25/07/2011
Evola et Maurras
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« Evola défend une monarchie d’inspiration métaphysique, par quoi il faut entendre, non pas tant une monarchie "de droit divin", au sens classique de cette expression, qu’une monarchie fondée sur des principes dérivant eux-mêmes de ce qu’Evola appelle la "Tradition primordiale". Cette "Tradition primordiale" reste à mes yeux aussi nébuleuse qu’hypothétique, mais là n’est pas la question. Ce qui est sûr, c’est que Julius Evola se fait de la monarchie une idée assez différente de celle de la plupart des théoriciens royalistes contemporains. Une étude comparative des idées de Charles Maurras et d’Evola, étude qui n’a pas encore été réalisée, serait de ce point de vue des plus utiles.
Certes, entre Maurras et Evola, il y a un certain nombre de points communs. Sur un plan plus anecdotique, on peut aussi rappeler que Pierre Pascal, réfugié en Italie après 1945 et qui fut jusqu’à la fin de sa vie assez actif dans certains milieux évoliens, avait dans sa jeunesse été un proche collaborateur de Maurras. Mais il n’en est pas moins vrai que le royalisme maurrassien, tout empreint de positivisme au point que Maurras put être qualifié de "Jacobin blanc" par Georges Bernanos et Edouard Berth, diffère profondément de l’idée monarchique tel que la conçoit Evola.
Ce dernier s’affirmait avec hauteur un Gibelin, tandis que Maurras était un Guelfe. Evola ne faisait guère la différence entre la royauté et l’Empire, qu’il défendait avec la même vigueur, tandis que Maurras, conformément à la tradition française, voyait dans la "lutte contre l’Empire" le principal mérite de la dynastie capétienne. Evola a toujours manifesté à la fois de l’intérêt pour les doctrines orientales et de la sympathie pour l’Allemagne ou le Nord "hyperboréen", alors que Maurras le Provençal, comme Henri Massis, opposait radicalement l’Orient à l’Occident et n’avait que mépris pour les "Barbares" établis de l’autre côté du Rhin. En outre, Evola peut être considéré comme un théoricien des origines, puisqu’il rappelle sans cesse que le mot archè renvoie à la fois au plus ancien passé, à l’« archaïque », mais aussi à ce qui, de ce fait même, commande le présent. Maurras, au contraire, professe (de manière d’ailleurs assez paradoxale) un complet mépris des origines et ne s’intéresse aux grandes entreprises politiques qu’au travers de leur final accomplissement. Quant à leur conception de la politique, elle diffère elle aussi du tout au tout, Maurras (qui n’a jamais lu Evola) se réclamant de l’ "empirisme organisateur" et du "nationalisme intégral" là où Julius Evola (qui a lu Maurras) se réclame de la métaphysique et fait du nationalisme une critique féroce largement justifiée. »
Alain de Benoist, Entretien avec Marco Iacona à propos de Julius Evola
Nouvel entretien sur Julius Evola, Alain de Benoist avec Marco Iacona en Fichier PDF
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24/07/2011
Le paradigme de tous les langages sociaux
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« La publicité n’est pas seulement le vecteur d’une incitation à l’achat. Globalement, elle sert avant tout à entretenir l’idée que le bonheur, raison d’être de la présence au monde, se ramène ou se confond avec la consommation. Elle ne vise pas tant à valoriser un produit particulier qu’à valoriser l’acte d’achat dans sa généralité, c’est-à-dire le système des produits. La publicité incarne le langage de la marchandise, qui est en passe de s’instaurer comme le paradigme de tous les langages sociaux. »
Alain de Benoist, Critiques-Théoriques
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23/07/2011
Hélas, c’est vous que vous fuyez, vous-mêmes
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« L’expérience de 1914 ne vous a pas suffi ? Celle de 1940 ne vous servira d’ailleurs pas davantage. (…) Trente, soixante, cent millions de morts ne vous détourneraient pas de votre idée fixe : "Aller plus vite, par n’importe quel moyen." Aller vite ? Mais aller où ? (…) Oh ! dans la prochaine inévitable guerre, les tanks lance-flammes pourront cracher leur jet à deux mille mètres au lieu de cinquante, le visage de vos fils bouillir instantanément et leurs yeux sauter hors de l’orbite, chiens que vous êtes ! La paix venue, vous recommencerez à vous féliciter du progrès mécanique. Paris-Marseille en un quart d’heure, c’est formidable ! Car vos fils et vos filles peuvent crever, le grand problème à résoudre sera toujours de transporter vos viandes à la vitesse de l’éclair. Que fuyez-vous donc, imbéciles ? Hélas, c’est vous que vous fuyez, vous-mêmes — chacun de vous se fuit soi-même, comme s’il espérait courir assez vite pour sortir enfin de sa gaine de peau... »
Georges Bernanos, La France contre les Robots
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21/07/2011
Comme l'écrivait Marx, "tout ce qui avait solidité et permanence s'en va en fumée et tout ce qui était sacré est profané"
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« Il apparaît en effet évident que l'accumulation du Capital (ou "Croissance") ne pourrait se poursuivre très longtemps si elle devait s'accommoder de l'austérité religieuse, du culte des valeurs familiales, de l'indifférence à la mode ou de l'idéal patriotique. Il suffit d'ouvrir les yeux sur le monde qui nous entoure pour constater, au contraire, que la "croissance" ne peut trouver ses bases psycho-idéologiques réelles que dans une culture de la consommation généralisée, c'est à dire dans cet imaginaire "permissif", "fashion" et "rebelle" dont l'apologie permanente est devenue la principale raison d'être de la nouvelle gauche (et qui constitue parallèlement le principe même de l'industrie du divertissement, de la publicité et du mensonge médiatique).
Comme le souligne Thomas Frank "c'est le monde des affaires qui, depuis les plateaux de télévision, et toujours sur le ton hystérique de l'insurrection culturelle, s'adresse à nous, choquant les gens simples, humiliant les croyants, corrompant les traditions et fracassant le patriarcat. C'est à cause de la nouvelle économie et de son culte pour la nouveauté et la créativité que nos banquiers se gargarisent d'être des révolutionnaires et que nos courtiers en bourse prétendent que la détention d'actions est une arme anticonformiste qui nous fait entrer dans le millénaire rock'n'roll."
C'est donc parce qu'une "économie de droite" ne peut fonctionner durablement qu'avec une "culture de gauche" que les dictatures libérales ne sauraient jamais avoir qu'une fonction historique limitée et provisoire : celle, en somme, de "remettre l'économie sur ses rails" en noyant éventuellement dans le sang (sur le modèle indonésien ou chilien) les différents obstacles politiques et syndicaux à l'accumulation du Capital.
A terme, c'est cependant le régime représentatif (dont l'ingénieux système électoral, fondé sur le principe de l'alternance unique, constitue l'un des verrous les plus efficaces contre la participation des classes populaires au jeu politique) qui apparaît comme le cadre juridique et politique le plus approprié au développement intégral d'une société spectaculaire et marchande ; autrement dit d'une société en mouvement perpétuel dans laquelle, comme l'écrivait Marx, "tout ce qui avait solidité et permanence s'en va en fumée et tout ce qui était sacré est profané". »
Jean-Claude Michéa, La double pensée, retour sur la question libérale
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20/07/2011
En U.R.S.S., tout fonctionnaire d'un certain rang doit, avant de conquérir le poste qu'il occupe, noyer plusieurs dizaines de concurrents
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« Ayant vécu dans un pays où l'hostilité à l'égard du monde environnant est la philosophie officielle, où chaque écolier sait que la guerre (chaude ou froide) contre les pays "capitalistes" est conduite sans répit, nous sommes frappés par la quiétude insouciante de l'Occident, cet état d'esprit à la limite de la légèreté. Aussi bien informés que nous ayons cru l'être sur la vie occidentale, nous ne pouvions imaginer cela. Quand on constate cet état d'esprit chez l'homme de la rue, cela étonne. Quand il s'agit d'hommes d'État, on commence à avoir peur.
