILYS et je me suis dit, y'a pas de raison que je ne le reprenne pas non plus ne serait-ce que pour que le texte tourne sur la toile, que la particule circule et que quelques stupides a priori qui ont la peau dure et subsistent avec une rare détermination soient secoués dans leurs stupides fondations.

L'époux de LA Crevette est professeur de Philosophie et voici ce qu'il a à nous dire au retour de sa dernière excursion américaine. Au terme de la lecture de ce texte on a envie de dire à l'anti-américain primaire de base, fut-il Gôchiste Lambda ou souverainiste poussiéreux : "Non mais tu t'es vu ?" Un peu comme notre bon Seigneur Jésus qui conseillait à chacun de s'occuper de la poutre qu'il avait dans l'oeil avant que de rouspéter à propos de la brindille qu'il y avait dans l'oeil du voisin.

Je vous conseille une lecture complète et non pas en diagonale...

Be seeing you...

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Du libre marché en Amérique

 

Echanges entre Daniel Rabourdin* et Damien Theillier*.
Birmingham, Alabama, juillet 2010


* Daniel Rabourdin a fait des études de philosophie à Paris puis des études de journalisme à San Francisco avant de devenir producteur pour la chaîne de télévision catholique internationale EWTN. Il vit en Alabama depuis 15 ans.
* Damien Theillier est professeur de philosophie à Paris et voyage régulièrement aux Etats-Unis.


Tous deux s’intéressent aux transformations de la société américaine.

Sommaire

1. La catastrophe sociale d'un siècle d'étatisme américain.
2. « Do it yourself »
3. Un libéralisme matérialiste et mercantile ?
4. Une société violente ?
5. Les caractéristiques de l’American Way of Life
6. Se libérer du carcan de l’État social
7. Les cobayes de l’Affirmative Action
8. Le homeschooling : un refuge de civilisation
9. Le retour de la Culture avec un grand "C"

1° La catastrophe sociale d'un siècle d'étatisme américain.

Daniel Rabourdin : Depuis 1980, l’Amérique s’est réveillée d’un siècle d’étatisme continu. Depuis 30 ans un retour de balancier s'opère. Pour la première fois quelque chose de décisif s’est passé en Occident : on a fait reculer l'État. Il faut dire que les américains sont allés bien avant nous et bien plus loin que nous dans l'expérimentation des thèses socialistes et soixante-huitardes. Depuis 30 ans, on a sonné la fin de la récréation c’est-à-dire la fin des immunités politiciennes, la fin de l'immunité morale des intellectuels, la fin de l'immunité financière des budgets publics, l'exigence d'efficacité des services publics, la remise à l'économie libre de nombreux secteurs. Dans cette progressive remise sur pieds, l'establishment a été profondément affecté. Les hauts fonctionnaires, les journalistes, les enseignants, les producteurs et les politiciens, comme tout le monde, ont du répondre de leurs actes.

Damien Theillier : Dans les années 60, la gauche entendait amener le paradis sur terre en prenant l'argent des uns pour le donner aux autres. Elle a en fait dégoûté les Américains sur trois points : 1° ils en ont eu assez d'être taxés, 2° ils ont rejeté les orientations que les fonctionnaires avaient décidées sans eux, 3° ils en ont eu assez de voir l'inefficacité des projets entrepris avec leur argent. La prise de conscience a commencé avec la faillite partielle de la ville de New York en 1975 qui a eu l’effet d’une bombe. Par suite, la victoire de la « Proposition 13 » en 1978, adoptée par référendum en Californie, a mis fin à l'augmentation des impôts par le gouvernement sans autorisation populaire. C’est le début de la « révolution conservatrice ».

D. R. : A mesure que les observations des historiens et sociologues du XXème siècle prennent forme, nous savons désormais, de manière empirique, qu’il existe une corrélation entre le « Tout-État » et la misère humaine. Alors qu'en 1960 la majeure partie de l'assistance publique n'existait pas, seulement 2% des enfants blancs et 22% des enfants noirs naissaient hors mariage. En 1991, après les millions de dollars consacrés par les gouvernements, les chiffres des enfants sans foyer unis ont enflé pour atteindre dans chaque communauté 22% et 68%. D'un côté des interventions de l'État, sans cesse en augmentation, de l'autre des maux sociaux en hausse. Accroissement des rouages sociaux étatiques, effacement des réflexes sociaux naturels (parents, amis, famille). La conclusion des sociologues est claire : plus l'État s'insinue dans la vie des gens, plus les mécanismes naturels se grippent et plus leurs difficultés s’aggravent.

D.T. : Pendant toutes ces années, les Américains ont déversé 300 milliards de dollars par an dans l'aide sociale de l'État, sans aucun résultat probant. Comme la sagesse populaire le pressentait, à mesure que les punitions se sont réduites, les crimes se sont accrus. C'est à peu près la même logique qui régit le déclin des connaissances à l’école : plus l'État s'y investi, plus les résultats chutent. Il y a désormais 90 millions d'illettrés aux États-Unis dont la plupart sont pourtant passés par l'école. Mais il sont passés par l’école publique, une école « sympa » mise en place par la gauche dans les années 60 : notes généreuses, égalitarisme des résultats, méthodes globales, mathématiques dites modernes.

2° « Do it yourself »

D. R. : La rébellion est venue d'Américains qui ont voulu remplacer ce « Tout-État » par un « plus de citoyens ». C’est un nouvel état d’esprit qui s’est diffusé. Dans l'aide aux plus démunis, pour prendre un exemple, ces hommes et ces femmes ont voulu enlever le fonctionnaire qui faisait du social, pour y remettre l'ami ou le grand-père qui sont le social. Dans les secteurs où le gouvernement centralisé avait tout normalisé, des Américains se sont aperçus qu’ils pouvaient faire bien mieux, notamment dans les domaines de l'emploi, de l'éducation et de l'aide aux pauvres. Une nouvelle évidence politique a pu se dégager : le gouvernement doit céder de son pouvoir. De plus en plus d'initiatives sociales et politiques ont été prises par des associations de familles, des associations d'entreprises, des syndicats spontanés ou des églises. Ce sont des institutions d'autorité naturelle, des institutions plus proches de l'homme, celles qui sont les plus compétentes à leur niveau.

D. T. : Le revirement de civilisation en Amérique a été surtout visible dans un ras le bol vis à vis de ce « Tout-État ». C’est encore ce ras le bol qui s’exprime aujourd’hui avec le Tea Party, ce mouvement spontané de révolte contre la hausse généralisée des impôts ou la sécurité sociale obligatoire décidée par Obama. Aux Etats-Unis il existe une culture des lobbies, ces groupes de pression par lesquels les citoyens, pour se faire respecter, font entendre constamment et bruyamment leur voix. Un mouvement comme le Tea Party, permet au citoyen de retrouver une plus grande autonomie par rapport à l’establishment. Les grands partis s'en mordent les doigts. Ils aiment « gérer » les masses. C’est pourquoi ce mouvement est systématiquement accusé de populisme, voire de racisme par les partis au pouvoir et par les médias, en France, comme en Amérique d’ailleurs.

D. R. : Les gens n'attendent plus qu'on décide pour eux de ce qu'ils doivent apprendre, de l'information qu'ils doivent recevoir et des films qu'ils doivent aimer. Après la pensée unique, ils ont élaboré une information alternative. EWTN en 1982, puis Fox News en 1996, font partie de ces nouveaux médias qui ont révolutionné le paysage culturel et politique. Après la violence scolaire, ils ont mis sur pied une école à la maison. Désormais, des parents veulent savoir « comment » faire la classe à leurs enfants, des citoyens veulent savoir « comment » faire avancer un projet de loi, des adolescents veulent savoir « comment » être émotionnellement équilibrés. La même tendance à la personnalisation se retrouve dans l'industrie du livre. Les rayons appelés « self improvement » (« s'aider soi-même ») prolifèrent. Chaque semaine en Amérique, des milliers de livres du genre sont vendus.

3° Un libéralisme matérialiste et mercantile ?

D.T. : En Europe, on désigne souvent l'économie libérale comme la cause de tout mal. Le dollar engendre tous les vices. D'innombrables théories sont mises au point pour détourner les Français de ce capitalisme qualifié de « matérialiste », « hédoniste » et « mercantile ». L'intellectuel Européen, qu’il soit conservateur ou progressiste, n’est pas seulement irrité par l’ « american way of life », il la rejette en bloc. Et pourtant, nos ancêtres ont fait eux aussi du commerce. C'est peut-être même lorsque leur commerce marchait le mieux que notre culture était la plus brillante.

D. R. : Aujourd’hui en France, on va jusqu'à diaboliser les professionnels indépendants : ces docteurs, ces pharmaciens, ces cordonniers même, ou ces boulangers. Trop indépendants, trop passionnés par leurs affaires, trop heureux peut-être. On décide donc de les taxer. Pas trop cependant pour qu'ils continuent à aimer leur métier et à verser les impôts qui entretiennent le reste de la société. Les travailleurs « indépendants » et les entreprises sont les vaches à lait méprisées de nos sociétés.

D.T. : Parce que le libre marché fournit des richesses, il permet aussi à la bonté de s'exprimer à travers les œuvres de charité. Parce que le libre marché pousse les individus à se prendre en main, il permet un grand courage de vie et une grande religiosité face au destin.

4° Une société violente ?

D. R. : En France la violence du Tout-État est une forme d’oppression pour les plus modestes. Il y a la police de la pensée : la Halde. Il y a la police du travail : l’Urssaf. Le petit commerçant, n’a pas le droit d’embaucher ou de licencier comme il veut et qui il veut. Il y a la violence syndicale, il y a la violence fiscale, celle qui spolie les riches et qui les désigne à la vindicte publique (pensez à ce qui est arrivé à Madame Bettencourt, première fortune de France, au mois de juillet 2010). Simplement cette oppression est plus ou moins masquée par le fait que la plupart des français aiment ce carcan du « Tout-État » et ne se rendent pas compte que c’est un carcan. Ils y sont habitués, comme un troupeau de moutons suit son berger.

D. T. : Le libre marché est un système social qui encourage d’abord ceux qui vivent vertueusement à continuer à vivre de la sorte. Dans ce système ils auront de fortes chances d'être récompensés. Mais dans ce système, le crime y est aussi fortement découragé par la punition, y compris par la peine de mort. Certes, le taux d’emprisonnement est très élevé aux USA. Huit fois plus élevé qu’en France. Beaucoup dénoncent la cruauté de ce régime, notamment pour les plus pauvres. Mais il faut bien souligner que le crime en Amérique recule depuis les années 90, c’est-à-dire depuis que le laxisme pénal des années 60-70 a pris fin. Il y a un mythe qui est soigneusement entretenu par la gauche autour de cette question de la violence aux USA. La grande majorité des violences commises par armes à feu concerne les règlements de compte entre gangs rivaux et ce sont les pauvres, les familles noires elles-mêmes, qui sont les premières victimes de la criminalité.

D. R. : En Amérique dans la plupart des villes, les fenêtres n’ont pas de barreaux, les portes ne sont pas blindées. Les assureurs ne l’exigent pas, comme en France. Pourquoi ? D’abord parce que les voleurs et les criminels sont en prison aux USA et qu’ils paient le prix pour leurs fautes.

D.T. : Alors qu’en France, avec le jeu des libérations anticipées, des programmes de réinsertion et l’indulgence des juges, il y a peu de chance de se retrouver en prison. Quand elles ne sont pas prononcées avec sursis, les peines sont divisées par deux. Le plus souvent elles ne sont pas exécutées. Résultat ? Tout le monde a peur et se barricade. Les maisons deviennent des prisons. On sait que les voleurs et les criminels sont en liberté dans la nature.

5° Les caractéristiques de l’American Way of Life

D. R. : Il y a dans ce milieu américain, si empreint de liberté, des attributs que l'homme juste peut relever : la courtoisie dans le service, une propension au contact humain et à la vie, une joie partagée et un bonheur sans complexe. Le dynamisme, le sourire et l’entrain des américains contrastent avec l’ennui, la grisaille et le « je-m'enfoutisme » de beaucoup de Français. Il y a aussi l'inventivité continuelle des hommes et des femmes de cette société. Pour celui qui n'y est pas accoutumé, c'est même une anomalie. Comment se fait-il qu'avec si peu de culture (d'après ce qu'on dit !), la population de ce pays fournit au monde tant de nouveaux produits et de nouvelles techniques mais aussi tant de nouvelles vertus ?

D.T. : C'est aussi un état d'esprit qui n'a rien à voir avec le mode de vie étatisé des Français. En Amérique, les hommes et les femmes ont l'initiative de leur vie. Ils sont libres de mener leur vie comme ils l'entendent, dans la mesure où ils ne commettent pas de crimes. Là-bas, il y a beaucoup moins d’obstacles à l’action individuelle que partout ailleurs. Il y a des balises, des zones rouges certes, mais pas de rail pour dire comment on doit faire les choses. Chacun peut faire son chemin en sachant qu’il doit rendre des comptes s’il franchit la zone rouge du respect d’autrui.

D. R. : Le libre marché n’est pas un système théorique, ni une idéologie, c’est la vie. Et la vie est imprévisible mais c’est ce qui fait qu’elle est belle. Vouloir tout planifier à l’avance, c’est tuer le mystère, la surprise. Les sociétés qui laissent s’épanouir cette vie, qui laissent l’intelligence développer sa créativité, sont des sociétés qui avancent. Le progrès vient de ces sociétés. Si une société veut planifier l’innovation elle ne réussit qu’à la stériliser. Planifier l’innovation est une contradiction. L’innovation c’est ce qui est imprévisible, ce qui surgit de la recherche, de l’observation, des besoins. Quel fonctionnaire aurait été capable d’inventer l’Internet ?

6° Se libérer du carcan de l’État social

D. T. : L’État fournit un cadre juridique qui permet d’arbitrer les conflits. Mais il ne doit pas décider de la taille des prises de courant. L’État qui prétend faire le bonheur des gens à leur place avec leur argent, l'État qui prétend éduquer les enfants à la place des parents, qui prétend connaître quels légumes on doit manger et quels films on doit voir est un carcan dont il faut se libérer.

D. R. : L’Etat social est censé protéger les gens mais il les emprisonne en anéantissant toute forme de responsabilité et d’initiative individuelle. On ne se sent pas concerné par les besoins d'autrui. On s'attend à ce que l'État s'occupe des sans-emploi, à ce qu'il loge nos grands-parents et offre l'argent pour payer les cartables de la rentrée. On ne le fait plus de soi-même. Un vrai retour à nos responsabilités passe par la possibilité de reprendre à l'État l'initiative dans nombre d'activités humaines. Et cela passe nécessairement par la possibilité des citoyens de placer leur argent dans les œuvres qu'ils veulent. C'est la solution, non seulement en matière de prévention du crime mais aussi en matière d'éducation, de politique des naissances et de chômage. Dans tous ces domaines, la situation demande que l'État recule et que l'homme avance.

D.T. : Laisser plus de liberté aux gens, c’est d’abord leur laisser une plus grande partie du fruit de leur travail et réduire ainsi les taxes énormes qui amputent leurs salaires. Mais réduire les impôts, c'est nécessairement aussi réduire les activités du gouvernement. Car si l'on veut réduire ses rentrées d'argent, il faut réduire ses sorties, ses dépenses. Cela veut dire réduire les programmes gouvernementaux, laisser à la nation réelle l'occasion de reprendre l'initiative qui lui avait été confisquée.

D. R : L'énergie d'une nation peut être absorbée par l'État... ou par la population. Si elle reste dans la population, elle est en général plus efficace, mieux répartie et plus productive. Une fois l'État ramené à ses fonctions de base, une fois débouté des autres secteurs de la vie, il devient possible de redonner aux mécanismes naturels de solidarité toute leur place. La question n'est donc plus de savoir comment l'État peut remplir ses tâches mais plutôt si ces tâches doivent bien être remplies par lui.

