23/06/2018
L'être est tout entier dans son germe
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« Je remonte encore à l’enfance, non pour la raison qu’on y trouve toutes les causes, mais pour celle-ci que l’être est tout entier dans son germe et qu’on trouve des correspondances entre tous les âges de la vie. Je suis né mélancolique, sauvage. Avant même d’être atteint et blessé par les hommes ou de nourrir les remords de les avoir blessés, je me dérobais à eux. Dans les recès de l’appartement et du jardin, je me refermais sur moi-même pour y goûter quelque chose de furtif et de secret. Déjà je devinais, ou plutôt, beaucoup mieux que plus tard quand je fus sujet aux entraînements du monde, je savais qu’il y avait en moi quelque chose qui n’était pas moi et qui était beaucoup plus précieux que moi. Je pressentais aussi que cela pourrait se goûter beaucoup plus exquisement dans la mort que dans la vie et il m’arrivait de jouer non seulement à être perdu, à jamais échappé aux miens, mais aussi à « être mort ». C’était une ivresse triste et délicieuse que d’être allongé sous un lit, dans une pièce silencieuse de la maison, à l’heure où mes parents n’y étaient pas et de m’imaginer dans un tombeau. En dépit de mon éducation religieuse et de tout ce qu’on me répétait sur le ciel et l’enfer, être mort ce n’était pas être ici ou là, endroits habités où l’on était vu, mais c’était être dans un lieu si obscur, si inconnu, que ce n’était nulle part et qu’on pouvait y entendre tomber goutte à goutte quelque chose d’indicible qui n’était ni de moi ni d’autres, mais quelque chose de subtilisé à tout ce qui vivait et qu’on voyait et aussi à tout ce qu’on ne voyait pas et qui vivait aussi, qui vivait d’une autre façon infiniment désirable. »
Pierre Drieu la Rochelle, Récit Secret
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La condition de fatigue où l'indulgence et l'abandon peuvent germer de bonne heure
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« ...j’ai conçu que, pour l’homme qui voulait échapper aux inconvénients de l’âge, il fallait s’y prendre assez tôt pour ne pas se laisser gagner par les premières insinuations de celui-ci, qui sont imperceptibles.
C’est le trait terrible dans le vieillissement : il vous donne bientôt la gaîté de cœur qui permet d’accepter comme allant de soi des retranchements sur les sens et sur le cœur, considérés auparavant comme de monstrueuses avaries. Or, quand cet état d’esprit se déclare, l’usure de l’être est déjà telle qu’il n’aurait plus de temps ni de substance pour interrompre ce cours s’il lui en prenait envie. Je concluais donc qu’il fallait mourir assez tôt pour ne pas entrer du tout dans la condition de fatigue où l’indulgence et l’abandon peuvent germer de bonne heure. Je m’étais mis en tête qu’il ne fallait pas mourir plus tard que cinquante ans. »
Pierre Drieu la Rochelle, Récit Secret
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22/06/2018
Rester fidèle à la jeunesse
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« Quand j’étais adolescent, je me promettais de rester fidèle à la jeunesse : un jour, j’ai tâché de tenir parole.
Je haïssais et craignais la vieillesse : ce sentiment m’était resté de mes premières années. Les enfants, mieux que ne le font les adolescents et les adultes, connaissent les vieillards. Ils vivent au plus près d’eux, dans la promiscuité familiale ; ils observent, ils ressentent les effets les plus fâcheux de l’âge. Plus ils aiment leurs grands-parents, plus ils souffrent de les voir peu à peu diminués et gâtés. J’ai chéri le grand-père et la grand-mère avec qui je vivais bien plus que mon père et ma mère, et cela fut pour moi un des premiers désastres d’assister au progrès de leur décrépitude. Voici la racine de ma résolution. »
Pierre Drieu la Rochelle, Récit Secret
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Conserver précieusement cette vertu d'enfance qu'est l'insouciance...
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« Lettre à Tristan
Avec une indifférence digne de l'antique, vous avez échoué à votre bachot. Ce n'est pas une tragédie : vous avez seize ans, toutes vos dents et l'avenir devant vous. Diadoque de Photicé, un des maîtres de la spiritualité byzantine, a écrit de belles pages sur le bon usage des maladies. Pour moi, je vous invite à faire un bon usage de votre échec.
L'important n'est pas d'être un intellectuel, mais d'être un intelligent. Soyez un intelligent, Tristan, c'est à dire un esprit délié, indépendant, apte à réfléchir par lui-même, à comprendre, à refuser, à s'enthousiasmer, à aimer.
