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04/10/2015

Onfray, ce pelé, ce galeux, ce Phénix matérialiste

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« Un destin insigne, rarissime en France, frappe Michel Onfray : avoir été désigné par le pouvoir, par le Premier ministre en personne, comme un auteur à ne pas lire, comme un mauvais, comme un méchant. Plus : cette condamnation par Monsieur Valls visait moins l’œuvre du philosophe, dont on ne sait si l’hôte de Matignon l’a lue, mais l’homme, l’homme libre, l’homme Michel Onfray dans sa liberté. Faut-il que la gauche ait perdu toute raison et tout enracinement dans l’histoire, qu’elle ait oublié Voltaire et Hugo, pour pointer du doigt les mauvais auteurs, afficher la liste de ceux qui doivent être lus et de ceux qu’il faut rejeter en Enfer, des proscrits et des sauvés !

Pourquoi tant de haine ? Pourquoi cette chasse à courre en bande organisée, rassemblant le gouvernement, la gauche établie, ses politiciens, ses médias, un quarteron d’intellectuels résiduels qui reste encore aveuglément attaché aux méthodes d’intimidation stalinoïdales, en sonnant l’hallali derrière Onfray ? Celui-ci, originaire de la gauche, s’avance de plus en plus souvent sur le terrain politique en prenant des positions opposées à l’action et à l’idéologie du gouvernement. Il rejette haut et fort l’islam, se gardant de l’islamomanie commune aux élites de gauche ! Il est même allé, comme Houellebecq, jusqu’à redouter "une islamisation de la France" ! Il s’est dressé contre le mariage pour tous ! Il s’indigne de voir Eric Zemmour lynché comme "un bouc-émissaire idéal" ! Il déclare – ce que seul Manuel Valls trouve scandaleux, ce que pourtant tout esprit formé dans la probité morale et la rectitude logique doit reconnaître – préférer un Alain de Benoist qui aurait raison à un Bernard-Henri Lévy qui aurait tort ! Il s’en prend à la réforme scolaire concoctée par Najat Vallaud-Belkacem, qui en guise de réponse collective à ses détracteurs ose le ridicule : Onfray ferait partie de la cohorte des pseudo-intellectuels ! De plus, le philosophe impertinent n’oublie pas de fustiger "cette mafia qui se réclame de la gauche". Onfray renvoie la gauche à ses abandons (la justice, le républicanisme, la laïcité, et, last but not least, le peuple), et à ses trahisons. Le peuple, cette réalité que cette gauche a jeté aux oubliettes, qu’elle méprise comme jamais jusqu’ici elle n’a méprisé quelque chose, pas même la bourgeoisie !

L’étonnement effrayé s’empare de cette gauche devant la liberté d’Onfray. C’est qu’elle avait l’habitude, cette gauche, des intellectuels soumis ! A ses yeux, être un intellectuel c’est être nécessairement de gauche, et nécessairement soumis ! Onfray lui présente une situation nouvelle, qui la plonge dans la panique ! Cette animosité à l’encontre d’Onfray puise sa source dans un cocktail d’envie et de peur, d’effroi devant la liberté et la vérité. A la différence des intellectuels qui se chargent de faire la morale aux Français, Onfray est écouté du peuple. Pis : il l’est au moyen de livres de qualité, pédagogiques sans être démagogiques, exempts de vulgarité et de mépris pour ses lecteurs, dont l’ambition philosophique reste élevée, qui, crime impardonnable, caracolent dans le peloton de tête des ventes. L’addition pour la gauche est salée, trop salée, trop lourde. Onfray doit la payer ! Onfray doit payer ! D’où l’impitoyable lynchage : intellectuel, médiatique et politique.

Comme de très nombreux Français, passons-outre et plongeons-nous dans le dernier opus d’Onfray, "Cosmos".

Le trait le plus frappant de la méthode Onfray apparaît dès les premières pages : la pensée n’est pas une activité désincarnée, elle est étroitement mêlée à la personne singulière de l’auteur, dont les passions, les désirs, et le corps, sont imbriqués dans la théorie. La pensée, la vie et l’homme sont indétachables les unes des autres, indécollables. L’autobiographie n’y est pas superfétatoire, elle n’y est pas non plus, comme dans le "Discours de la Méthode" de Descartes, un simple décor, elle y est génératrice de philosophie. Depuis "Le Ventre des philosophes", en 1989, l’écriture de Michel Onfray est hantée par une certitude : le corps est impliqué dans la production philosophique, comme si La Mettrie, qui mourut d’un pâté avarié à la table de Frédéric II de Prusse, n’avait pas eu tort d’écrire que "la pensée habite dans l’estomac".

On l’aura compris : la pensée d’Onfray est un matérialisme, c’est-à-dire une approche du cosmos estimant qu’il n’existe pas d’autre réalité que la matière (les atomes et le vide, écrivait Epicure). C’est au grand fleuve matérialiste, celui dont la source remonte à Epicure, qui est ensuite alimenté par Lucrèce, par les Lumières radicales (La Mettrie, d’Holbach, Helvetius), par Bruno, par Vanini, par Darwin, par Bachelard, qu’Onfray vient ajouter son affluent. De fait, notre philosophe s’avoue plus proche de Lucrèce et sa grande santé que d’Epicure, trop ascétique à son goût à cause de ses faiblesses corporelles. Un charme égal à celui de l’encyclopédie de Diderot flotte entre les pages : l’auteur en effet convoque l’agriculture, l’œnologie, des artisanats, la zoologie, la physique, la botanique, bien plus que les écoles philosophiques, pour étayer sa vision du monde.