7° Les cobayes de l’Affirmative Action

D. T. : Le discours dominant de « l'industrie sociale » pendant un siècle a été premièrement que le pauvre était une victime et deuxièmement que celui qui devait le secourir était l'État. Premiers bénéficiaires, de la politique sociale étatique, les noirs en ont été aussi les premières victimes. En Amérique les noirs sont parmi les plus pauvres mais paradoxalement beaucoup de leurs intellectuels sont les plus ardents accusateurs de ce Tout-État. C’est le cas par exemple de Thomas Sowell. Selon Sowell, après avoir souffert de l'esclavage, les noirs ont été, en Amérique, les principaux cobayes des expérimentations sociologiques du XXème siècle : emplois assurés, santé surveillée, hébergement bon marché, intelligences prises en charge par l'école publique et les programmes sociaux pour jeunesse à risque. Aujourd'hui, les noirs réalisent que cette pitance bureaucratique est peut-être ce qui leur a fait le plus de mal : 70% des prisonniers en Amérique sont noirs, 68% des enfants naissant hors du mariage le sont aussi. (Voir aussi ici)

D. R. : Veut-on tuer un peuple ? Tuons son âme ! Pour cela épargnons-lui la peine de mettre en œuvre ses forces intérieures (dans le labeur, dans la création d'entreprises, dans la responsabilité parentale, dans la solidarité). Épargnons-lui, en somme, la peine de se prendre en charge, donnons-lui gratuitement ce dont il a besoin : logement ou allocations. Bientôt nous aurons éteint ce qu'il y a de plus vital en lui, non pas le corps mais la flamme intérieure. On a vu cela dans les pays de l'Est, on retrouve ce même regard éteint chez les noirs des ghettos, dans les réserves indiennes d'Amérique et, plus près de nous, chez les chômeurs à long terme. La vraie prise en charge des plus défavorisés passe nécessairement par l'effacement de l'État car l'État déséquilibre l'écologie de l'entraide. Il n'a aucune exigence à l'égard des bénéficiaires, il coûte plus cher et absorbe les revenus des citoyens qui auraient autrement donné de leur attention, une attention plus efficace.

8° Le homeschooling : un refuge de civilisation

D. T : Initialement d'origine protestante et religieuse, le mouvement du homeschooling gagne des familles de tous les milieux, y compris parmi les immigrants. Aujourd’hui on estime à deux millions le nombre d’enfants scolarisés à la maison. Un sondage réalisé par le Département de l'Éducation en Floride a montré que les 3/4 des parents enseignants à la maison le font à cause des niveaux scolaires désastreux de l’école publique et d'une ambiance malsaine. C’est aussi une alternative pratique au coût parfois prohibitif des écoles privées.

D. R. : Dans une société où les structures étatiques ne défendent plus de valeurs culturelles traditionnelles, les familles font un effort personnel pour retrouver leurs racines. Une fois qu'elles ont repris le contact, elles ne veulent plus voir leurs enfants retourner au « grand vide ». Par la force des choses, elles sont incitées à éduquer leurs enfants chez elles. Cela semble un mouvement de fond, inévitable pour les années qui viennent. Après tout, là encore, pourquoi donc serait-ce au gouvernement de décider ce que doivent savoir les enfants ?

D. T. : Les écoles à la maison protègent les enfants de professeurs qui œuvrent délibérément contre les valeurs de leurs parents. Face aux éducateurs sociaux, face aux instituteurs, parfois même face aux clercs, les écoles à la maison remettent à jour une priorité : les parents sont les premiers éducateurs de leurs enfants. Cette mise à l’écart des enfants au sein du foyer est indispensable pour leur permettre de cultiver leur propre identité. Naturellement cet isolement ne doit durer qu’un temps.

D. R. : Le père Joseph Fessio, théologien de réputation mondiale, a jeté sur le sujet un éclairage historique : « L'école à la maison est un signe d'espoir. En Europe, au temps des invasions, les moines abritèrent la civilisation pour un temps. Lorsque le calme fut revenu, la société médiévale put s'épanouir, en ressortant des bibliothèques de ces moines toutes les connaissances préservées. Pour moi, à l'aube du troisième millénaire, ces milliers d'écoles à la maison sont les monastères d'un monde troublé. Elles vont abriter les prochaines générations et des êtres formés ressortiront quand le calme sera revenu. Les maisons-écoles sont les graines de tout possible renouveau ».

9° Le retour de la Culture avec un grand "C"

D. R. : Ces dernières années aux Etats-Unis, ont vu se dérouler trois grandes révolutions culturelles : 1° le homeshooling qui a permis de briser le monopole de la caste enseignante,
2° Les talk-show hosts (Rush Limbaug, Glenn Beck) qui ont bousculé l'hégémonie des journaux de 20 heures, avec leur style direct, sans langue de bois, 3° l'Internet, enfin, qui a permis aux individus d'échanger l'information sans passer par les agences de presse. L'information numérique a notamment permis à la nation réelle (syndicats professionnels, entreprises, associations de familles ou œuvres de charité) de se passer de la nation artificielle (médias, partis idéologisés, entreprises publiques).
Ces trois éléments qui vont puiser dans la population, et non dans l'establishment, la matière des idées nouvelles, ont réussi à provoquer un appel d'air favorable à une nouvelle culture, pluraliste et populaire. La population étant plus variée que les quelques centaines de créateurs "accrédités", une réelle diversité a pu en effet émerger aux Etats-Unis.

D. T. : En regardant ce qui s’est passé aux Etats-Unis et ce qui continue de se passer avec le Tea Party, je me dis qu’il reste heureusement en France quelques raisons d’espérer. Jusqu’à aujourd’hui, l’opinion publique était façonnée par la classe médiatique et culturelle, opposée aux valeurs de la société civile. Aujourd'hui, les règles du jeu commencent à changer. Les élites au pouvoir sont discréditées, les intellectuels ont perdu leurs privilèges, la presse est en faillite. Le moment est venu pour la société civile de s'engager sans complexe dans la formation de l’opinion publique pour influencer le pouvoir. Elle peut le faire à travers des référendums spontanés, des pétitions, des boycotts, des blogs, des manifestations actives, des créations artistiques, des think tanks…

D. R. : Un retour de la population dans la maîtrise de l'économique et du social, ainsi qu’un renvoi de l'Etat à son rôle d'arbitre, constituent en effet le seul terrain favorable à l’émergence d’une culture populaire et d’une vraie liberté.

D. T. : On retrouve ainsi un principe évident : plus le gouvernement laisse les citoyens se gouverner eux-mêmes, mieux il gouverne. C’était l’idée de Jefferson : « Gouverner mieux c’est gouverner moins ». Et le pouvoir ne peut le faire qu’en rendant au peuple l'initiative de la vie économique, de la vie culturelle et de la vie sociale. Il le fait quand il se cantonne à ses vraies responsabilités : celles de l'arbitrage à l'intérieur du territoire et de la paix à l'extérieur.


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"Southern Pacific"

Down the mountainside
To the coastline
Past the angry tide
The mighty diesel whines.

And the tunnel comes
And the tunnel goes
Round another bend
The giant drivers roll.

I rode the Highball
I fired the Daylight
When I turned sixty-five
I couldn't see right.

It was Mr. Jones,
We've got to let you go
It's company policy
You've got a pension though.

Roll on, Southern Pacific
On your silver rails
On your silver rails
Roll on, Southern Pacific
On your silver rails
Through the moonlight.

I put in my time
I put in my time
Now I'm left to roll
Down the long decline.

I ain't no brake man
Ain't no conductor
But I would be though
If I was younger.

Roll on, Southern Pacific
On your silver rails
On your silver rails
Roll on, Southern Pacific
Roll on, on your silver rails.

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17/08/2010

L'héritage de l'Islam... par Maurice G. Dantec

=--=Publié dans la Catégorie "Lectures"=--=

 

Tiré du troisième pavé du Journal de Maurice G. Dantec, Le Théâtre des Opérations, 2002-2006, American Black Box, le long texte que je vous donne ici est à lire de bout en bout. Les notes données en fin de texte sont celles-là mêmes que Dantec attribue au site internet "Réfractaires" qui malheureusement n'existe plus, et la note n°: 2 renvoie à un lien internet qui ne fonctionne plus non plus. Pour le reste, ce sont des références tirées de livres. Je vous donne néanmoins ces notes telles quelles. Afin de permettre au lecteur d'approfondir par lui-même ce qu'il lit, j'ai mis des liens sur les noms propres essentiels ou sur les notions importantes chaque fois que cela m'a été possible. C'est moi qui ai souligné certaines parties du texte quand j'ai estimé qu'il était bon d'appuyer ce qui y était dit. Bonne lecture.

 

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"Retrouvé sur le site Réfractaires :

L’islam a permis de développer une civilisation riche, basée sur la spiritualité.

Les Arabes et les musulmans sont apparus sur la scène du monde en 630 P.C. Quand les armées de Muhammad ont commencé leur conquête du Moyen-Orient il s’agissait d’une conquête militaire, utilisant la force, et non d’une entreprise de missionnaires. Elle avait été autorisée par une déclaration de Jihad contre les « Infidèles » que les musulmans pouvaient convertir et assimiler de force.
Très peu de communautés indigènes du Moyen-Orient ont survécu à ces invasions, comme cela a été le cas des Assyriens [1], des Juifs, des Arméniens et des Coptes d’Égypte.
Par la conquête du Moyen-Orient, les Arabes ont placé ces communautés sous un système de dhimmitude (voir Islam and Dhimmitude, de
Bat Ye’Or), où les communautés ont été considérées en tant que minorités religieuses (chrétiens juifs et zoroastriens). Ces communautés ont dû payer un impôt (appelé un Jizzya en arabe) qui était, en fait, une pénalité pour être non musulman, et qui se montait, en général, à 80% en période de tolérance et jusqu’à 150% en période d’oppression. Cet impôt avait été conçu pour forcer ces communautés à se convertir à l’islam.

Les architectes arabes ont conçu des bâtiments défiant les lois de la pesanteur.

Les lignes de l’architecture arabe comprennent de nombreux dômes et voûtes.
Les progrès scientifiques nécessaires à ces réalisations sont fréquemment attribués aux Arabes. Pourtant, cette percée architecturale, fondamentale pour employer une forme parabolique au lieu d’une forme sphérique dans ces structures, a été faite par les Assyriens, plus de mille trois cents ans plus tôt, comme démontré par les sources archéologiques.
Un exemple frappant : Sainte-Sophie de Constantinople a été inaugurée en 537. Elle se caractérise par une gigantesque coupole haute de 56 mètres et de 32 mètres de diamètre. Elle fut transformée en mosquée en 1453. Elle représentait un défi architectural pour les musulmans. Plusieurs architectes turcs furent exécutés pour n’avoir pas réussi à égaler Sainte-Sophie.
Le plus grand architecte ottoman,
Koca Mimar Sinan (1491-1588), un janissaire (chrétien d’origine, converti de force à l’islam pour devenir soldat d’élite), écrit dans ses mémoires : « Les architectes de quelque importance en pays chrétiens se prétendent bien supérieurs aux musulmans, parce que ceux-ci n’ont jamais rien réalisé qui puisse se comparer à la coupole de Sainte-Sophie. Grâce à l’aide tu Tout-Puissant et à la faveur du Sultan, j’ai néanmoins réussi à bâtir, pour la mosquée du sultan Selim, une coupole dépassant celle de Sainte-Sophie de quatre aunes pour le diamètre et de six pour la hauteur. » En réalité, il se trompait (volontairement ?) dans ses dimensions. De plus, il avait atteint ce résultat en insérant d’inesthétiques barres de fer horizontales dans le creux des arcades des demi-coupoles latérales, afin de neutraliser les poussées latérales provoquées par la grande coupole. La mosquée de Selim à Edirne, jamais surpassée ultérieurement par un architecte musulman, fut terminée en 1575, plus d’un millénaire après Sainte-Sophie ! Il fallut deux fois plus de temps pour la construire que pour terminer son modèle.

Sainte Sophie, Constantinople

Les mathématiciens arabes ont créé l’algèbre et les algorithmes qui ont permis l’avènement de l’informatique.

Les bases fondamentales des mathématiques modernes ont été établies, non pas des centaines mais des milliers d’années avant l’islam, par les Assyriens et les Babyloniens qui connaissaient déjà le concept de zéro, le théorème de Pythagore, ainsi que de nombreux autres développements.
D’autre part, la mathématique indienne se manifeste brillamment dès le ve siècle avec
Aryabhata, premier grand mathématicien et astronome indien, et apparaît indépendante de celle des Grecs. Un autre mathématicien indien, Brahmagupta, est sans doute le premier, dans des calculs commerciaux, à user des nombres négatifs pour signifier les pertes et les profits et à les utiliser en algèbre en énonçant la règle des signes [2]. Il emploie dans ses calculs les chiffres décimaux (graphisme très proche de nos chiffres actuels dits « arabes ») et principalement le zéro dont l’apparition en Inde, tout particulièrement dans l’œuvre de Brahmagupta, est un pas de géant en algèbre [3].
L’Inde subira les invasions musulmanes et les Arabes adopteront les travaux des mathématiciens indiens. C’est ainsi que ces importants travaux indiens en mathématique, que les musulmans se sont appropriés
[4], seront transmis par les Arabes (Maures) lors de leurs invasions en Andalousie (sud de l’Espagne). Les chiffres de notre système décimal (1 à 9) dits « arabes » ne furent introduits en Europe que vers l’an 1000.

Les savants arabes ont étudié le corps humain et ont découvert de nouveaux traitements.

Une écrasante majorité de ces médecins (99%) étaient des Assyriens. Aux ive, ve et vie siècles, les Assyriens ont commencé une traduction systématique des connaissances grecques en assyrien. D’abord, ils se sont concentrés sur les travaux religieux, mais ensuite la philosophie et la médecine. Socrate, Platon, Aristote, Galien et beaucoup d’autres ont été traduits en assyrien, et de l’assyrien en arabe. Ce sont ces traductions arabes que les Maures ont apportées avec eux en Espagne, que les Espagnols ont traduites en latin et ont diffusé dans l’ensemble de l’Europe, induisant la période de la Renaissance.
Dès le vie siècle, les Assyriens avaient commencé à exporter de nouveau à Byzance leurs propres travaux sur la science, la philosophie et la médecine. Dans le domaine de la médecine,
la famille assyrienne de Bakhteesho a produit neuf générations de médecins et a fondé la grande école médicale de Gundeshapur (Iran). En outre, dans le secteur de la médecine, le manuel de l’Assyrien Hunayn-Ibn-Ishaq sur l’ophtalmologie, écrit en 950, est resté le manuel de référence sur le sujet jusqu’en 1800.
Dans le domaine de la philosophie, le travail assyrien du
philosophe Edessa a développé une théorie de physique qui a rivalisé avec la théorie d’Aristote et qui a cherché à remplacer la matière par des forces (mécanique quantique).
Un des plus grands accomplissements assyriens du ive siècle a été la fondation de la première université au monde,
l’école de Nisibis, qui a eu trois départements : théologie, philosophie et médecine. Elle est devenue un aimant et un centre du développement intellectuel dans le Moyen-Orient. Les statuts de l’école de Nisibis, qui ont été préservés, sont devenus le modèle sur lequel la première université italienne a été établie [5]. Quand les Arabes et l’islam ont envahi le Moyen-Orient en 630, ils ont rencontré six cents ans de civilisation chrétienne assyrienne, avec un héritage riche, une culture fortement développée, et des établissements d’études avancés. C’est cette civilisation qui est devenue la base de la civilisation arabe.