Essayez de comprendre quel genre d'hommes ils sont, me conseillaient mes amis. Avec ton acquis de bagnard, essaye de trouver à quel genre d'interrogatoire ils auraient craqué.
Je crains que les connaissances que j'ai acquises sur les hommes ne m'aient pas été, en l'occurrence, d'une grande utilité. Mes interlocuteurs n'avaient pas d'interrogatoires à craindre, et d'ailleurs la personnalité compte peu dans la politique moderne. Ce sont des appareils monstres qui fonctionnent à l'Est et à l'Ouest. Par la suite, j'ai rencontré des adjoints, des conseillers, des sénateurs et des membres du Congrès, ainsi que leurs états-majors. Mes conclusions n'étaient nullement optimistes. Ces gens avaient reçu une meilleure instruction que leurs homologues soviétiques, ils étaient incontestablement plus humains. Mais, de toute évidence, ils n'avaient pas l'expérience soviétique de la lutte pour survivre, lutte féroce qui se rit de toute morale.
En U.R.S.S., tout fonctionnaire d'un certain rang doit, avant de conquérir le poste qu'il occupe, noyer plusieurs dizaines de concurrents, sinon enjamber des cadavres, assimiler toutes les lois de la bassesse et de la perfidie. Nous sommes souvent stupéfaits de voir nos leaders soviétiques, sachant à peine lire et écrire, sans la moindre culture générale, souvent incapables de parler un russe correct, réussir à gouverner un immense empire et à terroriser le monde entier. Il n'y a là aucune énigme ; ce n'est pas la peine de chercher des éminences grises. Les leaders soviétiques n'ont, en réalité, besoin ni d'instruction ni de culture. Ces qualités ne pourraient que les gêner. Psychologiquement, typologiquement, ce sont des criminels, et la ruse et l'expérience sont les conditions de leur succès. Un "caïd" n'a nul besoin d'avoir lu Tolstoï ou Shakespeare pour terroriser la population de tout un camp. Cinquante ans de relations entre les pays démocratiques et l'U.R.S.S. reproduisent avec une fidélité frappante le tableau des rapports existant entre les "demi-sel" et les "caïds". Les premiers se faisant systématiquement gruger et piller dans les prisons de transfert.
Il y a en Occident une propension inouïe à l'exagération, la moindre anicroche prend des allures de catastrophe. Loin de moi l'idée d'imiter les Occidentaux et d'en rendre la presse responsable. Les journaux ne font qu'assouvir la soif de sensations de leurs lecteurs. Comme on dit chez nous, pourquoi s'en prendre au miroir si l'on a le visage de traviole ? Mais l'Occidental est sans doute fait de telle sorte qu'il ne se reproche jamais rien à lui-même. Cette idée lui paraît sacrilège, à la limite du complot contre la démocratie. Personne ne veut se rendre compte que la bonne moitié des "crises" sont dues à cette simple raison.
Étonnante faculté que l'homme a de projeter ses maux intérieurs dans le monde environnant, puis d'exiger une refonte de l'univers ! Tout comme un chiot qui guerroie avec sa queue. Celui qui souffre d'un complexe d'infériorité crie à la discrimination, le paranoïaque se lamente d'être persécuté. Si je ne suis pas bien, c'est la faute de ceux qui m'entourent. Les thèses de chacune de ces deux sociétés sont diamétralement opposées : en U.R.S.S., l'homme a systématiquement tort, l'État toujours raison. Ici, l'homme est persuadé qu'il a le droit d'être toujours heureux. S'il tombe malade, c'est que les bien-portants lui doivent des comptes, si l'on est pauvre, ce sont les riches qui en sont coupables. Égocentrisme purement infantile, refus tout aussi infantile d'accepter la moindre limitation. Un jour, les étudiants de mon collège de Cambridge se mutinèrent, ils occupèrent les bureaux et organisèrent un sit-in. La raison : l'un d'entre eux avait été puni pour avoir été grossier avec le personnel du bar et interdit d'entrée pendant un mois. Les gens se seraient tordus de rire en U.R.S.S. Ces étudiants auraient été exclus de l'université en cinq minutes, incorporés dans l'armée et auraient ensuite passé le reste de leur vie "à s'aguerrir dans le chaudron ouvrier" sans avoir le droit de reprendre leurs études.
Je crains que la notion de droit ne soit ici encore plus sommaire que chez l'homo sovieticus. Par exemple, la Constitution des États-Unis prévoit le droit de rechercher son bonheur. Il est difficile d'imaginer ce que cela peut signifier. Le bonheur, comme on sait, est un état fugitif et il est des hommes qui en sont organiquement incapables. En revanche, il en est chez qui l'aspiration au bonheur ne peut les conduire qu'à un conflit avec la société. À supposer que le bonheur d'un homme consiste à tuer sa femme, devra-t-on lui en adjuger le droit ?
Cet immobilisme, cette passivité, cette certitude de recevoir une aide venue de l'extérieur nous étonnent énormément, car, dès notre enfance, on nous a inculqué en Union soviétique que la société ne nous doit rien, qu'au contraire nous lui sommes redevables de tout. Prenons par exemple le fameux problème du chômage. Si l'on appliquait en U.R.S.S. les critères occidentaux on recenserait autant de chômeurs qu'en Occident, sinon plus. Pour commencer, l'État soviétique refuse a priori l'existence même de la notion de chômage. Il n'existe aucune agence pour l'emploi où l'on puisse s'inscrire. Il ne viendrait à personne l'idée de verser des allocations aux sans-travail. Le fameux "droit au travail" promulgué en U.R.S.S. ne signifie nullement que l'on puisse prétendre travailler dans le métier que l'on a. Il s'agit du droit au travail, pas d'un droit à l'exercice de son métier. Si un ajusteur ne trouve pas une place dans sa branche, il n'a qu'à devenir tourneur, chauffeur, ouvrier du bâtiment, manutentionnaire, éboueur... Cela ne concerne personne, mais si vous restez trop longtemps sans travail, vous êtes convoqué à la milice où l'on vous intime l'ordre de trouver une situation, en vous rappelant que le parasitisme est un délit. Si, un mois plus tard, vous êtes toujours sans emploi, vous êtes bon pour deux ans de prison. Dans les camps, on trouvera toujours à vous employer à l'abattage du bois ou aux grands chantiers du communisme. Car en U.R.S.S., "ceux qui ne travaillent pas ne mangent pas".
Voyons maintenant ce que représente le chômage en Occident. Tout le monde peut s'inscrire au chômage, même si, en réalité, l'intéressé travaille. La vérification est très difficile. On indique soi-même son métier, ou l'on se réfère à ses emplois précédents. Il n'est pas important de savoir que vous avez pu être licencié pour incompétence. Par la suite, on vous fera des offres d'emplois dans la branche choisie, et il vous appartiendra de les accepter ou de les refuser. Cela peut durer des mois et des mois. Pendant ce temps, vous continuez à recevoir des allocations. Si les conditions du nouvel emploi que l'on vous propose sont moins bonnes que celles du précédent, vous êtes parfaitement en droit de le refuser. Il va de soi que l'on doit vous faire des offres d'emploi pour la région que vous habitez et non à l'autre bout du pays. Ajoutez à cela les jeunes sortant des écoles et qui viennent chaque année gonfler les rangs des chômeurs, les étudiants qui s'inscrivent au chômage pour la période des vacances, un certain nombre de parasites de métier qui n'ont jamais eu la moindre velléité de travailler et vous comprendrez ce que représente le chômage en Occident. Maintenant, dites-moi où se trouve le socialisme, comment on peut le distinguer du capitalisme ?
