12/06/2011
Michel Onfray : Le Surhomme de Nietzsche
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Dans le cadre du lancement de sa saison 2010-2011, l'université populaire des Hauts de Garonne a invité le philosophe Michel Onfray à Lormont, le 18 novembre, pour une conférence sur le "Surhomme de Nietzsche". [Source : www.mollat.com]
Je vous rappelle qu'en cliquant sur le "cercle - podcast" vous pouvez télécharger le fichier mp3 de la conférence.
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25/04/2011
Nietzsche on Hardship
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Désolé pour ceux qui ne maîtrisent pas la jactance de l'english... mais ce reportage en vaut la peine... Le point de vue de Nietzsche sur l'échec, l'épreuve et la détresse...
Partie 01/03
Partie 02/03
Partie 03/03
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31/01/2011
L'Individuum
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« Dans la glorification du "travail", dans les infatigables discours sur la "bénédiction du travail", je vois la même arrière-pensée que dans les louanges des actes impersonnels et conformes à l’intérêt général : la crainte de tout ce qui est individuel. On se rend maintenant très bien compte, à l’aspect du travail - c’est-à-dire de ce dur labeur du matin au soir - que c’est là la meilleure police, qu’elle tient chacun en bride et qu’elle s’entend vigoureusement à entraver le développement de la raison, des désirs, du goût de l’indépendance. Car le travail use la force nerveuse dans des proportions extraordinaires, et la soustrait à la réflexion, à la méditation, aux rêves, aux soucis, à l’amour et à la haine, il place toujours devant les yeux un but minime et accorde des satisfactions faciles et régulières. Ainsi, une société où l’on travaille sans cesse durement, jouira d’une plus grande sécurité : et c’est la sécurité que l’on adore maintenant comme divinité suprême. - Et voici (ô épouvante !) que c’est justement le "travailleur" qui est devenu dangereux ! Les "individus dangereux" fourmillent ! Et derrière eux il y a le danger des dangers - l’individuum ! »
Friedrich Nietzsche, Aurore
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Oisiveté
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« Il y a une sauvagerie toute indienne, particulière au sang des Peaux-Rouges, dans la façon dont les Américains aspirent à l’or ; et leur hâte au travail qui va jusqu’à l’essoufflement - le véritable vice du nouveau monde - commence déjà, par contagion, à barbariser la vieille Europe et à propager chez elle un manque d’esprit tout à fait singulier. On a maintenant honte du repos ; la longue méditation occasionne déjà presque des remords. On réfléchit montre en main, comme on déjeune, les yeux fixés sur le courrier de la Bourse, - on vit comme quelqu’un qui craindrait sans cesse de « laisser échapper »quelque chose. "Plutôt faire n’importe quoi que de ne rien faire" - ce principe aussi est une corde propre à étrangler tout goût supérieur. Et de même que toutes les formes disparaissent à vue d’œil dans cette hâte des travailleurs, de même périssent aussi le sentiment de la forme, l’oreille et l’œil pour la mélodie du mouvement. La preuve en est dans la lourde et grossière précision exigée maintenant partout, chaque fois que l’homme veut être loyal vis-à-vis de l’homme, dans ses rapports avec ses amis, les femmes, les parents, les enfants, les maîtres, les élèves, les guides et les princes, - on n’a plus ni le temps, ni la force des cérémonies, pour la courtoisie avec des détours, pour tout esprit de conversation, et, en général, pour tout otium. Car la vie à la chasse du grain force sans cesse l’esprit à se tendre jusqu’à l’épuisement, dans une constante dissimulation, avec le souci de duper ou de prévenir : la véritable vertu consiste maintenant à faire quelque chose en moins de temps qu’un autre. Il n’y a, par conséquent, que de rares heures de probité permise : mais pendant ces heures on est fatigué et l’on aspire non seulement à « se laisser aller », mais encore à s’étendre lourdement de long en large. C’est conformément à ce penchant que l’on fait maintenant sa correspondance ; le style et l’esprit des lettres seront toujours le véritable "signe du temps". Si la société et les arts procurent encore du plaisir, c’est un plaisir tel que se le préparent des esclaves fatigués par le travail. Honte à ce contentement dans la "joie" chez les gens cultivés et incultes ! Honte à cette suspicion grandissante de toute joie ! Le travail a de plus en plus la bonne conscience de son côté : le penchant à la joie s’appelle déjà "le besoin de se rétablir", et commence à avoir honte de soi-même. "On doit cela à sa santé" - c’est ainsi que l’on parle, lorsque l’on est surpris pendant une partie de campagne. Oui, on en viendra bientôt à ne plus céder à un penchant vers la vie contemplative (c’est-à-dire à se promener, accompagné de pensées et d’amis) sans mépris de soi et mauvaise conscience. - Eh bien ! autrefois, c’était le contraire : le travail portait avec lui la mauvaise conscience. Un homme de bonne origine cachait son travail quand la misère le forçait à travailler. L’esclave travaillait accablé sous le poids du sentiment de faire quelque chose de méprisable : - "le faire" lui-même était quelque chose de méprisable. "Seul au loisir (otium) et à la guerre (bellum) il y a noblesse et honneur" : c’est ainsi que parlait la voix du préjugé antique ! »
Friedrich Nietzsche, Le gai savoir, IV, § 329, Loisirs et oisiveté,
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17/01/2010
Humain tellement humain...
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« La démence, chez l’individu, est quelque chose de rare, - chez les groupes, les partis, les peuples, les époques, c’est la règle. »
Par delà le bien et le mal - Nietzsche
"L'homme a besoin de ce qu'il y a de pire en lui s'il veut parvenir à ce qu'il a de meilleur."
Ainsi parlait Zarathoustra - Nietzsche
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14/01/2010
Des hommes qui bénissent
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"Depuis que Dieu n'est plus, la solitude est devenue intolérable. Quand on ne trouve plus la grandeur en Dieu, on ne la trouve plus nulle part ; il faut la nier ou la créer."
"C'est la théologie qui a étouffé Dieu et la moralité la morale."
"Vous dites que Dieu se décompose en lui-même. Mais il ne fait que muer : il dépouille sa peau morale ! Vous le reverrez bientôt, par-delà le Bien et le Mal."
"D'hommes qui prient, nous devons devenir des hommes qui bénissent."
Bonne année 2010 à mes frères et soeurs qui suivent le calendrier Julien...
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19/12/2009
Par delà le bien et le mal de Nietzsche
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Partie 01/04
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28/10/2009
"Des Trois Métamorphoses", par Michael Lonsdale
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26/10/2009
"Ici Finit le Premier Discours de Zarathoustra", par Michael Lonsdale
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02-Ici Finit le Premier Discours de Zarathoustra.mp3
“Dieu est mort ! Dieu reste mort ! Et c’est nous qui l’avons tué ! Comment nous consoler, nous les meurtriers des meurtriers ? Ce que le monde a possédé jusqu’à présent de plus sacré et de plus puissant a perdu son sang sous notre couteau. — Qui nous lavera de ce sang ? Avec quelle eau pourrions-nous nous purifier ? Quelles expiations, quels jeux sacrés serons-nous forcés d’inventer ? La grandeur de cet acte n’est-elle pas trop grande pour nous ? Ne sommes-nous pas forcés de devenir nous-mêmes des dieux simplement — ne fût-ce que pour paraître dignes d’eux ?”
Nietzsche, Le gai savoir, aphorisme 125.