Les astronomes arabes ont étudié le ciel, nommé les étoiles, et préparé le terrain à l’exploration de l’espace.

En fait, ces astronomes n’étaient pas des Arabes mais des Chaldéens et des Babyloniens (sud de l’Irak actuel) qui, pendant des millénaires, ont été des savants réputés. Ces peuples ont été arabisés et islamisés de force, tellement rapidement que, dès le viiie siècle, ils avaient disparu complètement.
Autre exemple :
« En l’année 156 (722 apr. J.-C.)
le calife Al-Mânsûr reçut en audience un homme originaire de l’Inde, qui connaissait à fond le calcul appelé "Sindhind", relatif aux mouvements des étoiles. Cet homme avait, de plus, avec lui, dans un livre comprenant douze chapitres, des équations astronomiques faites au moyen de sinus droits calculés à un quart de degré près, des procédés divers pour prédire l’avenir d’après les éclipses solaires et lunaires et les ascensions des signes zodiacaux, etc. Il disait que c’était là le résumé des sinus astronomiques attribués à un monarque indou appelé Kabagar, calculés à une seconde près.
Al-Mânsûr ordonna de traduire ce livre en arabe et d’en tirer un traité que les Arabes prendraient comme ouvrage fondamental dans l’étude des mouvements stellaires.
Muhammad al-Fazârî se chargea de ce travail et tira de ce livre l’ouvrage connu chez les astronomes, sous le titre d’As-Sindhind al Kabîr (‘’le Grand Sindhind’’) : ce mot signifie en sanscrit ‘’temps infini’’. Les savants de cette époque se servirent de ce traité jusque sous le règne d’al-Ma’mûn. À ce moment, al-Khwarizmi en fit un abrégé pour ce prince et en tira sa table fameuse dans tout le monde musulman. »
(Source : traduction de Les catégories des nations, de l’écrivain du xie siècle
Saïd).

La dette de la civilisation occidentale vis-à-vis de l’islam.

Cette interprétation de l’histoire résulte des recommandations issues en septembre 1968 par « l’Académie de Recherche islamique ». Cette conférence recommande la publication détaillée, en plusieurs langues, de la mise en évidence de la civilisation islamique, en ce qui concerne les Droits de l’Homme, et de la comparer avec la civilisation occidentale. La conférence recommande la préparation d’une études historique et scientifique expliquant l’impact de la civilisation musulmane et son enseignement sur les mouvements politiques, sociaux et religieux en Occident, depuis la Renaissance [6].
Par conséquent, de nombreux travaux ont été publiés, tout au long de ces dernières vingt années, par de distingués spécialistes de la culture arabe, qui magnifient la contribution islamique à la civilisation européenne.
Pour les musulmans, si la culture étrangère ne peut pas être détruite, elle est appropriée, et les historiens révisionnistes prétendent qu’elle est et était arabe, comme c’est le cas de la plupart des « accomplissements » arabes cités ci-dessus. Par exemple, les textes arabes d’histoire au Moyen-Orient enseignent que les Assyriens étaient des Arabes, un fait qu’aucun savant chercheur n’affirmerait, et qu’aucun Assyrien vivant n’accepterait.
Toute contestation du principe de supériorité islamique par les dhimmis, que ce soit par l’émancipation ou par la libération de leur pays, constitue un blasphème et une source amère d’humiliation et de rancœur. Et ce même comportement répétitif a continué d’exister après que l’oumma, avec ses propres philosophes et intellectuels, a développé une brillante civilisation.
L’un des principes de base de l’islam est enraciné dans le dogme de perfection de l’oumma, perfection qui la lie à l’obligation sacrée de diriger le monde entier.
Tout emprunt à une autre civilisation est interdit, puisque la perfection n’emprunte pas de l’imperfection sans s’abîmer elle-même. Les musulmans sont donc engagés dans une campagne de destruction et d’appropriation des cultures et des communautés, des identités et des idées. Partout où cette population rencontre un non-musulman, l’exemple de la destruction des statues bouddhistes en Afghanistan, ou de celle de Persépolis, par l’Ayatollah Khomeyni. C’est un modèle de comportement qui s’est inlassablement reproduit, depuis l’arrivée de l’islam, il y a mille quatre cents ans, et qui est amplement décrit dans les sources historiques.

Il est hors de doute que la civilisation islamique, telle que nous la connaissons, n’aurait tout simplement pas existé sans héritage grec [7].
Les traducteurs étaient principalement des chrétiens
[8].
Comme le rappelle
Ibn Khaldun, les Arabes n’ont pas joué un rôle important dans le développement des connaissances scientifiques de l’islam : « Il est étrange que, à de très rares exceptions, les musulmans qui ont excellé dans les sciences religieuses et intellectuelles ne sont pas des Arabes… »
La science dans l’islam n’est pas restée exclusivement aux mains des musulmans, même après l’arabisation. La contribution des chrétiens et des juifs était si active que le fons vitae d’
Ibn Gabirol (Avicebron) passait pour le travail d’un musulman, jusqu’au xixe siècle, quand Munk découvrit que son auteur était juif [9].

Je suis, pour ma part, en train d’étudier une histoire des sciences arabes en trois volumes et je constate en effet :
1) que les sources indiennes, chaldéo-babyloniennes, assyriennes, grecques, perses, égyptiennes, voire juives, de la science arabe ne peuvent être contestées, même par des historiens arabo-musulmans. Vers l’an 600, les Arabes pré-islamisés n’étaient encore qu’un peuple de Bédouins et de marchands. On ne note la présence d’aucun fait marquant dans le domaine des sciences qui puisse venir d’Arabie avant la grande conquête du viie siècle, et disons même plutôt avant celle des premières dynasties établies, c’est-à-dire aux viiie et ixe siècles. Il n’y a plus rien ou presque après 1300.
2) En revanche, la CONQUÊTE militaire éclair des années 630-680 permet à ce peuple de semi-nomades du désert d’accéder d’un coup aux merveilles du monde antique, devenu chrétien : culture helléno-chrétienne, philosophies platonicienne et pré-socratique, architecture byzantine, astronomie chaldéo-babylonienne, mathématiques indiennes et grecques, chimie venue des Perses et des Égyptiens, etc.
3)
Les Arabes islamisés furent donc de grands pillards et de grands synthétiseurs. Leur rôle ne doit pas être amoindri mais ne peut en aucun cas passer pour ce qu’il n’est pas.

 

Il faut également, en cette même époque de révisionnisme cool, et furieusement tendance, c’est-à-dire masochiste-nihiliste, il faut aussi, alors que les Croisades sont vouées aux gémonies par des armadas de crétins instruits d’articles de journaux, et que tout le monde a oublié la splendeur des deux siècles de prospérité amenés par les États latins d’Orient, oui, il faut donc parler un peu plus précisément de cette « religion de paix et de tolérance ».
Petit rappel du passé :

VIIe siecle

à partir de 622 : banditisme organisé par Muhammad depuis Médine (Arabie Saoudite), bataille de Badr où Muhammad et ses affidés tuent 70 hommes et ramènent un imposant butin, multiples assassinats politiques contre les adversaires du Prophète, nombreuses attaques de juifs de la région.
627 : extermination par l’armée de Muhammad de la tribu juive des Bann Qurayza (600 à 900 personnes).
• 634 : invasion de la Syrie par
Abu Bakr, mort de 4 000 habitants défendant leurs terres entre Gaza et Césarée. Campagne de Mésopotamie : 600 monastères détruits, moines tués, Arabes monophysites convertis ou tués, extermination de la population d’Elam et notables exécutés à Susa.
• 634-638 : invasion de Jérusalem avec destruction d’églises, pillages provoquant en 639 une famine qui fait des milliers de morts.
• en Arménie, massacre de la population d’Euchaita.
• Assyrie dévastée, grandes destructions dans la région de Daron, au sud-ouest du lac Van (Turquie), nouvelles exactions en 642 avec massacres et esclavage.
• de 639 à 642 le général musulman
Amr Ibn Al’As envahit l’Égypte. L’Égypte ne lui suffit pas et pour cela il tenta de coloniser la Makuria, un royaume chrétien indépendant.
• 643 : conquête de Tripoli par Amr, pillage, esclavage des femmes et des enfants au profit de l’armée arabe.
• 652 à 1276 : envoi annuel d’esclaves de la Nubie vers Le Caire.
• Carthage rasée et habitants exécutés, de même en Anatolie (Turquie), Mésopotamie, Syrie, Iran et Irak.
• fin VIIe siècle : conquête de l’Égypte par Amr b. al As, massacre de tous les habitants de Behnesa près de Rayum ainsi qu’à Fayoum, Aboit, Nikin.

VIIIe siecle

• 704-705 : des nobles arméniens sont rassemblés dans les églises de Saint-Grégory à Naxcawan et Xram sur l’Azaxis et brûlés vifs.
• 712 : conquête de Sind en Inde par
Muhammad b. Qasim, massacres au port de Debal (embouchure de l’Indus) pendant trois jours, entre 6 000 et 16 000 personnes tuées à Brahminabad.
• 722 : destruction de couvents et d’églises en Égypte.
• 745 : le général Omar, le nouveau gouverneur d’Égypte, intensifie la persécution des chrétiens, mais le roi Cyriacus de la Makuria réussit à stopper cette nouvelle attaque.
• 781 : sac d’Éphèse (Turquie), 7 000 Grecs déportés.
VIIIe siècle : monastères hindous de Kizil détruits.

IXe siecle

• 831 : le roi Zakaria, le nouveau monarque de la Makuria, s’inquiète à cause des chasseurs musulmans d’esclaves qui envahissent son pays (l’actuel Soudan).
• 832 : massacre de
coptes en basse Égypte suite à leur révolte contre une taxation discriminatoire.
• 838 : prise d’Amorion et esclavage des vaincus.
• 852-855 : persécutions en Arménie.
• 884 : couvent de Kalilshn à Bagdad pillé et détruit.
IXe siècle : conversions forcées à Harran, massacre de chrétiens à Séville.

Xe siecle

• 903 : 22 000 chrétiens rendus esclaves à Thessalonique.
• 924 : église et couvent de Marie à Damas détruits ainsi que des milliers d’églises en Égypte et en Syrie.
• vers l’an mil : pillages et destruction en Inde par
Mahmud de Ghazni, 50 000 hommes tués lors de la bataille de Sommath.

XIe siecle

• 1004 : Mahmud envahit Multan (Pakistan), conversions forcées dans la région de Ghor.
• 1010 : Mahmud envahit le royaume de Dawud de Multan.
• 1010 à 1013 : des centaines de juifs tués dans le sud de l’Espagne.
• 1016 : juifs chassés de Kairouan (Tunisie).
• 1033 : massacre de 6 000 juifs à Fez (Maroc).
• 1064 : conquête de la Géorgie et de l’Arménie par
Alp Arslan, massacres et esclavage.
• 1066 : 4 000 juifs tués à Grenade (Espagne).
• 1076 : Kumbi Kumbi, la capitale du Ghana, est détruite par les envahisseurs musulmans, la population réduite en esclavage.
XIe siècle : massacre de juifs à Fez et Grenade.

XIIe siecle

• 1126 : chrétiens espagnols déportés au Maroc par les Almoravides.
• vers 1150 : persécutions à Tunis.
• 1165 et 1178 : conversions forcées au Yémen pour les juifs.
• 1192 : dans l’État de Bihar (est de l’Inde),
Muhammad Khiji massacre des moines bouddhistes et rase une grande bibliothèque, destruction de temples à Sarnath près de Bénarès.
• 1198 : conversions forcées à Aden pour les juifs.
XIIe siècle : massacres de juifs en Afrique du Nord par
les Almohades.

XIIIe siecle

• vers 1200 : persécutions envers les bouddhistes.
• 1232 : massacre de juifs à Marrakech.
• 1268 : massacre lors de la conquête d’Antioche (Turquie) par
Baybars.
• 1274 : les musulmans de l’Égypte subjuguée commencent à coloniser et à détruire l’
Alwa, la Makuria et la Nobatia, les trois royaumes antiques chrétiens en Afrique. Les peuples de ces nations, autrefois indépendantes et rayonnantes, sont  vendus comme esclaves.
• 1291 et 1318 : conversions forcées des juifs à Tabriz (nord-ouest de l’Iran).
xiiie siècle :
près de Damas (Syrie), la population de Safad est décapitée par le sultan Baybars.

XIVe siecle

• 1333 et 1334 : conversions forcées des juifs à Bagdad (Irak).
• 1351 :
Firuz Chah dirige le nord de l’Inde : 180 000 esclaves dans la ville, destruction de temples hindous.
XIVe au XVIIe siècle :
prélèvement d’un cinquième des fils des familles de l’aristocratie chrétienne en Grèce, Serbie, Bulgarie, Arménie et Albanie, soit environ entre 8 000 et 12 000 personnes par an.

XVe siecle

• 1400 : Tamerlan dévaste Tbilissi (Géorgie).
• 1403 : nouvelle expédition de Tamerlan en Géorgie, massacres, destruction de villes et villages.
• début XVe siècle : en Mésopotamie, massacre de 4 000 personnes à Sivas (Turquie), 10 000 à Tus, 100 000 à Saray (Turquie), 90 000 à Bagdad (Irak) et 70 000 à Ispahan (Iran).

XVIIe siecle

• 1622 : persécutions contre les juifs en Perse.
• moitié xviie siècle : conversions forcées des juifs en Perse.
• 1679-1680 : destruction de temples à Udaipur, Chitor, Jaipur par Aurangzeb (nord de l’Inde).
XVIIe siècle : conversions forcées en Anatolie (Turquie).

XVIIIe siecle

• 1770 à 1786 : les juifs expulsés de Djeddah (Arabie Saoudite) se réfugient au Yémen.
• 1790 : massacre de juifs à Tétouan (Maroc).

XIXe siecle

• 1828 : massacre de juifs à Bagdad.
• 1834 : pillage à Safed.
• 1839 : conversions forcées et massacre de juifs à Meshed (Iran).
• 1840 : massacre de juifs à Damas.
• 1867 : massacre de juifs à Barfurush.
1894, 1895 et 1896 : massacre de 250 000 Arméniens par les Turcs.

XXe siecle

1904 et 1909 : 30 000 Arméniens tués à Adana.
• 1915 :
fin du génocide des Arméniens par les Turcs, plus d’un million de morts.

Entre 650 et 1905, des rapports évaluent que plus de vingt millions d’Africains ont été vendus en tant qu’esclaves par les musulmans. Il est intéressant de remarquer que la majorité de ces vingt millions d’esclaves n’était pas constituée par des hommes, mais par des femmes et des enfants qui sont plus vulnérables.

À ces chiffres, on peut rajouter maintenant le conflit israélo-palestinien depuis la seconde intifada : trois fois plus de civils juifs tués que de civils arabes, la guerre du Liban (massacres de chrétiens équivalant à des dizaines de Sabra et Chatila), l’Afghanistan des talibans, l’Irak de Saddam Hussein, l’Algérie des GIA ou de la Sécurité militaire (deux vent mille morts en douze ans), le Nigeria et ses exactions continuelles depuis sa « décolonisation », je passe sur le Soudan, l’Indonésie, le Pakistan, la Malaysia…
Il est à peu près aussi concevable aujourd’hui de critiquer l’Islam qu’il l’était de critiquer le communisme dans les années 1960 et 70.
Le seul changement, mais il est notable, c’est qu’il est désormais interdit par la loi republicaine de critiquer une religion qui s’est donné pour but l’asservissement général de l’humanité.
De plus en plus les points de jonction « théologiques » entre le gnosticisme islamique, l’universalisme socialiste et l’occultisme nazi s’éclairent : communisme du désert, gangstérisme clanique usurpant la charge des prophètes, la religion de Mahomet est aussi le premier programme de nationalisation de Dieu.
L’Islam n’est en fait rien d’autre que l’invention de la modernite.
Un protonazisme qui devait influencer pernicieusement toute la pensée mécaniste postchrétienne, jusqu’à ce qu’elle parvienne à sa perfection moderne, au xxe siècle, avec Hitler, ce Mahomet du Tyrol.