Il importe peu de savoir qui est au gouvernement, les socialistes ou un autre parti. Le processus de socialisation se déroule avec une incroyable rapidité, car le socialisme est devenu partie intégrante de la mentalité occidentale, il s'est assimilé aux tissus vivants du monde moderne. Il suffit de lire les journaux, de quelque tendance que ce soit, pour s'apercevoir que désormais les entreprises n'existent plus pour produire. Leur principale raison d'être est de créer des emplois. L'entreprise peut ainsi se permettre de ne pas être productive, ou de ne sortir que de la camelote.
Il n'y avait là pour moi rien de bien nouveau. Quand j'étais en prison, j'avais lu une fois dans les journaux que des ouvriers, quelque part en Europe, avaient occupé leur usine parce que leur patron avait l'intention de la liquider. Elle ne faisait plus de profits. Le patron ayant porté plainte, la police déclara qu'elle n'avait pas à se mêler de cette affaire, car il n'y avait pas de délit. Je n'en croyais pas mes yeux. Ainsi, lorsqu'un voleur vous fait les poches, c'est un crime, mais si l'on vous vole une usine, c'est dans l'ordre des choses. Plus tard, je faisais part de ma perplexité à un jeune diplomate que l'on ne pouvait soupçonner d'être prosocialiste. "Vous ne comprenez donc pas, me répondit-il, il s'agit des emplois de ces ouvriers, de leur lieu de travail. Cela leur donne tous les droits".
Cette explication ne me parut pas satisfaisante, et je continue toujours à ne pas comprendre cette étrange logique. Si une femme de ménage vient travailler chez moi une fois par semaine, a-t-elle le droit de disposer des lieux ? Peut-elle occuper mon appartement et refuser de s'en aller si, pour une raison ou pour une autre, je dois renoncer à ses services ? La police dirait-elle encore qu'il n'y a pas de délit, qu'il s'agit d'un simple conflit du travail ?
Il serait vain de chercher de la logique dans tout cela. La logique cesse d'exister là où commence l'idéologie, en l'occurrence, l'idéologie socialiste. Bref, de toutes les justifications que nous nous trouvons, délibérément ou inconsciemment, les idéologies de masse sont les plus méprisables. Elles font de l'humanité un troupeau de moutons. Et de toutes les idéologies de masse, le socialisme est la plus dangereuse, car elle libère l'homme de toute responsabilité. Par exemple, ce serait malgré lui que l'homme deviendrait alcoolique, drogué ou bourreau. C'est la société, le milieu social qui en sont tenus responsables.
Je ne comprends pas pourquoi Marx a décidé de but en blanc que les ouvriers sont enclins aux révolutions, que "le prolétariat n'a rien à perdre sauf ses chaînes". Bien au contraire, cette couche de la société est la plus inerte, elle cède facilement ses libertés pour se sentir sécurisée.
Le mouvement ouvrier, très orageux à ses débuts, a conduit à la création de l'État-Providence. Une répartition bien plus équitable des richesses a été obtenue, tout un système de garanties sociales mis en place. Pratiquement parlant, le socialisme, dans la mesure où il est humainement possible, a été construit en Occident. Cela a entraîné certaines conséquences regrettables. L'efficacité de l'économie, la qualité du travail ont eu à en souffrir, le système économique dans son ensemble a été déstabilisé. Le travail en tant que tel, surtout s'il est automatisé à l'extrême comme dans la société industrielle moderne, n'est nullement un plaisir. L'apparition d'éléments très importants de socialisme et de garanties sociales a supprimé toute motivation. Que l'on travaille bien ou mal, ou pas du tout, votre niveau de vie n'en est pratiquement pas affecté.
L'égalité est un état artificiel qui demande à être constamment entretenu d'une manière artificielle. Les hommes ne sont pas égaux par définition. Aussi le maintien de l'égalité coûte-t-il des sommes immenses, c'est un très lourd fardeau sur les épaules de ceux qui travaillent, des plus doués. Ce principe ne fait que dépraver encore plus les fainéants, contribue à l'apparition du climat de parasitisme dont j'ai déjà parlé. Une force organisée est indispensable pour entretenir cette égalité, et cette force manifeste dans la société des tendances dominatrices, aspire à échapper à tout contrôle.
Comme toute institution sociale, elle a tendance à mener une existence indépendante des problèmes qui l'ont engendrée, à poursuivre des objectifs qui ne sont déterminés que par le fait même de son existence. Cela s'applique à la bureaucratie en plein essor, à la bureaucratie des syndicats en particulier. Nous oublions que le socialisme, en vertu même de ses principes, ne se consacre pas à la protection des droits de l'individu. Au contraire, conformément à cette idéologie, les intérêts de l'homme sont sacrifiés à ceux du bien commun. Si les syndicats occidentaux sont indépendants de l'État, on ne saurait les considérer comme libres, car l'homme n'est pas libre de décider d'y adhérer, ou de ne pas y adhérer, il devient dangereux de voter contre une grève proposée par la direction syndicale. Bref, l'homme sacrifie de plus en plus sa liberté à la sécurisation.
Paradoxalement, l'homme n'obtient ni le bien-être ni la sécurisation. Bien au contraire, car le système est tout, sauf stable. L'économie est sur une pente glissante, le niveau de vie est en train de chuter. L'entreprise se trouve prise entre deux feux, fait faillite, puis, pour sauver les emplois, il ne reste plus qu'à la nationaliser, ce qui revient à la réduire à un état de carence et de non-rentabilité chroniques. L'État n'a que la solution d'alourdir la fiscalité, c'est-à-dire de saper la rentabilité des entreprises restées saines.
Certains lecteurs pourraient conclure que je prends au sérieux tous ces "ismes", voire que je me fais l'avocat du capitalisme que je considérerais comme une panacée. Cela est tout à fait faux. Je vois simplement autour de moi que le socialisme suscite d'immenses sympathies ; qu'il est pris pour un bien. Au fond, personne ne sait au juste ce qu'est le socialisme. Il y a autant de socialismes que de socialistes. Je suis très perplexe quand je vois par le monde tant de gens persuadés qu'il est possible de résoudre tous les problèmes par un simple remaniement des structures sociales.
Il est possible d'abolir l'argent, de détruire les objets de luxe, de soumettre à un rationnement draconien les produits d'alimentation et les objets de première nécessité, il est possible de faire vivre toute l'humanité dans des baraquements rigoureusement identiques, de répartir au sort les maris et les femmes, bref il est possible de réduire l'humanité à un état animal en voulant obtenir l'égalité à tout prix. C'est une entreprise vouée à l'échec. L'homme trouvera toujours le moyen de sortir du rang, fatalement les hommes conviendront d'une valeur ou d'un bien qui ne pourrait être réparti à part égale entre tous et qui sera à la source de l'inégalité. Le seul et unique résultat de cette monstrueuse expérience serait d'engendrer une inégalité et une corruption sans précédent, car dans ces conditions le moindre des privilèges serait perçu comme une inégalité révoltante. Il ne saurait être question de fraternité. La police secrète a besoin d'effectifs astronomiques pour maintenir un nivellement de ce genre.
