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11/06/2018

Sur l’autel de l’humanisme exacerbé

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« Ce que je ne parviens pas à admettre, et qui me plonge dans un abîme de perplexité furieuse et désolée, c’est pourquoi tant de Français avertis concourent aveuglément, méthodiquement, voire cyniquement, à l’immolation d’une certaine France — évitons le qualificatif d’éternelle, qui les révulse — sur l’autel de l’humanisme exacerbé.
Je me pose la même question à propos de toutes ces associations de droit à ceci, à cela, de toutes ces ligues, ces sociétés de pensée, ces officines subventionnées, ces réseaux de manipulateurs infiltrés dans tous les rouages de l’Etat, ces pétitionnaires machinaux, ces médias si correctement consensuels et tous ces "intelligents" qui, jour après jour, inoculent leurs discours corrosif dans le subconscient de la nation française. Big Other…
S’il se peut, à la limite, qu’on les crédite d’une certaine part de sincérité — pour ma part, je ne vais pas jusque-là : dans "Le Camp des saints", ce sont les premiers à s’enfuir — n’empêche que j’éprouve un profond malaise à l’idée qu’ils sont mes compatriotes. Pourquoi s’obstinent-ils à détruire le socle de ce pays ? En vérité, sont-ils encore français ?
Pourquoi déclinent-il à l’infini, jusqu’à satiété, en les dissociant de la France, leurs "valeurs républicaines", à l’image de Laurent Fabius, l’un de nos ex-Premiers ministres, déclarant, en 2003, au Congrès du Parti socialiste : "Quand la Marianne de nos mairies prendra le beau visage d’une jeune Française issue de l’immigration, ce jour-là nous aurons franchi un pas en faisant vivre pleinement les valeurs de la République… ?" Pourquoi s’acharnent-ils tous ainsi à nier le caractère intangible — et sacré, mais cela, ils sont hors d’état de le concevoir — de la patrie charnelle ? C’est le chemin de la trahison. Big Other a sonné. On s’empresse : "Ils sont chez eux chez moi" (Mitterrand), au sein d’une "Europe dont les racines sont autant musulmanes que chrétiennes" (Chirac). A regarder l’avenir en face, tel qu’il se présente, tel qu’il sera, Sarkozy hésite encore, un petit pas en avant, un grand à reculons. »

Jean Raspail, Big other, Nouvelle Préface pour Le camp des saints

 

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10/06/2018

La reconnaissance et l’exaltation de l’individuité sont consubstantielles à l’Europe de toujours...

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« La reconnaissance et l’exaltation de l’individuité (le fait d’être porteur d’une individualité) sont consubstantielles à l’Europe de toujours, alors que la plupart des autres grandes cultures ignorent l’individu et ne connaissent que le groupe. Les poèmes fondateurs de la tradition européenne, l’Iliade et l’Odyssée, exaltent tous les deux l’individuité des héros aux prises avec le destin. Ces poèmes n’ont d’équivalent dans aucune autre civilisation. Ils chantent les héros sur le mode épique (l’Iliade est la première des épopées) et sur celui du roman (l’Odyssée est le premier de tous les romans). Par définition, les héros sont l’expression d’une forte individuité. Ce sont des personnes au sens grec du mot. Non des personnes de naissance (à sa naissance, le petit individu n’est rien, sinon à l’état potentiel). Devenir une personne se mérite par effort continu et formation de soi (se donner une forme intérieure). Avant d’avoir des droits, la personne a d’abord des devoirs à l’égard d’ elle même, de sa lignée, de son clan, de sa cité, de son idéal de vie. Les Européens qui portent en eux l’héritage grec par atavisme et par imprégnation culturelle, ont reçu en partage ce legs. Il fut ultérieurement dénaturé pour devenir l’individualisme exacerbé des sociétés occidentales contemporaines, une sorte de narcissisme hégémonique.

Historiquement, l’expression première de l’individualisme moderne date de la Réforme calviniste qui est elle même à l’origine de ce que Max Weber a défini comme l’essence du capitalisme. Cette forme d’individualisme fut ensuite célébrée de multiples façons à l’époque des Lumières. Elle reçut une consécration idéologique avec la déclaration des droits de l’homme de la révolution américaine et de la Révolution française, tandis que le Code civil (code Napoléon) lui donnait une consécration juridique. Le mouvement des idées s’était associé à l’évolution de la société, à l’affirmation sociale et politique de la bourgeoisie et de son individualisme intrinsèque, pour produire la grande révolution des comportements qui ne triompha vraiment en Europe qu’après les catastrophes de 1914-1945. »

Dominique Venner, Le siècle de 1914

 

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L’exploitation du sentiment de culpabilité collective des Européens

