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21/12/2015

Celui qui dit oui au camp du progrès

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« Le nouveau rebelle est très facile à identifier : c’est celui qui dit oui. Oui à Delanoël. Oui aux initiatives qui vont dans le bon sens, aux marchés bio, au tramway nommé désert, aux haltes-garderies, au camp du progrès, aux quartiers qui avancent. Oui à tout. Sauf à la France d’en bas, bien sûr, et aux ploucs qui n’ont pas encore compris que la justice sociale ne débouche plus sur la révolution mais sur un séjour d’une semaine à Barcelone défiant toute concurrence. »

Philippe Muray, Exorcismes spirituels III

 

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Le politique rampe...

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« Nul besoin d’avoir un grand sens de l’État ni un sens excessif de votre dignité pour ne pas voir sans malaise, côté à côte, au Grand Journal, le président du Conseil constitutionnel et le président de l’Assemblée nationale se tortiller sur leur chaise pour se faire applaudir par des gamins fonctionnant au sifflet. Embarrassés, patauds, piquant des fards devant une Bimbo, humiliés par les lazzi d’un trio de montreurs d’ours auxquels ne manquent plus que la chambrière et le cerceau pour mettre leurs invités à quatre pattes et les faire sauter au travers (prochaine étape). Le politique ne se cabre même plus, il rampe. »

Régis Debray, Rêverie de gauche

 

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20/12/2015

Flatter les opinions

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« Le Journal au lieu d'être un sacerdoce est devenu un moyen pour les partis ; de moyen, il s'est fait commerce ; et comme tous les commerces, il est sans foi ni loi. Tout journal est une boutique où l'on vend au public des paroles de la couleur dont il veut. S'il existait un journal des bossus, il prouverait soir et matin la beauté, la bonté, la nécessité des bossus. Un journal n'est plus fait pour éclairer mais pour flatter les opinions. Ainsi, tous les journaux seront dans un temps donné lâches, hypocrites, infâmes, menteurs, assassins ; ils tueront les idées, les systèmes, les hommes, et fleuriront par cela même. Ils auront le bénéfice de tous les êtres de raison : le mal sera fait sans que personne en soit coupable. »

Honoré de Balzac, Illusions perdues

 

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Les étalages

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« L'art étant devenu une des occupations recherchées des riches, les expositions se suivent avec un égal succès, quelles que soient ce qu'on exhibe, pourvu que les négociants de la presse s'en mêlent et que les étalages aient lieu dans une galerie connue. »

Joris-Karl Huysmans, Certains

 

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19/12/2015

Empoisonnement grégaire

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« L'absence de pensée et l'idiotie morale ne sont pas des attributs caractéristiques de l'espèce humaine, ce sont des symptômes d'empoisonnement grégaire. »

Aldous Huxley, Retour au meilleur des mondes

 

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La masse et l'égalitaire

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« Dûment sevrés des fortes ivresses, nous avons pris en horreur toute puissance et virilité ; la masse et l'égalitaire, tels sont nos nouveaux dieux. Puisque la masse ne peut se modeler sur le petit nombre, qu'au moins le petit nombre se modèle sur la masse. »

Ernst Jünger, La guerre comme expérience intérieure

 

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18/12/2015

Quand les républicains étaient héroïques

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« Ce que nous voulons savoir, c'est ce que c'était, c'est quel était le tissu même de la bourgeoisie, de la République, du peuple, quand la bourgeoisie était grande, quand le peuple était grand, quand les républicains étaient héroïques et que la République avait les mains pures. Pour tout dire quand les républicains étaient républicains et que la république était la république. »

Charles Péguy, Notre Jeunesse

 

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Sa mollesse, son acceptation

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« Au premier mot qui révèle sa mollesse, son acceptation, je le hais. J'éprouve une sorte d'horreur physique, et je m'écarte. Ce pleutre, ce lâche ne peut pas être du même peuple dont je suis. Enfin je comprend trop bien de quoi pourrait naître la guerre civile. »