Les Occidentaux préfèrent éviter de réfléchir à l'expérience soviétique, ils évitent de l'analyser. On estime que c'est un modèle "altéré", impur. Absolument pas. La direction soviétique a toujours agi conformément à la théorie, dans les intérêts des travailleurs. Nos leaders avaient simplement plus de suite dans les idées que ceux qui les avaient précédés ou qui ont suivi leur exemple. Les échecs ne les faisaient pas désespérer, au contraire ils réagissaient en adoptant une ligne encore plus orthodoxe. Je crois que seuls les Khmers rouges ont fait preuve d'une obstination encore plus grande, mais leur règne a été bref. Les résultats obtenus en U.R.S.S. sont bien plus intéressants. En soixante-deux ans d'existence, le pouvoir soviétique n'a pas réussi à éteindre l'instinct de propriété, quoique les véhicules de cet instinct aient été exterminés physiquement ou continuent à être persécutés. Cet objectif est aussi difficile à atteindre que d'essayer de détruire tous ceux qui ont le nez camus ou les yeux bleus. Au contraire, l'instinct de propriété s'est manifesté avec une intensité inusitée précisément chez ceux qui, semble-t-il, devaient être immunisés. L'expérience soviétique a permis une conclusion tout à fait inattendue : nous avons pu constater que les biens, la propriété, ne sont nullement une valeur matérielle, mais au contraire spirituelle. Pour l'immense majorité, c'est plus exactement un moyen d'expression, de réalisation de soi. On ne peut s'attendre à ce que le grand nombre trouve sa réalisation dans les arts ou les sciences, il faut, enfin, comprendre tous ceux que ces occupations n'intéressent pas. D'ailleurs, même parmi les artistes et les chercheurs, il est rare de trouver des fanatiques qui n'ont besoin de rien, qui se contentent du seul exercice de leur métier.
Je doute que, parmi tous les jeunes qui partent à l'assaut des centrales nucléaires au nom du socialisme, il s'en trouve un seul qui se rende compte de l'incompatibilité entre la foi en l'équilibre écologique et le socialisme, qui sache que l'idée du socialisme est entièrement contre nature, qu'elle se fonde sur la soi-disant possibilité pour l'homme de reconstruire le monde, de corriger les imperfections de la nature.
Jamais je n'ai réussi à comprendre les socialistes. Seul quelqu'un qui vit de fantasmes et non de l'observation réelle de l'être humain peut croire que les hommes sont égaux (ou aspirent à l'être). Même des jumeaux vrais qui ont été éduqués et formés ensemble ne sont pas tout à fait égaux. Et puis, pourquoi aspirer à l'égalité ? Serait-il intéressant de vivre dans un univers d'êtres qui soient tous pareils ? Pourquoi faut-il avoir des réactions aussi maladives face à l'inégalité matérielle ? »
Vladimir Boukovski, Cette lancinante douleur de la liberté
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19/07/2011
On ne peut nier que les personnalités s'affaiblissent à l'Ouest, tandis qu'à l'Est elles ne cessent de devenir plus fermes et plus fortes
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« Il est universellement admis que l'Ouest montre la voie au monde entier vers le développement économique réussi, même si dans les dernières années il a pu être sérieusement entamé par une inflation chaotique. Et pourtant, beaucoup d'hommes à l'Ouest ne sont pas satisfaits de la société dans laquelle ils vivent. Ils la méprisent, ou l'accusent de plus être au niveau de maturité requis par l'humanité. Et beaucoup sont amenés à glisser vers le socialisme, ce qui est une tentation fausse et dangereuse. J'espère que personne ici présent ne me suspectera de vouloir exprimer une critique du système occidental dans l'idée de suggérer le socialisme comme alternative. Non, pour avoir connu un pays où le socialisme a été mis en œuvre, je ne me prononcerai pas en faveur d'une telle alternative. (...) Mais si l'on me demandait si, en retour, je pourrais proposer l'Ouest, en son état actuel, comme modèle pour mon pays, il me faudrait en toute honnêteté répondre par la négative. Non, je ne prendrais pas votre société comme modèle pour la transformation de la mienne. On ne peut nier que les personnalités s'affaiblissent à l'Ouest, tandis qu'à l'Est elles ne cessent de devenir plus fermes et plus fortes. Bien sûr, une société ne peut rester dans des abîmes d'anarchie, comme c'est le cas dans mon pays. Mais il est tout aussi avilissant pour elle de rester dans un état affadi et sans âme de légalisme, comme c'est le cas de la vôtre. Après avoir souffert pendant des décennies de violence et d'oppression, l'âme humaine aspire à des choses plus élevées, plus brûlantes, plus pures que celles offertes aujourd'hui par les habitudes d'une société massifiée, forgées par l'invasion révoltante de publicités commerciales, par l'abrutissement télévisuel, et par une musique intolérable. »
Alexandre Soljenitsyne, Le Déclin du courage, Discours de Harvard, 8 juin 1978
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18/07/2011
Cette glace pénétrait ses membres et le brûlait comme l'amour d'un Dieu d'une exaltation lucide et passionnée qui le laissait sans force
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« Il lui fallait maintenant s'enfoncer dans la mer chaude, se perdre pour se retrouver, nager dans la lune et la tiédeur pour que se taise ce qui en lui restait du passé et que naisse le chant profond de son bonheur. Il se dévêtit, descendit quelques rochers et entra dans la mer. Elle était chaude comme un corps, fuyait le long de son bras, et se collait à ses jambes d'une étreinte insaisissable et toujours présente. Lui, nageait régulièrement et sentait les muscles de son dos rythmer son mouvement. A chaque fois qu'il levait un bras, il lançait sur la mer immense des gouttes d'argent en volées, figurant, devant le ciel muet et vivant, les semailles splendides d'une moisson de bonheur. Puis le bras replongeait et, comme un soc vigoureux, labourait, fendant les eaux en deux pour y prendre un nouvel appui et une espérance plus jeune. Derrière lui, au battement de ses pieds, naissait un bouillonnement d'écume, en même temps qu'un bruit d'eau clapotante, étrangement clair dans la solitude et le silence de la nuit. A sentir sa cadence et sa vigueur, une exaltation le prenait, il avançait plus vite et bientôt il se trouva loin des côtes, seul au coeur de la nuit et du monde. Il songea soudain à la profondeur qui s'étendait sous ses pieds et arrêta son mouvement. Tout ce qu'il avait sous lui l'attirait comme le visage d'un monde inconnu, le prolongement de cette nuit qui le rendait à lui-même, le coeur d'eau et de sel d'une vie encore inexplorée. Une tentation lui vint qu'il repoussa aussitôt dans une grande joie du corps. Il nagea plus fort et plus avant. Merveilleusement las, il retourna vers la rive. A ce moment il entra soudain dans un courant glacé et fut obligé de s'arrêter, claquant les dents et les gestes désaccordés. Cette surprise de la mer le laissait émerveillé. Cette glace pénétrait ses membres et le brûlait comme l'amour d'un Dieu d'une exaltation lucide et passionnée qui le laissait sans force. Il revint plus péniblement et sur le rivage, face au ciel et à la mer, il s'habilla en claquant des dents et en riant de bonheur. »
Albert Camus, La Mort heureuse
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17/07/2011
Une classe d'intellectuels sans maître ni drapeaux
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« Sur les décombres de l'Occident, où vont camper les guerriers Yankees et Mongols, il va naître, comme une herbe folle et envahissante, une classe d'intellectuels sans maître ni drapeaux, consciente de son inutilité et de sa force. Et l'Europe va devenir leur désert des quarante jours, le temple en ruine de leur noviciat spirituel. »
Raymond Abellio, Les yeux d'Ezéchiel sont ouverts
Merci à Cougar
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Cet effacement progressif des relations humaines
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J'ai à nouveau feuilleté, hier, Extension du domaine de la lutte de Michel Houellebecq. Le long parcours du narrateur est une démonstration psychologique du constat d’échec. Une description méticuleuse de l’état mental post-moderne qui ne laisse rien présager de bon pour l’avenir de l’humanité. Dans un style froid, désabusé, clinique, comme la description détachée d’une expérience bien cruelle en cours, Houellebecq nous passe sous son œil scrutateur et n’épargne pas son observation aucun détail douloureux. Il élabore une théorie du libéralisme économique et, forcément, sexuel qui dévoile avec violence le nœud du problème de tout ce que ses détracteurs ont pu lui reprocher. Dès ce livre, son premier, il affirme que l’époque étant plate, l’écrivain se doit d’élaborer un style plat pour la pénétrer de l’intérieur et la décrire à sa juste mesure.