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« Pour assurer l’emprise cosmocratique, l’un de ses instruments privilégiés est l’exploitation du sentiment de culpabilité collective des Européens et de leur penchant compassionnel provenant de leur héritage chrétien. La "Victimologie" est devenue le système de légitimation d’une société peu légitime. Pour faire oublier ce qu’elle a de contestable, elle s’instaure en tribunal permanent d’un passé criminalisé. Ainsi fait elle coup double. Dénonçant les "crimes" du passé ou ceux de dictatures exotiques, elle s'attribue à bon compte un brevet de moralité. Par comparaison, elle suggère que, malgré sa corruption et ses tares, elle est quand même la plus morale, donc la meilleure. Comme se manifestent cependant des résistances appelées "populisme" dans la novlangue cosmocratique, le trait de génie fut d’utiliser les anciens communistes, les ex-soixante-huitards et leurs successeurs, recyclés dans la glorification du marché ou de l’altermondialisme, version archéo-gauchiste. Ils fournissent le clergé inquisitorial de la religion de l’Humanité, ce nouvel opium du peuple, dont le foot charpente les grand-messes. C’est une religion qui a ses tables de la loi avec les droits de l’homme, autrement dit les droits du zombi. Elle a ses dogmes et ses bras séculiers. Elle pourchasse le Mal : être différent, cultiver l’esprit critique ou ne pas être dupe de l’humanisme moralisateur. »

Dominique Venner, Le siècle de 1914

 

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09/06/2018

Le zombi, l’homme nouveau, vidé de contenu

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« La cosmocratie fabrique l’homo oeconomicus de l’avenir, le zombi, l’homme nouveau, vidé de contenu, possédé par l’esprit du marché. Le zombi se multiplie sous nos yeux. Il est apparemment heureux. "L’esprit du marché lui souffle que le bonheur consiste à satisfaire tous ses désirs." Et ses désirs étant ceux du marché ne sont suscités que pour être satisfaits. Le zombi est heureux tant qu’il ne pense pas et ne souffre pas. S’il pense, ce n’est plus un zombi. »

Dominique Venner, Le siècle de 1914

 

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L’élan du cœur et la poésie

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« Au tournant du siècle, l’Allemagne voit se lever en elle un vaste mouvement de la jeunesse qui témoigne de sa vigueur, la Jugendbewegung, dont les Wandervogel (oiseaux migrateurs) ne sont qu’un des aspects particuliers. L’idéal de la Jugendbewegung, avant 1914, peut se résumer dans le mot d’unité. Unité d’une commune appartenance (Volk), qui fait éprouver à chacun qu’il n’est libre qu’en obéissant à la loi qu’il s’est prescrite. La loi n’asservit pas l’individu, mais le lie à la communauté en instituant l’égalité, comprise au sens où la définit Aristote, comme « égalité dans le commandement et dans l’obéissance ». Une idée typiquement prussienne que développeront peu après sur des registres différents Spengler et Heidegger.

Réagissant contre l’expansion des grandes villes, la tristesse du monde industriel, le formalisme bourgeois et le culte de l’argent, les adolescents des lycées et des écoles s’élancent au tournant du siècle sur les routes et les chemins à la reconquête d’eux-mêmes, de l’unité et de la nature. Un mythe explosif en sortira que reprendront les générations suivantes. Au credo rationaliste, il oppose l’élan du cœur et la poésie. Dès que revient le printemps, quand la nature s’éveille, les Wandervogel vagabondent par petites bandes, sac au dos, garçons et filles, jambes nues dans les culottes de cuir, cheveux blonds et peau hâlée. Ils reprennent à plusieurs voix des chansons de marins et de soldats. Ils déclament des aphorismes de Nietzsche ou des poèmes de Stefan George qui exaltent la vie héroïque et dangereuse, la beauté des corps libérés. Pour eux, la guerre semblera l’occasion d’une explication décisive entre ce qu’ils refusent et leur volonté de purification. Elle deviendra le symbole même de la jeunesse par son activisme, son optimisme et son héroïsme. La bataille de Langemark (novembre 1914), où furent fauchés par milliers les membres de la Jugendbewegung, représentera pour les Allemands de ce temps le mythe héroïque par excellence, celui de la fleur de la nation marchant à la mort en chantant. »

Dominique Venner, Le siècle de 1914

 