Du matérialisme découle une forme de paganisme déspiritualisé qui aurait congédié tous les dieux, tous les esprits et les forces occultes. Reconnaissons-y le paganisme d’un paysan normand (Onfray est enfant d’ouvriers agricoles), émerveillé par la nature, aux deux pieds solidement enracinés dans la terre, amoureux du ciel une fois vidé, grâce à Lucrèce, du fatras dont, selon lui, les religions le remplissent. A travers des formules virulentes, l’opposition intransigeante aux monothéismes est fille de ce matérialisme. Ses diatribes antichrétiennes, ses envolées contre les arrière-mondes, font écho à celles du Nietzsche d’ "Humain, trop humain" et de "La Généalogie de la morale" ; il ne faut pas s’en offusquer, mais les prendre dans leur dimension philosophique. C’est que le matérialisme d’Onfray, qui se proclame "matérialisme intégral", est de part en part nietzschéen.

Quelle fin pour la philosophie ? Chez les épicuriens la physique débouche sur une éthique, un art de vivre. Il s’agit, grâce à la philosophie, de "vivre selon les cycles païens du temps circulaire". Tout comme il faut "utiliser la physique pour abolir la métaphysique", il faut s’en servir également pour dépasser les morales et styles de vie nihilistes hérités des religions, épouser le temps, épouser la vie, pour accorder son existence à un hédonisme. Ce dernier nous rouvre à une correspondance heureuse avec l’environnement que nous avons, du fait des monothéismes, oublié, le cosmos. La philosophie ne vaudrait pas une heure de peine si elle n’était quête de cette vie cosmique.

Tout Onfray se déploie dans "Cosmos" : l’homme et sa pensée. Loin des postmodernes ou de la French Theory, des penseurs alambiqués germanolâtres et germanopratins à l’écriture torturée, des industriels de l’indignation, ainsi que des universitaires pur jus, Michel Onfray est ce qu’on appelait au XVIIIème siècle, dans une acception typiquement française, "un philosophe". Préférant la campagne aux villes, il souhaite philosopher "hors des clous". Par maints aspects, dont le matérialisme enchanté, il est un peu notre Diderot – fera-t-il à son tour, à l’instar de son lointain devancier, un séjour dans l’équivalent moderne du donjon de Vincennes pour délit d’opinion ? Quoiqu’il en soit, Onfray, que la gauche d’établissement qui a troqué son rationalisme traditionnel pour la pensée magique, tient pour le pelé et le galeux dont vient le mal, est avant tout un philosophe dont les livres et la personne manifestent un éternel retour, celui du Phénix matérialiste. »

Robert Redeker, SOURCE : Sur le site iPhilo

 

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03/10/2015

De l'amour

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« "On ne peut pas se forcer à aimer, et c’est là précisément l’amour."
Georges Perros

J’ai retardé le plus longtemps possible le moment de quitter ma solitude marine pour regagner Paris et retrouver ce qui rend l’homme non seulement étranger à lui-même mais encore laid – d’une laideur qui pourrait bien être le stade suprême de cette distance par rapport à l’humain dans laquelle vivent les contemporains mondialisés, métissés, aliénés, jetés par le multiculturalisme d’Etat dans l’absolu de l’insignifiance.

Voilà qui explique aussi aux lecteurs qui se sont inquiétés de mon silence pourquoi j’ai délaissé quelque temps cette chronique. Pour dire encore plus vrai : j’ai désespéré des humains, particulièrement des femmes, aucune de celles que j’ai rencontrées ces derniers temps ne se révélant à la hauteur de l’amour comme aventure spirituelle ou, pour parler comme Bataille, comme expérience intérieure - ouverture à ce dehors absolu qu’est autrui. Est-ce à dire qu’il n’y a plus d’amoureuse vraie, non plus que de femme écrivain, compositeur, peintre ? Sans doute se rencontre-t-il des exceptions. Mais n’ai-je pas tort de vouloir le mêler à la dimension la plus exigeante de l’expérience littéraire ? L’amour lui-même n’est-il pas pris, aujourd’hui, dans le processus d’insignifiance générale où ont sombré le courage, l’honneur, la grandeur, la profondeur, et les amoureux ne sont-ils pas devenus insignifiants, l’amour n’étant plus à la hauteur de l’amour, et moi, dès lors, conduit à désespérer davantage de ce qu’on appelle l’humanité, laquelle n’est plus que le lieu, redisons-le, où l’homme ne cesse de se séparer de lui-même ?

