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07/03/2009

Gran Torino - II

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Je songe à "Gran Torino", le dernier film de Clint Eastwood qui outre la grande maîtrise de son sujet est un hommage de grande classe à son maître John Ford et un film très catholique sur le sens du pardon, de l'ouverture à l'autre, et du sacrifice pour le bien de la communauté. Non content de le réaliser, Monsieur Clint Eastwood y campe un personnage en acier trempé dans le politiquement incorrect du début à la fin du film quand il a cette tirade testamentaire à propos de sa Gran Torino qu'il désire léguer à un jeune asiatique, véritable bras d'honneur, par-delà sa tombe à un monde sans repères moraux où la permissivité est telle qu'on en est arrivé à ne plus oser nommer les choses. Mais Monsieur Clint Eastwood les nomme, sans prendre de gants, en homme libre.

Durant tout le film on a l'impression d'être face à une sorte d'inspecteur Harry vieux et aigri, grossier, fumeur et buveur, irrespectueux vis-à-vis d'un prêtre dont il pourrait être le grand-père, qui chique et crache comme il respire. Le réac' libertarien dans toute sa splendeur. Sauf que le personnage qu'interprète monsieur Eastwood est un ancien ouvrier de chez Ford Motor Company (et je prends ça pour un clin d'oeil direct à John Ford) qui s'est customisé sa propre Gran Torino (une voiture bien américaine de bout en bout) dans son âge mur, en 1972 ! La Gran Torino, symbole du rêve américain, imaginé, inventé et réalisé par des américains n'est plus qu'une antiquité que tout le monde dans le film désire, comme la poussière d'une époque dorée où des valeurs communautaires, familiales prévalaient encore et faisaient tenir le monde. A présent les voitures sont japonaises, les voisins sont asiatiques, les jeunes blancs s'habillent comme les noirs et voudraient les considérer comme des frères tandis que ces derniers s'en fouttent - la scène relative à ces derniers propos que je viens d'écrire est très forte -, les gangs sont ethniques et toutes les maisons de ce qui fut jadis une résidence de la classe moyenne blanche sont occupées par des pauvres ou des étrangers et tombent en ruine. Kowalsky, c'est le nom du personnage qu'interprète Monsieur Clint, est raciste, sur ses gardes vis-à-vis de tout le monde mais il va très vite se rapprocher de ses voisins asiatiques, d'abord parce qu'il est seul (le film s'ouvre sur son épouse morte à l'église) mais surtout parce qu'il va réaliser que ces honnêtes asiatiques incarnent bien plus les valeurs traditionnelles auxquelles il croit que les membres de sa famille qui n'attendent qu'une seule chose : qu'il parte en maison de retraite pour crever afin qu'ils puissent hériter de sa maison... et de sa Gran Torino.

 

La maison de Kowalsky, seule maison potable du quartier, propre, rangée et arrangée comme il se doit, par les mains d'un ouvrier qui a fait la guerre de Corée, dont l'âme souffre de certaines choses qu'il y a commis, mais qui a travaillé honnêtement toute sa vie en tenant debout droit dans ses pompes, cette maison est la seule au milieu de la désolation à y arborer quotidiennement le drapeau américain. La bannière étoilée prend, ici, une signification de résistance face à la décrépitude et au laisser-aller général. Normalement, ça devrait en faire chier plus d'un dans notre joli pays où l'anti-américanisme le plus primaire s'est développé ces derniers temps, de la Gôche la plus crétine à la Drouâte la plus passéiste. Du coup les critiques bobos ont trouvé la parade pour encenser le film : c'est un hymne à la tolérance, bien-sûr, à l'ouverture à l'autre, évidemment. Ils se refusent à décrypter les agencements, les passerelles entre la culture de Kowalsky (américain d'origine polonaise) et celle de ses voisins (d'origine Hmong) et un universalisme qui transcende de loin leurs petites certitudes socio-politiques aux contours polis, sans relief ni aspérités. L'Amérique s'est construite sur l'immigration et jusqu'à présent ça lui a plutôt réussi. Je ne suis pas un spécialiste des projections géo-stratégiques futuristes et ne suis pas en mesure de préciser si ça le sera encore à l'avenir. Mais la mondialisation tend à y importer, aussi, son lot de difficultés et d'inadaptations que les Gôchistes voudraient taire pour s'assurer que leur rêve d'aplanissement général se poursuit selon leur code éthique, tandis que quelques Drouâtards bien arrêtés également dans leurs certitudes racialistes voudraient régler avec du muscle en guise de cerveau et sans état d'âme. Kowalsky, probablement, au début du film est de ces derniers : intransigeant, patriote et d'une sévérité sans mesure. Cependant, à la fin du film il est toujours intransigeant, patriote et sévère, ce que ne semblent pas avoir relevé nos criticailleurs qui se croient pertinents. Les Valeurs que respecte Kowalsky sont les mêmes du début à la fin, il a juste réalisé que la barrière raciale peut se trouver franchie par... des valeurs communes. Et c'est cette mesure qu'il n'avait pas au début qu'il a trouvé, me semble-t-il, à la fin.

La surprenante fin du film par-delà sa leçon très forte d'humanité et de sacrifice indique que si les valeurs qu'incarne la Gran Torino s'héritent, surtout et avant tout elles se méritent ! Et lorsqu'on en hérite on n'est pas sensé en faire n'importe quoi :

"Je voudrais léguer ma Gran Torino 1972 à mon ami Tao Van Lor à la condition que tu ne coupes pas le toit comme le font ces sales tacos, que tu ne peignes pas dessus des flammes débiles comme le font un tas de pecnos de tarés blancs et que tu ne mettes pas un aileron de pédé sur le coffre arrière comme on en voit sur toutes les voitures de bridés, c'est absolument horrible, si tu arrives à t'abstenir de ces conneries là elle est à toi."

 

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05/03/2009

Gran Torino

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"Je voudrais léguer ma Gran Torino 1972 à mon ami Tao Van Lor à la condition que tu ne coupes pas le toit comme le font ces sales tacos, que tu ne peignes pas dessus des flammes débiles comme le font un tas de pecnos de tarés blancs et que tu ne mettes pas un aileron de pédé sur le coffre arrière comme on en voit sur toutes les voitures de bridés, c'est absolument horrible, si tu arrives à t'abstenir de ces conneries là elle est à toi."

 

Un très Grand Film de Monsieur Clint Eastwood, qui rend ici un hommage appuyé à son Maître John Ford.

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24/02/2009

Gorgeous and Cynical...

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Avenante... la soldatesque féminine israélienne... et avec un sens de l'humour évident.

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12/02/2009

Benoît XVI et les "intégristes"...

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Le pape Benoît XVI travaille à la réunification des chrétiens sous le même toit. Ne jugez pas trop rapidement. Mesurez plutôt la portée du geste. Et ce, quelle que soit votre opinion de la bouillabaisse. 


Pris sur le site de KTO.

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23/12/2008

Des Nouvelles du Monde

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"Un homme sauve sa vie en jetant une pizza au visage de son agresseur 

Floride, États-Unis - Un livreur échappe à un braquage en lançant une pizza chaude au pepperoni au visage de l'homme qui tenait l'arme à feu. 

Selon la police, Eric Lopez Devictoria, 40 ans, a été attaqué par plusieurs hommes. Quand l'un d'eux a sorti une arme, il lui a jeté au visage la pizza fumante qu'il avait à la main, gagnant assez de temps pour se sauver et se mettre à l'abri. Alors qu'il courait, il a entendu au moins un coup de feu mais n'a pas été touché et a été capable d'appeler rapidement les autorités. 
Trois adolescents suspects ont été arrêtés par la police et accusés de vol à main armée.
 

Trois choses à retenir : 
1- La pizza fumante est une arme dangereuse 
2- Les quadragénaires ibériques sont plein de ressources 
3- La police fait bien son travail 



Trois tonnes de cocaïne cachées dans de la fiente d'oiseau 

Pérou - Des trafiquants de drogue ont tenté de faire passer de la drogue en Europe en la dissimulant sous des excréments d'oiseau. 

Cinq trafiquants de drogue péruviens ont été arrêtés pour avoir fait de la contrebande de cocaïne. Ils avaient caché la drogue dans 400 sacs de guano espérant ainsi détourner l'odorat des chiens. 17 tonnes d'excréments ont été utilisées pour camoufler l'odeur des 2,8 tonnes de cocaïne destinées à l'Europe.  

Trois choses à retenir : 
1- Le guano, c’est plus ce que c’était 
2- La drogue, ça pue. 
3- La police fait bien son travail
 


Pas de Joyeux Anniversaire pour Adolf Hitler 

New Jersey, Etats Unis - Les parents d'un enfant de 3 ans, appelé Adolf Hitler, ont voulu faire écrire le nom du bambin sur son gâteau d'anniversaire. Le supermarché le leur a refusé. 

Heath Campbell et sa femme Deborah ont tenté d'acheter, pour les 3 ans de leur fils Adolf Hitler, un gâteau avec l'inscription "Bon anniversaire Adolf Hitler". Le supermarché ShopRite a refusé de le faire, jugeant leur demande trop "inappropriée". Ce n'était pas une première. Ils s'étaient déjà vu refusé le gâteau de l'une de leurs filles de 2 ans, prénommée JoyceLynn Aryan Nation (en français "Nation Arienne"). Leur troisième enfant se prénomme Jeannie Honsylynn Hinler (en référence au SS Heinrich Himmler). 
Mrs Campbell a déclaré : "ShopRite refuse de faire un gâteau pour un enfant de trois ans. C'est triste." Quant aux prénoms controversés de ses enfants, elle ajoute : "Ce ne sont que des prénoms. Ce ne sont que des enfants. Ils ne vont pas faire de mal à qui que ce soit." Pour Mr Campbell : "Ils disent qu'Hitler a tué tous ces gens, je leur réponds qu'ils ne vivent pas à la bonne époque. Cet Hitler là a disparu. (...) Oui, les nazis ont été mauvais à l'époque. Mais mes enfants sont petits. Ils ne deviendront pas comme ça."
 

Trois choses à retenir : 
1- Le National-Socialisme, c'est plus ce que c'était. 
2- On vit une époque formidable. 
3- La police fait bien son travail. "

Par notre Envoyé Spécial, Philippe "The Reverend" Nicole 

 

 

 

Une dernière précision... Nous déconseillons fortement aux cocaïnomanes et autres junkies, de sniffer ou de s'injecter du Guano. Soyez réalistes, exigez la qualité.

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17/12/2008

"Il n'y a qu'une tristesse, celle de n'être pas des saints".

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Je ne suis pas un fanatique des émissions de la chaîne de télévision catholique KTO. Du nom de la chaîne à ses animateurs, je soupire à tout va et je baille. Cependant, on y trouve parfois quelques fulgurantes diffusions dont je vais vous donner quelques échantillons dans les jours qui viennent.

En tout cas, celle qui suit est à voir... Soyez patients, laissez le temps à la page et au film de s'installer.

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Jacques Maritain et Raïssa Maritain.

Le nom de Jacques Maritain est inévitablement lié à celui de son épouse, Raïssa. Elèves de Bergson, filleuls de Bloy qui les conduit au baptême, ami de Péguy, de Psichari, de Cocteau..., ils formeront un couple phare de la vie intellectuelle française de la première moitié du XXème siècle.

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Mise à jour 2013

 

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12/09/2008

"Je suis canadien français et je n'ai pas peur..."

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Maurice G. Dantec sur Radio Canada en 2006 (.mp3) ...un p'tit "click" et téléchargez...

et aussi...