« Cet effacement progressif des relations humaines n’est pas sans poser certains problèmes au roman. Comment en effet entreprendrait-on la narration de ces passions fougueuses, s’étalant sur plusieurs années, faisant parfois sentir leurs effets sur plusieurs générations ? Nous sommes loin des Hauts de Hurlevent, c’est le moins qu’on puisse dire. La forme romanesque n’est pas conçue pour peindre l’indifférence, ni le néant ; il faudrait inventer une articulation plus plate, plus concise et plus morne. »
Et cette façon de dire des choses essentielles avec une dérision désespérée, un ton qui, en fin de paragraphe, est un soupire de dépit face à notre condition.
« Le lendemain, au petit déjeuner, il a longuement considéré son bol de Nesquik ; et puis, d’un ton presque rêveur, il a soupiré : "Putain, j’ai vint-huit ans et je suis toujours puceau !..." Je m’en suis quand même étonné ; il m’a alors expliqué qu’un reste d’orgueil l’avait toujours empêché d’aller aux putes. Je l’en ai blâmé ; peut-être un peu vivement, car il a tenu à me réexpliquer son point de vue le soir même, juste avant de partir à Paris pour le week-end. Nous étions sur le parking de la direction départementale de l’Agriculture ; les réverbères répandaient un halo jaunpatre assez déplaisant ; l’air était humide et froid. Il a dit : "Tu comprends, j’ai fait mon calcul ; j’ai de quoi me payer une pute par semaine ; le samedi soir, ça serait bien. Je finirai peut-être par le faire. Mais je sais que certains hommes peuvent avoir la même chose gratuitement, et en plus avec de l’amour. Je préfère essayer ; pour l’instant, je préfère encore essayer."
Je n’ai évidemment rien pu lui répondre ; mais je suis rentré à mon hôtel assez pensif. Décidément, me disais-je, dans nos sociétés, le sexe représente bel et bien un second système de différenciation, tout à fait indépendant de l’argent ; et il se comporte comme un système de différenciation au moins aussi impitoyable. Les effets de ces deux systèmes sont d’ailleurs strictement équivalents. Tout comme le libéralisme économique sans frein, et pour des raisons analogues, le libéralisme sexuel produit des phénomènes de paupérisation absolue. Certains font l’amour tous les jour ; d’autres cinq ou six fois dans leur vie, ou jamais. Certains font l’amour avec des dizaine de femmes ; d’autres avec aucune. C’est ce qu’on appelle la « loi du marché ». Dans un système économique où le licenciement est prohibé, chacun réussit plus ou moins à trouver sa place. Dans un système sexuel où l’adultère est prohibé, chacun réussit plus ou moinsà trouver son compagnon de lit. En système économique parfaitement libéral, certains accumulent des fortunes considérables ; d’autres croupissent dans le chômage et la misère. En système sexuel parfaitement libéral, certains ont une vie érotique variée et excitante ; d’autres sont réduits à la masturbation et la solitude. Le libéralisme économique c’est l’extension du domaine de la lutte, son extension à tous les âges de la vie et à toutes les classes de la société. Sur le plan économique, Raphaël Tisserand appartient au camp des vainqueurs ; sur le plan sexuel, à celui des vaincus. Certains gagnent sur les deux tableaux ; d’autres perdent sur les deux. Les entreprises se disputent certains jeunes diplômés ; les femmes se disputent certains jeunes hommes ; les hommes se disputent certaines jeunes femmes ; le trouble et l’agitation sont considérables. »
Rats de laboratoire que nous sommes. C’est là un des cercles de l’enfer que décrit Houellebecq, un « laboratoire de catastrophe générale » dirait Dantec. Il n’est guère surprenant que ces deux écrivains aient déchainé à ce point les aigreurs et les ressentiments avant même que l’un d’entre eux ait l’envie de dialoguer avec « les identitaires » et que l’autre en vienne à clamer que l’islam était « la religion la plus con du monde ». ils touchent là où ça fait mal, pile sur les plaies purulentes que personne ne veut soupçonner. Houellebecq le fait avec une certaine froideur scientifique probablement due à sa formation, là où Dantec le fait en autodidacte bordélique, un peu comme votre serviteur, avec des fulgurances bien plus parlantes que les postulats sociologiques d’un triste Soral, par exemple. Mais revenons à Houellebecq, voulez-vous ?
« Je retrouvai mon appartement sans réel enthousiasme ; le courrier se limtait à un appel de règlement pour une conversation téléphonique érotique (Natacha, le râle en direct) et à une longue lettre des Trois Suisses m’informant de la mise en place d’un service télématique de commandes simplifiées, le Chouchoutel. En ma qualité de client privilégié, je pouvais d’ores et déjà en bénéficier ; toute l’équipe informatique (photos en médaillon) avait travaillé d’arrache-pied pour que le service soit opérationnel pour Noël ; dès maintenant, la directrice commerciale des Trois Suisses était donc heureuse de pouvoir m’attribuer personnellement un code Chouchou. Le compteur d’appels de mon répondeur indiquait le chiffre 1, ce qui me surprit quelque peu ; mais il devait s’agir d’une erreur. En réponse à mon message, une voix féminine lasse et méprisante avait lâché : "Pauvre imbécile…" avant de raccrocher. Bref, rien ne me retenait à Paris.
De toute façon, j’avais assez envie d’aller en Vendée. La Vendée me rappelait de nombreux souvenirs de vacances (plutôt mauvais du reste, mais c’est toujours ça). J’en avais retracé quelques-uns sous le couvert d’une fiction animalière intitulée Dialogues d’un teckel et d’un caniche, qu’on pourrait qualifier d’autoportrait adolescent. Dans le dernier chapitre de l’ouvrage, l’un des chiens faisait lecture à son compagnon d’un manuscrit découvert dans le bureau à cylindre de son jeune maître :
"L’an dernier, aux alentours du 23 août, je me promenais sur la plage des Sables-d’Olonne, accompagné de mon caniche. Alors que mon compagnon quadrupède semblait jouir sans contrainte des mouvements de l’air marin et de l’éclat du soleil (particulièrement vif et délicieux en cette fin de matinée), je ne pouvais empêcher l’étau de la réflexion d’enserrer mon front translucide, et, accablée par le poids d’un fardeau trop pesant, ma tête retombait tristement sur ma poitrine. En cette occurrence, je m’arrêtai devant une jeune fille qui pouvait avoir environ quatorze ans. Elle jouait au badminton avec son père, ou à quelque autre jeu qui se joue avec des raquettes et un volant. Son habillement portait les marques de la simplicité la plus franche, puisqu’elle était en maillot de bain, et de surcroît les seins nus. Pourtant, et à ce stade on ne peut que s’incliner devant tant de persévérance, toute son attitude manifestait le déploiement d’une tentative de séduction ininterrompue. Le mouvement ascendant de ses bras au moment où elle ratait la balle, s’il avait l’avantage accessoire de porter en avant les deux globes ocracés constituant une poitrine déjà plus que naissante, s’accompagnait surtout d’un sourire à la fois amusé et désolé, finalement plein d’une intense joie de vivre, qu’elle dédiait manifestement à tous les adolescents mâles croissant dans un rayon de cinquante mètres. Et ceci, notons-le bien, en plein cœur d’une activité à caractère éminemment sportif et familial.