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08/06/2018

Une très ancienne communauté de civilisation

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« Que l’Europe fût une très ancienne communauté de civilisation toute l’histoire en témoigne. Sans remonter aux peintures rupestres et à la culture mégalithique, il n’y a pas un seul grand phénomène historique vécu par l’un des pays de l’espace franc qui n’ait été commun à tous les autres. La chevalerie médiévale, la poésie épique, l’amour courtois, le monarchisme, les libertés féodales, les croisades, l’émergence des villes, la révolution du gothique, la Renaissance, la Réforme et son contraire, l’expansion au-delà des mers, la naissance des États-nations, le baroque profane et religieux, la polyphonie musicale, les Lumières, le romantisme, l’univers prométhéen de la technique ou l’éveil des nationalités… Oui, tout cela est commun à l’Europe et à elle seule. Au cours de l’histoire, tout grand mouvement né dans un pays d’Europe a trouvé immédiatement son équivalent chez les peuples frères et nulle part ailleurs. Quant à nos conflits qui ont longtemps contribué à notre dynamisme, ils furent dictés par la compétition des princes ou des États, nullement par des oppositions de culture et de civilisation. »

Dominique Venner, Le siècle de 1914

 

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En opposition au renoncement

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« Les temps troublés, dont le XXe siècle européen ne fut pas avare, sont riches en situations permettant au courage et à l'énergie de s'affirmer en opposition au renoncement, à la résignation, à l'opportunisme ou à la couardise. C'est un attrait des périodes d'exception. Elles révèlent la vérité des hommes et donnent un sens à la vie jusque dans la mort. »

Dominique Venner, Le siècle de 1914

 

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07/06/2018

La tradition est un "moi" qui traverse le temps

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« La conscience d'une appartenance européenne, donc d'une européanité, est très antérieure au concept moderne d’Europe. Elle s’est manifestée sous les noms successifs de l’hellénisme, de la celtitude, de la romanité, de l’empire franc ou de la chrétienté. Conçue comme une tradition immémoriale, l’Europe est issue d’une communauté de culture multimillenaire tirant sa spécificité et son unicité de ses peuples constitutifs, d’un héritage spirituel qui trouve son expression primordiale dans les poèmes homériques.

Comme les autres grandes civilisations, Chine, Japon, Inde ou Orient sémitique, la nôtre plongeait loin dans la Préhistoire. Elle reposait sur une tradition spécifique qui traverse le temps sous des apparences changeantes. Elle était faite de valeurs spirituelles qui structurent nos comportements et nourrissent nos représentations même quand nous les avons oubliées. Si, par exemple, la simple sexualité est universelle au même titre que l’action de se nourrir, l’amour, lui, est différent dans chaque civilisation, comme est différente la représentation de la féminité, l’art pictural, la gastronomie ou la musique. Ce sont les reflets d’une certaine morphologie spirituelle, mystérieusement transmise par atavisme, structure du langage et mémoire diffuse de la communauté. Ces spécificités nous font ce que nous sommes, à nul autre pareils, même quand la conscience en a été perdue. Comprise dans ce sens, la tradition est ce qui façonne et prolonge l’individualité, fondant l’identité, donnant sa signification à la vie. Ce n’est pas une transcendance extérieure à soi. La tradition est un "moi" qui traverse le temps, une expression vivante du particulier au sein de l’universel. »

Dominique Venner, Le siècle de 1914

 

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Une seule idéologie domine les représentations

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« En réalité, notre monde est idéologiquement saturé. Mais cela n’est pas perçu pour la raison qu’en Europe et aux États-Unis, depuis l’effondrement du communisme, une seule idéologie domine les représentations, bénéficiant d’un monopole qui l’a transformée en norme. Et cette norme est d’autant moins discutée qu’elle utilise à son profit une rhétorique moralement gratifiante de tolérance qui masque sa très réelle intolérance à l’encontre de ce qui n’est pas elle-même. Elle se voudrait sans rivale et assurée de la pérennité. Mais dans un monde qui change rapidement, un système d’idées qui ne répond plus aux attentes du devenir ne peut survivre longtemps. C’est une des leçons qu’enseigne l’histoire des cent dernières années, une histoire qui commence en 1914. »

Dominique Venner, Le siècle de 1914

 

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06/06/2018

Civilisation...

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« L’individu qui vient au monde dans une "civilisation" trouve incomparablement plus qu’il n’apporte. Une disproportion qu’il faut appeler infinie s’est établie entre la propre valeur de chaque individu et l’accumulation des valeurs au milieu desquelles il surgit. Le civilisé, parce qu’il est civilisé, a beaucoup plus d’obligations envers la société que celle-ci ne saurait en avoir jamais envers lui. »

Charles Maurras, Mes idées politiques

 

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05/06/2018

Des fantaisies...