Trouvé sur le blog Dantec

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27/08/2008

Taxi Driver

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Avant la reprise, avant la rentrée et ses cortèges de damnés, remettons-nous dans le droit chemin, sur les bons rails, en visionnant ce chef d'oeuvre cinématographique. Si vous ne l'avez pas en DVD, le labyrinthe du Net vous l'offre gratuitement, profitez-en avant que Dailymotion ne le supprime.
















Abîme de l’origine. Abîme absent dont nous conservons juste l’éprouvante interrogation. Cette interrogation est une part de la manifestation, car la manifestation veut être pensée. Ainsi se manifeste l’abîme. C’est là sa présence. Mais sommes-nous présents à cette présence ? Du Mal naît le Mal et du Bien naît le Bien, mais les autres combinaisons sont aussi possibles. Du Bien peut naître le Mal et du Mal peut naître le Bien, comme le montre ce film, cette dérive paranoïaque et obsessionnelle, et comme l'a montré, récemment encore, David Cronenberg dans ce petit bijou qu'est "Eastern Promises".



Nous mourrons tous un jour... bonne route... et bon courage sur la planète de tous les maléfices.

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13/06/2008

Mai 1968... Mai 2008... Tout un programme...

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Pris sur le site Royaliste, Les épées...

Le programme en quelques siècles

On supprimera la Foi
Au nom de la Lumière,?
Puis on supprimera la lumière.

On supprimera l’Âme?
Au nom de la Raison,?
Puis on supprimera la raison.

On supprimera la Charité
Au nom de la Justice
Puis on supprimera la justice.

On supprimera l’Amour?
Au nom de la Fraternité,
Puis on supprimera la fraternité.

On supprimera l’Esprit de Vérité
Au nom de l’Esprit critique,
Puis on supprimera l’esprit critique.

On supprimera le Sens du Mot?
Au nom du sens des mots,
Puis on supprimera le sens des mots

On supprimera le Sublime?
Au nom de l’Art,
Puis on supprimera l’art.

On supprimera les Écrits
Au nom des Commentaires,
Puis on supprimera les commentaires.

On supprimera le Saint?
Au nom du Génie,
Puis on supprimera le génie.

On supprimera le Prophète
Au nom du Poète,
Puis on supprimera le poète.

On supprimera l’Esprit,?
Au nom de la Matière,?
Puis on supprimera la matière.

Au nom de rien on supprimera l’homme;
On supprimera le nom de l’homme ;
Il n’y aura plus de nom ;
Nous y sommes.



Armand Robin - Les Poèmes indésirables, 1945

Et puis histoire d'en rire pour ne pas devenir dingue...

Pris, également, sur le site Royaliste, Les épées...



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05/05/2008

La littérature selon Richard MILLET

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Le site Royaliste, Les épées, organise des débats/conférences de qualité avec des personnalités intellectuelles pas forcément royalistes. Oui, je sais, je me répète, mais ça n'a aucune importance.


ICI, L'avenir de la littérature(.mp3), entretien avec Richard Millet

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03/05/2008

Sollers/Hadjadj

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Le site Royaliste, Les épées, organise des débats/conférences de qualité avec des personnalités intellectuelles pas forcément royalistes.

Qui sont "Les épées" ? Cliquez pour savoir...

ICI, le débat Sollers/Hadjadj sur la Chair dans la Catholicité (.mp3) qui a fait couler tellement d'encre chez Isabelle des Charbinières, en particulier ici, et ici (voir les articles et les commentaires).

Je mets les liens afin que les particules circulent...



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02/05/2008

Mai 68

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Mai 68 vu par un intellectuel Royaliste, Gérard Leclerc dont je lisais, jeune, les articles fascinants dans le journal "Royaliste".

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10/01/2008

Socialisme Fasciste ou fascisme socialiste ou... Socialisme = Fascisme ?

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Le legs du fascisme: le libéralisme
par Daniel Pipes
Jerusalem Post
10 janvier 2008




Mussolini et Hitler étaient tous deux socialistes.

Version originale anglaise: Fascism's Legacy: Liberalism

Adaptation française: Alain Jean-Mairet

Attention : [Note du traducteur: la notion américaine de libéralisme politique n'est pas traduisible hors de son contexte spécifiquement américain; son plus proche équivalent en français est sans doute ce qu'on appelle la social-démocratie de l'Europe actuelle]

"Le fascisme libéral sonne comme un oxymoron – ou une expression servant aux conservateurs à insulter leurs adversaires libéraux. En fait, elle a été forgée par un auteur socialiste respecté et influent, H.G. Wells, qui, en 1931, appelait ses amis progressistes à devenir des «fascistes libéraux» et des «nazis éclairés». Vraiment.

En effet, ses paroles s'inscrivent dans un projet beaucoup plus large, visant à fusionner le socialisme et le fascisme: Mussolini, qui a été une figure de proue socialiste, s'est détourné de l'internationalisme pendant la Première Guerre mondiale en faveur du nationalisme italien, dont il qualifia sa version de fascisme. De même, Hitler dirigeait le Parti national-socialiste des travailleurs allemands.

Ces faits dérangent parce qu'ils contredisent l'éventail politique qui modèle notre vision du monde depuis la fin des années 1930 et qui place le communisme à l'extrême-gauche, suivi du socialisme, du libéralisme au centre, puis du conservatisme et enfin du fascisme à l'extrême-droite. Mais cet éventail, comme le relève Jonah Goldberg dans un nouvel ouvrage brillant, profond et original – Liberal Fascism: The Secret History of the American Left from Mussolini to the Politics of Meaning (Le fascisme libéral: l'histoire secrète de la gauche américaine de Mussolini à la politique du sens; Éd. Doubleday) –, reflète l'utilisation du terme fasciste par Staline, soit comme un épithète servant à jeter le discrédit sur qui bon lui semblait – Trotski, Churchill, les paysans russes – et déforme la réalité. En 1946 déjà, George Orwell observait que le terme fascisme avait dégénéré jusqu'à désigner simplement «quelque chose d'indésirable».

Pour comprendre pleinement la signification du fascisme, il faut mettre de côté la déformation du terme introduite par Staline et écarter également la Shoah pour revenir à la période que Goldberg nomme l'«heure fasciste», soit approximativement les années 1910 à 1935. Le fascisme, une idéologie étatiste, se sert de la politique comme d'un outil pour faire passer la société du stade d'individus épars à celui d'ensemble organique. Pour ce faire, il donne l'ascendant à l'État sur l'individu, aux connaissances d'experts sur les débats et au socialisme sur le capitalisme. Il est totalitariste dans l'interprétation originale mussolinienne du terme – «Tout dans l'État, rien hors de l'État, rien contre l'État». Le message du fascisme se résume à «moins de paroles, plus d'action!». Son principal attrait est son efficacité pratique.

En revanche, le conservatisme prône un gouvernement restreint, l'individualisme, le débat démocratique et le capitalisme. Ses attraits sont la liberté ainsi qu'une dgrande latitude laissée aux citoyens.

Le triomphe de Goldberg consiste à établir la parenté entre le communisme, le fascisme et le libéralisme. Tous dérivent en effet de la même tradition qui remonte aux Jacobins de la Révolution française. Son éventail politique révisé sur cette base est axé sur le rôle de l'État et s'étend du libertarianisme aux diverses moutures du fascisme – américaine, italienne, allemande, russe, chinoise, cubaine, et autres – en passant par le conservatisme.


Mussolini et Hitler étaient tous deux socialistes.Comme le suggère cette liste, le fascisme est très souple; ses variations diffèrent par les détails, mais elles partagent «des impulsions émotionnelles ou instinctives». Ainsi, Mussolini a ajusté le programme socialiste pour mettre l'État en exergue; Lénine a fait des travailleurs l'avant-garde du progrès; Hitler a ajouté la race. Alors que la version allemande était militariste, la variante américaine (que Goldberg qualifie de fascisme libéral) est presque pacifiste. Goldberg cite l'historien Richard Pipes à ce propos: «Le bolchevisme et le fascisme étaient des hérésies du socialisme.» Il prouve cette concordance de deux manières.

Premièrement, il propose une «histoire secrète de la gauche américaine»:


* Le progressisme de Woodrow Wilson comportait un programme «militariste, fanatiquement nationaliste, impérialiste, raciste», rendu possible par les exigences de la Première Guerre mondiale.

* Le «New Deal fasciste» de Franklin D. Roosevelt reprenait et étendait le gouvernement de Wilson.

* La «Great Society» de Lyndon B. Johnson établissait l'État-providence moderne, «la concrétisation ultime» (pour l'instant) de cette tradition étatiste.

* Les jeunes révolutionnaires de la Nouvelle Gauche des années 1960 apportèrent «une modernisation américanisée» de la vieille droite européenne.

* Hillary Clinton espère «insérer l'État profondément au sein de la vie familiale», un pas essentiel du projet totalitaire.

Pour résumer près d'un siècle d'histoire, alors que le système politique américain traditionnel encourage la poursuite du bonheur, «un nombre croissant d'entre nous souhaitent cesser de le chercher et se le faire livrer à domicile».

Deuxièmement, Goldberg dissèque le programme libéral américain – racial, économique, environnemental, même le «culte du bio» – et montre ses affinités avec ceux de Mussolini et Hitler.

Si ce condensé vous paraît trop peu plausible, vous devriez tout de même lire Liberal Fascism en entier pour ses citations pittoresques et sa documentation convaincante. L'auteur, connu pour son esprit vif et son talent de polémiste acéré, a prouvé être un penseur politique majeur.

Outre d'offrir une manière radicalement différente d'aborder la politique moderne, dans laquelle le qualificatif de fasciste n'est pas plus insultant que celui de socialiste, l'extraordinaire ouvrage de Goldberg fournit aux conservateurs les instruments nécessaires pour répliquer à leurs persécuteurs libéraux et même passer à l'offensive. Si les libéraux peuvent agiter éternellement le spectre de Joseph McCarthy, les conservateurs peuvent bien répondre par celui de Benito Mussolini."


Daniel Pipes

Source de l'Article : Ici, avec des liens plus complets.

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14/12/2007

La Race d'Or.

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Alexandre VIALATTE - Chroniques de La Montagne - Robert Laffont - Bouquins 2000

« Il faut [...] se méfier de ces échelles du grandiose, escabeaux à pêcher la Lune ou trépied à manger le Soleil. Et, puisque nous sommes à Noël, nous en tirerons une belle morale. Car la Noël nous rappelle l'origine du message qui déclara que les hommes sont frères et égaux. Hitler découvrit au contraire que les hommes sont hiérarchisés. En bas il y a le Juif, en haut il y a l'Aryen, sur les échelons d'une échelle. L'échelle nazie fut la plus longue de toutes. Elle devait permettre en principe d'annexer Mars et de cueillir les étoiles. Au sommet se tenait Hitler. Et pour que la "race suprême" ne fût jamais perdue, il sélectionna des SS, les plus forts, les plus beaux, les plus représentatifs, et les plus belles femmes de l'Allemagne. Il les logea dans des "haras" humains comme celui de Lebesborn, baptisé La Fontaine de vie. C'était pour créer la "race d'or". Les enfants de ces héros seraient gracieux comme lui, sveltes comme Goering et bien faits comme Goebbels (c'était tout dire).
Le romancier américain W. Stanley Moss les a retrouvés petit à petit et vient de publier le résultat de son enquête : 60 % sont rachitiques et 23 % imbéciles. Toute la "race d'or" a les pieds plats !
La morale de cette aventure, c'est que plus l'échelle est longue, mieux on se casse la figure. »


<205 - 25 décembre 1956 p.470>

Alexandre VIALATTE

18:25 Publié dans Parenthèse | Lien permanent | Commentaires (19) | Tags : Alexandre Vialatte, SS, Nazis, Race d'Or | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

13/11/2007

Finky, seul contre tous...