Son petit manège n’allait d’ailleurs pas sans produire ses effets, je ne fus pas long à m’en rendre compte : arrivés près d’elle les garçons balançaient horizontalement le thorax, et le cisaillement cadencé de leur démarche se ralentissait dans des proportions notables. Tournant la tête vers eux d’un mouvement vif qui provoquait dans sa chevelure comme un ébouriffement temporaire non dénué d’une grâce mutine, elle gratifiait alors ses proies les plus intéressantes d’un bref sourire aussitôt contredit par un mouvement non moins charmant visant cette fois à frapper le volant en plein centre.
Ainsi, je me voyais une fois de plus ramené à un sujet de méditation qui n’a cessé depuis des années de hanter mes pensées : pourquoi les garçons et les filles, un certain âge une fois atteint, passent-ils réciproquement leur temps à se draguer et à se séduire ?
Certains diront, d’une voix gracieuse : "C’est l’éveil du désir sexuel, ni plus ni moins, voilà tout." Je comprends ce point de vue ; je l’ai moi-même longtemps partagé. Il peut se targuer de mobiliser à ses côtés les multiples linéaments de pensée qui s’entrecroisent, gelée translucide, à notre horizon idéologique aussi bien que la robuste force centripète du bon sens. Il pourra donc sembler audacieux, voire suicidaire, de se heurter de plein fouet à ses bases incontournables." »
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16/07/2011
Il n'est plus une juste cause en ce monde qui vaille la peine d'être servie
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« Il n'est plus une juste cause en ce monde qui vaille la peine d'être servie car il n'y a, au bout du chemin, pour les imprudents attardés qui s'y sont engagés par élan d'honneur et du coeur, que ridicule et dérision au mieux, au plus mal, haine ou indifférence, mais estime et émotion jamais. Alors, cause pour cause, si l'on en ressent le besoin à des altitudes où l'on n'est plus rejoint ni compris, autant s'en inventer une qui ne serve à rien... »
Jean Raspail, Les Hussards
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Vie Plate
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« Je vais donc reprendre ma pauvre vie si plate et tranquille, où les phrases sont des aventures et où je ne recueille d'autres fleurs que des métaphores. J'écrirai comme dans le passé, pour aucune arrière-pensée d'argent ou de tapage. Apollon, sans doute, m'en tiendra compte, et j'arriverai peut-être un jour à produire une belle chose ! car tout cède, n'est-ce pas, à la continuité d'un sentiment énergique. Chaque rêve finit par trouver sa forme ; il y a des ondes pour toutes les soifs, de l'amour pour tous les cœurs. Et puis rien ne me fait mieux passer la vie que la préoccupation incessante d'une idée, qu'un idéal...Folie pour folie, prenons les plus nobles. »
Gustave Flaubert, Correspondances
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15/07/2011
Les ratés de Dieu
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« L'humanité n'est composée, au fond, que de quelques personnes. Elles se reconnaissent entre elles à des signes secrets. Le reste, c'est un déchet humain : les ratés de Dieu. »
« J'ai parcouru le monde ; j'ai connu tous les milieux. J'ai été soldat, paysan, ouvrier, bagnard, écrivain, et je suis arrivé à cette conclusion que l'homme est une sale bête avec quelques exceptions qui valent le voyage. »
Robert Poulet, La conjecture
Merci à Cougar
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14/07/2011
Le bien commun de l'Occident
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« Devant une Asie dont ils connaissaient à merveille la puissance, la richesse et la grandeur, fondés sur la soumission de masses humaines aux caprices d'un despote absolu, les Grecs ont défendu par les armes l'idéal juridique d'une cité composée d'hommes libres. Quand, dans la fraiche lumière d'un matin d’été, les soldats de Miltiade, ayant au bras le bouclier rond et brandissant leur longue lance, chargèrent au pas de course en direction des Perses dont la masse sombre se détachait à contre- ‐jour sur les flots éclatants de la mer, ils ne combattaient pas seulement pour eux-mêmes, mais aussi pour une conception du monde, qui devait devenir plus tard le bien commun de l'Occident. »
François Chamoux, La civilisation grecque à l'époque archaïque et classique
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L'épouvantable salope dont la France moderne fut engendrée
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« Ce soir, 14 juillet, s'achève enfin, dans les moites clartés lunaires de la plus délicieuse des nuits, la grande fête nationale de la République des Vaincus. Ah! c'est peu de chose, maintenant, cette allégresse de calendrier, et nous voilà terriblement loin des anachroniques frénésies de la première année! Ce début, - légendaire déjà! - de la plus crapuleuse des solennités républicaines, je m'en suis, aujourd'hui, trop facilement souvenu devant l'universel effort constipé d'un patriotisme, évidemment indéfécable, et d'un enthousiasme qui se déclarait lui-même désormais incombustible! La nuit avait eu beau se faire désirable comme une prostituée, et l'entremetteuse municipalité parisienne avait eu beau multiplier ses incitations murales à la joie parfaite, on s'embêtait manifestement. Les pisseux drapeaux des précédentes commémorations flottaient lamentablement sur de rares et fuligineux lampions, dont l'afflictive lueur offensait le masque poncif des Républiques en plâtre que la goujate piété de quelques fidèles avait clairsemées sous des frondaisons postiches. Comme toujours, de nobles arbres avaient été mutilés ou détruits, pour abriter, de leurs expirants feuillages, les soulographies sans convictions ou les sauteries en plein air achalandées par les putanats ambiants. Nulle invention, nulle fantaisie, nulle tentative de nouveauté, nulle infusion d'inédite jocrisserie dans cette imbécile apothéose de la Canaille. On avait été trop sublime, la première fois! Chaque acéphale avait tenu, alors, à se faire une tête pour honorer l'épouvantable salope dont la France moderne fut engendrée. La nation entière s'était ruée au pillage du trésor commun de la stupidité universelle. Mais, à présent, c'est bien fini, tout cela. on continue de célébrer l'anniversaire de la victoire de trois cent mille hommes sur quatre-vingts invalides, parce qu'on a de l'honneur et qu'on est fidèle aux grands souvenirs, et aussi, parce que c'est une occasion de débiter de la litharge et du pissat d'âne. On y tient, surtout, pour affirmer la royauté du Voyou qui peut, au moins ce jour-là, vautrer sa croupe sur les gazons, contaminer la Ville de ses excréments et terrifier les femmes de ses insolents pétards. Mais la foi est partie avec l'espérance de ne pas crever de faim sous une République dont l'affamante ignominie décourage jusqu'aux souteneurs austères qui lui ont livré le plus bel empire du monde. »
Léon BLOY, Le désespéré
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12/07/2011
Crise planétaire
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« Les symptômes d'une crise planétaire qui va s 'accélérant sont manifestes. On en a de tous côtés cherché le pourquoi. J'avance pour ma part l'explication suivante la crise s'enracine dans l'échec de l'entreprise moderne, à savoir la substitution de la machine à l'homme. Le grand projet s'est métamorphosé en un implacable procès d'asservissement du producteur et d'intoxication du consommateur. La relation de l'homme à l'outil est devenue une relation de l'outil à l'homme. Ici il faut savoir reconnaître l'échec. Cela fait une centaine d'années que nous essayons de faire travailler la machine pour l'homme et d'éduquer l'homme à servir la machine. On s'aperçoit maintenant que la machine ne "marche" pas, que l'homme ne saurait se conformer à ses exigences, se faire à vie son serviteur. Durant un siècle, l'humanité s'est livrée à une expérience fondée sur l'hypothèse suivante : l'outil peut remplacer l'esclave. Or il est manifeste qu'employé à de tels desseins, c'est l'outil qui de l'homme fait son esclave. La dictature du prolétariat et la civilisation des loisirs sont deux variantes politiques de la même domination par un outillage industriel en constante expansion. L'échec de cette grande aventure fait conclure à la fausseté de l'hypothèse. La solution de la crise exige une radicale volte-face : n'est qu'en renversant la structure profonde qui règle le rapport de l'homme à l'outil que nous pourrons nous donner des outils justes. L'outil juste répond à trois exigences : il est générateur d'efficience sans dégrader l'autonomie personnelle, il ne suscite ni esclaves ni maîtres, il élargit le rayon d'action personnel. L'homme a besoin d'un outil avec lequel travailler, non d'un outillage qui travaille à sa place. Il a besoin d'une technologie qui tire le meilleur parti de l'énergie et de l'imagination personnelles, non d'une technologie qui l'asservisse et le programme. »
Ivan Illich, La convivialité
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11/07/2011
Intensification
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Volé sur le Blog d'élite ILYS...