Votre sensibilité - source de douleurs subtiles et de joies exceptionnelles - est votre bien le plus précieux : ne permettez pas qu'elle s'effrite au contact du quotidien. Restez capable d'émerveillement. A l'encontre de ce qu'on vous a enseigné au catéchisme, les âmes meurent aussi. Le monde des adultes est peuplé d'âmes mortes. La presque totalité de vos camarades seront, dès leur sortie du lycée, morts pour la vie de l'âme : partie par médiocrité naturelle, partie par la faute de la société qui les précipitera dans le tourbillon de la lutte pour l'existence.
Vous, Tristan, ne vous laissez pas broyer. Ne vous laissez pas voler votre âme. Gagner de l'argent est une nécessité à laquelle nous sommes certes tous soumis, mais vous devez la traiter avec désinvolture et ne lui accorder ni le principal de vos pensées ni le meilleur de votre temps. Quel que soit le métier que vous exercerez, vous vous ménagerez de longues heures de loisir que vous consacrerez à l'art, à la rêverie, à l'aventure, à l'amour, bref à tout ce qui donne son prix à la vie : O Meliboe, deus nobis aec otia fecit.
Mais pour jouir intelligemment de vos loisirs, il faut d'abord que vous deveniez cet homme instruit que j'espère et que vous développiez en vous ce goût de la culture désintéressée qui est la marque des esprits supérieurs.
Je suis néanmoins trop déterministe pour croire que l'instruction, l'éducation et les autres influences extérieures peuvent modifier les structures fondamentales du caractère et de l'intellect. Un chef d'oeuvre est un miroir qui nous renvoie notre propre image : on n'y trouve que ce qu'on y apporte. C'est pourquoi, si vous êtes un sot, la lecture de Goethe ne fera pas de vous un homme d'esprit : au lieu d'être un âne tout court, vous serez un âne goethéen, mais la différence est de peu. Les salons et les universités sont peuplés de gens qui lisent tout, qui savent tout et qui ne comprennent rien. Cependant, en ce qui vous regarde, j'ai fait le pari que vous n'étiez point sot.
Vous êtes à l'âge le plus difficile, Tristan. Vous avez déjà les désirs de l'adulte, mais ni son indépendance, ni ses possibilités d'action. Vous êtes ainsi en porte à faux dans la société et l'avenir vous est une terra incognita, inquiétante et hostile.
Pour moi, je ne me suis jamais senti aussi seul, malheureux et désemparé devant l'existence qu'entre dix-sept et dix-neuf ans. Avant dix ans, je n'ai guère de souvenirs. De dix à seize ans, j'ai été très heureux. Puis, pendant deux longues années, je me suis débattu dans une cage, harcelé par des démons au visage vert. Ce n'est qu'alentour de ma vingtième année que j'ai compris que les barreaux contre quoi je me heurtais n'existaient pas. Les démons se sont évanouis et j'ai recommencé d'être heureux.
Vous aussi, vous devez exorciser vos chimères. Le plus sûr moyen est d'apprendre à se connaître et. s'accepter, ce qui, je vous préviens, n'est pas une tâche aisée pour une nature de quelque relief.
Mais il n'y a pas que les démons intérieurs. Je vous mets aussi en garde contre ceux que sécrète votre entourage. Le pire d'entre eux a pour nom : la chaîne des faux devoirs. Ne succombez pas à ce démon-là, car votre première tâche est de devenir celui que vous êtes et non celui que les autres veulent que vous soyez. "O combien nous sont hostiles les voeux de ceux qui nous aiment !" Sénèque dit cela de la famille, mais c'est encore plus vrai de la société qui toujours a la rage de subjuguer l'homme libre par un destin qui n'est pas le sien.
L'important est que vous discerniez ce pour quoi vous êtes fait. Cela n'ira pas sans tâtonnements ni erreurs, mais lorsque vous l'aurez trouvé, tenez-vous y fermement et rejetez d'une main légère tout le reste.
Songez que la vie est brève et que le temps est la richesse la plus nécessaire à celui qui veut accomplir de grandes choses. Sans une solide discipline intérieure, on risque fort de se perdre en travaux secondaires et de laisser s'écouler l'existence comme un peu de sable entre les doigts.