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Finky, comme l'appelle affectueusement XP, met en boîte nos chers zétudiants gôchistes et règle ses comptes à Daniel Mermet.

Finky.mp3


Daniel Mermet, La gueule de l'emploi

Chopé sur "podcast.blog.lemonde.fr"

Merci à JC pour le lien...


Alain Finkielkraut

21:00 Publié dans Parenthèse | Lien permanent | Commentaires (13) | Tags : Finkielkraut, Daniel Mermet, Université | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

06/11/2007

Espiègleries Sollersiennes...

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Je ne l'ai pas encore lu... mais voici quelques extraits :

"Francis Ponge

Je vais voir Ponge chez lui, rue Lhomond, près du Panthéon, au moins une fois par semaine. Sa solitude est alors terrible, sa pauvreté matérielle visible. Là-dessus, une fierté et une ténacité radieuse, quelque chose de radical et d’aristocratique, dans le genre « tout le monde a tort sauf moi, on s’en rendra compte un jour ». J’arrivais, je m’asseyais en face de lui dans son petit bureau décoré par Dubuffet, j’avais des questions, il parlait, je le relançais. J’ai fait ce que j’ai pu pour lui par la suite : invitation d’un mois à l’île de Ré, conférence à la Sorbonne, envoi de caisses de vin de Bordeaux, obtention d’un maigre salaire dans le budget de la revue « Tel Quel » (il figure en tête du premier numéro), livre d’entretiens d’abord diffusés à la radio, etc. J’apporte un électrophone et on écoute du Rameau, et encore du Rameau (c’est son musicien préféré). Ponge, à ce moment-là, est très isolé : mal vu par Aragon en tant qu’ancien communiste non stalinien, tenu en lisière par Paulhan (malgré leur grande proximité), laissé de côté par Sartre, après son essai retentissant sur lui dans « Situations I ». Il est donc encore loin de l’édition de ses œuvres complètes et de la Pléiade, mais le temps fait tout, on le sait. Jusqu’en 1968, idylle. Ensuite, on s’énerve, moi surtout. Raisons apparemment politiques, mais en réalité littéraires (Malherbe, sans doute, mais n’exagérons rien) et métaphysiques (le matérialisme de Lucrèce, pourquoi pas, mais pas sur fond de puritanisme protestant). De façon pénible et cocasse, la rupture se produit apparemment sur Braque (texte critique de Marcelin Pleynet, privilégiant Freud), mais aussi (rebonjour Freud) à cause de mon mariage (sa propre fille est alors à remarier). Il y a, de part et d’autre, des insultes idiotes. A mon avis, à oublier.

J’ai beaucoup aimé et admiré Ponge, et la réciproque aura été vraie. Je ne vais pas citer ici les dédicaces super-élogieuses de ses livres. Les historiens le feront un jour, c’est leur métier.

François Mauriac

Il écrit son « Bloc-Notes » assis sur un petit lit, Mauriac, papier sur ses genoux, à l’écoute. Il est incroyablement insulté à longueur de temps, et il y répond par des fulgurations et des sarcasmes (ressemblance avec Voltaire, après tout). Il est très drôle. Méchant ? Mais non, exact. Sa voix cassée surgit, très jeune, la flèche part, il se fait rire lui-même, il met sa main gauche devant sa bouche. Homosexuel embusqué ? On l’a dit, en me demandant souvent, une lueur dans l’œil, si à mon égard, etc. Faribole. Mauriac était très intelligent et généreux, voilà tout. Fondamentalement bon. Beaucoup d’oreille (Mozart), une sainte horreur de la violence et de sa justification, quelle qu’elle soit. Les sujets abordés, après les manipulations, les mensonges et les hypocrisies de l’actualité ? Proust, encore lui, et puis Pascal, Chateaubriand, Rimbaud. Les écrivains sont étranges : avec Ponge, je suis brusquement contemporain de Démocrite, d’Epicure, de Lautréamont, de Mallarmé. Avec Mauriac, de saint Augustin, des « Pensées », d’« Une saison en enfer ».

Dominique Rolin

Elle est assise à côté de moi, sur ma gauche. Je ne fais attention à rien d’autre. Corps de rêve, seins magnifiques, voix-mélodie, rire de gorge, humour. Elle paraît dix ans de moins (elle a dix ans de moins), elle sort d’un deuil très dur qu’elle décrit dans un de ses meilleurs livres, « le Lit », c’est donc une veuve sombre et joyeuse. Coup de foudre pour moi, légère commotion pour elle (elle manque de tomber dans un escalier). Mon destin est là, aucun doute. Même conviction, fondée, qu’avec Eugénie, sept ans plus tôt. Le surnom d’Eugénie dans ma mythologie personnelle : « l’Ange ». Celui de Dominique, immédiatement : « la Fée ». Tout y est : lumière intérieure, effet d’irradiation, sensualité, peau, bijoux, extraordinaire impression de confort et de repos que donne la beauté indifférente à elle-même (elle ne se trouve pas belle, évidemment). Il ne manque que la baguette magique, mais elle est là, invisible, l’étoile est là. Les citrouilles, autour de la table, ont disparu dans une gélatine de paroles vides. Elle va partir en riant dans un carrosse, mais je la retrouverai.

Julia Kristeva

Ces années d’avant l’explosion de Mai sont étonnantes. Je mène toujours une vie très désordonnée, mais une autre rencontre féminine a lieu, rencontre de fond et coup de foudre. C’est Julia (Kristeva), arrivée de Bulgarie en 1966, avec une bourse d’étudiante en lettres. Elle a 25 ans, elle est remarquablement jolie, elle vient m’interroger, on ne se quitte plus depuis. Elle n’a pas de passeport français, elle est très suspecte, on se marie en août 1967. Elle est toujours là, qui dit mieux ? Attention : il y a Julia Joyaux et Julia Kristeva, Philippe Joyaux et Philippe Sollers. Pas deux, quatre. Et puis cinq, avec David Joyaux, en 1975.

Mai-68

Mai-68, je l’ai sans cesse écrit dans mes romans et ailleurs, a été une libération incroyable. Temps ouvert, espace ouvert, nuits éclatantes, bouleversements à tous les niveaux, rencontres flambantes, grandes marches sans fatigue dans Paris paralysé, déploiement physique. Il était amusant, et salubre, d’employer parfois la langue de bois pour la faire brûler (j’ai ainsi écrit, sur des coins de table, des tas de tracts anonymes). J’ai fait deux ans de chinois (trop tard, et pas suffisant, il faut commencer à 8 ou 9 ans), j’ai traduit des poèmes de l’incroyable tortue Mao et commenté son étonnant « De la contradiction » tout en ayant en tête une traduction nouvelle du « Laozi » et du « Zhuangzi », bref, une ivresse claire qui me tient encore. J’ai ensuite choqué beaucoup d’Américains en disant publiquement que mon souci principal était d’être ainsi décrit par un dictionnaire chinois, pas avant, mettons, 2077 : « Ecrivain européen d’origine française qui, très tôt, s’est intéressé à la Chine ». Je ne me plains donc pas de ma quasi-inexistence sur le marché anglo-saxon ? Non. Pouvez-vous m’expliquer ça ? Je n’arrête pas.


Mao et Jean-Paul II

La folie Mao m’occupe pendant trois ans, le temps de défrayer la chronique : sabotage du Parti français dont, bien entendu, je n’ai jamais été membre. On va jusqu’à Pékin en 1974, sans Lacan, qui, pourtant, avait donné son accord (mais avec Barthes qui s’ennuie beaucoup pendant le voyage). Retour vite transfusé en critique, et départ pour New York.

En somme : première vague, Mao. Deuxième vague, Soljenitsyne et les dissidents russes enfin écoutés. Troisième vague, l’élection surprise de Jean-Paul II, et l’insurrection polonaise. Quatrième vague, chute du mur de Berlin. Pendant tout ce temps, j’écris « Paradis », qui, on me l’accordera, a peu de chose à voir avec « Paludes ». [...]

Alors, après avoir été « maoïste », vous êtes devenu « papiste » ? En effet, et résolument. Si vous permettez, stratégie élémentaire : tout ce que l’adversaire attaque (Mao, le pape), on le défend ; et tout ce qu’il défend (l’ex-URSS et ses métastases), on l’attaque. La Chine n’est plus une colonie de la Russie, et, donc, plus des Etats-Unis ? Il semble. Le pape est mort ? Vive le pape.

Inutile de préciser que je suis, depuis fort longtemps, un défenseur radical des droits de l’homme en Chine, et que je n’ai rien contre l’avortement, le préservatif, l’homosexualité, et autres obsessions du temps. En revanche, le célibat des prêtres me paraît une excellente mesure. Dit autrement : oui au péché, non à la monogamie pieuse.


Alain Robbe-Grillet

Dans les péripéties malheureuses et confuses entre cinéma et littérature, l’échec le plus révélateur est quand même celui de Robbe-Grillet. Au début du « nouveau roman », il écrit contre toute image « la Jalousie », ascèse ennuyeuse mais intéressante. Ensuite, il veut filmer ses fantasmes érotiques, et c’est le kitsch. Une telle bouffée de laideur méritait bien une élection à l’Académie française.

François Mitterrand

Je n’aimais pas Mitterrand, mais il m’intriguait, et, au vu de la médiocrité politique ambiante, ce médiocre sinueux m’intrigue toujours. Je ne l’ai rencontré que deux fois. La première, à sa demande, après la parution de « Femmes », pour un déjeuner à l’Elysée, en compagnie de l’un des meilleurs stratèges d’aujourd’hui, BHL, l’homme qui sait tout de la comédie du pouvoir avant tout le monde. Mon gros roman avait du succès, le président voulait voir l’animal de près. Il a dû m’observer, et, comme je n’ai presque rien dit, sonder mes silences.

Mitterrand brillait, BHL brillait, Attali se taisait, le nez dans son assiette, j’avais tendance à m’endormir.

La deuxième fois est un déjeuner chez Colette et Claude Gallimard, au 17 rue de l’Université. Gallimard ? Le président est un habitué de la librairie du boulevard Raspail, il vient de temps en temps consulter des éditions rares, ou en acheter quelques-unes. Un président littéraire ? Il aime qu’on le croie, même si ses goût restent conventionnels (Chardonne, etc.). Mais on sent que « Gallimard », pour lui, reste un nom prestigieux, sans doute lié à des ambitions de jeunesse (mauvais poèmes, lyrisme petit-bourgeois). Il a sûrement été impressionné par la « NRF », surtout celle de Drieu la Rochelle.

Quoi qu’il en soit, ce deuxième déjeuner est amusant, et c’est lui qui a demandé ma présence. Nous sommes en 1988, il vient d’être confortablement réélu, et il a feuilleté mon roman « le Cœur absolu » qui se passe beaucoup à Venise, dans une atmosphère casanoviste ressuscitée. Le président a l’air content, il fonce sur moi en me disant « voilà le terrible monsieur Sollers », m’entraîne sur un canapé, s’assoit contre moi, me prend le bras gauche et me dit tout à trac : « J’espère que vous faites attention à votre santé. » J’hésite deux secondes avant de comprendre qu’il pense qu’un vrai libertin risque désormais sa vie avec le sida qui rôde. Va-t-il m’offrir des préservatifs ? Non, il me raconte son amour pour Venise et sa découverte de Casanova. Je suis sur le point de lui dire « bienvenue au club », mais comme je suis un amateur solitaire et sans club, je m’abstiens, tout en louant son sens historique.

Vatican

Mon livre sur « la Divine Comédie » paraît donc en 2000, et, en octobre, je vais l’offrir à Rome à Jean-Paul II. Il y a des photos : grand scandale dans les sacristies intellectuelles. La remise du livre a lieu, en audience publique, place Saint-Pierre.

