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26/05/2019

Le Démoniaque

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« Dans la poésie, il y a quelque chose de tout à fait démoniaque, et surtout dans cette poésie dont on n’a pas conscience, qui dépasse l’intelligence et la raison, et qui par suite a des effets si merveilleux. Il y a aussi beaucoup de démoniaque dans la musique, car elle est si élevée, qu’elle reste au-dessus de toute intelligence, et elle sait produire des effets qui dominent tout le monde, et dont personne ne peut rendre compte. Aussi le culte religieux ne peut s’en passer ; elle est un des premiers moyens pour exercer sur l’homme des influences merveilleuses.

Le démoniaque se jette aussi volontiers sur les grands individus, surtout quand ils occupent des rangs élevés, comme Frédéric et Pierre le Grand. Il se montrait chez le feu grand-duc à un tel point, que personne ne pouvait lui résister. Sa simple présence exerçait de l’attrait sur les hommes, sans qu’il lui fût nécessaire de se montrer bienveillant et amical. Tout ce que j’ai entrepris sur son conseil m’a réussi ; aussi, lorsque j’étais embarrassé, j’avais l’habitude de lui demander ce qu’il me fallait faire ; il me le disait instinctivement, et je pouvais être sûr d’une heureuse issue. — Il eût été à souhaiter qu’il pût se mettre en possession de mes idées et de mes grands projets, car lorsque l’esprit démoniaque le quittait, resté avec ses seules facultés humaines, il était embarrassé. Dans Byron aussi le démoniaque a été très-énergique, c’est là ce qui explique ses qualités attractives, auxquelles les femmes surtout ne pouvaient résister. »

Johann Wolfgang von Goethe à J. P. Eckermann, Mardi, 8 mars 1831 ; in "Conversations de Goethe avec Eckermann"

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25/05/2019

Un grand souverain

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« Pour être populaire, un grand souverain n’a besoin que de sa grandeur même. A-t-il fait de telle sorte que son État soit heureux à l’intérieur, considéré à l’extérieur, il peut alors paraître dans un carrosse officiel avec ses décorations, ou dans un mauvais droschky, enveloppé d’une peau d’ours, le cigare à la bouche ; tout est indifférent ; il a gagné l’affection de son peuple, et on conserve toujours le même respect pour lui. — Si, au contraire, un prince manque de grandeur personnelle et s’il ne sait pas, par ses bienfaits, gagner l’amour des siens, alors il sera obligé de chercher un autre moyen d’union, et il n’y en a pas de meilleur et de plus efficace que la religion, la jouissance et l’usage commun des mêmes pratiques. Paraître tous les dimanches à la messe, regarder de la tribune la paroisse et s’en laisser voir pendant une petite heure, voilà un excellent moyen de popularité que l’on pourrait indiquer à tout jeune souverain et que Napoléon lui-même, malgré toute sa grandeur personnelle, n’a pas dédaigné. »

Johann Wolfgang von Goethe à J. P. Eckermann, vendredi 3 avril 1829 ; in "Conversations de Goethe avec Eckermann"

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24/05/2019

L’embryon

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« Le monde est si grand et si riche, la vie si variée, que jamais les sujets pour des poésies ne manqueront. Mais toutes les poésies doivent être des poésies de circonstance, c’est-à-dire que c’est la réalité qui doit en avoir donné l’occasion et fourni le motif. Un sujet particulier prend un caractère général et poétique, précisément parce qu’il est traité par un poëte. Toutes mes poésies sont des poésies de circonstance ; c’est la vie réelle qui les a fait naître, c’est en elle qu’ils trouvent leur fonds et leur appui. Pour les poésies en l’air, je n’en fais aucun cas.

Que l’on ne dise pas que l’intérêt poétique manque à la vie réelle, car justement on prouve que l’on est poëte lorsqu’on a l’esprit de découvrir un aspect intéressant dans un objet vulgaire. La réalité donne le motif, les points principaux, en un mot l’embryon ; mais c’est l’affaire du poëte de faire sortir de là un ensemble plein de vie et de beauté. Vous connaissez Fürnstein, que l’on appelle le poète de nature. Il a fait un poème sur la culture du houblon ; et il n’y a rien de plus joli. Je lui ai conseillé de faire des chansons d’ouvrier, et surtout des chansons de tisserand, et je suis persuadé qu’il réussira, car il a vécu depuis sa jeunesse parmi des tisserands ; il connaît à fond son sujet, et il sera maître de sa matière. Et c’est justement là l’avantage des petits sujets ; on n’a besoin de choisir et on ne choisira que des matières que l’on connaît et dont on est maître. Mais dans une grande machine poétique, il n’en est pas ainsi ; on ne peut pas reculer ; tout ce qui est compris dans l’ensemble du poëme, tout ce qui fait partie du plan conçu doit être peint, et cela avec une vérité frappante. Or, quand on est jeune, on ne connaît qu’un seul côté des choses, et il faut les connaître tous pour une grande œuvre ; aussi on échoue.

(...)

Surtout je veux vous mettre en garde contre les grandes inventions puisées en vous-même, car alors on cherche à exposer un point de vue des choses, et quand on est jeune, ce point de vue est rarement juste. Il est trop tôt. Et puis le poëte, avec les caractères qu’il invente et les idées qu’il développe, perd une partie de son être, et plus tard, dans les autres productions, il n’a plus la même riche abondance ; il s’est dépouillé lui-même. Et enfin, pour imaginer, pour ordonner, combiner, nouer, que de temps consumé dont personne ne nous sait gré, en supposant que nous arrivions au bout de notre travail ! Au contraire, si l’on n’invente pas son sujet, si on le prend tout donné, tout est bien différent, tout est bien plus facile. Les faits, les caractères existent déjà, le poëte n’a que la vie à répandre partout. De plus, il reste possesseur de ses propres richesses intérieures, car il n’a à fournir que peu de lui-même. Sa dépense de temps et de force est aussi bien moindre, car il n’a que la peine de l’exécution. Je conseille, oui, même des sujets déjà traités. Combien d’Iphigénies n’a-t-on pas faites, et cependant toutes sont différentes ; chacun a vu et disposé les choses différemment, parce que chacun a suivi ses instincts.

