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07/01/2022

Le vin que, selon Alexandre Dumas, on devrait boire à genoux

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« Après un verre ou deux, je peux faire ce que nous devrions tous faire et dont seul l’orgueil nous empêche : me réjouir du succès de mes rivaux. Après tout, un monde avec du succès est meilleur qu’un monde qui en est privé et, sous l’effet du vin, tous les succès laissent leur empreinte sur le buveur. Le vin offre un aperçu du monde "sub specie aeternitatis" dans lequel les bonnes choses révèlent leur valeur, et peu importe à qui elles appartiennent.

L’Histoire est une de ces bonnes choses. Les dégustations à l’aveugle supposent que le vin s’adresse exclusivement aux sens et que la connaissance n’a aucune place dans sa dégustation. Penser que l’on peut apprécier un vin uniquement à son goût et à son arôme revient à penser que l’on peut apprécier un poème chinois à ses sonorités sans connaitre la langue. Tout comme les mots sonnent différemment pour celui qui connait leur sens, les vins n’ont pas le même goût pour celui qui peut les situer dans un lieu et une époque.

(…)

En d’autres termes, ma défense du terroir ne fait pas seulement référence à l’affleurement de calcaire bathonien sous le sol de marne de Montrachet. Elle inclut le duché de Bourgogne en tant que concept moral, le nom latin "Puliagnicus" et l’autre nom, Montrachet, dans lequel on ne prononce aucun des deux "t", et bien d’autres noms, Les Chalumeaux, Les Referts, Le Clos des Meix, les Folatières. Ces noms ne sont pas tant attribués par l’homme que découverts au cours de sa longue rencontre avec le sol. Cette défense inclut aussi les siècles de viticulture sous la surveillance attentive de l’abbaye cistercienne de Maizières ; elle inclut les vignobles, avec leurs murs de pierres sèches et leurs portes en bois, ainsi que le plateau de Mont Rachet qui capture toutes les gouttes de lumière depuis l’aube jusqu’au crépuscule. Tout cela, et plus encore, fait partie du vin que, selon Alexandre Dumas, l’on devrait boire à genoux, la tête découverte par déférence ; un vin qui est le concentré même de la vertu que les Grecs appelaient "aidôs", la reconnaissance sincère que l’autre est plus important que soi-même.

Ceux qui visitent la Bourgogne (y compris ceux qui, comme moi, la visitent simplement dans le verre) seront enchantés par ses villes médiévales et ses villages, par les monastères et les églises dont les ombres tombent sur le pays comme une bénédiction. Ils sentiront tout autour d’eux l’histoire et la religion qui ont fait des ducs de Bourgogne de si grands potentats médiévaux, et ils sauront que ce sol est un sol consacré : il a été béni, cajolé, prié par les moines pour qui le vin n’était pas seulement une boisson, mais un sacrement. Pendant des siècles, la Bourgogne a été le cœur de la mission chrétienne en Europe, avec l’ordre bénédictin à Cluny, et l’ordre cistercien à Cîteaux et Clairvaux. Même en cette époque sceptique, leur vin est pour les Bourguignons quelque chose de plus spirituel que végétal, et leur sol relève plus du céleste que du terrestre. »

Roger Scruton, Je bois donc je suis

 

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06/01/2022

Une grande réputation de légèreté, de persiflage, de méchanceté

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« Je me donnai bientôt, par cette conduite, une grande réputation de légèreté, de persiflage, de méchanceté. Mes paroles amères furent considérées comme des preuves d'une âme haineuse, mes plaisanteries comme des attentats contre tout ce qu'il y avait de plus respectable. Ceux dont j'avais eu le tort de me moquer trouvaient commode de faire cause commune avec les principes qu'ils m'accusaient de révoquer en doute : parce que sans le vouloir je les avais fait rire aux dépens les uns des autres, tous se réunirent contre moi. On eût dit qu'en faisant remarquer leurs ridicules, je trahissais une confidence qu'ils m'avaient faite. On eût dit qu'en se montrant à mes yeux tels qu'ils étaient, ils avaient obtenu de ma part la promesse du silence ; je n'avais point la conscience d'avoir accepté ce traité trop onéreux. Ils avaient trouvé plaisir à se donner ample carrière : j'en trouvais à les observer et à les décrire ; et ce qu'ils appelaient une perfidie me paraissait un dédommagement tout innocent et très légitime. »