On me reproche parfois mon scepticisme, mon ironie, l'habitude que j'ai de n'attacher de prix à rien et de tourner tout en dérision. Mais si je suis ainsi, c'est par réaction contre la pesanteur du monde bourgeois où je vis. A la vérité, je me sens disponible pour toutes les aventures : mon nihilisme est fait du mépris de ce qui existe, mais aussi de la nostalgie de quelque chose d'autre à quoi j'aspire et que je ne connais pas.
C'est pourquoi, Tristan, vous ne devez pas m'écouter lorsque je ricane. La vie a sa dimension sérieuse, voire tragique. Cependant elle n'est pas là où se l'imaginent les neuf dixièmes de l'humanité adulte. Elle est ailleurs, dans une région infiniment plus mystérieuse qu'il vous faudra découvrir : ce n'est qu'après avoir opéré votre descente aux Enfers que, comme Orphée, vous verrez votre lyre transportée au ciel et changée en étoile.
Conserver précieusement cette vertu d'enfance qu'est l'insouciance (les chrétiens l'appellent : abandon à la volonté de Dieu ; les païens : amor fati) et la concilier avec le sentiment tragique de la vie, voilà la gymnastique à quoi je vous invite. Vous n'y gagnerez pas des présidences de conseils d'administration, mais vous y sauverez votre part la plus rare, celle qui vous distingue du troupeau et fait de vous un être unique, celle dont il est dit dans l'Evangile de Luc qu'elle est la meilleure et qu'elle ne vous sera pas enlevée. »
Gabriel Matzneff, Le défi
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21/06/2018
Aussitôt après nous commence un autre âge...
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« Nous sommes les derniers. Presque les après-derniers. Aussitôt après nous commence un autre âge, un tout autre monde, le monde de ceux qui ne croient plus à rien, qui s’en font gloire et orgueil.
Aussitôt après nous commence le monde que nous avons nommé, que nous ne cesserons pas de nommer le monde moderne. Le monde qui fait le malin. Le monde des intelligents, des avancés, de ceux qui savent, de ceux à qui on n’en remontre pas, de ceux à qui on n’en fait pas accroire. Le monde de ceux à qui on n’a plus rien à apprendre. Le monde de ceux qui font le malin. Le monde de ceux qui ne sont pas des dupes, des imbéciles. Comme nous. C’est-à-dire : le monde de ceux qui ne croient à rien, pas même à l’athéisme, qui ne se dévouent, qui ne se sacrifient à rien. Exactement : le monde de ceux qui n’ont pas de mystique. Et qui s’en vantent. »
Charles Péguy, Notre Jeunesse
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Un jour sans le moindre son ! Une heure sans tambours ni trompettes !
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« C’est une fête de la non-musique, à l’extrême rigueur, qu’il fallait instaurer. Un jour sans le moindre son ! Une heure sans tambours ni trompettes ! Dans un univers que le bruit de la musique a englouti, c’était la seule chose qui aurait eu un peu d’allure. Et puis, non, il ne fallait rien faire du tout, rien instaurer surtout. La "fête" est toujours une obligation que l’on crée, un devoir de réciprocité que l’on impose, donc une attaque contre ce qui reste de liberté individuelle. Plus cette attaque prend le masque euphorique et harmonique de la prétendue "musique" de maintenant, dont la dictature est d’autant plus incontestable qu’elle se fonde sur les meilleurs sentiments (écologisme, antiracisme, humanitaire), et plus il faut la redouter. C’est, à la mafieuse, le genre d’offre effrayante qu’on ne peut pas refuser. Aucun individu lucide d’aujourd’hui, donc ennemi par définition de ce qui est aujourd’hui, ne peut ignorer que le contrôle du monde s’effectue massivement par la musique. Qui tient la musique tient les jeunes, et qui tient les jeunes tient l’avenir. Il faut qu’il cesse ce terrorisme industriel dégoûtant de la Joie par les guitares électriques, ce Nouvel Ordre Mondial des synthés sans frontières. »
Philippe Muray, Exorcismes spirituels II
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20/06/2018
Un grand peuple a le droit d'embellir de fables la splendeur de ses origines...
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« Les Anciens savaient très bien que la vérité et le mythe faisaient deux, mais, pour eux, et même pour un historien il n'était pas capital, pas déontologique, pas urgent (du moins au sujet de ces vieilles histoires) de séparer vérité historique et légende, de se nettoyer la tête de toute fausseté, par hygiène intime de l'esprit. Pour nous, l'Histoire est devenue une science qui, comme telle, sépare la vérité de l'erreur ; pour les Anciens, chez qui la Science n'était pas encore reine, il était permis, en histoire, de respecter certaines convenances. "Je ne veux ni démentir ni confirmer les légendes des origines de Rome", écrit Tite-Live, "car un grand peuple a le droit d'embellir de fables la splendeur de ses origines".