Ainsi laissez maintenant de côté toute grande entreprise. Vous travaillez péniblement depuis assez de temps ; il faut que vous connaissiez maintenant ce que la vie renferme de joies, et pour cela le meilleur moyen, c’est de vous occuper de petites poésies. »

Johann Wolfgang von Goethe à J. P. Eckermann, Iéna, jeudi, 18 septembre 1823 ; in "Conversations de Goethe avec Eckermann"

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Maestria

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« Qui ne connaît la clé peut avoir toutes les intuitions possibles, il demeure en marge de la culture. Le style est la maestria de la parole. Et cette maestria est tout. Dans le monde de l’esprit, les vérités platement exprimées ne persistent pas, alors que les erreurs et les paradoxes enveloppés de charme et de doute s’installent dans la quasi éternité des valeurs – on sait que ces dernières ne sont que des paroles auxquelles nous consentons avec un sentiment de respect vague ou précis, selon les circonstances et notre humeur. »

Emil Cioran, De la France

 

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23/05/2019

Car le style est l'architecture de l'esprit...

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« Un des vices de la France a été la stérilité de la perfection — laquelle ne se manifeste jamais aussi clairement que dans l’écriture. Le souci de bien formuler, de ne pas estropier le mot et sa mélodie, d’enchaîner harmonieusement les idées, voilà une obsession française. Aucune culture n’a été plus préoccupée par le style et dans aucune autre, on n’a écrit avec autant de beauté, à la perfection. Aucun Français n’écrit irrémédiablement mal. Tous écrivent bien, tous voient la forme avant l’idée. Le style est l’expression directe de la culture. Les pensées de Pascal, vous les trouvez dans tout prêche et dans tout livre religieux, mais sa manière de les formuler est unique ; son génie en est indissociable. Car le style est l’architecture de l’esprit. Un penseur est grand dans la mesure où il agence bien ses idées, un poète, ses mots. La France a la clé de cet agencement. C’est pour cela qu’elle a produit une multitude de talents. En Allemagne, il faut être un génie pour s’exprimer impeccablement, et encore ! »

Emil Cioran, De la France

 

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22/05/2019

Les pays — malheureusement — existent

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« Les pays — malheureusement — existent. Chacun cristallise une somme d’erreurs nommées valeurs, qu’il cultive, combine, et auxquelles il donne cours et validité. Leur totalité constitue l’individualité de chacun d’eux et son orgueil implicite. Mais aussi sa tyrannie. Car ils pèsent inconsciemment sur l’individu. Cependant, plus celui-ci est doué, plus il se détache de leur pression. Toutefois, comme il oublie — puisqu’il vit —, les déficiences de son identité personnelle l’assimilent à la nation dont il fait partie. C’est pourquoi même les saints ont un caractère national. Les saints espagnols ne ressemblent aux saints français ou italiens que par la sainteté, et non par les accidents révélateurs de leur biographie particulière. Et ils conservent un accent identifiable, qui nous permet de leur attribuer une origine. »

Emil Cioran, De la France

 

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L'immanence

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« Le goût se place aux antipodes du sens métaphysique, il est la catégorie du visible. Incapable de s’orienter dans l’embrouillement des essences, entretenues par la barbarie de la profondeur, il cajole l’ondulation immédiate des apparences. Ce qui n’enchante pas l’œil est une non-valeur : voici quelle semble être sa loi. Et qu’est-ce que l’œil ? L’organe de la superficialité éternelle — la recherche de la proportion, la peur du manque de proportion définit son avidité pour les contours observés. L’architecture, ornée selon l’immanence ; la peinture d’intérieur et le paysage, sans la suggestion des lointains intacts (Claude Lorrain — un Ruysdael salonard, honteux de rêver) ; la musique de la grâce accessible et du rythme mesuré, autant d’expressions de la proportion, de la négation de l’infini. Le goût est beauté soupesée, élevée au raffinement catégoriel. Les dangers et les fulminances du beau lui semblent des monstres ; l’infini — une chute. Si Dante avait été français, il n’aurait décrit que le Purgatoire. Où aurait-il trouvé en lui assez de force pour l’Enfer et le Paradis et assez d’audace pour les soupirs extrêmes ? »

Emil Cioran, De la France

 

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21/05/2019

La vie est jeu

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« Qu’a-t-elle aimé, la France ? Les styles, les plaisirs de l’intelligence, les salons, la raison, les petites perfections. L’expression précède la Nature. Il s’agit dune culture de la forme qui recouvre les forces élémentaires et, surtout jaillissement passionnel, étale le vernis bien pensé du raffinement.
 La vie — quand elle n’est pas souffrance — est jeu.
 Nous devons être reconnaissants à la France de l’avoir cultivé avec maestria et inspiration. C’est d’elle que j’ai appris à ne me prendre au sérieux que dans l’obscurité et, en public, à me moquer de tout. Son école est celle d’une insouciance sautillante et parfumée. La bêtise voit partout des objectifs ; l’intelligence des prétextes. Son grand art est dans la distinction et la grâce de la superficialité. Mettre du talent dans les choses de rien — c’est-à-dire dans l’existence et dans les enseignements du monde — est une initiation aux doutes français. »

Emil Cioran, De la France

 

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Tout un peuple malade du cafard

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« Tout un peuple malade du cafard. Voici le mot le plus fréquent, aussi bien dans le beau monde que dans la basse société. Le cafard est l’ennui psychologique ou viscéral ; c’est l’instant envahi par un vide subit, sans raison alors que l’ennui est la prolongation dans le spirituel d’un vide immanent de l’être. En comparaison, "Langeweile" est seulement une absence d’occupation. »

Emil Cioran, De la France

 

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19/05/2019

C'est en perdant la certitude de la vérité et le consentement unanime des autres que l'homme devient individu

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« Le romancier n'est le porte-parole de personne et je vais pousser cette affirmation jusqu'à dire qu'il n'est même pas le porte-parole de ses propres idées. Quand Tolstoï a esquissé la première variante d'Anna Karénine, Anna était une femme très antipathique et sa fin tragique n'était que justifiée et méritée. La version définitive du roman est bien différente, mais je ne crois pas que Tolstoï ait changé entre-temps ses idées morales, je dirais plutôt que, pendant l'écriture, il écoutait une autre voix que celle de sa conviction morale personnelle. Il écoutait ce que j'aimerais appeler la sagesse du roman. Tous les vrais romanciers sont à l'écoute de cette sagesse suprapersonnelle, ce qui explique que les grands romans sont toujours un peu plus intelligents que leurs auteurs. Les romanciers qui sont plus intelligents que leurs œuvres devraient changer de métier.