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« "N’empêche, lui ai-je dit, je regrette maintenant mon passage à la Milice, elle va revenir lentement à la mode. Ce qui était dans mon esprit la plus facile des révoltes, sera le comble de la prudence. Mon père n’en sera même plus emmerdé dans sa tombe, d’ici deux ans."
Mon oncle a fait un petit geste : "Il est mort de chagrin quand il l’a su.
— N’exagérons pas : il est mort quand on l’a su et qu’il a vu que cela le gênerait pour passer en général d’armée. Non, croyez-moi, on ne peut rien faire de stable. L’avenir remet tout en question. Si Robespierre s’était douté qu’il n’était en réalité qu’un petit bourgeois étriqué, un fonctionnaire de la révolution, il serait resté dans son coin.
— Vous savez, m’a-t-il dit, que je vous ai toujours approuvé au fond de mon cœur : c’est-à-dire platoniquement. Aujourd’hui je m’amuse beaucoup de ce qui vous arrive. Vous allez épouser une jeune fille très riche dont un oncle est cardinal et dont le père est député — mais trop bête pour tremper jamais dans un scandale épouvantable. De même pour le cardinal, trop peureux pour forniquer avec des enfants de chœur comme il en a sans doute envie. Rien à craindre par conséquent du côté honneur. Vous-même sortez de la première armée française ; il me semble me rappeler qu’on vous a donné la croix de guerre. Vous êtes parfait. Depuis quelque temps vous portez des chapeaux à bord roulé. Des chapeaux bleu marine, si je ne me trompe pas. De sorte que vos aventures passées reviennent à leur place naturelle et retrouvent le nom qu’elles n’auraient jamais dû quitter : des fantaisies. Le soir où je vous entendrai parler du cours de la livre en réchauffant un verre de cognac entre vos mains, je me réjouirai intérieurement de cette victoire de l’ordre. Bien entendu, je vous blâmerai au fond de mon cœur romantique. »

Roger Nimier, Les épées

 

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Un titre qui coulerait immédiatement votre journal

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« On cherchait un titre pour un nouveau quotidien. Je dis à quelqu’un de la future rédaction :
– Je n’ai aucune idée. En revanche, je puis vous suggérer un titre qui coulerait immédiatement votre journal. Fonds secrets, relations, valeurs professionnelles, rien n’y ferait. Il ne pourrait même pas "partir".
– Vraiment ! Quel titre ?
– Appelez-le "L’Honneur". »

Henry de Montherlant, Service inutile

 

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04/06/2018

Eux aussi sont coupables

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« C’est une dure mais juste loi que celle qui rend les peuples responsables des actes de leurs chefs : car les peuples ont les moyens de ne pas laisser à leurs chefs l’autorité, comme les chefs ont le devoir de gouverner s’il le faut contre les goûts de leurs peuples. Les peuples ont les gouvernements qu’ils méritent. On nous dit quelquefois : "Les peuples sont des enfants. Si les Français avaient d’autres maîtres, vous verriez comme ils changeraient vite…" Nous ne sommes pas insensible à cette raison, et elle nous touche particulièrement quand nous l’entendons, comme il nous arriva, dans la bouche de personnes très humbles ; nous y sommes si peu insensible que bien des fois nous avons exprimé notre surprise que, conduit et inspiré comme il l’est, le peuple français eut encore tant de vertus. Mais enfin ces hommes et ces femmes sont traités en adultes, et non en enfants : les hommes votent, les hommes et les femmes témoignent en justice, ont autorité sur leur progéniture, et. S’ils n’exigent que pour de petits intérêts sordides et jamais pour autre chose (à l’exemple de ces mutilés de guerre qu’on n’a jamais vu exiger de façon efficace, lorsqu’il s’agissait des affaires de la France mais qui ont bien su le faire une fois —en barrant la circulation sur les grands boulevards, de leurs petites voitures ! — lorsqu’il s’est agi d’une augmentation de leurs pensions) s’ils acceptent tout sans haut-le-cœur, s’ils ne vomissent ni la vulgarité, ni la bassesse, ni la bêtise, ni les bobards dont on les gave, eux aussi sont coupables. S’ils souffrent le mal, c’est qu’ils n’en souffrent pas. Gouvernants, parlement, nation, nous nous refusons à distinguer. Le parlement, c’est la France. Elle a envoyé là ceux qu’elle préférait. Ce qui se passe au Conseil des ministres, c’est ce qui se passe au Café du Commerce. Tout le monde est solidaire et complice. »

Henry de Montherlant, L’équinoxe de septembre

 

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La majorité est complice...

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« Dans cette France d’aujourd’hui, tout élan qui s’élève, brusquement fauché, comme les bondissants fils électriques, quand le train galope, rabattus par un poteau stupide. Une nation où tout ce qui est grand et spontané est tenu pour suspect ; où, chaque fois qu’on voudrait intervenir contre quelque chose d’ignoble, on ne le peut, parce qu’on s’aperçoit que la majorité est complice. »

Henry de Montherlant, L’équinoxe de septembre

 