Je rappelle au pape que je lui ai déjà envoyé, sept ans auparavant, un livre tournant autour de l’attentat dont il a été l’objet (« le Secret »), et, en effet, il hoche la tête, et là, geste inattendu, il tend le bras et appuie longuement sa main droite sur mon épaule gauche, tout en me regardant droit dans les yeux. Rituel militaire plus qu’étrange, d’autant plus que l’intensité du regard est du genre laser rayon vert. Pas un mot, la main sur l’épaule, silence de vie criant, félicitations pour mon activité de mousquetaire libre, absolution de mes péchés (et Dieu sait). Archivé. Par la suite, envoi d’une lettre très élogieuse sur le bouquin, avec hyper-bénédictions à travers la Mère de Dieu : pour un assassiné-ressuscité, c’est un comble.

Epitaphe

Je ne tiens pas du tout à mourir, mais, s’il le faut physiquement, j’accepte, comme prévu, qu’on enterre mes restes au cimetière d’Ars-en-Ré (Sollers en Ré), à côté du carré des corps non réclamés, des très jeunes pilotes et mitrailleurs australiens et néo-zélandais, tombés là, en 1942 (pendant que les Allemands rasaient nos maisons), c’est-à-dire, pour eux, aux antipodes ;

Simple messe catholique, à l’église Saint-Etienne d’Ars, XIIe siècle, clocher blanc et noir servant autrefois d’amer aux navires, église où mon fils David a été baptisé ;

Sur ma tombe, 1936-20..., cette inscription : Philippe Joyaux Sollers, Vénitien de Bordeaux, écrivain ;

Si un rosier pousse pas trop loin, c’est bien.



Günter Grass

Chacun devrait raconter ses expériences, les écrivains, les poètes, les philosophes, les curés, les curés de l’ombre, les politiques, les banquiers, les policiers, les militaires, les péroreurs révolutionnaires, qu’on voie un peu à travers.

Montre-moi ton enfance et ton adolescence, je te dirai qui tu es.

Je ris, en passant, des révélations de ce médiocre écrivain allemand, Günter Grass, Prix Nobel de littérature, avouant qu’il a été Waffen SS à l’âge de 17 ans, pour échapper à son étouffante famille. Grass, on s’en souvient peut-être, a été la grande conscience social-démocrate de l’après-guerre. Des hypocrites s’indignent de son long silence avant l’aveu de cette « souillure », mais personne ne pose la vraie question : pourquoi Grass a-t-il eu envie de cette incorporation ? Pour échapper à sa famille, vraiment ? Ou plutôt pour ne rien savoir de ses désirs à l’époque ? Lesquels, d’ailleurs ? Expliquez-vous clairement (ou alors lisez l’extraordinaire roman de Jonathan Littell, « Les Bienveillantes », confession d’un officier SS, cherchant à travers un matricide, une fusion incestueuse avec sa sœur via la sodomie passive, une issue impossible hors des massacres de cauchemar). Mon Dieu, mon Dieu, quelle misère : chrétienne, conservatrice, socialiste, fasciste, communiste, social-démocrate, réactionnaire, progressiste, etc. Est-ce qu’on ne pourrait pas s’évader de ces décors d’ensemble ? Grass, dites-moi : à 17 ans, qui aviez-vous envie de baiser ? Et vous, Bourdieu, et vous, l’abbé Pierre ? Et vous, Staline, Mussolini, Franco, Pétain, Hitler ? Et vous, Bush, Ben Laden ? A 7 ans ? Mais tout est déjà joué, bien sûr, merci Freud.

Adhérer aux Waffen SS à 17 ans, c’est comme si moi, au même âge, j’avais eu envie d’être parachutiste ou tortureur français. Peu importe, au fond, le contexte historique : l’inclination, le goût, tout est là. Vous avez, à cet âge, bandé pour ça ? Chacun ses goûts, mais dites-nous franchement pour qui et pour quoi.

Louis Aragon

Aragon, au café La Régence, place du Palais-Royal, me dit : « Tu comprends, petit, l’important est de savoir si on plaît aux femmes. » Je n’aime pas ce tutoiement forcé, et encore moins le mot « petit ». Quant aux femmes, je suis au courant, merci, j’ai, comme dit Casanova, « le suffrage à vue », et ça marche. L’autre formule, moins conventionnelle, et plutôt amusante, consiste, de sa part, à dire que le comble du snobisme est de se déclarer communiste. Bon, pourquoi pas. Après quoi, quelques rencontres, où, immanquablement, il se met à me lire ses poèmes qui, d’ailleurs, n’en finissent pas. Voix déclamatoire, très dix-neuvième siècle, la diction plaintive et forcée que vous entendez déjà dans l’enregistrement d’Apollinaire, « Ouvrez-moi cette porte où je frappe en pleurant », etc... Aragon est encore très beau, il est debout, il se regarde à travers vous, le miroir envahit la pièce, il vous glace. Il me fait le coup quatre ou cinq fois, rue de la Sourdière, d’abord (petit appartement encombré et obscur, plus modeste que celui, tout aussi encombré, de Breton rue Fontaine), rue de Varenne ensuite (luxe et chauffage, le Parti s’occupe de tout). Je m’ennuie, je suis fragile des tympans, l’admiration tonitruante du poète, dans la pose du grand poète, pour un vers de Henry Bataille, « J’ai marché sur la treille de ta robe », me laisse froid. Je note que le spectateur, épinglé dans son fauteuil, pourrait se lever, sortir, aller prendre un verre ou deux au café du coin, revenir une heure après, sans que l’auteur-acteur ait remarqué son absence. Bon, ça ira comme ça. La goutte d’eau qui fait déborder le vase sera « le pèlerinage au Moulin », là où il se fera enterrer avec Elsa, œuvres et cadavres croisés. Atmosphère de dévotion hyper-bourgeoise et cléricale, des invités, aucun snobisme, la servilité partout.

—oOo—



Rencontres au lance-pierre

Aurais-je souhaité rencontrer Gide autrefois ? Si on m’a lu jusqu’ici, on comprend que non, et pourquoi.

Sartre ? Il semble devenu indifférent à la littérature, qu’il assimilera bientôt à une névrose (« Les Mots »). Il remarque pourtant positivement un de mes premiers livres « Drame ». Vu seulement en 1972, dans les désordres du temps, deux heures dans son studio. Il me parle à toute allure de son « Flaubert », allume des Gitanes mais l’une après l’autre, « avant que le Castor n’arrive », me raccompagne sur le palier et me dit : « Bon, alors on se retrouve dans la rue ? » Flaubert ou la rue ? Les deux, sans doute, mais j’ai aussi autre chose à faire.

Blanchot ? Vu deux fois. Spectral. Coup de foudre d’antipathie immédiate et, je suppose, réciproque. Grande estime antérieure soudain effondrée. Bizarre.

Robbe-Grillet ? Drôle, décidé, sympathique, caustique, mais de plus en plus cinéma et érotisme tocard. Ca ne s’est pas arrangé, et il se fait tard.

Gracq ? Deux ou trois fois, compassé. Et puis une remarque : « Je n’aime pas Mozart. » Bonsoir.

Michaux ? Une seule fois. Coton dans les oreilles. Tristesse des lieux, très en dessous de la mescaline.

Duras ? Conversations marrantes au café. Et puis, elle s’emballe pour Mitterrand, bonsoir.

Claude Simon ? Très chaleureux, guerre d’Espagne, anarchiste buté. Me plaît.

Paulhan ? Le plus intrigant. Chez lui, rue des Arènes. Le seul qui semble penser avant de parler, allusions métaphysiques fréquentes, ironie matoise, signaux zen. Il travaille en écoutant des chansons à la radio. Me prête des livres chinois et « Orthodoxie » de Chesterton. Tout de biais, mais parfois éclairant. Aime « Le Parc », où il voit une mise en scène de la Trinité : bien joué. Très intelligent, œuvre faible. Belle écriture bleue ronde, billes allusifs. Se veut énigmatique, style société secrète, goût du pouvoir.

[...]

Sarraute ? Amitié incompréhensible, douceur, mélancolie, mélodie. J’essaie de lui cacher que je n’aime pas beaucoup ses livres. Elle le devine, mais, étrangement, ne semble pas m’en vouloir.

[...]

Céline ? Une seule fois, au téléphone, peu avant sa mort. « Venez me voir ! » J’aurais dû sauter dans un taxi.

Bataille ? Venant de temps en temps, l’après-midi, dans le petit bureau de « Tel Quel ». S’assoit, parle à peine. Très étrange rencontre avec Breton, au café du coin. Pour moi, grand signe. De tous les personnages rencontrés, c’est lui, et de loin, que j’admire le plus.

Les intellectuels à la question

Les philosophes et les intellectuels sont marrants : il suffit de les mettre à la question littéraire (et surtout poétique) pour observer leur affolement immédiat. Ils en rêvent, ils savent que c’est là que ça se passe dans le temps, ils tournent autour, ils en rajoutent, ils turbinent. Sartre, bien sûr, avec Baudelaire, Mallarmé, Genet ; Foucault avec Blanchot ou Raymond Roussel ; Lacan avec Joyce. Barthes finit du côté de Proust et de Stendhal et laisse croire qu’il va écrire un roman ; Althusser passe à l’autobiographie après avoir assassiné sa femme ; Derrida met les bouchées doubles avec Artaud ; Deleuze multiplie les incursions ; Badiou se veut écrivain (hélas), bref, ça brûle. Aujourd’hui, morne plaine, mais il est vrai que les philosophes et les intellectuels se sont désormais rangés dans le sermon politique et moral.

Le Clézio, Modiano et moi

Le film que se raconte le milieu littéraire français, depuis plus de trente ans, peut d’ailleurs être décrit comme un western classique, sans cesse rejoué, avec, de temps en temps, adjonction de nouveaux acteurs. Il y a un Beau, un Bon, un Vertueux exotique, Le Clézio, et un Méchant, moi. Je m’agite en vain, Le Clézio est souverain et tranquille, il s’éloigne toujours, à la fin, droit sur son cheval, vers le soleil, tandis que je meurs dans un cimetière, la main crispée sur une poignée de dollars que je ne posséderai jamais. Modiano, lui, a un rôle plus trouble : il est à la banque, il avale ses mots, il a eu de grands malheurs dans son enfance, il est très aimé des habitants de cette petite ville culpabilisée de l’Ouest, aimé, mais pas adoré, comme Le Clézio, dont la photo, en posters, occupe les chambres de ces dames. Le Diable, ne l’oubliez pas, c’est moi. Je suis un voleur, un imposteur, un terroriste, un tueur à la gâchette facile, un débauché, un casseur, j’ai des protections haut placées, des hommes et des femmes de main, je sème la peur, je ne crois à rien, j’expierai mes fautes.

Le parrain

Je passe sur les différentes désinformations m’attribuant, de temps en temps, un « pouvoir » exorbitant dans la république des lettres (alors que, sur ce dernier point, je suis plutôt d’un monarchisme endiablé). A en croire une multitude d’articles, je serais un manitou maniant tout, un « parrain », un faiseur d’opinions et de prix (moi qui ne vois jamais aucun juré du cirque), en tout cas un agent d’influence considérable. Rumeur risible, et qui ne demande qu’à se transformer en son contraire. On m’aura même accusé de diriger « Le Monde des Livres », où je publiais, chaque mois, des articles classiques, repris, avec beaucoup d’autres, dans « La Guerre du goût » ou « Eloge de l’infini ». [...] Que mes amis et mes proches ne finissent pas par me détester à cause de toutes les malfaisances et les dommages dont ils sont l’objet à mon sujet est une grâce. Après tout, je dois la mériter.