Tout illuminisme est un mécanisme accompli.

Il n’y a aucun moderne (post-quelque chose aujourd’hui) qui ne soit au fond de lui déjà prêt à la conversion plus ou moins forcée, ou dans le meilleur des cas à s’acquitter de la Jyzzia, pour conserver son statut de dhimmi, de « protégé ».
Les conquérants islamiques furent les premiers à institutionnaliser la discrimination religieuse : ils furent les inventeurs du concept de l’ « étoile jaune ». Chrétiens et juifs étaient considérés comme citoyens de seconde zone, leur vie ne tenait jamais qu’à un fil. Lors de la christianisation de l’Europe, aucun païen n’eut à souffrir de persécution — ce fut plutôt l’inverse — et lorsque après 313 (édits de Milan par Constantin) l’Empire devient chrétien, les païens ne furent aucunement rejetés hors de la société et moins encore exécutés, ou asservis en dhimmis. Ils furent convertis, par la grâce des saints missionnaires qui sillonnèrent le continent en tous sens, de l’Irlande à la Volga, de la Méditerranée à la Baltique, et dont le Verbe était si plein de la Lumière même du Logos qu’ils convertissaient sur leur passage des peuplades entières, leurs noblesses, leurs rois, sans jamais, jamais, tirer le sabre, mais au contraire en préférant se faire couper la tête plutôt que de renier leur foi.
C’est cela un martyr, par un teen-ager qu’on fait passer de la console Nintendo au pilotage-suicide d’avions de ligne, via les sourates du Coran.

Notes

[1] Les Assyriens se sont installés la première fois à Nineveh, une des villes assyriennes principales, en 5000 A.C.N., ce qyu est 5 630 ans avant que les Arabes ne soient venus dans ce secteur. Même le mot « Arabe » est un mot assyrien, signifiant « Occidental ».
[2]
http://chronomath.irem.univ-mrs.fr
[3] Victor J. Katz, A History of Mathematics, an Introduction, Addison-Wesley Educational Publishers, 1999.
[4] Neugebauer, L’Histoire des mathématiques babyloniennes.
[5] Arthur Voobus, Les Statuts de l’École de Nisibis.
[6] Islam et Dhimmitude, Bat Ye’or, Madison — Teaneck, Fairleigh Dickinson University Press, Lancaster, UK : Gazelle Book Services Ltd., 2002.
[7] Rosenthal, The Classical Age of Islam, Londres, 1975, p.13.
[8] Ibn Warracq, Pourquoi je ne suis pas musulman, p. 317.
[9] Ibn Warracq, ibid., p. 329.
Von Grunebaum, Islam. Essays in the Nature and Growth of a Cultural Tradition, Chicago, 1955, p. 114.
Renan, L’Islamisme et la science, conférence donnée à la Sorbonne le 29 mars 1883, Bâle, Bernheim, 1883."
@réfractaires.org

Maurice G. Dantec – Le théâtre des opérations, 2002-2006 – American Black Box

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En guise de Complément :

Fichier PDFL'APPORT DE L'INDE AUX MATHÉMATIQUES ARABES

Lien en "Cache"TRADUCTION ET TRANSMISSION SCIENTIFIQUES AUX VIIIe-Xe SIÈCLES

...et puis voici un petit film qui ne dure que 7 minutes 16 secondes...

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10/07/2010

J’aime l’Occident. Malgré ses vices et ses crimes.

=--=Publié dans la Catégorie "Lectures"=--=

« J’aime l’Occident. Malgré ses vices et ses crimes. J’aime la vision des prophètes et la grâce du Parthénon, j’aime l’ordre romain et les cathédrales, j’aime la raison et la passion de la liberté, j’aime la perfection de ses campagnes, la mesure de ses produits et la grandeur de son projet, j’aime l’Occident… Je sais, je sais, les mines du Laurion et les crucifixion d’esclaves, je sais les massacres des Aztèques et les bûchers de l’Inquisition, mais malgré tout, le crime n’est pas l’histoire de l’Occident, et ce qu’il a porté dans le monde dépasse infiniment ce qu’il a fait contre des sociétés ou des individus.

Mais il est vain de parler. Et ce livre une fois de plus me donne le sentiment de l’acte parfaitement inutile, car personne ne pourra l’accueillir, personne ne peut plus dans ce monde occidental croire à cette vocation ni à cette grandeur. Nous sommes pris dans une sorte de fatalité que rien, semble-t-il, ne peut plus dénouer, puisque les adeptes du Christ eux-mêmes se ruent dans la fatalité de cette destruction. Seule la négation de tout ce qui est occidental, de tout ce que l’Occident a produit peut aujourd’hui satisfaire les hommes de ce même Occident. Nous assistons dans toute l’Europe et l’Amérique à une sorte de mystère, nous sommes pris dans une procession gigantesque de flagellants qui se déchirent mutuellement, et eux-mêmes, avec les pires fouets.

Nous nous sommes déguisés, pour que personne ne puisse reconnaître ce que furent les vertus des hommes de notre monde, nous nous sommes barbouillés de peinture et de sang pour manifester notre mépris envers tout ce qui a fait la grandeur qui nous a faits. Nous assistons avec joie, enthousiasme uniquement à ce qui nie, détruit, dénature, ce qui fut l’œuvre de l’Occident. Nous trépignons sur son corps et crachons à son visage. Si le XIXe siècle a trahi par la conne conscience (ce qui ne fut jamais la vérité de l’Occident), nous, nous trahissons par la mauvaise conscience, qui devient à la limite pur délire. Quand on voit le cinéma des vingt dernières années, on est confondu de se rendre compte que seuls les films qui ont diffusé le mépris, l’ordure, la flagellation ont réussi. Et nul argument ne peut servir en face de ces évidences, de ces lieux communs totalement acceptés (...)

Je vois l’Europe marcher à grands pas vers sa fin. Non pour des raisons économiques ni techniques ni politiques, non qu’elle soit submergée par un tiers monde, en réalité impuissant, non qu’elle soit aussi mise en question par la Chine, mais parce qu’elle est partie pour son suicide. Toutes les conduites (je dis bien toutes) des Techniciens, des Bureaucrates, des Politiciens, et en plein accord fondamental, malgré la contradiction apparente, les discours des philosophes, des cinéastes, des scientifiques sont toutes des conduites suicidaires. Tout facteur positif qui peut apparaître est aussitôt retourné, déformé, inverti, pour devenir un nouveau chef d’accusation ou un moyen de destruction. La Gauche a triomphalement rejoint la Droite dans cette course à la mort, et le christianisme célèbre ses noces avec le marxisme pour procéder à la mise à mort de la vieille carne impuissante qui fut la gloire du monde. » Jacques Ellul, Trahison de l’Occident, 1975

« C’est du rêve éveillé que de présenter un programme de fédération islamique en France, pour mieux intégrer les musulmans. Ce sera au contraire le début de l’intégration des Français dans l’islam. » Jacques Ellul, article paru dans l’hebdomadaire Réforme le 15 juillet 1989

 

 

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23/06/2010

Défaite du Frankistan, victoire de la France.

=--=Publié dans la Catégorie "Lectures"=--=

Un peu de lecture, et vous allez voir, pas des moindres, dans la suite de la fiévreuse actualité qui colle au cul de l'Equipe Française de Football et de sa MONUMENTALE déconfiture. J'ai déjà dit tout ce que j'en pense en ces lieux, Didier Goux a commis un petit billet sympathique que je vous invite à aller lire... mais Didier lui-même signale le post (bien plus précis et tranchant que nos deux billets réunis) qu'a commis l'ami XP from ILYS... et que je vous invite à lire et à savourer de ce pas, toute affaire cessante, parce que Mister XP sait manier le fleuret et, là, il pète la forme le salaud.

 

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"Défaite du Frankistan, victoire de la France.

Le patriote français que je suis se réjouit tout naturellement de la défaite fracassante de l’équipe nationale de football du Frankistan, pareil à ce que toutes choses égales par ailleurs, les futurs compagnons de la libération se félicitaient du sabordage de la flotte française à Toulon, souhaitaient voir la France légale se prendre taule sur taule et devenir la risée du monde jusqu’au débarquement US et la libération du territoire par l’Etranger.

L’explosion en vol de son équipe nationale de balle au pied constitue un évènement majeur de la vie politique frankistanaise, tant elle devait lui servir d’appartement témoin tout autant que de village Potemkine. Or, si je crois la population de ce vieux pays bien trop pourrie et vermoulue pour que le moindre événement lui donne des envies de sursaut, je pense néanmoins qu’il s’est passé quelque chose de décisif : le village Potemkine s’est effondré sous les yeux d’un bon milliard d’occidentaux, et les Frankistanais auront beau répéter en boucle les explications que leur suggèrent leurs Maîtres, il n’empêche que de Rome à Moscou, nos frères de civilisation se marrent et n’ont pas fini de se marrer devant l’explosion chaplinesque de l’usine à gaz des Mongaullo-Souverainistes arrogants que nous subissons au pays… Ils ont vu la France qui gagne non seulement perdre et reperdre, mais aussi ses représentants se menacer les uns les autres, ouvrir publiquement la chasse au traître, se battre devant les caméras, se faire des doigts et se comporter sommes toutes comme on doit le faire dans les rues sombres de Bamako. Les jacobins peuvent d’ors et déjà remiser leurs panoplies de grands prêtres, ils sont désormais cantonnés dans l’ emploi de repoussoir et ne sont pas près de s’en voir confier un autre.

La propagande métissolâtre, nous allons encore la subir, mais nous saurons désormais être sous le joug de roitelets dérisoires qui par delà nos frontières serviront toujours plus de défouloir aux rieurs, de communistes albanais persuadés d’avoir raison contre tous et d’entraîner le monde avec eux, et bientôt, seule sa soeur de lait la poisseuse Belgique francophone continuera de trouver du charme à la vieille jacobine vérolée.

Ici, au Frankistan, les lois réprimant la liberté d’expression ne seront bientôt plus d’aucune utilité, et ce n’est même pas la peur du gendarme ou du papier bleu ni la crainte du bannissement social qui empêchent les gens de dire ce qu’ils voient de leurs yeux, car ils ne voient plus rien de leurs yeux et s’acharnent à enfiler des lieux communs avant même que le Moloch ne fronce les sourcils.

C’est ainsi qu’à propos de la débandade frankistanaise à la coupe du monde de football, on entend des âneries par paquets, et je me suis amusé à en recenser quelques-unes :

Les joueurs auraient été pourris par le fric...

Comme si les milliardaires argentins ou italiens se faisaient corriger balle au pied par des africains ou des coréens qui ne jouent que pour le drapeau...

Il manquait à cette équipe le sens du collectif...

Comme si tous ces joueurs n’avaient pas fait leurs classes et gagné leurs galons dans des clubs qui ne misent que sur leur individualisme et leur amour du fric.
Cette billevesée témoigne d’ailleurs plus généralement d’un attachement fétichiste et superstitieux en la croyance socialiste selon laquelle les plus belles réussites collectives seraient autre chose que des amoncèlements d’égoïsmes qu’on a eu la sagesse de ne pas contrarier ni engluer dans des projets collectifs à la con… la France ressemble à la chambre de la malade communiste de Good Bye Lenin, nous y coulons des jours crasseux dans un monde parallèle où les travailleurs des pays bourgeois fuient en masse vers la Roumanie ou la Pologne pour échapper à la misère tandis que la firme Coca-Cola se voit sauvée de la faillite par des soviets ne sachant plus quoi faire de leurs roubles, et nous croyons vraiment qu’une équipe qui gagne, c’est une équipe à laquelle on a insufflé l’amour du maillot.

Ces joueurs arrogants seraient les symptômes de ce qu’on ne se serait pas soucié de leur éducation...

Comme s’ils n’avaient pas fréquenté les rangs des écoles bien plus que Raymond Koppa, Platini, ta grand-mère ou la mienne, comme s’ils ne pouvaient s’endormir en comptant tous les éducateurs gauchiasses qu’ils ont croisés sur les stades depuis leurs premiers coups de pied...

Ils traineraient la pauvreté de leur milieu d’origine ou le déracinement de l’immigré à la semelle de leurs crampons, et c’est cela qui les rendraient asociaux...

Comme si Anelka, le plus tête à claques et le plus haineux d’entre tous n’était pas le fils de fonctionnaires de l’Education Nationale venus des Antilles françaises, soit sociologiquement un français de la classe moyenne et historiquement un français de vieille souche….. On ne dira jamais assez combien la sociologie et l’histoire sont des disciplines de seconde main…. Anelka nous le prouve par sa seule existence, lui qui nous démontre combien un Francais bien nourri, gâté par l’existence, dont la famille est enracinée dans une des régions les plus catholiques du pays et administrativement affiliée à lui depuis trois siècles va tout naturellement se lier davantage avec un arabo-musulman fraichement débarqué qu’avec un petit normand ou un alsacien, s’il n’est pas un européen ethnique...

On ne leur aurait pas inculqué l’amour du drapeau...

Comme si eux et nous n’en n’avions pas bouffé ad nauseam, de ce drapeau tricolore sensé nous endrapper tous ensemble et comme s’il n’existait pas des lois répressives interdisant ne serait-ce que de sous entendre que les français de couleur ne seraient pas forcément les plus beaux enfants de la République...

L’entraîneur de l’équipe aurait été mauvais...

Comme si ce genre d’erreur de casting pouvait provoquer autre chose qu’un banal échec dans une compétition telle que les plus prestigieuses équipes en essuient une fois sur trois, et comme si ces joueurs n’avaient pas perdu pour avoir tout naturellement transformé leurs vestiaires en galerie commerciale du 9-3.

Pour le dire d’une phrase, nous subissons et relayons une propagande totalitaire.
L’extraordinaire faillite de cette équipe démontre que nous avons été entraînés dans le délire d’un dément, en croyant faire surgir un peuple ex nihilo par l’engloutissement dans l’Education Nationale des sommes aussi folles que celles consacrées jadis par les soviétiques à la guerre des étoiles, en nous gavant de valeurs communes, de République, et de bleu blanc rouge... Mais à l’instar des communistes qui expliquaient la faillite du communisme par une carence de communisme, nous répétons comme des ânes que les joueurs de l’équipe de France ont perdu pour avoir été trop individualistes, pas assez éduqués dans leur jeunesse, pas shootés au patriotisme, pas assez gavés de France Black Blanc Beur, et que sommes toutes, si le métissage ça ne marche pas, c’est que nous n’avons pas assez donné dans le métissage et pas assez fait pour qu’il advienne et triomphe.

En vérité, ils ont perdu car ils se foutent de l’équipe de France et s’en foutent à bon droit, parce que n’étant pas de cette Europe qui va de Dallas à Sydney et partait jadis du Cap pour ne s’arrêter qu’à Helsinki, ils ne sont pas français… Ce sont des égoïstes, comme les joueurs italiens, suisses ou danois, lesquels défendent égoïstement leur drapeau car précisément, il s’agit du leur.