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24/10/2009
"Ainsi Parlait Zarathoustra, Prologue", par Michael Lonsdale
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14/08/2009
Le détournement de Nietzsche, par Michel Onfray
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11/08/2009
La Bibliothèque
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Nietzsche, cette pauvre idole crépusculaire selon certains, traînait avec lui une malle, lors de ces errances, avec quelques 1000 livres dedans.
De quoi en effet élaborer une philosophie de malade mental.
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07/06/2009
Ils sortent de leur caverne avec des airs terribles
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Je poste cet extrait de Nietzsche en songeant à mon ami Jean-Jacques L.
"Un Anglais moderne décrit de la façon suivante le danger que courent le plus souvent les hommes extraordinaires qui vivent dans une société médiocre : « Ces caractères exceptionnels commencent par être humiliés, puis ils deviennent mélancoliques, pour tomber malades ensuite et mourir enfin. Un Shelley n'aurait pas pu vivre en Angleterre et toute une race de Shelley eût été impossible. » Nos Hölderlin et nos Kleist, d'autres encore, périrent parce qu'ils étaient extraordinaires et qu'ils ne parvenaient pas à supporter le climat de ce qu'on appelle la « culture » allemande. Seules des natures de bronze, comme Beethoven, Gœthe, Schopenhauer et Wagner, parviennent à supporter l'épreuve. Mais chez eux aussi apparaît, dans beaucoup de traits et beaucoup de rides, l'effet de cette lutte et de cette angoisse déprimante entre toutes : leur respiration devient plus pénible et le ton qu'ils prennent est souvent forcé. Ce diplomate sagace qui n'avait vu Gœthe et ne lui avait parlé que superficiellement déclara à ses amis : « Voilà un homme qui a de grands chagrins ! » Gœthe interpréta ces paroles en traduisant : « En voilà un qui ne s'est épargné aucune peine ! » Et il ajoutait : « Si sur les traits de notre visage les traces de souffrances surmontées, d'actions accomplies ne peuvent s'effacer, il n'est pas étonnant que ce qui reste de nous et de nos efforts porte aussi ces traces. »
C'est là ce Goethe que nos philistins de la culture désignent comme le plus heureux des Allemands, pour démontrer leur affirmation que, quoi qu'on dise, il doit être possible de trouver le bonheur parmi eux. Ce disant ils ont l'arrière-pensée qu'il ne faut pardonner à personne qui, au milieu d'eux, serait malheureux et solitaire. C'est pourquoi, avec une grande cruauté, ils ont posé et expliqué pratiquement le principe que son isolement est la conséquence d'une faute secrète.
(...)
Partout où il y a eu des sociétés, des gouvernements puissants, des religions, des opinions publiques dominantes, bref, partout où il y eut jamais de la tyrannie, les philosophes solitaires ont été détestés ; car la philosophie ouvre aux hommes un asile où aucune tyrannie ne peut pénétrer, les cavernes de l'être intime, le labyrinthe de la poitrine, et c'est ce qui exaspère les tyrans. Voilà le refuge des solitaires, mais là aussi un grand danger les guette. Ces hommes, dont la liberté s'est réfugiée au fond d'eux mêmes, sont aussi condamnés à vivre extérieurement, à être visibles, à se faire voir ; ils ont d'innombrables relations humaines par leur naissance, leur milieu, leur éducation, leur patrie, par les circonstances du hasard et par l'importunité des autres ; on leur suppose d'innombrables opinions, parce que ces opinions sont les opinions dominantes ; toute mimique qui n'est pas une dénégation paraît être de l'approbation ; tout geste qui n'est pas un geste destructeur est interprété comme un consentement. Ils savent, ces solitaires et ces libres d'esprit, que sans cesse ils paraîtront, en une circonstance quelconque, différents de ce qu'ils sont ; tandis qu'ils ne veulent que la vérité et la loyauté, ils sont pris dans les mailles d'un réseau de malentendus, et leur désir ardent ne peut empêcher que leur moindre action s'enveloppe d'une nuée d'opinions fausses, d'adaptations, de demi-aveux, de silences discrets, d'interprétations erronées... Un voile mélancolique enveloppe alors leur front : car l'idée que la simulation est une nécessité paraît à de semblables natures plus détestable que la mort ; si leur amertume persiste ils accumulent au fond d'eux-mêmes une amertume qui menace de produire une explosion volcanique.
De temps en temps, ils se vengent de cette obligation de se cacher, de leur réserve forcée. Ils sortent de leur caverne avec des airs terribles ; leurs paroles et leurs actes sont alors des explosions et il arrive qu'ils succombent d'avoir été eux-mêmes. C'est ainsi que Schopenhauer vivait dangereusement. De pareils solitaires ont besoin d'aimer, ils ont besoin de compagnons devant lesquels il leur est permis d'être ouverts et simples comme devant eux-mêmes, en présence desquels cessent les convulsions des réticences et de la dissimulation. Enlevez ces compagnons et vous engendrez un danger croissant. Cette désaffection a fait périr Heinrich von Kleist et c'est le plus terrible antidote contre des hommes extraordinaires de les replonger ainsi profondément en eux-mêmes, de telle sorte, que leur retour à la surface est chaque fois semblable à une explosion volcanique. Pourtant il existe encore des demi-dieux qui sont capables de vivre dans, des conditions aussi abominables, de vivre même victorieusement ; si vous voulez entendre les chants solitaires d'un de ces demi-dieux, écoutez la musique de Beethoven."
Friedrich Nietzsche, Considérations inactuelles, Schopenhauer éducateur
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27/05/2009
Bien lire, c'est-à-dire lentement, profondément...
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"Non, nous n'aimons pas l'humanité ; mais, d'autre part, nous sommes bien loin d'être assez « allemands » au sens où le mot « deutsch » a cours aujourd'hui, pour nous faire les porte-parole du nationalisme et de la haine raciale, pour nous réjouir de l'infection nationaliste grâce à laquelle à présent les peuples en Europe se barricadent l'un contre l'autre et se mettent réciproquement en quarantaine. Nous sommes trop désinvoltes pour cela, trop malicieux, trop gâtés, mais aussi trop avertis, nous avons trop « voyagé » : nous préférons de beaucoup vivre sur les montagnes, à l'écart, « inactuels », dans les siècles passés ou à venir, rien que pour nous épargner la colère silencieuse à laquelle nous serions condamnés en tant que témoins d'une politique qui rend l'esprit allemand stérile en le rendant vaniteux, et qui de surcroît est une petitepolitique : pour que sa propre création ne se décompose pas aussitôt, ne lui faut-il pas la situer entre deux haines mortelles ? Ne faut-il pas qu'elle vise à éterniser le morcellement de l'Europe en petits Etats ?... Nous autres sans-patrie, nous sommes quant à la race et quant à l'origine, trop nuancés et trop mélangés, en tant que « hommes modernes », et par conséquent trop peu tentés de prendre part à cette débauche et à ce mensonge de l'auto-idolâtrie raciale qui aujourd'hui s'exhibe en Allemagne en tant que signe distinctif des vertus allemandes et qui chez le peuple du « sens historien » donne doublement l'impression de la fausseté et de l'inconvenance. Nous sommes, en un mot, - et ce sera ici notre parole d'honneur! - de bons Européens, les héritiers de l'Europe, héritiers riches et comblés, mais héritiers aussi infiniment redevables de plusieurs millénaires d'esprit européen." Friedrich Nietzsche, Le Gai savoir, "Nous autres « sans-patrie »"
"NE FRÉQUENTER PERSONNE QUI SOIT IMPLIQUÉ DANS CETTE FUMISTERIE EFFRONTÉE DES RACES !"