L’écran et la plume

L’ordinateur est construit pour faire barrage à la main, faire écran à la véritable audition, appauvrir le vocabulaire, donc les sensations, se plier à la fabrication. Le tour de main, lui, a lieu, comme une perfusion à l’envers, le sang d’encre négatif, biliaire ou mélancolique, se transforme en encre-sang positive, en sang bleu. Quelque chose coule, mais reste embrassé. Ca respire.

[...]

Se prendre, ou se reprendre, en main : expressions justes. L’esprit est une main.

Tempête dans un bénitier

Le pape Benoît XVI a bien raison de réinjecter un peu de latin dans la foire catholique. Geste pas du tout « intégriste », comme on se plaît à le dire, mais hommage à tout ce qui s’est écrit et chanté dans cette langue, de saint Augustin à Monteverdi ou à Mozart. Comment voulez-vous comprendre une énorme partie de la bibliothèque et de la discothèque sans savoir que c’est du latin ? Vous écoutez une messe classique sans comprendre les paroles ? « Incarnatus » ne vous dit rien ? « Miserere » et « Gloria » non plus ? « Et in saecula saeculorum » pas davantage ? Dommage.

« Celui qui ne comprend rien, dit Maistre par provocation, comprend mieux que celui qui comprend mal. » Vérification facile, et raison pour laquelle, sans doute, ma jolie petite concierge catholique portugaise me comprend beaucoup mieux que mes connaissances, mes proches et la plupart de mes amis."




Publié à l'origine dans Le Nouvel Observateur

07:00 Publié dans Parenthèse | Lien permanent | Commentaires (15) | Tags : Philippe Sollers, Écrire, Écrivain, Benoît XVI | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

05/11/2007

De la Poésie d'aujourd'hui

=--=Publié dans la Catégorie "PARENTHÈSE"=--=

 

"Pourquoi est-ce que je n'aime pas la poésie pure ? Pour les mêmes raisons que je n'aime pas le sucre "pur". Le sucre est délicieux lorsqu'on le prend dans du café, mais personne ne mangerait une assiette de sucre : ce serait trop. Et en poésie, l'excès fatigue : excès de poésie, excès de mots poétiques, excès de métaphores, excès de noblesse, excès d'épuration et de condensation qui assimilent le vers à un produit chimique. Comment en sommes-nous arrivés là ? Lorsqu'un homme s'exprime avec naturel, c'est-à-dire en prose, son langage embrasse une gamme infinie d'éléments qui reflètent sa nature tout entière ; mais il y a des poètes qui cherchent à éliminer graduellement du langage humain tout élément a-poétique, qui veulent chanter au lieu de parler, qui se convertissent en bardes et en jongleurs, sacrifiant exclusivement au chant. Lorsqu'un tel travail d'épuration et d'élimination se maintient durant des siècles, la synthèse à laquelle il aboutit est si parfaite qu'il ne reste plus que quelques notes et que la monotonie envahit forcément le domaine du meilleur poète. Son style se déshumanise, sa référence n'est plus la sensibilité de l'homme du commun, mais celle d'un autre poète, une sensibilité "professionnelle" - et, entre professionnels, il se crée un langage tout aussi inaccessible que certains dialectes techniques ; et les uns grimpent sur les dos des autres, ils construisent une pyramide dont le sommet se perd dans les cieux, tandis que nous restons à ses pieds quelque peu déconcertés. Mais le plus intéressant est qu'ils se rendent tous esclaves de leur instrument, car ce genre est si rigide, si précis, si sacré, si reconnu, qu'il cesse d'être un mode d'expression ; on pourrait alors définir le poète professionnel comme un être qui ne s'exprime pas parce qu'il exprime des vers."

 

Witold Gombrowicz, La Havane, 1955 (Contre les poètes)

 

Texte intégral ici...

 

 

07:50 Publié dans Parenthèse | Lien permanent | Commentaires (13) | Tags : witold gombrowicz, poésie | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

30/10/2007

Assommons les pauvres !

=--=Publié dans la Catégorie "PARENTHÈSE"=--=

Afin d'entrer en résonance avec la dernière note d'XP... et de rire un peu... voici un texte politiquement incorrect de Charles Baudelaire, dont j'avais déjà évoqué le Dandysme, par un texte de Michel Onfray, il y a tout juste un mois.

Savourez...

"Assommons les Pauvres !

Pendant quinze jours je m'étais confiné dans ma chambre, et je m'étais entouré des livres à la mode dans ce temps-là (il y a seize ou dix-sept ans); je veux parler des livres où il est traité de l'art de rendre les peuples heureux, sages et riches, en vingt-quatre heures. J'avais donc digéré, - avalé, veux-je dire, toutes les élucubrations de tous ces entrepreneurs de bonheur public, - de ceux qui conseillent à tous les pauvres de se faire esclaves, et de ceux qui leur persuadent qu'ils sont tous des rois détrônés. - On ne trouvera pas surprenant que je fusse alors dans un état d'esprit avoisinant le vertige ou la stupidité.
   Il m'avait semblé seulement que je sentais, confiné au fond de mon intellect, le germe obscur d'une idée supérieure à toutes les formules de bonne femme dont j'avais récemment parcouru le dictionnaire. Mais ce n'était que l'idée d'une idée, quelque chose d'infiniment vague.
   Et je sortis avec une grande soif. Car le goût passionné des mauvaises lectures engendre un besoin proportionnel du grand air et des rafraîchissants.
   Comme j'allais entrer dans un cabaret, un mendiant me tendit son chapeau, avec un de ces regards inoubliables qui culbuteraient les trônes, si l'esprit remuait la matière, et si l'oeil d'un magnétiseur faisait mûrir les raisins.
   En même temps, j'entendis une voix qui chuchotait à mon oreille, une voix que je reconnus bien; c'était celle d'un bon Ange, ou d'un bon Démon, qui m'accompagne partout. Puisque Socrate avait son bon Démon, pourquoi n'aurais-je pas mon bon Ange, et pourquoi n'aurais-je pas l'honneur, comme Socrate, d'obtenir mon brevet de folie, signé du subtil Lélut et du bien avisé Baillarger?
   Il existe cette différence entre le Démon de Socrate et le mien, que celui de Socrate ne se manifestait à lui que pour défendre, avertir, empêcher, et que le mien daigne conseiller, suggérer, persuader. Ce pauvre Socrate n'avait qu'un Démon prohibiteur; le mien est un grand affirmateur, le mien est un Démon d'action, un Démon de combat.
   Or, sa voix me chuchotait ceci: "Celui-là seul est l'égal d'un autre, qui le prouve, et celui-là seul est digne de la liberté, qui sait la conquérir."
   Immédiatement, je sautai sur mon mendiant. D'un seul coup de poing, je lui bouchai un oeil, qui devint, en une seconde, gros comme une balle. Je cassai un de mes ongles à lui briser deux dents, et comme je ne me sentais pas assez fort, étant né délicat et m'étant peu exercé à la boxe, pour assommer rapidement ce vieillard, je le saisis d'une main par le collet de son habit, de l'autre, je l'empoignai à la gorge, et je me mis à lui secouer vigoureusement la tête contre un mur. Je dois avouer que j'avais préalablement inspecté les environs d'un coup d'oeil, et que j'avais vérifié que dans cette banlieue déserte je me trouvais, pour un assez long temps, hors de la portée de tout agent de police.
   Ayant ensuite, par un coup de pied lancé dans le dos, assez énergique pour briser les omoplates, terrassé ce sexagénaire affaibli, je me saisis d'une grosse branche d'arbre qui traînait à terre, et je le battis avec l'énergie obstinée des cuisiniers qui veulent attendrir un beefteack.
   Tout à coup, - ô miracle! ô jouissance du philosophe qui vérifie l'excellence de sa théorie! - je vis cette antique carcasse se retourner, se redresser avec une énergie que je n'aurais jamais soupçonnée dans une machine si singulièrement détraquée, et, avec un regard de haine qui me parut de bon augure, le malandrin décrépit se jeta sur moi, me pocha les deux yeux, me cassa quatre dents, et avec la même branche d'arbre me battit dru comme plâtre. - Par mon énergique médication, je lui avais donc rendu l'orgueil et la vie.
   Alors, je lui fis force signes pour lui faire comprendre que je considérais la discussion comme finie, et me relevant avec la satisfaction d'un sophiste du Portique, je lui dis: "Monsieur, vous êtes mon égal! veuillez me faire l'honneur de partager avec moi ma bourse; et souvenez-vous, si vous êtes réellement philanthrope, qu'il faut appliquer à tous vos confrères, quand ils vous demanderont l'aumône, la théorie que j'ai eu la douleur d'essayer sur votre dos."
   Il m'a bien juré qu'il avait compris ma théorie, et qu'il obéirait à mes conseils."


Charles Baudelaire (Le Spleen de Paris - Repris en 1864 sous le titre Petits poèmes en prose)

22:30 Publié dans Parenthèse | Lien permanent | Commentaires (18) | Tags : Pauvreté, Sans abris, Charles Baudelaire, aumône | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

01/10/2007

Âmes Insurgées

=--=Publié dans la Catégorie "PARENTHÈSE"=--=

La Parenthèse de ce jour n'est pas un choix de moi, mais d'Irina. Cependant, vous devez vous en douter, je m'associe à ce choix. Pleinement.

Irina :

Les francs-tireurs, j'aime à les appeler "âmes insurgées". Ces deux mots mis ensemble, magnifiques, ne sont pas de moi, hélas, mais d'un homme, magnifique lui aussi, qui s'appelle Armel Guerne.

Je vous laisse le découvrir :




" Laissez-moi vous dire

Que le poète n'a pas la vie facile dans un monde devenu ce manteau de ténèbres, pailleté d'éphémère par une actualité exténuée en quelques heures, qu'on renouvelle tous les jours et qui tient toute la place avant de s'effacer. Un monde où le niveau des larmes, cependant, ne cesse de monter. Un monde pilonné, trituré, sermonné de plus en plus sévèrement par le verbe surnaturel des catastrophes, couché sous le vent fort de ce langage, le plus clair et le plus nu de tous, dont les statisticiens s'emparent aussitôt pour le rendre inintelligible. Les coeurs sans le savoir, les esprits sans le percevoir et, tout au fond, les âmes sans le dire sont tellement dans le besoin que le silence de leur cri- formidable colonne en creux - requiert et mobilise contre lui l'acharnement insupportable et sans répit de tous les bruits du monde, organise la fuite et le refuge de chacun dans ce supplice étroit, la collaboration funeste de tout individu, par soumission servile ou par complicité déshonorée, à cet attentat fracassant qui le disjoint, l'émiette, le pulvérise et le disperse. S'abstraire de l'essentiel, tout est là. Sortir le plus possible du dedans de la vie ; rester dehors. L'information, laissez-moi vous le dire, est l'instrument parfait, la corde lisse et le noeud bien coulant de cette pendaison : l'information, procédé éminemment artificiel et abstrait, destiné à rendre informe et sans leçon tout ce qui peut, tout ce qui risque d'avoir, originalement, une forme certaine et peut être un enseignement. L'informatique a perfectionné le système en le mécanisant et désormais, sans le concours de personne, l'analyse devient si fine que tout danger est écarté : même par accident il ne peut plus rester, non, même à la loupe on ne saurait trouver le grain le plus infinie de concret dans la pensée lisse et liquide qu'elle dégorge. Le rien est souverain et triomphe dans le bourdonnement enthousiasmé des bavardages. Car sait-on jamais ? La trace seulement d'une poussière pourrait suffire à accrocher un souvenir, un rappel, découvrir une analogie, voire amorcer un rêve, éveiller un silence, engendrer l'incongruité d'une de ces légendes qui parlent à travers le temps !
Abandonné de tous, le génie souple et prompt de notre langue est sans emploi, comme un ange au chômage. Vu de demain, regardé seulement de la pointe du prochain matin, le français est déjà une langue morte, écrasée, accablée, enterrée sous ses ruines où s'amusent encore, inconscients, égarés, les producteurs rentiers d'une littérature qui n'a d'autres raisons que la " modernité ", c'est-à-dire le goût du jour. L'argent, seul étalon de toutes les valeurs, ne quitte plus jamais le devant de la scène. Ecoutez bien, tendez l'oreille : " euh... ! beuh... ! " Nous sommes entrés dans le siècle de l'onomatopée et nous voici déjà tout occupés à convertir les mots en chiffres. Sans le lyrisme des milliards, avouons-le, auquel les moins riches ne sont pas les moins accessibles, la politique serait sans effet, sans écho, et les prisons de l'idéologie s'ouvriraient d'elles-mêmes, relâchant en plein air la cohue de leurs détenus fascinés, tout surpris de se retrouver libres de leur pensée, de respirer un air de leurs propres poumons. L'argent (qui n'est depuis longtemps plus synonyme de richesse, mais de besoin), s'il fut depuis toujours servi par les ambitieux, ne l'a jamais été avec le cynisme imbécile et l'unanimité éhontée de nos contemporains : la masse humaine la plus mendiante et la plus lâche, la plus confuse et la plus confondue que le monde ait portée. Seul le nanti n'en a jamais assez ; et c'est toujours lui qui crie le plus fort, du haut en bas de l'échelle sociale, surtout en bas. Laissons.