On apprend pas à aimer sa femme, sa famille, ses amis ou sa patrie, on a une femme, une famille, des amis ou une patrie, et on défend son bien…. S’il vous faut apprendre à aimer votre femme ou votre pays, c’est qu’ils ne sont pas les vôtres et que la plaisanterie finira dans un divorce fracassant... Des polonais, des juifs ou des italiens sont devenus français hier, et la greffe a pris justement parce que jamais, ils n’ont eu le moindre effort à fournir pour qu’elle prenne.

Tout cela, nous pourrons le dire ailleurs qu’ici, après la libération, quand nous aurons tondu Plenel et arraché la moumoute de Pascal Boniface...

J’ai bien regardé… Il a une moumoute, Pascal Boniface."

XP, from ILYS

 

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15/06/2010

Conscience

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Georges Bernanos

 

"Monsieur,
Quelque ridicule qu'il y ait à écrire à un écrivain, qui est toujours, par la nature de son métier, inondé de lettres, je ne puis m'empêcher de le faire après avoir lu "Les Grands Cimetières sous la lune". Non que ce soit la première fois qu'un livre de vous me touche, le "Journal d'un curé de campagne" est à mes yeux le plus beau, du moins de ceux que j'ai lus, et véritablement un grand livre. Mais si j'ai pu aimer d'autres de vos livres, je n'avais aucune raison de vous importuner en vous l'écrivant. Pour le dernier, c'est autre chose ; j'ai eu une expérience qui répond à la vôtre, quoique bien plus brève, moins profonde, située ailleurs et éprouvée, en apparence - en apparence seulement -, dans un tout autre esprit.

Je ne suis pas catholique, bien que, - ce que je vais dire doit sans doute sembler présomptueux à tout catholique, de la part d'un non-catholique, mais je ne puis m'exprimer autrement - bien que rien de catholique, rien de chrétien ne m'ait jamais paru étranger. Je me suis dit parfois que si seulement on affichait aux portes des églises que l'entrée est interdite à quiconque jouit d'un revenu supérieur à telle ou telle somme, peu élevée, je me convertirais aussitôt. Depuis l'enfance, mes sympathies se sont tournées vers les groupements qui se réclamaient des couches méprisées de la hiérarchie sociale, jusqu'à ce que j'aie pris conscience que ces groupements sont de nature à décourager toutes les sympathies. Le dernier qui m'ait inspiré quelque confiance, c'était la CNT espagnole. J'avais un peu voyagé en Espagne - assez peu - avant la guerre civile, mais assez pour ressentir l'amour qu'il est difficile de ne pas éprouver envers ce peuple ; j'avais vu dans le mouvement anarchiste l'expression naturelle de ses grandeurs et de ses tares, de ses aspirations les plus et les moins légitimes. La CNT, la FAI étaient un mélange étonnant, où on admettait n'importe qui, et où, par suite, se coudoyaient l'immoralité, le cynisme, le fanatisme, la cruauté, mais aussi l'amour, l'esprit de fraternité, et surtout la revendication de l'honneur si belle chez les hommes humiliés ; il me semblait que ceux qui venaient là animés par un idéal l'emportaient sur ceux que poussait le goût de la violence et du désordre. En juillet 1936, j'étais à Paris. Je n'aime pas la guerre ; mais ce qui m'a toujours fait le plus horreur dans la guerre, c'est la situation de ceux qui se trouvent à l'arrière. Quand j'ai compris que, malgré mes efforts, je ne pouvais m'empêcher de participer moralement à cette guerre, c'est à dire de souhaiter tous les jours, toutes les heures, la victoire des uns, la défaite des autres, je me suis dit que Paris était pour moi l'arrière, et j'ai pris le train pour Barcelone dans l'intention de m'engager. C'était au début d'août 1936.

Un accident m'a fait abréger par force mon séjour en Espagne. J'ai été quelques jours à Barcelone ; puis en pleine campagne aragonaise, au bord de l'Ebre, à une quinzaine de kilomètres de Saragosse, à l'endroit même où récemment les troupes de Yagüe ont passé l'Ebre ; puis dans le palace de Sitgès transformé en hôpital ; puis de nouveau à Barcelone ; en tout à peu près deux mois. J'ai quitté l'Espagne malgré moi et avec l'intention d'y retourner : par la suite, c'est volontairement que je n'en ai rien fait. Je ne sentais plus aucune nécessité intérieure de participer à une guerre qui n'était plus, comme elle m'avait paru être au début, une guerre de paysans affamés contre les propriétaires terriens et un clergé complice des propriétaires, mais une guerre entre la Russie, l'Allemagne et l'Italie.

J'ai reconnu cette odeur de guerre civile, de sang et de terreur que dégage votre livre ; je l'avais respirée. Je n'ai rien vu ni entendu, je dois le dire, qui atteigne tout à fait l'ignominie de certaines des histoires que vous racontez, ces meurtres de vieux paysans, ces "ballilas" faisant courir des vieillards à coups de matraques. Ce que j'ai entendu suffisait pourtant. J'ai failli assister à l'exécution d'un prêtre ; pendant les minutes d'attente, je me demandais si j'allais regarder simplement, ou me faire fusiller moi-même en essayant d'intervenir ; je ne sais pas encore ce que j'aurais fait si un hasard heureux n'avait empêcher l'exécution.

Combien d'histoires se pressent sous ma plume... Mais ce serait trop long ; à quoi bon? Une seule suffira. J'étais à Sitgès quand sont revenus, vainqueurs, les miliciens de l'expédition de Majorque. Ils avaient été décimés. Sur quarante jeunes garçons partis de Sitgès, neuf étaient morts. On ne le sut qu'au retour des trentes et un autres. La nuit même qui suivit, on fit neuf expéditions punitives, on tua neuf fascistes ou soi-disant tels, dans cette petite ville où, en juillet, il ne s'était rien passé. Parmi ces neuf, un boulanger d'une trentaine d'années, dont le crime était, m'a-t-on dit, d'avoir appartenu à la milice des "somaten" ; son vieux père, dont il était le seul enfant et le seul soutien, devint fou. Une autre encore : en Aragon, un petit groupe international de vingt-deux miliciens de tous pays prit, après un léger engagement, un jeune garçon de quinze ans, qui combattait comme phalangiste. Aussitôt pris, tout tremblant d'avoir vu tuer ses camarades à ses côtés, il dit qu'on l'avait enrôlé de force. On le fouilla, on trouva sur lui une médaille de la Vierge et une carte de phalangiste ; on l'envoya à Durruti, chef de la colonne, qui, après lui avoir exposé pendant une heure les beautés de l'idéal anarchiste, lui donna le choix entre mourir et s'enrôler immédiatement dans les rangs de ceux qui l'avaient fait prisonnier, contre ses camarades de la veille. Durruti donna à l'enfant vingt-quatre heures de réflexion ; au bout de vingt-quatre heures, l'enfant dit non et fut fusillé. Durruti était pourtant à certains égards un homme admirable. La mort de ce petit héros n'a jamais cessé de me peser sur la conscience, bien que je ne l'aie apprise qu'après coup. Ceci encore : dans un village que rouges et blancs avaient pris, perdu, repris, reperdu je ne sais combien de fois, les miliciens rouges, l'ayant repris définitivement, trouvèrent dans les caves une poignée d'êtres hagards, terrifiés et affamés, parmi lesquels trois ou quatre jeunes hommes. Ils raisonnèrent ainsi : si ces jeunes hommes, au lieu d'aller avec nous la dernière fois que nous nous sommes retirés, sont restés et ont attendu les fascistes, c'est qu'ils sont fascistes. Ils les fusillèrent donc immédiatement, puis donnèrent à manger aux autres et se crurent très humains. Une dernière histoire, celle-ci de l'arrière : deux anarchistes me racontèrent une fois comment, avec des camarades, ils avaient pris deux prêtres ; on tua l'un sur place, en présence de l'autre, d'un coup de revolver, puis, on dit à l'autre qu'il pouvait s'en aller. Quand il fut à vingt pas, on l'abattit. Celui qui me racontait l'histoire était très étonné de ne pas me voir rire.

A Barcelone, on tuait en moyenne, sous forme d'expéditions punitives, une cinquantaine d'hommes par nuit. C'était proportionnellement beaucoup moins qu'à Majorque, puisque Barcelone est une ville de près d'un million d'habitants ; d'ailleurs il s'y était déroulé pendant trois jours une bataille de rues meurtrière. Mais les chiffres ne sont peut-être pas l'essentiel en pareille matière. L'essentiel, c'est l'attitude à l'égard du meurtre. Je n'ai jamais vu, ni parmi les Espagnols, ni même parmi les Français venus soit pour se battre, soit pour se promener - ces derniers le plus souvent des intellectuels ternes et inoffensifs - je n'ai jamais vu personne exprimer même dans l'intimité de la répulsion, du dégoût ou seulement de la désapprobation à l'égard du sang inutilement versé. Vous parlez de la peur. Oui, la peur a eu une part dans ces tueries ; mais là où j'étais, je ne lui ai pas vu la part que vous lui attribuez. Des hommes apparemment courageux - il en est un au moins dont j'ai de mes yeux constaté le courage - au milieu d'un repas plein de camaraderie, racontaient avec un bon sourire fraternel combien ils avaient tué de prêtres ou de "fascistes" - terme très large. J'ai eu le sentiment, pour moi, que lorsque les autorités temporelles et spirituelles ont mis une catégorie d'êtres humains en dehors de ceux dont la vie a un prix, il n'est rien de plus naturel à l'homme que de tuer. Quand on sait qu'il est possible de tuer sans risquer ni châtiment ni blâme, on tue ; ou du moins on entoure de sourires encourageants ceux qui tuent. Si par hasard on éprouve d'abord un peu de dégoût, on le tait et bientôt on l'étouffe de peur de paraître manquer de virilité. Il y a là un entraînement, une ivresse à laquelle il est impossible de résister sans une force d'âme qu'il me faut bien croire exceptionnelle, puisque je ne l'ai rencontré nulle part. J'ai rencontré en revanche des Français paisibles, que jusque-là je ne méprisais pas, qui n'auraient pas eu l'idée d'aller eux-même tuer, mais qui baignaient dans cette atmosphère imprégnée de sang avec un visible plaisir. Pour ceux-là je ne pourrai jamais avoir à l'avenir aucune estime.

Une telle atmosphère efface aussitôt le but même de la lutte. Car on ne peut formuler le but qu'en le ramenant au bien public, au bien des hommes - et les hommes sont de nulle valeur. Dans un pays où les pauvres sont, en très grande majorité, des paysans, le mieux-être des paysans doit être un but essentiel pour tout groupement d'extrême gauche ; et cette guerre fut peut-être avant tout, au début, une guerre pour et contre le partage des terres. Eh bien, ces misérables et magnifiques paysans d'Aragon, restés si fiers sous les humiliations, n'étaient même pas pour les miliciens un objet de curiosité. Sans insolences, sans injures, sans brutalité - du moins je n'ai rien vu de tel, et je sais que vol et viol, dans les colonnes anarchistes, étaient passibles de la peine de mort - un abîme séparait les hommes armés de la population désarmée, un abîme tout à fait semblable à celui qui sépare les pauvres et les riches. Cela se sentait à l'attitude toujours un peu humble, soumise, craintive des uns, à l'aisance, la désinvolture, la condescendance des autres.

On part en volontaire, avec des idées de sacrifice, et on tombe dans une guerre qui ressemble à une guerre de mercenaires, avec beaucoup de cruautés en plus et le sens des égards dus à l'ennemi en moins. Je pourrais prolonger indéfiniment de telles réflexions, mais il faut se limiter. Depuis que j'ai été en Espagne, que j'entends, que je lis toutes sortes de considérations sur l'Espagne, je ne puis citer personne, hors vous seul, qui, à ma connaissance, ait baigné dans l'atmosphère de la guerre espagnole et y ait résisté. Vous êtes royaliste, disciple de Drumont - que m'importe? Vous m'êtes plus proche, sans comparaison, que mes camarades des milices d'Aragon - ces camarades que, pourtant, j'aimais.

Ce que vous dites du nationalisme, de la guerre, de la politique extérieure française après la guerre m'est également allé au coeur. J'avais dix ans lors du traité de Versailles. Jusque-là j'avais été patriote avec toute l'exaltation des enfants en période de guerre. La volonté d'humilier l'ennemi vaincu, qui déborda partout à ce moment (et dans les années qui suivirent) d'une manière si répugnante, me guérit une fois pour toutes de ce patriotisme naïf. Les humiliations infligées par mon pays me sont plus douloureuses que celles qu'il peut subir. Je crains de vous avoir importuné par une lettre aussi longue. Il ne me reste qu'à vous exprimer ma vive admiration.

S. Weil.

Mlle Simone Weil,
3, rue Auguste-Comte, Paris (VIème).

 

P.s. : C'est machinalement que je vous ai mis mon adresse. Car, d'abord, je pense que vous devez avoir mieux à faire que de répondre aux lettres. Et puis je vais passer un ou deux mois en Italie, où une lettre de vous ne me suivrait peut-être pas sans être arrêtée au passage."

Simone Weil – « Lettre à Georges Bernanos 1938 » - in "Bulletin des amis de Georges Bernanos", repris dans "Ecrits historiques et politiques", Gallimard et dans "Œuvres", Quarto Gallimard.


Simone Weil

 

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19/05/2010

Hip-hop Baraka, par PARATEXT

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Je reprends avec une jubilation non feinte ce texte de l'ami Paratext, dont je suis heureux de voir que son Blog est encore, à l'occasion, alimenté de quelques textes vivaces comme celui-ci. Tout comme le texte d'Ygor Yanka il y a quelques jours, voici une petite lecture vivifiante...