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03/06/2018

Être "bon", être "gentil", être aimable, être facile

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« Depuis près d’un siècle, on injecte à notre peuple une morale où ce qui est résistant est appelé "tendu", où ce qui est fier est appelé "hautain", où l’indignation est appelée "mauvais caractère", où le juste dégoût est appelé "agressivité", où la clairvoyance est appelée "méchanceté", où l’expression de ce qui est est appelé "inconvenance", où tout homme qui se tient à des principes et dit non, est décrété "impossible", où tout homme qui sort du conformisme est "marqué" (comme on dit dans le langage du sport) ; où la morale se réduit presque uniquement à être "bon", que dis-je, à être "gentil", à être aimable, à être facile ; où la critique se réduit à chercher si on est moral, et moral de cette morale là. Avec cela le christianisme ou ses séquelles, l’humanitarisme, le pacifisme, l’irréalisme, la place donnée aux "affaires de cœur", un énervement systématique et sans cesse plus accentué de la justice, et vous aurez la morale, je veux dire la glaire horrible déglutie par l’école, par le journal, par la radio, par le ciné, par la tribune et par la chaire et dans laquelle baigne et marine notre malheureux peuple depuis nombre de générations. Étonnez vous, après cela, qu’il flanche, pour le petit et pour le grand ! Encore un siècle de la Bible et de la morale de Hollywood, et nous verrons si les États-Unis qui tiennent bon jusqu’à présent grâce à la vigueur et à la jeunesse de leur race, ne flancheront pas eux aussi. »

Henry de Montherlant, L’équinoxe de septembre

 

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30/05/2018

Trop de discothèques et d’amants

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« Du point de vue amoureux Véronique appartenait, comme nous tous, à une génération sacrifiée. Elle avait certainement été capable d’amour ; elle aurait souhaité en être encore capable, je lui rends ce témoignage ; mais cela n’était plus possible. Phénomène rare, artificiel et tardif, l'amour ne peut s’épanouir que dans des conditions mentales spéciales, rarement réunies, en tous points opposées à la liberté des mœurs qui caractérise l’époque moderne. Véronique avait connu trop de discothèques et d’amants. Un tel mode de vie appauvrit l’être humain, lui infligeant des dommages parfois graves et toujours irréversibles. L’amour comme innocence et comme capacité d’illusion, comme aptitude à résumer l’ensemble de l’autre sexe à un seul être aimé, résiste rarement à une année de vagabondage sexuel, jamais à deux.En réalité, les expériences sexuelles successives accumulées au cours de l’adolescence minent et détruisent rapidement toute possibilité de projection d’ordre sentimental et romanesque ; progressivement et en fait assez vite, on devient aussi capable d’amour qu’un vieux torchon. Et on mène ensuite, évidemment, une vie de torchon. En vieillissant on devient moins séduisant, et de ce fait amer. On jalouse les jeunes, et de ce fait on les hait. Cette haine condamnée à rester inavouable, s’envenime et devient de plus en plus ardente ; puis elle s’amortit et s’éteint, comme tout s’éteint. Il ne reste plus que l’amertume et le dégoût, la maladie et l’attente de la mort. »

Michel Houellebecq, Extension du domaine de la lutte

 

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28/05/2018

Des hommes avilis

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« La civilisation européenne fléchit à mesure qu’augmente démesurément partout le nombre des hommes avilis, dégénérés, dévalués, pour lesquels la civilisation n’est pas un devoir vis-à-vis du passé, une charge envers l’avenir, mais seulement une source de jouissances et de profit. »

Georges Bernanos, La Liberté, pour quoi faire ?

 

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27/05/2018

Entre gens sensibles

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« Le truand, vivant le plus fréquemment sous des identités bidons, blazes fantoches, qualités supposées, état-civil de la Sainte-Farce, la coutume de souhaiter les anniversaires de naissance s’est, pour les raisons d’incertitude qu’on suppose, perdue dans le Milieu.

Quelques anniversaires peuvent toutefois se célébrer, entre gens sensibles, soucieux de marquer l’écoulement du temps. Il sera de bon ton de participer à ces commémorations, dès lors que vous y serez conviés, et notamment dans les circonstances suivantes. Anniversaire entre équipiers.

L’anniversaire d’une affaire bégalante et où tout a baigné dans l’huile, peut se fêter entre équipiers par un solide casse-graine. Assurez vous toutefois au préalable que tous les hommes qui y assistent ont bien vieilli, faute de quoi, le repas risque de tourner au banquet d’anciens combattants. Il est en effet fréquent, les souvenirs s’émoussant, de découvrir chaque convive persuadé qu’il a été l’artisan de la victoire, et de s’entendre raconter une version purement imaginaire d’un turbin auquel vous avez pourtant participé.

Défiez-vous, au cours de ce genre d’agapes, des flambeurs chroniques. Ayant depuis longtemps évaporé leur fade sur les hippodromes, il n’est pas rare que ce genre de gonzes, se croyant reporté par la magie de l’évocation à la veille du partage, et se croyant de ce fait de l’artiche à emplâtrer, ne tentent au dessert de vous donner un coup de bottine.