Le poète, je vous l'ai dit, n'a pas la vie facile dans ce monde et ses besoins, pour exister, n'ont rien d'épisodique ou de professionnel. Il est voué à l'essentiel. Donc à la pauvreté matérielle. Une existence entière à préserver dans tous ses lieux, ouverte à ses passions, conquérant son intégrité. L'ampleur indispensable de l'espace et du temps, la solitude, le silence et la continuité. Les questions à poser vraiment ; la réponse à attendre de tout. Un travail où l'on entre une fois pour toutes pour ne plus le quitter, pour n'en jamais sortir avant qu'il soit fini, achevé. Un enrichissement profond qui rejette à mesure tout l'accessoire, tout le surplus intellectuel, la vanité, l'épate, l'encombrement de la mémoire et de tous les chemins d'accès, bref, ce qui n'est pas absolument la nourriture salutaire. Et le contrôle vigoureux, la vérification constante de tout cela sur tous les faits et gestes, à chaque instant de chaque jour. Un combat, s'il faut l'appeler de son nom, qui ne se ralentit jamais une fois qu'il est engagé, s'enhardissant de tous les héroïsmes aussi naturellement qu'une plante, en croissant, s'enhardit dans son vert. Car la grandeur lentement, sûrement accordée à un rythme cosmique, élargit peu à peu son aire intérieure et le confort de son logement. Rien qu'une vie et rien qu'un lieu pour tout cela, c'est peu ! Mais une fois chez elle et bien à l'aise, elle commence ses aménagements, ouvre l’oeil à de nouveaux regards plus vifs, plus pénétrants, éteint les complaisances, ferme l'oreille aux bruits satisfaisants de la musique et doucement, tendrement, l'habitue à l'écoute plus simple de l'ineffable, assouplit délicieusement les muscles orgueilleux de l'orgueilleuse intelligence pour l'exercer, loin de ses jeux futiles, aux pratiques du bond, du vol, de la plongée, afin de franchir l'apparence, de l'enjamber, de la tourner et de poursuivre, par-delà, sa chasse périlleuse - et parfois bienheureuse - de la réalité substantielle.
C'est vrai, on ne peut parler ce langage qu'à ceux qui le savent déjà, ou qui sont sur le bord, ou qui veulent y être. Il est peut-être vrai aussi qu'ils ne sont pas nombreux : on le dit, en tout cas, et les autres le croient ; mais comment le savoir si personne n'essaie ? Et puis surtout, que nous importe à nous ? Les autres sont des morts, un nombre seulement, des impersonnes qui sont nées mortes dans leur époque dont elles ne toucheront jamais le vrai moment du doigt ; de mornes effigies qui se figurent - oh ! non pas être : cela se sent - mais avoir, avoir une vie parce qu'un temps les véhicule et les agite, parce qu'elles ont un matricule et connaissent le numéro ; d'impossibles médailles frappées sur une face à l'image de l'homme et sur l'autre de rien, façonnées de ce néant auquel elles appartiennent. La prolifération grouillante du non-être. Un modelage de l'absence certifié copie conforme. Et parce qu'il est vrai que les institutions que les hommes se sont données, jusqu'aux Eglises qu'ils se veulent à présent, ne font toujours appel qu'au pire de nous-mêmes et jamais au meilleur, on comprend que l'humanité soit démoralisée et ne puisse jamais apprendre ce qu'elle vaut, tout près de quelles plénitudes elle promène son vide, devant quelles félicités immensément impatientes elle accable son coeur d'ombres sordides et d'amertumes imbéciles - incapable dedans de s'inventer, incapable dehors de sentir son péril. Car la violence, évidemment, est le seul exutoire de ce mutisme intérieur.
(Faut-il inviter l'amateur à méditer le spectacle ? Je vois très bien la fin du monde interrompant, au grand dam des syndiqués, une quelconque manifestation populaire " revendiquant " encore quelque chose.)
C'est pourquoi, je le dis ici, pour le salut de ce qui nous reste d'âme, pour l'honneur de l'esprit : jamais depuis l'origine du monde, depuis la création de la lumière et la séparation des eaux d'en haut et de celles d'en bas, ni à aucun moment au long de notre histoire depuis le tout premier commencement, jamais la poésie n’ a été aussi nécessaire - quel que puisse être le nombre de ceux qui ne le savent pas- ni réclamé dans une urgence aussi abrupte et absolue l'indispensable chant secret de cette pauvresse splendide, fille sauvage de la Providence et seule héritière directe des hautes évidences premières, qui fait la honte du monde dit " civilisé " - et singulièrement de la France où elle est méprisée, ignorée, rejetée de nos jours plus et mieux que partout ailleurs. Parce qu'elle est l'enfant surnaturel du verbe et naturellement l'avocate de l'âme insurgée donc de plain-pied avec l'Apocalypse, la poésie est par essence le seul langage encore assez vivant, encore assez armé, encore assez puissant et entier, assez près du mystère aussi de la parole, pour emporter d'assaut les forteresses de l'inertie et crever le béton des citadelles du mensonge, portant en elle un grain de vérité humaine qui peut germer encore, une semence de beauté qui fleurira dans la hideur, de saints pollens de l'immortelle simplicité et même, pour certains, l'amande du noyau du fruit intemporel qui fait lever dans l'âme, puissamment, un arbre superbe avec le bruissement vivant de son feuillage, le creusement très doux du bleu des ombres et la visite claire des oiseaux qui le feront sourire. Autour de sa sagesse pivotent les saisons. Jamais un mot. Il lave l'air intimement. Il appelle la pluie d'en haut. Il fertilise les déserts. Et c'est sur lui, significativement, sur ce mage majestueux que s'abat, depuis un quart de siècle, la main meurtrière de ce qu'on nomme le progrès !
Pourquoi crier à l'impossible quand le possible est déjà là, prêt à entrer, qui n'attend plus que vous pour s'accomplir en vous accomplissant ? Il n'y a pas un homme qui puisse vivre heureusement de ses instincts bestiaux, enfermé dans son corps, incarcéré dans son opacité muette, rivé stupidement sur son nombril. On y suffoque, on s'y étouffe, on s'y éteint - et la haine enragée gravite, comme un soleil mort, autour de cette viande inhabitée. Réapprenez à lire et sauvez-vous de là ! Laissez parler en vous la langue qui libère. Relevez le grand I de l'Imagination : c'est le bâton magique qui vous déshallucinera, la verge de la vraie lucidité. Vous n'êtes pas des huîtres ! Ouvrez votre silence à la conversation de l'ineffable et vous saurez étonnamment de quelle immensité intérieure votre réalité est faite, insérée aux deux bouts dans l'infini. Son appétit de point final est une duperie ; l'apparence est un leurre et les idées presque toujours faites idées, sur des idées, ne disent rien qui vaille. La confidence des poètes vous en convaincra : il ne se passe rien dehors, tout se passe dedans. Ils ne font pas la poésie, ils n'en sont pas les auteurs, car ils sont une oreille avant d'être une bouche et ce sont eux, au contraire, qui sont faits par la poésie, comme un premier maillon entre elle et vous. Sans elle, ils ne sont rien ; avec vous, ils sont tout. Le verbe qu'ils conduisent a son génie en vous. Ne le tuez donc pas.
Sur le fil de la chute, qui a son idéal dans la verticalité absolue et qui y tend, la loi intime de la décadence amenuise le temps en suçant sa substance et fait que l'on repart d'un peu plus bas chaque jour. Erodés, corrompus, rongés sournoisement par cet acide, ses rapports avec la durée se détériorent constamment. (On en est, aujourd'hui, si loin dans cette division qu'on distingue le champion des autres, dans de simples jeux sportifs, au centième de seconde, et la physique en est au dix-millième, au millionième peut-être ...) Si l'on remonte dans le passé, comme le dit justement l'adage, on descend donc dans l'avenir qui nous attend comme un tombeau. Rien n'est plus vrai. Hormis les rigolos de la démagogie qui promettent aux électeurs des lendemains qui chantent, tout le monde sait fort bien que demain sera pire et se comporte en conséquence. Hier était le bon temps, qui va de mieux en mieux à mesure qu'on arrive plus près de la naissance et de là, à travers le mythique Age d'or, jusqu'à la porte même du Paradis au fond des origines ; de mal en pis à mesure qu'on s'approche de l'heure totale de la mort. L'évidence le prouve ; il n'est que de regarder autour de soi : visiblement, les jours que nous vivons ne sont plus que des restes et quelques mois après, sous le même regard, il n'y a déjà que le reste des restes. Jusques à quand ? L'élan est pris, et la précipitation s'accélère de minute en minute.
Inutile d’insister sur la stupidité d'une modernité (qui serait inimaginable si ce n'était la nôtre) qui rejette d'un coup d'épaule tout le passé humain, se dégage de son histoire comme un poussin de son oeuf, sans même s'apercevoir que le dédain de sa jeunesse flétrie pour tous les âges de son âge, sa hâte même à tout périmer derrière elle au ras de ses talons, sa rage à ne considérer qu' elle-même comme seul texte et unique contexte, ne sont au demeurant que les aveux d'une impuissance apeurée et viennent seulement de sa propre misère incomparable et de la nullité de son regard charnel. Misère et nullité d'un temps d'une telle minceur qu'on n'y peut rien ancrer ; d'une fragilité, d'une instabilité et d'une telle inconsistance, puisqu'il faut le lui dire, qu'un souffle peut l'éteindre ou moins encore, une erreur anonyme au fond d'une machine, l'inadvertance ou la maladresse d'un geste effleurant un bouton, l'oubli d'un commutateur de contrôle. Une réalité qui n'est pas plus que le reflet d'un spectre au fond d'un vieux miroir - et qui se prend pour quelqu'un parce qu'il n'a jamais vu personne.
Un pareil désarroi, des hommes plus humains, beaucoup moins négatifs, l'on pressenti déjà comme pour nous aider, hurlant alors de toutes les manières la fureur de la faim spirituelle, clamant et proclamant l'insurrection de l'âme aux quatre coins du monde, s'arrachant à leur siècle qu'ils jugeaient imbécile et qui ne manquait pas d'incommodités, plongeant dans le passé, secouant l'avenir en le prophétisant jusqu'au bout de leur force d'imagination comme pour mieux l'exorciser, cherchant partout des appuis et des frères, recensant l'univers et les trésors intérieurs, se prodiguant à coeur ouvert, risquant sur eux un perpétuel tout pour le tout que rien ne pouvait arrêter, ni la folie, ni le suicide, ni la mort qu'ils ne cessaient de frôler, toujours à cet extrême d'eux-mêmes qu'ils ne cessaient de hanter par souci de vivre dignement, noblement, sans rien omettre. Jamais peut-être on n'avait fait autant de littérature ; et jamais sans doute on n'y mit tant de sang, tant de coeur, tant de fièvre et aussi de merveilleux caprice, de liberté. Ils ont tout essayé, tout appelé à leur secours pour étendre le cercle autour de la raison et trouver des issues, ne pas s'y enfermer. Ils ont couru tous les chemins qu'ils croyaient deviner. S'ils se trompaient, tant pis pour eux ! mais ils y allaient voir - et malheureusement, égarés dans le marécage d'une langue peu faite pour la rigueur, la rectitude ou le redressement de la pensée aventurée sur un terrain mystique, ils se trompèrent souvent et moururent beaucoup.
Le Romantisme, dont il est ici question - celui de tous les Romantiques qui ont tracé dans telle et telle direction son aventure fabuleuse, tragique et salutaire, flamboyant tout à coup sur les déchets d'un XVIIIe siècle presque exclusivement voué à la froide raison – n’est pas du tout l'affaire d'un seul temps, le phénomène d'une époque. Certes, une énorme éruption volcanique s'est produite à un certain moment dans l'océan de la pensée des hommes parce que les plus clairvoyants s'indignaient, ne voulant pas se laisser réduire à ce que leur temps voulait qu'ils fussent ou qu'ils devinssent ; mais la vague de fond propulsée par ce cataclysme déferle directement sur nous, étale sur nos plages désertes, desséchées, la miroitante bénédiction de sa marée adoucie et frangée d'espérance. Rien de rien ne nous en sépare en vérité, sinon la vaine chronologie de la superstition historique. Ni ces eaux, ni ce feu ne nous sont étrangers aujourd'hui, et leur puissant remous nous est tout à fait fraternel.
Ce Romantisme, bien évidemment, n'a rien de commun avec la gentillette école littéraire qui fit florès en France sous ce nom ; rien de commun non plus avec la rhétorique douceâtre et la fadeur sentimentale, les rubans et les fanfreluches que l'on s'est plu souvent à attacher à ce mot. Les Français à vrai dire, Nerval à peu près seul excepté, sont restés à l'écart de ce mouvement, qui a fleuri d'abord et surtout en Allemagne avec Hölderlin et Novalis, avec Arnim, avec Kleist, avec Hoffmann et tant d'autres, mais aussi en Angleterre - avec Keats bien plus qu'avec Byron ou Shelley, et par delà les sombres splendeurs du " Roman noir " jusqu'à Stevenson -, mais encore dans la lointaine Amérique chez deux êtres aussi différents - et aussi nécessairement complémentaires - que Poe et Melville, sans oublier les pays slaves où l'élan mystique dit hassidisme juif et cet autre élan qui soulèvera plus tard les récits de Dostoïevski sont manifestement d'essence romantique, au sens le plus exigeant que l'on voudra bien donner à pareille désignation.
En France comme ailleurs, pourtant, le triomphe éhonté d'une bourgeoisie désormais vouée corps et âme aux démons du profit, uniquement préoccupée de cet " enrichissement " affreusement matérialiste qu'allait bientôt cautionner la phrase à jamais immonde de Guizot, aurait dû inciter les poètes à brandir un étendard qui ne fût pas de pacotille. Mais la France " moderne ", qui était précisément en train de naître sous leurs yeux, avait sans doute contre elle d'être un pays trop anciennement favorisé par le ciel. Et favorisé d'abord dans sa langue, qui avait éclipsé, ne l'oublions pas, les autres langues d'Europe dans cette conquête du verbe où se reconnaît le véritable accomplissement de toute civilisation. Mais justement, cet instrument merveilleusement souple, merveilleusement précis, aiguisé et assoupli au fil des siècles par des hommes comme Rutebeuf ou Villon, Rabelais ou Racine (alors que la langue allemande, elle, sortait à peine de son haut moyen-âge quand Goethe rêvait déjà pour elle d'un impossible " classicisme "), cet outil patiemment façonné et perfectionné par des générations d'artisans du langage, attentifs à dire au plus juste, au plus vrai, et qui avait si fidèlement servi les poètes et les saints, n'était-il pas tentant d'en user à d'autres fins, de le pervertir ? Le XVIIIe siècle en avait fait une langue de " salon ", enjuponnée, émasculée. Les histrions de la modernité virtuoses fabricants d'illusion, en feront le jouet que l’on sait. L'Allemand de l'époque, en revanche, se trouvait par rapport à sa langue dans une situation à peu près inverse. Le parler germanique, proclamé " langue allemande " avant d'avoir pu seulement être dégrossi, n'avait guère eu le temps d'accueillir l'esprit du verbe - la seule exception étant à chercher du côté de Paracelse, exception météorique hélas, de par la splendeur même de son isolement forcé, confirmation plutôt d'un manque fondamental au départ. Pour combler ce manque, les Romantiques d'au-delà du Rhin mettront tout en oeuvre, livrant les mots à la fournaise pour essayer d'en purifier le métal. Plusieurs y brûleront leur vie, vaincus finalement par la pesanteur d'un langage qui résistait de toute sa masse à leur ardeur d'alchimistes improvisés. Mais cette difficulté même à mettre en mots une expérience intimement vécue était déjà pour eux une raison de s'insurger.
Car partout, c'est de la difficulté à vivre, à dire, à être, à simplement respirer dans un monde promis bientôt à l'asphyxie, que devait surgir l'élan salvateur - ce qui explique peut-être que les climats " heureux ", les contrées bénies tôt mises en culture par le génie latin aient été si peu visitées par ce mouvement. Mouvement nourri de trop de misères intérieures, et depuis trop longtemps bâillonnées, pour pouvoir se satisfaire de la contemplation paisible d'un ciel d'été. Mouvement insurrectionnel donc, et qui ne visait à rien moins qu'à rétablir l'homme dans sa vraie patrie : cette âme illimitée qu'il avait eu la folie de déserter au profit d'un monde effroyablement rétréci, où il risquait à présent de finir emmuré.
Les êtres qui se risquèrent dans ce combat se voulaient tous poètes. Et ils l'étaient effectivement, qu'ils fussent musiciens comme Beethoven, Schubert ou Schumann, ou peintres comme l'étonnant Caspar David Friedrich (auprès duquel le prétendu " romantisme " d'un Géricault ou d'un Delacroix paraît bien sinistrement convenu), ou encore linguistes et folkloristes comme les frères Grimm, ou alors minéralogistes, physiciens, botanistes - car plusieurs osèrent oeuvrer en Allemagne surtout, dans le sillage de Novalis, à l'avènement d'une science enfin digne de ce nom, d'une sophia qui serait véritablement au service de l'âme. Aucun d'entre eux, faut-il le dire, n'eut la vie facile. Aucun ne rêva d'être pair de France comme fut chez nous Victor Hugo, ou chef d'une République de profiteurs comme faillit être Lamartine, ou académicien comme finit Musset. La belle vie que Byron et Shelley filaient ensemble en Italie n'était pas pour eux. L'Italie de leurs rêves ( celle d'Hoffmann, si présente dans ses livres, alors qu'un destin accablant l'empêchera toujours de s'y rendre autrement qu'en esprit), cette Italie se confondait pour eux avec l'Age d'or, dont leur âme écorchée ne pouvait faire autrement que de se souvenir, et que leur ardeur combative se devait à tout le moins de restaurer, si peu nombreux fussent-ils face à l'armée des philistins assis et nantis qui écrasait de sa triomphante nullité leur époque - cette époque qui devait impitoyablement les rejeter eux, riches seulement de leur ferveur, armés uniquement d'espérance. Et ils n'hésitaient pas pour cela à payer de leur personne. Quel que fût le prix. Vivant l'aventure jusqu'à l'extrême limite de leurs forces : jusqu'au suicide (Kleist, Nerval), jusqu'à la folie Hölderlin, Poe, Schumann), ou jusqu'à ce désespoir muet qui ne peut être enduré que comme une mort lente, une agonie de tous les instants (Hoffmann, Melville) - quand la vie ne leur était pas purement et simplement refusée au seuil même d'une adolescence trop généreusement brûlée (Novalis, Keats, Schubert).
C'est que pour eux, le Romantisme était vraiment une façon, d'être. Un combat pour la plénitude. Une bataille désespérée contre l'abdication capitale, contre ce vide désespérant qui laisse l'homme comme une viande douée de réflexes dès qu'il oublie son âme, dès qu' il quitte ses rêves, dès qu'il cesse de reconnaître et de nourrir - pour ne plus faire qu'alimenter l'autre - Cette moitié divine dont il est composé et qui respire au milieu des étoiles.
Car on ne devrait jamais l'oublier, la vie n'est pas un état mais un risque, et qui s'ouvre toujours plus. Grandiose. Une conquête qui n'en finit pas. Un " voyage " - au sens où Schubert l'a certainement vécu - mais un voyage incertain et dur, à la mesure de ceux, et de ceux-là seuls, qui sont capables de marcher.
Il vaut donc mieux, croyez-moi, ne pas trop se lier aux ruminants intellectuels qui vivent à la ferme, engrangeant le foin et la paille de leurs savoirs récoltés. Les hommes de cabinet, laissez-moi vous le dire, ne font pas de bons compagnons de route.