Friedrich Nietzsche, Oeuvres posthumes, trad. Bolle, éd. du Mercure de France, 1934, §858, p. 309.
"Bien lire, c'est-à-dire lentement, profondément, en regardant prudemment derrière et devant soi, avec des arrière-pensées, avec des portes ouvertes, avec des doigts et des yeux subtils..."
Friedrich Nietzsche, Aurore
Préface, §5
Malade de voir en certains lieux de la fumeuse réacosphère quelques crispés idéologiques citer Nietzsche à tout va sans l'avoir lu de bout en bout, c'est-à-dire, grosso modo de "La Naissance de la Tragédie" à "Ecce Homo" sans exception et, si possible, sans sauter de ligne. Mais il n'y a rien de neuf sous le soleil, Qohelet le dit si bien déjà...
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25/05/2009
"L'horreur et la majesté des exigences infinies, des significations infinies"
=--=Publié dans la Catégorie "Le Salut par les Juifs"=--=
et
=--=Publié dans la Catégorie "Friedrich Nietzsche"=--=
"Ce que l'Europe doit aux juifs ? Beaucoup de choses, bonnes et mauvaises, et surtout ceci, qui appartient au meilleur et au pire : le grand style dans la morale, l'horreur et la majesté des exigences infinies, des significations infinies, tout le romantisme sublime des problèmes moraux, et par conséquent ce qu'il y a de plus séduisant, de plus capiteux et de plus exquis dans ces jeux de lumière et ces invitations à la vie, au reflet desquels le ciel de notre civilisation européenne, son ciel vespéral, rougeoie aujourd'hui, peut-être de son ultime éclat. Nous qui assistons en artistes et en philosophes à ce spectacle, nous en sommes - reconnaissants aux juifs."
Friedrich Nietzsche, Par-delà Bien et Mal, (-250-, Peuples et Patries)
"Comment ? Vous avez choisi la vertu et les sentiments exaltés, et, en même temps vous lorgnez les privilèges des moins scrupuleux. - Mais, en choisissant la vertu,on renonce à tous les "privilèges"... (à l'intention d'un antisémite)"
Friedrich Nietzsche, Crépuscule des idoles, Maximes et traits §19
"Définition de l'antisémite : envie, ressentiment, rage impuissante comme leitmotiv de l'instinct, la prétention de l'« élu » : la plus parfaite manière moralisante de se mentir à soi-même - celle qui n'a à la bouche que la vertu et tous les grands mots. Et ce trait typique : ils ne remarquent même pas à qui ils ressemblent à s'y méprendre. Un antisémite est un juif envieux - c'est à dire le plus stupide de tous..."
Friedrich Nietzsche, (Fragments Posthumes)
"Croyez-moi : cette invasion répugnante de dilettantes rébarbatifs qui prétendent avoir leur mot à dire sur la "valeur" des hommes et des races, cette soumission à des "autorités" que toutes les personnes sensées condamnent d'un froid mépris ("autorités" comme Eugen Dühring, Richard Wagner, Ebrard, Wahrmund, Paul de Lagarde - lequel d'entre eux est le moins autorisé et le plus injuste dans les questions de morale et d'histoire ?), ces continuelles et absurdes falsifications et distorsions de concepts aussi vagues que "germanique", "sémitique", "aryen", "chrétien", "allemand" - tout ceci pourrait finir par me mettre vraiment en colère et me faire perdre la bonhomie ironique, avec laquelle j'ai assisté jusqu'à présent aux velléités virtuoses et aux pharisaïsmes des Allemands d'aujourd'hui. - Et, pour conclure, que croyez-vous que je puisse éprouver quand des antisémites se permettent de prononcer le nom de Zarathoustra ?"
Friedrich Nietzsche, Lettre à Theodor Fritsch du 29 mars 1887
"Et disons le tout d'abord à l'oreille des psychologues, à supposer que l'envie leur vienne d'étudier le ressentiment de plus près : c'est aujourd'hui chez les anarchistes et les antisémites que cette plante fleurit le mieux, ainsi qu'elle a toujours fleuri d'ailleurs, dans l'ombre, comme la violette, mais son odeur est différente." Friedrich Nietzsche, La généalogie de la morale, la "faute", la "mauvaise conscience", §11
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14/09/2008
Les moutons, les oies et les ânes...
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Trouvé ce texte du philosophe moustachu sur Theatrum Mundi qui m'a rappelé mes lointaines explorations qui ne demandent qu'à être reprises.
"La lutte contre l’Eglise est sans doute entre autres aspects – car elle signifie mille choses diverses – la lutte des natures plus vulgaires, plus légères, plus confiantes, plus superficielles contre la domination des hommes plus graves, plus profonds, plus contemplatifs, c’est-à-dire plus méchants et plus méfiants, qui furent longtemps à scruter avec une suspicion profonde la valeur de l’existence comme aussi leur propre valeur : le vulgaire instinct du peuple, sa joie sensuelle, son « bon cœur » s’insurgèrent contre eux. L’Eglise romaine tout entière repose sur la suspicion méridionale à l’égard de la nature humaine, et qui dans le Nord prêta toujours au malentendu : suspicion qui constituait pour le Midi européen l’héritage du profond Orient, de l’antique et mystérieuse Asie et de son esprit de contemplation. A lui seul le protestantisme est un soulèvement populaire en faveur des braves gens, ingénus, confiants, superficiels (le Nord montre toujours plus de bienveillance et de platitude que le Midi) ; mais ce fut la Révolution française qui remit enfin solennellement et sans réserve le sceptre au « brave homme » (au mouton, à l’âne, à l’oie, en un mot à tout ce qui est d’une irrémédiable platitude, à tout ce qui braille, qui est mûr pour la maison de fous des « idées modernes »)."
Nietzsche, Le gai savoir, fragment 350, traduction de Pierre Klossowski.
"Peut-être la vérité est-elle une femme qui a de bonnes raisons de ne pas vouloir montrer ses raisons." écrivait Nietzsche dans la préface de ce livre.
Nietzsche en 1868
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01/05/2008
Volonté de Liquidation
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Lamentables danses névrotiques sur le cadavre du philosophe, danses menées par le ressentiment et l'analyse aux grosses ficelles. Derrière le désir de mettre du poil à gratter sur les "nietzschéens de gauche" tels Deleuze, Foucault, ou plus récemment Onfray et Sollers, je devine par les citations, une fois de plus sorties de leur contexte, une volonté tenace de rendre définitivement Nietzsche infréquentable. Notre époque veut tout liquider. Nietzsche, Heidegger. Mais c'est elle-même qu'elle va finir par liquider. C'est la Volonté de Volonté qui finit toujours par se retourner contre elle-même. Quand la pulsion de vie se retourne contre la vie elle-même. J'insiste. Déjà, il y a une dizaine d'années était paru ce livre parfaitement ridicule, "Pourquoi nous ne sommes pas Nietzschéens" avec les Comte-Sponville et autre Luc Ferry.
Ce que souhaitent démontrer les pourfendeurs du philosophe moustachu, c’est que Nietzsche est irrécupérable, totalement. "Totalitairement" ai-je envie d'écrire.