Les lettrés, et l'historien tout le premier, tiraient de ces fables embellisseuses quelque plaisir, puis cessaient d'y penser, car enfin tout cela n'avait rien de capital. Oui, rien de capital, car ces fables n'étaient pas de la "propagande" ; ce n'étaient pas non plus, comme pour les nationalismes modernes, des récits nationaux de fondation qui légitiment le droit d'un peuple à occuper un territoire ou à revendiquer quelque autre. Nous n'arrivons plus à croire au fabuleux gratuit, non plus qu'au fantastique, nous autres modernes qui sommes devenus sérieux : la science historique, le dogmatisme chrétien qui ne plaisante pas sur ce qu'on doit tenir pour vrai et le roman dit réaliste (ce roman "sérieux") nous ont desséché l'esprit. »
Paul Veyne, L'Énéide, roman historique - Introduction à l'Énéide
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Un espace spirituel, politique et économique
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« Notre nationalisme, terme impropre encore une fois, était beaucoup plus qu’une doctrine de la nation ou de la préférence nationale. Il se voulait une vision du monde, une vision de l’homme européen moderne. Il se démarquait complètement du jacobinisme de l’Etat-nation. Il était ouvert sur l’Europe perçue comme une communauté de peuples. Il voulait s’enraciner dans les petites patries constitutives d’une "Europe aux cent drapeaux", pour reprendre l’expression de Yann Fouéré. Nous ne rêvions pas seulement d’une Europe de la jeunesse et des peuples, dont la préfiguration poétique était la chevalerie arthurienne. Nous imaginions cette Europe charpentée autour du noyau de l’ancien empire franc, un espace spirituel, politique et économique suffisamment assuré de soi pour ne craindre rien de l’extérieur.
Nous étions nécessairement conduits à une réflexion sur les sources de l’identité européenne. Celle ci était-elle réductible au christianisme ? L’ Eglise (ou les Eglises) avait elle même apporté la réponse. Pendant la guerre d’Algérie, à la fin surtout, dans la période cruciale, elle avait choisi son camp, soutenant le plus souvent nos ennemis sans avoir l’air d’y toucher, distillant sournoisement la gangrène du doute et de la culpabilité. Par réaction, nous aspirions à une religion nationale et européenne qui fut l’âme du peuple et non son fourbe démolisseur. L’ Eglise jouait de l’ambiguïté. Aux traditionnalistes, elle faisait valoir son empreinte profonde sur l’histoire et la culture européenne. Aux autres elle rappelait qu’étant universelle, étant la religion de tous les hommes et de chaque homme, elle ne pouvait être la religion spécifique des Européens. Et c’est bien en effet ce qu’enseignait son histoire.
Tout Européen soucieux de son identité en vient nécessairement à reconnaitre que les sources en sont antérieures au christianisme et que celui ci a souvent agi comme facteur de corruption des traditions grecques, romaines, celtes ou germaniques qui sont constitutives de l’Europe conçue comme unité de culture. Il n’était pas question de nier l’imprégnation chrétienne de l’Europe, mais d’en soumettre le bilan à la critique.
Cette discussion fit scandale. Elle n’était pas seulement la conséquence du traumatisme que nous venions de vivre. D’autres l’avaient entreprise avant nous. Elle était née de la crise du monde moderne, de la dislocation de la vieille armature chrétienne qui, pendant un millénaire, avait structuré l’Occident. Elle prenait sa source dans la "mort de Dieu" annoncée par Nietzsche.