Vivent les hommes de plein vent !

Tourtrès, 5 mars 1977"




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07:00 Publié dans Parenthèse | Lien permanent | Commentaires (12) | Tags : Romantisme, Armel Guerne | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

29/09/2007

La soutane et la République

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« Les écoles normales primaires étaient à cette époque de véritables séminaires, mais l’étude de la théologie y était remplacée par des cours d’anticléricalisme.
On laissait entendre à ces jeunes gens que l’Eglise n’avait jamais été rien d’autre qu’un instrument d’oppression, et que le but et la tâche des prêtres, c’était de nouer sur les yeux du peuple le noir bandeau de l’ignorance, tout en lui chantant des fables, infernales ou paradisiaques.
La mauvaise foi des « curés » était d’ailleurs prouvée par l’usage du latin, langue mystérieuse, et qui avait, pour les fidèles ignorants, la vertu perfide des formules magiques.
La Papauté était dignement représentée par les deux Borgia, et les rois n’étaient pas mieux traités que les papes : ces tyrans libidineux ne s’occupaient guère que de leurs concubines quand ils ne jouaient pas au bilboquet ; pendant ce temps, leurs « suppôts » percevaient des impôts écrasants, qui atteignaient jusqu’à dix pour cent des revenus de la nation.
C’est-à-dire que les cours d’histoire étaient élégamment truqués dans le sens de la vérité républicaine.
Je n’en fais pas grief à la République : tous les manuels d’histoire du monde n’ont jamais été que des livrets de propagande au service des gouvernements.
Les normaliens frais émoulus étaient donc persuadés que la grande révolution avait été une époque idyllique, l’âge d’or de la générosité, et de la fraternité poussée jusqu’à la tendresse : en somme, une explosion de bonté.
Je ne sais pas comment on avait pu leur exposer — sans attirer leur attention — que ces anges laïques, après vingt mille assassinats suivis de vol, s’étaient entre guillotinés eux-mêmes.
Il est vrai, d’autre part, que le curé de mon village, qui était fort intelligent, et d’une charité que rien ne rebutait, considérait la Sainte Inquisition comme une sorte de Conseil de Famille : il disait que si les prélats avaient brûlé tant de Juifs et de savants, ils l’avaient fait les larmes aux yeux, et pour leur assurer une place au Paradis.
Telle est la faiblesse de notre raison : elle ne sert le plus souvent qu’à justifier nos croyances. »


Marcel Pagnol (La Gloire de mon Père)

14/09/2007

Parenthèse de l'Être...