Pourtant, celui qui a lu Nietzsche, et qui l'a bien lu, sait que de tous les philosophes, Nietzsche est probablement celui qui, n'épargnant personne, sollicite le moins l’appartenance, la soumission, la reconnaissance. Nietzsche est inclassable, intempestif et singulier. Nietzsche dérange encore en 2008, car il rend toute intention d'accord et de complicité impossible ou improbable.
Je songe à cette phrase de Philippe Sollers qui parlant à un journaliste Cubain entend celui-ci lui dire (je cite de mémoire) : "Nietzsche est considéré comme un penseur fasciste à la Havane." Moralité ? dit Sollers, nous sommes partout à Cuba.
Moi je n'ai qu'une seule chose à dire aux sinistres dégarnis du bulbe qui ne savent que pisser sur les tombes : celui qui n'a pas mesuré l'écart gigantesque qu'il y a entre la moustache de Hitler et celle de Nietzsche n'est pas digne d'ouvrir sa gueule à propos des abysses de Zarathoustra, de l'ironie d' "Ecce Homo", du soleil d' "Aurore" ou du "Gai savoir"...
France Culture : Les vendredis de la philosophie (6 octobre 2006) - Nietzsche toujours intempestif.mp3
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13/03/2008
Nietzsche, Un Voyage Philosophique
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"L’histoire intellectuelle de tous les temps, dans son immensité, n’offre aucun autre exemple de cette abondance, de cette extase aux épanchements enivrés, de cette fureur fanatique de la création; c’est seulement peut-être tout près de lui, et cette même année, dans la même région, qu’un peintre “éprouve” une productivité aussi accélérée et qui déjà confine à la folie: dans son jardin d’Arles et dans son asile d’aliénés, Van Gogh peint avec la même rapidité, avec la même extatique passion de la lumière, avec la même exubérance maniaque de création. A peine a-t-il achevé un de ses tableaux au blanc ardent que déjà son trait impeccable court sur une nouvelle toile, il n’y a plus d’hésitasion, de plan, de réflexion. Il crée comme sous la dictée, avec une lucidité et une rapidité de coup d’oeuil démoniaques, dans une continuité incessante de visions." ( "La lutte avec le démon - Nietzsche" Stefan Zweig )
« - Alors j'entrepris quelque chose qui ne pouvait être l'affaire de tout le monde : je descendis dans les profondeurs : je me mis à percer le fond, je commençai à examiner et à saper une vieille confiance, sur quoi, depuis quelques milliers d'années, nous autres philosophes, nous avons l'habitude de construire, comme sur le terrain le plus solide, - et de reconstruire toujours, quoique jusqu'à présent chaque construction se soit effondrée : je commençai à saper notre confiance en la morale. [...] En nous s'accomplit, pour le cas où vous désireriez une formule, - l'autodépassement de la morale.» Friedrich Nietzsche - "Aurore" (Avant-propos)
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06/12/2007
Réponse à Camuray... à propos de Nietzsche.
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Il y a 3 jours de ça, un certain Camuray m'a laissé le commentaire qui suit à propos d'une ancienne note datant de juin 2007 :
"J'aime vos articles, vos idées "politiquement-incorrectes" et les références dont vous usez constamment.
Néanmoins, je vous trouve toujours ça et là quelques points d'égarement dans vos pertinentes analyses, et je me trouve quelques points de désaccord avec vos interprétations ; en l'occurrence, pour ce qui concerne cet article, vos interprétations nietzschéennes.
D'abord, vous dites que le Maître ne cherche pas à dominer l'homme mais à l'éclairer ; or je vous laisse apprécier cet extrait d'un texte de Marc Sautet (spécialiste de Nietzsche) :
"Affirmer que le puissant ne peut désirer dominer puisqu'il est par définition puissant, pas plus que l'être vivant ne peut désirer vivre puisqu'il vit, ce n'est guère plus que jouer sur les mots.
Car enfin on peut perdre la vie ; ne peut-on perdre le pouvoir ? Qu'est la puissance sans le pouvoir ? Qu'est la puissance sans la domination ? Qu'est "la force" sans ce qu'elle peut ?
[...]
Il est tout de même scabreux de faire comme si Nietzsche ne parlait pas de domination sur l'autre, et par conséquent de "pouvoir" lorsqu'il parle de Wille zur Macht."
Par ailleurs, Nietzsche ne cesse dans ses écrits polémiques de justifier l'existence d'esclaves, déclarant que ce système de vie est la condition de toute grande civilisation.
Ensuite, il me semble erroné d'affirmer que Nietzsche appelle "hommes supérieurs" l'élite qui nous gouverne ; les hommes supérieurs sont au contraire la perle de l'humanité, que Zarathoustra, certes, en tant que véritable Surhomme, ne peut s'empêcher de moquer légèrement ; mais qui restent les représentants de l'élite humaine telle que Nietzsche la conçoit.
Enfin, l'esprit de Nietzsche est rempli de nuances ; et son amour pour les juifs a parfois ses retenues. (retenues pouvant facilement être assimilées, avec quelque malveillance, pour une véritable aversion). Je vous laisse juger de ce passage :
"Rome contre la Judée, la Judée contre Rome. - Il n'y eut point jusqu'à ce jour d'évènement plus considérable que cette lutte, ce point d'interrogation, cette contradiction mortelle. Rome sentait dans le Juif quelque chose comme la contre-nature même, un monstre placé à son antipode : à Rome, on considérait le Juif comme "un être convaincu de haine contre le genre humain" : avec raison, si c'est avec raison que l'on voit le salut et l'avenir de l'espèce humaine dans la domination absolue des valeurs aristocratiques, des valeurs romaines."
J'ai d'autres extraits, peut-être plus convaincants. Mais je laisse cela à plus tard ; je suis fatigué et vous souhaite le bonsoir.
Ecrit par : Camuray | 02.12.2007
Vous pouvez voir la note à laquelle Camuray réagit==> ICI.
Comme ma réponse est assez dense, malgré un style spontané, j'ai pris la décision de la présenter sous forme de Note... même maladroite. Elle fait également résonance avec ma note "Esclaves".
Allons donc, Camuray, vous allez y aller, vous aussi, de votre lecture littérale, sortant les passages de leur Corpus, les effluves verbales détournées de leurs cibles pour tout prendre au pied de la lettre et comme dans la Bible piétiner l’esprit du penseur en prenant tout au mot à mot, pour ne pas dire aux maux des mots. Les derniers à avoir fait ainsi se nommaient Hitler, Mussolini, Goebbels, Hess et les résultats sont connus de tous. Montagne de chair et de sang de quelque 60 000 000 de cadavres. Ou alors vous pouvez faire comme Comte-Sponville et Ferry et clamer « Pourquoi nous ne sommes pas nietzschéens ? ». Bêtise.