C’est ce que je disais à une jeune femme, l’autre nuit, rue de l’Arcade, où il soufflait le premier vent froid de l’automne. Elle me souriait, me répondait que le désespoir est un pain dont je me nourris à l’excès, que vivre au bord de la mer ne me valait rien, qu’il me fallait considérer en face la réalité du monde contemporain, notamment cette immigration que je me réjouissais de n’avoir pas subie pendant plus de deux mois, au bord de la mer (et non "en bord de mer" , comme on le dit dans la nov-langue publicitaire). "Vous n’aimez pas les gens." ajoutait-elle en posant la main sur mon bras. Les gens ne se réduisent pas aux "migrants" et je n’aime pas, répondais-je, ce que m’impose une immigration de masse, programmée, idéologique, clandestine, "migrante", "réfugiée", épithètes désignant la même catastrophe civilisationnelle. J’ai, pendant deux mois, c’est vrai, refusé de lire ni d’écouter aucun organe de la Propagande. Ainsi ai-je manqué le grand orgasme politico-humanitaire qui fut, semble-t-il, le buzz de l’été : l’humaine marée noire résultant d’aberrantes politiques occidentales au Proche-Orient et dont le rebut inonde les nations européennes, déjà ravagées par une crise économique qui se double d’une crise identitaire, voire spirituelle. Autant dire, ajoutais-je, que l’Europe a subi cet été-là un viol migratoire que l’idéologie tente de faire passer pour un consentement amoureux.

La jolie fille riait dans le vent d’automne. Et l’amour ? Je vais tenter de reprendre mes chroniques pour voir, entre autres choses, ce qu’il est devenu, et s’il faut, en ce domaine aussi, continuer à désespérer de l’individu autant que de l’humanité, et si la femme n’est pas également prise dans le grand processus d’insignifiance.

Je tente d’écrire après la maladie, toute maladie se rapportant peu ou prou à l’amour, l’amour comme maladie ou comme maladie de l’amour, ou défaut d’amour. Nous vivons dans ce grand défaut d’amour qu’est le nihilisme narcissique : en ce sens, la femme n’est pas plus clémente que l’homme : mystère de l’indifférence qui rejoint, là aussi, l’insignifiance contemporaine. On peut même dire la femme plus dure dans son refus d’aimer au nom même de l’amour, tout en vivant aisément ce paradoxe qui fait de l’homme plus qu’un perdant : l’abandonné absolu. »

Richard Millet, SOURCE : Site Officiel de l'auteur - Chronique n°: 36

 

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02/10/2015

Aimer les hommes comme ils sont est impossible. Et pourtant il le faut.

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« Mon ami, aimer les hommes comme ils sont est impossible. Et pourtant il le faut. C’est pourquoi fais-leur du bien en refrénant tes sentiments, en te bouchant le nez et en fermant les yeux (cette dernière condition est indispensable). Supporte le mal qu’ils te font, sans leur en vouloir, si possible, “en te souvenant que tu es homme aussi”. Naturellement, tu as le droit d’être sévère avec eux s’il t’a été donné d’être un tant soit peu plus intelligent que la moyenne. Les hommes sont naturellement bas et aiment aimer par peur ; ne te laisse pas prendre à cet amour et ne cesse pas de les mépriser. Sache les mépriser, même quand ils sont bons, car c’est surtout alors qu’ils sont infects. C’est parce que je me connais bien que je parle ainsi ! Quiconque n’est pas trop bête ne peut pas vivre sans se mépriser, honnête ou malhonnête, peu importe. Aimer son prochain et ne pas le mépriser, c’est impossible. Selon moi, l’homme a été créé physiquement incapable d’aimer son prochain. Il y a là une erreur de langage, dès le début, et “l’amour de l’humanité” doit être compris uniquement de l’humanité que tu te crées à toi-même dans ton coeur (en d’autres termes, je me crée moi-même ainsi que l’amour pour moi), et qui par conséquent n’existera jamais réellement. »

Fiodor Dostoïevski, L’Adolescent

 

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Évidemment, je n’ai tué personne, mais toutes ces batailles dont je me sens solidaire, je les revis toutes en même temps...

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« — 1673, exactement, dit le vieux monsieur en souriant pour la première fois.
— Trois siècles de certitude héréditaire. Écœurant. Je vous regarde et je vous trouve parfait. C’est pourquoi je vous hais. Et c’est chez vous, ici, que je conduirai les plus misérables, demain. Ils ne savent rien de ce que vous êtes, de ce que vous représentez. Votre univers n’a aucune signification pour eux. Ils ne chercheront pas à comprendre. Ils seront fatigués, ils auront froid, ils feront du feu avec votre belle porte de chêne […] et s’essuieront les mains aux livres de votre bibliothèque. Ils cracheront votre vin. Ils mangeront avec leurs doigts dans les jolis étains que je vois à votre mur. Assis sur leurs talons, ils regarderont flamber vos fauteuils. Ils se feront des parures avec les broderies de vos draps. Chaque objet perdra le sens que vous lui attachiez, le beau ne sera plus beau, l’utile deviendra dérisoire et l’inutile, absurde. Plus rien n’aura de valeur profonde, sauf peut-être le bout de ficelle oublié dans un coin et qu’ils se disputeront, qui sait ? en cassant tout autour d’eux. Cela va être formidable ! Foutez le camp !
—  Encore un mot : eux vont détruire sans savoir, sans comprendre. Mais vous ?
— Moi, parce que j’ai appris à haïr tout cela. Parce que la conscience globale du monde exige que l’on haïsse tout cela. Foutez le camp ! Vous m’emmerdez !


Le vieux monsieur entra dans la maison, puis en ressortit aussitôt, un fusil de chasse à la main.