Nous sentions qu’il fallait ouvrir des pistes nouvelles quels que fussent les périls. Dans notre monde où tout n’était plus que ruines et décombres, nous ne songions pas à gémir ni à rafistoler, mais à nettoyer pour bâtir. Certains, allant plus loin, progressaient résolument vers la zone dangereuse d’un dépassement du nihilisme préalable à toute renaissance. Nous sentions venir le temps du grand retour à l’authentique de nos sources et de nos origines. »
Dominique Venner, Le cœur rebelle
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19/06/2018
Le rapprochement de la jeunesse du monde
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« Longtemps, j'ai cru m'en tirer sans éclats. J'appartenais à cette génération heureuse qui aura eu vingt ans pour la fin du monde civilisé. On nous aura donné le plus beau cadeau de la terre : une époque où nos ennemis, qui sont presque toutes les grandes personnes, comptent pour du beurre. Votre confort, vos progrès, nous vous conseillons de les appliquer aux meilleurs systèmes d'enterrements collectifs. Je vous assure que vous en aurez grand besoin. Car, lentement, vous allez disparaître de cette terre, sans rien comprendre à ces fracas, à ces rumeurs, ni aux torches que nous agitons. Voilà vingt ans, imbeciles, que vous prépariez dans vos congrès le rapprochement de la jeunesse du monde. Maintenant vous êtes satisfaits. Nous avons opéré ce rapprochement nous-mêmes, un beau matin, sur les champs de bataille. Mais vous ne pouvez pas comprendre. »
Roger Nimier, Le Hussard bleu
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Sentir en nous les véritables valeurs du monde
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« Pour nous qui étions accourus vers ces provinces baltiques, ce mot "marche en avant", prenait une signification grosse de mystère et délicieusement dangereuse. Dans l’attaque nous espérions trouver une délivrance, une suprême exaltation de nos forces ; nous espérions trouver la confirmation que nous étions à la hauteur de notre destin, nous espérions sentir en nous les véritables valeurs du monde. Nous marchions, nourris par d’autres certitudes que celles qui avaient cours dans notre pays. Nous croyions aux instants où toute une vie se trouve ramassée, nous croyions au bonheur d’une prompte décision. "Marche en avant" ne voulait pas dire pour nous la marche vers un but militaire, vers un point de la carte, vers une ligne qu’il fallait conquérir. "Marche en avant", c'était pour nous la naissance d’une force nouvelle qui pousse le guerrier vers un sommet plus haut, c’était la rupture de tous les liens qui nous attachaient à ce monde corrompu, à ce monde à la dérive, avec lequel un véritable guerrier ne pouvait plus rien avoir de commun. »
Ernst von Salomon, Les Réprouvés
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18/06/2018
Un abri tellement profond que le reste de l’univers semble avoir disparu
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« Le goût du passé ne s’acquiert pas. L’enfant le possède, qui est triste à sept ans d’avoir atteint ce qu’on nomme autour de lui l’âge de raison, qui ne veut pas grandir, qui veut retenir autour de lui un monde fuyant et beau, ses jouets, sa mère jeune. Elle le possède la petite fille, qui sait que demain ses poupées ne seront plus qu’un assemblage de bois, d’étoupe et de porcelaine. Peut-être même, contrairement à l’opinion commune, le temps qui fuit est-il plus sensible à l’adolescent qui regrette à vingt ans sa dix-huitième année, au jeune homme de vingt-cinq ans qui se penche, avec un coup au cœur, sur sa propre jeunesse, qu’à l’homme mûr installé dans sa vie solide, et possesseur du temps présent. On me l’a dit. Je crois plutôt que le sens du passé naît en même temps que certains êtres, et que d’autres ne le connaîtront jamais que sous la forme d’une nostalgie banale et fugace.
Il est des époques de l’existence pourtant, où le passé, même le plus voisin, constitue un abri tellement profond que le reste de l’univers semble avoir disparu. Si je me retourne vers lui en ce moment, c’est que j’ai, pour quelques mois, l’impression que ce passé forme un tout désormais descendu, quoi qu’il arrive, dans l’irrévocable. »
Robert Brasillach, Notre avant-guerre
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Un moment où le besoin de repos, le besoin de paix, submerge la volonté de vie d'un moribond
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« Il y a presque toujours un moment où le besoin de repos, le besoin de paix, submerge la volonté de vie d'un moribond ; il est trop fatigué, il se rend, il s'arrête, comme un naufragé dans l'immensité de la mer cesse soudain de nager. De petites signes, une mollesse, l'ombre d'une veulerie passe sur le visage d'un combattant usé par la longue bataille : c'est fini, il accepte, il est déjà mort, mais la Mort, elle, a un rendez-vous et elle attend son heure. Il est plus rare — sauf chez les femmes — de voir le combat perdu se poursuivre jusqu'au bout, sans raison et sans espoir, et la Mort obligée d'arracher sa victoire de haute lutte. Chez Learoyd, il n'y avait pas un signe, rien, ni angoisse, ni doute, ni volonté, ni lassitude, rien. Toute l'énergie était tournée vers l'intérieur et je ne voyais qu'une carcasse décharnée.
Quand il se releva, huit jours plus tard, je pensais aux petits bouts de bois qui font éclater la pierre, à cette force invisible qui m'avait fait choisir d'être botaniste. »
Pierre Schoendoerffer, L'adieu au roi
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17/06/2018
Chaque fois qu'un être naît...