Il convient de replacer les fulgurances nietzschéennes dans le Bloc mouvant de sa pensée. Lorsque Nietzsche critique radicalement le Judaïsme, cher Monsieur, au scalpel, c’est en psychologue des affaires religieuses qui ont contribué à nous fonder, voyez-vous, dans le passage que vous évoquez, il procède hiérarchiquement par opposition critique, Rome (qui ne le laisse pas indifférent, lui qui a coupé court ses liens avec la « moraline »< protestante) contre la Judée, mais il ne s’en prend nullement, aucunement, en rien au peuple juif lui-même. Il faut savoir que son exigence vis-à-vis d’autrui, il l’oriente avant tout contre lui-même dans un premier temps et au final il n’épargne pas du tout le peuple allemand (précisant « D'autre part, je suis peut-être plus allemand que ne sauraient encore l'être ceux d'aujourd'hui, simples Allemands de l'Empire, moi qui suis le dernier Allemand antipolitique ».)et en vient à regretter de n’être pas né français et d’écrire dans la même langue que Montaigne ou La Rochefoucauld. « Le casque à pointe allemand » n’est pas de son domaine, ni « la bête à corne nationaliste ». Il critique le Judaïsme avec la même violence qu’il critique le Christianisme. Voyez « L’Antéchrist » ou « La Généalogie de la Morale » ou ni le judaïsme, ni le christianisme ne sont épargnés.
En outre, ne vous en déplaise, votre lecture ayant distordu ses postulats, il fait l’éloge des Juifs en tant que peuple (« peuple aristocratique par excellence ») sur des pages entières dans « Par-delà Bien et Mal » et stigmatise littéralement les antisémites qui sont, alors, une force émergeante en Allemagne. Je ne vais pas vous citer ici les passages en question, les réservant, pour très bientôt, pour ma catégorie « Le Salut par les Juifs ».
Je ne me suis égaré en rien, chacun de mes retours à l’œuvre de ce penseur étant, pour moi, un enrichissement supplémentaire et une redécouverte toujours plus étayée quant à sa pensée nullement arrêtée, comme votre commentaire le laisse entendre, mais nettement « perspectiviste ». Son « Wille Zur Macht » n’est pas « Volonté de Puissance » mais bien « Volonté Vers la Puissance » non figée, possible non dans la sclérose d’un pouvoir dominateur, mais dans l’ascèse joyeuse qui tend à éduquer et domestiquer les instincts.
Et c’est là que se situe sa scission entre maître et esclaves, et entre « Surhomme » et « Hommes supérieurs ». Mais il faut avoir ruminé ces notions durant quelque temps avant que la cervelle ne se disloque vers la lumière de la compréhension. Le « Will Zur Macht » souffre encore de sa première traduction, traduction qui plus est d’une œuvre montée de toute pièces par la poufiasse de sœur du philosophe. On souffre de le savoir pris en charge par cette sangsue au moment du foudroiement ultime, cette mégère mal baisée, qui de sa propre main (les travaux des philosophes Colli et Montinari l’ont montré) a falsifié la lumière du visionnaire. Cela participe d’une grande lourdeur que de nier l’évidence pour qui sait lire. Et avez-vous, Camuray, ouvert tous ses livres, disons au moins de « La Naissance de la Tragédie » à « Ecce Homo » en en savourant les invectives et en faisant la guerre à vous-même au fur et à mesure que les vérités acides apparaissaient, puis se faisant plus douces à mesure que la compréhension émergeait des eaux sombres de l’Être ? « Le cul de plomb, je le répète, c'est le vrai pêché contre l'Esprit. » affirme notre moustachu dans « Ecce Homo ». En peu de mots, Camuray, savez-vous lire ? Et je dis ça sans méchanceté aucune. Je vous titille autant que vous avez tenté de me titiller avec votre commentaire.
Maîtres ? Esclaves ? Nietzsche s’interdit le mépris de la Nature. Il désire tenir compte du « sens de la terre ». La Volonté de Puissance (« Zur Will Macht ») dans les multiples formes qu’elle prend, par lesquelles elle se manifeste, nous indique qu’il n’y a pas d’absurdité dans la sphère de la nature. Il faut s’appeler Sartre pour le croire, ou être jeune et enflammé sous tentation Nihiliste. Chose courante en nos temps post-modernes même pour des adultes suçant leur pouce. C’est à croire que nous ne sommes même plus au temps du dernier homme, mais au règne du premier homme totalement inversé. À vomir.
La Nature dans sa prodigalité dionysiaque sait être aussi apollinienne. Comme si une Raison Supérieure, une « Grande Raison », Nietzsche le note en maints endroits, mais je n’ai pas le temps d’aller fouiner, je ramasse mes forces pour vous répondre et, vu mon état physique, cela tient déjà du miracle. Chaque organisme est admirablement constitué en sa structure interne se déployant de l’intérieur vers l’extérieur, de l’extérieur vers l’infiniment petit interne. Chaque organisme est parfaitement hiérarchisé par rapport aux autres organismes. La formation, la constitution, l’évolution, même de l’organisme le plus humble, sont présidés par un Ordre dont la Volonté de Puissance est l’expression la plus élémentaire. La fleur n’a de sens que se déployant vers le Soleil et l’individu n’a de sens que dans l’expansion qu’il a sur l’Univers.
Mais pour avoir une expansion digne de ce nom, il faut commencer par soi-même. L’intelligence qui nous couronne, Camuray, nous indique le chemin de l’ascèse jubilatoire, de « La Sculpture de Soi » dirait le controversé Michel Onfray. Cette « Grande Raison » qui s’insinue mêmes dans « le corps, cette raison supérieure » est garante d’harmonie et de Beauté, de perfection que Nietzsche décèle dans l’acte innocent et instinctif, tandis que l’intellect raisonnable conduit souvent paradoxalement à la barbarie. D’où le rejet de Nietzsche de toute condamnation morale de l’instinct.
Dans son œuvre en chantier devenue par les manipulations de sa sœur « La Volonté de Puissance » Nietzsche notait : « Il doit y avoir de la beauté dans le moindre phénomène intérieur au corps ; toute beauté de l’âme n’est qu’un symbole et une vue superficielle à côté de cette foule d’harmonies profondes. » Nietzsche, ici, condamne la lecture que le christianisme fait de la pulsion instinctive. Du moins, il manque de nuances, car c’est la lecture qu’un christianisme déjà dégénéré en son temps (que dirait-il aujourd’hui après Vatican II ?) fait de la pulsion instinctive. Car la Bible nous invite bien à diviniser également nos instincts et non pas à les nier, mais ceci est un autre débat concernant un monument qu’on a également bien trop souvent pris au pied de la lettre en en piétinant l’Esprit, toutes confessions confondues.
Toujours dans « La Volonté de Puissance » : « L’intolérance de la morale est une expression de la faiblesse de l’homme ; il craint sa propre "immoralité", il a besoin de nier ses instincts les plus forts parce qu’il ne sait pas les employer. »
Nous voici, très précisément, chez les esclaves.
Esclave celui qui procède ainsi, se niant lui-même dans une auto-castration qu’il croit souveraine et qui ne l’est nullement.
Esclave celui qui par son nombre domine vraiment les rares, les élus, les forts qui au milieu de la fourmilière n’ont de prise sur rien si ce n’est sur eux-mêmes.
Esclaves les « contempteurs du corps » qui souhaitent au plus fort d’eux-mêmes rendrent malades, faibles et autant soumis qu’ils le sont eux les forts, les vrais justes, les vivants, pour le dire en un mot, les maîtres. Car ceux-là sont exactement des maîtres du fait qu’au fil de leurs jours ils oeuvrent à se maîtriser d’avantage, à repousser plus loin leurs limites, à déployer plus judicieusement leurs forces, guidés par un principe qui aborde le problème essentiel de l’éducation des instincts conformément aux impératifs de la plus saine psychanalyse, car il ne convient nullement de mater les instincts juste pour les soumettre, encore moins de les extirper, de les anéantir, mais au contraire, fût-ce en les fléchissant provisoirement sous l’assujettissement d’un ordre intransigeant, il convient de les embellir, de les sculpter, de les façonner, de les diviniser avec assurance. Ainsi la simple pulsion sexuelle, pour ne prendre que cet exemple, peut devenir érotisme, jeu innocent, hédoniste et vivifiant, sacre de la chair et non stupide purge consumériste.