—  Que faites-vous ? demanda le jeune homme.
—  Je vais vous tuer, bien sûr ! Le monde qui est le mien ne vivra peut-être pas au-delà de demain matin et j’ai l’intention de profiter intensément de ses derniers instants. Je vais vivre une seconde vie, cette nuit, sans bouger d’ici et je crois qu’elle sera plus belle encore que la première. Comme mes semblables sont partis, j’ai l’intention de la vivre seul.
—  Et moi ?
—  Vous, vous n’êtes pas mon semblable. Vous êtes mon contraire. Je ne veux pas gâcher cette nuit essentielle en compagnie de mon contraire. Je vais donc vous tuer.
—  Vous ne saurez pas. Je suis certain que vous n’avez jamais tué personne.
—  C’est exact. J’ai toujours mené la vie paisible d’un professeur de lettres qui aimait son métier. Aucune guerre n’a eu besoin de mes services et les tueries d’apparence inutiles m’affligent physiquement. J’aurais probablement fait un bien mauvais soldat. Toutefois, avec Actius, je crois que j’aurais joyeusement tué du Hun. Et avec Charles Martel, lardant de la chair arabe, cela m’aurait rendu fort enthousiaste, tout autant qu’avec Godefroi de Bouillon et Baudoin le lépreux. Sous les murs de Byzance, mort aux côtés de Constantin Dragasès, par Dieu ! que de turcs j’aurais massacrés avant d’y passer à mon tour ! Heureusement que les hommes qui ignorent le doute ne meurent pas si facilement ! [...] Évidemment, je n’ai tué personne, mais toutes ces batailles dont je me sens solidaire, je les revis toutes en même temps, j’en suis l’unique acteur, avec un seul coup de feu. Voilà.


Le jeune homme s’écroula [...] La tache rouge sur le sein gauche s’élargit quelque peu, puis cessa très vite de saigner. Il mourut proprement. Une victoire à l’occidentale, aussi définitive qu’inutile et dérisoire. C’est en paix avec lui-même, que le vieux M. Calguès tourna le dos à ce mort et rentra dans la maison. »

Jean Raspail, Le camp des Saints

 

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01/10/2015

Reconquérir l'héritage

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« Il n'est provision qui ne s'épuise un jour et voilà plusieurs générations que la France est à s'imiter, en ne se renouvelant point, elle se croit nantie et se complaît en l'idée d'une précellence devenue imaginaire, au lieu de reconquérir l'héritage et de rentrer dans ses prérogatives. La France aurait besoin d'être violentée, les maîtres qu'elle se donna, la fortifient dans ses erreurs, ils lui ressemblent trop pour réformer quoi que ce soit, elle leur obéit, à cause qu'ils lui renvoient son image et ce faisant, elle se perpétue en l'aberration. »

Albert Caraco, Ma confession

 

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La Gauche est un incendie qui dévore et consume som­brement

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« Jubilation. Les vrais amateurs de traditions sont ceux qui ne les prennent pas au sérieux et se marrent en marchant au casse-pipe, parce qu’ils savent qu’ils vont mourir pour quelque chose d’impalpable jailli de leurs fantasmes, à mi-chemin entre l’humour et le radotage. Peut-être est-ce un peu plus subtil : le fantasme cache une pudeur d’homme bien né qui ne veut pas se donner le ridicule de se battre pour une idée, alors il l’habille de sonneries déchirantes, de mots creux, de dorures inutiles, et se permet la joie suprême d’un sacrifice pour carnaval. C’est ce que la Gauche n’a jamais compris et c’est pourquoi elle n’est que dérision haineuse. Quand elle crache sur le drapeau, pisse sur la flamme du souvenir, ricane au passage des vieux schnoques à béret et crie "woman’s lib !" à la sortie des mariages en blanc, pour ne citer que des actions élémentaires, elle le fait d’une façon épouvan­tablement sérieuse, "conne" dirait-elle si elle pouvait se juger. La vraie Droite n’est pas sérieuse. C’est pour­quoi la Gauche la hait, un peu comme un bourreau haïrait un supplicié qui rit et se moque avant de mourir. La Gauche est un incendie qui dévore et consume som­brement. En dépit des apparences, ses fêtes sont aussi sinistres qu’un défilé de pantins à Nuremberg ou Pékin. La Droite est une flamme instable qui danse gaiement, feu follet dans la ténébreuse forêt calcinée. »

Jean Raspail, Le camp des saints

 

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Le désir de chaque culture de s’opposer à celles qui l’environnent

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« Je m’insurge contre l’abus de langage par lequel, de plus en plus, on en vient à confondre le racisme défini au sens strict et des attitudes normales, légitimes même, et en tout cas inévitables. Le racisme est une doctrine qui prétend voir dans les caractères intellectuels et moraux attribués à un ensemble d’individus, de quelque façon qu’on le définisse, l’effet nécessaire d’un commun patrimoine génétique. On ne saurait ranger sous la même rubrique, ou imputer automatiquement au même préjugé l’attitude d’individus ou de groupes que leur fidélité à certaines valeurs rend partiellement ou totalement insensibles à d’autres valeurs. Il n’est nullement coupable de placer une manière de vivre et de penser au-dessus de toutes les autres, et d’éprouver peu d’attirance envers tels ou tels dont le genre de vie, respectable en lui-même, s’éloigne par trop de celui auquel on est traditionnellement attaché. Cette incommunicabilité relative n’autorise certes pas à opprimer ou détruire les valeurs qu’on rejette ou leurs représentants, mais, maintenue dans ces limites, elle n’a rien de révoltant. Elle peut même représenter le prix à payer pour que les systèmes de valeurs de chaque famille spirituelle ou de chaque communauté se conservent, et trouvent dans leur propre fonds les ressources nécessaires à leur renouvellement. Si comme je l’ai écrit ailleurs, il existe entre les sociétés humaines un certain optimum de diversité au-delà duquel elles ne sauraient aller, mais en dessous duquel elles ne peuvent non plus descendre sans danger, on doit reconnaître que cette diversité résulte pour une grande part du désir de chaque culture de s’opposer à celles qui l’environnent, de se distinguer d’elles, en un mot d’être soi ; elle ne s’ignorent pas, s’empruntent à l’occasion, mais, pour ne pas périr, il faut que, sous d’autres rapports, persiste entre elles une certaine imperméabilité. »