Jean Guéhenno, Journal des années noires

 

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17/12/2015

Car l’État ne connaît ni honneur ni justice

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« On a volé leur patrie aux Français, je veux dire qu'on la leur a rendue méconnaissable. Elle n'évoque même plus pour eux l'idée d'honneur ou de justice – car l’État ne connaît ni honneur ni justice […] La France ne ressemble plus aux Français, elle n'a ni leurs vertus, ni leurs vices, ni aucun de ces défauts qui leurs sont plus chers que leurs vices ou leurs vertus, elle ne parle même pas leur langage, elle ne dit rien, elle l'idole muette d'un peuple bavard. L’État s'est substitué à la Patrie comme l'administration cléricale se serait substituée depuis longtemps – si Dieu n'y mettait ordre – à la moribonde Chrétienté. »

Georges Bernanos, Les enfants humiliés

 

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Une matière esclave

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« À ce jeu en ce temps-ci une humanité est venue, un monde de barbares, de brutes et de mufles ; plus qu'une pambéotie, plus que la pambéotie redoutable annoncée, plus que la pambéotie redoutable constatée : une panmuflerie sans limites ; un règne de barbares, de brutes et de mufles ; une matière esclave ; sans personnalité, sans dignité ; sans ligne ; un monde non seulement qui fait des blagues, mais qui ne fait que des blagues, et qui fait toutes les blagues, qui fait blague de tout. »

Charles Péguy, Deuxième élégie XXX


Le buste de l’écrivain, square Charles Péguy (Orléans). Lors des bombardements de juin 1940, un éclat est venu frapper ce buste à l’endroit exact où Péguy fut atteint le 5 septembre 1914.

 

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16/12/2015

Ce bonheur "individuel" ou "collectif" fait de toutes les ruines de la splendeur d’antan

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« Il serait affreux et douloureux de penser que Moïse fit l’ascension du mont Sinaï, que les Hellènes bâtirent l’Acropole, que les Romains entreprirent les guerres Puniques, que le beau et génial Alexandre, coiffé de son casque empenné, franchit le Granique et combattit sous les murs d’Arbelles ; que les apôtres se vouèrent à la prédication, que les martyrs donnèrent leurs souffrances, les poètes leurs chants et les peintres leurs plus belles couleurs, que les chevaliers enfin brillèrent dans les tournois, pour que le bourgeois français, russe ou allemand, vêtu de son costume grotesque, pût se vautrer en fin de compte dans ce bonheur "individuel" ou "collectif" fait de toutes les ruines de la splendeur d’antan !... On rougirait d’être homme, si ce bas idéal de bien-être général, de travail mesquin et de prose ignominieuse, devait triompher pour toujours ! »

Constantin Léontiev, cité par Nicolas Berdiaev, in Constantin Léontiev, un penseur religieux russe du dix-neuvième siècle

 

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Dire adieu aux folles gratuités de l’adolescence

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« En ce temps là, avec tes dix-huit ans et un peu de pureté au coeur (car on peut avoir dix-huit ans et, déjà, être une ordure), tu ne doutais pas de la puissance absolue de la révolte. C’est que tu devinais les lendemains de l’Ordre où il faudrait dire adieu aux folles gratuités de l’adolescence, où il faudrait raisonner sans s’enivrer de contradictions et choisir enfin, entre mille costumes qui sentent l’aigre du sérieux, celui que tu endosserais. Alors tu rêvais, avant qu’il ne fut trop tard, d’un acte ou d’un livre qui, une fois pour toute, changerait ou détruirait le monde. Tu rêvais d’une franchise absolue, d’une révolte absolue, d’une révolte absolue, d’une impolitesse totale, d’une sorte de viol si enragé de la morale et des moralistes qu’après cela la terre ne serait plus peuplée que d’hommes nus. »

Jean Cau, Le meurtre d’un enfant

 