Benjamin Constant, Adolphe

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05/01/2022

De redoutables obsessionnels

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« Lâcher prise, vivre dans l'instant présent : je connais cette antienne, et même si l'idée me semble juste j'ai remarqué qu'elle est souvent, et comme souvent les discours libertaires, défendue par de redoutables obsessionnels. J'ai remarqué aussi que le petit monsieur, si désireux de nous donner sa sérénité en exemple, accomplissait n'importe quelle tâche, saisir un bol par exemple, ou verser de la levure de bière dans sa soupe, avec deux fois plus de gestes qu'il n'aurait suffi. »

Emmanuel Carrère, Yoga

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04/01/2022

Dédommagement

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« Toute présence — si grande soit-elle — nourrit le rêve d’une absence équivalente, et tout ce qui est conspire à son image inversée. De l’univers entier nous extrayons encore l’idée de manque de toute chose, pour nous dédommager sur le plan logique de notre captivité dans l’être et de l’incapacité de notre coeur à ne pas dépendre du sang. »

« Tout ce qui naît de l'enthousiasme est erroné, et ce qui n'y prend pas sa source est négation de la vie »

Emil Cioran, Divagations

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03/01/2022

La tentation la plus profonde

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« Puisqu'il est impossible à l'humain de sauver l'humain, puisque l'homme est le plus grand ennemi de l'homme, une forme ou une autre de divinité restera toujours la tentation la plus profonde de la créature. »

« L'état de celui que ses semblables dégoûtent n'est comparable qu'à une nature qui renierait ses saisons. »

« De l'ennui, seul un miracle peut nous sauver. »

Cioran, Divagations

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02/01/2022

La tempête...

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« Une fois la tempête passée, tu te demanderas comment tu as fait pour survivre. Tu ne seras pas très sûr, en fait, qu'elle soit vraiment achevée. Mais sois certain d'une chose : une fois que tu auras essuyé cette tempête, tu ne seras plus le même. Tel est le sens de cette tempête. »

Haruki Murakami, Kafka sur le rivage

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01/01/2022

Le monde culturel obséquieux et complètement corrompu où chaque petite merde était à vendre

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« J’avais une chance de m’en sortir, c’était de couper tout lien avec le monde culturel obséquieux et complètement corrompu où chaque petite merde était à vendre, couper tout lien avec le monde creux de la télé et des journaux et m’isoler dans une pièce pour commencer à lire sérieusement, pas la littérature contemporaine mais celle d’une qualité supérieure, et puis écrire comme si ma vie en dépendait. Et volontiers pendant vingt ans s’il le fallait. »

Karl Ove Knausgård, Un homme amoureux

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27/12/2021

Mehdi Belhaj Kacem : "Un nouveau totalitarisme est en train de se mettre en place"...

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26/12/2021

Mehdi Belhaj Kacem : "Système du pléonastique"...

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Je suis loin d'être d'accord avec tout ce que dit Mehdi Belhaj Kacem... mais il faut de temps en temps penser contre soi-même à la condition que la pensée que l'on nous oppose soit digne d'arguments et nous révèle une intelligence vive. C'est le cas, ici, avec ce philosophe et écrivain.

 

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15/12/2021

Une seule résistance possible...

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« Nous avons compris depuis longtemps qu'il n'était plus possible de renverser ce monde, ni de le remodeler, ni d'arrêter sa malheureuse course en avant. Il n'y avait qu'une seule résistance possible : ne pas le prendre au sérieux. »

Milan Kundera, La fête de l'insignifiance

 

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14/12/2021

Une croyance

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« L'écologie aujourd'hui est une religion, une croyance. "Croyance" : non que le problème écologique actuel ne doive pas être considéré comme scientifiquement démontré; mais parce que ces certitudes scientifiques concernant le climat et l'écologie produisent des convictions et des certitudes irrationnelles, en réalité des croyances religieuses, nanties de toutes les manifestations de religion. Aujourd'hui l'écologie est devenue une liturgie : il est impossible d'omettre la question, d'une manière ou d'une autre, dans n'importe quel discours ou fragment de discours. C'est un catéchisme : on l'apprend aux enfants dès la Maternelle et de façon répétitive, pour leur faire acquérir les bonnes habitudes de penser et d'agir. »

Chantal Delsol, La fin de la chrétienté

 

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17/11/2021

Les journalistes...