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« Je déclarai, péremptoire :
— Chaque fois qu'un être naît, c'est un monde entier, avec son soleil, ses étoiles, ses brins d'herbes, qui naît et prend peu à peu sa teinte particulière, sa nuance personnelle. Chaque fois qu'un être meurt, c'est son monde entier, avec son soleil, ses étoiles et ses brins d'herbes qui disparaît à jamais. La disparition de ces mondes est scandaleuse, mais plus le monde est riche et coloré, plus le scandale est grand. Alors faisons un scandale énorme et que Dieu aie honte.
La mort du huitième Japonais paralysé sur la piste du Golgotha me semblait déjà une injustice et un grand scandale parce que son monde était riche ; il voulait vivre son agonie quelques heures de plus, impuissant, dévoré vivant… Les couleurs du monde de Learoyd, qui avait conquis un royaume et qui avait chassé Dieu, étaient plus éclatantes que les miennes, son soleil était plus brûlant. Il avait réveillé un vieux peuple et annoncé le retour des temps aventureux. Il était le sel dans le riz, avait di Gwaï… Je fis part de ma décision au vieux missionnaire ébahi :
— Je ne vais pas rentrer. Je vais rester avec Learoyd. »
Pierre Schoendoerffer, L'adieu au roi
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Nous vivons sur la terre en tant qu’exilés de la patrie naturelle
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« Théologiquement, nous savons que nous vivons sur la terre en tant qu’exilés de la patrie naturelle. Tous, et en particulier nous les chrétiens, nous portons en nos âmes, plus fortes encore, la mémoire de notre divine patrie. Le sentiment que nous nous trouvons loin de sa beauté et de ses délices, notre nostalgie, composent notre tragédie "sur la terre étrangère", et c’est pourquoi nous "nous pressons de partir pour être avec le Christ" (Phil. 1,23). Nous appelons la délivrance. Aucune perversion ne lutte contre la nature humaine comme celle de l'âme sans religion. L'a-religieux est un être monstrueux. »
Propos du Père Chrysostome, dans Entre Ciel et Terre de Théoclète Dionysiatis
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16/06/2018
Au souvenir des temps heureux...
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« Vous connaissez tous cette intraitable mélancolie qui s'empare de nous au souvenir des temps heureux. Ils se sont enfuis sans retour ; quelque chose de plus impitoyable que l'espace nous tiens éloignés d'eux. Et les images de la vie, en ce lointain reflet qu'elles nous laissent, se font plus attirantes encore. »
Ernst Jünger, Sur les falaises de marbre
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Se souvenir qu'on vient de ce monde trempé dans le bleu...
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« Dans toute la palette des nuances céruléennes, le roi des bluets c'est le bluet sauvage. Fleur des moissons anciennes, de la longue geste des hommes mangeurs de pain autant que buveurs de vin... Fleur virgilienne, fleur grecque, fleur iranienne, fleur des steppes où naquit l'agriculture. Se souvenir qu'on vient de ce monde trempé dans le bleu, nous qui vivons si souvent confinés dans le gris, c'est amplifier l'histoire et la rendre moins cadavéreuse, moins putréfiée. »
Guy Féquant, Les Blancs Chemins
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15/06/2018
De l'homme pécheur émane une odeur de mort...