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15/12/2015

Ce à quoi nous nous sommes lâchement habitués

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« […] il était temps d’arracher les masques et de les piétiner, de lacérer les vêtements afin qu’éclatent les nudités, de griffer les idées jusqu’au sang et, plus généralement, d’estimer que tous les adultes étaient des misérables. En ce qui m’atterre, en la France d’aujourd’hui, c’est cette absence de méchanceté à l’égard de l’Ordre que je crois deviner chez les adolescents. On écoute, on tend l’oreille aux quatre vents, on attend qu’un jeune écrivain ou qu’un jeune poète de vingt-cinq ans se fasse le porte-parole et le porte-colère de sa génération et, l’injure à la bouche, vienne nous cracher sa jeunesse au visage. On attend qu’il démolisse… je ne sais pas, moi… ce à quoi nous nous sommes lâchement habitués, non, ce que nous avons fini par accepter… ce que nous ne voyons plus puisque de spectateurs qui chahutaient dans la salle nous sommes devenus acteurs qui s’agitent sur des tréteaux. Où est-il le jeune écrivain qui osera nous traiter de paillasses, de vendus, de marchands, de complices et qui, à grands coups de pied expédiés dans nos ventres vérifiera jusqu’où nous les avons matelassés de son? »

Jean Cau, Le meurtre d’un enfant

 

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Lorsqu’on a seize ans

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« Que sait-on, lorsqu’on a seize ans, de cette chose qu’on appelle la politique ? On n’en sait rien. A cet âge des élans et des générosités, on ne sait qu’une chose : le mouvement vaut mieux que l’immobilité, la jeunesse vaut mieux que la vieillesse, la passion vaut mieux que la raison. On court vers les extrêmes. »

Jean Cau, Le meurtre d’un enfant

 

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06/12/2015

Scott Weiland and The Wildabouts - Blaster (Album Complet)

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04/12/2015

Anywhere Out of the World !

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« Cette vie est un hôpital où chaque malade est possédé du désir de changer de lit. Celui-ci voudrait souffrir en face du poêle, et celui-là croit qu’il guérirait à côté de la fenêtre.
Il me semble que je serais toujours bien là où je ne suis pas, et cette question de déménagement en est une que je discute sans cesse avec mon âme.
"Dis-moi, mon âme, pauvre âme refroidie, que penserais-tu d’habiter Lisbonne ? Il doit y faire chaud, et tu t’y ragaillardirais comme un lézard. Cette ville est au bord de l’eau ; on dit qu’elle est bâtie en marbre, et que le peuple y a une telle haine du végétal, qu’il arrache tous les arbres. Voilà un paysage selon ton goût ; un paysage fait avec la lumière et le minéral, et le liquide pour les réfléchir !"
Mon âme ne répond pas.
"Puisque tu aimes tant le repos, avec le spectacle du mouvement, veux-tu venir habiter la Hollande, cette terre béatifiante ? Peut-être te divertiras-tu dans cette contrée dont tu as souvent admiré l’image dans les musées. Que penserais-tu de Rotterdam, toi qui aimes les forêts de mâts, et les navires amarrés au pied des maisons ?”
Mon âme reste muette.
"Batavia te sourirait peut-être davantage ? Nous y trouverions d’ailleurs l’esprit de l’Europe marié à la beauté tropicale."
Pas un mot. — Mon âme serait-elle morte ?
"En es-tu donc venue à ce point d’engourdissement que tu ne te plaises que dans ton mal ? S’il en est ainsi, fuyons vers les pays qui sont les analogies de la Mort. — Je tiens notre affaire, pauvre âme ! Nous ferons nos malles pour Tornéo. Allons plus loin encore, à l’extrême bout de la Baltique ; encore plus loin de la vie, si c’est possible ; installons-nous au pôle. Là le soleil ne frise qu’obliquement la terre, et les lentes alternatives de la lumière et de la nuit suppriment la variété et augmentent la monotonie, cette moitié du néant. Là, nous pourrons prendre de longs bains de ténèbres, cependant que, pour nous divertir, les aurores boréales nous enverront de temps en temps leurs gerbes roses, comme des reflets d’un feu d’artifice de l’Enfer !"
Enfin, mon âme fait explosion, et sagement elle me crie : “N’importe où ! n’importe où ! pourvu que ce soit hors de ce monde !” »