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"Il n'y a pas d'Islam militant et d'Islam modéré. Il n'y a que des variations d'intensité. Les lois coraniques ne peuvent être adoucies que très provisoirement."
"Les musulmans, et pire encore les musulmanes, sont les premières victimes de l'Islam."
Maurice G. Dantec, American Black Box (2006)

 

Si aujourd'hui nos concitoyens sont occupés à se faire la "guerre des bisous" via email box et à organiser des kiss-in devant Notre-Dame, on peut en déduire que, d'une certaine manière, l'heure est grave. Le Marché s'adresse à leur rebellitude : "Smart has the brains, stupid has the balls. Be stupid." Ils obtempèrent allègrement.
Pendant ce temps, le degré d'islamisation de la France et de l'Europe progresse chaque jour un peu plus. "Visibilité des minorités !", rétorquent les conciliateurs, les pacifistes, les ignorants paresseux. A la fois las et goguenard, on serait tenté de ne pas répondre. Pourtant, il faut se faire violence et répéter sans cesse des évidences, en revenir aux faits, se rapporter aux textes. Et témoigner. Je parlerai donc un peu de moi, ma petite personne n'ayant ici d'intérêt qu'en ce qu'elle traverse une époque et peut aujourd'hui en recracher maladroitement quelques calcifications, des cicatrices, d'apparentes vétilles.
Produit naïf et imberbe de l'école française des années 80, qu'une famille d'ouvriers désarmée ne pouvait que laisser se gâter encore plus par l'air vicié du temps, j'ai commencé de m'intéresser à l'islam dans les années 90 : le rap fut le vecteur et la première phase prit la forme d'une séance de séduction post-pubère.
Antisocial, je gardais mon sang froid, et surtout, j'aimais rester au chaud de mes molles convictions de rebelle adolescent. Et l'on sait que sur l'adolescent en rupture, l'attrait des sous-cultures est plus fort que tout. Celles-ci lui confèrent en tout cas l'appareil complet pour se survivre confortablement dans un monde fantasmé et largement binarisé. Fin des années 80, donc, la culture hip-hop (entendons le folklore d'un agrégat de pratiques urbaines venues des quartiers noirs des USA) débarque en France et dans ma chambre de jeune céfran moyen. La conversion est totale, I wish I was Black : petit blanc renvoyé à son faible taux de mélanine et à tout ce qui en découle par les renois et les rebeus que je me mets à côtoyer par antiracisme frondeur, lequel se révèle être au final une mièvre idolâtrie du melting-pot, mon imaginaire est alors proprement colonisé. La mythologie du hip-hop s'imprime progressivement en moi, façonne et reconfigure ma vision du monde, elle contamine et disculpe, oriente et invalide, approuve et tranche, labellise chacun de mes jugements esthétiques, moraux, politiques.
Deux groupes français surnagent alors dans le microcosme hexagonal : les parisiens NTM et les marseillais IAM. Ma préférence ira au second, les lyrics de Philippe Fragione aka Chill aka Akhenaton me semblant atteindre un degré de subtilité, de sophistication, d'humour, et d'érudition inouïs. Sous le joyeux brassage des thèmes abordés, l'afrocentrisme (moins prononcé, peut-être, que le massiliacentrisme) marque le pas. Et si une authentique quête spirituelle semble travailler le bonhomme, c'est notamment par lui, via les rappeurs new-yorkais qu'il fréquente, que Chill ira à l'islam.
Islam. Les phonèmes claquent. I-slam. L'euphonie me plaque. Is-lam ! Nation of Islam. Aux Etats Unis, Public Enemy fait les gros titres : Professor Griff, le "Ministre de l'Information" du groupe et proche de Louis Farrakhan, tient des propos antisémites et antihomos.(1)  L'ampleur de la polémique contraint alors PE à se séparer du martial et embarrassant ministre. A la même époque, le duo Run DMC se convertira. De ce côté-ci de l'Atlantique, l'islam méditerranéen d'Akhenaton aka Abdelhakim apparaît moins sectaire, plus sage, spirituel. Religion des pauvres des banlieues, opprimés, déracinés, non-blancs, l'image de l'islam est avant tout une grosse taffe d'Orient. Dans l'attraction qu'exerce une idée, un concept, un pays, une femme, il ne faut jamais sous-estimer le rôle que peut jouer l'exotisme. L'islam m'était suffisamment exotique pour susciter plus qu'un intérêt de circonstance : il était non seulement un signe distinctif exhibé par une catégorie de personnes aux antipodes de ceux que je me targuais de fuir, mais en outre, ceux qui me fascinaient en faisaient, en l'embrassant de manière ostentatoire, un objet de désir. Ensuite, l'islam, arboré comme étendard contre l'idéologie supposée dominante, me rapprochait de ceux avec qui j'aimais frayer. N'oublions pas qu'il est souvent vécu comme une réaction, une démarche éminemment identitaire. J'aimerais en être, être avec l'Autre, adopter les signes du ralliement, me soumettre afin d'expier ma faute, celle d'être si mal né, de géniteurs au faciès et à l'histoire non-marqués, sans saveur...

Quelques cours d'islamologie plus tard, ingurgités benoîtement sur les bancs de l'université, ma connaissance de l'islam s'étoffait relativement. Mon intérêt n'alla toutefois pas jusqu'à la conversion. Sachant aujourd'hui un peu mieux les "problèmes" rencontrés par l'apostat en islam, je m'en félicite. Enfin, distances prises avec le rap, l'islam disparut de mon horizon pour n'y revenir qu'à la lecture du premier volume du Théâtre des opérations de Dantec.

Aujourd'hui, les rappeurs qui revendiquent leur foi islamique ne sont plus en nombre négligeable. Et ils le font avec toute la diversité de postures dont l'époque puisse rêver : du soufisme d'Abd Al-Malik aux jappements peu amènes des rappeurs du label Din Records, en passant par la Fausse Piété du Spectacle de Diam's, l'image de l'islam irrigue les esprits d'un large et jeune public. Il est à craindre que la modernité et lui soient faits pour s'entendre.
L'islam séduit, il est le tentateur, il est la solution, il est le mode d'emploi, il est conservateur-révolutionnaire, ce "communisme du désert"... Il est l'effluve doux et épicé du mystique, il est la conscience tranquille du voyou, il est la rédemption du mauvais garçon, il est l'anti-France-moisie, il est l'effaceur de l'Occident, il est le barbu austère, la caillera nihiliste, le jeune cadre rationnel, la chercheuse en biologie moléculaire, l'écrivain humaniste, la collègue sympathique. Il est l'instrument, le ralliement, l'événement. Le bon, la brute, le truand. Le vilain terroriste et le bon musulman.
Faudra-t-il choisir entre deux clichés, le musulman modéré et l'islamiste intolérant ? Le sort réservé au désormais fameux imam de la mosquée de Drancy, Hassen Chalgoumi, par ses correligionnaires moins enclins à l'entente judéo-islamique donne une petite idée des conflits inter-musulmans qui attendent de s'épanouir sur les terres de la vieille Europe. L'islam n'est pas monolithique, et c'est une de ses armes les plus effilées : s'il n'était qu'un, homogène, démontrer sa nocivité serait à la portée du premier militant bas-du-front venu. Il est au contraire protéiforme et tire sa force de ses conflits internes, des tensions qui l'animent, le principal étant d'occuper l'espace au maximum.
Evidemment, s'opposer efficacement à la propagation de l'islam nécessite de se démarquer du ressentiment ou de la haine, se désolidariser de tout racisme, moteur inavouable de certains opposants à l'islam et chef d'accusation anathème préféré de l'idiot utile et du désinformateur. Il faut patiemment diffuser, en s'adaptant à notre auditeur pour ne pas heurter les réflexes conditionnés par l'antiracisme dogmatique, les connaissances de base et les faits significatifs. Nous n'avons aucune prise sur l'évolution démographique de la France : si certaines portions du territoire sont islamisées de fait, et qu'on peut donc considérer que le ver est irrémédiablement dans le fruit, un peuple connaissant son ennemi sera peut-être capable de se battre.

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(1) Pour une histoire détaillée de la Nation of Islam sur internet, voir www.racismeantiblanc.bizland.com/noi/index.htm

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16/05/2010

Ils sont tellement de Gauche - (Première partie)

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Je suis tombé sur cette longue note chez et de Ygor Yanka. Elle est dense, précise, mais accessible, au pied léger, au sourire mi-figue mi-raisin et n'épargne guère nos chers gauchistes qui voient des salauds partout sauf chez eux. Je vous en conseille la lecture, quelles que soient vos opinions, ça vivifie.

 

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IL Y A CECI d’extraordinaire avec les gens de gauche qu’ils ne doutent jamais de leurs idées. Ils ne com­prennent pas, parce qu’ils ne le peuvent pas, ne se remet­tant jamais en ques­tion, que l’on puisse être de droite sans être pour autant un abruti, un beauf et tout ce qu’on vou­dra dans le genre sous-​​développé. Ils n’ont que le mot tolé­rance à la bouche, mais ils ne tolèrent dans les faits que leurs amis poli­tiques. Le reste, ce sont des chiens, des pédo­philes ou des Nazis frus­trés. Un grat­tage de rien du tout à la sur­face de leur très sen­sible épiderme prouve régu­liè­re­ment qu’ils ne sup­portent le débat d’idées qu’entre eux, et sur des points de détail. Pour eux, l’immigration même mas­sive est un bien et cela ne se dis­cute pas. On vou­drait bien savoir pourquoi c’est un bien, sur­tout quand cette immi­gra­tion montre des signes de faible inté­gra­tion, de vio­lence ou de reven­di­ca­tions sans contre­par­tie. On ne le saura pas. C’est un bien et basta ! Pré­tendre débattre d’un tel sujet, ô com­bien sen­sible pour­tant, c’est se pla­cer sur le ter­rain de l’extrême droite, c’est faire son lit. On évacue donc la dis­cus­sion. Qui a l’outrecuidance d’insister sur la néces­sité d’un débat se voit déco­rer des plus belles fleurs de la lan­ci­nante rhé­to­rique de gauche : fas­cisme… nau­séa­bond… heures sombres de notre his­toire… Pétain, etc. Il y a comme ça des dizaines de sujets qu’il est pré­fé­rable d’éviter si l’on ne tient pas à deve­nir le putois de la belle et par­fu­mée assem­blée : l’immigration, l’islam, les États-​​Unis, les homo­sexuels, le pape, l’autorité, la police, les Juifs…

 

À moins que d’être né dans une famille très ancrée à droite, qui n’a pas été, ado­les­cent, jeune homme, natu­rel­le­ment de gauche ? Natu­rel­le­ment, parce que le jeune est tout entier tourné vers l’avenir, lui qui n’a pas encore de mémoire, à défaut de passé, de vécu. À 47 ans, je ne rêve pas d’en avoir 50. Ça vien­dra, mais je ne suis pas pressé. À 15 ans, on rêve d’en avoir 18 pour être majeur, donc libéré de la tutelle paren­tale, et pour pas­ser le per­mis de conduire. À 18 ans, si on pour­suit ses études au-​​delà du Bac, on a hâte de les ache­ver pour entrer dans la vie active, décro­cher le job de rêve, gagner confor­ta­ble­ment sa vie, s’acheter une mai­son, fon­der une famille, bref : s’installer, autre­ment dit durer. C’est alors que le temps vous rat­trape, et la réa­lité. Vous avez 30 ans et vous voici devenu ce que vous exé­criez au temps de l’acné : un bour­geois. Si vous êtes une mule de gauche, vous nie­rez bien entendu être un bour­geois. Ou si vous l’admettez du bout des lèvres, vous vous empres­se­rez d’ajouter qu’en fait, si votre train de vie est celui d’un bour­geois tota­le­ment décom­plexé, vous êtes un rebelle. Ouais, mon vieux. Un rebelle. Et vous l’êtes la plu­part du temps à bas prix. Vous êtes un rebelle parce que vous avez l’indignation facile contre les mêmes cre­vures que toujours : Sar­kozy, le CAC 40, le Vati­can, la police, Israël, etc. Vous signez volon­tiers des péti­tions en faveur des sans-​​papiers (vous n’aimez pas le mot clan­des­tin), des sans-​​abris (vous n’aimez pas le mot vaga­bond), de Cesare Bat­tisti (vous n’aimez pas le mot assas­sin), contre le Nabot (vous n’aimez pas l’expression le pré­sident de la Répu­blique), contre la répres­sion poli­cière (vous n’aimez pas l’expression main­tien de l’ordre public) ; vous êtes de toutes les mani­fes­ta­tions « citoyennes », de toutes les marches blanches et de celles aux cou­leurs plus iri­sées de l’arc-en-ciel, et vous êtes de toutes les fêtes avec bal­lons mul­ti­co­lores, chars cha­mar­rés, sono fra­cas­sante. Un rebelle pur et dur, quoi ! Autour de vous, sauf vos amis, que des mou­tons, quelques porcs, des beaufs, des cons, une armée de fachos. Vous igno­rez à quel point vous êtes pré­vi­sible et conformiste.

Lorsqu’on rêve de s’émanciper de la tutelle fami­liale et éduca­tive, on déteste évidem­ment l’autorité, dont la pre­mière de toutes, celle du père (vous ne savez pas encore que vous serez sans doute un père moins accom­mo­dant que le vôtre), ce père qui vous aime mais ne semble pas vou­loir que vous gran­dis­siez, du moins pas si vite, si bien qu’il vous humi­lie sans le vou­loir, en vous regar­dant comme un enfant alors que vous avez quatre poils au men­ton depuis hier, que votre voix res­semble à celle d’un vilain canard, que vous vous êtes foulé le poi­gnet à force de… hum. Et s’il vous humi­lie, même invo­lon­tai­re­ment, c’est parce qu’il vous déteste, c’est parce qu’il se déteste en vous, c’est parce qu’il a sur vous du pou­voir (vous n’aimez pas le mot res­pon­sa­bi­lité) et for­cé­ment en abuse (vous recon­nai­trez à 35 ans que votre père a été le meilleur père du monde). Vous haïs­sez aussi vos profs qui pré­tendent vous mettre dans le crâne des valeurs rétro­grades (vous n’aimez pas le mot savoir) dont vous n’aurez jamais besoin (mais à 40 ans, sur votre blog, vous publie­rez un émou­vant billet sur M. Char­lier, votre prof de français en sixième, un type bien, un peu sévère, mais juste, un poil auto­ri­taire, mais rien d’excessif, et sur­tout, alors que ça vous fai­sait tel­le­ment chier à l’époque, il avait cet amour bizarre, parce que désuet, pour sa langue qu’il révé­rait et dont il s’échinait, le pauvre, à vous faire aimer les sub­ti­li­tés — vous pré­fé­riez alors le mot com­pli­ca­tion —, non pour vous tour­men­ter, par sadisme, mais pour for­mer votre esprit à la cri­tique, aux nuances lan­ga­gières, à la sen­si­bi­lité, toutes choses au final essen­tielles et grâce auxquelles vous êtes à pré­sent un homme libre, au lieu d’être un citoyen vigi­lant, soit un déla­teur en puis­sance, un col­labo tout entier requis par son obses­sion du monde tel qu’il le rêve, duquel serait banni tout qui ne pense pas comme lui dans le sens du Bon, du Bien, du Juste, de l’Équitable et autres fan­tasmes majus­cu­laires). Oh ! je ne vous fais pas le reproche de vou­loir bien faire, de dési­rer très fort réduire les injus­tices, de réta­blir un peu d’humanité et de poé­sie dans ce monde de banquiers sans scru­pules, de tra­ders fous, de bour­si­co­teurs fré­né­tiques, de com­merçants avides, de pol­lueurs, d’exploiteurs des res­sources humaines et natu­relles (sinon, je suis de votre côté, sauf que je vous déteste). Je vous fais le reproche de vou­loir à toute force que la réa­lité épouse vos désirs, alors que, si, adulte, j’ai com­pris quelque chose de la vie, c’est que la domi­nait irré­duc­ti­ble­ment un prin­cipe duquel j’ai appris à tenir compte toujours, même quand cela me contra­rie : la réa­lité, votre chère enne­mie. Je com­pose avec la réa­lité, non contre elle. Elle peut certes m’agacer jusqu’au point d’ébullition, mais je ne la nie jamais. Je parle de la réa­lité dans les faits, et de l’homme dans sa nature. Il n’existe pas « d’homme bon par nature » et que la société aurait cor­rompu. La société a ses tra­vers, mais c’est elle qui nous civi­lise. Un homme seul, sorti de la société, même né bon, c’est un sau­vage ; il n’est pas méchant, mais cruel. Il ne connait pas la pitié, l’altruisme, la cama­ra­de­rie ; s’il vous croise dans son bois, il n’aura de poli­tesse à votre égard que celle de vous chas­ser (au mieux), de vous tuer (au pire) à des fins gas­tro­no­miques s’il n’a pas appris à chas­ser (et qui le lui aurait appris, avec un père fonc­tion­naire ?). Je plains les hommes, glo­ba­le­ment médiocres, col­lec­ti­ve­ment sots, voire mau­vais — mais j’en suis un et je ne nie pas le fond de ma propre nature. Et si je rêve aussi par­fois d’une huma­nité moins bru­tale et plus modeste, je ne pousse pas jusqu’au cau­che­mar de la vou­loir sous la forme ailée des anges. Aux anges je pré­fère les bar­bares ; aux mou­tons, les loups ; aux poètes lyriques, les guer­riers ; aux voyous, les flics ; à l’étranger, mon com­pa­triote — sans que cela veuille dire que je sois xéno­phobe (je vis à l’étranger, et ma tant chère femme est du pays où je vis). Vous n’aimez dans l’humanité que son bon côté, quand elle opine comme vous. Je l’aime pour son ambi­va­lence. L’ambivalence est une richesse, un tout. Vous n’acceptez pas l’homme tel qu’il est pour­tant. Vous sou­hai­tez l’appauvrir en l’amputant de ses gan­grènes. Voilà ce qui nous dif­fé­ren­cie, et c’est ainsi que je ne puis être de gauche, bien que je sois pro­gres­siste socia­le­ment, et peut-​​être davan­tage que vous, puisque j’ai toujours su res­ter pauvre.