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14/11/2021

Au cœur des forces spéciales avec un ex commando marine | Louis Saillans

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Un entretien passionnant !

 

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La culture sans la force cesse bientôt d'être une culture vivante

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« Churchill était là, massif, puissant et désinvolte. Après le repas, il me prit par le bras et m'entraîna :

— Et maintenant, Maurois, dit-il brusquement, il ne faut plus écrire de roman. Non !… Et il ne faut plus écrire de biographies. Non ! Je le regardais avec un peu d'inquiétude.
— Il ne faut plus, continua-t-il, écrire qu'un article par jour, le même chaque jour… Un article où vous direz, sous les formes les plus variées que vous pourrez imaginer, une seule chose : l'aviation militaire française, qui a été la première du monde, est en train de rétrograder au quatrième ou au cinquième rang… Voilà… Rien d'autre… Et si vous criez ces vérités à la France, et si vous vous faites entendre d'elle, vous aurez accompli une bien plus grande œuvre qu'en décrivant les amours d'une femme ou les ambitions d'un homme.
Je répondis que je n'étais pas du tout expert en aviation, que je n'avais aucune autorité pour en parler, que je ne serais pas écouté si je le faisais et que, pour ces raisons, malgré son conseil, je continuerai à écrire des romans et des biographies.
— Vous aurez tort, dit-il de sa voix ironique et un peu haletante, vous aurez tort. En ce moment, le danger que représente l'aviation allemande est le seul thème qui devrait intéresser un Français… Et d'ailleurs aussi un Anglais… Car votre pays et le mien risquent d'en mourir… La culture, la littérature, c'est très bien, mais la culture sans la force cesse bientôt d'être une culture vivante.

Je n'écrivis jamais, par modestie et incompétence, les articles que m'avait demandés Churchill et je n'ai cessé de le regretter. »

André Maurois, Choses nues

 

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11/11/2021

Les Conversations de Paul-Marie Coûteaux avec Eric Zemmour

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07/11/2021

OBERTONE - MARSAULT : LE LIVE CHOC !

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30/09/2021

"Le Cantique des cantiques" est-il le premier poème érotique ? (France Culture, 2020)

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28/09/2021

Zemmour, il y a 9 ans...

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A propos de Zemmour : je viens de revoir son interview dans l'émission "On n'est pas couché", il y a 9 ans, pour son livre "Le Bûcher des vaniteux".

C'est limite fascinant. Il n'y est ni malmené, ni vilipendé. Alors que ses idées étaient identiques. La trajectoire de sa réception jusqu'à aujourd'hui est passionnante...

 

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26/09/2021

Mathieu Bock-Côté face à Finkielkraut

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21/09/2021

Marsault, l'encre et le bazooka

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20/09/2021

Éric Zemmour en conférence à Toulon

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31/08/2021

Radioscopie (1979) : Marguerite Yourcenar

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30/08/2021

Marguerite Yourcenar - La condition féminine

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27/08/2021

L’Etat et le corps, un drôle de vieux couple

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Pour les opposants à la vaccination contre le covid-19, le corps semble être devenu un sanctuaire, sur lequel l’Etat ne doit pas exercer son autorité. Depuis fort longtemps, la question de l’intime face au collectif traverse les sociétés démocratiques.

Par Solange Bied-Charreton pour Marianne (27 août- 2 septembre 2021)