Charles Baudelaire, Anywhere Out of the World — N’importe où hors du monde in Petits Poèmes en Prose

 

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La nuit

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« J’aime la nuit avec passion. Je l’aime comme on aime son pays ou sa maîtresse, d’un amour instinctif, profond, invincible. Je l’aime avec tous mes sens, avec mes yeux qui la voient, avec mon odorat qui la respire, avec mes oreilles qui en écoutent le silence, avec toute ma chair que les ténèbres caressent. Les alouettes chantent dans le soleil, dans l’air bleu, dans l’air chaud, dans l’air léger des matinées claires. Le hibou fuit dans la nuit, tache noire qui passe à travers l’espace noir, et, réjoui, grisé par la noire immensité, il pousse son cri vibrant et sinistre.

Le jour me fatigue et m'ennuie. Il est brutal et bruyant. Je me lève avec peine, je m'habille avec lassitude, je sors avec regret, et chaque pas, chaque mouvement, chaque geste, chaque parole, chaque pensée me fatigue comme si je soulevais un écrasant fardeau.

Mais quand le soleil baisse, une joie confuse, une joie de tout mon corps m'envahit. Je m'éveille, je m'anime. A mesure que l'ombre grandit, je me sens tout autre, plus jeune, plus fort, plus alerte, plus heureux. Je la regarde s'épaissir la grande ombre douce tombée du ciel : elle noie la ville, comme une onde insaisissable et impénétrable, elle cache, efface, détruit les couleurs, les formes, étreint les maisons, les êtres, les monuments de son imperceptible toucher. »

Guy de Maupassant, La Nuit

 

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03/12/2015

Que le faible dise : Je suis fort !

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« Publiez ces choses parmi les nations ! Préparez la guerre ! Réveillez les héros ! Qu'ils s'approchent, qu'ils montent, Tous les hommes de guerre ! De vos hoyaux forgez des épées, Et de vos serpes des lances ! Que le faible dise : Je suis fort ! »

Sainte Bible, Joël 3 : 9-10

 

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Les livres

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« Les livres ont parfois un impact stupéfiant sur les adolescents vulnérables, aux yeux embrumés d’hormones et au cœur mélancolique, en quête d’un Eden artistique, à mille lieues de la pelle et de la pioche, ou des bagarres de vestiaire, transis de désir de rencontrer une jeune fille qui adore les livres et qui ne soit pas leur soeur. »

Jim Harrison, En marge

 

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Une capacité inépuisable à souiller son environnement

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« L’homme a une capacité inépuisable à souiller son environnement, et dans ce domaine les politiciens ont toujours eu une longueur d’avance. »

Jim Harrison, En marge

 

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02/12/2015

L’enfance et l'âge adulte

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« Je compris trop vite, et peut-être à tort, que l'enfance et l'âge adulte ne se situaient pas sur une échelle temporelle, qu'ils ne faisaient que répondre à des circonstances qui pouvaient à tout instant basculer, déposséder l'adulte de son expérience ou apprendre à l'enfant qu'il ne l'avait jamais été. »

Martine Lucchesi-Belzane, Après l'oubli

 

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Il n’est pas besoin pour cela d’être fou

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« Il y a des consciences qui, à de certains jours, se tueraient pour une simple contradiction, et il n’est pas besoin pour cela d’être fou, fou repéré et catalogué, il suffit, au contraire, d’être en bonne santé et d’avoir la raison de son côté. »