L’anniversaire d’une sortie du bing, à l’issue d’un trop long séjour, peut aussi se fêter, mais uniquement entre intimes. »

Albert Simonin, Le savoir-vivre chez les truands

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Tout le rêve de la démocratie est d’élever le prolétaire au niveau de bêtise du bourgeois

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« Croisset, 7 octobre 1871

(...)

Si la France ne passe pas, d’ici à peu de temps, à l’état critique, je la crois irrévocablement perdue. L’instruction gratuite et obligatoire n’y fera rien – qu’augmenter le nombre des imbéciles. Renan a dit cela supérieurement dans la préface de ses Questions contemporaines. Ce qu’il nous faut avant tout, c’est une aristocratie naturelle, c’est-à-dire légitime. On ne peut rien faire sans tête. – Et le suffrage universel tel qu’il existe est plus stupide que le droit divin. Vous en verrez de belles si on le laisse vivre ! La masse, le nombre, est toujours idiot. Je n’ai pas beaucoup de convictions. Mais j’ai celle-là, fortement. Cependant il faut respecter la masse si inepte qu’elle soit, parce qu’elle contient les germes d’une fécondité incalculable. – Donnez-lui la liberté mais non le pouvoir. Je ne crois pas plus que vous aux distinctions de classes. – Les castes sont de l’archéologie. – Mais je crois que les Pauvres haïssent les Riches, et que les riches ont peur des pauvres. Ce sera éternellement. – Prêcher l’amour aux uns comme aux autres est inutile. Le plus pressé est d’instruire les Riches, qui en somme sont les plus forts. Eclairez le bourgeois d’abord ! Car il ne sait rien, absolument rien. Tout le rêve de la démocratie est d’élever le prolétaire au niveau de bêtise du bourgeois. – Le rêve est en partie accompli ! Il lit les mêmes journaux et a les mêmes passions.

Les trois degrés de l’instruction ont donné leurs preuves depuis un an . 1° l’instruction supérieure a fait vaincre la Prusse ; 2° l’instruction secondaire, bourgeoise, a produit les hommes du 4 septembre ; 3° l’instruction primaire nous a donné la Commune. Son ministre de l’Instruction primaire était le grand Vallès, qui se vantait de mépriser Homère.

Dans trois ans tous les Français peuvent savoir lire. Croyez-vous que nous en serons plus avancés ? Imaginez au contraire que, dans chaque commune, il y ait un bourgeois, un seul, ayant lu Bastiat, et que ce bourgeois-là soit respecté, les choses changeraient ! »

Gustave Flaubert, "Flaubert à George Sand, 7 octobre 1871", in Correspondance - La Pléiade Tome IV

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22/05/2018

La dictature parfaite...

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16/05/2018

L'accroissement des masses humaines

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« On pousse à dessein, par des plans, à l'accroissement des masses humaines, afin que l'occasion ne manque jamais de revendiquer pour les grandes masses de plus grands "espaces vitaux", qui à leur tour exigeront pour leur mise en valeur de plus grandes masses humaines à proportion de leurs dimensions. Ce cercle de l'usure pour la consommation est l'unique processus qui caractérise l'histoire d'un monde devenu non-monde (Unwelt). »

Martin Heidegger, Dépassement de la Métaphysique

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07/05/2018

En cours de zombification...

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« Pour résoudre les [crises financières imprévues], on fait appel à l’État (sauvez les banques !) en socialisant les pertes. Quant aux résistances, on ne lésine pas sur les moyens pour les abattre. Afin de "zombifier" les Européens, jadis si rebelles, on a découvert entre autres les avantages de l’immigration de masse. Celle-ci a permis d’importer de la main d’œuvre bon marché, tout en déstructurant les identités nationales. L’installation à demeure d’allogènes accélère aussi la prolétarisation des travailleurs européens. Privés de la protection d’une nation cohérente, ils deviennent des "prolétaires tout nus", des zombies en puissance, d’autant qu’ils sont culpabilisés par le rappel nauséeux de forfaits imaginaires comme la colonisation, imputés à leurs aïeux.

Une difficulté inattendue est cependant venue des immigrés eux-mêmes. Étrangers aux codes de conduite européens, ils ont constitué dans les banlieues des communautés islamisées. Une partie des territoires, jadis nationaux, échappent ainsi à la loi du pays envahi au profit de celle des "grands frères".

Quant à la cohabitation avec les indigènes européens, il n’y faut pas trop songer, sauf au cinéma. Ceux qui n’ont pu fuir vers des quartiers moins envahis, se terrent, manifestant leur souffrance par des votes de refus quand l’occasion leur est donnée. Une conséquence imprévue est que la lutte des classes cède devant le partage ethnique.