« Les vacances ne sont pas du tout une alternative à la congestion et à la promiscuité des villes et du travail. Au contraire : on cherche l’évasion dans une intensification des conditions de vie ordinaire, dans une aggravation délibérée : plus loin de la nature, plus près de l’artifice, de l’abstraction, de la pollution totale, stress, forcing, concentration, monotonie bien supérieur à la moyenne – tel est l’idéal de la distraction populaire. Personne ne songe à se retirer de l’aliénation, mais à s’y enfoncer jusqu’à l’extase. Ça, c’est les vacances. Et le bronzage joue comme preuve surnaturelle de cette acceptation des conditions de la vie normale.
(…)
L’été on entend les chiens hurler le soir, on voit les insomniaques soigner leurs plantes verte en pleine nuit, on lit dans les yeux ternes et brûlants cette euphorie angoissée caractéristique des journées plus longues, du soleil implacable, de cette extraversion de la chaleur qui pousse à une jouissance physique pure et sans objet, et qui correspond pour beaucoup à une situation proche du suicide. Ceux qui restent dans la ville ont des airs de funambule. Ils savent qu’en l’absence des autres ils assurent l’intérim de la socialité, à peu près comme ils arrosent les géraniums de leur voisin en son absence – mais tous assument cependant un rôle historique et théâtral : les uns celui d’abandonner la cité vers on ne sait quel exode de plaisir, les autres celui de veiller sur le décor. En fait c’est un jeu de catastrophe. La ville joue son exode, elle se vide sans avoir été bombardée elle se livre à ses esclaves (les immigrés) dans une saturnale éphémère.
(…)
L’angoisse propre au loisir de la Côte. Trop de beautés naturelles artificiellement rassemblées. Trop de villas, trop de fleurs. Villegiatura, Nomenklatura : même combat. Même privilège artificiel, qu’il soit celui de la bureaucratie politique ou de la luxuriance du mode de vie. Nature pourrie par le loisir, expurgée de toute barbarie, écœurante de facilité – jour peut-être ce climat de rêve, cette canicule de luxe exploseront en un incendie de forêt définitif. »
Jean Baudrillard, Cool Memories I
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10/07/2011
L'homme ne se nourrit pas seulement de biens et de services
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« Je crois qu'il faut inverser radicalement les institutions industrielles, reconstruire la société de fond en comble. Pour être efficient et rencontrer les besoins humains qu'il détermine aussi, un nouveau système de production doit retrouver la dimension personnelle et communautaire. La personne, la cellule de base conjuguent de façon Optimale l'efficacité et l'autonomie : c'est seulement à leur échelle que se déterminera le besoin humain dont la production sociale est réalisable. Qu'il se déplace ou qu'il demeure, l'homme a besoin d'outils. Il en a besoin pour communiquer avec autrui comme pour se soigner. L'homme qui chemine et prend des simples n'est pas l'homme qui fait du cent sur l'autoroute et prend des antibiotiques. Mais chacun ne peut tout faire par soi et dépend de ce que lui fournit son milieu naturel et culturel. L'outil et donc la fourniture d'objets et de services varient d'une civilisation à l'autre.
L'homme ne se nourrit pas seulement de biens et de services, mais de la liberté de façonner les objets qui l'entourent, de leur donner forme à son goût, de s'en servir avec et pour les autres. Dans les pays riches, les prisonniers disposent souvent de plus de biens et de services que leur propre famille, mais ils n'ont pas voix au chapitre sur la façon dont les choses sont faites, ni droit de regard sur ce qu'on en fait. Dégradés au rang de consommateurs-usagers à l'état pur, ils sont privés de convivialité. J'entends par convivialité l'inverse de la productivité industrielle. Chacun de nous se définit par relation autrui et au milieu et par la structure profonde des outils qu'il utilise. Ces outils peuvent se ranger en une série continue avec, aux deux extrêmes, l'outil dominant et l'outil convivial. Le passage de la productivité à la convivialité est le passage de la répétition du manque à la spontanéité du don. La relation industrielle est réflexe conditionné, réponse stéréotypée de l'individu aux messages émis par un autre usager, qu'il ne connaîtra jamais, ou par un milieu artificiel, qu'il ne comprendra jamais. La relation conviviale, toujours neuve, est le fait de personnes qui participent à la création de la vie sociale. Passer de la productivité à la convivialité, c'est substituer à une valeur technique une valeur éthique, à une valeur matérialisée une valeur réalisée.
La convivialité est la liberté individuelle réalisée dans la relation de production au sein d'une société dotée d'outils efficaces. Lorsqu'une société, n'importe laquelle, refoule la convivialité en deçà d'un certain niveau, elle devient la proie du manque; car aucune hypertrophie de la productivité ne parviendra jamais à satisfaire les besoins créés et multipliés à l'envie. »
Ivan Illich, La Convivialité
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09/07/2011
Dans les lieux...
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« J'ai traîné bien des soirs dans les lieux. Je traîne tous les soirs de ma vie, chassé de ma chambre par la peur de mon œuvre, par le geste instinctif de retarder l'exil dans le meilleur de moi-même, par l'appétit d'ajouter encore au trésor sur lequel je croupirai plus tard comme un cadavre. Immonde humilité, faible lâcheté, probable désintéressement de moi-même en tant que bête à concours, bête mise à prix.
Autrefois, je restais dehors, je courais dans les rues pendant des heures comme sur les routes de la campagne, ne regardant même pas les hommes, n'ayant pas encore ce modeste besoin de l'amitié et de l'amour.
Ensuite, je suis allé où il y avait de la lumière, un entassement de camarades et de seins. Je m'en suis gorgé. Mais de cette éponge molle, à l'humidité profonde, je tire ma goutte. (...)