Une fois ce dressage accompli vient la joyeuse liberté de l’homme maître de lui-même, et forcément, par extension, maître des autres, non dans le sens où il les dominerait tyranniquement, mais simplement parce que sa compréhension du monde lui donne une lecture de l’existence plus profonde et hiérarchisée jusque dans ses nuances les plus délicates. L’indépendance gaillarde, l’ami, de l’homme enfin rendu à lui-même, et dont les instincts s’harmonisent entre eux et agissent spontanément pour le guider dans la direction où va le meilleur de lui-même.
Il convient à celui qui parvient à une certaine maîtrise de ses instincts, qui « entre en possession du sol le plus fécond » de jeter dans ce terrain « la semence des bonnes œuvres spirituelles » sinon toutes sortes de « mauvaises herbes » et de « diableries » se mettront à y foisonner. Car si l’instinct n’est pas sublimé comme il se doit de l’être, c’est un comportement d’esclave inconscient de l’instinct qu’il a juste étouffé qui s’en viendra réclamer « grossièrement et avidement un morceau d’esprit ». Regardez les larmoyantes révoltes de notre temps, les gesticulations meurtrières des lascars de nos cités malades. On en est là. Révoltes d’esclaves avec des idées d’esclaves, soumis par d’autres esclaves se prenant pour des maîtres et qui ne sont, au mieux, que des « hommes supérieurs » (Alexandre le Grand, Louis XIV, Napoléon) mais en aucun cas des « surhommes », la plupart du temps des nains, vraiment.
La lecture que fait Nietzsche des Maîtres et des Esclaves au cours de l’histoire politique et/ou philosophique de l’humanité a un but bien précis : tirer des figures typologiques du maître et de l’esclave tels qu’ils s’illustrent au cours du temps.
Et que disent ces figures typologiques ? Simplement que les uns sont réactifs et les autres actifs. Vous devinez, j’espère, ici, que les réactifs sont les esclaves et les actifs les maîtres. Dans sa « Généalogie de la Morale » il aborde ce continent de la réflexion avec les instruments nécessaires : pincettes, scalpels et… marteau ! Le maître n’a pas besoin de se définir comme supérieur à l’esclave. Il l’est simplement. Voilà. Ce n’est pas une histoire de comparaison. Il est l’incarnation des forces actives qui ont fait le ménage dans leurs réactions épidermiques. D’où le malaise que j’éprouve toujours lorsque l’on vient à me traiter de « réactionnaire », car j’ose toujours espérer que mon parcours ne s’inscrit pas uniquement dans une vocifération des aigreurs, mais tente une construction de soi plus en accord avec cette « Grande Raison » que j’évoquais plus haut. Le maître et l’esclave, chez Nietzsche, ne sont pas comme chez Hegel, attachés l’un à l’autre. Dans l’irruption de sa philosophie en tant que telle il n’est pas question de ça. Ils sont des antinomies, pour être plus précis. Là où le réactif va geindre sans cesse, l’actif va chercher à se dépasser toujours plus, à supporter ce qui est avec une abnégation joyeuse plutôt qu’avec une résignation ravalée. L’un est plein de ressentiment et de haine. L’autre, ces sentiments lui sont inconnus, ou alors il se soigne. Comme le dit Nietzsche dans « Ecce Homo », il est un décadent, certes, mais il est aussi son contraire radical. Ayant la décadence en sa conscience il met en œuvre une discipline et une lecture de soi et du monde qui va lui permettre de se délester toujours plus du poids qui l’empêche de marcher avec droiture et de danser avec légèreté. « Une manifestation naturelle de la force, sans arrière-pensée » qui entreprend ce qu’il y a à entreprendre instinctivement, avec confiance, en acceptant, en disant « oui » à ce qui est. Sa supériorité et sa fierté sont gages de Bonheur.
L’esclave est l’inversion, l’opposé, le contraire de ça. Il est faible mais voudrait être aussi fort que le maître, n’y parvenant pas, bien entendu, il en nie les valeurs, ou plutôt les inverse. Il aimerait être aussi confiant que le maître et s’aimer tout autant que le maître s’aime. « Aimer les autres comme soi-même » nous invite la bible. Oui, il faut d’abord s’aimer soi-même pour pouvoir aimer les autres et non pas se haïr de toutes ses forces introverties tout en clamant qu’on aime les autres. Cet « amour du prochain » est une illusion néfaste dont se détourne Nietzsche et, à bien y réfléchir, il n’a rien à voir avec la Bible non plus. L’esclave en est, un esclave, non à cause de l’Ombre menaçante du maître, mais parce qu’il ne parvient pas être autre chose.
Esclave de ses passions, de ses pulsions, de ses fantômes familiaux, de ses peurs, de ses doutes, de sa haine. Alors les faibles se regroupent entre eux, entre semblables, pour faire corps, pour faire masse et se croire plus forts. Et cultiver entre eux, car ça les rassure, le sentiment de vengeance, le désir de vengeance. Car ça fait bander. L’esclave étant vindicatif, hostile, même si le maître ne cherche pas à lui mettre des bâtons dans les roues, même s’il cherche à l’éclairer, sa simple Puissance suffit à rendre l’esclave déprimé de jalousie. Là où le maître habite littéralement sa Vie, l’esclave subsiste. Plus un individu habite sa Vie, plus il tend vers la maîtrise. Moins il l’habite plus il tend vers la soumission. C’est une école de toute une vie. Pas une solution que l’on obtient par un claquement de doigts. Le maître ne se pose pas des questions inutiles. Il se pose les bonnes questions. Non pas : qu’est-ce qui est bon ? et qu’est-ce qui est mal ? Mais plutôt : pourquoi ceci est bon ? pourquoi ceci est mal ? Face aux rages de dents ambiantes, le maître sait, du coup, être superficiel. Dandy. Soigner la forme sans négliger le fond. Et soigner à tel point la forme, parfois, qu’il y accordera une importance précise mais nonchalante et détachée. Alors que l’esclave, de toute la force de son incapacité à penser va élaborer les théories les plus aléatoires pour tenter de se sortir de sa condition dont il ne mesure aucunement le poids authentique. Et tout cela sera dirigé par l’instinct de vengeance.
La Force de l’esclave est dans sa faiblesse. Encore une antinomie nietzschéenne. L’esclave peut en arriver à acquérir de la profondeur, mais de la profondeur sombre et néfaste, là où le maître demeure en surface, dans une incarnation sûre d’elle qui est simple affirmation. L’Esclave devient, alors, ce que Nietzsche nomme « un animal intéressant » car sa pensée se déploie tant bien que mal. Et lorsque les hasards de la Vie et de l’Histoire propulsent l’Esclave vers de hautes fonctions, surtout au sein des sociétés démocratiques, il garde en lui toutes les caractéristiques que je viens de décrire et qui font de lui, envers et contre tout, un esclave dont les cheveux se hérissent au moindre cliquetis de ses propres chaînes.