Il arrive ainsi que les indigènes en voie de "zombification" renâclent. Pour fairte passer la pilule, le système a eu le trait de génie d’utiliser les fils et petits-fils des anciens staliniens et autres trotskistes, tous recyclés dans la glorification du "doux commerce", la libération sexuelle et la sacralisation des immigrés. Ils fournissent l’important clergé inquisitorial de la religion de l’humanité, ce nouvel opium du peuple dont le foot est la grand-messe. Cette religion a ses tables de la loi avec les droits de l’homme, autrement dit les droits du zombi, lesquels sont les devoirs de l’homme. Elle a ses dogmes avec la religion humanitaire, et son bras séculier, l’OTAN, les tribunaux internationaux ou nationaux. Elle pourchasse le Mal, c’est-à-dire le fait d’être différent, individualisé, d’aimer la vie, la nature, le passé, de cultiver l’esprit critique, et ne pas sacrifier à la divinité humanitaire.

(…)

L’une des particularités du système est qu’il se nourrit de son opposition. Quand on s’en étonne, on oublie que l’opposition gauchiste partage avec le système la religion de l’Humanité et la fringale de la déconstruction, donc l’essentiel. On oublie que le "doux commerce" a besoin de la contre-culture et de sa contestation pour nourrir l’appétit illimité du "jouir sans entraves" qui alimente le marché. Il récupère la rébellion factice du monde culturel (les "cultureux"). Et même il l’institutionnalise. C’est le rôle des ministères de la Culture, paravent des commandes mirifiques du non-art officiel. Les formes expérimentales les plus loufoques renouvellent le langage de la pub et de la haute couture qui se nourrissent de la nouveauté, du happening. Les droits des minorités ethniques, sexuelles ou autres, sont également étendus sans limites puisqu’ils se concrétisent par des nouveaux marchés, offrant de surcroît une caution morale au système. L’illimité est l’horizon du "doux commerce". Il se nourrit du travail des taupes à l’œuvre dans la culture, le spectacle, l’enseignement, l’université, la médecine, la justice ou les prisons. Les naïfs qui s’indignent de voir célébrer de délirantes ou répugnantes bouffonneries, n’ont pas compris qu’elles ont été promues au rang de marchandises et sont de ce fait à la fois indispensables et anoblies.

La seule contestation que le système ne peut absorber est celle qui récuse la religion de l’Humanité, et campe sur le respect de la diversité identitaire. Ne sont pas solubles dans le "doux marché" les irréductibles qui sont attachés à leur cité, leur tribu, leur culture ou leur nation, et honorent aussi celles des autres. On les appelle "protestataires" ou "populistes" »

Dominique Venner, Le Choc de l’Histoire

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29/04/2018

La permanence des flux migratoires...

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« La question de l’intensité des flux migratoires est essentielle pour la compréhension de la crise des banlieues ; c’est un élément qui occupe une place négligeable dans la plupart des diagnostics consacrés aux quartiers sensibles. Ce point permet pourtant de comprendre que la "fonction" des quartiers sensibles a totalement changé depuis trente ans.

Sous le double effet de la métropolisation et de la transformation de l’immigration de travail en immigration familiale, ces territoires sont pour partie devenus des sas entre le Nord et le Sud ; c’est aujourd’hui leur principale fonction. Ce constat, que les politiques répugnent à assumer, s’applique à une part croissante des ZUS situées dans les grandes agglomérations. Le parc de logements sociaux mais aussi le parc privé dégradé (…) ont permis d’accueillir une part importante des vagues migratoires depuis la fin des années 1970 jusqu’à nos jours. Analyser, encore aujourd’hui, la situation de ces quartiers en chaussant les lunettes des années 1970 relève d’une forme de gâtisme. (…)

L’importante mobilité dans les ZUS illustre ce rôle de sas où des ménages précaires viennent régulièrement prendre la place d’autres qui peuvent quitter ces quartiers. Ce "mouvement perpétuel" est engagé dans tous les quartiers sensibles des grandes villes ; partout des primo-arrivants, légaux ou illégaux, et/ou des ménages précaires viennent prendre la place de ménages en phase d’intégration sociale et celle des jeunes diplômés. Car contrairement aux idées reçues, les quartiers et communes sensibles sont très attractifs ! C’est d’ailleurs un point que l’on n’aborde jamais, mais il faut savoir que les bailleurs sociaux de banlieue sont submergés par les demandes de logement. (…) Evidemment, ces territoires n’attirent pas les classes moyennes ni les ménages en phase d’ascension sociale, mais il n’en demeure pas moins que ces quartiers contribuent à répondre à la demande de logements d’une part importante de la population.