Mais qu'est-ce que cette sagesse, qu'est-ce que le roman ? Il y a un proverbe juif admirable "L'homme pense, Dieu rit". Inspiré par cette sentence, j'aime imaginer que François Rabelais a entendu un jour le rire de Dieu et que c'est ainsi que l'idée du premier grand roman européen est née. Il me plaît de penser que "l'art du roman est venu au monde comme l'écho du rire de Dieu".

Mais pourquoi Dieu rit-il en regardant l'homme qui pense ? Parce que l'homme pense et la vérité lui échappe. Parce que plus les hommes pensent, plus la pensée de l'un s'éloigne de la pensée de l'autre. Et enfin, parce que l'homme n'est jamais ce qu'il pense être. C'est à l'aube des Temps modernes que cette situation fondamentale de l'homme, sorti du Moyen Age, se révèle : don Quichotte pense, Sancho pense, et non seulement la vérité du monde mais la vérité de leur propre moi se dérobent à eux. Les premiers romanciers européens ont vu et saisi cette nouvelle situation de l'homme et ont fondé sur elle l'art nouveau, l'art du roman.

François Rabelais a inventé beaucoup de néologismes qui sont ensuite entrés dans la langue française et dans d'autres langues, mais un de ces mots a été oublié et on peut le regretter. C'est le mot agélaste ; il est repris du grec et il veut dire : celui qui ne rit pas, qui n'a pas le sens de l'humour. "Rabelais détestait les agélastes". Il en avait peur. Il se plaignait que les agélastes fussent si " atroces contre lui " qu'il avait failli cesser d'écrire, et pour toujours.

"Il n'y a pas de paix possible entre le romancier et l'agélaste". N'ayant jamais entendu le rire de Dieu, les agélastes sont persuadés que la vérité est claire, que tous les hommes doivent penser la même chose et qu'eux-mêmes sont exactement ce qu'ils pensent être. Mais c'est précisément en perdant la certitude de la vérité et le consentement unanime des autres que l'homme devient individu. Le roman, c'est le paradis imaginaire des individus. C'est le territoire où personne n'est possesseur de la vérité, ni Anna ni Karénine, mais où tous ont droit d'être compris, et Anna et Karénine.

Dans le troisième livre de Gargantua et Pantagruel, Panurge, le premier grand personnage romanesque qu'ait connu l'Europe, est tourmenté par la question : doit-il se marier ou non ? Il consulte des médecins, des voyants, des professeurs, des poètes, des philosophes qui à leur tour citent Hippocrate, Aristote, Homère, Héraclite, Platon. Mais après ces énormes recherches érudites qui occupent tout le livre, Panurge ignore toujours s'il doit ou non se marier. Nous, lecteurs, nous ne le savons pas non plus mais, en revanche, nous avons exploré sous tous les angles possibles la situation aussi cocasse qu'élémentaire de celui qui ne sait pas s'il doit ou non se marier.

L'érudition de Rabelais, si grande soit-elle, a donc un autre sens que celle de Descartes. La sagesse du roman est différente de celle de la philosophie. Le roman est né non pas de l'esprit théorique mais de l'esprit de l'humour. "Un des échecs de l'Europe est de n'avoir jamais compris l'art le plus européen – le roman" ; ni son esprit, ni ses immenses connaissances et découvertes, ni l'autonomie de son histoire. L'art inspiré par le rire de Dieu est, par son essence, non pas tributaire mais contradicteur des certitudes idéologiques. A l'instar de Pénélope, il défait pendant la nuit la tapisserie que des théologiens, des philosophes, des savants ont ourdie la veille. »

Milan Kundera, L'Art du roman

 

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Acquiescement universel

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« Qu'on ne s'y trompe pas : la critique de la vie, nous ne la poursuivons qu'en l'absence de l'amour. Dès qu'il débute, les données changent : nous nous faisons acquiescement universel. L'indifférence aux idées, voilà ce que nous ne soupçonnions pas. Satisfaction de s'éprouver à la merci de l'ouragan sentimental. Je me casse entre les mains d'une tendresse infinie, acceptée et finalement révoltante. Ici commence l'éclipse du moi. La nuit en plein midi. Si vous savez ce que c'est que l'amour, ne tenez pas compte de ce qui va suivre. »

Louis Aragon, Les Aventures de Télémaque

 

 

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17/05/2019

Rarement ingénue ou naïve

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« Chez les peuples protestants, les jeunes filles sont beaucoup plus maîtresses de leurs actions que chez les peuples catholiques. Cette indépendance est encore plus grande dans la démocratie d’Amérique dont la Constitution garantit les libertés fondamentales. La jeune fille est vite affranchie de la tutelle de ses parents. Elle est rarement ingénue ou naïve car on l’a informée assez tôt de la réalité du monde sans chercher à lui dérober des vérités. Elles pensent et parlent avec audace et aisance. »

Alexis de Tocqueville, De la démocratie en Amérique, Tome II

 