Et, bien entendu, le maître comme l’esclave ne sont, ni l’un ni l’autre, tributaires d’une caste de sang, d’argent ou de misère. Seul l’esprit, ici, compte et mène la danse.
Voici l’Homme, oui voici le Maître : « La grandeur de l'homme s'exprime dans son amor fati, voilà ma formule ; ne pas demander de changement, ni au passé, ni à l'avenir, ni à l'éternité. II ne faut pas se contenter de supporter ce qui est nécessaire, - il faut encore moins le cacher, tout idéalisme est mensonge en face de la nécessité, il faut l'aimer. » (Ecce Homo)
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14/06/2007
La Paix ?
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Dans Nietzsche encore. Ce superbe Texte qui exige qu’au bout de l’Horreur, la paix soit encore trouvée. Mais c’est toujours sous le couvert d’une Aristocratie que cette Paix pourra être trouvée...
Car la foule lâchée sans bride ne peut que semer confusion et massacres.
« Beaucoup trop d'hommes viennent au monde : l'Etat a été inventé pour ceux qui sont superflus. »
Friedrich Nietzsche
« L'homme a besoin de ce qu'il y a de pire en lui s'il veut parvenir à ce qu'il a de meilleur. »
Friedrich Nietzsche
L’Homme se doit d’être dépassé ! Il se doit de se dépasser.
« L'homme est une corde tendue entre l'animal et le Surhomme, une corde au-dessus d'un abîme. »
Friedrich Nietzsche
Et bien-sûr cet abîme est plus qu’inquiétant.
Dans ce livret paru il y a à peine une petite poignée d’années et regroupant des bribes attribuées à Nietzsche dans sa période de Folie durant les 11 dernières années de sa vie, il y a cette phrase comique mais saisissante : « La foule est une somme d'erreurs qu'il faut corriger. » Friedrich Nietzsche, Mort parce que bête
Donc, ce texte dont je parlais à l'ouverture de ma note, le voici, à l’heure où l’Irak est ensanglanté par la force de frappe Américaine :
« Aucun gouvernement n'avoue aujourd'hui qu'il entretient son armée pour satisfaire à l'occasion ses envies de conquête. L'armée doit, au contraire, servir à la défense. Pour justifier cet état de choses, on invoque une morale qui approuve la légitime défense. On se réserve ainsi, pour sa part, la moralité, et on attribue au voisin l'immoralité, car il faut imaginer celui-ci prêt à l'attaque et à la conquête si l'État dont on fait partie doit être dans la nécessité de songer aux moyens de défense. De plus on accuse l'autre qui, de même que notre État, nie l'intention d'attaquer et n'entretient, lui aussi, son armée que pour des raisons de défense. pour les mêmes motifs que nous, on l'accuse, dis-je, d'être un hypocrite et un criminel rusé qui voudrait se jeter, sans aucune espèce de lutte, sur une victime inoffensive et maladroite. Dans ces conditions, tous les États se trouvent aujourd'hui les uns en face des autres ; ils admettent les mauvaises intentions chez le voisin et se targuent de bonnes intentions. Mais c'est une inhumanité aussi néfaste et pire encore que la guerre, c'est déjà une provocation et même un motif de guerre, car on prête l'immoralité au voisin et, de ce fait, on semble appeler les sentiments hostiles. II faut renier la doctrine de l'armée conçue comme moyen de défense tout aussi catégoriquement que les désirs de conquête. Et viendra peut-être le jour grandiose où un peuple, distingué dans la guerre et la victoire, par le plus haut développement de la discipline et de l'intelligence militaires, habitué à faire les plus lourds sacrifices à ces choses, s'écriera librement : " Nous brisons l'épée ! " - détruisant ainsi toute son organisation militaire jusqu'en ses fondements. Guidé par l'élévation du sentiment, se rendre inoffensif, tandis qu'on est le plus redoutable - c'est le moyen d'arriver à la paix véritable qui doit toujours reposer sur une disposition d'esprit paisible, tandis que ce que l'on appelle la paix armée, telle qu'elle est pratiquée maintenant dans tous les pays, répond à un sentiment de discorde, à un manque de confiance en soi et dans le voisin et empêche de déposer les armes, soit par haine, soit par crainte. Plutôt périr que de haïr et que de craindre, et plutôt périr deux fois que de se laisser haïr et craindre, - il faudra que cela devienne un jour la maxime supérieure de toute société établie ! - On sait que nos représentants du peuple libéraux manquent de temps pour réfléchir à la nature de l'homme : autrement, ils sauraient qu'ils travaillent en vain s'ils s'appliquent à une diminution graduelle des charges militaires. Au contraire, ce n'est que lorsque ce genre de misère sera le plus grand que le genre de dieu qui seul puisse aider sera le plus près. L'arbre de la gloire militaire ne pourra être détruit qu'en une seule fois, par un coup de foudre : mais la foudre, vous le savez, vient des hauteurs. »
Friedrich Nietzsche, « Le voyageur et son ombre », aphorisme 284
Et j'y rajoute ce qui suit...
« La perspective certaine de la mort pourrait mêler à la vie une goutte délicieuse et parfumée d'insouciance - mais, âmes bizarres d'apothicaires, vous avez fait de cette goutte un poison infect, qui rend répugnante la vie toute entière ! » Friedrich Nietzsche
Voici, ami lecteur, amie lectrice, le philosophe que l’on fait encore passer pour le précurseur du Nazisme !
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29/01/2007
Esclaves
=--=Publié dans la Catégorie "Friedrich Nietzsche"=--=
"Nous autres modernes avons sur les Grecs l'avantage de posséder deux concepts qui nous servent en quelque sorte de consolation face à un monde où tous se conduisent en esclaves et où pourtant le mot fait reculer d'effroi:nous parlons de la dignité de l'homme et de la dignité du travail. Tous s'échinent à perpétuer misérablement une vie de misère, et sont contraints par cette effroyable nécessité à un travail exténuant, qu'ensuite l'homme, ou plus exactement l'intellect humain, abusé par « la volonté », regarde ébahi, par moments, comme un objet digne de respect. Or pour que le travail puisse revendiquer le droit d'être honoré, encore serait-il nécessaire qu'avant tout l'existence elle même, dont il n'est pourtant qu'un instrument douloureux, ait un peu plus de dignité que ne lui en ont accordé jusqu'ici les philosophies et les religions qui ont pris ce problème au sérieux. Que pouvons-nous trouver d'autre dans la nécessité du travail de ces millions d'hommes, que l'instinct d'exister à tout prix, ce même instinct tout puissant qui pousse des plantes rabougries à étirer leurs racines sur la roche nue! De cette épouvantable lutte pour l'existence, seuls peuvent émerger les individus qui seront tout aussitôt absorbés par les nobles et illusoires productions d'une civilisation artistique afin qu'ils ne parviennent surtout pas à un pessimisme dans l'action, que la nature abhorre en tant qu'il est véritablement contre-nature."
L'Etat chez les Grecs. Nietzsche
"Nous autres modernes avons sur les Grecs l'avantage de posséder deux concepts qui nous servent en quelque sorte de consolation face à un monde où tous se conduisent en esclaves et où pourtant le mot fait reculer d'effroi : nous parlons de la dignité de l'homme et de la dignité du travail."