Je suis retourné aux Français pour voir les derniers rangs des familles, rongés par les divorces, les mariages d'argent, les maîtresses-dactylos, la pédérastie du cadet, la messe du dimanche, la Ruhr. Et en face d'eux les sociétaires comme des vicaires de paroisse d'embaucher à la ville, pour jouer les dernières marquises. Juifs qui peuvent être les conservateurs les mieux camphrés de tous les faux plis d'une tradition qu'on ne sait plus porter.
J'ai digéré les dîners, que je payais d'ailleurs à des amis qui n'en auguraient rien de bon, dans les petits théâtres qui sentent la truffe et le bidet parfumé. C'est là qu'on voit le mieux se mêler les putains et les honnêtes femmes et la veulerie détendre les moustaches des gardes municipaux. »
Drieu La Rochelle, L'Œil mort, in Quelques écrits "farfelus", Confessions, L'Herne 2007. Vie des Lettres (et des Arts), volume XV, 1924
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07/07/2011
La fierté d'être un homme
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« La satisfaction du devoir accompli. La fierté d'être un homme : de tous les temps, le mâle a combattu pour le tribu, la femme et l'enfant. La considération des chefs, des camarades : au combat, l'homme se montre à nu. Il n'y a plus de grande gueule, de guerrier de caserne, de salon ou d'antichambre. »
Raoul Monclar, Catéchisme du combat
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06/07/2011
Les "listes noires", l'étouffement par le silence remplacent le camp de concentration
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« Dans les régimes dits "libéraux", le conformisme, si marqué soit-il, est d'une toute autre nature. Il ne renvoie pas à une doctrine officielle appuyée sur un bras séculier ; il est insinuant et diffus. Ce conformisme constitue, lui aussi, une censure ; mais cette censure ne ferme pas les journaux, ne condamne pas les "dissidents" à la prison, à l'exil ou à l'hôpital psychiatrique. Marcuse a parlé à ce propos de "tolérance répressive". En fait, le conformisme dans les régimes "libéraux", qui ne saurait être confondu avec le conformisme totalitaire, se caractérise par trois traits.
Il s'en tient à l'implicite et préfère présenter ses dogmes comme des évidences "scientifiques", comme on le voit par l'exemple des diverses idéologies qui ont cours dans l'ordre pédagogique ou économique.
En deuxième lieu, la défense du conformisme n'est pas directement assumée par l'Etat. Les "listes noires", l'étouffement par le silence remplacent le camp de concentration.
En troisième lieu, la censure du point de vue cognitif constitue moins un mécanisme de répression qu'un mécanisme d'inhibition. Elle appauvrit le champ des possibles parmi lesquels notre esprit pourrait exercer sa capacité d'élection. Elle ne nous interdit pas telle pensée, elle nous détourne de nous y arrêter. Elle surveille plus qu'elle ne punit. Comme elle n'est pas strictement centralisée, elle procède par addition de biais cumulatifs, qui produisent un consensus sur des "croyances négatives" plutôt que sur des "croyances dogmatiques". »
Raymond Boudon et François Bourricaud, Dictionnaire critique de la sociologie
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05/07/2011
Souveraineté
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« La solitude n’est donc pas seulement un désespoir et un abandon,mais aussi une virilité, une fierté et une souveraineté. »
Emmanuel Levinas, Le Temps et l’Autre
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Toute l'île venait à moi comme une femme
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« Je t'ai dit avoir été heureux sous les Tropiques. C'est violemment vrai. Pendant deux ans en Polynésie, j'ai mal dormi de joie, j'ai eu des réveils à pleurer d'ivresse du jour qui montait. Les dieux du jouir savent seuls combien ce réveil est annonciateur du jour et révélateur du bonheur continu que ne dose pas le jour. J'ai senti de l'allégresse couler dans mes muscles ; j'ai découvert Nietzsche ; je tenais mon oeuvre ; j'étais libre, convalescent, frais et sensuellement assez bien entraîné. J'avais de petits départs, de petits déchirements, de grandes retrouvées fondantes. Toute l'île venait à moi comme une femme. Et j'avais précisément, de la femme, là-bas, des dons que les pays complets ne donnent plus. »
Victor Segalen, Lettre à Henry Manceron
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L'image médiatique...
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« L'image médiatique... est toujours une représentation de cette vie: quelqu'un en train de parler, ou le fulgurant tir du gauche de l'ailier qui propulse le ballon au fond des filets. Qu'en cet ultime contact avec la vie, le projet de celle-ci soit de se démettre de soi, c'est à tout le moins de ne rien faire, c'est ce que démontre l'existence médiatique en tant que telle, une existence par le moyen des médias, où il s'agit de vivre non pas de sa propre vie mais de celle d'un autre, qui raconte, s'agite, frappe, se dénude ou fait l'amour à votre place. Parce que les instincts subsistent chez les téléspectateurs, inélaborés, dans leur manifestation la plus fruste -la force comme violence, l'amour comme érotisme, l'érotisme comme pornographie - et parce qu'il ne s'agit même pas pour ces instincts réduits à leur plus simple expression de s'actualiser pour de bon mais seulement d'obtenir quelque dérivatif imaginaire, parce que l'existence médiatique en général est cet assouvissement imaginaire, alors la télévision trouve son achèvement et sa vérité dans le voyeurisme, dans le scoop du siècle: l'assassinat collectif, par bandes de voyous interposées, d'imbéciles spectateurs d'un match de football, assassinat sur le mode spectaculaire de l'enfoncement, de la compression, de l'écrasement, de l'étouffement, du piétinement, de l'asphyxie. Horrible spectacle que cette vie renversée, foulée aux pieds, écrabouillée, aplatie, niée! Mais cette négation de la vie n'est pas différente de celle qui préside chaque jour au rassemblement de millions d'êtres humains devant leur petit écran, l'horreur de cette négation pas différente de celle du spectacle dont il leur fut donné de se repaître ce soir-là: en lui, c'est la vérité de l'existence médiatique, c'est leur propre vérité qui brilla un instant devant leur yeux hallucinés »
Michel Henry, La Barbarie
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03/07/2011
Aiguiser ses propres exigences
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« Ce qui importe n'est pas que nous vivions mais qu'il redevienne possible de mener dans le monde une vie de grand style et selon de grands critères.
On y contribue en aiguisant ses propres exigences. »
Ernst Jünger, Le Travailleur
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02/07/2011
L'Europe a décliné dans le moment où elle a douté d'elle-même, de sa vocation et de son droit.
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« La civilisation européenne s'écroule et on ne la remplace par rien, voilà la vérité. A la place de ces immenses épargnes accumulées de civilisation, d'humanités, de spiritualité, de sainteté, on offre de déposer un chèque sans provision, signé d'un nom inconnu, puisqu'il est celui d'une créature encore à venir. Nous refusons de rendre l'Europe. Et d'ailleurs on ne nous demande pas de la rendre, on nous demande de la liquider. Nous refusons de liquider l'Europe. Le temps de liquider l'Europe n'est pas venu, s'il doit jamais venir. Il est vrai que le déclin de l'Europe ne date pas d'hier, nous le savons. Mais nous savons aussi que le déclin de l'Europe a marqué le déclin de la civilisation universelle. L'Europe a décliné dans le moment où elle a douté d'elle-même, de sa vocation et de son droit. »
Georges Bernanos, L'Esprit Européen - 1946
« Dès que je prends la plume, ce qui se lève tout de suite en moi, c’est mon enfance, mon enfance si ordinaire, qui ressemble à toutes les autres, et dont pourtant je tire tout ce que j’écris comme une source inépuisable de rêves. »
Georges Bernanos, Correspondance inédite, t. II, Combat pour la liberté
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