Antonin Artaud, Van Gogh le suicidé de la société

 

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01/12/2015

La misère intellectuelle

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« (...) De ce point de vue, la récente "affaire" Éric Zemmour est assurément emblématique. Ce journaliste (l'un des rares représentants du "néoconservatisme" à la française autorisé à officier sur la scène médiatique) ayant, en effet, déclaré, lors d'un débat télévisé, que les citoyens français originaires d'Afrique noire et du Maghreb étaient massivement surreprésentés dans l'univers de la délinquance (et notamment dans celui du trafic de drogue), la police de la pensée s'est aussitôt mobilisée pour exiger sa condamnation immédiate – voire, pour les plus intégristes, sa pure et simple interdiction professionnelle (Beruf verboten, disait-on naguère en Allemagne). Je me garderai bien, ici, de me prononcer officiellement sur le bien-fondé de l'affirmation d’Éric Zemmour, et ce pour une raison dont l'évidence devrait sauter aux yeux de tous. Dans ce pays, l'absence de toute "statistique ethnique" (dont l'interdiction est paradoxalement soutenue par ces mêmes policiers de la pensée) rend, en effet, légalement impossible tout débat scientifique sur ces questions (un homme politique, un magistrat ou un sociologue qui prétendrait ainsi établir publiquement que l'affirmation de Zemmour est contraire aux faits – ou, à l'inverse, qu'elle exprime une vérité – ne pourrait le faire qu'en s'appuyant sur des documents illégaux). Il n'est pas encore interdit, toutefois, d'essayer d'envisager toute cette étrange affaire sous l'angle de la pure logique ("en écartant tous les faits", comme disait Rousseau). Considérons, en effet, les deux propositions majeures qui structurent ordinairement le discours de la gauche sur ce sujet.

Première proposition : "la principale cause de la délinquance est le chômage – dont la misère sociale et les désordres familiaux ne sont qu'une conséquence indirecte" (comme on le sait, c'est précisément cette proposition – censée s'appuyer sur des études sociologiques scientifiques – qui autorise l'homme de gauche à considérer tout délinquant comme une victime de la crise économique – au même titre que toutes les autres – et donc à refuser logiquement toute politique dite "sécuritaire" ou "répressive").
Seconde proposition : "les Français originaires d'Afrique noire et du Maghreb sont – du fait de l'existence d'un ‘racisme d'Etat’ particulièrement odieux et impitoyable – les victimes privilégiées de l'exclusion scolaire et de la discrimination sur le marché du travail. C'est pourquoi ils sont infiniment plus exposés au chômage que les Français indigènes ou issus, par exemple, des différentes communautés asiatiques". (Notons, au passage, que cette dénonciation des effets du "racisme d'Etat" soulève à nouveau le problème des statistiques ethniques mais, par respect pour le principe de charité de Donald Davidson, je laisserai de côté cette objection.)

Si, maintenant, nous demandons à n'importe quel élève de CM2 (du moins si ses instituteurs ont su rester sourds aux oukases pédagogiques de l'inspection libérale) de découvrir la seule conclusion logique qu'il est possible de tirer de ces deux propositions élémentaires, il est évident qu'il retrouvera spontanément l'affirmation qui a précisément valu à Zemmour d'être traîné en justice par les intégristes libéraux ("Le chômage est la principale cause de la délinquance. La communauté A est la principale victime du chômage. Donc, la communauté A est la plus exposée à sombrer dans la délinquance"). Les choses sont donc parfaitement claires. Ou bien la gauche a raison dans son analyse de la délinquance et du racisme d’État, mais nous devons alors admettre qu’Éric Zemmour n'a fait que reprendre publiquement ce qui devrait logiquement être le point de vue de cette dernière chaque fois qu'elle doit se prononcer sur la question. Ou bien on estime que Zemmour a proféré une contrevérité abominable et qu'il doit être à la fois censuré et pénalement sanctionné ("pas de liberté pour les ennemis de la liberté" – pour reprendre la formule par laquelle Saint-Just légitimait l'usage quotidien de la guillotine), mais la logique voudrait cette fois (puisque ce sont justement les prémisses de "gauche" qui conduisent nécessairement à la conclusion de "droite") que la police de la pensée exige simultanément la révocation immédiate de tous les universitaires chargés d'enseigner la sociologie politiquement correcte (ce qui reviendrait, un peu pour elle, à se tirer une balle dans le pied), ainsi que le licenciement de tous les travailleurs sociaux qui estimeraient encore que la misère sociale est la principale cause de la délinquance ou qu'il existerait un quelconque "racisme d’État" à l'endroit des Africains (au risque de découvrir l'une des bases militantes privilégiées de la pensée correcte).