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« "Une bête n'ose pas dévorer un homme, pourvu que transparaisse en lui l'image divine." (Rabbi Adin Steinsaltz "Laisse mon peuple savoir")
Dans la forêt, saint Séraphim de Sarov s'était lié d'amitié avec toutes sortes de bêtes sauvages, en particulier un ours, qui ne lui firent jamais aucun mal. De l'homme pécheur émane une odeur de mort qui excite chez les animaux leur propre instinct de mort. Mais celui qui par ses prières et son ascèse a dépassé par la grâce du Seigneur l'angoisse primordiale, est délivré de cette odeur de mort. Il revient alors à l'état paradisiaque, l'état "naturel" de l'homme d'avant la chute, celui d'Adam qui était lié sans confrontation aucune avec toutes les bêtes, auxquelles il devait donner un nom. »
Père Michel Evdokimov, Préface de L'entretien avec Motovilov de Saint Séraphim de Sarov
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Participer à la nature de Dieu
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« Exempt d'égoïsme, de violence, d'orgueil, d'amours, de colère, privé de tout cortège, ne pensant pas à lui-même, pacifié, l'homme devient participant de la nature de Dieu. »
La Bhagavad-Gîtâ, Le Chant du Bienheureux, Chapitre XVIII, Yoga du Renoncement et de la Délivrance, verset 53
« L'homme se déifie progressivement, devenant participant à la nature de Dieu par le moyen des vertus. »
Saint Justin Popović, Philosophie orthodoxe de la vérité ; dogmatique de l'Eglise orthodoxe, Volume 5
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14/06/2018
Une civilisation de la perte
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« À quoi se réduit désormais l'examen de la condition de l'homme, si ce n'est à l'énumération, stoïque ou terrifiée, de ses pertes ? Du silence à l'oxygène, du temps à l'équilibre mental, de l'eau à la pudeur, de la culture au règne des Cieux. En vérité, il n'est pas grand-chose qui se puisse opposer aux inventaires de l'horreur. Le tableau semble tout entier celui d'une civilisation de la perte, à moins d'oser l'appeler encore civilisation de la survie, car même dans cet âge d'après le déluge, même dans ce règne de l'indigence démesurée, on ne saurait exclure un miracle : la persistance d'un insulaire de l'esprit, capable de dresser la carte des continents engloutis. »
Cristina Campo, Les Impardonnables
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Dans chaque civilisation, il existe des optimums d’ouverture et de fermeture...
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Dans le Figaro-Magazine du 3 septembre 1988, Guy Sorman interroge Claude Lévi-Strauss à propos de sa conférence intitulée Race et Culture qu'il prononça devant l'UNESCO en 1971 et qui provoqua, alors, un énorme scandale. Guy Sorman essaye, dix-sept ans après la Conférence en question, de comprendre ce qui s'est passé...
« J’avais transgressé trois interdits. » lui répondit Lévi-Strauss « Tout d’abord, j’avais observé que la génétique moderne permettait désormais de parler de races en termes scientifiques et de comprendre sur quelles données objectives reposaient les distinctions. J’avais dit ensuite que les bons sentiments ne servent en rien à lutter contre le racisme, puisque le racisme repose sur des faits objectifs : il est, par exemple, établi que des populations différentes mises en contact sur des territoires contigus ou qui se chevauchent génèrent des réactions d’agressivité. Les “primitifs” savent cela très bien. Enfin — troisième transgression — j’estimais que les cultures sont créatives lorsqu’elles ne s’isolent pas trop, mais il faut qu’elles s’isolent quand même un peu. Dans chaque civilisation, il existe des optimums d’ouverture et de fermeture, entre isolement et communication, qui correspondent aux périodes les plus fécondes de leur histoire. Si les cultures ne communiquent pas elles sont sclérosées, mais il ne faut pas qu’elles communiquent trop vite pour se donner le temps d’assimiler ce qu’elles empruntent au dehors. Aujourd’hui, lui dit Lévi-Strauss, le Japon me paraît le seul pays à atteindre cet optimum : il absorbe beaucoup de l’extérieur et refuse beaucoup. »
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13/06/2018
Il était de ces êtres, si incompréhensibles aujourd’hui...
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« Germain Millet était de ces êtres, si incompréhensibles aujourd’hui, qui ont le goût de la solitude : une solitude qui était plus un accomplissement que de la misanthropie ou la contestation de l’ordre social qu’elle est devenue dans une société qui a fait du vivre-ensemble, de la transparence, du festif, de la convivialité, une des figures de la démocratie où les solitaires sont suspects aux vertueux hédonistes du nouvel ordre moral. »
Richard Millet, Petit éloge d'un solitaire
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Un homme...
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« — Qu'est-ce qu'un homme, capitaine Brünner ?