Claude Lévi-Strauss, Le regard éloigné

 

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30/09/2015

Les cœurs qui ne croient rien

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« Et voilà pourquoi les cœurs qui ne croient rien, qui traitent d'illusions les attachements de l'âme, et de folie les belles actions, qui regardent en pitié l'imagination et la tendresse du génie ; voilà pourquoi ces cœurs n'achèveront jamais rien de grand, de généreux : ils n'ont de foi que dans la matière et dans la mort, et ils sont déjà insensibles comme l'une, et glacés comme l'autre. »

François-René de Chateaubriand, Le Génie du christianisme

 

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La bataille devant être, il fallait que la bataille fût

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« Sans qu’elle eût versé elle-même une seule goutte de sang, cette vierge guerrière n’a cessé de vanter les vertus des batailles et l’honneur de l’épée. Elle était, dans l’âme, soldat. Pourtant la jeune fille en qui l’histoire libérale aime à louer la préfiguration certaine de la nation armée, n’a pas conçu un seul instant le réveil national comme une sorte de levée en masse, de jacquerie patriotique. Elle et le Grand Ferré sont deux ! Plus encore que guerrière, elle a la tête militariste et hiérarchique. Elle n’a pas ameuté les paysans de son village : elle est allée trouver le seigneur du pays. Encore s’est-elle gardée de le convier à lever la jeunesse du Bar et des provinces voisines : son sens de l’ordre est tel qu’il a volé droit au sommet ! Point de chef, point de peuple : point de Roi, point de France. Comme il n’y a point de roi, elle en fera un. Elle ne le créera pas de rien ; elle ne rêvera ni de nouvelle dynastie, ni de dictature féodale ou cabochienne, mais elle n’aura de cesse que le Dauphin ne soit le Roi.
Son amour de la paix et son horreur du sang ne la dressaient donc point contre les puissances du monde. La bataille devant être, il fallait que la bataille fût, non pour établir une pandémocratie dans la République chrétienne, mais pour que, sous le Roi du ciel, régnât très régulièrement un Roi de la terre, dans un royaume organisé en vue du minimum de faiblesse humaine et du maximum d’ordre naturel. »

Charles Maurras, Méditation sur la politique de Jeanne d’Arc

 

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Et nous sommes alors aliénés

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« Pour aimer et apprécier la culture des autres, il faut d’abord avoir la sienne propre ; ou bien c’est la culture des autres qui devient notre culture, et nous sommes alors aliénés. La culture est d’abord culture des ancêtres (...) il ne peut pas y avoir de culture mondialiste, mondialisée. »

Renaud Camus, Parti pris, Journal 2010

 

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29/09/2015

Exercice de haine

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« Les villes sont pour les jeunes gens un bon exercice de haine. »

Henri Michaux , Ecuador

 

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L’oeil rivé sur leur petit appareil

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« Tous ces hommes et ces femmes sont constamment à recevoir des appels ou à en donner, à tout instant ils ont l’oeil rivé sur leur petit appareil, on jurerait qu’ils ne peuvent pas un instant se détacher de lui. On croirait le président de la République, tous ! Cette dépendance à l’égard de ce petit objet, chez des hommes faits et des femmes mûres, les rend semblables à des enfants, à de petits enfants tenus en lisière du matin au soir, et qui béniraient la dépendance où ils sont soumis. C’est plus fort que moi, je les troupe grotesques - insupportables, odieux, haïssables, nuisibles, nocents au possible, mais surtout grotesques. »

Renaud Camus, Parti pris, Journal 2010

 

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Je me voyais baissant, baissant dans son estime