Notre ado­les­cent, notre jeune homme déteste donc natu­rel­le­ment toute forme d’autorité, tout pou­voir (tout pou­voir est pour lui un abus de pou­voir). Les patrons ne sont pas des res­pon­sables ni des gérants d’entreprises, mais des exploi­teurs éhon­tés. Les juges et le pou­voir poli­tique marchent main dans la main, même quand ils s’opposent. Ne par­lons pas du pou­voir spi­ri­tuel, sur­tout s’il émane de Rome : un syn­di­cat de défense des prêtres pédo­philes, un lobby pour la pro­pa­ga­tion du sida. Les poli­ciers ne sau­raient pré­tendre à main­te­nir l’ordre public, vu qu’ils sont eux-​​mêmes des fau­teurs de troubles ; et des racistes, toujours (sauf l’inspecteur N’Guma). Tous des Ton­tons Macoutes, au vrai. Ces hargnes mal arti­cu­lées contre l’autorité (auto­rité n’est pas un gros mot, pas plus que père, pro­fes­seur, patron, député, juge, prêtre ou poli­cier) cachent en fait, plu­tôt mal, une souf­france : celle de n’être qu’un fils, un élève, un employé, un admi­nis­tré, un pré­venu, etc., dans un monde où cha­cun rêve d’exercer son propre pou­voir, à petite ou grande échelle. Notre ado­les­cent rage de n’avoir que bien peu de droits pour beau­coup de devoirs, mais dès qu’il est en mesure de com­man­der à son tour, il ordon­nera, et il fau­dra qu’on lui obéisse, sous peine de puni­tion. La pre­mière vic­time de ce « mar­tyr » deve­nant « bour­reau » sera sou­vent son jeune frère, un plus faible que lui, une quel­conque fille un peu rétive à son art mal­ha­bile de séduire ( «Viens me sucer, connasse ! »). S’il pousse son nou­veau vice jusqu’à la tyran­nie, il s’exonèrera de toute res­pon­sa­bi­lité (et donc, de tout par­don) en se dési­gnant lui-​​même comme une vic­time (de son père, de son prof, du curé vio­leur de son enfance, de son patron, du flic qui, alors qu’il ne fai­sait que…, etc.). Une vic­time, n’est-ce pas, ça n’a que des droits. Venant d’une vic­time, tout mal est moindre, tout péché véniel. À ce tarif-​​là, il faut excu­ser Hit­ler et acca­bler ceux qui ne virent en lui qu’un peintre médiocre. Avoir souf­fert, souf­frir, n’est en aucun cas une rai­son. C’est d’intelligence que le monde a besoin, non de com­pas­sion envers les sem­pi­ter­nels grin­cheux à qui la vie semble ne jamais sou­rire, parce qu’il est plus confor­table d’être plaints que d’agir.

Nous sommes bien là dans une vision gau­chie de la société : une société unique­ment com­po­sée d’oppresseurs et d’opprimés, de riches et de pauvres, d’exploiteurs et d’exploités, de loups et d’agneaux, etc. Comme s’il n’y avait dans la vie que des géants et des nains ! Comme s’il n’existait pas d’hommes de taille moyenne, d’ouvriers épanouis, de patrons bien­veillants, de juges intègres, de poli­ti­ciens hon­nêtes, de poli­ciers prévenants !

Le jeune homme, qui vient d’arriver sur Terre et dont la mémoire se borne à trois sou­ve­nirs vieux du mois passé, est pressé d’étreindre l’avenir ; il est opti­miste et arro­gant. Le passé, tout ce qui date d’avant lui, doit dis­pa­raitre. Les vieux (pour un gamin, je suis un vieux) doivent s’effacer, se taire ; au mieux ils radotent, au pire ils déconnent. Ils sont rin­gards et rétro­grades, nous gonflent avec leurs sou­ve­nirs du temps de Mathu­sa­lem et leurs constants rap­pels du « bon vieux temps », à quoi ils opposent une défiance à peu près totale de l’avenir et de la nou­veauté. Pour un jeune homme (le mien est un peu cari­ca­tu­ral, j’en conviens, mais il n’est de por­trait vrai que légè­re­ment forcé), le monde d’avant sa nais­sance ne fait pas par­tie de son his­toire, et les leçons que ses parents en tirent ne sont pas per­ti­nentes pour lui — inutile donc de le bas­si­ner avec des « conne­ries » d’un autre âge. La nos­tal­gie ne l’atteint pas, ni l’ennui. Un rien le diver­tit, il court au plus futile. Sa vie n’est tel­le­ment rien encore qu’il la risque volon­tiers, et risque par­fois celles des autres, par ivresse juvénile.

Notre sémillant jeune homme est sym­pa­thique et tolé­rant. N’ayant connu d’époques que celle qu’il vit pré­sen­te­ment, il ne peut com­pa­rer hier et aujourd’hui pour se livrer à la réflexion que, déci­dé­ment, le monde a bien changé, en pire ; tout va plus vite, trop vite — tel­le­ment vite qu’on peine à suivre. On construi­sait jadis pour des cen­taines d’années ; on ne construit plus que de hideux et très éphé­mères bâti­ments sans âme, pure­ment fonc­tion­nels. Les hommes jadis se saluaient ; ils se bous­culent et s’invectivent, pour des queues de cerises. Les femmes jadis ne nous jetaient pas comme désor­mais leurs sexes à la figure ; elles étaient modestes et pru­dentes, on les res­pec­tait pour ça. Un télé­phone ne vibrait pas toutes les trente secondes sur la table de notre voi­sin au res­tau­rant, un res­tau­rant où nous pou­vions après le repas fumer ciga­rette, cigare ou pipe sans le tour­ment d’offrir ce fai­sant à nos voi­sins, pour les dix géné­ra­tions à venir, un bataillon de can­cers et de mômes pré­ma­tu­rés ; itou dans les trains, les bureaux, jusqu’aux cou­loirs des hôpi­taux. Nous regar­dions les petites filles avec un peu de concu­pis­cence par­fois, au lieu d’éviter à tout prix, comme main­te­nant, de croi­ser leurs regards, des fois que la folie les pren­drait de voir en nous un pédo­phile et de le crier bien fort, à cause d’un bref sou­rire que nous lui aurions adressé, tant nous la trou­vons char­mante, sous le rap­port de l’enfance ET de la fémi­nité déjà si pré­sente. Nous avons même connu le temps des voi­tures sans cein­tures de sécu­rité, c’est dire si nous datons ! La télé­vi­sion exis­tait, en noir et blanc, puis en cou­leurs ; les ani­ma­teurs manquaient bien un peu de cha­risme, ils ne riaient guère, mais ils ne par­laient point pour ne rien dire et demeu­raient cour­tois, sans se croire tenus d’agresser leurs inter­lo­cu­teurs à coups de ques­tions oiseuses, voire indis­crètes, voire indé­centes ; ils étaient des employés du ser­vice public, non des stars à la tête, à 35 ans, de boites de pro­duc­tion employant qua­rante per­sonnes, avec des salaires à côté desquels ceux des ministres (le sum­mum de la richesse, de mon temps) semblent aussi déri­soires que les cinq sous aban­don­nés par une vieille dame dans la sébile d’un néces­si­teux du voi­si­nage. Et tant de choses qui furent, qui nous furent fami­lières, avec lesquelles nous avons grandi, et que le pro­grès nous a volées. Nous ne les regret­tons pas for­cé­ment, mais elles nous manquent, comme les che­veux lorsque nous les avons per­dus, sans lesquels nous pou­vons vivre tou­te­fois. Elles nous manquent, parce qu’elles étaient de notre temps et que nous étions du leur ; elles ne nous ont jamais paru étranges. Étranges à notre regard, et sus­pects, tous ces objets nou­veaux que la publi­cité nous vante et qui encombrent le monde sans rien appor­ter à l’âme humaine, qui ne sont d’ailleurs nou­veaux, la plu­part du temps, que sur le plan des formes, et dont nous nous pas­se­rions sans peine, dont nous nous las­sons vite, comme d’une ciga­rette après trois bouf­fées. Ce monde de formes et de cou­leurs sans cesse mou­vantes est source d’angoisse pour qui cherche non plus l’agitation et la dis­trac­tion, mais la tranquillité et la concen­tra­tion, voire le recueillement.

Tout ça pour dire ceci, que s’il est natu­rel d’aimer à vingt ans le mou­ve­ment, le bruit, la dis­trac­tion, la nou­veauté, le pro­grès dans les mœurs (je n’associe que mal­ai­sé­ment la notion de mœurs avec celle de pro­grès, mais enfin…), la tech­nique omni­pré­sente et tous ces bidules qui émer­veillent la jeu­nesse et flattent sa vanité, s’il est natu­rel d’être à vingt ans de gauche, c’est-à-dire de croire en la per­fec­ti­bi­lité des hommes, de pen­ser dur comme fer que l’Histoire a un sens — il est natu­rel aussi, l’âge venant, de ne plus ajou­ter foi à ces calem­bre­daines et de virer réac­tion­naire, par sou­daine aller­gie à une moder­nité qui nous insulte chaque jour en nous fai­sant sen­tir à quel point nous sommes des caves. Nous sui­vons le mou­ve­ment, nous accro­chons jusqu’à un cer­tain point, avant de tout lâcher pour nous concen­trer sur l’essentiel, parce que le temps nous file entre les pattes, parce que nous n’avons que trop perdu d’heures à bavas­ser de rien avec per­sonne, à nous occu­per des affaires d’autrui, à nous indi­gner en pure perte contre les mêmes salades que toujours, à cou­rir aux culs de toutes les filles, à récol­ter les tem­pêtes dont nous avons semé les vents. Nous ne sommes pas fati­gués de vivre, bien au contraire. Nous avons plei­ne­ment conscience que notre vie, qui vous parait si misé­rable (écou­ter Pur­cell deux heures durant, faut-​​il être rin­gard !), est une belle et pré­cieuse — et unique ! — chose, si bien que nous ne la risquons plus stu­pi­de­ment pour épater les copains et copines ; nous sommes plus atten­tifs à notre santé, tant phy­sique que morale et intel­lec­tuelle, au point d’écarter sans bar­gui­gner toute nui­sance réelle ou sup­po­sée (la publi­cité, un mau­vais livre, une piètre émis­sion, une femme sans tête — dût son corps être le rêve d’un sculp­teur antique —, les ragots et les gugusses, les gens qui tournent autour du pot pour fina­le­ment accou­cher d’une rumeur, les bavards férus de psy­cho­lo­gie laca­nienne et ceux qui bandent en reli­sant Hei­deg­ger, les mou­che­rons boni­men­teurs, les cos­tu­miers d’opérette et les forains dis­gra­ciés, les démar­cheurs à domi­cile, les enfants, les Belges et autres cala­mi­tés à deux, trois ou quatre pattes). Nous vou­lions tout, à vingt ans ; nous ne vou­lons plus qu’une chose vingt ans plus tard : qu’on cesse de nous emmer­der, qu’on nous foute la paix.

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25/04/2010

La mise à mort de la vieille carne impuissante qui fut la gloire du monde.

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"Nous nous sommes déguisés, pour que personne ne puisse reconnaître ce que furent les vertus des hommes de notre monde, nous nous sommes barbouillés de peinture et de sang pour manifester notre mépris envers tout ce qui a fait la grandeur qui nous a faits. Nous assistons avec joie, enthousiasme uniquement à ce qui nie, détruit, dénature, ce qui fut l’œuvre de l’Occident. Nous trépignons sur son corps et crachons à son visage. Si le XIXe siècle a trahi par la conne conscience (ce qui ne fut jamais la vérité de l’Occident), nous, nous trahissons par la mauvaise conscience, qui devient à la limite pur délire. Quand on voit le cinéma des vingt dernières années, on est confondu de se rendre compte que seuls les films qui ont diffusé le mépris, l’ordure, la flagellation ont réussi. Et nul argument ne peut servir en face de ces évidences, de ces lieux communs totalement acceptés (…)

Je vois l’Europe marcher à grands pas vers sa fin. Non pour des raisons économiques ni techniques ni politiques, non qu’elle soit submergée par un tiers monde, en réalité impuissant, non qu’elle soit aussi mise en question par la Chine, mais parce qu’elle est partie pour son suicide. Toutes les conduites (je dis bien toutes) des Techniciens, des Bureaucrates, des Politiciens, et en plein accord fondamental, malgré la contradiction apparente, les discours des philosophes, des cinéastes, des scientifiques sont toutes des conduites suicidaires. Tout facteur positif qui peut apparaître est aussitôt retourné, déformé, inverti, pour devenir un nouveau chef d’accusation ou un moyen de destruction. La Gauche a triomphalement rejoint la Droite dans cette course à la mort, et le christianisme célèbre ses noces avec le marxisme pour procéder à la mise à mort de la vieille carne impuissante qui fut la gloire du monde."

Jacques Ellul, Trahison de l’Occident, 1975

Jacques Ellul

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18/02/2010

Je suis un artiste et non le porte-parole d’un million de voyous

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Kerouac et Burroughs furent les précurseurs du mouvement hippie. Ouais... bien malgré eux, croyez-moi.

« Les bretons étaient contre les révolutionnaires, qui étaient des athées, qui tranchaient les têtes au nom de la fraternité, tandis que les bretons avaient des raisons paternelles de rester fidèles à leur ancien mode de vie. »

« je ne suis pas bouddhiste, je suis un catholique en pèlerinage sur cette terre ancestrale qui s’est battue pour le catholicisme, à un contre dix, et qui a pourtant fini par gagner, car certes, à l’aube, je vais entendre sonner le tocsin, les cloches vont sonner pour les morts. »

« Partout dans le monde les intellectuels des villes vivent coupés de la terre et de ceux qui la cultivent, et ne sont en fin de compte que des insensés dépourvus de racines (…) toute cette ordure superficielle des existentialistes, des hipsters et des bourgeois décadents. »

« Pour moi le mot "beat" ne signifit pas "débordement de frénésie hystérique sans objet", la "beat generation" ce n’était pas les voyous, ni la canaille, les durs, les je-m’en-foutistes, ni les déracinés. Pour moi, the "beat" désigne bien une route, mais la route de celui qui recherche la "béatitude", à l’instar de Saint François d’Assise. Je suis artiste et conteur, un écrivain dans la grande tradition narratrice française et non le porte-parole d’un million de voyous. ».