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09/05/2019

La linea della fortuna

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« Corto Maltese était resté debout ; il lança un coup d'oeil rapide à sa mère et un autre moins discret vers la porte fermée de la pièce d'où provenaient les rires des filles qui essayaient des robes tout juste arrivées. La Niña lui fit signe de s'asseoir à côté d'Amalia et il obéit. Celle-ci avait cessé de battre les cartes.
"Fais-moi voir ta main gauche !"
Le garçon lui tendit la main en la regardant avec curiosité. Il observait les boucles d'oreilles — deux longues chaînes terminées par un petit oiseau —, les peignes d'écaille qui retenaient les cheveux gris crépus, les colliers et les bracelets d'or chargés d'amulettes qui tintaient continuellement.
Amalia lui prit la main gauche et l'examina en silence. Puis elle leva les yeux et resta ainsi, longuement, sans dire un mot ; Corto résista malgré le malaise que lui causait ce regard insistant. Il pensa aux yeux verts de la Petenera, à leur expression amoureuse et à celle, cruelle et froide, de la femme décidée à se venger.

"Corto, tu savais que dans ta main il manque la ligne de chance ?"

La Niña sentit un frisson glacé lui parcourir le dos, puis les filles ouvrirent grande la porte et envahirent la pièce. Leur bonheur était contagieux, l'atmosphère de malaise se dissipa aussitôt. Corto retira sa main et sortit.
Il monta l'escalier et entra dans la chambre qui avait été celle de ses parents lorsqu'ils vivaient ensemble. Sur le bureau massif se trouvait le modèle d'un ancien voilier dans une bouteille ; une petite plaque indiquait "Résolution 1768". A côté d'un compas de cuivre éclatant, une bouteille de whisky et un étui de cuir. C'était tout ce qui lui restait de son père à la barbe fauve qui lui souriait dans un portrait jauni accroché au mur, un bras autour des épaules de la Niña. Il portait une date : Gibraltar 1887.

Corto prit l'étui de cuir et l'ouvrit, il était doublé de velours, un beau velours bleu, et contenait sept rasoirs. Sous chaque rasoir était brodé le nom d'un jour de la semaine. Ils étaient tous très beaux et tous différents : celui du lundi était en cerisier roux,au mardi correspondait une ronce de noyer marquetée, celui du mercredi était en os blanc poli et repoli. Le rasoir du jeudi avait un manche précieux d'écaille, celui du vendredi était en acier resplendissant. Les plus précieux étaient sans aucun doute ceux du samedi et du dimanche : tous deux étaient en argent, mais alors que le premier était absolument lisse, le second était gravé d'une magnifique scène de chasse au renard où plusieurs chevaux suivaient une meute de chiens.
Ce jour-là était un samedi et Corto prit le rasoir lisse en argent, il le frotta pour faire disparaître l'oxydation noire du temps et après l'avoir ouvert il en essaya le fil : il était parfait. Il l'empoigna de la main droite. La lame scientilla. Il ouvrit la main gauche et sans la moindre hésitation il y dessina un long sillon profond. Il se sentit faiblir, tout devint confus et il s'évanouit.

Il fallut beaucoup de temps avant que la blessure ne se referme, mais désormais Corto Maltese avait une longue et belle ligne de chance. »

Hugo Pratt, Corto Maltese — La Ballade de la mer salée

 

 

 

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22/04/2019

Le bonheur...

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« Un jour, Camus nous avait dit : "Le bonheur, ça existe, ça compte ; pourquoi le refuser ? En l’acceptant, on n’aggrave pas le malheur des autres ; et même, ça aide à lutter pour eux. Oui, avait-il conclu, je trouve regrettable cette honte qu’on éprouve aujourd’hui à se sentir heureux."»

Simone de Beauvoir, La force des choses I

 

 

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Heureux ou malheureux ?

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« Suis-je heureux ou malheureux ? La question a peu d’importance. Je vis avec un tel emportement. Des choses, des êtres m’attendent et sans doute je les attends aussi et les désire de toute ma force et ma tristesse. »

Albert Camus, Carnets I

 

 

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21/04/2019

Posséder...

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« On dispose de tout ce qu'il faut lorsque l'on organise sa vie autour de l'idée de ne rien posséder. »

Sylvain Tesson, Dans les forêts de Sibérie

 

 

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Découragement...

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« Ceux qui seraient tentés de céder au découragement doivent penser que rien de ce qui est accompli dans cet ordre ne peut jamais être perdu, que le désordre, l'erreur et l'obscurité ne peuvent l'emporter qu'en apparence... »

René Guénon, La crise du monde moderne

 

 

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05/04/2019

Un inconditionnel des pétasses

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« Ô combien de fois ai-je arpenté ainsi cette longue artère du sang parfait, combien ai-je bien assisté à toutes les danses, avec les négresses qui ne racolent jamais, les jeunes éteintes, les bovines, les ovines, les porcines, les nitroglycérines ! Les ballonnées, celles qui ont beaucoup vécu, pas assez, les salopes fatiguées, les mépriseuses, les attachées de détresse, un vrai décor... Un jour, assez jeune, je n'y tenais plus, il a fallu que je goûte: une brune nue sous sa robe rose avec une peau d'éléphant... Quelle déception ! Vous montez l'escalier ça va encore, arrivé en haut, ça commence à flancher, dans la pièce vous êtes foutu, elle vous lave la pine, c'est fini. Rien de plus froid : on aurait dit une infirmière : elle m'a couché sur la serviette du matelas, elle m'a branlé, la tête ailleurs, comme une mayonnaise, avec interdiction de lui toucher les nibards... Très fonctionnaire, garde-malade, cuisinière presque. Une fois stable, elle vous exige une capote et vous introduit elle-même dans un vagin qui semble ne pas lui appartenir, sec et acide, immobile... Vous ahanez jusqu'à ce que sperme s'ensuive. C'est bien pitoyable... Quinze sacs pour me faire laver le bout ! C'est exagéré !