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"Vouloir être dans le vent est une ambition de feuille morte." Milan Kundera

23:01 Publié dans Parenthèse | Lien permanent | Commentaires (9) | Tags : Être, kundera | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

03/09/2007

Avènement de l'homme moyen...

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Site Consacré à Henri-Frédéric Amiel (1821/1881)

"Toute fiction s’expie, et la démocratie repose sur cette fiction légale que la majorité a non seulement la force mais la raison, qu’elle possède la sagesse en même temps que le droit. Fiction dangereuse parce qu’elle est flatteuse. Les masses seront toujours au-dessous de la moyenne. D’ailleurs l’âge de la majorité baissera, la barrière du sexe tombera, et la démocratie arrivera à l’absurde en remettant la décision des plus grandes choses aux plus incapables." Fragments d’un journal intime

"Respecter dans chaque homme l’homme, sinon celui qu’il est, au moins celui qu’il pourrait être, qu’il devrait être." Fragments d’un journal intime

"Si nationalité, c’est contentement ; État, c’est contrainte." Fragments d’un journal intime

18:40 Publié dans Parenthèse | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : L'Homme, Démocratie, Démocrassouillardise | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

28/08/2007

Très douce Solitude...

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« J'ai peu à peu rompu presque toutes mes relations humaines, par dégoût de voir que l'on me prend pour autre chose que ce que je suis. »

Friedrich Nietzsche à Mawilda von Meysenbug, Lettre du 20 octobre 1888

20:16 Publié dans Parenthèse | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : Nietzsche, Solitude | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

20/08/2007

Philippe Sollers, Le premier de la classe

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"On pardonne tout à Sollers parce qu’il aime la littérature. Ce n’est pas que la lecture du prière d’insérer, signé Ph. S., incline à l’indulgence : « Que l’auteur ait été tenu tour à tour, et parfois de façon réversible, pour précoce, classique, moderniste, maoïste, insignifiant, farceur, imposteur, schizophrène, paranoïaque, infantile, nul, libertin, papiste, voltairien, et j’en passe, n’a pas grand chose à voir avec ce qu’il se propose de nous faire entendre. » Encore heureux. Cette procession d’adjectifs déclinés avec un peu de complaisance n’annonce rien de bon. Non pas tant, d’ailleurs, comme il voudrait nous le faire dire, pour des raisons éthiques que pour des raisons grammaticales. Sollers sait mieux que personne qu’il faut se méfier des adjectifs. Toujours sujets à caution, ils deviennent détestables quand on les applique à soi. On renifle le long livre — 639 pages — avec un peu de méfiance. Et puis on l’ouvre. On regarde de plus près. Et on est enchanté. L’adhésion succède à l’inquiétude. Et une sorte d’affection à l’irritation. Dans ses textes courts, consacrés pour la plupart à un auteur classique et destinés, comme on dit, à « un journal du soir » — Le Monde, en l’occurrence —, Sollers se révèle, mais on le savait déjà, comme un critique de premier ordre. Ce qui frappe d’abord, c’est l’altitude. Rien ne vole bas dans La Guerre du goût (Gallimard/Folio). La littérature y est mise d’emblée à la place qui est la sienne : la plus haute. Non pas avec des pauses et des contorsions d’humaniste compassé et empesé, mais à coups secs et forts de citations rigoureuses et d’accumulations de détails vrais. Sous la plume de Sollers et de ceux dont il parle, la littérature devient une déesse exigente et cruelle. Elle dévore ceux qui ont choisi d’échanger leur vie contre son culte exclusif.
Mais ce qu’il y a de plus exigent chez Sollers c’est qu’elle les dévore dans la gaîté. Rien n’est plus gai que l’idée que se fait Sollers de la littérature et on rit plus d’une fois, comme lui-même — le rire de Sollers est célèbre —, en lisant ses études très savantes et sérieuses. Quand il s’interroge, par exemple, sur un sujet qui ne prête pas vraiment à rire, le Pape et les femmes, il s’imagine une femme archevêque — Madame l’archevêque —, une femme cardinale et, pourquoi pas ? une femme Pape : Habemus Mammam !
Ce qui frappe dans le livre de Sollers, c’est son allégresse à dénicher chez l’écrivain dont il parle la formule inattendue qui fait mouche et qui le résume. La lettre en trois phrases de Voltaire à Madame Denis : « On a voulu m’enterrer. Mais j’ai esquivé. Bonsoir. » La formule du père de Sade à propos de son fils : « J’ai quelquefois vu des amants constants ; ils sont d’une tristesse, d’une maussaderie à faire trembler. Si mon fils allait être constant, je serais outré. J’aimerai autant qu’il fut de l’Académie. » Voilà comment on forme des esprits libres. Ou encore la lettre à Morand où Claudel donne du style de l’auteur de Rien que la terre la définition la plus brève et la plus juste : « Vous allez vers les choses en trombe rectiligne. » Pour pousser un peu plus loin, il faut s’adresser à Morand lui-même : « Je suis une mer fameuse en naufrages : passion, folie, drames, tout y est, mais tout est caché. »
À chaque page, grâce à Sollers, grâce aussi et peut-être surtout à ceux qu’il présente — mais tout le talent du critique n’est-il pas, contrairement à ce qui se passe trop souvent aujourd’hui, de mettre en lumière les beautés de ceux qu’il étudie ? — on ressent une envie, un désir de littérature. Voici le dialogue fondateur du roman de Lancelot du Lac : « Beau doux ami, que voulez-vous ? — Ce que je veux ? Je veux merveilles. » Voici le style de l’amour chez un auteur que Sollers a bien raison de vouloir réhabiliter, Crébillon Fils, l’auteur des Égarements du cœur et de l’esprit et des Lettres de la Marquise de M… au Conte de R… : « Je vous écris que je vous aime, je vous attend pour vous le dire. » ou encore la réponse délicieuse de Casanova qui arrive à Paris venant de Venise. Madame de Pompadour : « De Venise ! vous venez vraiment de là-bas ? » Casanova : « Venise n’est pas là-bas, Madame : là-haut. »
Il y a plus sérieux. Quand Hemingway écrit à Dos Passos : « Au nom du ciel, n’essaye pas de faire le bien. Continue de montrer les choses telles qu’elles sont. Si tu réussis à les montrer telles qu’elles sont réellement, tu feras le bien. Si tu essayes de faire du bien, tu ne feras pas le moindre bien, pas plus que tu ne montreras ce qui est bien », il règle d’un seul coup le problème de la morale en littérature et de l’engagement. Sur Madame de Sévigné, sur Genet, sur Nabokov, sur Saint-Simon, sur tant d’autres, Sollers dit des choses qui ont la chance assez rare d’être à la fois brillantes, savantes et justes. Elles éclairent à chaque coup l’écrivain dont il parle et, au-delà, un peu du mystère de la littérature. C’est peut-être sur Proust que les pages de Sollers, appuyées sur les textes, sont le plus passionnantes. À Morand, dont il a préfacé Tendres stocks, Proust écrit : « La littérature à pour but de découvrir la réalité en énonçant des choses contraires aux vérités usuelles. » Wilde fait quelque part une remarque très comparable. « J’ai eu le malheur, dit encore Proust, de commencer mon livre par le mot je et aussitôt on a cru que, au lieu de chercher à découvrir des lois générales, je m’analysais au sens individuel et détestable du mot. » Conclusion : ce n’est pas tant d’un microscope, comme on le répète si souvent, que se sert Marcel Proust, mais d’un « télescope braqué sur le temps » et sur les profondeurs de l’écriture et de l’âme, « là où les lois générales commandent les phénomènes particuliers aussi bien dans le passé que dans l’avenir ».
Sollers, qui a si souvent épousé la mode — mais on connaît sa défense, qui n’est pas si loin de celle de Mitterand à Vichy : c’était pour rire, pour se moquer, pour jouer double jeu et pour faire éclater, agent secret du temps, les choses de l’intérieur —, n’est pas vraiment tendre pour le monde d’aujourd’hui « où plus personne ne sait presque plus rien sur rien et où l’enseignement des lettres atteint des abîmes d’oubli ». À propos de Voltaire qui donnait des Français une définition un peu rude : « Un composé d’ignorance, de superstition, de bêtise, de cruauté et de plaisanterie », commentaire de Sollers : « Qui ne voit qu’on pourrait désormais l’appliquer à l’humanité entière ? » Il va un peu plus loin quand il oppose notre temps au XVIIIe siècle où la guerre du goût ne cessait d’être gagnée : « Comme nous sommes, oui, dans une époque lourde, analphabètes et tristes (celle du populisme précieux), tout doit avoir l’air authentique et démagogique, alors que règne, sous couvert de cœur, une froideur rentabilisée. La brutalité d’un côté et le sentimentalisme de l’autre ont remplacé la sensibilité et l’ironie du goût. » Sollers est un classique rebelle et farceur, doué comme pas un, toujours le premier de la classe, assez peu P. C. — « Politiquement correct » — et qui refuse de s’ennuyer.
Pour lui comme pour Stendhal, « l’essentiel est de fuir les sots et de nous maintenir en joie ». Entre la littérature et lui se sont tissés des liens de gaîté, d’intelligence et de non-conformisme. Quelle chance pour lui ! quelle chance pour nous ! et quelle chance pour la littérature — pour la bonne littérature — qu’il aime et qu’il fait aimer et pour laquelle il se bat avec une savante allégresse qui ne s’en laisse pas conter."

Le Figaro Littéraire, 4 novembre 1994 (repris dans Odeur du temps)

Jean D’Ormesson



23:40 Publié dans Parenthèse | Lien permanent | Commentaires (7) | Tags : Littérature, Sollers, Jean d'Ormesson | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

20/07/2007

Baker is Beautiful

=--=Publié dans la Catégorie "PARENTHÈSE"=--=

Prof Fox me faisait récemment savoir, évoquant la délicieuse Joséphine Baker que "Cette femme avait TOUT inventé : la rock'n'roll attitude, le glamour-rock et la grimace punk, le breakdance, le twist, le jerk etc. etc. etc.

Et même l'engagement, multicasquette : contre la ségrégation (avec Martin Luther King), l'engagement dans la resistance (service secret de l'aviation), et la demonstration contre le racisme (sa famille de 11 enfants adoptés de par le monde). Ensuite "réactionnaire" contre la "chienlit" au côtés de De Gaulle ..."


Oui Foxy, vieux renard... et j'ajouterais que cette délicieuse sang-mêlée (Afroaméricaine/Amerindienne) que l'État Français a su mettre sur la paille à la fin de son existence par le biais des impôts alors que toute sa Vie de Citoyenne avait été exemplaire a même eu le culot d'inventer avant tout le monde le "Black is Beautiful" et le "I'm Black and i'm proud" des sixties/seventies. En tout cas, chaque fois que je vois une de ses photos, pour paraphraser Steven Tyler, le chanteur d'Aerosmith : "I'm Falling in Love so hard on my knees !"



Espiègle et délicieuse


Belle et Clownesque


Audacieuse et intelligente


Grâcieuse et Sensible


Combative et dévouée

Fière, Rebelle et Insoumise...

Tout ce que j'aime chez une femme...