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« Assis derrière un grand registre, un homme sans parti pris, sans malveillance, indifférent à tout et la plume à la main, lève vers moi le regard du fonctionnaire français qui n’est jamais assez payé :
— Vos nom, prénoms et qualités...
Ça continue ! Oui, mais, ici, c’est compréhensible. Et notre entretien vaut, je crois, la peine d’être rapporté mot pour mot.
— Votre nom ?
— Guitry.
— Vos prénoms ?
— Alexandre, Georges, Pierre.
— Ben, et Sacha ?
— Si vous voulez, mais ce n’est qu’un diminutif. C’est comme qui dirait Mimi ou Toto.
— Bon. Alors : nationalité ?
— Français.
— Né à ?
— Saint-Pétersbourg, Russie.
— Ah......... !
Et ce "Ah... ." signifiait : "Tout de même !"
— Vos qualités, maintenant.
— Bon, gentil, serviable, dévoué...
— Mais non, il ne s’agit pas de ça ! Vos qualités... enfin, ce que vous êtes.
— Auteur dramatique, Commandeur de la Légion d’Honneur, Académicien Goncourt.
Il me regarda fixement comme si je m’étais moqué de lui — puis, revenu de sa surprise, il dit :
— Alors, naturellement, licencié ès sciences, licencié ès lettres.
— Ma foi, non.
— Vous n’êtes pas licencié ?
— Pas encore.
— Bachelier, seulement ?
— Je ne suis pas non plus bachelier.
— Oh...
Je me voyais baissant, baissant dans son estime.
— Vous avez tout de même votre Brevet Élémentaire ?
— Non, je ne l’ai pas, Monsieur.
— Et votre Certificat d’Études ?
— On ne me l’a pas donné.
— Mais, alors, qu’est-ce que je vais mettre ?
— Mettez ce que vous voulez, Monsieur.
— Je vais mettre : Sait lire et écrire.
— Ça dit tout, en effet.
Il écrivit alors : "Sait lire et écrire."
(...)
Tandis que je m’éloignais, je l’entendis qui murmurait :
— Académicien Goncourt... Sait lire et écrire !
Et son impression n’était pas bonne.
Il ne faudra jamais s’aviser de demander à cet homme-là ce que c’est que l’Académie Goncourt, car je parierais bien qu’il répondrait alors :
— C’est un ramassis de Cancres ! »

Sacha Guitry, 60 jours de prison

 

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28/09/2015

Ils avaient en vérité souillé leur propre terre et jusqu'à leur ciel

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« Ce n'est pas une métaphore de dire qu'il fallait à ces hommes un ciel nouveau et une terre nouvelle ; car ils avaient en vérité souillé leur propre terre et jusqu'à leur ciel... Nous savons quelles sortes de visions sentimentales suscite en nous le mot "jardin", et qu'il évoque surtout le souvenir de romans mélancoliques et innocents... Or qui sait un peu de poésie latine se rappellera peut-être brusquement ce qui se fût dressé jadis, à la place du cadran solaire ou de la fontaine, et de quelle sorte était le dieu de leurs jardins... Il n'eût servi à rien d'exhorter ce peuple à se faire une religion naturelle ; il n'y avait pas une fleur ni même une étoile qui n'eût été souillée. »

Gilbert Keith Chesterton, Saint François d'Assise

 

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Une société qui ne sait plus rien de l'Ascète, ni du Guerrier

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« Dans une société qui ne sait plus rien de l'Ascète, ni du Guerrier ; dans une société où les mains des derniers aristocrates semblent faites davantage pour des raquettes de tennis ou des shakers de cocktails que pour des épées ou des sceptres ; dans une société où le type de l'homme viril – quand il ne s'identifie pas à la larve blafarde appelée "intellectuel" ou "professeur", au fantoche narcissique dénommé "artiste", ou à cette petite machine affairée qu'est le banquier ou le politicien – est représenté par le boxeur ou l'acteur de cinéma ; dans une telle société, il était naturel que la femme se révoltât.
Alors que l'éthique traditionnelle demandait à l'homme et à la femme d'être toujours plus eux-mêmes, d'exprimer par des traits de plus en plus nets ce qui fait de l'un un homme, de l'autre une femme – nous voyons la civilisation moderne se tourner vers le nivellement, vers l'informe, vers un stade qui, en réalité, n'est pas au-delà, mais en-deçà de l'individuation et de la différence entre sexes.
De même que la plèbe n'aurait jamais pu se répandre dans tous les domaines de la vie sociale et de la civilisation s'il y avait eu de vrais rois et de vrais aristocrates, ainsi dans une société gouvernée par des hommes vraiment virils, jamais la femme n'aurait voulu ni pu emprunter la voie sur laquelle elle chemine de nos jours.
Aussi la vraie réaction contre le féminisme et contre toute autre déviation féminine ne devrait-elle pas s'en prendre à la femme, mais à l'homme. »

Julius Evola, Révolte contre le monde moderne

 

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S'estimer la raison ou l'excuse de l'univers

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« Après avoir régenté les deux hémisphères, les Occidentaux sont en passe d'en devenir la risée : des spectres subtils, des fins de race au sens propre du terme, voués à une condition de parias, d'esclaves défaillants et flasques, à laquelle échapperont peut-être les Russes, ces derniers Blancs. C'est qu'ils ont encore de l'orgueil, ce moteur, non, cette cause de l'Histoire. Quand une nation n'en possède plus, et qu'elle cesse de s'estimer la raison ou l'excuse de l'univers, elle s'exclut elle-même du devenir. »

Emil Cioran, Écartèlement

 

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21/09/2015

La forme en laquelle notre vie profonde doit s'accomplir

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« Il est des temps de décadence, où s'efface la forme en laquelle notre vie profonde doit s'accomplir. Arrivés dans de telles époques, nous vacillons et trébuchons comme des êtres à qui manque l'équilibre. Nous tombons de la joie obscure à la douleur obscure, le sentiment d'un manque infini nous fait voir pleins d'attraits l'avenir et le passé. Nous vivons ainsi dans des temps écoulés ou dans des utopies lointaines, cependant que l'instant s'enfuit. »

Ernst Jünger, Sur les falaises de marbre

 

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18/09/2015

Les postillons

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« Ce n'est plus le sang perdu sur un champ de bataille qui fait la valeur des hommes mais les postillons déversés derrière un micro. »

Roger Nimier, Le Grand d'Espagne

 

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On oblitérait l'image de Dieu dans l'homme