Pourtant, je suis comme Michel Simon un inconditionnel des pétasses. Ce sont mes fées. Tout ce qui peut rabaisser l'homme me plaît. Tout ce qui peut faire trembler d'un geste le plus grand crâneur m'enchante. J'aime chez les putes ce qu'elles doivent penser des hommes. »

Marc-Edouard Nabe, Au régal des vermines

 

 

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Le sommet de la Création

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« Il faut se souvenir que, pour le judaïsme, la matière n'est pas considérée comme inférieure ; dans une certaine mesure, elle constitue même, tout au contraire, le sommet de la Création. Elle est source d'émerveillement parce que, paradoxalement, son existence même semble occulter le divin ; c'est donc nécessairement lui qui a voulu la créer. On peut la comparer à une onde née de la rencontre de la révélation et de l'occultation ; c'est pourquoi, en dépit de sa finitude, la matière est le lieu de la plus grande concentration de la révélation de l'Infini dans le monde. Notre monde est le plus limité de tous les mondes. Cependant, pour subsister comme être séparé et indépendant, il faut nécessairement qu'une énergie infinie s'exerce sur chacune de ses particules. C'est bien pourquoi toute action qui oriente la matière en direction de la sainteté a une valeur bien plus grande qu'une action entreprise dans le monde de l'esprit. Du fait que tous les mondes se focalisent sur la matière, chaque geste, chaque mouvement qui s'y produit, si infime soit-il, a plus d'effet que les mouvements de la vie de l'esprit ou même des mondes supérieurs à l'esprit. C'est que la fonction de la Mitsvah, en s'efforçant d'informer le monde matériel, de le changer, de le tourner vers la sainteté, consiste à libérer d'immenses forces qui produisent des ondes de choc depuis notre monde jusqu'aux mondes supérieurs. Voila pourquoi la signification d'une action sainte qui s'exerce sur le monde matériel dépasse largement tout ce qui serait accompli dans le strict domaine de la pensée et de l'émotion. Ainsi s'explique que la Torah et les Mitsvot se référent essentiellement au monde matériel : il est le véritable secret de la Création, la concrétisation de la quintessence de l'idée divine. Aussi bien, toute modification, ou toute correction, du monde de la matière entraîne-t-elle des mutations sans fin dans l'ensemble des mondes. »

Adin Steinsaltz, La rose aux treize pétales

 

 

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04/04/2019

Ethnomasochisme et collaboration

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« Le principal projet politique des Verts en Europe, c'est l'ouverture généralisée à toute immigration. En Allemagne, ils ont obtenu en 1998 du gouvernement du triste Schröder la naturalisation quasi-automatique, avec droit de double nationalité, des étrangers installés depuis huit ans, remplaçant ainsi le droit du sang par la dangereuse formule française, supposée supérieure, du droit du sol. "Les Verts allemands déplorent surtout, note Jean-Paul Picaper dans Le Figaro (16/11/1999), que les socialistes limitent l'immigration". 

En matière d'ethnomasochisme et de collaboration avec les colonisateurs de l'Europe, les Verts allemands sont les meilleurs. Mais grâce au trotskiste Cohn-Bendit, Dany-le-Rouge repeint en vert, ils ont fait des émules en France. 

Au cours de la campagne pour les européennes de 1999, l'ouverture des frontières à toute immigration et la régularisation des clandestins étaient au centre des exigences de Cohn-Bendit, Noël Mamère et Dominique Voynet, des pressions qu'ils exerçaient sur Jospin, et de leur stratégie de "fascisation" du pauvre Chevènement. 10% de propositions pour défendre l'environnement, 90% pour défendre les immigrés, 0% contre le chômage et la paupérisation. »

Guillaume Faye, La colonisation de l'Europe

 

 

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Le nucléaire, l'énergie à ce jour la moins polluante

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« Le désastre du pétrolier Erika nous le rappelle : l'énergie pétrolière est la plus polluante du monde. Pourtant, les pseudos-écologistes réservent leurs foudres au nucléaire, l'énergie à ce jour la moins polluante ! La raison : le pétrole est une des bases économiques de l'hégémonie américaine et des moyens financiers des Etats musulmans; et puis le nucléaire assurerait l'autonomie énergétique européenne, qui est vue d'un très mauvais oeil. Il y a donc alliance objective entre Verts trotskistes, intérêts américains et Etats musulmans.

  L'énergie nucléaire a été diabolisée en Europe, parce qu'elle évoque la "bombe atomique" et Hiroshima. Encore un des syndromes de la pensée magique. Pourtant, cette énergie s'avère la moins sale de toutes, la moins dangereuse, contrairement au babil des propagandes et ... malgré Tchernobyl.

L'énergie nucléaire est parfaitement respectueuse de l'environnement, si elle est bien maîtrisée. Les centrales thermiques classiques ou les barrages hydroélectriques (comme celui qu'on édifie en Guyane) polluent massivement l'atmosphère ou détruisent forêts et couvertures naturelles. 

Sauf accident, une centrale nucléaire n'est pas nocive. Depuis 1950, les très rares accidents nucléaires (Three Miles Island, Tchernobyl, Fukuyawa, etc) ont causé mille fois moins de dégâts que les accidents pétroliers. Un seul exemple: les Verts allemands se sont massivement mobilisés contre le transport de produits nucléaires de France vers l'Allemagne ou vers le Japon, alors qu'aucun incident ne fut jamais signalé. Mais silence radio sur les accidents et dégâts innombrables provoqués par le transport par route ou par oléoduc des produits pétroliers! Les précautions qui entourent la production nucléaire sont dix fois plus rigoureuses que celles prises par les pétroliers. Mais l'industrie pétrolière est au centre de la logique militaro-industrielle américaine et elle génère d'énormes sources financières dont bien des gens bénéficient, y compris objectivement Greenpeace et les Verts. 