Il faut bien noter ici le caractère ironique du propos de Nietzsche. Car s'il y a bien une chose que Nietzsche savait de par sa solide formation, c'est que les Grecs aimaient et appréciaient le travail, quel qu'il soit, et le travail bien fait... celui du guerrier comme celui du paysan. Par exemple, pour Hésiode, le poète Des Travaux et des Jours, le meilleur genre de vie, fort pénible peut-être, mais qui assure pleinement la dignité de l'homme Libre, est celui du paysan propriétaire qui trouve sur son domaine de quoi nourrir et vêtir lui-même et les siens, de quoi satisfaire à tous les besoins de sa famille. Impensable pour un grec du temps de Périclès de dépendre d'un autre pour subvenir à ses besoins. C'est là une condition d'esclave. L'esprit aristocratique naît au sein même du peuple producteur, pas seulement chez les guerriers et, sur ce point, cela n'a pu que contribuer à une unicité de l'esprit grec, donc du peuple grec, ainsi que des castes plus perméables qu'on ne le pense. L'Areté Grecque, vertu des vertus, permet de considérer l'œuvre de l'individu, fut-elle productive ou guerrière, comme un moyen pour lui de s'élever, de franchir des étapes, de s'améliorer et de prendre date avec soi-même. Ce que les grecs abominaient, c'est le travail lucratif, l'argent pour l'argent. Ils ont érigé une civilisation sur une terre rocailleuse et peu fertile dont il a fallu tirer par le sacrifice du travail et de l'effort les fruits providentiels.
D'où l'ironie de Nietzsche, car il a du lire (dans le texte... en grec ancien... philologue de formation...) Des Travaux et des Jours d'Hésiode, passage obligatoire pour tout hélleniste qui se respecte. Car, entre les lignes, nous assistons à quelque chose de plus clair lorsqu'il affirme :
"Tous s'échinent à perpétuer misérablement une vie de misère, et sont contraints par cette effroyable nécessité à un travail exténuant, qu'ensuite l'homme, ou plus exactement l'intellect humain, abusé par « la volonté », regarde ébahi, par moments, comme un objet digne de respect. Or pour que le travail puisse revendiquer le droit d'être honoré, encore serait il nécessaire qu'avant tout l'existence elle même, dont il n'est pourtant qu'un instrument douloureux, ait un peu plus de dignité que ne lui en ont accordé jusqu'ici les philosophies et les religions qui ont pris ce problème au sérieux. "
J'aime à rappeler que le point culminant de ce type de conception du travail, que Nietzsche dénonce clairement, se trouve à l'entrée de je ne sais plus quel camp de concentration immonde au frontispice du quel était inscrit : "Le travail rend Libre" ! On ne peut, du coup, que comprendre l'énoncé d'un Guy Debord qui plus de 10 ans avant Mai 68 inscrivait sur les murs : "Ne travaillez jamais !" Lui, qui n'a pas arrêté d'écrire, de tourner, de penser. C'est là l'oisiveté authentique.
Les différentes religions ou philosophies n'ont fait qu'entériner sans cesse une "malédiction" liée à "la chute originelle" en indiquant que cela était de l'ordre du devoir que de souffrir pour gagner notre pain à la sueur de notre front. Or, le travail devrait être une bénédiction. Mais même pour l'entrepreneur bourgeois du 19ème Siècle, il ne s'agit même plus d'être dans une bénédiction de l'action, la seule bénédiction qui vaille pour lui consiste à faire rentrer du fric, de la maille, du flouze, du pognon. C'est Marx, n'est-ce pas, qui a très bien analysé l'irruption du travail comme "valeur marchande" au 19ème Siècle. Fait nouveau qu'il assimile à un progrès, il ne faut pas l'oublier... ou alors il faut relire Le Capital.
Nietzsche regrette, en fait, que ce qui nous est présenté comme de la dignité et du respect n'est, en vérité, que de l'esclavage. On est tenus par les couilles pour subsister et subvenir à nos besoins essentiels. Nous dépendons bien d'un autre pour pouvoir bouffer et c'est, selon lui, et selon tous les grecs tant pré-socratiques que post-platoniciens... une triste condition d'esclave :
"Que pouvons-nous trouver d'autre dans la nécessité du travail de ces millions d'hommes, que l'instinct d'exister à tout prix, ce même instinct tout puissant qui pousse des plantes rabougries à étirer leurs racines sur la roche nue! De cette épouvantable lutte pour l'existence, seuls peuvent émerger les individus qui seront tout aussitôt absorbés par les nobles et illusoires productions d'une civilisation artistique afin qu'ils ne parviennent surtout pas à un pessimisme dans l'action, que la nature abhorre en tant qu'il est véritablement contre-nature."
L'artiste seul peut s'en tirer car par le biais de l'artifice il transforme la nature en oeuvre d'art. C'est peut-être une illusion mais cela lui donne la force de vivre.
Ce texte de Nietzsche, est un texte, je crois me souvenir, de jeunesse... corrigez-moi, si je me trompe... il a nuancé par la suite son propos en imaginant et "une Grande Politique" et "une Grande Santé", inextricablement liées l'une à l'autre qui auraient autorisé l'émergence d'hommes qui, guerriers, économistes, philosophes, prêtres, ingénieurs, hommes d'état, manuels, etc... auraient tous été à leur niveau des artistes. Ce qui aurait permis à la Vie d'être supportable et de grandir...
Histoire d'enfoncer le clou :
"Fi ! avoir un prix auquel on cesse d'être une personne pour devenir un rouage ! Etes-vous complices de la folie actuelle des nations qui ne pensent qu'à produire le plus possible et à s'enrichir le plus possible ? Votre tâche serait de leur présenter l'addition négative : quelles énormes sommes de valeur intérieure sont gaspillées pour une fin aussi extérieure ! (...) Voilà l'état d'esprit qu'il conviendrait d'avoir : les ouvriers, en Europe, devraient déclarer désormais qu'ils sont une impossibilité humaine en tant que classe, au lieu de se déclarer seulement, comme il arrive d'habitude, les victimes d'un système dur et mal organisé ; ils devraient susciter dans la ruche européenne un âge de grand essaimage, tel qu'on n'en a encore jamais vu, et protester par cet acte de nomadisme de grand style contre la machine, le capital et l'alternative qui les place aujourd'hui : devoir choisir entre être esclave de l'Etat ou esclave d'un parti révolutionnaire. "
Aurore, §200 Nietzsche
Nietzsche par Edvard Munch
Les grecs ne concevaient pas la Terre comme une vallée de larmes, mais il ne faut pas les imaginer insouciants et nonchalants face à la dureté de l'existence. À bien lire les textes anciens (j'ai lu l'année dernière "La Paideïa, formation de l'homme grec" par l'estimé philologue Werner Jaeger) on voit des grecs plutôt combatifs, estimant que la vie est dure, que nous ne sommes que des mortels, et qu'il nous faut nous retrousser les manches pour lui faire face, car les dieux sont impitoyables, ils se jouent de nous, s'amusent de notre sort, et le seul bien inaliénable que nous pouvons posséder et cultiver toute notre vie durant c'est la magnanimité de l'esprit aristocratique que l'on retrouve aussi bien chez Achille le guerrier que chez Hésiode le paysan, cette magnanimité par laquelle on domine un sort contraire. L'Homme plus fort que son Destin, c'est cela le dernier mot de la sagesse grecque... et c'est celle qui manque aux esclaves salariés que nous sommes aujourd'hui...
C'était ma parenthèse du jour... je retourne à mes lectures néfastes et mon écriture empoisonnée...
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03/12/2024
Masque
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