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« En introduisant la civilisation occidentale dans sa patrie, l'empereur voulut importer également les vêtements, les manières, les usages de l'Occident, souvent par voie d'oukazes, et en dépit d'une forte opposition. Le fameux rasage des barbes symbolise encore de nos jours cet aspect du règne. Le gouvernement l'exigeait "pour la gloire et la bienséance de l’État et de la profession des armes" ; les traditionalistes prétendaient, de leur côté, qu'en se rasant, on oblitérait l'image de Dieu dans l'homme, et que les Russes ressembleraient à des créatures aussi méprisables que les Luthériens, les Polonais, les Kalmouks, les Tatars, les chats, les chiens et les singes. »

Nicholas V. Riasanovsky, Histoire de la Russie

 

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L’écœurante mollesse des bons sentiments

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« L’écœurante mollesse des bons sentiments fabrique des bourreaux à la chaîne, car ne vous y trompez pas, les bourreaux sont pleins d’idéalisme et d’humanité. C’est toujours au nom de l’humanisme et de l’humanité que se font les génocides. [...] Crevez la panse de l’idéalisme, tordez le cou aux bons sentiments, videz les émotions les plus généreuses, faites exploser le message de l’humanisme, apprenez à regarder la vérité en face, pratiquez le scepticisme ascétique, alors peut-être aurez-vous rendu quelques services, dont vous ne serez récompensé que par les insultes des braves gars du monde. »

Jacques Ellul, Exégèse des nouveaux lieux communs

 

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17/09/2015

Matzneff - Migrants, émigrés, immigrés

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Les mots ont un sens et une histoire. Gabriel Matzneff, fils d'exilés, recommande un usage modéré du mot "migrant" utilisé à tort et à travers.

Quand nous sommes dans le doute, l'incertitude et en quête d'une réponse, nous ouvrons, si nous sommes d'humeur religieuse, la Bible (ou le Coran, à la mode ces temps derniers), si nous sommes d'humeur philosophique, Sénèque, nous en lisons une page au hasard et dans l'un et l'autre cas nous sommes éclairés.

Il existe cependant une troisième source de lumière, qui n'est ni monothéiste, ni polythéiste, mais résolument laïque (vous le voyez, je ne perds pas une occasion de faire ma cour à notre vénéré Premier ministre Manuel Valls), ce sont les dictionnaires.

Un ami, le libraire Bernard Le Borgne, éminent spécialiste de manuscrits rarissimes et de livres anciens, m'a récemment offert, dans la belle édition de 1849, les quatre tomes du Dictionnaire universel de la langue française de Bescherelle.

Depuis que j'ai reçu ce magnifique cadeau, c'est sans remords que je fais de fréquentes infidélités à mon bien aimé Littré. Avoir plusieurs dictionnaires, c'est comme avoir plusieurs amantes : immoral mais diablement agréable. Et la supériorité des dictionnaires sur les jeunes personnes, c'est qu'ils souffrent silencieusement ; ne nous font jamais de scènes de jalousie.

Migrant, mot né en 1960

Bref, c'est en me plongeant dans Bescherelle que j'ai appris que cet hideux mot de migrant que depuis quelques jours la presse écrite et parlée nous sert à toutes les sauces est un néologisme récent. Pour Bescherelle, migration, oui, migratoire, oui, mais migrant est inconnu au bataillon. Je ne suis pas hostile aux néologismes lorsqu'ils sont beaux, ou drôles ; mais ce migrant, qu'un autre dictionnaire, le Petit Robert, fait naître en 1960, est irrémédiablement affreux.

L'utiliser est d'autant plus idiot que la langue française a d'autres mots, plus élégants et poétiques, pour exprimer la même réalité. Je sais ce dont je parle. Petit-fils et fils de Russes qui durent quitter leur patrie après la révolution de 1917, les horreurs de la guerre civile, la victoire de l'armée bolchevique sur l'armée impériale, je n'ai jamais dans mon enfance entendu utiliser ni le mot migrants ni le mot immigrés pour désigner ceux-ci. Les journalistes, les écrivains, lorsqu'ils évoquaient ces nouveaux venus sur le sol français, ont toujours dit l'émigration russe, ou les émigrés russes, où les exilés russes, ou les Russes blancs, ou encore la colonie russe de Paris (ou de Nice, ou de Menton).

Mes grands-parents, mes parents étaient des exilés, des émigrés, non des immigrés, et moins encore des migrants. Voici l'excellente définition que donne Bescherelle du mot émigration : « Action de quitter son pays pour aller s'établir dans un autre. Émigration volontaire. Émigration forcée. L'émigration des nobles et des prêtres pendant la Révolution française. L'invasion de l'empire de Byzance par les Turcs causa l'émigration d'une foule de Grecs. » Cette invasion de Byzance par les Turcs peut être appelée une immigration, mais l'exil des Grecs en Italie, en France, en Russie est, elle, une émigration.

Vive la précision du vocabulaire !

Le jour où les troupes du vaillant calife de l'État islamique envahiront la molle Europe et planteront leur drapeau noir sur la coupole de Saint-Pierre, ce sera une immigration. De ce mot, Bescherelle donne cet exemple : « Les Germains sont arrivés successivement en Europe, et par trois immigrations distinctes. » En revanche, les infortunés Syriens qui, fuyant leur pays en guerre, ayant tout perdu, le cul nu, se réfugient en 2015 à Paris, comme, dans les années vingt du siècle dernier, le firent les infortunés Russes, ont le droit d'être appelés des émigrés, des exilés.