A la suite de la stupide décision allemande, sous pression des trotsko-écolos américanophiles et islamophiles du gouvernement Schröder, d'abandonner l'énergie nucléaire, Claude Allègre, ancien ministre de l'Education nationale, déclarait (Le Figaro, 20/07/2000) : "Une fois levée l'hypothèque des déchets, ce que nous ferons d'ici à dix ans, je maintiens qu'au jour d'aujourd'hui, l'énergie nucléaire est la plus sûre et la moins polluante. Car les Allemands ne nous disent pas comment ils vont produire leur énergie. Toutes les sources d'énergie statique recensées rejettent du CO2 dans l'atmosphère, entraînant à terme une dangereuse modification du climat. Je tiens, en ce qui me concerne, à l'indépendance énergétique de la France".
Les énergies fossiles (pétrole, charbon et gaz) rejettent dans l'atmosphère des millions de tonnes d'oxyde de carbone et d'oxyde d'azote, à la fois cancérigènes (bien plus que les mythiques "radiations" !) et coupables de la destruction de la couche d'ozone comme de l'effet de serre (réchauffement du climat et multiplication des catastrophes climatiques). Rien qu'en France, l'électronucléaire évite le rejet atmosphérique de 78 000 tonnes de poussières, de 1,1 millions de tonnes de NaO2 (dioxyde d'azote), de 2 millions de tonnes de SO2 (dioxyde de soufre) et de 337 millions de tonnes de Co2 (dioxyde de carbone), le gaz le plus polluant et le plus dangereux pour la santé. Grâce au nucléaire, la France a réduit de 70 % les rejets de gaz polluants dus à la production électrique, le reste n'étant plus le fait que des transports automobiles à moteur thermique au pétrole, qui polluent à eux seuls davantage que tous les rejets industriels! Grâce au nucléaire, la France (dont la part de cette énergie dans la production électrique est la plus importante du monde) dégrade moins l'atmosphère que ses partenaires de l'UE: 6,9 tonnes de CO2 par habitant, contre une moyenne européenne de 8,15 tonnes et de 11 en Allemagne. 

Or, le lobby écolo, les "Verts", ont curieusement toujours joué la carte du pétrole, donc de la pollution maximale ! Le premier exemple, c'est évidemment celui du projet, hélas réussi en Allemagne, en Suède et en Italie de l'arrêt de toutes les centrales nucléaires. On les remplacera évidemment par des unités électrogènes au gaz et au fuel, très polluantes. Et les "économies d'énergie", démagogiquement promises par les Verts, ne limiteraient que symboliquement ces émissions. Un deuxième exemple : les Verts -- la catastrophique Mme Voynet -- ont réussi à faire capoter le canal Rhin-Rhône, soi-disant nuisible aux ... paysages. Résultat des courses : pour assurer l'acheminement du fret en croissance de 4% par an entre les bassins rhodanien et rhénan, il faudra recourir aux camions sur autoroutes, le mode de transport le plus polluant, le plus coûteux, le plus dangereux, le plus fragilisant pour la nature. D'ailleurs, jamais les Verts n'ont levé le petit doigt contre le percement d'axes autoroutiers systématiques et souvent inutiles (l'A3 Paris-Troyes, l'A28 Rouen-Tours, toujours vides); en revanche, ils ont protesté contre la ligne TGV Valence-Marseille ... Jamais ils n'ont manifesté le moindre soutien aux projets de "ferroutage" (camions sur les trains). Le transport et l'électricité fondés sur le pétrole : voilà ce que soutiennent objectivement les Verts, imposteurs patentés. 

Il semble probable que les Verts et les lobbies écolos "roulent" pour l'industrie pétrolière et pour les intérêts américains qui y sont étroitement liés. Car les USA comme leurs alliés musulmans producteurs de pétrole ont intérêt à ce que l'Europe abandonne le nucléaire. 

Le lobby pétrolier mondial est globalement menacé par le nucléaire, comme par les modes de transports fondés sur l'électricité. Or l'industrie pétrolière est détenue à 80% par des sociétés anglo-saxonnes. N'oublions pas non plus les champs pétroliers britanniques de la Mer du Nord ... Autre chose: le soutien américain objectif, comme celui de la gauche européenne pro-US, aux musulmans tchétchènes est lié à la volonté américaine de contrôler la route pétrolière des champs de la Caspienne. De même, les principaux producteurs de gaz (Algérie, Indonésie, Asie centrale) sont des pays musulmans. La production pétro-gazière est entre les mains des intérêts américano-musulmans. La généralisation de l'électricité nucléaire en Europe serait pour eux une catastrophe économique. Tant pis pour l'environnement. Et ce, avec la bénédiction des pseudo-écolos, très probablement achetés. 

Leur hargne antinucléaire s'explique aussi par une vision mondialiste de l'économie, qui sert là encore les intérêts américains et permet de fragiliser l'Europe. En effet, le pétrole suppose la dépendance de l'Europe envers des sources extérieures, tandis que le nucléaire repose sur la fourniture de faibles quantités d'uranium aisément disponibles (et dont la Russie regorge). L'idée d'indépendance énergétique de l'Europe leur est insupportable. De même, priver l'Europe d'une compétence nucléaire civile, c'est aussi lui interdire (et notamment à la France) de produire du combustible militaire! Donc de la priver de dissuasion indépendante. Ce qui arrange là encore la géopolitique américaine, mais aussi ses alliés arabo-musulmans. Comme en bien d'autres domaines: écolo-trotskistes-Pentagone-Islam, même combat contre l'Europe. 

Ce qui inquiète nos néo-gauchistes écolos, c'est bien la puissance objective (militaire et économique) comme l'indépendance que le nucléaire offre à l'Europe, ainsi que les retombées technologiques qu'il autorise. Leur combat est cohérent: affaiblir le diable européen (et de nos jours eurosibérien), interdire sa renaissance, censurer ses traditions et sa mémoire ancestrale, désamorcer sa puissance technoscientifique et militaire, noyer son indépendance, corrompre ses moeurs, détruire son germen ethnique par l'immigration. Le volet anti-nucléaire et pro-pétrolier n'est qu'un aspect de cette stratégie très cohérente et multiple dont l'objectif est tout simplement la destruction de l'identité et de la continuité de la civilisation européenne. Les préoccupations écologiques et la protection concrète de la santé publique ne sont que des prétextes en forme de grosses ficelles huileuses de fuel. 