Le fait qu'il ne se soit trouvé à peu près personne – aussi bien dans les rangs de la gauche que dans ceux des défenseurs de droite d’Éric Zemmour – pour relever ces entorses répétées à la logique la plus élémentaire en dit donc très long sur la misère intellectuelle de ces temps libéraux. On en serait presque à regretter, en somme, la glorieuse époque de Staline et de Beria où chaque policier de la pensée disposait encore d'une formation intellectuelle minimale. Dans la long voyage idéologique qui conduit de l'ancienne Tcheka aux ligues de vertu "citoyennes" qui dominent à présent la scène politico-médiatique, il n'est pas sûr que, du point de vue de la stricte intelligence (ou même de celui de la simple moralité) le genre humain y ait vraiment beaucoup gagné. »

Jean-Claude Michéa, Le complexe d'Orphée

 

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Nos vies minuscules

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« Comment ne pas voir que le malheur est en train de s'abattre sur nous ? Nous avons des voitures qui parlent, des trains qui roulent sans conducteurs, des satellites en orbite géostationnaire qui nous surveillent jusque dans nos salles de bains, des cartes de crédit pour consommer plus, des coeurs et des reins dans nos congélateurs pour remplacer nos organes rongés par les molécules de la chimie industrielle, mais nous avons perdu la paix, le silence, la confiance, le naturel, le bon goût, la douceur, le rire. Nous dominons le cours des fleuves, le tracé des routes à travers les montagnes et sous les mers, les procédures informatiques, les ondes électroniques, la sécrétion des hormones. Mais nous n'avons aucun pouvoir ni sur les risques de l'avenir, ni sur les hasards de notre mort et cette impuissance nous torture. Mécanisées, appauvries, compactées, nos vies minuscules n'en finissent pas de nous échapper. »

Sébastien Lapaque, Sermon de saint François d'Assise aux oiseaux et aux fusées

 

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17/11/2015

Écrire est un choix perpétuel entre mille expressions...

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« Cette lettre, mon amie, sera très longue. Je n’aime pas beaucoup écrire. J’ai lu souvent que les paroles trahissent la pensée, mais il me semble que les paroles écrites la trahissent encore davantage. Vous savez ce qui reste d’un texte après deux traductions successives. Et puis, je ne sais pas m’y prendre. Écrire est un choix perpétuel entre mille expressions, dont aucune ne me satisfait, dont aucune surtout ne me satisfait sans les autres. Je devrais pourtant savoir que la musique seule permet les enchaînements d’accords. Une lettre, même la plus longue, force à simplifier ce qui n’aurait pas dû l’être : on est toujours si peu clair dès qu’on essaie d’être complet ! Je voudrais faire ici un effort, non seulement de sincérité, mais aussi d’exactitude ; ces pages contiendront bien des ratures ; elles en contiennent déjà. Ce que je vous demande (la seule chose que je puisse vous demander encore) c’est de ne passer aucune de ces lignes qui m’auront tant coûté. S’il est difficile de vivre, il est bien plus malaisé d’expliquer sa vie. »

Marguerite Yourcenar, Alexis ou le Traité du vain combat

 

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