« Le vaccin obligatoire, c’est comme un viol. Une pénétration sans consentement » : c’est ce que l’on pouvait lire sur le compte Instagram de Mickaël Vendetta après l’annonce gouvernementale du 12 juillet à propos de l’extension du passe sanitaire. L’ancien candidat de « La ferme célébrités », émission de téléréalité des années 2000, ose tout, et c’est même à ça qu’on le reconnaît. Au reste, il n’est pas le seul. Nombre de manifestants ayant grossi les rangs du mouvement antipasse sont également de farouches opposants à la vaccinâtion contre le Vovid-19, les uns pointant un manque de recul sur son usage, les autres le fait d’une dictature sanitaire s’imposant aux corps des citoyens impuissants.
Mais attention aux polarisations faciles, aux manichéismes commodes. Si les oppositions entre pro et antivax ou passe se durcissent au fil des samedis de manif, une problématique hautement philosophique demeure : quel droit une autorité politique peut-elle exercer sur le corps de ses administrés ?
 « La souveraineté de l’Etat réside pourtant bien dans sa capacité à dicter la norme, rappelle Raphaël Doan, juriste, auteur du Rêve de l’assimilation (Passé composé, 2021), même s’il est utile de redire que dans les démocraties libérales contemporaines les hautes cours tendent à tempérer cette verticalité, en vue de la préservation des libertés individuelles. » Charge au Conseil constitutionnel d’introduire des garanties qui vont au-delà de la Constitution. Le « principe de fraternité » a, par exemple, vu le jour de cette manière, permettant de censurer une loi qui sanctionnerait l’aide aux migrants clandestins.  »Mais il arrive aussi que le Conseil constitutionnel vienne à renforcer le pouvoir de l’Etat », fait aussi remarquer Doan. Il en va ainsi de l’Objectif à valeur constitutionnelle de protection de la santé, brandi maintes fois depuis le début de la crise du Covid-19. Comme si, cette fois, on ne protégeait pas assez les corps, et qu’il fallait mieux veiller dessus. Pas si simple, donc.

Physique et juridique

A l’origine du droit romain, la persona, le « masque », qui n’est précisément pas le corps. C’est à elle, d’abord que s’adressent lois et obligations. Mais, bien souvent, la réalité juridique et la réalité physique sont une seule et même chose.
L’armée, donc l’Etat, peut par exemple recruter des soldats et les envoyer se faire tuer en opération extérieure. N’en déplaise à Mickaël Vendetta ou à Francis Lalanne, son pouvoir s’exerce aussi en matière de vaccination sur les mineurs. Mais pas uniquement : toujours à l’armée, au moment de l’incorporation, on procède à une mise à jour des vaccins ROR (rougeole, oreillons, rubéole), de ceux de l’hépatite B, du DIP (diphtérie, tétanos, poliomyélite + coqueluche), de la grippe et de la méningite. Avant projection (opérations extérieures ou affectations embarquées) s’ajoutent les vaccins de l’hépatite A, de la fièvre typhoïde, de la fièvre jaune. Inapte à l’engagement serait celui qui refuserait la vaccination. Sollicité à ce sujet pour les besoins de notre enquête, l’état-major des armées a botté en touchent estimant qu’elle relève « du domaine politique », une pusillanimité qui vient confirmer le caractère inflammable de la question vaccinale dans l’actualité, alors même que la Grande Muette rend public le calendrier vaccinale des recrues. Politique, le vaccin ?

La licité de l’obligation vaccinale est un vieux sujet. En pratique, il s’agit de proportionner la liberté individuelle à la réalité et à la gravité d’une maladie. C’est en vertu de ce savoir que l’individu est contraint par le pouvoir, Michel Foucault parlera même de « pouvoir savoir ». A la suite de Marx, le philosophe de la « French Theory » aura conceptualisé une histoire politique des corps traversée par les dominations (bourgeoisie, élite, Etat). Anne Bouillon, docteur en philosophie et auteure de Gilles Deleuze et Antonin Artaud : l’impossibilité de penser (L’Harmattan, 2016), fait la généalogie de cette violence exercée sur les êtres : « La société dont Platon parle est celle qui condamne Socrate, le plus divin des hommes, le plus sage, à mort, pour corruption de la jeunesse. Ironie des ironies, qui ne manquera pas de marquer toute la philosophie occidentale qui semble s’écrire sur son cadavre : le pouvoir politique s’exerce sur les corps pour contrôler les âmes. »
Existent, aujourd’hui, en droit, des principes d’inviolabilité et d’indisponibilité du corps humain : on ne massacre pas, on ne vend pas son corps ou une partie de son corps ou le corps des autres, pas plus qu’on ne saurait oblitérer la valeur du consentement libre et éclairé du soigné, évidemment sollicité dans le contexte de la vaccination contre le Covid et qui implique aussi un droit à l’information sur la nature des effets secondaires fréquents et graves.