(...) Pour les transports ... on ne peut pas échapper aux moteurs thermiques (avions, navires, locos diesel, etc) mais on peut les limiter. Ce qui n'a jamais été fait sérieusement. Tout s'est passé comme si, faute de recherche et d'investissements sérieux, les énergies de transports alternatives au pétrole, notamment celles qui concernent l'automobile, avaient été systématiquement découragées en dépit de leur évident avenir. 

(...) En cinquante ans d'exploitations des centrales, on n'a connu qu'un seul Tchernobyl, dont les effets négatifs sur la santé publique furent beaucoup moins importants que les colossales émissions de gaz cancérigènes de l'énergie pétrolière, sans compter les marées noires et les dégazages sauvages en haute mer des pétrocargos. L'énergie nucléaire est globalement maîtrisable et améliorable, pas l'énergie pétrolière.

  (...) Pour la production d'énergie électrique, le socle doit donc être le nucléaire, ce qui n'existe pour l'instant qu'en France. Un nouveau type de centrale franco-allemande, encore dans les cartons, permettrait de diminuer d'un quart le coût de l'électricité. Les Verts font tout pour faire capoter ce projet. 

(...) Un peu de bon sens: les pluies acides qui détruisent les forêts, les mineurs engloutis par les coups de grisous, les marées noires qui ravagent les côtes, les cathédrales et les monuments historiques rongés et noircis par les gaz de combustion automobiles, les maladies respiratoires et les cancers provoqués par les aérosols carboniques ou soufreux, la dépendance européenne envers les fournitures et intérêts pétroliers et gaziers américano-musulmans, tout cela ne pèse-t-il pas beaucoup plus lourd que les fantasmatiques dangers de l'électronucléaire ?

  L'écologie est la science de l'environnement naturel et le souci de le préserver dans l'intérêt des sociétés humaines. L'écologisme est une doctrine politique qui a pris prétexte de l'écologie pour poursuivre de tout autres buts. 

Le mot [écologie] vient du grec oïkos, "maison", "habitat". L'impératif écologique est fondamental, non pas tant pour préserver Gaïa, la Planète bleue, (elle a encore quatre milliards d'années devant elle et en a vu d'autres), que pour éviter à l'espèce humaine de se détruire en polluant la biosphère, son cadre de vie. Ce n'est pas la "nature en soi", comme une sorte de concept métaphysique brumeux (et qui, dans l'immensité de l'univers, n'a rien à craindre de l'homme) qu'il convient de protéger, mais l'oekoumène de notre espèce. Celle-ci, et tout spécialement la civilisation européenne, s'est employée dans les temps historiques à dominer et à domestiquer la nature proche, c'est-à-dire l'écosystème terrestre. Mais un bon jardinier ne doit pas faire n'importe quoi, poussé par l'orgueil et l'avidité. Le proverbe : imperat naturam nisi parendo ("on ne commande à la nature qu'en lui obéissant") est bien connu. Le réchauffement de la planète et les catastrophes qu'il provoque déjà prouvent les effets néfastes de la méconnaissance de ce précepte.

  (...) L'écologisme, quant à lui, est une pseudo-écologie. C'est un paravent qui dissimule les idées du cosmopolitisme trotskiste. Les "Verts" s'opposent à l'industrie nucléaire, qui est la moins dangereuse et la moins polluante ; en France comme en Allemagne leur politique globale joue objectivement le jeu du lobby pétrolier. Leur principal souci est de favoriser l'immigration de peuplement en Europe. Imposteurs professionnels. 

(...) Le véritable souci écologique n'est pas de se demander : "comment moins produire pour moins polluer ?", mais : "comment produire mieux en polluant moins ? ».

  (...) La puissance économique européenne est parfaitement compatible avec le respect de l'environnement. A condition qu'une volonté politique sache imposer le choix de l'électronucléaire (source d'énergie la moins polluante), l'abandon progressif de l'économie pétrolière, le ferroutage, l'électrification du transport automobile, le recours aux canaux et à tous les modes de transports non polluants. »

Guillaume Faye, Pourquoi nous combattons

 

 

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03/04/2019

La jeunesse irréparable

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« Au mois de juin, lorsqu'il m'arrive de traverser le Luxembourg, je regarde toujours les jeunes gens et les jeunes filles assis sur les chaises de fer, sous les statues des reines de pierre. Nous avons été pareils à eux, nous avons traîné, par les journées tièdes, nos cahiers d'histoire sous les arbres, nous avons travaillé en plein air, amollis soudain par une bouffée d'air parfumé, devant les enfants autour du bassin, les voiliers, les marchands de coco. Il nous fallait trois, quatre chaises. Nous nous ruinions. Il nous arrivait même d'y dormir à poings fermés, au scandale des gardes municipaux, écrasés par le travail plus que par la chaleur. Mais c'était la jeunesse, la jeunesse irréparable, et les visages ronds et purs, et la buée de la jeunesse autour de nos traits, et toutes les querelles du temps, toutes les curiosités du passé, qui se dissolvaient sous les arbres verts et les statues grises. Je ne passe jamais dans ces lieux enchantés, au long des grosses balustrades, sans me rappeler ces rares après-midi où nous fuyions la classe pour un peu d'air, de liberté et d'étude. Puis, sous les arcades de la cour en puits, nous tournions, en nous tenant par le bras, et en parlant de toute chose connaissable et inconnaissable. Au début du “Protagoras”, alors au programme, Platon décrit les allées et venues des jeunes gens qui écoutent Socrate, à cette heure du point du jour que les Grecs nomment “le matin profond”. Je n'ai jamais oublié ce mot, ni l'exquise description des mouvements d'une jeunesse libre. Nous n'avions pas de Socrate parmi nous, nous n'avions pas le soleil, mais c'était le matin profond pourtant, l'éternel matin profond de la jeunesse. »

Robert Brasillach, Notre avant-guerre

 

 

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Léthargie...