Jack Kerouac : Satori à Paris/ Vanité de Duluoz/ Entretiens

 

« Quand je tomberai
dans l’affre inhumain
de la mort vertigineuse
je saurai (si
assez malin pour m’rappeler)
que tous les tunnels
noirs de la haine
ou de l’amour dans lesquels
je tombe, sont,
au fait,
des éternités rayonnantes
et vraies
pour moi »

Jack Kerouac
184e Chorus
Mexico City Blues

 

Le 12 octobre 1965 Jack Kerouac adresse une lettre à Sterling Lord, son agent : « Continuez à envoyer SATORI A PARIS aux éditeurs. Je crois qu’ils sont tous furieux d’apprendre que je suis le descendant de nobles bretons plutôt que le bâtard anonyme né de leurs propres préjugés. »

 

 

« Pour moi le péché le plus impardonnable est le Mensonge parce que, tout comme la fausse monnaie, il dévalue la vérité. »

« Sans friction, sans conflit, n'importe quel système s'arrêtera. » William S. Burroughs, Ultimes Paroles

« Je pense que les revues d’avant-garde française de l’époque ont voulu enrôler Burroughs dans un combat politique passéiste et sans issue qui ne le concernait pas vraiment. Burroughs luttait contre tous les discours. Il est resté fidèle à lui-même jusqu’à la fin de sa vie. Des gens comme lui ou, dans un autre domaine comme Sun Ra, sont exceptionnels. Lisant récemment deux de ses derniers ouvrages "Mon éducation, un livre des rêves" et "Ultimes paroles", j’ai été frappé d’y retrouver deux fois cette assertion qui devrait paraître très réactionnaire aux beaux esprits de notre époque : "Les scientifiques ne m’inspirent qu’un profond dégoût. Je préfère de loin un prêtre averti et cultivé… à un vieil abruti pétochard, éternellement planqué dans les chiottes d’un univers condamné". » Lucien Suel

Et en guise de digression :

« Car ce n’est pas avec le langage châtié des "conservateurs" post-modernes que s’exprimaient Rabelais ou saint Irénée de Lyon, pas plus que sainte Jeanne d’Arc, Tertullien ou saint Thomas d’Aquin, et pas plus que Kerouac, Jack, qui fut en son temps traité de "réactionnaire" par la clique gauchiste, et pas plus que M. Zimmermann, dit "Bob Dylan", à qui la même mésaventure arrive depuis sa conversion au christianisme évangélique. » Maurice G. Dantec

Consultez cet excellent lien qui fera frémir le gôchiste lambda...

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16/02/2010

Il est vain de vouloir rendre l'époque actuelle pareille au bon vieux temps

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"Le climat d'une époque est inaltérable. La dégradation continue de la situation prouve que nous sommes entrés dans le dernier stade de la Loi. Or, le printemps ou l'été ne peuvent durer toujours ni le jour de luire constamment. Il est donc vain de vouloir rendre l'époque actuelle pareille au bon vieux temps d'il y a un siècle. L'important est faire en sorte que chaque époque soit aussi bonne qu'elle peut l'être compte tenu de sa nature. L'erreur de ceux qui ont toujours la nostalgie des mœurs passés tient à leur méconnaissance de cette vérité. En revanche, ceux qui n'apprécient que ce qui est au goût du jour et méprisent le démodé sont bien superficiels."

Jōchō Yamamoto, Le Hagakure

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08/02/2010

CAMUS FASCISTE, DIXIT BHL…

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Michel Onfray démasque le funeste philosophard de service...

 


La Chronique Mensuelle de Michel Onfray - Février 2010


CAMUS FASCISTE, DIXIT BHL…

BHL écrit en 1991, dans Les aventures de la liberté (p. 291-294) que Camus fut un « intellectuel courageux », un écrivain jamais pris « en défaut de noblesse ou de cœur ». Il le trouve « joyeux fêtard », « bon copain », avoue avoir le même humour que lui ( !) et affirme que, s’il avait vécu, il lui aurait sûrement « apporté les épreuves de la Barbarie ». Il conclut, après des digressions sur sa ressemblance avec Humphrey Bogart : « J’aime Camus, donc. C’est, dans cette galerie d’ancêtres, l’un des rares dont je me sente vraiment proche. Et c’est un de mes rêves que d’écrire un jour un livre qui rendrait justice à cet ancêtre ». Puis BHL traite d’« imbéciles » ceux qui feraient de lui un défenseur de l’Algérie Française, sinon un « fasciste »… Enfin ceci : « Camus et Sartre. Camus qui a eu raison contre Sartre. On ne répétera jamais assez, combien il a eu raison contre Sartre et la bande des Temps modernes. » Suit une énumération des raisons qui permettent d’étayer cette thèse…

Ce livre a été écrit, en effet, il s’appelle Le siècle de Sartre. Sa parution eut lieu fort opportunément en 2000, autrement dit pour le vingtième anniversaire de sa mort – il y a toujours un effet de souffle en librairie pour ces fêtes funestes, pourquoi s’en priver… On peut y lire ceci (p. 420-421) à propos du goût qu’avait Camus de la nature , notamment dans L’été : « Quand on se proclame ainsi l’ami du monde, des choses du soleil, quand on ne se reconnaît plus d’autre loi que celle de la fidélité à la sainte loi de la nature et de ses harmonies spontanées ». Suivent alors sur le mode lyrique une évocation de Nietzsche, de la « grande raison du corps » puis, cette conclusion à la fin d’une longue cadence proustienne : « N’y-a-t-il pas là, mine de rien, une autre matrice du pire ? n’est-elle pas, cette foi aveugle dans la nature, l’autre grande source, après l’ubris ou avant elle, du totalitarisme et, en tout cas, du meurtre ? ». On aura bien lu : Camus défenseur ontologique du totalitarisme et du crime !



La stratégie de BHL apparaît clairement dans cette volte-face majeure : il s’agit d’occuper dans le champ médiatico-philosophique une place facilement identifiable. Camus, un fils de pauvre resté fidèle à son milieu, un socialiste libertaire, un philosophe qui n’a pas appris la misère à l’Ecole Normale Supérieure mais dans sa famille, un anti-mondain plus soucieux de méditerranée que de Saint Germain des Près, un nietzschéen de gauche, l’ami des gens de peu, un pupille de la nation, boursier reconnaissant au système d’éducation de la République et défenseur de la méritocratie par l’instituteur, un solitaire solidaire, voilà, de fait, qui ne pèse pas lourd face à Sartre le fils des beaux quartiers bourgeois, l’enfant peaufiné au précepteur, le normalien agrégé plus à l’aise dans le livre que dans le monde, le socialiste autoritaire, l’ami des dictateurs, l’animal qui chasse en meute et lance ses chiens germanopratins pour tuer, sinon ses serpents pour séduire…

On comprend, idiosyncrasie écrirait Nietzsche, combien BHL a pu aspirer jadis à la pureté camusienne comme à un idéal du moi, mais combien aussi, quand on veut faire carrière, l’auteur de L’homme révolté ne peut être un modèle au contraire de celui de la Critique de la raison dialectique

Michel Onfray


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26/01/2010

La Tolérance de l'Islam

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Ce qui dicte la vision du monde des musulmans, c’est que l’humanité entière doit respecter les impératifs de leur religion, alors qu’ils ne doivent eux-mêmes aucun respect aux religions des autres, puisqu’ils deviendraient alors des renégats méritant l’exécution immédiate. La “tolérance” musulmane est à sens unique. Elle est celle que les musulmans exigent pour eux seuls et qu’ils ne déploient jamais envers les autres. Soucieux de se montrer tolérant, le pape a autorisé, encouragé même, l’édification d’une mosquée à Rome, ville où est enterré Saint Pierre. Mais il ne saurait être question de contruire une église à La Mecque, ni nulle part en Arabie Saoudite, sous peine de profaner la terre de Mahomet. En octobre 2001, des voix islamiques, mais aussi occidentales, ne cessèrent d’inviter l’Administration américaine à suspendre les opérations militaires en Afghanistan durant le mois du ramadan, qui allait commencer à la mi-novembre. Guerre ou pas guerre, la décence - disaient les bien-intentionnés - impose certains égards pour les fêtes religieuses de tous. Belle maxime, sauf que les musulmans s’en tiennent pour les seuls exemptés. En 1973, l’Egypte n’a pas hésité à attaquer Israël le jour même du Kippour, la plus importante fête religieuse juive, guerre qui est restée dans l’histoire précisément sous l’appellation la “guerre du Kippour”.


Le deuxième volet du mythe de l’islam tolérant consiste à soutenir hautement que le gros des populations musulmanes désapprouve le terrorisme, et au premier rang l’immense majorité des musulmans résidents ou citoyens des pays démocratiques d’Europe ou d’Amérique. Les muphtis ou recteurs des principales mosquées en Occident se sont fait une spécialité de ces assurances suaves. Après chaque déferlement d’attentats meurtriers, par exemple en France en 1986 et en 1995, ou après la fatwa ordonnant de tuer Salman Rushdie en 1989 ou Taslima Nasreen en 1993 pour “blasphème”, ils n’ont pas leurs pareils pour garantir que les communautés religieuses dont ils ont la charge spirituelle sont foncièrement modérées. Dans les milieux politiques et médiatiques, on leur emboîte avec empressement le pas, tant la crainte nous étrangle de passer pour racistes en constatant simplement les faits. Comme le dit encore Ibn Warraq, “la lâcheté des Occidentaux m’effraie autant que les islamistes.”

Ainsi, le quotidien Le Parisien-Aujourd’hui, dans son numéro du 12 septembre 2001, publie un reportage sur l’atmosphère de liesse qui a régné durant toute la soirée du 11 dans le XVIIIe arrondissement de Paris, où vit une importante communauté musulmane. “Ben Laden, il va tous vous niquer ! On a commencé par l’Amérique, après ce sera la France.” Tel était le type de propos “modérés” adressés aux passants dont le faciès semblait indiquer qu’ils n’étaient pas maghrébins. Ou encore : “Je vais faire la fête ce soir car je ne vois pas ces actes [les attentats de New York et de Washington] comme une entreprise criminelle. C’est un acte héroïque. Ca va donner une leçon aux Etats-Unis. Vous, les Français, on va tous vous faire sauter.”

Ce reportage du Parisien n’a eu d’équivalent dans aucun autre organe de la presse écrite et fut passé sous silence par la quasi-totalité des médias. En tout cas, auditeur assidu, chaque matin, des diverses revues de presse radiophoniques, je ne l’ai entendu mentionner dans aucune d’entre elles, sauf erreur, ce 12 septembre.

Malgré l’imprécision des statistiques, on considère que la population vivant en France compte entre quatre et cinq millions de musulmans. C’est la communauté musulmane la plus nombreuse d’Europe, suivie, loin derrière, par celles d’Allemagne et de Grande-Bretagne. Si “l’immense majorité” de ces musulmans était modérée, comme le prétendent les muphtis et leurs suiveurs médiatico-politiques, il me semble que cela se verrait un peu plus. Par exemple, après les bombes de 1986 puis de 1995, à Paris, qui tuèrent plusieurs dizaines de Français et en blessèrent bien davantage, il aurait bien pu se trouver, sur quatre millions et demi de musulmans, dont une bonne part avait la nationalité française, quelques milliers de “modérés” pour organiser une manifestation et défiler de la République à la Bastille ou sur la Canebière. Nul n’en a jamais vu l’ombre.

En Espagne, des manifestations rassemblant jusqu’à cent mille personnes ont souvent eu lieu en 2001 pour honnir les assassins de l’ETA militaire. Elles se sont déroulées non seulement dans l’ensemble du pays, mais au Pays basque même, où les manifestants pouvaient craindre des représailles, quoique les partisans des terroristes y fussent effectivement très minoritaires, comme l’ont encore prouvé les élections régionales de novembre 2000.

Si, au rebours, les musulmans modérés en France osent si peu se manifester, la raison n’en serait-elle pas qu’ils savent que ce sont eux les minoritaires au sein de leur communauté et non les extrémistes ? Voilà pourquoi ils sont modérés… avec modération.

Il en va de même en Grande-Bretagne, où l’on vit, en 1989, les musulmans, pour la plupart d’origine pakistanaise, se déchaîner pour hurler à la mort contre Salman Rushdie, mais où l’on ne vit aucun d’entre eux protester contre ces cris barbares. Après le 11 septembre, tel porte-parole qualifié des musulmans britanniques, El Misri, définit les attentats contre les World Trade Center comme des actes de “légitime défense”. Tel autre, Omar Bakri Mohammed, lança une fatwa ordonnant de tuer le président du Pakistan, coupable d’avoir pris position en faveur de George Bush contre Ben Laden. Chacun a eu beau tendre l’oreille, personne n’a entendu la moindre foule “modérée” islamo-britannique protester dans les rues contre ces appels au meurtre, parcqu’il n’en existe aucune, pas plus qu’il n’y a de foule “modérée” islamo-française. La notion que “l’immense majorité” des musulmans fixés en Europe serait modérée se révèle n’être qu’un rêve, ce qui fut mis spectaculairement en lumière durant les deux mois qui suivirent les attentats contre les Etats-Unis.

 

Jean-François Revel, de l'Académie Française,  "L'obsession antiaméricaine", Plon, 2002


 

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22/01/2010

L’exil jusqu’à Dieu

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« Toute époque est une aventure. Je suis un aventurier. Bonne époque pour moi que mon époque. Je connaissais déjà les courses d’autos, la cocaïne, l’alpinisme. Je trouvais dans cette campagne désolée, abstraite, le sport d’abîme que je flairais depuis longtemps.
Patrouilles, guerre de mines, camaraderie bestiale et farouche, gloire sordide.
Je me gorgeais de cette ivresse de la terre ; c’était une gésine frénétique ininterrompue dans les râles, les jurons, la peur qui lave les boyaux. Ce qui exultait depuis longtemps dans ma jeunesse, enfin je le distinguais entièrement dans mes poings aussi nettement que mes dix doigts.
Les races hurlaient leur génie altéré.
La violence des hommes : ils ne sont nés que pour la guerre, comme les femmes ne sont faites que pour les enfants. Tout le reste est détail tardif de l’imagination qui a déjà lancé son premier jet. J’ai senti alors un absolu de chair crue, j’ai touché le fond et j’ai étreint la certitude. Il ne fallait pas sortir de la forêt : l’homme est un animal dégénéré, nostalgique.
De cette fureur du sang sortit ce qui en sort à coup sûr, un élan mystique qui, nourri de l’essentiel de la chair, rompit toutes les attaches de cette chair et me jeta, pure palpitation, pur esprit, dans l’extrême de l’exil jusqu’à Dieu. »

Pierre Drieu La Rochelle

Le jeune Européen. 1927

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19/01/2010

Fascisme II

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"Je suis profondément convaincu que le vrai fascisme est ce que les sociologues ont trop gentiment nommé ” la société de consommation “, définition qui paraît inoffensive et purement indicative. Il n’en est rien. Si l’on observe bien la réalité, et surtout si l’on sait lire dans les objets, le paysage, l’urbanisme et surtout les hommes, on voit que les résultats de cette insouciante société de consommation sont eux-mêmes les résultats d’une dictature, d’un fascisme pur et simple. Dans le film de Naldini, on voit que les jeunes étaient encadrés et en uniforme… Mais il y a une différence : en ce temps là, les jeunes, à peine enlevaient-ils leurs uniformes et reprenaient-ils la route vers leurs pays et leurs champs, qu’ils redevenaient les Italiens de cinquante ou de cent ans auparavant, comme avant le fascisme.

Le fascisme avait en réalité fait d’eux des guignols, des serviteurs, peut-être en partie convaincus, mais il ne les avait pas vraiment atteints dans le fond de l’âme, dans leur façon d’être. En revanche, le nouveau fascisme, la société de consommation, a profondément transformé les jeunes; elle les a touchés dans ce qu’ils ont d’intime, elle leur a donné d’autres sentiments, d’autres façons de penser, de vivre, d’autres modèles culturels. Il ne s’agit plus, comme à l’époque mussolinienne, d’un enrégimentement superficiel, scénographique, mais d’un enrégimentement réel, qui a volé et changé leur âme. Ce qui signifie, en définitive, que cette ” civilisation de consommation ” est une civilisation dictatoriale. En somme, si le mot de ” fascisme” signifie violence du pouvoir, la ” société de consommation ” a bien réalisé le fascisme."

Écrits corsaires - Pier Paolo Pasolini

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13/01/2010

Les Liaisons Dangereuses du MRAP (2004)

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Rapport "Les Liaisons dangereuses du MRAP" (2004)

Bien entendu, je vous conseille d'aller directement ici et de lire, ou imprimer, dans de bonnes conditions.

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