Mais cela suffit-il à rendre le corps sacré ? Ce n’est pas évident. « Que nous soyons ou non croyants, notre corps a intégré les déterminismes judéo-chrétiens qui sont l’image du corps dans notre horizon culturel, le corps en gloire du Christ, l’eucharistie. Si le corps n’est pas sacré, déclare Anne Bouillon, il reste quand même difficile à nier que la représentation que nous en avons ne l’est pas. » Elle nous renvoie à Nietzsche dans « Ainsi parlait Zarathoustra » : « Corps je suis tout entier et rien d’autre, et âme n’est qu’un mot pour dire quelque chose dans le corps. » La personne c’est le corps !

 



Biopolitique

«  La notion de dignité de la personne est peut-être ce qui, du point de vue juridique, se rapproche le plus de la sacralisé du corps humain », fait remarquer Raphaël Doan. Et de nous rappeler l’existence de l’arrêt Commune de Morsang-sur-Orge, du 27 octobre 1995, sur l’interdiction du lancer de nains au nom de la dignité de la personne humaine, comprise ici comme composante de l’ordre public. Reste qu’entre le lancer de nains et la vaccination à ARN messager, il y a un monde. C’est ce que voudrait rappeler Tristan Claret-Trentelivres, ancien élève de l’ENA, qui voit dans la contestation antivaccin une expression exacerbée de l’individualisme contemporain : « Nous n’avons plus idée de ce qu’est la contrainte d’Etat. » Sur les pancartes des manifestants, nous pouvons lire «  Mon corps, mes choix », un raptrochement opportuniste avec les luttes féministes que Tristan Claret-Trentelivres juge pourtant cohérent : « Les droits de l’individu primant, on assiste à une perte de vue de l’intérêt général. Comment parler de dictature sanitaire ? »

Autre interrogatoire : comme il en va de la santé du pays dans son ensemble, la liberté individuelle sans limite n’atteint-elle pas une sorte de contradiction ? : « En cas d’épidémie, et si le vaccin s’avère efficace, c’est la liberté individuelle des personnes non vaccinées qui menace l’intérêt général et non l’inverse. La tentation est trop grande, à l’échelle de l’individu de se constituer passager clandestin et de compter sur une immunité collective. Les mesures coercitives apparaissent donc justifiées », défend Tristan Claret-Trentelivres.
Anne Bouillon, elle, appelle à la vigilance : « Le problème du biopouvoir est qu’il s’intéresse davantage aux manières de renforcer le pouvoir qu’à la vie. Foucault insiste bien sur le caractère technologique de la biopolitique ainsi que sur son exigence de conformité des corps.
C’est là que le noble et louable effort de la science dans l’élaboration des remèdes est dévoyé, il revient à renforcer l’existence du pouvoir. Autrement dit, la vaccination est pervertie quand elle n’est pas le but mais le moyen pour la société de contrôle de se constituer. »

Reste qu’à travers le mouvement antivaccin l’on semble payer, à mesure que l’individu, son corps et sa personne gagnent en sacralité, les conséquences de la désacralisation des institutions (République, armée, Etat, Eglise, Education nationale, autorité parentale).
Qui se souvient du carnet B créé en 1886, contenant les noms des potentiels agitateurs, des personnes à arrêter au moment où surviendrait l’ordre de mobilisation ? Le 2 août 1914, la France entre en guerre et, devant l’évidence de l’Union sacrée, aucun des individus dont le nom figure sur le carnet B n’est finalement inquiété. Le niveau de désobéissance est jugé trop faible ; la loyauté envers le régime est la plus forte ; la République règne. La déclaration de Vendetta n’est-elle pas l’expression dernière de cette érosion de souveraineté ? Un habeas corpus dévoyé, parodique.

 


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09/08/2021

Une terre impossible et un ciel désert

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« Il n'existe aucun recoin sous le soleil ni sous la lune où nous puissions nous étendre dans l'éreintement que toute langueur nous vaut ; il n'y a que la vacuité supraterrestre à quoi nous invite la musique pour nous consoler d'une terre impossible et d'un ciel désert. C'est une contrée intermédiaire entre deux vides qu'elle résume quelque part au croisement d'une double impossibilité. Car la terre n'est pas plus sûre que le ciel -- ainsi ce qu'il reste d'aspiration en nous glisse-t-il vers une incertitude qui participe des deux. »

Emil Cioran, Divagations

 

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