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« Mon cher ami, les gens vraiment superficiels sont ceux qui aiment une seule fois dans leur vie. Ce qu’ils appellent leur loyauté, leur fidélité, je l’appelle, moi, léthargie, routine ou manque d’imagination. La fidélité est dans la vie sentimentale ce qu’est la fixité des idées dans la vie intellectuelle : un pur aveu de faillite. La fidélité ! Il faudra pourtant que je l’analyse un jour. L’amour de la propriété y entre pour une part. Que de choses nous mettrions au rebut, si nous ne craignions pas de les voir ramassées par autrui. »

Oscar Wilde, Le portrait de Dorian Gray

 

 

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02/04/2019

Dans le même cercle, on ne sait jamais que les mêmes choses

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« Tout est chimère, la famille, le bureau, les amis, la rue, tout est chimère, et chimère plus ou moins lointaine, la femme.

Mais la vérité la plus proche, c’est que tu te cognes la tête contre le mur d’une cellule sans porte ni fenêtre.

Sans ancêtres, sans mariage, sans descendants, avec un violent désir d’ancêtres, de mariage, de descendants.

Hésitation devant la naissance. Ma vie est hésitation devant la naissance.

On ignore complètement les intentions des personnes qui marchent vite le soir dans une petite ville.

Sa gravité me tue. La tête dans le faux-col, les cheveux disposés dans un ordre invariable sur le crâne, les muscles tendus à leur place au bas des joues…

La danseuse Eduardowa, fervente de musique, circule, en tramway comme partout, accompagnée de deux violonistes qu’elle fait jouer souvent. Car on ne voit pas pour quelle raison il serait interdit de jouer dans un tramway, si toutefois la musique est bonne, agréable aux voyageurs et gratuite, c’est-à-dire si elle n’est pas suivie de quête. Il faut avouer qu’au début, cela ne laisse pas de surprendre un peu et, pendant un petit moment, tout le monde juge cela déplacé. Mais en pleine marche, quand il y a un fort courant d’air et que la rue est silencieuse, l’effet est charmant.

Dans la paix, tu n’avances pas. Dans la guerre, tu perds ton sang jusqu’à la dernière goutte. L’éducation condidérée comme un complot fomenté par les adultes.

Les difficultés que j’ai à parler aux gens viennent de ce que le contenu de ma conscience est absolument nébuleux.

La conque de mon oreille était fraîche au toucher, rugueuse, froide, pleine de sève comme une feuille.

Celui qui, vivant, ne vient pas à bout de la vie, a besoin d’une main pour écarter un peu le désespoir que lui cause son destin -il n’y arrive que très imparfaitement-, mais de l’autre main, il peut écrire ce qu’il voit sous les décombres, car il voit autrement et plus de choses que les autres, n’est-il pas mort de son vivant, n’est-il pas l’authentique survivant? Ce qui suppose toutefois qu’il n’ait pas besoin de ses deux mains et de plus de choses qu’il n’en possède pour lutter contre le désespoir.

Qu’ai-je de commun avec les Juifs ? C’est à peine si j’ai quelque chose de commun avec moi-même.

La vie de société se fait en rond. Dans le même cercle, on ne sait jamais que les mêmes choses.

Mais le bonheur, je ne pourrai l’avoir que si je réussis à soulever le monde pour le faire entrer dans le vrai, dans le pur, dans l’immuable.

Enfin, après cinq mois de ma vie pendant lesquels je n’ai rien pu écrire dont je fusse satisfait, cinq mois qu’aucun pouvoir ne me rendra bien qu’ils fussent tous dans l’obligation de le faire, l’idée me vient de m’adresser à nouveau la parole. Toutes les fois que je me suis réellement interrogé, j’ai toujours répondu à cet appel, il y avait toujours quelque chose à faire sortir de moi, de ce tas de paille que je suis depuis cinq mois et dont il semble que le destin soit d’être allumé en été et de se consumer, plus vite que le spectateur ne cligne les yeux. Si seulement cela pouvait m’arriver ! Et cela devrait m’arriver dix fois, car je ne regrette même pas cette époque malheureuse. Mon état n’est pas le malheur, mais ce n’est pas non plus le bonheur, ce n’est ni de l’indifférence, ni de la faiblesse, ni de la fatigue, ni de l’intérêt pour autre chose, mais alors qu’est-ce donc ? Le fait de ne pas le savoir est sans doute lié à mon incapacité d’écrire. Et cette dernière, je crois la comprendre sans en connaître la cause. C’est qu’en effet, toutes les choses qui me viennent à l’esprit se présentent à moi non par leur racine, mais par un point quelconque situé vers leur milieu. Essayez donc de les retenir, essayez donc de retenir un brin d’herbe qui ne commence à croître qu’au milieu de la tige, et de vous tenir à lui.

Tout ce qui n’est pas littérature m’ennuie et je le hais. »

Franz Kafka, Journal

 

 

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Les soûlards dégringolaient aux enfers

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« Dans un fracas de démons qui s'auréolaient de flammes, de Méduses, et qui vomissaient des monstruosités, les soûlards dégringolaient aux enfers, la tête la première, égoïstes et rougeauds, les uns en des plongeons abrupts, les autres, avec de grotesques bonds en arrière, les uns et les autres parmi une pluie de bouteilles et de symboles des espoirs détruits ; haut, très haut, en un vol presque blanc, dans la lumière qui mène vers le paradis, s'essorant par couples sublimes, l'homme protégeant la femme, protégés eux-même par des anges aux ailes d'abnégation, s'élevaient les sobres. Cependant, tous n'allaient pas par couples, remarqua le Consul. Quelques femmes seules, tout en haut, n'étaient protégées que par des anges. Il lui sembla que ces femmes jetaient des regards à demi jaloux vers le bas, vers leurs maris à la verticale, et que, parmi les visages de ces derniers, certains exprimaient un soulagement évident. »

Malcolm Lowry, Au-dessous du volcan

 

 

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