— Celui qui reste fidèle à sa parole, à ses idées, s'il en a, à la femme qu'il aime s'il en aime une, à ses amis ; celui qui ne se dérobe pas, qui ne cherche pas d'excuses à ses fautes, qui sait se lever d'une table de jeu et partir sans un mot quand il a perdu. »
Jean Lartéguy, Tout homme est une guerre civile
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12/06/2018
Le refuge des rêves et des vanités anonymes
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« La religion, qu'embrasse la majorité des hommes d’aujourd’hui, est le refuge des rêves et des vanités anonymes. On la pratique en fonctionnaire et tendant son carnet d’autographes. Elle ne s’efforce pas de valoriser notre part divine, ni même notre part personnelle ; elle cherche à niveler, à abêtir, à creuser une immense fosse commune. Au-dessus de cette fourmilière, quelques étoiles maigres et tristes : des titres de journaux, des photos de magazines. Les insectes à tête humaine, — chétifs, lâches, — se pâment devant ces belles de jour et ces bonheurs du soir. Pas un geste, pas un cri, pas un murmure. Rien. L'aboulie fait oraison en silence. Elle a ses visions : elle visionne ses films. Dans ces couvents, où la chapelle est une salle obscure, les ouvreuses, Tarcisius enjuponnées, portent l'eucharistie : bonbons, caramels, esquimaux, chocolats. La digestion tient lieu d’action de grâce, et le sommeil d’extase. Le soleil de la chrétienté a disparu. A sa place, une lumière pâle, laiteuse et ballottée sur des nuages captifs circule dans la nuit non plus comme un astre mais comme un lumignon. Des images truquées et fantomales se gonflent comme des voiles. Il faut crever ces baudruches errantes. Quand elles éclatent, la sanie qui les remplissait éclabousse. Cette souillure a un nom : l'imposture, la colonisation par la bêtise publicitaire des vérités de l’ancienne France. "Sans un fond de noblesse au cœur de la plus humble chaumière, la civilisation de l'âge classique n'aurait pas tenu. La religion et la morale de l'honneur venaient confirmer cet accord. Aujourd'hui, les statistiques, le cinéma, les journaux cimentent l'union, perfectionnent un peu plus chaque jour le parfait citoyen : il se battrait comme Joë Louis, il aimerait comme Gary Cooper, il penserait comme France-Dimanche — mais de tout cela on ne peut parler qu’au conditionnel, car le parfait citoyen ne se bat, n'aime, ni ne pense, il se contente de regarder l'image de sa perfection. Contrairement aux apparences, la religion du monde moderne est contemplative". L'univers se dérobe jusqu'à s’évanouir. Disparaissent l'envie même du soupir et la transparence de certaines ténèbres. Aucun cristal, aucune fêlure, aucune bannière pour la croisade, aucun autel pour le sacrifice des héros ; mais la moiteur des soirs d'automne, les corps lisses des nymphettes de cinéma, le désir à portée de regard, une interminable domination, la gratitude des esclaves dans leurs chaînes, le septième ciel parmi les vapeurs de l'opium. L'humanité est ivre-morte. Cet état signale la fin de l'ivresse roborative et le commencement de la mort. »
Pol Vandromme, Roger Nimier, Le Grand d’Espagne
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Le progrès de l’automatisme et ceux de la peur sont très étroitement liés
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« Il est de fait que le progrès de l’automatisme et ceux de la peur sont très étroitement liés, en ce que l’homme, pour prix d’allégements techniques, limite sa capacité de décision. Il y gagne toute sorte de commodités. Mais, en contrepartie, la perte de sa liberté ne peut que s’aggraver. La personne n’est plus dans la société comme un arbre dans la forêt ; elle ressemble au passager d’un navire rapide, qui porte le nom de Titanic, ou encore de Léviathan. Tant que le ciel demeure serein et le coup d’œil agréable, il ne remarque guère l’état de moindre liberté dans lequel il est tombé. Au contraire : l’optimisme éclate, la conscience d’une toute-puissance que procure la vitesse. Tout change lorsqu’on signale des îles qui crachent des flammes, ou des icebergs. Alors, ce n’est pas seulement la technique qui passe du confort à d’autres domaines : le manque de liberté se fait sentir, soit que triomphent les pouvoirs élémentaires, soit que des solitaires, ayant gardé leur force, exercent une autorité absolue. »
Ernst Jünger, Traité du rebelle ou le recours aux forêts
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11/06/2018
C'est impossible, cela n'a pu avoir lieu
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« Un guetteur s'écroule tout d'une masse, ruisselant de sang. Balle dans la tête. Les copains lui arrachent de sa capote le paquet de pansement et le bandent. "C'est plus la peine, Willem !
— Mais quoi, vieux, y respire encore !"
Arrivent les brancardiers pour l'emporter au poste de secours. La civière cogne rudement contre les traverses disposées en chicane. A peine a-t-elle disparu que tout reprend son cours habituel. On jette quelques pelletées de terre sur la flaque rouge, et chacun retourne à ses occupations. Seul, un bleu s'appuie encore, tout blême, au revêtement de bois. Il essaie de comprendre ce qui s'est passé. Tout a été si soudain, si affreusement surprenant, un attentat d'une indicible brutalité. C'est impossible, cela n'a pu avoir lieu. Pauvre type, tu en verras d'autres »
Ernst Jünger, Orages d’acier
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