(…)

La permanence des flux migratoires induit mécaniquement des difficultés sociales spécifiques à ces lieux qui attirent des populations précaires et qui subissent le départ de ménages actifs et de jeunes diplômés. Dans ce contexte, il est injuste d’évaluer la politique de la ville à l’aune de l’évolution des taux de chômage. En réalité, et compte tenu de la forte mobilité de la population depuis vingt ans, on peut affirmer que, sur ces territoires, l’Etat républicain n’a pas démissionné. Les pouvoirs publics, et notamment les services sociaux, n’ont en réalité cessé de s’adapter et de répondre à une demande sociale de plus en plus forte et spécifique. Les indicateurs sociaux "en stock" et autres tableaux de bord passent sous silence cette réalité. De la même manière, l’évolution du profil des habitants du parc de logement sociaux ne dit rien de l’investissement, en général sans faille, des bailleurs sociaux. »

Christophe Guilluy, Fractures françaises

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17/04/2018

Être d’un peuple est l’ancrage nécessaire de l’identité

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« Dominique Venner : Grâce aux travaux des linguistes, on sait que les peuples européens anciens proviennent d’une même souche parlant une même langue indo-européenne archaïque, dont sont issues toutes les langues de l’Europe actuelle. Grâce à la mythologie comparée, sans parler de la théorie de la "trifonctionnalité" qui reste assez théorique, on sait qu’une même vision du monde était commune à tous ces peuples, qu’ils soient celtes ou hellènes, en attendant les Romains et les Germains.

Après la dispersion des peuples indo-européens ou "boréens" (simplification des légendaires Hyperboréens) antérieure au 3ème millénaire avant notre ère, on sait que ceux ci connurent des histoires et des évolutions différentes, influencées par les peuples autochtones rencontrés et par des conditions climatiques qui ont déterminé des modes d’existence distincts. Deux mille ans et plus sous le soleil sec de la mer d’Égée influencent nécessairement la vision de la vie et le style décoratif autrement que les forêts nimbées de brume de l’Europe continentale et septentrionale. De ces différences sont nées la culture grecque, la culture celte ou celle des Germains. En apparence, elles sont étrangères les unes aux autres alors que ce sont les manifestations contrastées d’une même tradition dont Homère nous a légué l’expression littéraire la plus achevée et la plus accessible.

(…) La mémoire hellène s’enracine dans les poèmes homériques, sur l’exemplarité des héros confrontés au destin. Orwell avait compris les enjeux modernes de l’histoire et de la mémoire. "Qui contrôle le passé contrôle l’avenir, écrivait-il dans son roman 1984. Et qui contrôle le présent contrôle le passé." Ce que les Européens ont vécu depuis la seconde partie du XXe siècle illustre parfaitement ce propos. Passés de l’arrogance au masochisme, les Européens se sont appliqués à pourchasser leur ancien ethnocentrisme, ce qui était louable en soi. Mais à l’inverse ils n’ont cessé de flatter celui des autres races et des autres cultures. De grands efforts ont été faits pour briser le fil du temps et sa cohérence, pour interdire aux Européens de retrouver dans leurs ancêtres leur propre image, pour leur dérober leur passé et faire en sorte qu’il leur devienne étranger (…)

Pauline Lecomte : Les hommes ne se sont-ils pas toujours posé la question de ce qu’ils sont ?

Dominique Venner : Ils y ont toujours répondu en invoquant implicitement le lignage, la langue, la religion, la coutume, c’est-à-dire leur identité, leur tradition. Être d’un peuple est l’ancrage nécessaire de l’identité. Mais un groupe humain n’est un peuple que s’il partage les mêmes origines, s’il habite un lieu, s’il ordonne un espace, s’il lui donne des directions, une frontière entre l’intérieur et l’extérieur. Ce lieu, cet espace ne sont pas seulement géographiques, ils sont spirituels. Pourtant le site est d’ici et non d’ailleurs. C’est pourquoi la singularité d’un peuple s’affirme notamment dans sa manière de travailler le sol, le bois, la pierre, dans ce qu’il bâtit, dans ce qu’il crée, dans ce qu’il fait. Chaque peuple a une façon personnelle de se relier à l’espace et au temps. L’instant de l’Africain n’est pas celui de l’Asiatique, et la ponctualité ne s’entend pas de la même façon à Zurich ou à Ryad. »

Dominique Venner, Le choc de l’histoire

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Trop de gens confondent le tragique et le désespoir

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« N'écoutons pas trop ceux qui crient à la fin du monde. Les civilisations ne meurent pas si aisément et même si ce monde devait crouler, ce serait après d'autres. Il est bien vrai que nous sommes dans une époque tragique. Mais trop de gens confondent le tragique et le désespoir. "Le tragique, disait Lawrence, devrait être comme un grand coup de pied donné au malheur". Voilà une pensée saine et immédiatement applicable. Il y a beaucoup de choses aujourd'hui qui méritent ce coup de pied. »

Albert Camus, “Les Amandiers” in L'été

 

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