On m'objectera que je chicane, que cette querelle de mots n'a aucune importance. Moi, je crois au contraire que la précision du vocabulaire est une des plus puissantes armes que la civilisation possède pour résister à la barbarie. La droite se gargarise avec l'identité française, grand bien lui fasse, mais je lui signale que l'usage du charabia, du baragouin qu'aujourd'hui on lit partout, on entend partout, menace l'âme et le génie de la France de manière infiniment plus pernicieuse que l'accueil des malheureux qui frappent à notre porte.

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SOURCE : LE POINT

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11/09/2015

Les hommes ne peuvent rien faire au monde que mourir

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« Terrible insuffisance de nos cœurs et de nos esprits devant le cri, la prière qu’était la tienne. Je te voyais jeté à la rue avec la valise vide et qu’est-ce que je t’offrais pour la remplir. Je te reprochais de ne rien trouver dans le monde si riche, si plein pour te faire un viatique. Mais je ne te donnai rien. Car enfin peut-être ceux qui ne trouvent rien et qui restent là, ne sachant quoi faire, il faut avouer qu’ils demandent, et il n’y a qu’une chose à faire c’est de leur donner. J’ai pleuré quand une femme au téléphone a dit : "Je vous téléphone pour vous dire que Gonzague est mort." Hypo­crisie infecte de ces larmes. Toujours la lâcheté de l’aumône. On donne deux sous et on se sauve. Et demain matin avec quelle facilité je me lèverai à 5 heures pour aller à ton enterre­ment. Je suis toujours si gentil aux enterrements.

A travers une banlieue - les banlieues c’est la fin du monde - puis une campagne d’automne vert de légume cuit et or pâle de chambre à coucher, sous une pluie battante, avec un chauffeur qui me parlait de son moteur, je suis arrivé dans une de ces terribles pensions de famille où l’on voit que la mélan­colie et la folie peuvent faire bon ménage avec toute la médiocrité.

Elle était là, sous ton lit, la valise béante où tu ne pouvais finalement mettre qu’une chose, la plus précieuse qu’ait un homme: sa mort. (...) Tu es mort pour rien mais enfin ta mort prouve que les hommes ne peuvent rien faire au monde que mourir, que s’il y a quelque chose qui justifie leur orgueil, le sentiment qu’ils ont de leur dignité - comme tu l’avais ce sentiment-là toi qui as été sans cesse humilié, offensé - c’est qu’ils sont toujours prêts à jeter leur vie, à la jouer d’un coup sur une pensée, sur une émotion. »

Pierre Drieu la Rochelle, L’adieu à Gonzague

 

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L'imagination condensée du siècle

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« Le tombeau de l'Empereur, pour des Français de vingt ans, ce n'est point le lieu de la paix, le philosophique fossé où un pauvre corps qui s'est tant agité se défait ; c'est le carrefour de toutes les énergies qu'on nomme audace, volonté, appétit. Depuis cent ans, l'imagination partout dispersée se concentre sur ce point. Comblez par la pensée cette crypte où du sublime est déposé ; nivelez l'histoire, supprimez Napoléon : vous anéantissez l'imagination condensée du siècle. On n'entend pas ici le silence des morts, mais une rumeur héroïque ; ce puits sous le dôme, c'est le clairon épique où tournoie le souffle dont toute la jeunesse a le poil hérissé. »

Maurice Barrès, Les Déracinés

 

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10/09/2015

Il n’est rien dont l’homme ait aussi peur que la liberté

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« On voit s’élever une race de bûcheurs, des gens qui n’ont jamais le temps de rien. Or, tout type supérieur se reconnaît à ce qu’il a du temps, donc est maître souverain des heures. Placé devant ce dilemme, il préfèrera l’existence de raté à celle de cuistre. Au reste, le règne des cuistres est sans cesse à nouveau interrompu par la révolte des ratés de génie. C’est l’une des révolutions qui se reproduisent toujours, et, fait remarquable, dans une totale indépendance envers les arguments qui se trouvaient être à la mode. Ainsi s’expliquent l’aristocrate parmi les jacobins, et d’autres types que chacun connaît. [...] Pour ceux qui sont grandement doués, l’échec dans le métier fait bien plutôt partie des débuts favorables, pour autant que, traversant le rideau de la société, ils peuvent se colleter avec la liberté [...]. Au fond, il n’est rien dont l’homme ait aussi peur que la liberté - d’où l’affluence qui règne devant les casernes de notre époque. »

Ernst Jünger, Le contemplateur solitaire

 

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Il serait vain de se détourner du passé pour ne penser qu'à l'avenir...

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« Il serait vain de se détourner du passé pour ne penser qu'à l'avenir. C'est une illusion dangereuse de croire qu'il y ait même là une possibilité. L'opposition entre l'avenir et le passé est absurde. L'avenir ne nous apporte rien, ne nous donne rien ; c'est nous qui pour le construire devons tout lui donner, lui donner notre vie elle-même. Mais pour donner il faut posséder, et nous ne possédons d'autre vie, d'autre sève, que les trésors hérités du passé et digérés, assimilés, recréés par nous. De tous les besoins de l'âme humaine, il n'y en a pas de plus vital que le passé. »

Simone Weil, L'enracinement

 

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